Les rappels de produits – Un retour en arrière systématique ?

Findus – Très à cheval sur la provenance de ses ingrédients ? 

En janvier 2013, en Irlande et au Royaume-Uni, des tests réalisés sur des produits surgelés à base de bœuf produites par la marque Findus révèlent la présence de viande de cheval non déclarée. Le scandale explose et très vite des tests réalisés partout en Europe révèlent la même chose. Findus se voit obligé de procéder à des rappels massifs de produits. Assez vite, l’entreprise se tourne vers ses sous-traitants afin de comprendre l’origine de l’erreur et porte plainte contre ces derniers. Le sous-traitant Comigel met en cause le sous-traitant Spanghero qui accuse elle-même son fournisseur roumain. À la suite de l’enquête, Spanghero sera placée sous liquidation judiciaire, en effet, il est prouvé que les dirigeants de Spanghero étaient au courant de la présence de cheval dans la viande. Depuis, l’ex-directeur de l’entreprise a été condamné à six mois de prison ferme pour son rôle dans l’affaire.

Ce scandale reste l’un des plus scandales de l’industrie agroalimentaire les plus marquants du début de ce 21èmesiècle. Son aspect sulfureux y joue grandement. Lors de cette crise médiatique, les réseaux sociaux ont joué un rôle prépondérant dans la diffusion rapide des informations, tout en agissant à la fois comme un outil d’alerte immédiate mais aussi un catalyseur de réactions en chaîne parmi les consommateurs. Le rôle des réseaux sociaux lors des rappels de produit apparait alors comme un enjeu majeur. Est-ce que les rappels de produits sont toujours un problème si la crise est bien gérée grâce aux réseaux sociaux et de quelle manière les réseaux sociaux sont utilisés pour gérer la perception publique et engager les consommateurs durant une crise.

Le rôle des réseaux sociaux dans les rappels de produits 

Il est possible de parler de rappel de produit dès lors qu’une marque organise le retour d’un produit sur son lieu de production alors que certains exemplaires de ce produit sont déjà entre les mains des consommateurs. L’enjeu de ce type de situation repose sur la rapidité. En effet, si le produit n’est pas conforme, il présente un risque, l’enjeu est d’en informer le plus rapidement les consommateurs afin de limiter les dégâts et les risques sur ces derniers. Le temps est donc l’enjeu principal. Ce qui est intéressant avec les réseaux sociaux c’est qu’étant donné leur nature, ils ont la capacité de jouer ce rôle grâce à leurs capacités de diffusion massive et immédiate de l’information. En d’autres termes, grâce à leur viralité. 

Les rappels de produits sont inévitables, notamment dans l’industrie agro-alimentaire. En effet, le risque zéro étant inexistant malgré les avancées technologiques les rappels de produits sont fréquents. Les réseaux sociaux sont utilisés comme relais d’alertes de produits dangereux comme en témoigne le compte X (anciennement Twitter) @RappelConso, Twitter officiel de la République Française. Ainsi, les réseaux sociaux sont un vaisseau important des rappels de produits, notamment les réseaux qui ont une portée informationnelle, comme X (anciennement Twitter) qui est considéré comme une plateforme de micro-blogging. 

Néanmoins, tous les rappels de produits ne sont pas à l’origine d’une crise médiatique. En effet, les rappels de produits sont fréquents mais tous ne déclenchent pas de scandale. Ainsi quand nous pensons à de récents scandales alimentaires, nous pensons aux pizzas de la marque Buitoni qui ont tué deux enfants début 2022 à cause d’une contamination de bactéries mais peu d’entre nous aurons en tête le rappel de produit du Fromage de Bergues pour présence de listeria monocytogènes.

Quand la gestion de la crise galope vers le chaos 

Au début de sa crise médiatique Findus opte pour une stratégie opaque, peu d’informations sont fournies et cela laisse place à des dérives. Ainsi au début du mois de février 2013 le compte @Findus_France est créé sur X (appelé Twitter à l’époque). Dans un premier temps, une communication plutôt rassurante y est menée. Les tweets indiquent que des contrôles sur les matières premières sont menés et des engagements sont faits sur la qualité et la traçabilité des produits. Très vite, le contenu des tweets change drastiquement et menace les comptes Twitter de particuliers. Les tweets prennent alors tous la même forme « @xxx retirer ce contenu illicite sous peine de poursuites judiciaires. ». Le compte sera rapidement suspendu après une plainte de la part de Findus indiquant qu’ils ne sont pas à l’origine de la création de ce compte. Néanmoins, si cette situation a eu lieu c’est bien car la marque Findus n’a pas communiqué lors de ce début de crise, est restée floue et n’a pas investi tous les réseaux sociaux. L’e-réputation de la marque en prend un coup. 

L’enjeu de l’e-réputation

L’e-réputation se définit comme l’opinion commune sur le Web d’une marque. L’e-réputation est l’identité de la marque telle qu’elle est perçue par les internautes.  

Très vite, ayant compris l’importance de l’e-réputation sur les réseaux sociaux, Findus embauche une société spécialisée dans l’e-réputation, Reputation Squad et procède à un « nettoyage du web ». En effet, la page Wikipédia de la marque est modifiée, la page officielle Facebook est vidée. Cependant, ce type de communication n’est pas forcément plus efficace. Ne pas mentionner le scandale et chercher à l’effacer ont souvent l’effet totalement inverse.  Ce concept est assez connu et porte un nom et c’est l’effet Streinsan. C’est l’idée qu’essayer à tout prix d’interdire la circulation d’une information ne fait qu’apporter de l’attention et la visibilité sur cette dernière. Ainsi, à l’inverse de ce qui peut parfois sembler logique, communiquer de manière claire sur un scandale permet de diminuer son ampleur. En effet, en l’absence de spéculation, quand la situation est assumée et transparente, cela affaiblit la viralité d’un évènement.

Une communication loin d’être glaciale

Nous pouvons comparer la gestion de cette crise médiatique avec cella de Blue Belle Ice Cream qui a été détaillée par Kelsi Opat, Haley Magness et Erica Irlbeck. En 2015, toutes les crèmes glacées de cette marque sont rappelées à cause d’une contamination à la bactérie listeria. La réaction immédiate de la marque est différente de celle de Findus. En effet, dès le début la marque poste sur son compte Facebook des messages contenant des informations sur le rappel et le réapprovisionnement des produits. 

Ces messages à destination des consommateurs mais également des consommateurs potentiels ont créé un sentiment de confiance et de transparence vis-à-vis de la marque. Ainsi, en assumant l’entière responsabilité du problème, Blue Bell Ice Creal créé un sentiment de loyauté et de responsabilité. À l’inverse, la réaction initiale de Findus a été de rejeter la faute sur ses fournisseurs au lieu de prendre tout de suite ses responsabilités. Ce type d’action créé une perte de confiance. 

Nous pouvons dès lors supposer qu’à la différence de Findus, Blue Bell Ice Cream avait une ligne éditoriale claire en cas de rappels de produits et ou de scandale médiatique. Le cas de Blue Bell Ice Cream est encore plus intéressant car la marque a profité de cette crise médiatique pour se rapprocher de ses consommateurs en répondant à leurs questions et en mettant en avant ses employés. Cette stratégie a payé, ainsi en 2016, la marque procède à un rappel de produit spontané, c’est-à-dire un rappel de produit sans que le danger ait été avéré, sur la base d’un danger potentiel. La marque communique cette information sur Facebook qui est accueillie chaleureusement par ses consommateurs comme l’en témoignent les images ci-dessous. 

Ainsi, un rappel de produit n’est pas une fin en soi pour une entreprise, cela peut même être l’occasion pour une marque de développer une image de marque responsable, transparente et engagée. Ainsi même si plus d’une dizaine d’années après le scandale médiatique pour Findus, l’entreprise continue de prospérer, la crise médiatique de la viande de cheval n’a pas été correctement gérée et aurait pu l’être si Findus avait anticipé ce risque potentiel.  

Ce qu’il est important de retenir c’est qu’un rappel de produit peut arriver à n’importe quelle marque et qu’il est important de créer une ligne éditoriale sur les réseaux sociaux claire en amont. Le but étant de pouvoir réagir le plus vite possible et au mieux tout en étant honnête et transparent. 

Chloé Bordenave


 

La communication de crise de Dove face à sa publicité jugée raciste

Que s’est-il donc passé ? 

Le 6 octobre 2017, Dove, une marque du groupe anglais Unilever, poste une publicité Facebook faisant la promotion de son gel douche. Cette dernière met en scène trois femmes enlevant à tour de rôle leurs t-shirts. Une femme noire retire son t-shirt laissant place à une femme blanche qui à son tour ôte son t-shirt laissant place à une femme sud-asiatique. Jusque-là tout va bien. Cependant, le jour suivant, une influenceuse (@NayTheMua) reposte la publicité en s’indignant de son caractère raciste. Très vite, le post devient viral et est relayé par des milliers d’internautes sur les réseaux sociaux (cf. figure 1) dont certaines figures publiques comme l’actrice américaine Gabrielle Union. Determ dénombre ainsi plus de 30 000 posts sur ce sujet et pas moins de 12 000 mentions faisant le lien entre Dove et le terme « raciste » au cours de la semaine. L’opinion est majoritairement négative et l’utilisation d’hashtags tels que #DoneWithDove, #DoveIsRacist et #BoycottDove appellent au boycott de la marque comme c’est souvent le cas lors de crises médiatiques (vandalisme de magasins H&M en 2018, perte d’abonnés de Balenciaga en 2022 etc.). Le sujet est ensuite très vite repris par les médias traditionnels comme le New York Times qui dénonce le colorisme présent historiquement dans certaines pubs pour savons. Le savon étant utilisé dans ces publicités pour « laver » la peau noire jugée « sale ». (cf figure 2)

A gauche la figure 1 (Post Facebook de NayTheMua) et à droite la figure 2 (Ancienne publicité de savon)

De quoi est accusé Dove ? 

Dove est donc accusé par certains de perpétuer une idéologie qui valorise les peaux claires au détriment des peaux foncées, c’est ce que l’on appelle le colorisme. Le problème étant que cette idée pousse encore aujourd’hui à l’utilisation de produits éclaircissants dangereux pour la santé. L’aspect dit « coloriste » de cette publicité va donc à l’encontre des valeurs de la marque qui s’est engagé depuis 2004 à redonner confiance aux femmes et promouvoir une forme de beauté « naturelle » face à des standards de beauté toujours plus exigeants (avec le lancement de la campagne « Dove Campaign for Real Beauty »). En adoptant une position de marque activiste, Dove se doit donc de concerver une bonne image de marque, en préservant une relation de confiance et d’authenticité avec ses clients. Un « scandale » de la sorte, si mal géré, aurait pu venir entacher durablement la réputation de la marque et de facto ses ventes. D’autant plus, que le brand activism de Dove est souvent remis en question du fait de son affiliation au groupe Unilever qui est à l’origine de Fair & Lovely, une marque de produits éclaircissants produit depuis 1975 en Inde, un pays où le colorisme est exacerbé par la société des castes. Chose qui encore une fois est contraire aux valeurs de la marque.

Comment la marque est-elle parvenue à contenir cette nouvelle crise ?

Face à ce tollé, Dove a très rapidement réagi en publiant une série d’excuses sur les réseaux sociaux le jour suivant la polémique. La marque postera ainsi sur X, anciennement connu sous le nom de Twitter, et sur Facebook les posts suivants :

Dove prend ainsi l’entière responsabilité de ses actions sans chercher à trouver un bouc émissaire comme l’a fait Balenciaga en 2022 (Shifting the Blame Strategy, Bradford & Garrett (1995)), ce qui peut avoir un effet contreproductif et agacer le public.

Le 9 octobre, Dove publiera un communiqué plus long sur Facebook expliquant que l’intention de la publicité était de célébrer la diversité des femmes conformément à son engagement[1] tout en reconnaissant son caractère offensant. 

As part of a campaign for Dove body wash, a 3-second video clip was posted to our US Facebook page. It featured three women of different ethnicities, each removing a t-shirt in matching skin tones to reveal the next woman. The visual was intended to convey that Dove body wash is for every woman and be a celebration of diversity, but we got it wrong and as a result offended many people. We are deeply sorry. We have removed the post and have not published any related content. We do not condone any activity or imagery that insults any audience. We are re-evaluating our internal processes for creating and reviewing content.

Dove sur Facebook

En faisant cela, Dove adopte une stratégie d’endiguement pendant la crise en s’excusant pour désamorcer la situation qui est une technique couramment utilisée dans les stratégies de communications de crises (Coombs (2007, 2014), Bradford & Garrett (1995) etc.). Sa réactivité a permis de faire face efficacement à la viralité de la publicité puisque qu’une semaine plus tard les mentions faisant allusion au scandale avaient diminué comme le montre la figure 3 créée par Determ.

Figure 3 : évolution des mentions de Dove en octobre 2017

En cas de crise médiatique, les marques tentent également de mettre en place des mesures correctives (Liu, Jin, Briones & Kuch, 2012) : dans le cas de Dove, la marque a retiré la publicité visée par les accusations en assurant qu’à l’avenir ils seront plus vigilants sur le type de contenus produits afin d’éviter d’avoir des contenus dits « offensants » associés à leurs images. Ils s’engagent ainsi à revoir leur processus de création de publicité ce qui reste tout de même assez vague puisque aucunes actions concrètes n’ont été communiquées. La marque aurait pu par exemple mentionner leur volonté d’investir dans la formation de leur personnel sur ces problématiques.

Enfin, pour redorer son image de marque post-crise et éviter des répercussions négatives sur ses ventes et ses actions (comme ça a été le cas pour H&M en 2018 [2])  Dove adopta les deux stratégies suivantes :

  • La première a été de contacter la mannequin présente dans la vidéo, Lola Ogunyemi, qui a pu expliquer d’elle-même son ressenti face à la situation. Elle se confia ainsi dans plusieurs interviews, exprimant son choc face à la tournure des évènements. La publicité aurait été selon elle prise hors de son contexte original. Et ce, tout en réitérant son expérience positive avec la marque lors du tournage. 

 I can see how the snapshots that are circulating the web have been misinterpreted, considering the fact that Dove has faced a backlash in the past for the exact same issue. There is a lack of trust here, and I feel the public was justified in their initial outrage. Having said that, I can also see that a lot has been left out. The narrative has been written without giving consumers context on which to base an informed opinion 

Lola Ogunyemi, The Guardian

Son intervention a permis à Dove de réitérer indirectement que le caractère dit raciste (qui va à l’encontre de ses principes) de la publicité n’était pas intentionnel.

  • Enfin la deuxième stratégie adoptée par Dove a été de publier des publicités s’alignant davantage avec leurs valeurs comme la vidéo « Let’s Break the Rules of Beauty video », publiée l’année suivante célébrant le caractère multidimensionnel de la beauté qui ne relève pas seulement de l’apparence physique.
Figure 4 : Publicité de Dove de 2011

Malgré les excuses de Dove qui reprennent à la lettre les codes de la communication de crise, de nombreux internautes ont tout de même souligné que Dove n’en était pas à son premier coup d’essai et que la marque avait déjà était accusée, 6 ans plus tôt, d’avoir posté une autre publicité jugée raciste (cf figure 4). On pourrait donc s’interroger d’une part sur la façon dont Dove crée ses publicités et ses choix artistiques qui ne sont pas toujours en adéquation avec ses valeurs et d’autre part sur les plans d’actions concrets que la marque compte mettre en place afin d’éviter à l’avenir d’autres maladresses.

Alicia Nkeletela

Références :

How Social Media Is Changing Crisis Communication Strategies: Evidence from the Updated Literature, Yang Chang, 2016

Crisis Communication Stages of Dove  2017 Racism Issue, Angelia Loreta, Aminy Andawi, 2020

Dove ad isn’t only racial problem for parent company Unilever, Aimee Picchi, CBS News, 2017

I am the woman in the ‘racist Dove ad’. I am not a victim, Lola Ogunyemi, The Guardian, 2017

Dove Is « Deeply Sorry » For Its Insensitive Ad — But There’s Still Work To Do, KHALEA UNDERWOOD, Refinary 29, 2017

H&M ‘racist’ ad adds to company’s woes, RFI, 2018

Dove: real beauty and the racist history, 2017, la Trobe University

Brand Activism as a Marketing Strategy: A Bright Idea Turned Sour, Emma DA PALMA, 2020

Dove Drops an Ad Accused of Racism, Maggie Astor, New York Times, 2017

How Dove’s Reputation Crisis Unraveled On Social Media, Iva Glavinić, 2017, Determ

Dove’s Advertising Campaign Highs and Lows: From Real Beauty to Real Success
to Real Controversy, Bradley Brooks , Dawn Chanland, Steven Cox, Queens 

 Dove Issues Apology  for Ad that appears to show a black woman turning white, Lindsay Schallon, The Glamour

The Power of Consumers on Social Media: A Case Study of Balenciaga’s Crisis Communication, Paula Gárgoles, Gabriela Ambás

A Case Study on Black Twitter’s Reactions to the Framing of Blacks in Dove’s 2017 Facebook Advertisement, June 2020,  Shereena Farrington University of South Florida 


[1] « Chez Dove, notre mission est de faire de la beauté une source de confiance et non d’anxiété. Afin d’atteindre cet objectif, nous aidons les prochaines générations de femmes à developper une relation positive avec leur apparence, nous les aidons à gagner en estime de soi afin qu’elles puissent réaliser leur plein potentiel. » Site de Dove

[2] Après le scandale de 2017, H&M enregistra une baisse de 4% de ses ventes au quatrième trimestre de 2018 ainsi qu’une baisse de ses actions de 35% de janvier à décembre 2017(source : RFI)

L’authenticité à l’ère du marketing d’influence : une étude de cas de la marque Aprizo et de la créatrice de contenu Salimata

À l’ère numérique actuelle, où les consommateurs sont constamment les cibles de messages marketing, l’authenticité est devenue un facteur crucial pour les marques qui souhaitent établir une connexion durable avec leur public. Le marketing d’influence, lorsqu’il est utilisé de manière stratégique et responsable, s’avère être un outil puissant pour promouvoir l’authenticité, tirer parti de la créativité des influenceurs et renforcer la confiance des consommateurs. C’est pourquoi on observe une montée des collaborations entre marques et influenceurs depuis l’avènement des réseaux sociaux.

Cependant, avant même d’élaborer une quelconque stratégie de collaborations avec des micros ou macro-influenceurs, les marques doivent déjà  avoir une très bonne communication avec leurs abonnés et cela passe par un community management et un contenu original et captivant.

La marque Aprizo – anciennement « Infinitus » -, née en 2001, l’a très bien compris. En seulement deux ans, elle a su conquérir sa cible : les femmes âgées de 18 à  35 ans, passionnées de mode et ayant un petit budget. Elle propose des produits de qualité à des prix défiant toute concurrence, dans son magasin situé au centre commercial Torcy Bay 2, en Île-de-France. Son secret réside dans sa stratégie Social Media, dirigée par leur récente employée prénommée Salimata, qui excelle dans la maîtrise des codes de la vidéo virale.

Dans un paysage numérique saturé de contenu sponsorisé, comment la collaboration entre la marque Aprizo et la créatrice de contenu Salimata sur les réseaux sociaux impacte-t-elle la perception de l’authenticité de la marque par les consommateurs ?

Analyse du cas

Aprizo, jeune marque française de mode féminine, a donc choisi de collaborer avec une créatrice de contenu beauté et authentique sur les réseaux sociaux. La collaboration entre Aprizo et Salimata s’est basée sur une compréhension mutuelle des valeurs de chaque partie. Aprizo a d’une part reconnu la créativité et l’engagement de Salimata auprès de son public, tandis que Salimata a d’autre part été convaincue par l’engagement d’Aprizo envers des produits à prix cassés et durables.

À ce jour, Salimata n’est pas qu’une employée de l’enseigne. Elle incarne véritablement « l’essence même de la marque Aprizo sur TikTok » (cf. blog d’Apolline Studio). Salimata a su conquérir les utilisateurs de cette plateforme grâce à son charisme, son humour et son talent d’acting. Les vidéos d’Aprizo la mettant en scène combinent humour et promotion des produits, en plus de créer un lien authentique avec le public. En captivant rapidement l’audience dès les premières secondes à partir de vidéos de chutes, la marque contourne les défenses des consommateurs contre la publicité en ligne.

Origine du phénomène viral

Cette tendance du détournement de videos de chutes virales a des fins promotionnelles provient d’une marque brésilienne nommée « Liliani ». Elle a été l’une des premières à user de ce stratagème en février, avec une video présentant une chute suivie d’un contenu commercial vantant ses matelas. Elle compte aujourd’hui plus de 5 millions de vues.

Ce phénomène a ensuite inspiré un concessionnaire Nissan dans le Texas, qui a publié en mars une video d’un combat de boxe1, utilisant la chute comme transition pour promouvoir ses voitures, cumulant alors 3 millions de vues. Et dans notre cas, cela a incité la marque francilienne à suivre le mouvement dès le 26 mars dernier.2

Impact sur la perception de l’authenticité

La collaboration entre Aprizo et Salimata a eu un impact positif sur la perception de l’authenticité de la marque par les consommateurs. Les publications de Salimata sur les réseaux sociaux ont été reçues avec enthousiasme par ses followers, qui ont apprécié la transparence et l’authenticité de son message.

Plusieurs éléments ont contribué à ce succès :

  • Cohérence entre les valeurs de la marque et de l’influenceur
  • Transparence et divulgation : Salimata a clairement indiqué a ses followers qu’il s’agit de videos créées dans le cadre de son travail de chargée de communication, ce qui renforce la confiance et la crédibilité de sa recommandation
  • Contenu engageant et de qualité : création de contenu créatif et informatif mettant en avant les produits Aprizo d’une manière authentique, drôle et pertinente pour son public
  • Engagement avec la communauté : Salimata répond fréquemment aux commentaires et aux questions de ses followers – via le compte d’Aprizo et via le sien -, ce qui a permis de renforcer l’interaction et la confiance avec sa communauté

Parallèle avec le livre La Vache Pourpre (The Purple Cow) de Seth Godin

Le livre « La Vache Pourpre » de Seth Godin explore le concept de la différentiation dans le marketing. Godin soutient que dans un marché saturé de produits et de services similaires, les entreprises doivent créer des produits « remarquables » qui se distinguent de la concurrence.

Selon l’auteur, les produits remarquables, ou « vaches pourpres », sont ceux qui attirent l’attention des consommateurs et les incitent à en parler. Ils sont uniques, innovants et répondent à un besoin réel ou à un désir des consommateurs.

Pour créer des produits remarquables, Godin recommande aux entreprises de :

  • Oublier les 4 P du marketing mix (produit, prix, place et promotion), qu’il considère comme étant dépassés et ne permettant pas de se différencier efficacement.
  • Prendre des risques : Godin encourage les entreprises à sortir de leur zone de confort et à prendre des risques pour créer des produits innovants.
  • Se concentrer sur la passion en affirmant que les produits remarquables sont créés par des personnes passionnées par ce qu’elles font.
  • Mettre en avant les influenceurs en recommandant aux entreprises de s’associer à des influenceurs qui peuvent aider à promouvoir leurs produits remarquables.

Cas pratique : Aprizo et Salimata sur TikTok

La collaboration entre Aprizo et Salimata sur TikTok incarne parfaitement les principes de Seth Godin. En utilisant Salimata, une influenceuse authentique et passionnée, Aprizo a réussi à créer du contenu remarquable qui a attire l’attention des consommateurs et a renforcé la perception de d’authenticité de la marque.

Les videos de Salimata sur TikTok mettant en avant les produits Aprizo sont à la fois drôles, divertissantes et authentiques.

Aprizo et Salimata : Un duo gagnant sur TikTok pour une marque authentique

Les résultats de cette collaboration sont probants : les vidéos de Salimata ont accumulé des millions de vues, suscitant un fort engouement pour les produits Aprizo. La marque a ainsi bénéficié d’une visibilité accrue et d’une image positive auprès de son public cible.

Notamment, ses deux vidéos les plus vues sur TikTok ont obtenu des taux d’engagement de 8,95% et 10,58%, bien au-dessus de la moyenne habituelle de 3% à 6% sur la plateforme. Cela démontre l’efficacité de la stratégie mise en place par Aprizo et Salimata pour captiver et fidéliser leur audience.

On peut également noter, dans certains commentaires TikTok et Instagram, qu’une partie de leurs abonnés les suivent uniquement pour voir Salimata en action, user de sa créativité pour mettre en avant des produits. Cela pourrait cependant représenter une limite à ce modèle de stratégie de communication. En effet, le but premier d’attirer de nouveaux clients sur place ne serait ici pas atteint, tandis que la notoriété et le nom de la marque seraient bien connus d’un grand nombre de personnes – pas nécessairement clients cependant.

Leçons à retenir

Le cas Aprizo et Salimata illustre plusieurs principes clés du marketing d’influence réussi :

  • Sélection minutieuse de l’image de marque
  • Contenu original et engageant via un format et un ton du contenu s’adaptant à la plateforme et au public cible
  • Transparence assumée à travers la divulgation du contenu commercial renforce la confiance du public cible
  • Engagement avec la communauté via l’interaction avec les followers, indispensable pour diffuser le message de manière organique

En appliquant ces principes, les marques peuvent tirer parti du pouvoir du marketing d’influence pour établir une connexion authentique avec leur public et renforcer leur image.

Conclusion

La collaboration Aprizo et Salimata démontre qu’en misant sur l’authenticité, la créativité et l’engagement, le marketing d’influence peut être un outil puissant pour atteindre les objectifs marketings des marques.

Mélanie MADABOYKO FINTOBAKILA

Références :

1. Tania SOILIHI, stratège des médias sociaux des entrepreneurs

   – Lien : [Tania SOILIHI LinkedIn Post]

https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7178812229901799424?updateEntityUrn=urn%3Ali%3Afs_feedUpdate%3A%28V2%2Curn%3Ali%3Aactivity%3A7178812229901799424%29

2. Naim BENHEBRI, co-fondateur de The Next Influence

   – Lien : [Naim BENHEBRI LinkedIn Post]

https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7182028905032110080?updateEntityUrn=urn%3Ali%3Afs_feedUpdate%3A%28V2%2Curn%3Ali%3Aactivity%3A7182028905032110080%29

3. Laurent BARSANTI, chef de projet chez FoodAffairs

   – Lien : [Laurent BARSANTI LinkedIn Post]

https://www.linkedin.com/posts/laurent-barsanti-b6b474144_un-exemple-de-purple-cow-et-dinnovation-activity-7186713117945397248-n5Nh?utm_source=share&utm_medium=member_desktop

4. [Critique du livre “La Vache Pourpre” (The Purple Cow) de Seth Godin]

https://www.conseilsmarketing.com/referencement/critique-du-livre-the-purple-cow-de-seth-godin/

5. [Apolline Studio : « Le pouvoir des trends Tiktok avec la marque Aprizo »]

https://apolline-studio.fr/le-pouvoir-des-trends-tiktok-avec-la-marque-aprizo/

6. [20 minutes, TikTok : Des magasins parodient des chutes virales pour faire la promotion de leurs produits, et ça marche (vraiment)]

https://www.20minutes.fr/arts-stars/insolite/4087188-20240418-tiktok-magasins-parodient-chutes-virales-faire-promotion-produits-ca-marche-vraiment

7. [Kolsquare : COMMENT CALCULER SON TAUX D’ENGAGEMENT SUR TIKTOK ?]

https://www.kolsquare.com/fr/blog/comment-ameliorer-son-taux-dengagement-sur-tiktok

  1. Vidéo TikTok – Central Houston Nissan – 22/03/2024 ↩︎
  2. Vidéo TikTok – Aprizo – 26/03/2024 ↩︎

« Community Notes » sur Twitter : un outil efficace contre les fausses informations ?

En octobre 2023, suite à l’attaque du Hamas contre Israël, la Commission européenne, ainsi que l’Arcom, a adressé un avertissement à la plateforme de réseaux sociaux Twitter, désormais connue sous le nom de X. L’intervention des autorités visait à modérer la diffusion de contenu inapproprié lié à cet événement, incluant de nombreuses vidéos, images et informations fallacieuses. La mise en garde de la Commission européenne et de l’Arcom à l’encontre de X, s’inscrit dans une continuité réglementaire. En effet, cette intervention n’était pas la première du genre. Déjà en octobre 2022, peu après le rachat de la plateforme par Elon Musk, l’Arcom avait rappelé à X ses obligations légales concernant la modération des contenus en ligne. Ces rappels successifs soulignent l’attention accrue des autorités régulatrices sur les pratiques de modération des réseaux sociaux, particulièrement dans le contexte de gestion des crises et de la désinformation.

La lutte contre la désinformation s’intensifie, confronté à des obstacles majeurs tels que la prolifération rapide de nouveaux contenus et la difficulté à discerner le vrai du faux. Cet enjeu, qui doit aussi ménager un équilibre délicat entre la liberté d’expression et la nécessité de limiter la propagation de contenus illicites ou préjudiciables, pousse les plateformes à innover dans leurs approches. En réponse à cette complexité croissante, plusieurs d’entre elles ont récemment adopté des stratégies de modération participative, invitant les utilisateurs à jouer un rôle actif en signalant les publications susceptibles de transgresser leurs règles. L’une des méthodes de modération les plus notables est celle mise en œuvre par la plateforme X : les Notes de la communauté. Initialement testée aux États-Unis en 2021, cette approche a été adoptée à grande échelle à l’international suite à l’acquisition de la plateforme par Elon Musk.

