Coup de mou dans le dynamisme de France Télévisions La télévision publique coincée entre valeurs d’hier et enjeux de demain Chacun le sait, la consommation de télévision aujourd’hui n’est plus ce qu’elle était. Tous les groupes médias sont confrontés à la délinéarisation de la télé. Le constat est simple. La télévision s’efface au profit de la vidéo. Les rendez-vous donnés par les chaînes, aux téléspectateurs sont de moins en moins rentables. Elle apparaît de plus en plus comme un média « has been ». Par ailleurs, on assiste à une explosion de la consommation de contenus à la demande. Ces enjeux, les professionnels les connaissent et ils semblent dépassés par cette mutation. L’arrivée de Delphine Ernotte à la tête du groupe public laissait présager un virage dans la stratégie du groupe, notamment en ce qui concerne le digital et les nouvelles pratiques. L’ancienne numéro deux d’Orange a été nommée à la tête du groupe, pour son projet. A l’heure de la convergence entre les médias et les télécoms, cette nomination s’annonçait comme du pain béni.
Une cadre de l’ancien opérateur public de télécommunications représentait une réelle valeur ajoutée. Orange a mené d’une main de maître son passage dans le secteur privé mais a aussi su se positionner pour ne pas s’écrouler face à l’arrivée sur le marché, de l’entreprise Free. Les temps ont été durs mais cette époque là est révolue et Delphine Ernotte a fait partie avec Stéphane Richard du comité exécutif qui a su réorienter la stratégie d’Orange pour contrer les politiques agressives des nouveaux arrivants sur le marché des télécoms.
Un manque criant d’innovation et de dynamisme Pour le moment, l’image dynamique mise en oeuvre chez l’ex-France Télécom, n’a pas été transposée chez France Télévisions. Certes, Delphine Ernotte est en poste depuis le mois d’août 2015 et il est encore très tôt pour pouvoir faire le bilan de son mandat. Mais lors des dernières conférences de presse du groupe, il ne se dégageait pas l’idée d’une mutation ou d’une évolution. Des petits changements cosmétiques ont été apportés aux grilles des différentes chaînes. Ce n’est pas ce que l’on attend! Nous aimerions que l’on nous propose la télévision de demain. Des programmes innovants, une offre de télévision publique repensée pour les nouveaux usages sur le digital. Or, ce qui a été annoncé c’est une volonté de développer les images de marque des différentes chaînes composant l’entité France Télévisions. S’y ajoutent la volonté de créer des « rendez-vous » avec les téléspectateurs en deuxième partie de soirée et la création d’un « label » France pour les fictions françaises. La révolution n’aura pas lui tout de suite! Il semble que les patrons de chaînes n’aient pas saisi l’enjeu des défis de la télévision de demain. Certes, un « Plan création » a été annoncé à l’horizon 2020 (les chaînes porteront leurs investissements dans la création digitale à 10 millions d’euros par an).
Mais, avoir l’ambition de donner des « rendez-vous » alors qu’aujourd’hui les pratiques pour les contourner se multiplient, semble illusoire. Par ailleurs, si l’on souhaite faire revenir les téléspectateurs et gagner de l’audience il serait intéressant de développer une télévision qui colle plus à l’image des français. Delphine Ernotte a révélé il y a quelques jours qu’elle rêverait d’embaucher Laurence Haïm et Yann Barthès. Les animateurs c’est une bonne chose, mais un concept d’émission et de l’innovation c’est mieux. Les audiences sont en souffrance y compris suite aux aménagements mis en place à la rentrée de septembre. Depuis début janvier, les après-midis de France 2 ont été à nouveau modifiés. Sur le digital, pas de changement depuis quelques temps. Outre une cellule de prospective, extrêmement dynamique et un blog (« meta-media ») très intéressant et novateur, pas de révolution à signaler. Un changement attendu avec la nouvelle plateforme « Pluzz » La nouvelle plateforme « Pluzz » devrait être mise en service à partir du mois de mai 2017. La patronne de France Télévisions l’a annoncé à la mi-janvier. Tout d’abord elle changera de nom. Mais sera aussi repensée dans un format plus adapté à l’époque pour un usage simplifié. Elle permettra de visionner les programmes en replay, la VàD et un service VOD. Ce service est l’une des nouveautés annoncées. A priori, il devrait être mis en service à l’automne prochain. Peu
d’informations ont été dévoilées sur ce projet.
Lors du FIPA, à Biarritz, le patron de la RTBF, JeanPaul Philippot a annoncé une éventuelle participation à l’offre de vidéo à la demande par abonnement. On sait également que la patronne du groupe public négocie actuellement ce projet avec plusieurs producteurs, sur le principe du partage des revenus. Les discussions sont en cours notamment avec Banijay Zodiak, Cyber Group Studios, Lagardère Studio, Makever, Mediaparticipations, Univers Ciné, Newen Studios, Millimages, Xilam et Tétramedia. Le business plan de ce projet stratégique n’a pas encore été approuvé en Conseil d’administration. Le service se retrouvera confronté à des concurrents français et internationaux bien installés Enfin, la grande inconnue, et pas des moindres, vont-ils mettre en place une forme de collecte de data à travers le nouveau « Pluzz »? Delphine Ernotte n’a pas évoqué le sujet. Toutes les télévisions de rattrapage demandent au consommateur un minimum de données pour visionner les contenus. Ce n’est pas le cas de France télévisions. On peut accéder aux services en ne donnant aucune information. Or, on se demande si service public et récupération des données de l’utilisateur sont conciliables. L’avenir et les audiences se jouent sur ces informations. Il s’agirait de rattraper le retard accumulé dans le domaine voire même de trouver un compromis entre le fait d’optimiser les audiences via les données tout en préservant la confiance du public. Tisser et préserver un lien avec le spectateur, aujourd’hui, cela passe notamment par le digital.
Charlotte Tomaka