Qu’est qu’une note de communauté et comment cela fonctionne ?

Les notes de communauté sur Twitter (X), un outil novateur de modération participative, visent à lutter contre la désinformation en permettant aux utilisateurs de la plateforme de contribuer à la vérification des faits. Ce système fonctionne grâce à l’engagement collaboratif des membres de Twitter (X), qui peuvent apposer des annotations sur les tweets qu’ils jugent trompeurs ou inexacts. Ces notes sont ensuite visibles par tous, offrant un contexte additionnel qui aide les autres utilisateurs à mieux interpréter les publications.

Le fonctionnement est relativement simple : une fois qu’un tweet est signalé, il est examiné par des contributeurs qui évaluent son exactitude. Si une note est approuvée par suffisamment de vérificateurs, elle est publiée sur le tweet en question, offrant ainsi une forme de validation ou de correction publique. Cette méthode vise non seulement à décourager la diffusion de fausses informations, mais aussi à encourager une culture de la transparence et de la responsabilité parmi les utilisateurs.

L’impact de ces notes se manifeste particulièrement dans les domaines sensibles comme la politique et la publicité. Par exemple, lorsqu’un politicien prétend à tort que les écoles françaises ont historiquement exigé le port de l’uniforme, une note basée sur des sources fiables, telles que des articles de presse vérifiés, peut corriger cette affirmation. De même, dans le cas des conditions d’utilisation d’un réseau social, les notes peuvent clarifier des malentendus courants en s’appuyant sur des documents officiels ou des archives web pour démontrer que certaines pratiques, comme l’utilisation des contenus des utilisateurs, étaient déjà en place bien avant leur mention récente.

Les publicités ne sont pas épargnées par cette vérification ; des notes ciblent souvent des annonces prétendant des bénéfices exagérés ou pratiquant le « dropshipping » sans transparence. Ces interventions permettent de protéger les consommateurs contre des pratiques commerciales douteuses, en exposant la réalité derrière des offres trop alléchantes pour être vraies.

Parfois, le zèle des contributeurs peut mener à ce que certains considèrent comme du « pinaillage » — des corrections de détails minuscules qui, bien que techniquement corrects, peuvent sembler excessifs. Cependant, même ces interventions minimes jouent un rôle dans l’élaboration d’un discours en ligne plus précis et mesuré, reflétant la mission de la plateforme d’encourager une communication honnête et informée.

Des limites à considérer…

Les Notes de la communauté de Twitter (X), bien qu’efficaces dans la lutte contre la désinformation, rencontrent cependant des limites inhérentes à leur popularité et à leur mode de fonctionnement. Prévues pour enrichir le débat public par des corrections et des clarifications, ces notes sont parfois victimes de leur propre succès. En effet, leur usage excessif tend à diluer leur impact, transformant potentiellement un outil de vérification en un moyen de surinformation.

Un autre problème réside dans leur structure même : rédigées et évaluées par les utilisateurs via un système de votes, les Notes de la communauté peuvent être manipulées par des groupes organisés. Ces derniers, agissant de concert, peuvent influencer la visibilité des corrections, en promouvant ou en supprimant des notes selon leurs intérêts, qu’ils soient politiques ou autres. Cette dynamique peut compromettre l’objectivité et la neutralité des informations, permettant à certaines vérités factuelles de se retrouver injustement écartées ou à des narratifs biaisés de prévaloir.

Les notes de la communauté de Twitter (X) sont-elles efficaces ?

Dans une étude récente, des chercheurs de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de HEC Paris ont examiné l’efficacité des Notes de la communauté de Twitter (X),. L’objectif était de déterminer si ajouter des annotations contextuelles à des tweets potentiellement trompeurs pourrait réduire leur viralité.

L’analyse s’appuie sur une base de données de quelque 285 000 notes collectées via le programme de Notes de la communauté de Twitter (X). Les résultats montrent une réduction notable de la diffusion des tweets annotés. Concrètement, la présence d’une note diminue de presque 50% le nombre de retweets. De plus, les tweets avec notes ont 80% plus de chances d’être supprimés par leurs auteurs, un indicateur que les utilisateurs reconsidèrent peut-être le contenu partagé en présence de contexte supplémentaire.

Cependant, l’étude révèle aussi une limitation majeure : l’efficacité des notes est fortement dépendante de leur rapidité de publication. Avec un délai moyen de 15 heures avant qu’une note ne soit publiée, la plupart des tweets atteignent déjà une large audience avant que l’intervention n’ait lieu, ce qui limite l’impact global du programme.

Face à ces constatations, les chercheurs recommandent une mise en œuvre plus rapide des notes pour améliorer leur efficacité. Ils soulignent que, bien que la modération de contenu pilotée par la communauté montre un potentiel certain, sa capacité à contrer efficacement la propagation de fausses informations est entravée par les retards dans l’application des annotations.

Cette étude vient enrichir le débat sur les stratégies de modération de contenu sur les réseaux sociaux, en démontrant l’importance de la rapidité et de la précision dans les interventions visant à réduire la diffusion de l’information trompeuse. Les résultats encouragent d’autres plateformes à envisager des approches similaires, tout en soulignant la nécessité d’améliorations technologiques et organisationnelles pour maximiser leur impact.

Quel avenir pour ces Notes de la communauté ?

En matière de régulation et d’impact sociétal, les Notes de communauté émergent comme un modèle potentiel pour d’autres plateformes désireuses de responsabiliser leurs utilisateurs dans le combat contre la désinformation. Ce système de modération participative pourrait bien servir de référence pour les législateurs et les organismes de régulation, à l’heure où s’esquissent de nouvelles législations sur la gestion des contenus numériques tels que le Digital Service Act. L’efficacité croissante de cette méthode, sous réserve de certaines améliorations essentielles, la positionne comme un futur standard industriel susceptible d’améliorer la transparence et l’intégrité des informations partagées sur les réseaux sociaux. Malgré les défis présents, l’évolution des Notes Communautaires pourrait marquer un tournant dans les pratiques de modération en ligne, s’inscrivant dans une démarche collective vers des espaces numériques plus fiables et véridiques.

Si Hao Li

Bibliographie et sitographie

https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/sur-twitter-x-une-montee-de-la-desinformation-depuis-lattaque-du-hamas-1986245

https://www.radiofrance.fr/franceinter/avec-les-notes-de-communaute-twitter-x-marche-sur-les-pas-de-wikipedia-8574656

https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/vrai-ou-faux-les-community-notes-du-reseau-social-x-luttent-elles-efficacement-contre-la-desinformation_6051188.html

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/veille-sanitaire/veille-sanitaire-du-jeudi-31-aout-2023-8788843

https://www.bloomberg.com/graphics/2023-israel-hamas-war-misinformation-twitter-community-notes

https://theconversation.com/les-utilisateurs-de-x-doivent-lutter-seuls-contre-la-desinformation-qui-y-sevit-216779

Casilli, A. A. (2019). En attendant les robots-Enquête sur le travail du clic. Média Diffusion.

Chuai, Y., Tian, H., Pröllochs, N., & Lenzini, G. (2023). The Roll-Out of Community Notes Did Not Reduce Engagement With Misinformation on Twitter. arXiv preprint arXiv:2307.07960.

Renault, T., Amariles, D. R., & Troussel, A. (2024). Collaboratively adding context to social media posts reduces the sharing of false news. arXiv preprint arXiv:2404.02803.

Boeing, une communication qui bat de l’aile

Depuis le début de l’année, Boeing traverse une crise sans précédent suite aux incidents qu’ont subi un de ses modèles d’avion commercial, amplifiée par les réseaux sociaux. Retour sur la stratégie de communication de l’avionneur, qui doit faire face à des conséquences économiques lourdes et une réputation difficile à restaurer.

Photo prise par un internaute lors du vol de l’Alaska Airlines entre Portland et Ontario

L’image a fait le tour des réseaux sociaux : le 5 janvier dernier, lors d’un vol de l’Alaska Airlines reliant Portland et Ontario, une porte s’est détachée de la carlingue de l’avion, provoquant la dépressurisation de l’avion et la panique des passagers. Le modèle d’avion concerné, un Boeing 737 Max 9, n’en est cependant pas à sa première défaillance. En effet, on recensait déjà des incidents avec ce même modèle depuis plusieurs années, dont notamment deux crashs en 2018 et 2019, faisant près de 350 morts.

Un déjà-vu communicationnel qui ne porte pas ses fruits

Face aux images qui se sont diffusées très rapidement sur les réseaux sociaux, Boeing a dû entrer en gestion de crise, et actionner plusieurs leviers de communication. Chacun des réseaux sociaux de l’entreprise a été mobilisé de manière différente, et force est de constater que les modes de communication ont été particulièrement disparates.

C’est sur X (anciennement Twitter) que la réaction a été la plus rapide : la compagnie a pu informer ses clients en temps réel sur la situation, et rendre compte de ses actions.

Boeing a radicalement adapté sa communication habituelle, adoptant un ton formel et partageant régulièrement communiqués de presse et mises à jour sur les enquêtes en cours ainsi que les différents remaniements organisationnels. Toutefois, cette stratégie communicationnelle du direct et de la transparence n’a pas été adoptée sur tous les médias sociaux de Boeing. Sur Facebook par exemple, où l’entreprise a un rythme de publication plus élevé et met en avant des contenus plus authentiques et personnels, la réaction a été bien différente. Boeing n’a pas mis en pause sa stratégie de communication habituelle, et a continué à publier sur l’ensemble de ses activités. Seulement les premières mises à jour concernant la crise ont été relayées, contrairement aux communiqués de presse qui se sont vus oubliés.  

C’est finalement sur Instagram que la communication de crise a été la plus légère. Aucune publication au lendemain des évènements, Boeing a attendu plusieurs mois pour mettre en avant sa nouvelle politique de contrôle qualité renforcé.

Dans un monde interconnecté, ces différences de transparence n’ont pas été suffisantes pour effacer et limiter la viralité de la crise sur certains réseaux : les commentaires des internautes restent les mêmes, et demandent tous à Boeing de rendre des comptes sur les différentes affaires en cours. Une stratégie de communication de crise qui n’a par ailleurs pas beaucoup changé depuis la crise du 737 Max 8 en 2019 : l’entreprise avait mis en œuvre les mêmes mécanismes, affichant déjà des faiblesses dans sa gestion de crise.  

Les médias sociaux ont permis un renversement de pouvoir pour les consommateurs. La culture de l’immédiateté, permise techniquement par les réseaux sociaux, a grandement fait évoluer les stratégies de gestion de crise. Les entreprises, exposées à l’enjeu du direct et à une époque où les informations se diffusent quasi instantanément, se doivent de développer un sens accru de la réactivité. Et contrairement aux médias traditionnels, elles doivent également faire face aux réactions des internautes, dont la parole peut se placer sur un pied d’égalité avec les marques, voire totalement la surpasser lorsqu’elle se massifie. Il suffit de regarder n’importe quelle publication de Boeing, en rapport ou non avec les 737 Max 9, pour s’apercevoir du poids des critiques perpétuelles que reçoit l’avionneur. L’enjeu de l’urgence de la gestion de l’information se pose d’autant plus qu’il est particulièrement complexe de démentir des informations devenues virales. Comment se dépêtrer des accusations de négligence en matière de sécurité, quand les images et les témoignages des internautes sont ceux qui font les audiences les plus fortes ? D’autant plus que dans un secteur comme l’aviation, qui fait déjà l’objet de peurs irrationnelles et de récits sensationnalistes, il est plus difficile qu’ailleurs de rétablir une confiance aussi gravement atteinte et imagée.   

Une crise de résolue, dix de plus à affronter

En gestion de crise, admettre fait partie des principales stratégies dont une entreprise dispose pour tenter de se sortir d’affaire. Bien que reconnaître une faute ne soit pas un comportement toujours inné, il se fonde ici sur un principe de la théorie des jeux : l’admission de la crise est motivée par le pari d’une réduction du temps d’exposition médiatique d’une affaire, évitant dès lors la multiplication d’investigations journalistiques et judiciaires. Pari raté pour Boeing.

Quelques jours après le premier incident d’Alaska Airlines, d’autres vols se voient perturbés par des pannes, des dysfonctionnements et des défaillances du Boeing 737. Début mars, la porte de la soute d’un avion est retrouvée ouverte à l’atterrissage, Boeing ayant essayé de dédouaner la responsabilité du modèle d’avion. Un autre Boeing 737 perdra une roue en plein vol peu après, dans un énième épisode d’une crise fortement relayée qui ne semble que s’alourdir, sans aucune autre issue de sortie que mettre en œuvre des contrôle de qualité renforcé. L’anxiété générale se voit d’autant plus amplifiée quand John Barnett, ancien salarié de Boeing et lanceur d’alertes au sujet des processus de production insécures de l’entreprise, est retrouvé mort peu après des auditions contre son ancien employeur, contre qui il avait intenté une action en justice pour un départ à la retraite prématuré.

L’accumulation des crises a eu raison de la position de Dave Calhoun, CEO de Boeing, qui s’est vu contraint de démissionner, preuve de l’ampleur de la crise et de la menace réputationnelle qui pèse sur l’entreprise et ses responsables. « Nous devons continuer à réagir à cet accident avec humilité et une transparence totale. Nous devons également faire preuve d’un engagement total en faveur de la sécurité et de la qualité à tous les niveaux de notre entreprise. », déclarait-t-il dans une lettre adressée aux employés de la compagnie. Et bien que l’annonce de son départ et des futures restructurations organisationnelles à venir dans l’entreprise ait pu désamorcer en partie la crise, l’annonce du bonus de départ de 24 millions de dollars de Dave Calhoun, qui a provoqué de fortes réactions négatives, relève encore une fois d’une faute dans la stratégie communicationnelle de Boeing, qui semble peiner à sortir d’un cercle vicieux pour sa réputation.  

Le cours de l’action Boeing en chute libre

Mais les défaillances sécuritaires de Boeing n’ont pas seulement entaché la réputation de l’aviateur auprès des consommateurs, puisqu’elles ont également brisé la confiance des actionnaires de l’entreprise. Les internautes, par le biais de leur prises de position massives et virales influencent les investisseurs plus qu’auparavant, grâce à leur pouvoir d’action sur la réputation d’une entreprise. Bien que la tendance globale du cours de l’action Boeing ait été à la baisse, les moments de chute libre qu’on peut observer correspondent parfaitement aux différentes crises qu’a connu l’entreprise récemment. Depuis le début de l’année, la valeur de l’action de Boeing a chuté de 29%, en faisant une des compagnies les moins performantes du S&P 500, de quoi déplaire aux investisseurs.

Comparaison du cours des actions Boeing et Airbus depuis novembre 2023

Une dégradation qui bénéficie d’ailleurs grandement à son concurrent européen de toujours, Airbus, qui a vu le cours de son action augmenter de 30% en l’espace de six mois. Les compagnies aériennes, principales clientes de Boeing, subissent de plein fouet cette crise et les nombreux contrôles de sécurité, gardant à terre une partie de leur flotte.

Pour Boeing, le chemin vers la restauration de sa réputation semble être un marathon semé d’embûches, où chaque pas vers la transparence et l’amélioration de la sécurité est crucial. L’avenir de l’aviateur américain dépendra de sa capacité à assurer une rigueur sans faille dans chaque aspect de sa production tout en montrant que les restructurations organisationnelles ne sont pas qu’un simple geste communicationnel.

Barbara S.

Autres références

  • MANGA, Xavier, 2018. La communication de crise à l’ère des médias socionumériques
  • Wiertz, Nathan ; Philippe, Clément. Gestion de crise en entreprise : étude du cas de Boeing lors de la crise du 737 MAX et de l’effet des stratégies sur les médias. Louvain School of Management, Université catholique de Louvain, 2021

Intelligence artificielle et réseaux sociaux : quel avenir ?

Près de vingt ans après la création de Facebook, les réseaux sociaux se retrouvent à un moment décisif de leur évolution, marqué par l’avènement de l’intelligence artificielle.

Les réseaux sociaux sont devenus indispensables dans notre quotidien, remodelant nos interactions sociales et notre manière de consommer l’information, ainsi que notre participation à la sphère publique. Ces plateformes offrent à chacun la possibilité de partager du contenu potentiellement viral. Toutefois, la création de contenu original, la gestion d’audiences étendues et le maintien d’une présence constante face à la masse de publications incessantes peuvent s’avérer complexes.

Facebook a été parmi les premiers à intégrer ces avancées technologiques à tous les niveaux de sa plateforme. En 2013, Mark Zuckerberg fait appel à Yann Le Cun, chercheur français en intelligence artificielle et figure de proue de l’apprentissage profond, pour superviser son laboratoire dédié à l’IA. Ces avancées sont mises en œuvre lorsque le réseau social propose du contenu basé sur les centres d’intérêt des utilisateurs, recommande des contacts en fonction de leur activité, identifie automatiquement les personnes dans les photos grâce à la reconnaissance faciale, ou analyse les images publiées pour garantir leur conformité aux règles de la plateforme.

Alors que ces plateformes ont déjà intégré l’IA depuis leur création, l’avènement d’outils tels que ChatGPT, Gemini ou encore DALL-E pourrait transformer radicalement les pratiques de création et d’utilisation sur ces plateformes. Les possibilités offertes par l’intelligence artificielle sont tellement vastes qu’il est difficile d’en dresser une liste exhaustive.

Une amélioration des fonctionnalités déjà existantes grâce à l’IA

Depuis son intégration dans les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle ouvre de nouvelles perspectives, enrichissant les fonctionnalités des plateformes et offrant une expérience utilisateur plus personnalisée et pertinente. Cette technologie va bien au-delà des capacités des CRM traditionnels en collectant et en analysant des quantités massives de données. Cette analyse en profondeur permet de comprendre les préférences des utilisateurs, aidant ainsi les marques à ajuster leurs campagnes en temps réel en se basant sur des métriques clés telles que les taux de clics et de conversion.

En outre, grâce à des algorithmes d’apprentissage automatique, l’IA analyse le comportement des utilisateurs pour leur recommander du contenu pertinent, des contacts potentiels ou des groupes d’intérêt. Elle est également utilisée par les annonceurs pour le ciblage et les recommandations publicitaires. Cette personnalisation renforce l’engagement des utilisateurs et facilite les connexions entre les consommateurs et les marques. Des plateformes telles que YouTube, Spotify ou encore Netflix proposent des vidéos, de la musique et des films en fonction de l’historique de navigation de chaque utilisateur, alimentant ainsi leurs modèles d’intelligence artificielle avec les données récoltées.

Par ailleurs, l’IA est également utilisée pour détecter automatiquement les contenus inappropriés, tels que les discours de haine ou le harcèlement en ligne. Cette capacité renforcée permet de maintenir des environnements en ligne sûrs et respectueux, favorisant ainsi la confiance entre les utilisateurs et les marques. Facebook, par exemple, a récemment eu recours à l’IA pour rejeter automatiquement les contenus identifiés par un humain comme des fausses informations.

Enfin, sur les réseaux sociaux, l’IA peut automatiser certaines tâches telles que la planification et la publication de contenu. Cette automatisation libère du temps pour les spécialistes du marketing, leur permettant de se concentrer sur la création de stratégies de contenu innovantes et créatives.

De nouvelles interactions

Au-delà des fonctionnalités natives des plateformes, l’intelligence artificielle ouvre un champ immense de possibilités pour révolutionner nos interactions en ligne et, par extension, la manière dont les marques exploitent les médias sociaux pour accroître leur notoriété et leur visibilité.

De nos jours, de plus en plus d’entreprises font appel à l’intelligence artificielle pour créer des chatbots sur les réseaux sociaux. Ces agents conversationnels, de plus en plus sophistiqués, peuvent répondre instantanément et de manière personnalisée aux questions des utilisateurs, permettant ainsi aux entreprises d’offrir un service client plus réactif et efficace.

Grâce à l’intelligence artificielle, la barrière linguistique n’est plus un obstacle majeur. Cette technologie permet aux utilisateurs de communiquer et de partager du contenu dans différentes langues, favorisant ainsi la diversité et l’inclusion en ligne. Pour les marques, cet outil représente une opportunité précieuse pour conquérir de nouveaux marchés à l’international.

Par ailleurs, l’intelligence artificielle peut jouer un rôle essentiel dans le filtrage et le tri des informations circulant sur les réseaux sociaux en fonction de leur fiabilité. Cette fonctionnalité permet aux utilisateurs d’accéder à des contenus de qualité et de lutter contre la propagation de fausses informations. En conséquence, les marques bénéficient d’une protection contre le risque de désinformation, préservant ainsi le lien de confiance avec leur audience.

L’impact de l’IA générative

En plus de son utilisation traditionnelle, l’intelligence artificielle générative a profondément remodelé les réseaux sociaux. Par exemple, depuis l’été 2023, TikTok propose une fonctionnalité permettant de générer automatiquement un avatar. De même, Snapchat Plus a lancé « MyAI« , une fonctionnalité réservée aux abonnés, capable de tenir des conversations sur divers sujets, d’analyser des images et de créer des filtres.

La création de contenu est également devenue plus accessible. Grâce à des outils tels que ChatGPT ou DALL-E, il est désormais très simple de produire des contenus textuels, des photos ou des vidéos susceptibles de devenir viraux. Nous pouvons même anticiper l’émergence d’outils de création de plus en plus sophistiqués, capables de générer du contenu plus attractif, de meilleure qualité et parfois indiscernable de celui créé par un être humain.

Parallèlement, l’IA générative est de plus en plus exploitée dans le domaine de la publicité sur ces plateformes. Google Ads a intégré cette technologie dans ses outils d’optimisation publicitaire, permettant ainsi aux marques d’interagir directement avec Google Ads pour configurer leurs campagnes. De son côté, Meta a récemment lancé « AI Sandbox » pour les annonceurs, une sélection d’IA générative conçue pour les aider à concevoir des publicités.

L’IA et les réseaux sociaux, une menace pour l’information ?

L’émergence de l’IA peut cependant être une menace supplémentaire pour le journalisme et la vérification de l’information. Leur légitimité était déjà remise en question par la présence des réseaux sociaux. Le scandale Cambridge Analytica lors des élections présidentielles américaines de 2016, au cours duquel les données personnelles de dizaines de millions d’utilisateurs de Facebook se sont retrouvées sans leur consentement entre les mains d’une firme ayant travaillé pour la campagne de Donald Trump, est un des exemples les plus marquants de la montée de la désinformation dans le monde.

La recherche du buzz favorise-t-elle donc la diffusion de propos provocateurs et extrêmes, ces derniers étant encouragés par les algorithmes des plateformes ? De plus, avec l’avènement de l’IA générative capable de produire du contenu, que ce soit des textes ou des images, se pourrait-il que le contrôle de l’information soit exclusivement entre les mains de ceux qui maîtrisent le mieux ces nouveaux outils ? Aujourd’hui, selon Radio France, 57 % des citoyens français estiment qu’il est nécessaire d’être prudent vis-à-vis des informations diffusées par les médias sur les grands sujets d’actualité. De plus, un quart des personnes âgées de 18 à 34 ans s’informent via des influenceurs, tandis que 42 % des moins de 35 ans se montrent réceptifs à la possibilité de lire des articles rédigés par une intelligence artificielle.

La multiplication des « deep fakes » grâce à l’intelligence artificielle accélère ce phénomène de désinformation, et la défiance qu’ont les citoyens envers l’information. Aujourd’hui l’IA est utilisé pour des tentatives de manipulation de l’information. En effet, de nombreuses attaques, notamment russes, coïncide avec l’arrivée de l’IA qui donne un pouvoir colossal à la malveillance et à la volonté de déstabiliser les élections européennes, en juin prochain. L’élection présidentielle en Slovaquie à l’automne 2023 avait déjà été prise pour cible. Le candidat de gauche avait été victime d’un deep fakes audio qui a été publié pendant la période moratoire, juste avant le scrutin du week-end, causant ainsi sa défaite.

Face à cette montée des deep fakes, les principaux acteurs doivent lutter contre la désinformation. Il est impératif de rester attentif aux implications éthiques et sociales de cette évolution. Les décideurs politiques, les régulateurs et les entreprises doivent collaborer pour élaborer des cadres réglementaires solides qui protègent les droits des utilisateurs tout en favorisant l’innovation. Le vote d’un nouveau règlement nommé Artificial Intelligence Act en décembre 2023 converge vers cette idée de régulation de l’intelligence artificielle.

L’IA doit ainsi être utilisée pour lutter contre la propagation de fausses informations, en promouvant des sources d’information fiables et en vérifiant les faits. Dans ce sens, Meta a annoncé ces dernières semaines qu’il identifiera à partir de mai 2024, les sons, images et vidéos générés par l’intelligence artificielle sur ses réseaux sociaux, en apposant la mention « Made with AI » sur un grand nombre de contenus générés automatiquement.

Selim Amara

Sources :

Structuration, conception et animation des réseaux sociaux : l’avenir de la sociabilité numérique dans nos sociétés.

À l’ère de l’information numérique et de la communication instantanée, les réseaux sociaux sont au cœur de nos modes de vie. Espace virtuel de partage, ils nous permettent d’interagir sur Internet en partageant photos, vidéos, opinions, idées où un certain nombre d’évènements de la vie quotidienne. Si des géants comme Facebook, Instagram, Snapchat où Twitter dominent le paysage, ils sont néanmoins source de vives critiques qui fragilisent leur hégémonie. Une vague de plateformes alternatives, comme BeReal, Mastodon, ou des réseaux plus spécialisés tels que Truth Social et Parler, commencent ainsi à émerger. Cette diversification suggère un futur où la sociabilité numérique pourrait prendre des formes variées pour mieux répondre aux besoins spécifiques de ses utilisateurs.

Les réseaux sociaux, vers le début d’une nouvelle ère ?

L’intégration des réseaux sociaux sur Internet remonte au début du XXIème siècle avec la mise en service de Sixdegrees.com en 1996 puis quelques années plus tard de Meta (anciennement Facebook) en 2004 et de Twitter en 2006. Initialement, ces derniers furent mise en place pour donner la possibilités aux utilisateurs de combiner les interactions personnelles avec la communication de masse. Cela permettait ainsi à ces derniers de pouvoir converser avec des amis, partager des photos personnelles ou des moments de vie privée tout en ayant la possibilité de diffuser des messages à un plus large public.

Même si l’objectif n’a concrètement pas changé, la priorité de ces plateformes à trouver des sources de revenus et un modèle économique stable les a poussé à transformer leurs mode de fonctionnement. Si il est toujours possible de voir les publications de ses amis, de les commenter où de converser à travers des groupes ou des messageries privées, une partie de notre temps d’écran sur ses plateformes est désormais centré vers de courtes vidéos d’inconnus ou de médias sociaux, soigneusement choisi selon notre profil.

L’algorithme plutôt que le social ?

Dans la course effrénée pour maximiser l’engagement des utilisateurs, les réseaux sociaux ont progressivement accordé une place prépondérante à des algorithmes de plus en plus sophistiqués. Conçus pour analyser et prédire les préférences des utilisateurs, ils façonnent désormais le contenu que chacun voit sur son fil d’actualité. À l’origine, l’idée était de rendre l’expérience utilisateur plus personnalisée et pertinente, cependant, cette personnalisation a peu à peu glissé vers une logique de maximisation du temps passé sur les plateformes. En effet, les algorithmes tendent à privilégier le contenu susceptible de provoquer des réactions immédiates et répétées, telles que les vidéos virales ou les posts polarisants. Ce phénomène a ainsi réduit la visibilité des interactions plus personnelles et significatives au profit de contenus souvent superficiels et divertissants. Cette transformation a eu un impact direct sur la nature des échanges sur les réseaux sociaux, déplaçant l’axe central de « social » à « spectacle », où les utilisateurs sont guidés vers un flux continu de contenus optimisés pour capter leur attention.

Un temps d’écran qui ne cesse d’augmenter

Commençons d’abord par mettre du relief dans nos propos. Aujourd’hui, le temps d’écran sur les smartphones consomment en moyenne un quart des heures d’éveil par individu. À leur tour, le temps passé sur les réseaux sociaux correspond environ à la moitié du temps d’écran des téléphones portables. En prenant des journées de 15h, nous passons donc en moyenne pas moins de 2h de notre temps quotidien sur ces plateformes.

L’augmentation du temps d’écran est une conséquence directe de l’efficacité des algorithmes des réseaux sociaux à capturer et à retenir l’attention des utilisateurs. Cette stratégie est doublement bénéfique pour les plateformes : elle augmente à la fois le volume de publicités vues et la quantité de données collectées sur les préférences et comportements des utilisateurs.

Plus les individus passent de temps en ligne, plus ils sont susceptibles de réagir à des contenus variés, enrichissant ainsi les bases de données qui alimentent les algorithmes. Cette boucle de rétroaction crée un environnement où les utilisateurs sont incités à consommer toujours plus de contenu, souvent au détriment de leur bien-être.

Plusieurs études ont par la suite vivement critiqué le fonctionnement des réseaux sociaux en montrant que l’excès de temps passé sur les réseaux sociaux peut mener à des sentiments d’isolement social, d’anxiété, et de dépression, surtout chez les jeunes. (dès 2014, es chercheurs de l’université de Pittsburgh (Pennsylvanie) se sont intéressés à cette relation, publiant leurs résultats dans l’American journal of preventive medicine.)

Les réseaux sociaux au cœur de la désinformation

La structure même des réseaux sociaux crée un environnement propice à la diffusion rapide de « fake news ». Ces dernières se propagent en effet facilement en utilisant la tendance des algorithmes à favoriser les contenus qui génèrent de l’engagement, qu’il s’agisse de likes, de partages ou de commentaires. Le problème est d’autant plus important du fait les utilisateurs viennent à être enfermer dans des bulles informationnelles, où ils sont principalement exposés à des opinions et des faits qui renforcent leurs croyances préexistantes. Cela limite l’exposition à des perspectives diverses mais renforce également les préjugés. Les plateformes de réseaux sociaux sont ainsi devenues des acteurs puissants dans la configuration du discours public, avec une capacité sans précédent à influencer tant les individus que les dynamiques sociétales et politiques à grande échelle.

Une diversification du réseau social traditionnel

Structuration des réseaux sociaux alternatifs :

De nouveaux réseaux sociaux cherchent à se différencier des « géants du web » en adoptant des structures qui favorisent la décentralisation et l’autonomie des utilisateurs. Ces plateformes, telles que Mastodon ou diaspora*, utilisent des architectures fédérées ou distribuées où les serveurs opèrent de manière indépendante, permettant aux communautés de gérer leurs propres espaces tout en restant connectées au réseau global. Cette structure offre plusieurs avantages notables :

D’abord, elle permet de favoriser la protection des données personnelles : Contrairement aux modèles centralisés, où les données des utilisateurs sont stockées sur des serveurs uniques et contrôlés par une seule entité, les réseaux décentralisés stockent les informations de manière distribuée. Chaque « nœud » ou instance dans le réseau a son propre contrôle sur les données qu’il héberge, réduisant ainsi les risques liés à la surveillance massive et aux fuites de données.

Les réseaux décentralisés ne dépendent également pas d’un serveur central, ce qui les rend moins susceptibles aux pannes massives. Permettant une plus grande modularité, les utilisateurs peuvent choisir les instances ou les services qui correspondent le mieux à leurs besoins et valeurs.

Enfin, qui dit réseau social décentralisé implique que les utilisateurs ou les communautés qu’ils forment ont souvent un mot à dire sur la gouvernance du réseau. Cela peut inclure des décisions sur les politiques de modération, les mises à jour des fonctionnalités ou même le code source du réseau lui-même, souvent géré de manière open source.

Création de contenu et engagement communautaire

Animer un réseau social alternatif nécessite une approche qui balance l’engagement des utilisateurs avec le respect de leur autonomie et de leur vie privée. Pour se faire, encourager les utilisateurs à créer et partager du contenu reste un point vital. La modération est aussi un défi majeur. En adoptant des approches de modération communautaire où les règles et les décisions de modération sont prises collectivement par les utilisateurs ou par des modérateurs élus, les réseaux alternatifs affirmeraient la transparence dans leurs processus. Les technologies comme la blockchain et les contrats intelligents (smart contracts) offrent des possibilités nouvelles pour les réseaux sociaux alternatifs, notamment en termes de gestion sécurisée des identités numériques favorisant les transactions au sein de la communauté.

Défis et perspective d’avenir

Bien que prometteurs, les réseaux sociaux alternatifs rencontrent plusieurs défis. D’abord, ces réseaux ont des difficultés pour atteindre une masse critique d’utilisateurs, essentielle pour que le réseau soit vivant et attractif. Les crises de confiance affectant les grandes plateformes pourraient cependant inciter les utilisateurs à rechercher des alternatives aux réseaux actuels. Ensuite, il y a le défi de l’interopérabilité, c’est-à-dire la capacité des différents réseaux décentralisés à fonctionner ensemble de manière fluide. Enfin, le défi économique reste prépondérant : trouver un modèle viable financièrement sans compromettre les principes éthiques et la protection des données est crucial.

Antoine MANTEL

Références
– SiecleDigital (2023, Mars 16) – Jeremy Lipp – 2023, le début de la fin des réseaux sociaux ? https://siecledigital.fr/2023/03/16/2023-debut-de-la-fin-reseaux-sociaux
– FashioNetwork (2023, Mai 2) – AFP Relaxnews – Mode et réseaux sociaux: la fin de la lune de miel ? https://fr.fashionnetwork.com/news/Mode-et-reseaux-sociaux-la-fin-de-la-lune-de-miel-,1505240.html
– LeNouvelEconomiste (2023, Février 15) – The Economist – La fin annoncée des réseaux sociaux https://www.lenouveleconomiste.fr/la-fin-annoncee-des-reseaux-sociaux-110114/
– Forbes (2018, Août 20) – Sabah Kaddouri – Réseaux Sociaux, Le Début De La Fin ?https://www.forbes.fr/technologie/reseaux-sociaux-le-debut-de-la-fin
– RennaissanceNumérique (Non daté) – Léa Roubinet – Réseaux sociaux décentralisés : vers un Web3 éthique ?https://www.renaissancenumerique.org/publications/reseaux-sociaux-decentralises-vers-un-web3-ethique

Médiamétrie 2024 : Nouvelle ère de mesure d’audience TV et défis de l’intégration des réseaux sociaux

Dans une ère où le numérique bouscule les traditions, Médiamétrie franchit un pas de géant avec une révision capitale de son système de mesure des audiences télévisuelles. L’entité de référence pour les statistiques médiatiques, Médiamétrie, dévoile une initiative audacieuse qui a commencé à prendre effet le 1er janvier 2024 : l’intégration des interactions sur les réseaux sociaux dans le calcul des audiences.

L’audience totale : au-delà du téléviseur

En décembre 2023, Médiamétrie, fidèle à son image innovante, a annoncé étendre son panel d’audience à 12 000 individus, y compris 500 foyers sans téléviseurs, à partir du 1er janvier 2024. Médiamat, outil emblématique de Médiamétrie, enregistrera désormais une audience « tous lieux (domicile, hors domicile, en mobilité), tous écrans (téléviseur et écrans Internet – ordinateur, smartphone et tablette), toutes temporalités (Live, différé, replay/preview) », pour une représentativité plus complète de l’audimat français. L’entreprise reconnaît ainsi que la télévision a dépassé les frontières du salon pour se diffuser dans chaque recoin de notre vie quotidienne. Pour connaître l’intégralité de la réforme rendez-vous sur le site de Médiamétrie.

Dans cette volonté de couvrir « l’intégralité des comportements de consommation », l’outil comptabilise désormais les clips des émissions diffusés sur des plateformes telles que TikTok, Facebook, Instagram ou encore X. Les statistiques quotidiennes, publiées chaque matin à 9 heures, ne se limitent donc plus à la consommation passive devant le petit écran, mais englobent désormais l’interaction active des téléspectateurs dans l’espace numérique. 

https://twitter.com/Mediametrie/status/1735629447099818095

Mais pour bien comprendre ces changements, il est crucial de reconnaître l’influence significative de ces chiffres d’audience révélés tous les matins à 9h. Depuis de nombreuses années, ils dictent les tendances, influencent les décisions des annonceurs et orientent les stratégies des chaines de télévisions. En embrassant le numérique, Médiamétrie ne se contente pas de suivre l’évolution ; elle redéfinit les règles du jeu, posant ainsi les jalons d’une industrie télévisuelle française plus connectée et réactive. 

La conquête du numérique par les chaînes télévisuelles : embrasser le concept de Social TV

Pour s’aligner sur les innovations de Médiamétrie et rester compétitives dans un paysage médiatique en perpétuelle évolution, les chaînes de télévision doivent faire leur place sur les réseaux sociaux. Cela implique l’adoption du concept de Social TV, une stratégie qui utilise les réseaux sociaux pour enrichir l’expérience télévisuelle. Elle permet aux spectateurs de participer activement aux conversations en temps réel, de partager leurs opinions et même d’influencer le contenu à l’antenne. Ce phénomène transforme la télévision d’une activité traditionnellement passive en une expérience communautaire et interactive. Cette approche est utilisée essentiellement pour capter l’attention du spectateur souvent partagée entre l’écran télévisuel et un second écran, généralement celui du téléphone.

Pour saisir l’ampleur de la Social TV, observons l’émission « Touche Pas à Mon Poste » (TPMP), émission qui s’est taillé une place de choix dans le paysage audiovisuel français, ayant même valu à son hôte le surnom de « Parrain du PAF ».

La recette de TPMP se prête parfaitement à l’interactivité des réseaux sociaux. Chaque épisode, riche en débats, en « clash » et en séquences mémorables, déclenche des vagues de réactions en ligne, entraînant une avalanche de tweets, de partages, et de commentaires sans oublier son lot de polémiques.

Pour tirer parti de cette effervescence, la production de TPMP a élaboré une stratégie digitale complète et réfléchie. Elle s’appuie sur des équipes dédiées qui orchestrent la conversation numérique en direct, favorisant ainsi une connexion instantanée entre les téléspectateurs et le plateau. Le live-tweet durant l’émission est encouragé, rendant chaque diffusion un événement en soi, où le public peut influencer le déroulement ou le contenu par ses réactions. Les meilleurs moments de l’émission sont rediffusés quasiment instantanément sur le compte X de l’émission. 

En outre, TPMP tire parti de contenus exclusifs destinés aux plateformes sociales pour maintenir l’intérêt et stimuler l’engagement en dehors des heures de diffusion. Cette stratégie bien rodée crée un écosystème cohérent où contenu télévisuel et numérique se renforcent mutuellement, transformant ainsi TPMP en un véritable phénomène de Social TV.

Ainsi, la décision de Médiamétrie d’englober les interactions sur les réseaux sociaux dans ses mesures d’audience est un vent favorable pour des émissions comme « Touche Pas à Mon Poste » (TPMP). En reconnaissant l’impact des plateformes digitales, Médiamétrie valorise l’engagement qui est au cœur de la stratégie de TPMP. 

Toutefois, cette évolution ne favorise pas uniformément toutes les émissions. « Quotidien », le principal rival de TPMP, se trouve dans une position délicate depuis son retrait de Twitter en 2023. L’émission est contrainte de déployer des stratégies transverses pour amplifier sa visibilité et compenser l’absence d’une plateforme autrefois cruciale pour l’engagement des téléspectateurs.

https://twitter.com/Qofficiel/status/1737929527446122990

Pour contrebalancer cette absence, « Quotidien » mise sur la popularité de ses chroniqueurs pour générer du buzz et augmenter ses chiffres d’audience. Par exemple, la présence sur les réseaux sociaux de Jean-Michel Apathie, connu pour ses interventions tranchées et sa notoriété, est un levier puissant. L’approche de « Quotidien » s’appuie sur le rayonnement individuel des figures de l’émission pour attirer et fidéliser les audiences, tout en cherchant à créer un contenu partageable qui puisse virer à la tendance et notamment sur X. En exploitant intelligemment la résonance de ses chroniqueurs et en diversifiant ses points de contact avec le public, « Quotidien » s’efforce de rester compétitif dans le nouveau paysage audiovisuel redéfini par Médiamétrie.

Mais quels défis face à cette transformation de la mesure de l’audience ?  

La quête d’audience et le péril du sensationnalisme

Le premier est la tendance inquiétante à privilégier les contenus provocateurs ou sensationnels afin de stimuler les réactions sur les réseaux sociaux. Cette course effrénée au « clash » risque de marginaliser les programmes de qualité, ceux qui privilégient l’information pertinente ou le divertissement constructif. Les chaînes pourraient être tentées de renforcer des dynamiques qui favorisent les controverses et les débats clivants, plutôt que d’encourager une programmation diversifiée. En somme, cette nouvelle méthode de mesure d’audience pourrait involontairement dévaloriser les programmes du PAF qui ne génèrent pas un buzz immédiat sur les réseaux sociaux, redessinant le paysage télévisuel non pas sur la base de la qualité, mais de la capacité à provoquer une réaction instantanée.

Le Risque d’Enfermement dans une Bulle de Filtre

Un autre risque majeur de cette nouvelle mesure est le phénomène de la « bulle de filtre ». Ce concept décrit une situation où les algorithmes des réseaux sociaux filtrent et présentent aux utilisateurs du contenu basé sur leurs interactions précédentes, leurs préférences et leurs comportements en ligne. Ce processus crée un écho personnalisé où l’individu est principalement exposé à des idées, des opinions et des contenus qui lui « correspondent ». Le danger est que l’on croit choisir activement le contenu auquel on est exposé, alors qu’en réalité, notre environnement informationnel est orchestré par des algorithmes qui visent à maximiser notre engagement.

Dans le contexte de la Social TV, cela signifie que les programmes qui deviennent viraux ou qui sont personnalisés pour nous sur les réseaux sociaux peuvent obtenir une visibilité disproportionnée. Cette situation contraste avec la sélection intentionnelle d’un programme à regarder en direct ou en replay, où le choix et l’attention sont exercés de manière plus consciente et délibérée. Les téléspectateurs risquent de perdre une part de leur autonomie, étant de plus en plus influencés par ce que les algorithmes déterminent être le plus susceptible de retenir leur attention, plutôt que par leurs propres choix.

Finalement, une interrogation subsiste quant à l’avenir du PAF. Alors que Médiamétrie redéfinit ce qui fait ou défait les succès télévisuels, restera-t-il assez de place pour la qualité quand le sensationnel semble régner en maître ?

Solène Gautier

Sources

  1. « Nouveau calcul des audiences : pourquoi vous n’en avez pas fini avec le buzz à la télé », Le Parisien, 14-04-2024,
  2. « La mesure d’audience de la télévision, c’est quoi? », Médiamétrie
  3. « Social TV : un vivier d’opportunités pour les annonceurs », Ruche & Pollen
  4. « Que sont les bulles de filtre? », 50A

Le phénomène Telegram, à la fois messagerie et réseau social : un concurrent sérieux pour Meta ?

Quelles sont ses forces, ses faiblesses et les possibilités de son évolution future ?

Telegram ne se limite pas à être une application de messagerie instantanée qui compte plus de 900 millions d’utilisateurs actifs mensuels. C’est également un réseau social prometteur, en passe de devenir un sérieux concurrent pour les plateformes Meta. En outre, Telegram est une société privée totalement possédée par son fondateur. L’entreprise compte seulement 30 ingénieurs et ne possède pas de département des ressources humaines. Telegram mise sur la qualité et la fiabilité de ses services plutôt que sur le marketing pour attirer et fidéliser ses utilisateurs. La société s’engage aussi à préserver une impartialité politique.

Telegram a été développé en 2013 par les frères Pavel et Nikolaï Dourov. L’accent principal a été mis sur la transmission sécurisée des données grâce à l’utilisation du protocole cryptographique MTProto, qui assure un chiffrement de bout en bout, du serveur à l’utilisateur pour les chats standards, et d’utilisateur à utilisateur pour les chats secrets. Pendant longtemps, Telegram fonctionnait sans modèle de monétisation. Pendant ce période, il était financé par son PDG Pavel Dourov. En 2015 Durov a admit que le fonctionnement de Telegram lui coûtait 12 millions de dollars par an. 

Aujourd’hui, Telegram dispose de deux principales sources de monétisation : l’abonnement premium et la publicité. L’introduction de méthodes de monétisation n’a pas détérioré l’expérience utilisateur. La version premium offre seulement un petit ensemble de fonctionnalités supplémentaires, telles que la déchiffrement de messages audio et vidéo en texte et la possibilité d’interdire aux autres utilisateurs d’envoyer des messages vocaux. La publicité apparaît uniquement dans des chaînes publiques sous forme de courts messages textuels. Les publicités sont clairement indiquées et ne peuvent être confondues avec le contenu.

Examinons d’autres fonctionnalités qui distinguent Telegram de ses concurrents. D’abord, Telegram n’est pas seulement une messagerie instantanée, mais aussi un réseau social grâce à ses chaînes. Une chaîne Telegram est un outil de communication unidirectionnelle, mais les utilisateurs peuvent laisser des réactions et des commentaires. L’utilisation des chaînes est pleinement intégrée dans l’interface utilisateur : les messages des chaînes arrivent comme de simples messages privés. Il est à noter que Telegram n’utilise pas de système de recommandation : les utilisateurs voient sur la page principale uniquement les chaînes auxquels ils sont abonné, et elles s’affichent dans l’ordre chronologique des dernières publications. Cela permet d’éviter que des chaînes moins populaires mais importants pour l’utilisateur ne se perdent dans le flux de nouvelles.

Une autre caractéristique remarquable de Telegram est son stockage cloud gratuit. Tant que le compte reste actif, tous les fichiers, photos, audios et vidéos sont sauvegardés sans limitation de volume. L’application elle-même ne nécessite pas plus de 100 Mo de mémoire, et le cache peut toujours être nettoyé via le menu principal.

Telegram offre également de vastes options pour la gestion de l’envoi de messages : il est possible de programmer l’envoi, d’envoyer des messages sans notification ou de créer des messages qui s’auto-détruisent. Les utilisateurs peuvent aussi interdire la retransmission de leurs messages.

Le code de Telegram et son API sont ouverts aux développeurs. Il existe également une API pour les chat bots. Les possibilités d’interaction avec les chat bots sont presque illimitées, allant de la création de stickers à partir de photos au paiement de services, en passant par l’intégration avec des outils comme Chat GPT et Midjourney. Un chat bot ressemble à n’importe quel autre chat, l’interaction reste simple et intuitive. 

Une autre fonctionnalité utile de Telegram est la possibilité de remplacer le numéro de téléphone enregistré sur le profil par un pseudonyme. Les utilisateurs peuvent également être recherchés par ce pseudonyme, ce qui ajoute une couche de confidentialité et permet de garder le numéro de téléphone mobile secret.

Telegram possède de nombreuses fonctionnalités utiles, mais l’une des plus importantes est la présence de chats secrets, où le chiffrement de bout en bout va d’un utilisateur à l’autre. Cela signifie que les messages sont stockés uniquement sur les appareils des participants au dialogue. Pourquoi alors tous les chats ne sont-ils pas chiffrés de cette manière par défaut ? La raison en est que si l’appareil est perdu, les données des chats secrets ne peuvent pas être récupérées, et il n’est pas possible de se connecter à ces chats à partir de différents appareils via un seul compte. 

Selon DataAI, Telegram se classe actuellement sixième parmi les applications les plus utilisées dans le monde. Cette popularité attire inévitablement l’attention des services de sécurité nationaux de différents pays ainsi que de grandes corporations comme Google et Apple, qui cherchent à exercer un contrôle sur la plateforme. Apple menace parfois de retirer Telegram de l’AppStore et entrave ses mises à jour, tandis que Google a bloqué la technologie de domain fronting, qui constituait une protection importante pour le messager contre les blocages. Comment Telegram réussit-il à rester indépendant et à maintenir sa neutralité?

Premièrement, Telegram appartient à son fondateur, ce qui lui permet de prendre des décisions indépendantes sans ingérence extérieure. Deuxièmement, le siège de Telegram est basé aux Émirats Arabes Unis, un pays connu pour sa neutralité politique.

La pandémie de COVID-19 a révélé l’ampleur de la liberté offerte par Telegram, se manifestant par sa gestion de la communication durant cette période critique. Telegram est devenu l’un des rares réseaux sociaux à ne pas censurer les publications critiques sur les mesures de lutte contre le virus et la vaccination. La plateforme a collaboré activement avec les canaux gouvernementaux pour diffuser des informations officielles sur les mesures prises, mais n’a pas bloqué les voix critiques. Ainsi, différentes opinions ont pu coexister sur la plateforme, tandis que les services comme ceux de Meta supprimaient les publications contenant des informations jugées peu fiables. « Il est sensé de confronter des opinions opposées et d’espérer que la vérité émerge de ces débats, » a déclaré Pavel Dourov dans une interview.

Les principaux problèmes qui limitent la popularité de Telegram incluent les risques liés à l’utilisation de son haut niveau de confidentialité à des fins malveillantes et le nombre relativement faible d’utilisateurs dans certains pays. La sécurité et la liberté représentent un dilemme complexe. Cependant, il est important de se rappeler que le chiffrement de bout en bout protège la liberté d’expression et aide à se défendre contre le piratage, le vol de données, la fraude et la divulgation illégale d’informations. En ce qui concerne le manque d’utilisateurs, Telegram offre toujours d’importantes possibilités. Bien que tous les amis et membres de la famille ne soient pas inscrits sur cette plateforme, Telegram peut être utilisé non seulement pour communiquer, mais aussi comme un réseau social pour lire des chaînes, publier du contenu, ainsi comme un espace de stockage cloud gratuit.

Actuellement, Telegram compte 41 millions d’utilisateurs en Europe, ce qui est légèrement inférieur au seuil de 45 millions nécessaire pour être reconnu comme une « très grande plateforme ». Cependant, le site officiel de Telegram présente une section sur le Digital Service Act qui détaille les mesures prises par la plateforme pour se conformer à ces normes :

  • La plateforme définit les comportements et contenus interdits, tels que le spam, la promotion de la violence, le contenu sexuel illégal et d’autres activités illégales.
  • Telegram utilise des méthodes de modération automatiques et manuelles pour son contenu public
  • Actions possibles de Telegram inclut la suspension temporaire ou permanente de certaines fonctionnalités du compte, l’étiquetage des comptes comme « Faux » ou « Fraude », et la possibilité de bloquer ou de supprimer des utilisateurs et du contenu en cas de violations graves.
  • Telegram n’utilise pas d’algorithmes de recommandation pour promouvoir du contenu, mais propose des contenus basés sur les requêtes et abonnements des utilisateurs
  • Les utilisateurs peuvent contacter Telegram via le bot @EURegulation, qui sert de point de contact unique dans le cadre du Digital Service Act. 
  • Les autorités de l’UE peuvent contacter Telegram via un représentant à Bruxelles pour les questions liées à l’Acte sur les services numériques.

En 2018, le RGPD a été publié, et peu après, Telegram a mis à jour son application pour se conformer à cette réglementation. Selon un article sur le site officiel de Telegram, la plateforme a été initialement conçue pour protéger les données personnelles, ce qui a nécessité peu de modifications pour répondre aux exigences du RGPD. Telegram propose un chat bot où les utilisateurs peuvent demander une copie de toutes les données enregistrées les concernant et obtenir des clarifications supplémentaires sur la confidentialité.

Je pense que la popularité de Telegram continuera de croître, bien qu’il ne remplace pas WhatsApp, dont les utilisateurs sont déjà habitués à son interface et possèdent les chats et groupes nécessaires. Étant donné les nombreuses fonctionnalités de Telegram, les deux plateformes peuvent être complémentaires. De plus, il est possible que de nouveaux concurrents émergent, tels que Signal et Olvid, qui sont des plateformes plus récentes et gagnent en popularité.

Elizaveta Kolpakova

Liste de références:

TikTok vs. Universal Music: Qui paie la note de la musique numérique ?

Dans le monde numérique de la musique, TikTok et Universal Music Group s’affrontent dans un combat qui retient l’attention à l’échelle mondiale. Ce conflit, marqué par des accusations de sous-évaluation des royalties, met en lumière les tensions croissantes entre les plateformes de streaming et les géants de l’industrie musicale. Avec 1,5 milliard d’utilisateurs actifs par mois[1], TikTok, originellement une plateforme de danse, est devenu un phénomène culturel dont l’influence sur l’industrie musicale est indéniable. Son logo, une note de musique, est le symbole de son rôle de catalyseur dans la diffusion de la musique mondiale. TikTok ne se contente pas de suivre les tendances musicales, il les forge, influençant les goûts et propulsant les carrières d’artistes sur la scène internationale. Cependant, cette influence massive soulève des enjeux critiques. Le conflit ouvert avec Universal Music Group met en lumière une problématique essentielle : comment les plateformes numériques comme TikTok peuvent-elles équilibrer innovation et respect des droits des créateurs ? 

Des impacts majeurs sur l’industrie musicale

L’algorithme de TikTok, fondé sur l’apprentissage automatique, est au cœur de la promotion de la musique sur la plateforme, influençant de manière significative les tendances musicales actuelles. En analysant les interactions des utilisateurs avec les vidéos, telles que la durée de visionnage, les likes, les commentaires, et les partages, l’algorithme affine ses recommandations pour mieux s’adapter aux goûts de chaque utilisateur. Ce système s’appuie également sur les métadonnées des vidéos, comme les hashtags et les descriptions, qui fournissent des indices précieux sur les genres musicaux et les artistes en vogue[2].
Cette technologie ne se contente pas de réagir aux préférences des utilisateurs ; elle propulse les morceaux qui gagnent en popularité via des challenges, des memes ou chorégraphies. Une fois qu’un titre commence à se distinguer, l’algorithme le promeut davantage, augmentant sa visibilité et renforçant son engagement. Ce mécanisme crée un cercle vertueux où la popularité d’un morceau sur la plateforme peut entraîner un effet boule de neige. En effet, lorsqu’une chanson devient populaire sur TikTok, l’algorithme incite davantage d’utilisateurs à l’intégrer dans leurs vidéos pour capitaliser sur sa popularité croissante. 
De manière significative, TikTok s’est affirmé comme une force majeure dans l’industrie de la découverte musicale. Selon des données de la plateforme, environ 75% des utilisateurs ont découvert de nouveaux morceaux en 2021[3], ce qui témoigne de l’efficacité de l’algorithme pour introduire une diversité musicale à son audience. La plateforme est donc devenue un outil marketing indispensable pour les artistes et les labels qui cherchent à augmenter la visibilité de leurs artistes.

TikTok : Moteur de changement ou entrave pour les artistes ? Exploration des défis de rémunération


Malgré une visibilité sans précédent sur TikTok, les artistes peinent souvent à voir cette exposition se traduire en rémunération équitable. La plateforme a certes mis en place des mesures comme SoundOn, lancé en 2022, qui permet aux artistes de déposer leurs morceaux et de conserver une grande part des royalties pendant les premières années d’écoute. Toutefois, la structure de rémunération de TikTok reste basée sur le nombre de vidéos utilisant les morceaux plutôt que sur les streams eux-mêmes. Ainsi, « Funny Song » de Thomas Hewitt-Jones, utilisée dans plus de 372k de vidéos et écoutée plus de 2 milliards de fois, n’a rapporté que 600 euros à son créateur[4], révélant un déséquilibre frappant entre l’utilisation virale et la compensation financière.

Contrats de Licence : Un terrain d’entente pour une distribution équitable ?
TikTok a formé des partenariats avec des labels majeurs comme Warner Music Group, élargissant son catalogue musical et augmentant la visibilité des artistes concernés. Cependant, la montée en popularité de versions modifiées de chansons, notamment des versions accélérées, soulève des questions sur la distribution des bénéfices générés par ces nouvelles créations. En réponse, certains labels ont commencé à publier officiellement ces versions, s’assurant ainsi que les artistes originaux bénéficient des retombées économiques.

Les labels face au défi TikTok
Les relations entre TikTok et les maisons de disque, souvent compliquées, se tendent parfois durant les renégociations de contrats. Un conflit notable a éclaté en janvier 2024 entre TikTok et Universal Music Group (UMG) met en lumière ces tensions. Universal a retiré sa vaste bibliothèque musicale de la plateforme, affectant des milliers de vidéos qui utilisaient des chansons d’artistes populaires comme Taylor Swift, The Weeknd, et Billie Eilish résultant en une multitude de vidéos sans musique, ce qui a réduit leur portée et leur engagement.

Ce retrait est intervenu après que des négociations sur les royalties se sont soldées par un échec, Universal reprochant à TikTok de ne pas offrir une rémunération juste et équitable pour l’utilisation de sa musique.[5]
Du côté de TikTok, la plateforme a exprimé sa volonté de parvenir à un accord, mettant en avant son rôle dans la promotion de la musique et l’exposition qu’elle offre aux artistes. TikTok a déclaré travailler activement pour rétablir la musique d’UMG sur son service, soulignant son désir de maintenir un partenariat bénéfique pour tous les acteurs impliqués, y compris les créateurs de contenu et les fans de musique.

Les relations labels et ertistes à l’ère de TikTok
TikTok a transformé le marketing digital, poussant les artistes non seulement à créer de la musique mais aussi à devenir des créateurs de contenu. Des artistes comme Florence and the Machine et Halsey ont publiquement exprimé leur frustration face à la pression de leurs labels pour générer des vues sur TikTok[6]. Cette nouvelle dynamique a réduit l’exposition via les médias traditionnels, obligeant les artistes à adopter de nouvelles stratégies numériques pour rester pertinents. Le cas de Steve Lacy, dont le titre « Bad Habit » a été utilisé dans près de 500,000 vidéos sur TikTok, a été propulsé au sommet du Billboard Hot 100[7], illustre parfaitement comment la viralité sur la plateforme peut propulser un artiste au sommet des classements.

TikTok et l’industrie musicale : Redéfinir les acteurs et leur dynamiques

Les artistes, les maisons de disques, et les plateformes de diffusion naviguent dans un paysage complexe où chaque acteur doit s’adapter aux nouvelles réalités du marché numérique.

Impact sur les artistes
L’ascension de TikTok a redéfini les trajectoires de nombreux artistes, façonnant une nouvelle ère où le bouche à oreille électronique devient un vecteur puissant de succès. Cependant, cette nouvelle dynamique met également en lumière les dilemmes auxquels les artistes sont confrontés, notamment l’impact de la structure des réseaux sociaux sur leur autonomie et leur carrière artistique. Sur TikTok, un simple clip peut propulser une chanson en tête des hit-parades, mais cette visibilité soudaine pose question : les artistes perdent-ils leur contrôle créatif en faveur de contenus conçus pour maximiser leur résonance sur les réseaux ? La pression pour créer des œuvres qui ‘fonctionnent’ sur ces plateformes peut aussi mener à une uniformisation de la création musicale, où l’originalité cède la place à la viralité.

Impact sur les maisons de disques
Pour les maisons de disques, TikTok représente à la fois une opportunité et un défi. Les labels musicaux doivent naviguer dans un paysage complexe de droits numériques, tout en adoptant des stratégies de marketing innovantes telles que le social listening et la gestion. Les accords de licence avec TikTok sont cruciaux, car ils déterminent non seulement les revenus générés par les streams mais aussi la manière dont la musique est utilisée et partagée par les utilisateurs.

Impact sur les plateformes de diffusion
TikTok, en particulier, doit finement équilibrer ses stratégies pour rester attrayant pour les maisons de disques et les artistes indépendants, tout en répondant aux attentes des utilisateurs qui cherchent constamment du contenu nouveau et engageant. Leur succès et influence dans l’industrie musicale dépendent essentiellement de leur aptitude à négocier des accords de licence favorables, à résoudre les conflits et à respecter les réglementations internationales.

Perspectives et solutions potentielles

Face aux défis de la répartition des revenus dans l’industrie musicale, l’exploration de modèles économiques alternatifs s’avère cruciale. Des innovations qui valorisent l’engagement des utilisateurs plutôt que le simple nombre de vidéos pourraient offrir une rémunération plus équitable aux créateurs. Parallèlement, le rôle des régulateurs et des politiques publiques est essentiel pour assurer une médiation efficace des conflits et promouvoir des pratiques justes. Ces autorités peuvent aider à établir un cadre réglementaire qui soutient l’innovation tout en protégeant les droits des artistes, garantissant ainsi que toutes les parties prenantes bénéficient équitablement des profits générés par la musique.

TikTok transforme profondément l’industrie musicale, soulignant la nécessité de repenser les modèles de rémunération des artistes. La tension entre les plateformes de streaming et les maisons de disques illustre clairement le besoin urgent de réformes adaptatives. La collaboration entre régulateurs, artistes, labels et plateformes est cruciale pour naviguer dans ce paysage en évolution et assurer une distribution des revenus plus juste, bénéfique pour tous les acteurs de l’industrie.

Hanaé Macke

Sources:

[1] Coëffé, T., 2024. Chiffres réseaux sociaux – 2024. [En ligne] 
Disponible sur: https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-reseaux-sociaux/
[2] Ashbridge, Z., 2022. How the TikTok algorithm works: Everything you need to know. [En ligne] 
Disponible sur: https://searchengineland.com/how-tiktok-algorithm-works-390229#h-how-does-the-tiktok-algorithm-work
[3] Le Figaro., 2022. TikTok est devenu un moteur de découverte musicale en analysant le goût de ses abonnés. [En ligne] 
Disponible sur: https://www.lefigaro.fr/culture/tiktok-est-devenu-un-moteur-de-decouverte-musicale-en-analysant-les-gouts-de-leurs-abonnes-20220211
[4] Anon., 2022. « On ne touche que quelques centimes ! » : sur TikTok, la rémunération discutable des artistes. [En ligne] 
Disponible sur: https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/reportage/la-remuneration-des-artistes-sur-tiktok-5760413
[5] Branstetter, D., 2024. Universal Music Group and TikTok’s Contractual Standstill. [En ligne] 
Disponible sur: https://www.vanderbilt.edu/jetlaw/2024/02/13/universal-music-group-and-tiktoks-contractual-standstill/
6] McGoran, P., 2024. How TikTok is Disrupting the Music Industry. [En ligne] 
Disponible sur: https://careerhub.students.duke.edu/blog/2024/03/07/how-tiktok-is-disrupting-the-music-industry/
[7] Anon., 2022. Steve Lacy’s ‘Bad Habit’ Has Been Used For Nearly 500,000 TikTok Videos — Now, It’s No. 1 On The Billboard Hot 100. [En ligne] 
Disponible sur: https://afrotech.com/steve-lacy-bad-habit-tiktok

BeReal et la quête d’authenticité : vers une utilisation plus saine des réseaux sociaux ?

Les téléphones qui vibrent tous en cœur, chacun attrape son smartphone pour se saisir de cette notification le plus rapidement, et porter son téléphone en mode « selfie ».
« ⚠️ C’est l’heure de BeReal ⚠️ » : voilà la notification reçue tous les jours, à un moment aléatoire et commun à tous, par les 25 millions d’utilisateurs quotidiens de BeReal.

Le principe est simple : partager avec ses amis proches un moment spontané de sa journée, choisi par l’application, avec un chronomètre de 2 minutes pour capturer une photographie hybride, avec caméra avant, et caméra arrière en même temps ! Le slogan de BeReal prône la volonté de retrouver une proximité avec votre réseau d’ami « Tes amis, pour de vrai ». D’ailleurs, c’est l’application elle-même qui vous met en garde quant au réseau que vous vous y constituez. Avant d’envoyer une demande d’ajout, ou d’en accepter une, on vous demande « Est-ce que tu connais vraiment cette personne ? » ou encore « Es-tu sûr(e) de bien les connaitre ? ». C’est ainsi quelques 119 millions de personnes à travers le monde, qui ont été tentées de rejoindre le mouvement BeReal. Et pour cause, une promesse d’authenticité assumée : on ne veut plus voir les storys léchées de ses amis sur Instagram, mais on veut les voir comme ils sont au quotidiens, naturels et spontanés. L’arrivée d’une telle application sur le marché des réseaux sociaux semblerait en avoir chamboulé les codes. On peut ainsi se poser la question : la promesse d’authenticité soutenue par BeReal. pourrait-elle mener à une utilisation plus saine des réseaux sociaux ?

Les codes traditionnels des réseaux sociaux : paraître et artifices

L’avènement des réseaux sociaux, notamment avec l’arrivée d’Instagram, est marqué par l’avènement du paraître et des artifices. Tout est porté vers l’apparence : on crée des filtres qui rendent la bouche plus pulpeuse, ou qui effacent les cernes ; on ne montre aux autres que ce qui les ferait rêver ; on fait la course aux likes en posant sur toutes ses photos. Certains parviennent même à faire de leur physique avantageux un métier, en devenant influenceurs. Sur la plateforme émergent les tendances, qu’elles soient vestimentaires ou comportementales. Instagram dicte les standards de beauté, jusqu’à avoir un réel impact sur la santé mentale de ses utilisateurs, en particulier les jeunes filles, dont la société les ramène sans cesse à leur physique.

BeReal. et l’authenticité : un réseau social d’un nouveau genre

En 2020, BeReal. émerge alors en France comme le protagoniste d’une lutte contre la superficialité. Pas de filtre, pas d’artifices : avec BeReal. tout repose sur son concept fort. Alors qu’Instagram est envahi par l’utilisation de filtres dans ses storys, BeReal se place à contre-courant en incitant les utilisateurs à se montrer au naturel.  Et si les internautes habitués à se montrer sous leur meilleur jour auraient pu être effrayés, c’est tout l’inverse qui se produit. Début 2022, deux ans après sa sortie en France, elle sort au grand jour avec plus de 28 millions de téléchargements ; aujourd’hui elle en compte 119.

BeReal. semblerait même avoir influencé le comportement des utilisateurs sur les autres réseaux sociaux.

De nombreux influenceurs, en prenant par exemple Matilda Djerf, changent la direction de ce qui se poste sur Instagram. On ne flambe plus avec des photos remplies de filtres et d’artifices à la Kylie Jenner, mais on fait désormais des « dumps », un enchaînement de plusieurs photos dans un même post Instagram, montrant notre vie quotidienne. Photos de son chien, en pyjama, ou en prenant son petit déjeuner :  Matilda Djerf incarne ce nouveau genre, cet aesthetic scandinave où la « slow life » est mise en avant. De manière générale, les filtres passent peu à peu à la trappe, alors qu’ils envahissaient les storys de tout le monde quelques temps auparavant.

On observe aussi l’émergence de storys privées, notamment sur Instagram, qui permet à ses utilisateurs de créer des sous-groupes « amis proches », dont les storys ne seront disponibles au visionnage que pour le groupe d’amis sélectionné par l’utilisateur. L’idée est la même que sur BeReal. : partager certains moments de spontanéité avec son cercle intime seulement.

BeReal. devient même un nouveau support de contenu sur les autres réseaux sociaux. Les internautes repostent leurs BeReal. en story, ou dans leurs dumps Instagram. BeReal. profite d’autres plateformes pour faire sa promotion, comme avec TikTok, où a été lancé un concours du BeReal. le plus fou.

Des nouvelles fonctionnalités controversées : vers une conformisation du réseau social ?

L’influence de BeReal. est certaine, et l’application semble être le parfait compromis : un réseau social certes, mais où l’on est soi-même, et dont la sphère se limite à son cercle d’amis proches.

Pourtant certaines mises à jour récentes sembleraient faire perdre à l’application de sa singularité, jusqu’à la mener à se conformer aux autres plateformes.

Pour lutter contre les utilisateurs contournant le principe de spontanéité, en postant leur BeReal. en retard plutôt qu’à l’heure choisie par l’application, BeReal. a mis en place un principe de « récompense » pour ceux respectant les règles du jeu. Si la photo est postée dans les 2 minutes imparties, alors l’utilisateur « gagne » le droit de poster deux autres BeReal. dans la journée, à l’instant qu’il le souhaite. Si l’objectif est de maintenir la spontanéité promise par le réseau social, le résultat semble s’en éloigner. En effet, les utilisateurs bénéficient de plus d’opportunités pour partager leurs photos, en en choisissant leur moment pour deux sur trois d’entre elles.

Il y a quelques jours, une autre fonctionnalité a été ajoutée : en plus d’un BeReal. classique par jour, les utilisateurs peuvent faire un BeReal. « roulette ». L’application sélectionne ainsi une photo issue de la galerie de l’utilisateur, qui peut choisir de la poster ou non, en bénéficiant de 5 essais (il peut relancer la roulette 5 fois).

Si ces nouvelles fonctionnalités ne sont aujourd’hui pas alarmantes, on y retrouve toutefois une similarité avec le chemin parcouru par Instagram avec ses storys. Quand Instagram a lancé son option Story en 2016, l’objectif était de permettre aux utilisateurs d’être plus naturels, de dévoiler leur vie sans artifice. Quelques années plus tard, elles sont devenues aussi calculées et filtrées que les publications classiques, en plus d’être bourrées de publicités. BeReal. pourrait donc prendre le même chemin.

Mais la mise à jour qui marque sans doute le plus gros pas vers la conformisation du réseau social est sans doute celle du 7 février 2024. Promue par les fondateurs de BeReal. comme la plus marquante depuis la création de l’application, cette fonctionnalité ouvre les portes de BeReal. aux marques et aux célébrités. Ainsi, ces « RealPeople » et « RealBrands » ne sont pas logés à la même enseigne que les utilisateurs anonymes : ils sont certifiés, et suivis par des « RealFans ». On est loin des mises en garde de BeReal. qui insistait sur l’importance de n’ajouter que ses amis proches.

BeReal. qui se plaçait à contre-courant des autres réseaux sociaux dictés par la superficialité, les artifices, et le business, devient ainsi une plateforme où l’on peut retrouver des posts sponsorisés… comme sur toutes les autres.

BeReal. promettait intimité et spontanéité, et le premier semble d’ores et déjà perdu. On peut alors se questionner sur le futur de l’application : va-t-elle se faire influencer par les géants comme Instagram, au point de perdre son essence d’authenticité ?

Marine Marzin

Touche Pas à Mon Poste (TPMP) et la construction d’une communauté utile tant au niveau médiatique qu’idéologique

Le 14 mars dernier, lors de son audition au Sénat dans le cadre de la commission d’enquête sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre, Cyril Hanouna a rappelé que son émission phare Touche Pas à Mon Poste avait au commencement, plus de followers sur Facebook que de téléspectateurs sur France 4. Un fait unique dans l’univers télévisuel français.

Pour rappel : Touche pas à Mon Poste dit TPMP est un talk-show quotidien d’infotainment diffusé depuis le 1 avril 2010 et présenté par Cyril Hanouna.

Alors que son arrivée dans le petit écran coïncide avec les débuts de l’utilisation de masse des réseaux sociaux, TPMP les a investi massivement. D’abord Facebook et Twitter dès 2010 puis Instagram et YouTube en 2015.

Au fil des années, cette stratégie s’est révélée payante puisque l’utilisation des réseaux sociaux lors du visionnage d’émission TV s’est retrouvé une habitude chez beaucoup d’individus (72% des 16-21 ans en 2019 aux Etats-Unis et 49% des milléniales en 2016).

Aujourd’hui, TPMP compte 1,5 millions de téléspectateurs quotidiens sur C8 entre 19h et 21h, 3.8 millions d’abonnés sur Twitter, 4.5 millions sur Facebook, 952 000 sur Instagram et 2.4 millions sur Youtube. Aussi, entre janvier et juin 2022, le #TPMP était le 12ème hashtag le plus utilisé sur Twitter, premier pour les émissions TV.

Ce lien entre audiences et puissance numérique peut être expliqué par un attachement des individus utilisant certains réseaux sociaux aux émissions de TV. En 2015, Ipsos Connect UK révèle dans une étude mené pour Twitter que 60% des utilisateurs de Twitter au Royaume Uni portent un grand intérêts aux émissions TV tandis qu’ils sont seulement 20% lorsqu’ils n’utilisent pas Twitter.

Accroitre sa présence sur les réseaux sociaux peut donc entrainer de meilleures audiences à l’antenne. C’est dans cette optique que l’émission TPMP a commencé une stratégie de marketing digital sur les réseaux sociaux dès 2010.

Déployant des mécanismes performants afin de créer une communauté numérique active, TPMP a réussi à faire de sa communauté un outil efficace médiatiquement mais également idéologiquement.

Plongeons dans cette communauté pour en ressortir les caractéristiques.

  1. La création d’une communauté active, engagée et valorisée permettant d’accroitre la notoriété de l’émission

La première stratégie gagnante de l’émission est d’avoir créé une réelle communauté active autour d’elle et de ses protagonistes.

Dès son démarrage, Cyril Hanouna a construit l’émission autour de sa communauté.

Dès 2012, la communauté avait déjà une nom « les fanzouzes », des lieux de conversations régulières (Twitter, Facebook) et une stratégie collective : promouvoir l’émission.

La création de la communauté s’est faite d’abord par l’initiative de l’animateur grâce à divers moyens à l’antenne et hors antenne.

Tout d’abord, l’utilisation récurrente à l’antenne de la notion de « famille » pour parler du lien qui unissait les téléspectateurs, les chroniqueurs et l’animateur a permis de renforcer les lien d’une communauté de téléspectateurs.

Aussi, les interactions avec le public étaient exclusivement tournées autour de la formation d’une communauté (remerciement, valorisation de la présence sur les réseaux sociaux…).

De plus, la conversation à propos de l’émission sur les réseaux sociaux était valorisée par le partage de certains messages à l’antenne. Les internautes étaient donc poussés à commenter TPMP sur les réseaux sociaux pour voir leur message diffusé à la télévision.

Enfin, Cyril Hanouna avait une contribution sur ses réseaux sociaux privés très en lien avec la construction d’une communauté made in TPMP. On peut citer plusieurs exemples comme l’instauration d’un rituel de tweet appelé « le tweet du dimanche soir » grâce auquel chaque internaute savait que tous les dimanches soirs Cyril Hanouna donnerai de ses nouvelles sur Twitter, le fait qu’il se soit abonné à un grand nombre d’internautes engagés dans la communauté fanzouze ou encore le fait qu’il annonçait à l’antenne les week-end où il allait répondre aux messages privés sur ses réseaux sociaux.

Toute cette stratégie de communication, via les réseaux sociaux ou à l’antenne de la part de l’animateur de TPMP, a permis aux téléspectateurs de se sentir entendus et utiles, ce qui a renforcé la création d’un réel sentiment de communauté autour de l’émission tout en poussant à son engagement sur les réseaux sociaux.

Cependant, rendre la communauté active ne repose pas que sur l’animateur mais aussi sur les comptes de l’émission présents sur les différents réseaux sociaux.

En effet, les comptes Facebook et Twitter de TPMP, principalement, ont rapidement créé une politique de publications récurrentes et diversifiées, incitant l’engagement des abonnés.

Les stratégies de publications incitant à l’engament sont nombreuses, nous allons donc restreindre leur explication à certaines : les annonces de programmes, les jeux concours et les extraits vidéos.

Tout d’abord, les annonces de programmes.

Les publications quotidiennes annonçant le programme de l’émission du soir ont très vite été installées dans le calendrier des publications. Celles-ci permettent en effet de créer de l’engouement sur une émission en incitant les internautes à la regarder. De plus, expliciter le contenu de l’émission permet aux internautes de commenter ce programme bien avant son heure de début, les séquences qui leurs plaisent, celles qui les dérangent, celles qui font polémique…

Dès le milieu d’après-midi, TPMP obtient donc une publicité supplémentaire dû au earned média, aux internautes qui partagent leurs avis sur le programme du soir.

Ensuite, les jeux concours.

Cette deuxième stratégie de publication nous permet d’aborder deux notions importante : l’importance du hashtag et l’engagement par le jeu.

L’engagement par le jeu à très vite été utilisé par les comptes de TPMP sur les différents réseaux sociaux car il permettait d’augmenter la visibilité de la marque, de son hashtag. L’émission a utilisé et utilise encore plusieurs types de jeux dont les deux principaux sont :

Enfin, les extraits vidéos.

Cette troisième stratégie de publication permet d’être un maximum visible sur les réseaux sociaux car ce sont des types de contenus qui sont favorisés par les algorithmes. De plus, les vidéos engendre plus de commentaires car le propos partagé est plus accessible. Les extraits vidéos permettent donc de créer de l’engagement via des partages ou des commentaires.

Les vidéos diffusés sur les réseaux sociaux de TPMP sont de deux natures : des replays de passages passés à l’antenne et des extraits inédits (coulisses, défis annoncé à l’antenne et relevé sur les réseaux sociaux…). Les extraits déjà passés à l’antenne permettent aux internautes qui ne regardent pas en direct d’avoir accès aux contenus et de pouvoir les partager ou les commenter. Les extraits inédits permettent de valoriser les téléspectateurs présents sur les réseaux sociaux. Les téléspectateurs sont donc poussés à suivre TPMP sur les réseaux sociaux pour avoir accès à des contenus exclusifs. L’impact des vidéos sur la visibilité numérique de l’émission est fort puisque plus d’une publication sur deux en est une.

Grâce à cette politique de publication et de valorisation des réseaux sociaux émanant de la part de Cyril Hanouna ou des comptes officiels de l’émission, TPMP se retrouve extrêmement visible sur les réseaux sociaux, ce qui conduit à de belles audiences en télévision linéaire, c’est-à-dire sur C8.

Mais, la puissance de la stratégie marketing de TPMP s’est révélée au fil du temps plus puissante qu’il n’y paraissait, permettant à l’émission d’assoir non plus seulement une puissance médiatique mais aussi une puissance idéologique.

2. La communauté, un outil de propagande

A force de renforcer sa communauté grâce à des stratégies de publications efficaces, TPMP a fait de sa communauté un outil de propagande important.

D’après le Larousse, la propagande est une « Action systématique exercée sur l’opinion pour lui faire accepter certaines idées ou doctrines ».

Nous verrons donc ici que la communauté de TPMP est devenue actrice de la propagande de l’émission après en avoir été le public.

Il est intéressant d’analyser le rôle de la communauté de TPMP sous deux angles : son rôle dans les polémiques et son rôle dans les messages véhiculés par l’émission.

Tout d’abord, le rôle de la communauté dans les polémiques subies par l’émission.

Petit rappel important, TPMP connait depuis 2016 de nombreuses polémiques au sujet de certaines séquences diffusées à l’antenne. Lors de ces polémiques, TPMP peut compter sur sa communauté pour défendre contre vents et marées l’émission sur les réseaux sociaux mais également en plateau, où Cyril Hanouna n’hésite pas à utiliser sa communauté comme argument de défense.

Nous pouvons citer comme exemple la polémique du canular jugé homophobe en mai 2017.

Lors de cette polémique, Cyril Hanouna est accusé d’avoir, lors d’une séquence diffusée à l’antenne, humilié et incité à la stigmatisation des personnes homosexuelles lors d’un canular téléphonique.

Dès le lendemain, les critiques et les plaintes au CSA fusent.

De son côté, sur les réseaux sociaux, la communauté de TPMP défend son animateur et publie tout le bien qu’elle pense de l’émission. Cette défense sur les réseaux sociaux est accrue par les propos de l’animateurs à l’antenne qui remercie sans-cesse ses fidèles « fanzouzes » de le défendre ainsi.

Aussi, Cyril Hanouna n’hésite pas, encore une fois, à supprimer les frontières réseaux sociaux-télévision, en invitant sur son plateau un homme se revendiquant être « fanzouze » et homosexuel et qui a défendu corps et âme Cyril Hanouna sur les réseaux sociaux. Un parfait inconnu mais membre de la communauté est donc invité en direct à s’exprimer. Ni expert, ni membre d’une association, ni artiste, sa seule légitimité est alors d’être membre de la communauté. Défendant à l’antenne l’animateur de TPMP, il est utilisé comme porte-parole de la communauté. D’un côté il montre aux détracteurs que les fans de l’émissions sont toujours là. De l’autre, il montre aux téléspectateurs qui ne se sont pas encore exprimés qu’ils peuvent le faire et il prouve à ceux qui se sont exprimés qu’ils avaient raisons.

En fidélisant sa communauté et en créant un sentiment de famille, TPMP a réussi à transformer sa communauté en véritable armée, prête à tout pour défendre l’émission et son animateur.

Ensuite, le rôle de la communauté dans le relai de  « l’idéologie » de TPMP.

Afin de comprendre au mieux cette partie, il est important de rappelé que Touche Pas à Mon Poste à connu de nombreuses évolution éditoriales depuis sa création, dont la principale s’est observée en 2018, année de l’épisode des Gilets Jaunes, où l’émission a basculé d’une ligne éditoriale de divertissement vers celle d’une émission de société traitant des sujets d’actualités sociétales et politiques.

Aussi, il est important de mettre au clair le terme « idéologie de TPMP » dans lequel la communauté joue un rôle. Claire Sécail, historienne des médias et chargée de recherches au CNRS qualifie ainsi les discours portés par l’émission depuis 2018. Elle dit de ces discours qu’ils sont « empreints d’anti-élitisme, d’antiparlementarisme et de populisme pénal ». Elle rajoute que « l’émission fait le jeu des idéologies et stratégies populistes ». Nous nous attacherons donc à l’utilisation de la communauté dans le relais de ces idéologies populistes comme l’illustre Claire Sécail.

Dans son essai Touche Pas à Mon Peuple, l’historienne des médias décortique le lien entre TPMP et sa communauté en appuyant le fait que Cyril Hanouna s’est authentifié comme animateur « populaire auprès du peuple pour se réclamer du peuple » dans son émission ce qui lui « offre une légitimité » dans les débats. Cette (auto ?)-désignation comme émission populaire permet à ses protagonistes, dont l’animateur, de clamer que « critiquer l’émission revient à critiquer son public, donc le peuple ».

Le public de TPMP, et donc sa communauté, permet ainsi à l’émission de se caractériser comme populaire et légitime, vis-à-vis du débat démocratique, de traiter des sujets politiques.

Cependant, au-delà de simplement permettre la diffusion de débats et d’avis, la communauté devient aussi le relai de ces avis sur les réseaux sociaux. Les membres de la communauté n’hésitent pas à prendre les arguments des protagonistes comme vérités, au même niveau qu’on prend pour vérités tout ce que nous dit nos parents ou notre famille à un certain âge. Après tout, les créateurs d’une communauté qui égaye la vie des membres ne peux qu’avoir raison sur des sujets politiques et sociétaux.

Aussi, en plus de relayer les avis sur les réseaux sociaux, la communauté permet d’appuyer certains propos à l’antenne. L’outils utilisé par l’émission est alors les sondages.

Les sondages, publiés sur Twitter en direct, ont très vite été utilisés par l’émission pour appuyer le sentiment de communauté. En donnant la possibilité aux téléspectateurs de participer à des débats, ils se sentent proches de l’émissions et valorisés. Pour la production, les résultats des sondages permettent aussi de rendre valables certaines positions. Peu importe le nombre de répondant aux sondages et sa représentation de la population française, lorsque les résultats des sondages sont diffusés à l’antenne, ils sont toujours pris pour argent comptant. Les résultats divulgués permettent de montrer que le public est du même avis, donc le peuple. Ne pas être d’accord signifie donc être contre le peuple que représente le public de TPMP (cf : Touche Pas à Mon Peuple, Claire Sécail).

Les sondages se transforment aussi en outils de manipulation puisque leurs résultats sont diffusés à l’antenne seulement lorsqu’ils sont favorable à l’avis de l’animateur. Si la majorité des internautes a répondu le contraire des propos de Cyril Hanouna à l’antenne, le sondage n’apparaitra jamais en direct.

Les résultats des sondages sont donc utilisés subjectivement, diffusés si ils appuient un propos, non diffusés si ils remettent en cause l’avis de l’animateur.

Conclusion :

En dix ans et malgré les différentes lignes éditoriales prises par TPMP, la stratégie digitale d’omniprésence sur les réseaux sociaux n’a, elle, jamais changé.

Elle a tout d’abord permis de créer une communauté fidèle et active, utilisée comme promotion de l’émission dans le but de renforcer les audiences.

Avec l’arrivée des polémiques, TPMP a mesuré l’impact qu’elle avait sur sa communauté, capable de devenir une réelle armée numérique de défense.

Mais c’est avec l’arrivée des débats sociétaux et politiques, que son rôle a vraiment changé : elle est devenue un relai et un appui pour les avis de l’animateur, poussé par une idéologie populiste, illustrée par Claire Sécail.

En définitive, l’émission Touche Pas à Mon Poste permet de montrer la puissance de la création d’une communauté numérique, tant au niveau des audiences que de la réputation ou de la propagande.

Au départ vecteur de joie et de fraternité, la communauté de TPMP a doucement glissée vers un relai d’idées populistes, au même titre que l’émission en elle-même.

Sarah Saucet

Références :

La chute de la Silicon Valley Bank : Réseaux sociaux et gestion bancaire en question

Le 10 mars 2023, la Silicon Valley Bank (SVB), la 16ème plus grande banque des États-Unis et un pilier du financement des entreprises de technologie et de biotechnologie, s’effondrait de manière spectaculaire. Cette faillite, la plus significative depuis la crise financière de 2008, soulève de nombreuses questions sur l’influence des réseaux sociaux dans la banque moderne et met en lumière des pratiques de gestion éloignées des standards bancaires habituels.

Un effondrement fulgurant

Tout a commencé le 8 mars, lorsque la SVB a annoncé la nécessité de lever des fonds de toute urgence après des pertes significatives sur des obligations. Cette annonce a provoqué une panique parmi les investisseurs et les déposants, majoritairement des entreprises de la tech et des startups, qui craignaient pour la sécurité de leurs actifs.

En moins de 48 heures, une vague massive de retraits s’est déclenchée, exacerbée par les réseaux sociaux où des messages alarmants circulaient rapidement. Des hashtags comme #BankRun et #SVBCollapse devenaient viraux, illustrant la rapidité avec laquelle la peur et la suspicion peuvent se propager dans l’ère digitale.

Retraits Hypothétiques de Fonds de la SVB Suite à l’Annonce

Le graphique illustre la réaction rapide et massive des déposants de la Silicon Valley Bank suite à l’annonce du besoin urgent de lever des fonds le 8 mars. On observe une escalade dramatique des retraits, commençant par 5 milliards de dollars le jour de l’annonce, suivi d’une augmentation vertigineuse à 20 milliards le lendemain, et culminant à 50 milliards le 10 mars. Cette courbe montante témoigne de l’effet immédiat des inquiétudes des déposants et de l’impact amplificateur des réseaux sociaux, où des messages alarmants ont circulé à une vitesse fulgurante, incitant à une réaction en chaîne de retraits de fonds. Ce graphique hypothétique est représentatif du phénomène de bank run accéléré par le numérique, mettant en lumière la vulnérabilité des institutions financières dans un contexte où l’information se propage en temps réel.

Les réseaux sociaux : catalyseur d’une crise de confiance

Sur Twitter, LinkedIn et d’autres plateformes, des entrepreneurs influents tels que David Sacks et Jason Calacanis partageaient leurs inquiétudes et conseillaient ouvertement aux autres de retirer leurs fonds, intensifiant la panique. Cette réaction en chaîne a souligné un aspect nouveau des crises bancaires modernes : l’impact immédiat des réseaux sociaux. Les réseaux sociaux ont fonctionné comme un amplificateur de la crise de confiance, réduisant le délai habituel pour des réactions et des corrections. La rapidité de l’information, couplée à l’écho des chambres de résonance en ligne, a transformé ce qui aurait pu être une gestion de crise interne en un spectacle public et chaotique.

Le Tweet qui a Ébranlé les Marchés : Le Rôle de David Sacks dans la Panique de la SVB

Au cœur de la crise de la Silicon Valley Bank, David Sacks, entrepreneur respecté et figure de proue de l’industrie technologique, a joué un rôle déterminant en amplifiant les enjeux de la situation sur Twitter. Ses tweets du 10 mars 2023 ont non seulement capturé l’attention immédiate de ses abonnés, mais aussi celle du monde financier à large échelle. Par ses interrogations directes – « Where is Powell? Where is Yellen? » – Sacks appelait à une action urgente des régulateurs, exprimant une exigence collective pour la sauvegarde des dépôts et la prévention d’une contagion financière plus large. Son tweet, « Stop this crisis NOW. Announce that all depositors will be safe. Place SVB with a Top 4 bank. Do this before Monday open or there will be contagion and the crisis will spread, » était un cri d’alarme soulignant l’urgence et la gravité perçue de la situation. Avec une voix résonnant dans l’écosystème des startups, Sacks a influencé la perception publique et a possiblement accentué la pression sur les décideurs.

En abordant le thème de la responsabilité fédérale, « Anybody who thinks that preventing bank runs and panics isn’t a federal responsibility missed a couple hundred years of financial history, » il rappelait la nécessité de la surveillance et de l’intervention des autorités financières dans des moments critiques. Ce faisant, il a mis en exergue la responsabilité des institutions face à un risque systémique. La clarification concernant sa propre entreprise, « Craft has no money at SVB, » visait à apaiser les spéculations et à distinguer ses commentaires professionnels des intérêts personnels. L’impact de Sacks dans cette crise n’était pas négligeable, ses tweets agissant comme des catalyseurs d’opinion parmi les entrepreneurs et investisseurs déjà nerveux, et mettant en évidence le pouvoir influent des leaders d’opinion dans le secteur technologique en temps de crise financière.

Gestion bancaire défaillante

Au-delà des réseaux sociaux, le cœur du problème résidait dans la gestion même de la SVB. La banque avait misé massivement sur des investissements à long terme, principalement des obligations d’État, qui se sont dépréciées avec la montée des taux d’intérêt par la Réserve fédérale. Cette stratégie, risquée et peu diversifiée, a rendu la banque particulièrement vulnérable à un changement de conjoncture.

De plus, la SVB avait une concentration exceptionnelle de dépôts provenant d’un secteur spécifique : la technologie. Cette homogénéité de la base de clients a exacerbé l’effet de contagion lorsque la confiance a commencé à fléchir, montrant les limites d’une stratégie de niche dans un environnement instable.

Gestion Bancaire vs. Tempête Numérique : Les Vrais Coupables de la Débâcle de la SVB

L’effondrement de la SVB peut être attribué à deux facteurs principaux qui, en interagissant, ont amplifié la crise : une gestion bancaire hasardeuse et l’influence des réseaux sociaux. D’une part, la banque avait adopté une stratégie d’investissement risquée, en plaçant une grande partie de ses actifs dans des obligations à long terme qui se sont dévaluées avec l’augmentation des taux d’intérêt. Cette gestion, peu conforme aux pratiques conservatrices typiques du secteur bancaire où la diversification et la prudence prévalent, a placé la banque dans une position financièrement vulnérable.

D’autre part, les réseaux sociaux ont joué un rôle prépondérant dans l’accélération de la crise. La propagation rapide d’informations parfois erronées ou exagérées a engendré une panique massive parmi les déposants, aggravant une situation déjà tendue.

Réactions réglementaires

La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) a rapidement pris le contrôle de la banque, garantissant les dépôts jusqu’à 250 000 dollars et cherchant à stabiliser le secteur. Ce scénario rappelle l’importance d’une régulation adaptée à l’évolution des pratiques bancaires et des technologies de l’information. La chute de la SVB incite à une réflexion sur le rôle des régulateurs et des banques elles-mêmes dans la gestion des risques. Elle pose également la question de l’impact des technologies et des médias sur la stabilité financière.

Pour répondre à ces défis, un projet de loi pourrait être envisagé, tel que le Projet de Loi N° XYZ: Loi pour l’Encadrement des Communications Financières Numériques. Cet article propose des mesures spécifiques pour encadrer les communications financières sur les plateformes numériques, afin de prévenir les mouvements de panique amplifiés par ces nouveaux médias. Il stipule que les institutions financières doivent établir des protocoles clairs pour les communications en période de crise, approuvés par l’autorité de régulation compétente, et que les plateformes numériques doivent collaborer avec les autorités pour vérifier les informations potentiellement déstabilisatrices. La loi envisagerait également la création d’une unité spéciale au sein de la FDIC pour surveiller ces communications, assurant ainsi une réponse rapide et coordonnée en cas de future instabilité financière.

Les autorités pourraient ainsi mieux contrôler l’interaction entre les communications financières et la réaction du public, minimisant le risque de panique bancaire déclenchée ou exacerbée par les réseaux sociaux et autres plateformes numériques.

La débâcle de la Silicon Valley Bank révèle l’interaction complexe entre une gestion bancaire risquée et l’effet amplificateur des réseaux sociaux. Cet événement force une réévaluation des stratégies de gestion de crise à l’ère numérique et rappelle l’importance cruciale de l’adhérence aux principes de gestion de risque et de communication efficace. Les régulateurs et les institutions financières doivent considérer ces nouvelles dynamiques pour prévenir de futures crises. Face à cette nouvelle réalité, comment les banques peuvent elles équilibrer innovation et sécurité pour gagner la confiance dans un monde hyperconnecté ?

Kelly CLAIRE

L’ascension des réseaux sociaux en tant que source principale d’informations financières : exemple de X et de la faillite de FTX

Si les marchés financiers ont jusqu’ici bénéficié d’une opacité certaine due à des mécanismes complexes, la démocratisation de l’Open Finance, des réseaux sociaux et de la Finance Décentralisée ont tenté d’éclaircir ce rideau opaque, parfois au grand dam de certains de ses acteurs.

L’information, nerf des marchés

Dans le monde des marchés financiers, l’accès à des informations précises et opportunes est le fondement d’une prise de décision éclairée. Traditionnellement, des plateformes comme Bloomberg ont joué un rôle crucial en tant que fournisseurs d’informations financières de premier plan.

Reconnues pour leur fiabilité et leur profondeur d’analyse, les institutions financières classiques ont servi d’épine dorsale pour les traders, les investisseurs et les analystes en leur fournissant des données en temps réel, des analyses de marché, et des outils de prévision sophistiqués. Leur influence sur les marchés est telle que les flux d’informations qu’elles distribuent peuvent impacter directement les prix des actifs et les stratégies de trading à l’échelle mondiale.

Exemple de terminal Bloomberg

Cependant, à l’ère de la transition au numérique, le paysage de l’information financière a connu une transformation radicale avec l’avènement des réseaux sociaux, et notamment X (ex-Twitter). Cette plateforme, par sa nature spontanée et largement accessible, est rapidement devenue une source incontournable d’informations financières. La rapidité avec laquelle les informations circulent sur X peut parfois devancer celle des fournisseurs traditionnels d’informations financières, permettant aux investisseurs de réagir instantanément à des développements qui ne sont pas encore couverts ni, en principe, « pricé » (i.e le pricing étant le processus d’attribution du prix à un actif compte tenu de son contexte).

Cette transition vers les réseaux sociaux comme sources primaires d’information pose de nouvelles questions sur la véracité et la fiabilité des données, tout en soulignant un changement de paradigme dans la manière dont l’information financière est consommée et utilisée. Dans le contexte des cryptomonnaies, où le marché est particulièrement sensible aux rumeurs et aux annonces, X a acquis une place prépondérante, influençant souvent les mouvements de marché de manière significative et immédiate.

Cas d’école : le cas de FTX

FTX a été, pendant un temps, la 3ème place de marchée centralisée d’échange de cryptomonnaies, enregistrant à son apogée près de 21 milliards de dollars de volume d’échange par jours. La startup, fondée en 2019, a connu la banqueroute 3 années plus tard en 2022. La chute spectaculaire de FTX, exacerbée et mise en lumière par les interactions sur X, est un cas d’étude frappant de l’impact des réseaux sociaux sur le marché des cryptomonnaies.

L’affaire a commencé par l’annonce initiale par CZ (Changpeng Zhao), le PDG de Binance (1ère place de marché centralisée), de vendre ses avoirs en jetons FTT via X. Les jetons FTT, émis par FTX, représentent des actifs décentralisés émis sur la blockchain. Selon CZ, FTX détiendrait près de 30% de la totalité des FTT et l’inscrirait à son actif pour augmenter sa valorisation. Cette annonce a immédiatement secoué le marché et entrainé une vente massive du FTT. Cette action et la réponse rapide de FTX sur la même plateforme ont entraîné une forte volatilité du jeton FTT. X a agi non seulement comme un canal d’information mais aussi comme un amplificateur de la crise, propageant les nouvelles à une vitesse fulgurante et contribuant à un sentiment de panique parmi les détenteurs de FTT.

Au fur et à mesure que la situation se dégradait, Twitter est devenu un terrain fertile pour les rumeurs et les spéculations. La fluidité des informations, souvent non vérifiées, a créé une atmosphère de confusion et d’incertitude. Cela a exacerbé la crise de confiance envers FTX, poussant davantage d’investisseurs à retirer leurs fonds, précipitant ainsi la faillite de la plateforme. Cet afflux de demande de retrait pour une plateforme réputée insolvable a entraîné une prophétie auto réalisatrice. La plateforme arrête alors de fonctionner, et est placée sous enquête du gendarme de la bourse américain.

Tweet publié par le PDG de FTX Sam Bankmand-Fried pendant la crise

La faillite de FTX illustre de manière dramatique comment X peut influencer les marchés financiers, non seulement en diffusant des informations, mais aussi en amplifiant les crises en faisant office de chambre d’écho. FTX détenant un grand nombre d’actifs pour le compte d’acteurs institutionnels ou des boursicoteurs, un risque de contagion a entrainé des retraits sur nombre d’autres plateformes du fait de la diffusion des fausses rumeurs sur X. De manière plus large, la chute de FTX aura entraîné un refroidissement du marché crypto, fortement entaché par plusieurs scandales et largement volatile, entraînant un « bear market » (marché baissier).
Cette affaire met en lumière la nécessité pour les régulateurs et les participants du marché de mieux comprendre et gérer l’impact des réseaux sociaux dans la diffusion des crises financières et économiques. Si la crise des Subprimes de 2008 est avant tout une crise de confiance survenue à une ère ou les réseaux sociaux n’étaient que peu développés, les effets d’une telle crise là où les champs de batailles des réseaux sociaux permettent à tout un chacun de créer de l’information aurait pu être beaucoup plus dévastateurs.

Sources :

Correlation between emotional tweets and stock prices, Kätriin Kurk 2018
Looking Back on FTX’s Impact, Kaiko Research Team 2023
Bankruptcy of FTX, Wikipedia

Quel est l’impact des influenceurs sur la perception de l’authenticité des marques par les consommateurs ?

Introduction

L’impact des influenceurs sur la perception de l’authenticité des marques par les consommateurs est un sujet de plus en plus pertinent dans le monde du marketing digital. À une époque où la publicité traditionnelle perd peu à peu de son efficacité, les marques se tournent vers des influenceurs aux communautés ciblées pour gagner plus facilement la confiance des consommateurs. Cet article explore comment les interactions entre les influenceurs et leurs abonnés peuvent affecter la perception de l’authenticité d’une marque et, par conséquent, influencer le comportement des consommateurs.

La notion d’authenticité

Définition et importance

L’authenticité, dans le contexte du marketing d’influence, fait référence à la perception qu’ont les consommateurs de la vérité, de la sincérité et de l’intégrité d’un influenceur lorsqu’il recommande un produit ou une marque. Cette perception est cruciale car elle influence directement la manière dont les messages publicitaires sont reçus par les audiences.

Dimensions de l’authenticité

Selon des études récentes, l’authenticité d’un influenceur se décompose en quatre dimensions principales : l’originalité, la naturalité, la continuité et la fiabilité (Bruhn M., Schoenmüller V., Schäfer D., Heinrich D. 2012). Chacune de ces dimensions contribue à façonner l’image que les consommateurs se font de l’influenceur et, par extension, de la marque qu’il représente.

Influence des interactions sur la perception de l’authenticité

Engagement et authenticité

L’engagement des consommateurs avec les publications d’un influenceur est souvent perçu comme un indicateur de son authenticité. Un taux élevé d’interaction (likes, commentaires, partages) suggère que l’audience trouve l’influenceur crédible et digne de confiance, ce qui, par projection, renforce l’authenticité perçue de la marque.

Transparence et confiance

La transparence, désormais obligatoire par la loi sur l’influence en France (LOI n° 2023-451 du 9 juin 2023, alinéa 1 de l’article 5) en ce qui concerne les partenariats rémunérés, est une pierre angulaire pour maintenir la confiance des consommateurs dans l’ensemble. Son importance est décuplée dans l’actuel paysage numérique où les frontières entre contenu organique et contenu sponsorisé peuvent parfois sembler floues, notamment dans des formats comme les vidéos TikTok ou les stories Instagram. En étant clairs et explicites sur la nature de leurs partenariats, les influenceurs édifient un climat de confiance avec leur public, élément fondamental pour la pérennité de leur relation.

Effets de la perception de l’authenticité sur le comportement des consommateurs

Les perceptions d’attractivité, de confiance et d’expertise des influenceurs, renforcées par leur authenticité, ont un impact direct sur la propension des consommateurs à engager un bouche-à-oreille positif (Wang, E.S.-T. et Weng, Y.-J.,2024). Ce comportement est crucial pour les marques car il peut significativement amplifier la portée et l’efficacité des campagnes marketing. De plus, ce phénomène est souvent accentué par les interactions para-sociales, qui se développent lorsque les abonnés commencent à percevoir leurs relations avec les influenceurs comme étant proches et personnelles, bien qu’ils ne se rencontrent jamais en réalité. Ces interactions peuvent créer un sentiment de familiarité et d’attachement envers l’influenceur, renforçant ainsi la confiance et l’engagement du consommateur envers les produits ou les marques promues.

Bien que le marketing d’influence soit souvent moins coûteux et plus efficace que les méthodes plus traditionnelles, et malgré une réglementation croissante dans le secteur, les influenceurs les moins consciencieux sont encore souvent au centre de controverses. Nous avons pu en constater de nombreux exemples, notamment avec la vague d’« influvoleurs » de Dubaï (terme créé par le rappeur Booba suite aux polémiques), une controverse qui a en partie incité la France à légiférer sur le secteur.

Plus récemment, une vidéo de « Simon Puech » a souligné qu’il reste encore beaucoup à faire du côté des influenceurs en ce qui concerne les produits et services qu’ils promeuvent car beaucoup ne savent même pas ce qu’ils vendent.

Nonobstant, l’influence peut être à double tranchant. Bien que de nombreux influenceurs utilisent leur plateforme pour promouvoir des produits ou services, il est également possible que leur influence puisse nuire à l’image d’une marque, d’une personne ou d’une cause. Un exemple récent implique l’influenceur Marques « MKBHD » Brownlee, un Youtubeur spécialisé dans les critiques de nouvelles technologies. Il a reçu de nombreuses critiques désobligeantes concernant une de ses vidéos, craignant que celle-ci ne ternisse l’image de marque du produit en question et en la jugeant contraire à l’éthique.

Cependant, c’est précisément dans cette situation que réside l’essence même de Marques. Il est apprécié en tant qu’influenceur pour son authenticité et son expertise concernant les nouvelles technologies. Ses dimensions d’authenticité associées sont par ailleurs :

Originalité : Son approche unique des critiques de produits technologiques et sa capacité à présenter des informations complexes de manière accessible et engageante.

Naturalité : Sa communication décontractée et honnête crée une connexion authentique avec son public.

Continuité : Il maintient une qualité constante dans ses vidéos au fil du temps.

Fiabilité : Sa réputation d’influenceur de confiance, fournissant des critiques objectives et transparentes.

Conclusion

En conclusion, l’impact des influenceurs sur la perception de l’authenticité des marques et sur le comportement des consommateurs est indéniable. À une époque où la confiance des consommateurs est essentielle pour la réussite des stratégies marketing, les influenceurs jouent un rôle central en établissant des relations authentiques avec leur public. Leur capacité à incarner les dimensions de l’authenticité telles que l’originalité, la naturalité, la continuité et la fiabilité contribue à renforcer la confiance des consommateurs et à stimuler l’engagement envers les marques qu’ils représentent.

Cependant, il est également important de reconnaître les défis et les controverses auxquels sont confrontés les influenceurs, en particulier en ce qui concerne la transparence, l’éthique et la responsabilité dans la promotion de produits et services. La réglementation croissante dans le secteur et les récentes polémiques soulignent la nécessité d’une réflexion continue sur les meilleures pratiques et les normes éthiques dans le marketing d’influence.

En fin de compte, le potentiel positif des influenceurs pour les marques et les consommateurs est immense, mais il est essentiel que les influenceurs, les marques et les régulateurs travaillent ensemble pour garantir que cette industrie reste authentique, éthique et bénéfique pour toutes les parties prenantes.

Adrien Louÿs

Sources :

  • Agnihotri, D., Chaturvedi, P., Kulshreshtha, K. and Tripathi, V. (2023), « Investigating the impact of authenticity of social media influencers on followers purchase behavior: mediating analysis of parasocial interaction on Instagram », Asia Pacific Journal of Marketing and Logistics, Vol. 35 No. 10, pp. 2377-2394. https://doi-org.proxy.bu.dauphine.fr/10.1108/APJML-07-2022-0598
  • Ardley, B. , Craig, C. , Hunt, A. and May, C. (2022) “Product Endorsements on Instagram: Consumer Perceptions of Influencer Authenticity”. Open Journal of Business and Management, 10, 1196-1214. doi: 10.4236/ojbm.2022.103065.
  • Wang, E.S.-T. and Weng, Y.-J. (2024), « Influence of social media influencer authenticity on their followers’ perceptions of credibility and their positive word-of-mouth », Asia Pacific Journal of Marketing and Logistics, Vol. 36 No. 2, pp. 356-373. https://doi.org/10.1108/APJML-02-2023-0115
  • Bruhn, Manfred and Schoenmüller, Verena and Schäfer, Daniela and Heinrich, Daniel, Brand Authenticity: Towards a Deeper Understanding of its Conceptualization and Measurement (October 4, 2012). Advances in Consumer Research, Vol. 40, 2012, Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=2402187

Les luttes contre la désinformation et la protection des données des personnelles sur les réseaux sociaux ont un unique sauveur : la cryptographie.

Une étude du potentiel des techniques de ZKP lors de l’identification sur les réseaux sociaux.

Et si on pouvait s’identifier sur un réseau social en ligne sans rien dévoiler de notre identité? Et si ce réseau social pouvait être certain de la véracité de cette identification en ayant accès à aucune donnée sur l’utilisateur? C’est l’utopie défendue par une technique de cryptographie de vérification d’identité: le Zero Knowledge Proof.

« The thing that we are trying to do at facebook, is just help people connect and communicate more efficiently. » C’est ainsi que, 20 ans après l’initiative de Zuckerberg, les réseaux sociaux rassemblent aujourd’hui presque 5 milliards d’utilisateurs mondiaux(Forbes). Si les gens sont bien connectés, le défi principal des plateformes sociales réside dans leur incapacité à vérifier efficacement l’identité d’un utilisateur avant la création d’un compte :  faux comptes, comptes clonés et comptes multiples compromettent la sécurité des utilisateurs, sapent la crédibilité des informations et érodent la confiance dans ces plateformes.

En bref: le FAKE (accounts, interactions, news) parasite progressivement la légitimité de ces réseaux à être des vecteurs des liens sociaux.

Aujourd’hui, comment les identités sont-elles vérifiées?

Les systèmes actuels reposent principalement sur des méthodes post-création pour détecter et désactiver les faux comptes. Ces méthodes comprennent des algorithmes d’apprentissage automatique qui analysent le comportement des comptes, les rapports des utilisateurs et les processus de vérification manuelle. Cependant, ces approches sont réactives plutôt que préventives, ce qui signifie que les faux comptes peuvent encore exister temporairement et potentiellement s’engager dans des activités nuisibles avant d’être détectés . Cette situation met en évidence le besoin pressant de solutions proactives capables d’authentifier efficacement l’identité réelle d’un utilisateur avant la création d’un compte, réduisant ainsi considérablement le risque et l’impact des faux comptes. 

Brève typologie des attaques sur l’identité: 

Attaque par clonage d’identité:

Les attaques par clonage d’identité se produisent lorsqu’un acteur malveillant crée un profil en utilisant le même nom, les mêmes photos et d’autres détails personnels d’un utilisateur légitime, clonant ainsi son identité. L’objectif de ces attaques consiste généralement à tromper les amis ou les personnes qui suivent l’utilisateur légitime en leur faisant croire qu’ils interagissent avec une personne authentique.

Attaque Sybil:

Une attaque Sybil implique qu’une seule entité malveillante crée de nombreux faux profils pour manipuler le réseau ou ses utilisateurs. Ces attaques peuvent influer sur divers aspects du réseau, tels que la diffusion de fausses informations, la manipulation des métriques de popularité ou le ciblage direct d’utilisateurs individuels. La lutte contre ces attaques passe généralement par la détection des anomalies, la vérification des utilisateurs et l’imposition de restrictions aux comptes nouveaux ou non vérifiés.

Marionnettes (Sockpuppet)

Il s’agit d’un modèle d’attaque par l’identité dans lequel des utilisateurs malveillants (marionnettistes) s’inscrivent sur plusieurs comptes (sockpuppets). À l’aide de ces comptes, les marionnettistes se livrent à différentes activités malveillantes. Ils font de la publicité pour de fausses choses, du spam ou provoquent des controverses sur les réseaux sociaux. Si un compte est banni par un site de réseau social, les marionnettistes en créent un autre pour poursuivre leurs activités. Les sockpuppets sont de multiples faux comptes créés par le même utilisateur. 

Qu’en dit la loi?

En France, ces atteintes à l’identité sont appréhendées légalement par le délit d’usurpation d’identité numérique (l’article 226-4-1 du code pénal), qui incrimine « le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération ». Seulement, comme souvent, le droit positif n’est pas assez armé contre le Goliath de la cyber-criminalité. Le David auquel il faut faire appel appel face aux lacunes légales s’appelle ZKP (une technique de vérification d’identité par cryptographie). 

C’est quoi ce ZKP? 

Le Zero Knowledge Proof (preuve d’absence de connaissance) est un principe cryptographique permettant à une partie de démontrer à une autre qu’elle possède un élément d’information spécifique et vérifiée, sans révéler d’autres détails que la preuve de connaissance. Associée à la nature décentralisée et immuable de la technologie blockchain, la ZKP devient un outil de confiance pour la vérification d’identité.

Pour illustrer, imaginons que vous vouliez aller dans un club et qu’il y ait une restriction d’âge – personne de moins de 18 ans ne peut entrer. Normalement, vous devriez aller voir le garde du corps et lui montrer votre pièce d’identité, qui ne contient pas seulement votre âge, mais aussi votre photo, votre année de naissance, probablement votre adresse, etc. En revanche, grâce aux ZKP, vous pouvez prouver que vous possédez un document qui vous appartient et que vous avez plus de 18 ans. Vous présentez cette preuve, qui peut être un code QR, par exemple, la personne chargée de la sécurité scanne le code et l’écran s’affiche en vert si vous remplissez la condition d’âge. C’est tout. 

Vous avez réussi à prouver votre majorité sans communiquer votre nom, votre nationalité, ni même votre date de naissance. Cette technique de cryptographie permet de garantie la véracité d’une information ou d’un utilisateur sur les réseaux sociaux sans qu’il ait à dévoiler ses données personnelles. 

Un facteur essentiel pour que les ZKP fonctionnent est la présence d’une autorité/source de confiance. Par exemple, si vous voulez prouver à vos amis que vous avez plus de 1 000 followers sur Twitter, l’étape suivante consiste à créer un ZKP sur le nombre total de followers de votre compte et à le partager avec vos amis. Vos amis sauront que le résultat est correct car la preuve est générée à partir d’un élément d’information indéniablement vrai. Vous ne pouvez pas falsifier/ inventer le nombre de personnes qui vous suivent sur Twitter, l’information provient d’une source fiable (par exemple, Twitter). Cette preuve est une preuve cryptographique qui ressemble à un ensemble de chiffres et de lettres.

Concrètement, comment la cryptographie peut-elle aider à réduire les risques de désinformation et d’atteintes aux données personnelles?

✔️Grâce au ZKP combiné à la vérification d’identité, les utilisateurs peuvent prouver qu’ils sont des êtres humains référencés et uniques aux réseaux auxquels ils s’identifient, sans leur envoyer d’informations personnelles. Cela peut contribuer grandement à lutter contre les attaques cyber liées à l’identité et assurer l’unicité des comptes. Par extension, cette technique permettrait de réduire les risques de désinformation, les robots dans les médias sociaux, l’abus de position dominante de certaines marques et de leurs campagnes…

Sources:

Thelma Tertrais

Les réseaux sociaux comme catalyseurs de changements sociaux et politiques à travers le monde : des espaces d’expression politique et de mobilisation

À l’ère numérique dans laquelle nous évoluons, les réseaux sociaux se sont imposés comme des outils incontournables de communication, de mobilisation et d’expression publique. Que ce soit sous des régimes autoritaires où la censure prédomine, ou dans des démocraties où la parole est plus libre, ces plateformes redéfinissent les interactions sociales et politiques. Examinons comment, dans ces différents contextes et en particulier en Chine, au Cameroun, et en France, les réseaux sociaux facilitent une nouvelle forme de dialogue et de contestation.

Une libération de la parole dans des contextes de coercition

Dans des contextes politiques laissant peu de place à l’expression individuelle, les réseaux sociaux se révèlent être des espaces essentiels d’expression publique. C’est par exemple le cas en Chine, où le gouvernement exerce un contrôle rigoureux sur les médias traditionnels, limitant fortement l’accès à l’information et la liberté d’expression :  « La fermeture de Facebook, Youtube ou Twitter relève en effet autant du protectionnisme économique que de la censure médiatique » (Renaud, 2014). Dans ce contexte où « l’opinion publique’’ est façonnée par le parti politique dans les médias professionnels, des réseaux sociaux Chinois ont fait leur apparition. Sina Weibo, par exemple, permet une nouvelle forme d’émancipation de ses utilisateurs en leur offrant un support d’expression, notamment pour rendre visibles leurs revendications sociales et leurs protestations. 

Dans son article La sphère publique sur les réseaux sociaux en Chine : enjeux et stratégies des acteurs (2018) publié dans la revue  Les Enjeux de l’information et de la communication, Tao Tingting dresse une analyse des préoccupations principales des utilisateurs de Sina Weibo en étudiant les discours des 100 comptes ayant un très grande influence sociale sur la plateforme. Ses résultats sont régroupés dans le tableau suivant :

source : Tao, T. (2018). La sphère publique sur les réseaux sociaux en Chine : enjeux et stratégies des acteurs. Les Enjeux de l’information et de la communication, 18(3A), 135-148. https://doi.org/10.3917/enic.hs6.0135

De cette manière, on observe que les préoccupations principales des utilisateurs de la plateforme sont autour du thème du politique (49,91%) et du social (16,41%). Egalement, dans son étude, Monsieur Tingting, explicite que les revendications politiques sont axées autour de sujets tels que la démocratie et la reforme. Quant aux revendications sociales, celles ci sont sur des sujets tels que l’égalité de richesse et l’éducation.

Ainsi, pour contrebalancer le déficit démocratique de leur pays, les chinois ont pris pour alternative d’exprimer une forme de résilience sociale en instaurant un dialogue public sur les réseaux sociaux auxquelles ils ont accès. Sina Weibo fonctionne donc non seulement comme un réseau social mais aussi comme une plateforme de contestation et de mobilisation. Les discussions qui y prennent place révèlent souvent des préoccupations sociales et politiques qui, autrement, resteraient silencieuses ou réprimées. Cela montre comment, même sous des régimes autoritaires, les technologies numériques peuvent faciliter une certaine forme de liberté d’expression et servir de catalyseur pour le changement social.

Les réseaux sociaux ont également la capacité de contourner les limitations des espaces publics physiques, permettant la mobilisation sociale et la justice dans des contextes où les manifestations traditionnelles ou les rassemblements sont réprimés ou impossibles. L’affaire Eva au Cameroun est un autre exemple de cette autre dimension des réseaux sociaux : leur capacité a contourner les limitations des espaces publics physiques. Cette affaire concerne un cas tragique survenu entre juin 2015 et décembre 2016, période durant laquelle près de soixante enfants ont disparu au Cameroun. Parmi eux, Éva, une fillette de deux ans, a été trouvée décapitée à Douala. Face à cette affaire, le gouvernement Camerounais est resté passif et aucune enquête n’a été engagée. Les médias classiques locaux étant sous le contrôle constant et permanent du pouvoir en place, l’affaire a également été étouffée au niveau de la presse écrire, de la radio et de la télévision. 

Face aux limites des médias traditionnels en place, les réseaux sociaux ont alors joué un rôle crucial en permettant aux Camerounais de briser le silence médiatique, de partager des informations, et de mobiliser le soutien public et international autour de cette tragédie.

Alors que le contexte politique Camerounais ne donnait pas la possibilité d’une mobilisation au sein de l’espace publique physique, la mobilisation s’est, en effet, faite à travers les réseaux sociaux. A travers eux, la mobilisation a pu être massive, s’appuyant sur des objectifs affectifs, cognitifs et conatifs. Ainsi, pour susciter l’émotion et donc l’engagement et le militantisme des populations Camerounaise et Internationales, la photographie de la victime ainsi que du lieu où son corps a été retrouvé a été fortement partagé sur Facebook, certains internautes changeant même leurs photos de profils à cet effet. Aussi, en lisant, commentant et partageant les internautes ont démontré leur volonté d’informer à leur tour les autres internautes, le cumul des ressentiment a alors suscité de nombreuses actions symboliques et appelé à des marches de soutien.

« Internet représente un espace ouvert qui procure aux mouvements sociaux une grande autonomie, puisque les barrières de contrôle disparaissent et les protestations, les plaintes ou les appels à la mobilisation arrivent, à peu de frais, à un nombre plus grand de partisans ».

Suarez Collado, 2013, 51

Les exemples Chinois et Camerounais mettent en lumière le rôle crucial que peuvent jouer les réseaux sociaux dans des contextes politiques et sociaux variés, agissant comme des facilitateurs de dialogue et de mobilisation là où les canaux traditionnels sont insuffisants ou inexistants.

Les Réseaux sociaux, amplificateurs des mobilisations 

En France, tandis que la liberté d’expression est un droit majeur garanti par l’article 11 de la DDHC, les Réseaux Sociaux trouvent également leurs places, dans des contextes de mobilisation sociales, cela notamment en jouant des rôles cruciaux dans l’organisation de mouvements, tels que les gilets jaune. En effet, ce mouvement de protestation commencé le 17 novembre 2018 s’est développée de manière massive via les Réseaux Sociaux. On recense par exemple à la mi décembre, soit un mois après le début du mouvement, 1548 groupes Facebook de plus de 100 membres chacun associés au mouvement. Les plateformes de Réseaux Sociaux et notamment de Facebook ont été essentielles pour structurer le mouvement et aidé à coordonner les manifestations à grande échelle, à rassembler les participants et à diffuser des informations en temps réel.

Pour démontrer l’impact des réseaux sociaux dans la mobilisation, dans « Les déterminants de la mobilisation des Gilets jaunes », Pierre C. Boyer, Thomas Delemotte, Germain Gauthier, Vincent Rollet et Benoit Schmutz ont réalisé une étude permettant de démontrer le lien entre la mobilisation en ligne et hors ligne. En utilisant deux sources de données compilées reflétant à la fois la mobilisation online et offline et en construisant trois indicateurs ( Nombre de rassemblements prévus par zone géographique, Nombre de membres de groupes Facebook associés à chaque zone géographique et Nombre de publications sur les groupes Facebook associés à chaque zone géographique), ils ont démontrer une corrélation positive entre les indicateurs de mobilisation online et offline. Plus précisément, l’étude a également démontré une forte corrélation (74%) entre le nombre de groupe Facebook par départements et le nombre de blocage ayant eu lieu dans ce département ainsi qu’une corrélation de 62 % entre le nombre de blocage dans ce département et le nombre de publications sur Facebook.

De nombreux travaux théoriques récents (Edmond [2013] ; Little [2016] ; Barberà et Jackson [2018]) se sont penchés sur l’importance des réseaux sociaux en ce qui est de l’émergence de mouvements de protestation de grande ampleur. Aussi, alors que la coordination est essentielle pour à l’action collective mais souvent limitée par les asymétries d’information et les contraintes des canaux de communication, les réseaux sociaux permettent de transformer les habitudes des citoyens comme des gouvernements.

Le dialogue en Chine, la mobilisation au Cameroun et les manifestations en France ne sont que quelques exemples de la manière dont les réseaux sociaux permettent de créer des espaces pour des voix qui autrement resteraient silencieuses et offrent des moyens de contestation et de résistance face à l’oppression. Ces plateformes ont révolutionné la manière dont nous communiquons mais ont également redéfini les paradigmes de mobilisation et d’expression dans des contextes variés à travers le monde. Ainsi, que ce soit dans des pays où la censure prédomine ou dans des démocraties où la parole est plus libre, les réseaux sociaux ont prouvé leur capacité à servir de catalyseurs pour le changement social et politique.

Louise Lefevre

Sources:

Les influenceurs sont-ils vraiment le meilleur allié d’un cinéma plus dynamique?

Le 23 février dernier, la présence de l’influenceuse Léna Situations en tant qu’animatrice du tapis rouge des César a suscité beaucoup de critiques sur les réseaux sociaux.

Léna Situations, de son vrai nom Léna Mahfouf, cumulant plus de 4 millions d’abonnés sur Instagram, s’est en effet vue confier la tâche d’animatrice du direct sur MyCanal et le compte Tiktok de Canal +. Interviewer les icônes du cinéma français à leur entrée, c’est ce qu’on reproche à cette instagrameuse qui n’aurait visiblement pas sa place à un tel évènement. Pourtant ce n’est pas la première fois que le monde du cinéma s’allie avec ce genre de créateurs de contenus, et une telle association devrait paraître évidente, et même nécessaire. Aujourd’hui des noms comme Paola Locatelli, Seb, Carla Ginola, Charlie Damelio, sont communs sur les tapis rouges. Mais Léna Situations marque un tournant : plus que faire partie du décor, une influenceuse peut avoir la main.

Un objectif : réintéresser les digital natives

Selon un rapport du CNC, les 15-24 ans représentaient la population la plus faible des spectateurs du cinéma en France en 2022 (15,7% des spectateurs), une proportion encore plus faible que les 3-14 ans (17,4% des spectateurs). À l’inverse, les 15-24 ans sont les plus présents sur les réseaux sociaux, 80% d’entre eux y participeraient selon une enquête Statista. Sur 4,8 milliards d’utilisateurs d’Internet dont 98% présents sur les réseaux sociaux dans le monde, il est aisé de comprendre que le cinéma a considérablement perdu de son influence sur une population jeune, qui ne se ferme pourtant pas complètement aux médias.

Peut-on dire que la présence croissante des influenceurs dans la liste des invités des cérémonies du cinéma a pour unique objectif d’attirer de nouveaux les jeunes vers les salles obscures ? Si l’on fait abstraction de leur présence évidente en tant que promoteurs des marques qui les invitent, on peut dire que oui. En effet, les médias sociaux ont permis une multiplication des relations « para-sociales ». Ce terme qualifie les sentiments d’amitié et d’admiration qu’une personne lambda, un fan, va éprouver envers une personnalité publique, qu’il ne connaît pas personnellement. Les influenceurs ont multiplié les interactions avec leurs admirateurs, multipliant par la même occasion le nombre de ces derniers.

Le cinéma, un média vieux au public vieillissant, prend donc le pari naturel de ces créateurs de contenus numériques pour réunir une population sur laquelle il n’a plus de prise.

Les influenceurs : des armes de pointe du marketing

Les influenceurs sont depuis plusieurs années déjà les mascottes de toutes marques espérant devenir virales. La vitalité, c’est la vitesse de diffusion d’un contenu, ou le nombre de personnes touchées par celui-ci. De nombreuses marques ont pris l’habitude de travailler en partenariats avec les créateurs de contenus : cadeaux, produits en collaboration, stories ou posts rémunérés font partie des nombreuses stratégies de promotion réalisables. Une autre s’est donc développée : inviter des influenceurs à certains illustres évènements sous le nom de la marque. C’est ce qui explique notamment le défilé des influenceurs les plus populaires sur Instagram et Tiktok, sur le tapis rouge de Cannes. Bien que leurs contenus, voir même leurs centres d’intérêts, n’aient pas grand chose, si ce n’est rien à voir avec le cinéma, ceux-ci ont droit d’accès aux évènements les plus selects du milieu, telles que les avant-premières dans le prestigieux Théâtre des Lumières.

Cette association peut poser question, pourtant elle fonctionne. Leur présence a permis de concentrer l’attention de toute leur communauté sur le Festival de Cannes. La stratégie portant ses fruits, les institutions du cinéma ont à leur tour décidé de s’y prendre au jeu. Le Festival de Cannes s’est déjà associé deux années de suite à Tiktok en tant que partenaire officiel, les César ont quant à eux engagé Léna Situations. Pari gagnant : près de 150 000 viewers suivaient l’entrée des vedettes à l’Olympia en live sur le Tiktok de Canal+, un chiffre phénoménal pour une chaîne traditionnelle sur Tiktok.

Une présence qui pose problème

Au-delà des nombreuses critiques qu’a suscité le rôle de Léna Situations aux César, la présence des influenceurs à de tels évènements du cinéma est loin d’être acceptée par la majorité. La stratégie fonctionne pour les 15-24 ans, les jeunes redécouvrent l’envie d’aller au cinéma grâce à leurs idoles. Pour les habitués il n’en est cependant pas du même son de cloche. Pourquoi? Parce que cette association ne fait pas sens de prime abord. Cannes, comme les César, sont des marques à part entière qui ont construit leur image depuis des dizaines d’années comme les évènements les plus illustres du cinéma français et international. Haut lieu de prestige, réunion d’amateurs et de connaisseurs, célébration de tout un art, la présence de créateurs de vidéos courtes et de photos Instagram fait tout de suite contraste.

Ce problème relève d’une anomalie dans le « celebrity endorsement » de ces marques, c’est-à-dire de l’image que ces associations renvoient. L’un des critères de succès d’une campagne avec une célébrité est la congruence. Il s’agit d’une question de « match » entre la marque en elle-même, et la célébrité qui la représente. Les deux sont en réalité rarement issues des mêmes secteurs, les pubs télévisées en sont d’ailleurs un parfait exemple. Cependant de manière générale, la célébrité engagée doit redorer l’image de la marque : on se rappelle tous de la pub de Jo-Wilfried Tsonga pour Kinder Bueno, ou de Brad Pitt pour Boursorama Banque. Ils n’ont aucun rapports, mais apportent une influence positive sur l’image de la marque.

Pour la communauté cinématographique, associer le cinéma à de « simples influenceurs » ne fait pas sens, et détériore même l’image de cet art. En dehors de leur propre communauté, les influenceurs ne font pas l’unanimité, et sont souvent dénigrés. Pourtant ce n’est pas la première fois que des vedettes sans rapport avec le cinéma défilent sur ces tapis rouges. Avant eux : les top models, les footballers professionnels, les candidats de télé-réalités avaient déjà leur place, et étaient pourtant des armes de marketing bien moins efficaces.

Au-delà du marketing : un postulat sur l’état des médias

Lorsque Léna Situations prend le micro pour interviewer les plus grandes figures du cinéma de l’année, l’engagement franchit néanmoins une nouvelle étape, celle de faire comprendre à la presse qu’elle n’est plus ni le média dominant, ni le média important. La journaliste Camélia Kheiredine a notamment regretté sur X que cette place lui ait été confiée, plutôt qu’à un jeune journaliste spécialisé et qualifié. En effet la presse traditionnelle est en déclin, et le cinéma semble lui aussi déjà lui tourner le dos. Nathalie Chifflet écrivait en 2017 « […] la presse a perdu le monopole de l’influence. D’ailleurs, le mot d’influence ne lui appartient même plus. Le digital lui a confisqué, signalant par là-même le déplacement des relais d’opinion« .

La décision des César de ne pas confier cette position à un journaliste signe dès lors un constat morose : une association systématique et automatique de la jeunesse aux influenceurs, une perte d’espoir totale dans un intérêt pour une presse spécialisée. La France n’en est qu’à ses balbutiements. Les États-Unis nous précèdent de plusieurs années. Les influenceurs qui s’improvisent journalistes pullulent sur les tapis rouges de tous types d’évènements culturels et ne font pour le moment pas preuve des qualités qui définissent ce métier.

Le débat est donc ouvert sur le rôle que vont vraiment porter les influenceurs pour le cinéma et le monde de la culture dans le futur. Entre dégradation de l’information et influence notoire, les institutions auront à faire un choix. Le Festival de Cannes renouvèle de nouveau son partenariat officiel avec Tiktok, qui se défend lui-même d’être un réel levier pour la culture. Entre le concours Tiktok Short Films durant le festival, qui a déjà récompensé la jeune Claudia Couchet, lui permettant de travailler sur des projets de plus grande envergure par la suite, les partenariats avec différents salons culturels, et le hashtag #Booktok, Tiktok porte ses arguments. La présence des influenceurs est cependant toujours questionnable, surtout lorsque nombreux suspectent une amputation du nombre de Pass 3 jours à Cannes (pass permettant aux jeunes amateurs d’assister au festival) au profit de plus de places pour ces derniers.

Anaëlle Mousserin

Sources:

Comment TikTok s’adapte et influence le commerce électronique ?

L’essor des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux se sont installés dans notre quotidien depuis les années 2000 et leur place est primordiale aujourd’hui. Selon une étude de We Are Social, en 2024, 5,04 milliards d’utilisateurs actifs peuplent les réseaux sociaux, soit 62,3 % de la population mondiale. Les réseaux sociaux, dotés de différentes fonctionnalités, ont commencé à influencer et à changer les modes et les habitudes de vie des consommateurs, surtout pour la génération Y et Z. Par exemple, ils utilisent davantage les applications de messagerie instantanée pour échanger avec leurs proches, à la place de SMS et appels. De plus, au lieu de regarder la télévision ou d’écouter la radio, ils se tournent vers les applications de courtes vidéos pour se divertir. D’ailleurs, de plus en plus de consommateurs utilisent les réseaux sociaux pour découvrir, évaluer et acheter des produits. Ainsi, les réseaux sociaux sont devenus de nouveaux canaux efficaces de communication et de vente des produits pour les marques.

TikTok : une plateforme en pleine expansion

Avec l’explosion d’informations actuelle, la durée d’attention de l’humain a tendance à diminuer, faisant de l’attention une denrée rare que les commerçants se disputent. Les réseaux sociaux encouragent donc une circulation des contenus plus visuelle, plus rapide et plus résumée. Cette tendance favorise l’essor d’applications de vidéos courtes, telles que TikTok. Lancée en 2016, TikTok est une plateforme de médias sociaux permettant de créer et de partager de courtes vidéos. Grâce à ses avantages tels que la diversité des contenus, l’algorithme de recommandation efficace, ainsi que son format de vidéo courte facile à regarder, créer et partager, TikTok a rapidement conquis un grand public, surtout les jeunes, et a connu un grand succès. Selon les données de Statista, il figure parmi les réseaux sociaux les plus utilisés dans le monde, derrière Facebook, YouTube et Instagram, avec un nombre de MAU de 1,5 milliard début 2024. De plus, TikTok est aussi l’application sur laquelle les utilisateurs dépensent le plus d’argent. Ses revenus ne cessent d’augmenter. Son chiffre d’affaires mondial était de 14,3 milliards de dollars en 2023, contre 9,4 milliards en 2022. Ses revenus proviennent principalement de la publicité, des achats intégrés (TikCoins et cadeaux virtuels) et du e-commerce (TikTok Shop). Cette dernière est une nouvelle source de revenu en rapide croissance pour TikTok.

TikTok s’oriente vers une plateforme du Social Shopping

Le commerce électronique, ayant plus de 50 ans d’histoire, a débuté dans les années 70 et a été propulsé par l’explosion d’Internet depuis les années 90. Avec le développement des réseaux mobiles et la démocratisation des médias sociaux après 2010, il a connu une croissance exponentielle. 

Depuis 2020, TikTok a commencé à amorcer de nouvelles solutions du e-commerce. Il s’est associé à Shopify pour offrir une solution de conversion directe dans l’application. Ce partenariat permet aux marchands sur Shopify de toucher directement les utilisateurs de TikTok et permet également à ces derniers d’acheter chez un marchand de Shopify sans quitter l’application. De plus, il permet aux commerçants, via le tableau de bord sur Shopify, d’accéder aux fonctionnalités essentielles de TikTok For Business pour créer et gérer des campagnes publicitaires sur TikTok, et suivre leurs performances en temps réel.

En 2021, TikTok a lancé TikTok Shop pour renforcer sa présence dans le domaine du social shopping, permettant l’achat et la vente directe sur l’application. Il propose aux marques trois fonctionnalités natives pour diffuser et vendre directement leurs produits sur TikTok : les vidéos Shopping, le Catalogue Produit et le Live Shopping.

1. Les vidéos Shopping sont des contenus vidéos classiques dans l’onglet « For you » des utilisateurs. Elles intègrent un lien vers un produit avec une icône panier, ce qui dirige les utilisateurs vers le catalogue de produits et leur permet d’effectuer l’achat sans quitter l’application. 

2. Le Catalogue Produit est un espace regroupant tous les produits de la marque.

3. Le Live Shopping permet aux vendeurs de mettre en avant plusieurs fiches produits lors d’un stream en direct et aux spectateurs du live de les acheter directement. Les produits sont affichés et épinglés (icône panier) pendant la diffusion en direct, accompagnés de toutes leurs informations, images, tarifs et descriptions.

De plus, TikTok propose aussi l’onglet « Shop » présentant des produits sélectionnés dans différentes catégories. Il fournit également divers services aux vendeurs, tels que la logistique efficace avec des collectes à domicile illimitées, le paiement sécurisé et la gestion des entrepôts.

En conséquence, de l’attraction des utilisateurs à l’achat final, TikTok et sa boutique intégrée offrent une expérience d’achat en ligne plus fluide pour les consommateurs, ce qui augmente nettement les taux de conversion et stimule les ventes. À l’heure actuelle, TikTok Shop est disponible dans 6 pays d’Asie (l’Indonésie, la Thaïlande, le Vietnam, la Malaisie, Singapour, les Philippines), aux États-Unis et au Royaume-Uni, rencontrant un gros succès, surtout en Asie du Sud-Est.

Comment TikTok influence l’e-commerce ?

Les réseaux sociaux et leur innovation en termes d’intégration des fonctionnalités d’e-commerce influencent non seulement les habitudes d’achats des consommateurs, mais donnent également aux e-commerçants de nouvelles opportunités de vente et de communication. Cela a révolutionné le mode traditionnel d’e-commerce. 

En ce qui concerne les impacts sur les consommateurs, les réseaux sociaux jouent maintenant un rôle primordial dans la découverte, l’évaluation et l’achat de produits. En intégrant des fonctionnalités de commerce électronique dans l’application, TikTok facilite leur processus d’achat et offre une expérience plus fluide. Au lieu de rechercher des produits en ligne par eux-mêmes, les consommateurs peuvent découvrir des produits intéressants tout en regardant des vidéos. En effet, environ 60% des utilisateurs découvrent de nouveaux produits sur TikTok, cela se traduit notamment par le hashtag “TikTok made me buy it”.

De plus, les consommateurs privilégient les vidéos de feedback ou les commentaires générés par d’autres consommateurs pour l’évaluation des produits. Ce qui est encore plus pratique, c’est la possibilité d’effectuer l’achat en quelques clics sans quitter l’application.

En ce qui concerne les impacts sur les e-commerçants, TikTok et sa boutique intégrée ont changé leur façon de vendre et de faire connaître leurs produits. D’une part, TikTok s’avère être un canal de communication plus efficace que les sites d’e-commerce traditionnels. En tant que plateforme de contenu généré par les utilisateurs, il rend les publicités moins intrusives et crée un écosystème harmonieux où contenu créatif et marketing numérique coexistent. De plus, TikTok offre des outils puissants aux e-commerçants pour gérer et optimiser leurs campagnes publicitaires, comme TikTok Ads Manager. En outre, la communication sous forme de vidéo sur TikTok est plus attrayante et virale que celle sous forme d’image et de texte sur les sites d’e-commerce traditionnels. D’ailleurs, grâce à un nombre plus considérable d’utilisateurs actifs sur TikTok, les marchands peuvent gagner plus de trafic sur l’application. À part cela, le suivi des tendances (trends), l’utilisation des hashtags viraux ou la coopération avec les influenceurs permettent aussi aux marques d’augmenter la viralité des contenus marketing et stimuler les ventes. D’autre part, TikTok offre un nouveau canal de vente. Il donne l’opportunité aux vendeurs de transformer l’attention des millions d’utilisateurs actifs en achats. De plus, la possibilité d’acheter directement depuis l’application aide à augmenter les taux de conversion pour les marques. Tout cela a incité les e-commerçants, surtout les PME, à changer et à améliorer leur stratégie de communication et de vente, en recourant davantage aux médias sociaux.

Avantages commerciaux de TikTok VS enjeux éthiques et légaux

Pour conclure, les réseaux sociaux sont devenus incontournables pour les consommateurs et les marques. TikTok, en tant que l’un des réseaux sociaux les plus populaires, a un impact profond sur le commerce moderne. TikTok Shop marque une évolution dans l’achat en ligne. Il a non seulement changé les habitudes de consommation en créant une expérience fluide, où le divertissement, la découverte de produits et le shopping se rencontrent sans couture. Il a également modifié la manière dont les marques interagissent avec leur audience et élargi les voies de marketing et de vente. Cela pousse le développement et la transformation du mode d’e-commerce traditionnel. 

Cependant, il ne faut pas négliger les risques et les défis entraînés par ce type de shopping en ligne. D’après une étude d’Accenture, cela génère quelques appréhensions chez les consommateurs, comme le manque de protection de l’acheteur, les variations de qualité et de fiabilité, ainsi que des failles dans les politiques de remboursements. De plus, les recommandations personnalisées de contenu sur les médias sociaux basées sur des algorithmes nécessitent la collecte et l’analyse des données, ce qui entraînera une préoccupation sur la sécurité des données et la violation de la vie privée. En outre, les algorithmes portent aussi atteinte aux consommateurs, en termes de réduction de l’espace des choix possibles, de possibilité de manipulation des comportements et d’abus d’exploitation en extrayant la totalité des surplus des consommateurs. Par conséquent, il est nécessaire de considérer comment harmoniser l’amélioration de performance commerciale des marques avec le respect de l’éthique et de la réglementation.

Yimin DU

Références

1. BDM, 《Chiffres réseaux sociaux – 2024》, disponible en ligne sur <https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-reseaux-sociaux/>, consulté le 11 avril 2024
2. Statista, 《Réseaux sociaux les plus utilisés dans le monde 2024》, disponible en ligne sur <https://fr.statista.com/statistiques/570930/reseaux-sociaux-mondiaux-classes-par-nombre-d-utilisateurs/>, consulté le 11 avril 2024
3. BDM, 《Chiffres TikTok : les statistiques à connaître en 2024》, disponible en ligne sur <https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-tiktok/ >, consulté le 11 avril 2024
4. Faster Capital, 《Modèle commercial et sources de revenus de TikTok decouvrir les secrets de la generation de revenus de TikTok》, disponible en ligne sur <https://fastercapital.com/fr/contenu/Modele-commercial-et-sources-de-revenus-de-TikTok—decouvrir-les-secrets-de-la-generation-de-revenus-de-TikTok.html>, consulté le 12 avril 2024 
5. Fevad, 《Le focus du mois : TikTok, le nouvel outil marketing pour les e-commerçants》, disponible en ligne sur <https://www.fevad.com/le-focus-du-mois-tiktok-le-nouvel-outil-marketing-pour-les-e-commercants/>, consulté le 12 avril 2024  
6. Siècle digital, 《Le partenariat entre TikTok et Shopify se déploie en Europe》, disponible en ligne sur <https://siecledigital.fr/2021/02/23/partenariat-tiktok-shopify-europe/>, consulté le 12 avril 2024  
7. Techcrunch, 《TikTok partners with Shopify on social commerce》, disponible en ligne sur <https://techcrunch.com/2020/10/27/tiktok-invests-in-social-commerce-via-new-shopify-partnership/>, consulté le 12 avril 2024  
8. Neads.io, 《TikTok Shop : comment fonctionne le shopping sur TikTok》, disponible en ligne sur <https://neads.io/blog/tiktok-shop-comment-fonctionne-le-shopping-sur-tiktok/>, consulté le 13 avril 2024
9. TikTok Shop, 《What is TikTok Shop》, disponible en ligne sur <https://seller.tiktokglobalshop.com/account/register>, consulté le 13 avril 2024 
10. Arcane, 《TikTok Shopping : la plateforme s’oriente vers le social shopping》, disponible en ligne sur <https://www.arcane.run/blog/tiktok-shopping-la-plateforme-soriente-vers-le-social-shopping>, consulté le 14 avril 2024 
11. Ecommerce-nation, 《TikTok accélère le développement de son E-commerce》, disponible en ligne sur <https://www.ecommerce-nation.fr/tik-tok-shop-succes/>, consulté le 14 avril 2024
12. ESCEN, 《L’influence des réseaux sociaux sur le commerce moderne》, disponible en ligne sur <https://escen.fr/linfluence-des-reseaux-sociaux-sur-le-commerce-moderne/>, consulté le 14 avril 2024  
13. Fevad, 《Social selling : les réseaux sociaux au service des e-commerçants en 2022》, disponible en ligne sur <https://www.fevad.com/social-selling-les-reseaux-sociaux-au-service-des-e-commercants-en-2022/>, consulté le 17 avril 2024 
14. Cairn, 《Intelligence artificielle et manipulations des comportements de marché : l’évaluation ex ante dans l’arsenal du régulateur》, disponible en ligne sur < https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-economique-2020-2-page-203.htm>, consulté le 17 avril 2024

Dévoiler la stratégie de contenu sur Instagram : Comment Reels, Lives et Stories influent sur l’engagement et la conversion ?

À l’ère numérique d’aujourd’hui, les médias sociaux sont des plateformes cruciales pour la transmission et le partage d’informations. Comment attirer l’attention de l’audience potentielle et les guider vers vos sites web ou magasins ? Comment détecter et répondre à leurs besoins? Ce sont toutes des questions clés en marketing sur les réseaux sociaux. En plus du contenu créatif, les différents approches du contenu est également très importante. Vidéo ? Images ? Texte ? Audio ? L’utilisation astucieuse de différentes formes de contenu aidera à maximiser les résultats. Cet article prendra Instagram comme exemple, pour discuter des caractéristiques de ces trois nouveaux formats : les reels, les stories et les lives, examinera leur efficacité en termes d’engagement et de conversion, et découvrira comment utiliser efficacement ces formats dans les stratégies de marketing.

Source : Later

Instagram est l’un de canal le plus important pour leurs campagnes de marketing d’influence, offrant principalement quatre formats de publication : les posts, les reels, les stories et les lives. Les posts, en tant que format le plus traditionnel et principal d’Instagram, permettent de diffuser des informations sous forme de vidéos, d’images, de carrousels, etc. Mais depuis 2019, le taux d’engagement moyen des posts dans le feed (hors réels et IGTV) a diminué de 44 %. Selon l’étude de Later portant sur 81 millions de publications Instagram, le taux d’engagement moyen des posts était de 5,16 % en 2019, mais a chuté à 2,88 % d’ici fin 2021. On constate que même si les post conservent leur place sur Instagram, les marques commencent à expérimenter de plus en plus de nouveaux formats.

  • Réel

Le Reel est un format de vidéo courte de 15 à 90 secondes, introduit sur le marché français en 2020 pour rivaliser avec son concurrent TikTok. Le taux moyen d’engagement par post pour les Reels était de 1,23 % en 2023, ce qui en fait actuellement le type de contenu le plus performant sur Instagram. 

Tout d’abord, les Réels offrent des outils d’édition intégrés, une bibliothèque audio et des divers filtres et AR effets, ce qui permet de répondre à la demande croissante des utilisateurs en matière de montage rapide et de partage. D’ailleurs, contrairement aux Stories qui ne durent que 24 heures et aux Lives qui sont diffusés en temps réel, les Reels peuvent être conservés à long terme et facilement partagés avec d’autres utilisateurs, ce qui conduit à une portée organique (Reach) plus large. De plus, le format court des Reels les rend plus interactifs et divertissants, ce qui augmente ainsi leurs chances de devenir viraux. Selon les données de Socialinsider, comparé aux carrousels et aux images, les Reels génèrent deux fois plus de portée et sont également plus susceptibles de recevoir des likes et des commentaires. De plus, selon la graphique sur l’algorithme de l’instagram, il a été constaté que la corrélation entre les impressions et les likes est la plus forte (0,85), tandis que la relation avec les commentaires (0,16) et le nombre de followers (0,12) est plus faible. Cela signifie que les Réels peuvent obtenir une notoriété élevée avec un nombre relativement faible de followers ou de commentaires, ce qui est avantageux pour les petits créateurs. 

Source : Semrush

Ainsi, pour les marques et les entreprises, les reels représentent un excellent canal de marketing pour accroître l’engagement du public et la reconnaissance de la marque. Par exemple, Sephora France est l’une des marques qui utilisent efficacement les Reels d’Instagram. La beauté Sephora a utilisé efficacement les Reels pour présenter des tutoriels de maquillage rapides avec leurs produits, obtenant plus de 2 millions de vues et des milliers de likes, commentaires et partages, ce qui a stimulé l’engagement et l’intérêt pour leurs produits.

De plus, collaborer avec les KOLs, lancer des tendances et des challenges sur les Reels et encourager les utilisateurs à la création de contenu (UGC) est aussi une stratégie efficace. Par exemple, la compagnie aérienne Delta crée souvent des Reels interactifs, invitant les utilisateurs à participer à des vidéos, par exemple, il a publié un reel avec la question « if you could squeeze in one more trip before the end of the year, where would you go ? ». Ce reel a obtenu plus de 104 000 vues et 700 commentaires. De plus, Delta partage régulièrement des vidéos sur les destinations mondiales provenant de clients, d’influenceurs et de ses employés, pour inspirer les futurs voyageurs. Starbucks fait aussi la même stratégie. Ils encouragent activement leurs clients à créer des contenu et à partager leurs expériences avec des hashtags tels que #Starbuckstumbler, #starbuckscups, #starbucksmood, etc.

  • Story 

La story est un contenu (photo ou vidéo) – ou une série de contenus – que l’on publie sur Instagram et qui s’efface automatiquement après 24 heures. Elle a été lancée par Instagram en 2016 pour inciter les utilisateurs à partager en temps réel des moments de leur quotidien. En comparant le taux moyen de portée des stories Instagram avec les post dans le feed, nous avons constaté que la plupart du temps, les stories Instagram n’atteignent que la moitié des personnes touchées par les post.  Selon le markerly, son taux moyen d’engagement se situe entre 1 % et 7 % selon la taille des abonnés, légèrement inférieur à celui des Reels (2%-8%). 

Source : Rival IQ

Cependant, les stories sont un outil très efficace pour communiquer de manière plus spontanée et authentique avec leurs abonnés. Tout d’abord, les stories offrent diverses formes d’interactivité amusantes, telles que le sondage, le quizz, le compte à rebours, etc., qui peuvent favoriser l’interaction, renforcer l’engagement du public, et créer une expérience plus immersive pour les utilisateurs. Par exemple, Nike a utilisé la sondage dans sa story, demandant aux utilisateurs de voter pour leur design Air Max préféré. Cela a non seulement suscité l’anticipation pour le lancement du produit, mais a également encouragé une participation directe de milliers d’utilisateurs. Deuxièmement, les liens « Swipe-Up » et les autocollants de liens dans les stories permettent un accès direct aux sites web, aux pages produits ou à d’autres contenus pertinents, réduisant ainsi l’écart entre l’engagement et la conversion. Troisièmement, les stories sont aussi propices d’être utilisées comme teasers, par exemple en utilisant des stories pour prévisualiser vos vidéos ou événements en lives, reels ou sur IGTV, voire sur d’autres plateformes telles que YouTube. Cela peut susciter l’attente chez le public et inciter les spectateurs de stories à regarder la vidéo complète.

  • Live 

Un live (ou salon direct) est une diffusion vidéo en direct qui permet de communiquer en temps réel avec sa communauté. Sur Instagram, les utilisateurs peuvent désormais diffuser en direct jusqu’à quatre heures avec trois co-organisateurs au maximum. Les lives sont un excellent moyen de maintenir le contact avec son public et de renforcer sa fidélité. Ils favorisent les échanges directs et permettent d’obtenir immédiatement des retours sur le contenu proposé, ainsi que de répondre aux questions des spectateurs pour dissiper leurs doutes. De plus, la nature en temps réel des lives offre une expérience authentique qui inspire davantage confiance chez les spectateurs, ce qui en fait un outil idéal pour promouvoir des produits et des services en montrant leur authenticité et en encourageant les achats. Les Q&A avec le Leadership Team, Behind the Scenes Expérience, les live d’unboxing, etc., sont tous des choix très efficaces. Cependant, les lives sont en temps réel, ce qui signifie que les spectateurs peuvent facilement les manquer. Il est donc essentiel de les annoncer à l’avance via des stories ou d’autres moyens de promotion, pour maximiser l’audience. En outre, organiser régulièrement des séminaires ou des tutoriels sur live est également une excellente façon d’attirer un public potentiel. Par exemple, Barry’s Bootcamp organise régulièrement des sessions en live pour partager des cours d’entraînement énergiques. Cela crée une communauté numérique pour sa marque, attire et fidélise les amateurs de fitness.


Pour conclure, sur la plateforme Instagram, ces trois outils offrent tous des opportunités d’engagement et de conversion, mais chacun présente des caractéristiques distinctes et ils peuvent être utilisés de manière complémentaire pour diversifier la stratégie de contenu d’une marque ou d’une personne. Les reels sont la principale tactique pour atteindre de nouveaux publics et augmenter les engagements tels que les likes et les commentaires, les lives sont efficaces pour susciter des échanges directs, et les stories sont idéales pour augmenter l’interactivité directe du public et diriger le trafic vers leurs reels, lives ou leurs site web. Lors de l’élaboration d’une stratégie de marketing, il est essentiel d’exploiter efficacement les caractéristiques et les avantages de chacun de ces outils, tout en mettant l’accent sur la qualité et l’authenticité du contenu. Après la publication, il est également important de surveiller attentivement les indicateurs tels que le taux d’engagement par portée, le taux de conversion, le taux de rétention, etc., et de les analyser pour résoudre les problèmes éventuels.

YE Jiayi


Référence: 

Blair Feehan , 《 2024 Instagram Stories Benchmark Report》, disponible en ligne sur <https://www.rivaliq.com/blog/instagram-stories-benchmark-report/>, consulté le 14  avril 2024

Jessica Worb, 《How Reels Have Impacted Feed Post Performance》, disponible en ligne sur <https://later.com/blog/instagram-reels-engagement/>, consulté le 14  avril 2024 

Stellar tech, 《The complete guide to content formats and types on Instagram》, disponible en ligne sur <https://stellar.io/resources/influence-marketing-blog/guide-instagram-formats-content/>, consulté le 15  avril 2024  

Markerly,《Engagement Metrics: Do Instagram Reels or Stories drive better engagement?》, disponible en ligne sur <https://markerly.com/pulse/engagement-metrics-do-instagram-reels-or-stories-drive-better-engagement/>, consulté le 16  avril 2024  

Elena Cucu, 《Instagram Benchmarks: What Is the Best-Performing Content Type on Instagram Based on Data》, disponible en ligne sur <https://www.socialinsider.io/blog/instagram-benchmarks/#reach>, consulté le 16  avril 2024 

Shannon O‘Shea, 《Les Avantages des Reels Instagram pour Toute Entreprise》, disponible en ligne sur <https://fr.semrush.com/blog/instagram-reels-pour-entreprise/>, consulté le 15  avril 2024 

Search engine journal, 《5 Clever Ways Brands Are Using Instagram Live》, disponible en ligne sur <https://www.searchenginejournal.com/clever-brands-instagram-live/403084/>, consulté le 17 avril 2024 

IQ hashtag, 《Top Hashtags for #starbucks Enthusiasts》, disponible en ligne sur <https://iqhashtags.com/hashtags/hashtag/starbucks>, consulté le 17  avril 2024 

Keyhole, 《Starbucks Social Media Strategy: Insights into Viral Campaigns》, disponible en ligne sur<https://keyhole.co/blog/starbucks-social-media-strategy/#2-Engaging-with-customers-through-interactive-content>, consulté le 17  avril 2024 

Jessica Worb, 《How Brands Are Going Viral With Instagram Reels》, disponible en ligne sur <https://later.com/blog/brands-on-instagram-reels/#sephora>, consulté le 17  avril 2024 

Evelyn Taylor, 《5 brands beating the Instagram Reels algorithm》, disponible en ligne sur <https://emplifi.io/resources/blog/brands-beating-the-instagram-reels-algorithm>, consulté le 17  avril 2024 

Instagram, 《Instagram Live Producer》, disponible en ligne sur <https://about.instagram.com/fr-fr/blog/tips-and-tricks/instagram-live-producer/>, consulté le 17  avril 2024 

Laura Jourdain, 《Pourquoi intégrer le format live dans sa stratégie de contenu ?》, disponible en ligne sur <https://locrea-communication.fr/blog/pourquoi-integrer-le-format-live-dans-sa-strategie-de-contenu/>, consulté le 17  avril 2024 

Être célèbre pour son succès : les influenceurs et la crypto-monnaie

La montée des influenceurs qui utilisent leurs comptes pour faire la promotion de méthodes de trading risquées.

Avec le développement des réseaux sociaux le nombre de personnalités “connues pour leur notoriété” a explosé, le résultat est donc qu’aujourd’hui le culte de la célébrité est à son paroxysme. On rencontre une forme de multiplication des micro-célébrités sous la forme d’influenceurs ayant ainsi leurs propres audiences et communautés, et comme toute position de notoriété en découle une forme de responsabilité vis-à-vis des communautés concernées. 

Le marketing relationnel n’est en rien un concept nouveau et existe depuis l’époque Tupperware où la marque misait sur des interventions de particuliers chez d’autres particuliers pour répandre le produit. L’idée du marketing par influenceurs est aujourd’hui similaire mais démultipliée.

C’est ici que les abus de pouvoir font surface et depuis quelques années sous une forme particulièrement complexe : les arnaques liées à la crypto-monnaie.

En effet, on a remarqué une insurgence d’influenceurs orientant leurs contenus sur la réussite financière. On entend de la part de ces influenceurs des phrases telles que « Bouge ton c*l, change ta vie », « Se faire de l’argent en dormant », « Reprends ta vie en main » illustrées par des vidéos d’opulence et succès.

Des scandales pas si récents

On pense alors aux scandales internationaux avec par exemple Jake Paul (23 millions d’abonnés) qui vient d’être poursuivi en justice pour son projet NFT CryptoZoo qui lui aurait fait gagner des millions de dollars au détriment de ses abonnés. 

En effet, avec ce projet lancé en septembre 2021, Logan Paul avait créé une application de jeu en ligne visant à rendre ludique et accessible le trading en NFT. L’idée était de permettre aux utilisateurs d’élever des œufs de créatures fictives ayant chacune une valeur en ETH (commençant à 0.285 Ethereum : 340 dollars). Ensuite les participants pourront s’échanger les œufs sur la plateforme afin de finir par les transformer en monnaie réelle. Cependant à cause de problèmes en interne dans la société et fraudes, les utilisateurs se sont retrouvés dénués revenus lors du « Hatch Day », le jour où les « œufs » crypto-monnaie devaient éclore et révéler leur valeur réelle.

Vidéo d’excuses de Jake Paul diffusée sur Youtube suite à la chute de CryptoZoo

Le youtubeur avait par ailleurs déjà participé à des scandales similaires l’année précédente avec son système Dink Doink qu’il mettait en avant sur ses réseaux sociaux. Ce projet, sous un marketing qui le personnifie par un personnage fictif de dessin animé, se voulait capable de rémunérer ses utilisateurs sans efforts à travers un système de « Tokens » NFT. Peu après le lancement de la plateforme, la valeur des Tokens en question a d’abord subi une brusque hausse de 40 000% qui s’est ensuite écrasée en seulement deux semaines. Se présentant à la base comme seulement un investisseur de la plateforme, Logan Paul est suspecté d’être un des fondateurs derrière le projet.

Publication de Logan Paul pour la promotion de Dink Doink

Le copy trading en France, une pratique en manque de régulation

Mais là où la question devient plus intéressante et pointue c’est lorsque l’on se penche sur les cas plus récents d’influenceurs français tels que le couple Blata qui ont fait la promotion de méthodes de “copy trading”. Ce 23 janvier 88 membres du Collectif d’Aide aux Victimes d’Influenceurs ont déposé une plainte contre X et pour abus de confiance contre Marc Blata sur ces sujets.

En effet, Marc Blata (qui est loin d’être un exemple isolé) a commencé à faire de la promotion sur ses réseaux sociaux (depuis Dubaï) “d’opportunités” en trading NFT. Ainsi, c’est à travers des slogans soulignant l’occasion de “se faire de l’argent en dormant” ou “100% de chances de gagner” et le fameux «Copiez, collez, encaissez.» que les abonnés de Marc Blata se sont retrouvés sur Telegram (une application de messagerie cryptée). Ils n’avaient ainsi qu’à copier des instructions envoyées par le couple Blata (Marc et Nadé) pour les placer sur des marchés financiers et plus particulièrement le FOREX: un marché particulièrement volatile sur lequel les devises sont échangées les unes contre les autres à des taux de change instables.

Ces méthodes maintenant très répandues de participer au trading crypto-monnaie sans en avoir les moindres connaissances préalables s’appellent le copy trading: une technique d’investissement dans laquelle un particulier reproduit automatiquement les transactions exécutées par un autre trader, souvent appelé « trader expert ». En substance, le copy trading permet aux investisseurs de copier les stratégies de trading d’autres personnes, dans le but de reproduire leur succès financier. Cela se fait souvent via une plateforme en ligne (dans le cas de Marc Blata Telegram) qui relie les traders, influenceurs et particuliers, facilitant la copie des transactions en temps réel.

Exemple d’instructions copy-trading destinées au “Blata Gang”

Cependant, là où le sujet devient épineux c’est que l’influenceur touche de larges commissions sur l’argent investi et plus l’investissement est élevé, plus la commission est élevée. Ainsi, il est avantageux pour ces influenceurs de ne pas mentionner les risques du copy trading. 

En effet, selon l’AMF (Autorité des Marchés financiers) 8 particuliers sur 10 perdent de l’argent lorsqu’ils s’engagent dans des pratiques de copy trading. Cela arrive car, le montant du gain est dépendant du risque choisi et de l’investissement initial du particulier. En effet, le risque dépend du coefficient multiplicateur choisi par l’utilisateur sur chaque transaction : son « lot ». Le problème est donc qu’après avoir quelques gains initiaux de quelques euros sur les premières transactions, les utilisateurs finissent toujours par augmenter leurs lots et investissements et ainsi subir de lourdes pertes. De leur côté, les traders professionnels ont une bien plus grande agilité et rapidité de réaction sur les marchés financiers que les particuliers qui copient des instructions plus datées qui ont bien plus le risque d’être obsolètes. 

Ainsi, c’est ici que se questionne la responsabilité de l’influenceur. En effet, le copy trading étant aujourd’hui toujours parfaitement légal, sa promotion en ligne est cependant dans une zone grise en discussion en ce moment même au parquet de Paris. 

Un système basé sur l’addiction

En élargissant le sujet la comparaison peut-être faite avec d’autres industries telles que les paris sportifs ou le jeu en ligne. Le point commun principal étant que le grand danger de ces plateformes, structures ou marchés est leur caractère addictif qui pousse à augmenter les risques.

En effet, ces méthodes de copy trading (ou les plateformes telles que celles de Logan Paul) permettent de rendre accessibles aux particuliers le trading sur des marchés qui demandent normalement des véritables structures technologiques et connaissances. Les particuliers sont voués à l’échec lorsqu’ils investissent en suivant aveuglément des instructions d’inconnus mieux équipés sur des marchés comme le FOREX.

« Il y a des idiots dans mes abonnés. »

De son côté Marc Blata est devenu connu à travers la télé-réalité et ce sont les réseaux sociaux qui ont permis de capitaliser et monétiser sa notoriété. Son statut d’influenceur lui a ainsi permis de transférer et individualiser une partie de l’audience qu’il avait auparavant en télé-réalité. C’est donc à travers cela que les personnalités vont monétiser leur notoriété.

Interview Cash Investigation par Elise Lucet de Marc Blata

Lorsque interviewé par Elise Lucet pour Cash Investigation (diffusé le 4 avril dernier sur sur France 2), l’influenceur se défend: “Mes abonnés, je ne les choisis pas. Mes abonnés, ils me critiquent, ils m’insultent, etc. Il y a des idiots dans mes abonnés.”. Selon lui, actuellement exilé à Dubaï, la responsabilité repose sur ses abonnés « idiots » qui ont mal suivi ses conseils.

Tom Averink

Sources:

Algorithme et santé mentale : comment les algorithmes font de la santé mentale une tendance ?

Mise sur le devant de la scène à la suite des multiples confinements liés à la crise sanitaire, la santé mentale s’est progressivement démocratisée ces dernières années jusqu’à être considérée aujourd’hui comme l’une des priorités du gouvernement Attal. Rapidement, les réseaux sociaux ont été envisagés comme un espace privilégié d’expression qui, du fait de la barrière du virtuel, facilite la prise de parole. Ils se sont emparés du sujet inondant les fils “Pour toi” de contenus autour de l’anxiété et de la dépression, contenus remportant un tel succès qu’ils en sont devenus viraux. La santé mentale devient ainsi un sujet de monétisation, orientant de ce fait, les consommateurs dans leurs choix et habitudes.

Actualité : la santé mentale, une priorité du gouvernement Attal

Selon une enquête menée par Santé Publique France datant du 23 octobre 2023, la santé mentale des Français continuent de se dégrader en 2023 et ce, particulièrement chez les 18-24 ans. Cette dégradation s’inscrit dans la continuité d’une accélération remarquée depuis 2021, année plongée dans une postpandémie lente et violente. Les recours aux soins d’urgence pour pensées et gestes suicidaires ne cessent d’augmenter et il est estimé à 20,8% le taux de personnes concernées par la dépression en 2021 contre 11,7% en 2017 ; nous passons ainsi du simple au double en à peine cinq ans. Ces chiffres préoccupants sont aujourd’hui la source d’une prise de conscience généralisée sur le sujet, prise de conscience allant jusqu’à Matignon faisant de la santé mentale une des priorités du gouvernement Attal.  

Crise sanitaire : la santé mentale devient un sujet de santé publique 

Les problèmes de santé mentale ont toujours existé mais ont surtout été toujours minimisés par rapport à ceux liés à la santé physique. Comme ces troubles peuvent être, de fait, physiquement invisibles, indétectables à l’œil nu, ils ont l’énorme inconvénient de ne marquer les esprits que de ceux qui en subissent les conséquences directes ou indirectes. De plus, comme la santé mentale est, de ce constat, minimisée voire méprisée par l’opinion publique, l’aborder restait encore tabou. Jusqu’à la crise sanitaire. 

Lorsque le confinement a fait son apparition en France, toutes les habitudes et routines de la population ont changé, soudainement, sans prévenir. Les Français ont dû s’adapter avec les ressources dont ils disposaient, dans l’urgence. La vie sociale a été mise sur pause et des millions de personnes ont très vite fait face à l’isolement. Si la crise sanitaire n’a fait que plonger les personnes souffrantes de maladie mentale dans une bulle encore moins supportable, elle a également été à l’origine d’une diffusion généralisée de l’anxiété, de la dépression et des pensées et gestes suicidaires au sein de l’ensemble de la population. Là où la santé mentale n’apparaissait que comme un cas isolé pour certains, elle est désormais au cœur des préoccupations ; elle concerne une amie, un collègue, une camarade, un professeur ou encore soi-même si bien que nous nous retrouvons tous à une personne d’un individu souffrant de santé mentale. Enfermée chez soi, la population ne pouvait communiquer qu’à travers des écrans, renforçant la dépendance au numérique et aux réseaux sociaux. Sans repère, la population s’accroche à ce seul lien de communication et le quotidien devient de plus en plus guidé par les algorithmes.  

Réseaux sociaux : un espace d’expression privilégié par les jeunes

Protégés par la barrière du virtuel, les créateurs de contenus voient en les réseaux sociaux un espace privilégié d’expression et les utilisateurs, un moyen de réagir à ces contenus de manière anonyme s’ils le souhaitent. Cette mise à distance avec la réalité facilite et encourage la prise de parole faisant des réseaux sociaux, ce qui est souvent nommé de “safe place”. Finalement, ils retrouvent leur sens premier, celui d’interagir avec des personnes avec lesquelles nous sommes liés par des affinités de toute nature qu’elles soient amicales, professionnelles ou de l’ordre d’un sujet commun, ici la santé mentale.  Du fait de cette barrière du virtuel, les utilisateurs ont moins de mal à s’exposer et se crée ainsi une sorte de société parallèle conduite et contrôlée par les réseaux sociaux.  

Une alternative aux freins à la consultation payante de professionnels 

Aujourd’hui, 59,4% de la population mondiale utilisent les médias sociaux au moins une fois par jour. Ce chiffre s’explique notamment par les effets de réseau directs qu’ils procurent mais également par la facilité de se créer un compte. Ces plateformes sont très accessibles, intuitives et addictives. Cette accessibilité va de pair avec la gratuité de son service. Ce dernier point est important pour notre sujet. En effet, l’accès à la guérison de problèmes de santé mentale est souvent pointé du doigt ; cet accès passe généralement par la consultation de psychologues, prestations payantes qui, de fait, filtrent ses patients. Les réseaux sociaux s’imposent dès lors comme une alternative à ces freins liés à la consultation de professionnels qui ne sont, d’ailleurs, pas seulement financiers mais également moraux. En effet, encore aujourd’hui, malgré la démocratisation opérée autour de la santé mentale, aller voir un psychologue n’est pas un acte anodin dans l’esprit des gens. Avec les réseaux sociaux, les personnes souffrantes n’ont plus à faire cet effort de s’exposer et de se confronter au regard pesant de la société et peuvent se cacher derrière une identité virtuelle qui capte les conseils donnés sur ces plateformes pour améliorer leur santé mentale. En effet, les contenus portant sur la santé mentale peuvent prendre plusieurs formes : ce sont à la fois des conseils présentés sous l’angle du développement personnel ou encore des formats vlogs. Ces contenus sont très appréciés car ils vont (en apparence du moins) à l’encontre de la superficialité et de la “génération filtre” guidant les réseaux sociaux depuis plusieurs années. Ils se veulent plus proches du réel et ont pour but de légitimer l’idée d’aller mal, de le comprendre, de l’admettre et de l’assumer. La formulation “c’est ok” revient souvent dans ce sens et sert de mantra auquel s’accrocher et autour duquel les personnes souffrantes peuvent s’unir. Elle permet d’enlever aux réseaux sociaux cet aspect “culpabilisant” qu’ils peuvent initiés en ne montrant que des contenus améliorés, retouchés et mis en scène.  

Algorithme : scroller sur la santé mentale

L’engagement accordé à ces contenus précise le goût de ceux qui les regardent et permet à l’algorithme de personnaliser ses suggestions. Par ce jeu des algorithmes, les consommateurs d’une plateforme comme TikTok, particulièrement connu pour son algorithme puissant, se retrouvent dans des boucles infinies de contenus autour de la santé mentale. En alimentant cette spirale infernale, l’algorithme ne permet pas aux utilisateurs de sortir de cette bulle très cloisonnée dans laquelle ils ont été progressivement enfermés et font face quotidiennement à un contenu exclusivement tourné autour de l’anxiété et de la dépression. 

 « Quand [j’]“aime” une vidéo triste qui [me] parle, tout à coup, toute ma page “Pour toi” est triste. Je me retrouve dans le “TikTok triste”. Ça affecte mon humeur. »

Francis, 18 ans, étudiant aux Philippines.

Témoignage recueilli par Amnesty International lors d’une enquête portant sur l’exposition des jeunes aux contenus autour de la santé mentale sur TikTok.

Avec ces vidéos, les individus souffrants de mauvaise santé mentale se soutiennent, certes, contrant en apparence contre l’isolement, mais alimentent finalement le réseau social de ce sujet, jusqu’à son omniprésence. Avec l’algorithme, ils sont exclusivement et en permanence plongés dans ce contexte et cette atmosphère moroses. 

La capitalisation sur la viralité d’une maladie

Présentée ainsi, la combinaison algorithme/santé mentale ne semble pas alarmante. Pour autant, elle comporte des limites. Si la multiplication des contenus portant sur la santé mentale permet une démocratisation du sujet certes appréciable, elle va de pair avec leur succès, et très vite, leur monétisation. Ce genre de contenus devient une véritable source de revenus pour celles et ceux qui en produisent, incitant certains utilisateurs à en devenir eux aussi les créateurs. Dès lors qu’un contenu devient viral, des utilisateurs capitalisent sur cette viralité pour en tirer profit. Ainsi, le jeu des réseaux sociaux s’instaure de nouveau, plaçant la mise en scène au cœur des contenus et faisant émerger de nouvelles tendances pour maintenir cette viralité. Les contenus sur la santé mentale sont alors banalisés mais surtout idéalisés et souffrir d’un trouble mental signifie « être à la mode ». L’année dernière, une nouvelle tendance maquillage fait son entrée sur Tiktok, celle des cernes. Le principe ? Accentuer voire se créer des cernes pour paraître plus fatiguée et ainsi, en moins bonne santé. 

Si cette tendance avait pour but de démocratiser les “imperfections” qui sont normalement camouflées par le maquillage, des millions de jeunes adolescentes se sont emparées de cette astuce pour prôner une mauvaise hygiène de vie.  L’apparition de cette tendance en dit long sur les proportions qu’a pris le traitement de la santé mentale sur les réseaux sociaux, principalement sur Tik Tok.  

Aujourd’hui, la démocratisation d’un sujet sur les réseaux sociaux va de pair avec les excès de son exploitation. Malheureusement, ces plateformes permettent aujourd’hui de capitaliser sur la viralité de ses excès, les encourageant ainsi grandement. Si ce constat est plutôt commun à l’exposition d’une problématique sur les réseaux sociaux, il est d’autant plus alarmant lorsqu’il s’empare de la santé. Se pose alors la question de la modération sur ces réseaux, notamment sur une plateforme comme Tiktok, qui s’attaque aujourd’hui davantage à des thématiques sensibles pouvant heurter le public (terrorisme, sexualité) qu’à l’engrenage de la viralité et de l’exposition qu’elle implique. Si ces thématiques sont considérées comme « dangereuses » pour son public, quand est-il du principe de viralité ?

Sources :

  • « TikTok : un modèle dangereux pour la santé mentale des jeunes et des enfants », enquête publiée le 10 novembre 2023, Amnesty International
  • « Santé mentale : sur TikTok, une spirale de « contenus qui encouragent les pensées dépressives », interview publiée le 21 novembre 2023, par Jérémy Torres pour Libération
  • « TikTok plombe-t-il la santé mentale des ados ? », publié le 17 février 2023, par Audrey Parmentier pour Konbini

Louise Rialland

Newsjacking ou l’art de surfer sur l’actualité pour gagner en visibilité : méthode efficace de communication ? 

Bernie Sanders, la famille royale, Macron, tous ont été la cible du newsjacking – mais qu’est ce donc ?

Le newsjacking est une méthode marketing qui consiste à diffuser une image, une vidéo ou encore un message en rapport avec un sujet d’actualité. Le but est de provoquer une réaction, un choc chez le spectateur. On parle souvent de publicité “opportuniste”.

Pour cela, la campagne publicitaire doit être déclenchée le plus rapidement possible afin de ne pas perdre cet effet d’émulsion. Sont donc privilégiés les médias permettant une mise en place rapide de cette dernière (presse quotidienne, Internet, réseaux sociaux  …).En effet, cette méthode de marketing perd tout son sens si elle est reçue “trop tard”  par rapport à l’actualité exploitée. Le message perd alors toute sa valeur. La réactivité des équipes marketing de la marque est donc un élément indispensable. 

“Le newsjacking consiste à surfer sur une vague de buzz avant qu’elle ne soit formée totalement.”Frédéric Canevet, spécialiste en marketing B2B. 

La plupart du temps, c’est l’humour et la connivence qui sont mis en avant. Les jeux de mots et images détournées sont utilisés à foison. Au-delà de développer ce lien tacite avec l’audience en profitant de la viralité d’un buzz ou d’un événement, l’idée est également de profiter d’éventuelles retombées de presse ou sociales. 

Le newsjacking n’est pas forcément le fruit d’une immense réflexion, de grandes campagnes publicitaires comprenant des films publicitaires ou encore des emballages spéciaux. Cela peut simplement être un post ou un tweet, simple mais rebondissant instantanément sur l’actualité. Prenons l’exemple de ce tweet marketing de Netflix, en septembre 2020, à la suite d’une explosion dans Paris :

Ce dernier avait atteint la barre des 100 000 likes quelques minutes seulement après sa parution. 

Ou encore ce post de Monoprix en 2014 lors de la coupe du monde :

En quelques secondes seulement, le nombre de partages avait été fulgurant. Et on le comprend, la mise en scène est bien trouvée !

Dans le domaine du marketing traditionnel et digital, le real-time marketing a donc plusieurs objectifs : 

  • Améliorer la notoriété, l’image, l’engagement de la marque auprès du grand public
  • Une croissance rapide du chiffre d’affaires de la marque
  • La promotion d’un nouveau produit ou service grâce à cette méthode innovante
  • Se démarquer par rapport aux concurrents 
  • Créer une relation avec son audience cible et surtout tâcher d’accroître cette dernière

Le newsjacking présente donc divers avantages. Au-delà de rajeunir son image et d’améliorer sa réputation, cette méthode de marketing est un réel moyen pour générer de nouveaux prospects et de nouvelles ventes. En effet, les posts sur les réseaux sociaux relatifs au newsjacking sont les plus relayés par leur caractère ludique et inédit. Grâce au newsjacking, l’entreprise augmente donc sa chance de toucher une audience bien plus large que celle ordinaire.

Renforcer la confiance créée avec l’audience en jouant de cette complicité est également un atout far de l’approche marketing. Le newsjacking relève donc du marketing émotionnel et s’inscrit parfaitement dans cette vision d’amélioration d’image et de réputation. Cette stratégie digitale est également très utilisée afin de relancer la visibilité d’une marque et réveiller une communauté endormie. De nos jours, il est crucial pour une marque d’être présente au sein de la sphère médiatique. Utiliser le newsjacking est donc une manière idéale de se démarquer au sein de cette dernière, sortir son nom du lot. Toutes les entreprises n’osent pas encore se lancer et on les comprend. Faire du newsjacking c’est tout un art. 

Comment surfer (sans couler) sur l’effervescence médiatique ? 

La créativité est le maître mot. Cependant, il est essentiel de veiller à la bonne diffusion du message choisi. Si ce dernier est maladroit ou manque de pertinence,  le newsjacking peut rapidement virer à l’échec total et l’effet inverse de celui escompté : bad buzz, perte de réputation … On pense notamment à la campagne diffusée par les 3Suisses au lendemain de l’attentat à l’encontre du journal Charlie Hebdo début d’année 2015. Une action entraînant du remue-ménage dans le mauvais sens du terme et un bad buzz considérable pour la marque. 

Pour se mettre à l’abri d’un tel fiasco, voici quelques conseils : 

  • Forcer l’activité : Surtout pas ! Le principe même du newsjacking réside dans le fait de  surprendre les internautes. Créer le buzz pour le buzz ou surfer sur la même actualité que tous ne sera en aucun cas bénéfique. 
  • Ne pas trop planifier : Au risque de perdre en spontanéité, tout réside dans la gestion de l’urgence et de la surprise une nouvelle fois !
  • Éviter les sujets sensibles, susceptibles de créer une politique négative ( conflit armés, attaques terroristes …). Ne pas oublier de prendre des pincettes avec l’ironie, tout le monde n’est pas réceptif à cette manière de communiquer.
  • Résister à la récupération : Aucun effet de surprise dans ce cas, voire pire un vieillissement de l’image de la marque, jugée trop arriérée pour être à la page de l’actualité.  

Pour un effet garanti, il est essentiel d’établir un plan rapide – le newsjacking rime avec urgence – mais surtout efficience. Afin de déployer cette stratégie de manière réussie, trois étapes de bases semblent nécessaires : 

  1. Le benchmarking ou la veille marketing : Comme explicité plus haut, il ne faut surtout pas arriver trop tard ou encore pire passer à côté des événements d’actualités. Collecter et organiser les informations auprès d’autres médias spécialisés est donc nécessaire. Effectuer une veille SEO en s’aidant d’outils tels que Google Trends ou Oncrawl est un plus. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le newsjacking permet de toucher aussi bien des audiences B2C que B2B.
  1. être réactif mais attentif : Agir vite, certes, mais en étant  innovant et surtout sûr de ses sources. Le ton, le texte, tout doit être méticuleusement réfléchi.  L’idée est de proposer le contenu le plus pertinent, impactant et surtout plaisant afin de ravir le plus grand nombre.  Connaître sa cible principale est obligatoire afin de savoir la manière la plus judicieuse pour s’y adresser. D’autres part, inclure un aspect émotionnel est vivement recommandé : message de soutien à une cause, storytelling… Enfin quelque soit la nature du contenu, l’utilisation d’hashtags renforce la popularité et donc la vitesse de partage du post. Pour les JO 2024, utiliser #Paris2024 ou encore #OlympicSpirit peut propulser une campagne à l’avant de la scène. 
  1. Miser sur une stratégie multicanale : La campagne doit être vue, entendue, visionnée mais surtout retenue. Les blogs, campagnes d’emailing ou newsletters ne sont pas à négliger. Le format vidéo est également très apprécié. Les canaux de communication les plus exploités restent ceux visuels, permettant un partage immédiat sur les réseaux sociaux. Ces derniers par leur fonctionnalités de likes, commentaires et partages sont le support idéal, favorisant viralité et engagement.

Illustrons quelque peu ces propos.

Les experts en la matière : 

Monoprix : Comment parler newsjacking sans parler de Monoprix. La marque de supermarchés est la référence française dans ce secteur. Ses packagings jouent des temps forts de l’année pour mettre en avant les produits, le recours aux jeux de mots est pratiqué à profusion. Cette manière décalée de promouvoir les produits confère à la marque une réelle valeur ajoutée. 

Campagne célébrant les 45 ans du lancement de la mission spatiale Apollon 11: 

Campagne diffusée lors de la 68e édition du festival de Cannes en 2015 :

Ikea : La branche canadienne a souvent réussi à conquérir le cœur du grand public. Cette dernière mise également sur le newsjacking pour augmenter son capital sympathie. Sa communication digitale mise sur un visuel minimaliste mais efficace qui engendre souvent des milliers d’intéractions à travers le monde et des centaines de partages et reprises média.

Campagne diffusée à l’annonce du mariage du Prince Harry avec  Meghan Markle en 2018 : 

Campagne réagissant à l’image virale du sénateur américain Bernie Sanders :

Burger King : Pour conclure cette série d’exemples, il semblait indispensable d’évoquer le géant du Whopper. Connu pour son retour et ses campagnes de communications originales, c’est sans surprise que BK s’empare, à son tour, du newsjacking. 

Campagne réagissant à l’annonce de l’éclipse solaire au Canada le 8 avril dernier : 

Campagne diffusée lors du confinement de 2020 :

Le newsjacking, pratique déjà bien comprise par un certain nombres de marques semble donc être la technique idéale pour séduire son public sur un air enfantin ! Quoi de mieux que l’humour pour être convaincant et convaincu. Attention tout de même à ne pas se louper au risque d’être mis de côté. 

Originalité et créativité, nous avons hâte de voir ce que nous réserve les marques pour l’Euro et les JO de Paris 2024 !

Sources : 

Marketing, E. (2022, September 15). Newsjacking : qu’est-ce que c’est ? [Définition, marketing et exemples]. E-marketing.fr. 

Dorle, R. (2023, May 20). Stratégies de newsjacking : conquérir l’actualité pour un marketing efficace. Journal du Net

Sitew. (s. d.). Comment développer son entreprise en ligne avec le newsjacking ? Sitew.

Gripich, M. (2019). Newsjacking as a tool of influence on the image of a company in social networks. Zaporizhzhia National University. 

Lily Madura

Le tourisme photographique – Comment Instagram a transformé le voyage et les sites touristiques

Voyage-t-on pour prendre des photos ? Dans une étude de 2011 portant sur l’expression de soi à travers le tourisme et la photographie, Russel Belk et Joyce Yeh font remarquer que la courbe de croissance du tourisme mondial est sensiblement similaire au développement et à la démocratisation des appareils photo. Corrélation rapide, certes, étant donné que ces deux courbes sont liées à une période de développement économique important, mais il n’en est pas moins que l’on place l’appareil photo en bandoulière au même niveau que le guide du routard lorsqu’il s’agit de se représenter les immanquables du touriste, toute destination confondue. Aujourd’hui, les optiques de smartphone n’ont plus rien à envier aux appareils reflex plus encombrants, et il n’y a plus grand monde qui ne s’improvise photographe en tout temps, que ce soit dans la vie de tous les jours ou, et c’est d’autant plus marqué, en voyage.

Faire de la photographie un enjeu de distinction sociale. C’est ainsi que s’est positionné le réseau social Instagram, qui réunit aujourd’hui plus de deux milliards d’utilisateurs mensuels (We Are Social), et ce développement sans précédent (création d’Instagram : 2010) a profondément réformé en moins de 10 ans un certain nombre de secteurs, dont le tourisme. Nous allons explorer dans cet article comment les codes de succès sur ce réseau social et ses mécanismes algorithmiques influencent les comportement des touristes et comment les acteurs du secteur doivent aujourd’hui s’adapter pour devenir, ou rester, « Instagrammables » (mot rentré dans le Larousse).

L’omniprésence de l’egocasting

Concaténation de « ego », le soi, la personnalité, et « cast », diffuser en anglais, la notion d’egocasting désigne le fait de s’exposer, de mettre en avant son image et sa personnalité sur un réseau social, qu’il soit en ligne ou non. Si la télévision a permis de faire apparaître cette notion, dans une mesure limitée du fait de la difficulté d’y apparaître pour le citoyen moyen, c’est bien internet, avec les blogs dans un premier temps mais surtout avec les réseaux sociaux, qui l’a poussé jusqu’à devenir la norme. Dans une étude publiée en novembre 2015 intitulée L’égocasting sur Instagram : la génération Y à la découverte du monde, Geneviève Cassan étudie ce phénomène appliqué au tourisme. Elle montre que le voyage est l’un des facteurs importants d’expression de soi à travers Instagram, c’est l’une des manières les plus efficaces de se mettre en valeur. Si bien que le caractère « instagrammable » d’une destination devient un critère de choix majeur, plus que les avis des agences de voyage ou des guides touristiques réputés. En 2019, 42 % des voyageurs français prenaient cette notion d’« instagrammabilité » comme principale orientation vers une destination (One Poll). Et ce pourcentage est loin de diminuer avec le temps. L’objectif du voyage devient les photos qu’on y prend et qu’on pourra publier. 

Mais que recherchent les utilisateurs en publiant ainsi ? On connaît bien les divers mécanismes psychologiques qui expliquent l’entrain qu’ont les utilisateurs à générer de l’engagement, des commentaires, des likes et à augmenter leur nombre de followers. La photographie de voyage est particulièrement efficace dans cette optique car elle permet de se démarquer. Pour la majorité des utilisateurs, les gens qui les suivent sont des gens qui font partie de près ou de loin de leurs cercles sociaux, et donc qui vivent plus ou moins proche d’eux, qui ont un mode de vie assez similaire. Voyager, c’est sortir de ce quotidien et proposer à ces cercles sociaux des photos qui sortent de l’ordinaire et sur lesquelles les followers vont s’arrêter, liker et commenter. L’un des effets recherchés est de susciter la jalousie, ce qui augmente l’estime de soi. Il n’est pas rare de trouver sous des photos de voyage des  commentaires du style « j’aimerais trop être à ta place » ou « tu as de la chance ».

Montrer que l’on voyage donc, mais en s’y mettant en scène. En tapant « #voyage » sur la barre de recherche d’Instagram, on se rend compte qu’une grande partie des images de voyage publiées sont des photos où les gens se prennent en photo, ce qui a pour effet de rendre l’image plus inédite mais aussi de se mettre en valeur, plutôt que de poster une image avec un paysage vierge.

L’optimisation d’Instagram autour de l’egocasting

En termes de construction algorithmique et d’expérience utilisateur, Instagram est bien en adéquation avec ce phénomène d’egocasting. Les codes de ce réseau social ont convergé vers un modèle où toutes les photos doivent être très qualitatives, travaillées, retouchées pour être mises en avant et likées par un maximum d’utilisateurs. Dans cette optique, Instagram a développé et mis à disposition des filtres et des options de retouche simples d’utilisation et qui n’ont rien à envier à des logiciels de retouche professionnelle.

La construction du mur Instagram exploite également très bien l’objectif des utilisateurs de faire de leur profil une véritable galerie permettant d’afficher publiquement les accomplissements touristiques. Une galerie qui, dans de nombreux cas, pourrait être qualifiée de galerie d’art. Dans Staging tourism : tourists as performers, 2000, Tim Edensor voit dans l’expérience touristique une performance artistique dont le voyageur est le créateur et à travers lequel il cherche à exprimer certaines émotions et aspects de sa personnalité qu’il transmet grâce à la photographie de voyage. Le mur instagram, c’est une expression de sa personnalité, avec travers des photos que l’on cherche à rendre dinstinctives et donc très souvent des photos de voyage. On y retrouve d’ailleurs assez facilement les goûts de l’utlisateur. Casse cou, amateur de sensations fortes ou au contraire de détente devant de beaux paysages. Amateur de cuisine, de culture locale, de rencontres inédites, chacun met en avant ce qu’il considère être valorisant parce que cet élément précis reflète une partie de sa personnalité, ou alors de la personnalité qu’il cherche à se donner, la personnalité de son identité numérique.

En 2003, le magazine britannique Geographical présentait un article affirmant qu’il fallait désormais impérativement prendre les choses en photo pour les rendre vraies et que celles-ci agiraient à titre de témoins de ce que l’individu a vécu. La galerie Instagram fait donc office de centre de stockage de souvenirs, de preuve de ce qu’on a vécu. Il n’est d’ailleurs plus si important d’avoir réellement vécu ces expériences, l’essentiel étant de les avoir en photo. Zeynep Arda en 2014 crée le concept de « non-événement » pour définir ce mécanisme qui consiste à se rendre à un endroit, par exemple un musée, pour s’y prendre en photo et repartir sans l’avoir visité. L’essentiel n’est plus de faire mais que les gens pensent qu’on l’ait fait.

L’adaptation des sites touristiques

Face à ces nouveaux enjeux, avoir une stratégie intagramo-centrée est crucial pour les sites touristiques. En explorant les articles de recommandations faites par des agences de marketing dans le tourisme, toutes citent l’importance de développer ses réseaux sociaux, de publier fréquemment des photos travaillées pour les rendre belles et attirantes. Mais en réalité, ce qui attire les touristes, ce n’est pas la qualité des comptes des destinations en question, mais la qualité du feedback apporté par les visiteurs actifs et influents sur ces réseaux. Pour un musée par exemple, l’enjeu n’est pas tant de travailler le compte propriétaire du musée mais plutôt de travailler le site même pour que les gens aient envie de s’y prendre en photo et de publier ces photos. C’est le positionnement qu’a pris le Manoir de Paris en ouvrant en juin 2020 la « Mad Dimension », un espace aménagé dans le but précis de prendre des photos et de les publier sur Instagram en taguant le lieu.

En faisant cela, les sites touristiques espèrent profiter du phénomène de viralité, bien connu par les utilisateurs des réseaux sociaux. Rendre une photo virale, c’est s’assurer d’un flot important de nouveaux visiteurs pendant un certain temps, qui voudront à leur tour prendre cette même photo pour montrer qu’ils ont été là. La créativité est de mise pour obtenir ce résultat. Par exemple, dans un petit village de pêcheurs quelques kilomètres au sud de Rio de Janeiro au Brésil appelé Guaratiba, une pierre disposée dans un angle particulier permet de prendre une photo qui donne l’impression d’être pendu dans le vide. Cette photo est devenue virale et attire aujourd’hui un grand nombre de touristes vers ce village qui a vu naître nombreux restaurants, hôtels et autres aménagements pour accueillir ces touristes. Ainsi, une simple photo « instagrammable » peut transformer un lieu en véritable destination touristique. C’est un enjeu important qui doit rentrer dans la conception même des lieux touristiques, au même titre que les aménagements d’accueil et de confort. 

Vianney d’Aboville

Lego, Barbie, Ferrari : quand les marques font des films

Dans l’univers du cinéma, une nouvelle tendance captivante émerge, érigeant un pont entre l’art du storytelling cinématographique et le pouvoir des marques emblématiques : les films de marque. Le placement de produit prend aujourd’hui une nouvelle forme saisissante avec l’avènement de ce nouveau genre. Des maisons de couture (House of Gucci, 2021), aux fabricants de jouets (Barbie, 2023), en passant par les géants de l’automobile (Ferrari, 2023), des histoires entières prennent vie sur grand écran, étroitement tissées avec les fils narratifs des marques renommées.

Les marques et leur image : en quête d’émotions

Dans notre société de consommation, où l’individu forme son identité quasi exclusivement par l’absorption de certains biens et services, ce sont les marques qui dominent nos esprits. En plus de vendre un produit, une marque vend un certain type de message, contenant une histoire sur les qualités uniques de ses créations.

La marque agit comme un objet désirable, dont la possession est capable de satisfaire les attentes du consommateur, le rendre heureux, et devient en fait un moyen pour une personne de s’orienter dans la réalité. Ce sont la qualité et la reconnaissabilité d’une marque qui contribuent à susciter des émotions positives chez les cibles et à les fidéliser. Mais dans un contexte de sursaturation du marché, les entreprises sont appelées à rechercher de nouveaux moyens d’atteindre les consommateurs.

L’expérience est un élément incontournable de la fidélisation des clients. C’est pour cela que les marques sont nombreuses à élargir leur activité : elles construisent des parcs d’attraction (Disneyland, Ferrari World, Volkswagen Autostadt), transforment leurs usines en musées (Guinness Storehouse, Heineken Experience) ou encore créent leurs propres hôtels-boutiques (Bulgari, Armani, Versace).

Toutes ces expériences ont pour but de faire vivre aux clients des émotions marquantes et positives, pour que ces émotions s’associent par la suite avec la marque, qui devient ainsi encore plus désirable. Suivant cette logique, il n’est pas surprenant que les marques aient toujours été nombreuses à vouloir se rattacher au cinéma, une attraction offrant une large palette d’émotions susceptible d’être utilisée dans une campagne marketing.

Le placement de produit, une pratique discrète mais influente

Le placement de produit a pris racine dans l’industrie cinématographique dès les premiers balbutiements du septième art. Au cours du 20e siècle, les réalisateurs ont commencé à intégrer subtilement des produits dans leurs films, créant ainsi un lien indirect entre les marques et le public. Souvent utilisé comme source de financement pour les productions cinématographiques, le placement de produit permet de compenser les coûts de réalisation tout en offrant aux annonceurs une visibilité stratégique auprès des spectateurs.

À l’origine, le placement de produit se manifestait principalement par des apparitions éphémères d’objets de consommation dans des scènes, parfois de manière transparente pour le public, mais souvent subtilement pour éviter de rompre l’immersion narrative. Cependant, au fil des décennies, cette pratique s’est développée pour devenir une stratégie marketing plus sophistiquée.

Une nouvelle forme de placement de produit : quand le produit devient l’histoire

Le paysage du placement de produit évolue rapidement depuis sa création, et l’on observe aujourd’hui une transition vers une nouvelle forme : le film de marque. Ces œuvres cinématographiques ne se contentent plus simplement de présenter des produits, mais elles en font le pivot central de l’intrigue; les marques deviennent les acteurs principaux, tissant un récit étroitement lié à leur essence même. 

Ce concept va au-delà de la simple promotion ; il s’efforce de créer une expérience immersive où le public se plonge dans l’univers narratif de la marque. Ce glissement vers une intégration plus profonde des marques dans le récit cinématographique soulève des questions fascinantes sur l’avenir du partenariat entre le monde du cinéma et celui des marques, redéfinissant ainsi la manière dont nous interagissons avec ces dernières à travers l’art cinématographique.

En 2014, LEGO s’est par exemple lancé dans la production de son propre film d’animation en présentant ses jouets emblématiques. Les répercussions ont été très positives pour la marque, avec une augmentation des ventes de jeux LEGO à la suite du succès du film, qui s’explique par une envie des spectateurs d’explorer plus encore l’univers de la marque. Outre les produits de construction traditionnels, le film a ouvert la voie à de nouveaux produits basés sur les personnages et l’univers présentés dans l’intrigue. Cela a permis à LEGO de diversifier sa gamme de produits, y compris les jeux vidéo, les séries animées et les produits dérivés. Une communauté de fans passionnés qui partagent leur amour pour LEGO s’est développée sur les médias sociaux et les forums en ligne, renforçant ainsi l’engagement des consommateurs envers la marque.

Un effet encore plus prononcé a été suscité par le film « Barbie », sorti en 2023. Non seulement le film immerge le public dans l’univers de la poupée en rose, mais il lui présente littéralement l’administration du groupe Mattel qui parle des valeurs de la marque de manière quasi directe. Le film a suscité un gigantesque buzz médiatique, et le public tout de rose vêtu ne s’est pas fait attendre dans les salles de cinéma. De nombreuses marques ont également tenté de s’inscrire dans la tendance en faisant des collaborations avec Mattel (Zara, OPI, Nyx, Gap…). Sans surprise, les ventes des poupées ont augmenté de 20% depuis le lancement des opérations marketing. Mattel a déjà annoncé la production de films sur ses autres gammes de produits, notamment Polly Pocket, Hot Wheels et même UNO.

La maison de luxe Saint Laurent, elle, est allée plus loin. En 2023 la marque diversifie son activité en créant sa propre société de production « Saint Laurent Productions”. A présent, la marque ne se contente plus d’être représentée par des costumes portés par des acteurs, mais prend les rênes artistiques des films, lui permettant de façonner de manière intégrale chaque aspect narratif et visuel. Cette initiative offre à la marque une opportunité unique d’incarner pleinement ses valeurs à travers l’expression cinématographique.

Dans les salles de cinéma… et sur le petit écran ?

Et qu’en est-il des plateformes de streaming? Pour Hugo Orchillers, responsable des placements de produit au sein de l’agence Place To Be, avec qui nous nous sommes entretenus, le travail de placement de produit est sensiblement le même qu’il soit fait pour le cinéma ou pour une plateforme de streaming. À la différence près que les plateformes de streaming se montrent plus réticentes que les producteurs de cinéma : « Les plateformes de SVOD comme Netflix proposent du placement de produit, mais cela reste vraiment infime. Les plateformes ne veulent pas créer une régie publicitaire {…} afin de rester le plus cohérent possible avec leur discours de lancement ».

Cependant, à travers le phénomène des films de marques, il se pourrait que cette volonté soit en train d’être ajustée. En effet, des géants du streaming comme Amazon Prime collaborent eux aussi avec des marques, comme le montre la sortie du film « AIR » (2023), sur la franchise Nike. Ce film réalisé par Ben Affleck dévoile le partenariat révolutionnaire entre un Michael Jordan encore méconnu, et la division de basket chancelante de Nike, qui a changé le monde du sport et de la culture avec la marque Air Jordan.

Ainsi, le phénomène des films de marque nous prouve que le cinéma est devenu un outil marketing incontournable pour forger l’identité d’une marque, immerger le public dans son univers et lui offrir une expérience mémorable tout en stimulant les achats. Qu’ils soient diffusés en salle de cinéma ou en streaming, les films de marques sont à l’origine d’un nouveau type de marché publicitaire qui, malgré sa popularité, entraîne tout de même des vagues de critiques concernant la dénaturation du septième art au profit des annonceurs. Ainsi se crée le débat sur l’avenir du cinéma et s’ouvre la voie de recherche d’une harmonie entre créativité et commerce dans le monde artistique contemporain.

Melina MAGNE et Anna ORLOVA


SOURCES :

Le Point; « Barbie » : les ventes de poupées ont augmenté de 20% depuis la sortie du film; 08/2023

Mattel; Mattel Films and Warner Bros. Pictures Announce J.J. Abrams’ Bad Robot Will Produce Hot Wheels Live-Action Motion Picture; 2022

Europe 1; La marque de luxe Saint Laurent annonce la création d’une société de production de films; 04/2023

Luc Dupont; Placement de produit : quand le cinéma devient un terrain de jeu marketing; 09/2024

Stéphane Debenedetti, Isabelle Fontaine; Le cinémarque : Septième Art, publicité et placement des marques; 2004

Est-ce la fin des moteurs de recherche tels que nous les connaissons ?

En septembre dernier, nous fêtions les 25 ans du moteur de recherche Google. 25 ans d’hégémonie, illustrée par l’entrée du verbe “googliser” dans le Larousse en 2014 ou par les 90% de parts de marché mondiales dans le Search (Statcounter, 2023). Et aujourd’hui si quelqu’un nous demande ce qu’est un moteur de recherche, nous lui présentons Google. Mais si la célèbre entreprise règne depuis des années sur ce secteur, des évolutions récentes semblent remettre en question le monopole du moteur de recherche en offrant des alternatives innovantes et adaptées aux comportements émergents des utilisateurs.

Si l’on compare les moteurs de recherche entre eux, nulle doute que Google n’a aucun souci à se faire.
Mais si l’on regarde d’un peu plus loin, d’autres acteurs pourraient remettre en question sa posture dominante.

AMAZON : LE MOTEUR DE RECHERCHE INCONTOURNABLE POUR LES PRODUITS

En se positionnant comme le « Google des produits », Amazon a transformé la manière dont nous découvrons et achetons des produits. En utilisant des données comportementales détaillées, la plateforme offre à ses utilisateurs des recommandations de produits personnalisés. Son algorithme analyse non seulement les recherches précédentes et les achats des utilisateurs mais aussi les produits qu’ils consultent et ceux qu’ils laissent dans leur panier. Cela permet à Amazon de créer une expérience d’achat hautement personnalisée et intuitive, souvent plus attrayante que les résultats génériques proposés par les moteurs de recherche traditionnels.

Mais Amazon ne se contente pas de répondre aux requêtes des utilisateurs, l’entreprise anticipe leurs besoins. 70 % des Français commencent leur recherche de produits, toutes catégories confondues, sur Amazon plutôt que sur Google (Remazing & Appinio, 2022). En présentant aux consommateurs des suggestions ultra-ciblées, Amazon fait de la découverte de produits une expérience fluide et intuitive.

À travers cette expérience d’achat entièrement intégrée, de la recherche initiale à la transaction finale, Amazon élève les attentes des consommateurs et redéfinit les nouveaux standards de la recherche en ligne.

TIKTOK : UN MOTEUR DE RECHERCHE NOUVELLE GÉNÉRATION

TikTok est de plus en plus utilisé comme un moteur de recherche, notamment par la Gen Z.
Plus de 2 Américains sur 5 utilisent TikTok comme un moteur de recherche et 1 “Gen Zer” sur 10 préfèrera TikTok à Google pour réaliser ses recherches (Adobe Express, n.d.).

La plateforme s’écarte du modèle traditionnel des moteurs de recherche pour offrir une expérience utilisateur qui fusionne divertissement et information. Avec ses vidéos courtes et captivantes, TikTok répond aux particularités des nouvelles générations, caractérisées par des durées d’attention courtes, une préférence pour l’apprentissage visuel et une certaine défiance envers les résultats traditionnels de Google, souvent perçus comme saturés de contenus sponsorisés ou moins authentiques​​.

TikTok a également su capitaliser sur ses atouts en introduisant de nouvelles fonctionnalités, comme les suggestions de recherche en dessous des vidéos, qui exploitent l’engagement des utilisateurs pour les orienter vers des contenus connexes, enrichissant ainsi l’expérience de recherche​​. De plus, le contenu généré par les utilisateurs (User-Generated Content ou UGC) renforce l’authenticité perçue de la plateforme et crée un sentiment de confiance et de communauté parmi les utilisateurs.

Cependant, la popularité croissante de TikTok comme moteur de recherche soulève également des questions sur la qualité et la véracité des informations partagées. Contrairement aux moteurs de recherche traditionnels, qui se basent sur des algorithmes complexes pour le classement des résultats, TikTok repose sur des recommandations algorithmiques qui mettent en avant des vidéos virales ou tendances, ce qui peut parfois conduire à la diffusion d’informations non vérifiées ou biaisées.

LES IA GÉNÉRATIVES : UN NOUVEAU TERRAIN DE JEU POUR LES MOTEURS DE RECHERCHE

Lorsque les Intelligence Artificielles Génératives (IAG) ont fait leur apparition, elles ont redéfinit la notion même de recherche en ligne. Et avec elles, une course à leur intégration a débuté.

Microsoft a rapidement intégré un chatbot d’IAG dans son moteur de recherche Bing, dans le but de prendre un avantage sur Google. Cela a partiellement fonctionné : on a observé un regain d’utilisation de Bing avec plus de 100 millions d’utilisateurs mensuels, mais la part de marché mondiale du moteur de recherche est restée stable à environ 3,4%. Microsoft a donc pris de l’avance en annonçant Bing Chat début 2023. Cependant, Google a rapidement réagi avec Bard, son propre chat basé sur l’IAG.

Si les deux chatbot sont des outils puissants, Bing Chat, qui utilise le modèle de langage GPT-4 d’OpenAI tandis que Bard utilise le modèle de langage PaLM 2 de Google, semble avoir l’avantage en termes de précision, de flexibilité et de disponibilité sur différentes plateformes. Cela ne signifie pas nécessairement que Bing dépassera Google en tant que leader du search, mais cela témoigne d’une concurrence accrue dans l’intégration de l’IAG au sein des moteurs de recherche.

FINALEMENT, QUEL AVENIR POUR LES MOTEURS DE RECHERCHE ?

Si l’on pourrait penser qu’il s’agit de la fin de l’hégémonie de Google, Bing ayant pris de l’avance sur les IAG et les réseaux sociaux constituant des concurrents de taille face aux nouveaux comportements des consommateurs, Google n’a pas dit son dernier mot.
En mai dernier, lors de sa conférence annuelle, Google a présenté une nouvelle version de son moteur de recherche en introduisant la SGE.

Avec la Search Generative Experience (SGE), Google incorpore les capacités de l’intelligence artificielle directement dans son moteur de recherche en proposant un résumé des meilleurs résultats d’une recherche.
C’est une véritable refonte de l’interaction utilisateur qu’entreprend Google, proposant une nouvelle manière de rechercher l’information. Demander à Google « un vélo pour un trajet quotidien de 5 km » n’est plus une simple requête mais une porte ouverte sur une liste personnalisée, avec des descriptions et des avis. L’immense base de données de produits de Google s’érige en rival direct à Amazon, promettant une intégration plus fine entre la recherche et la transaction. Fini le temps des dizaines (voire centaines..) d’onglets, l’ère est à l’efficacité et à la pertinence, un coup porté directement à la nature éparpillée du contenu social.

Si Google n’est pas prêt de quitter sa première place dans le domaine du Search, l’entreprise s’apprête à lancer un raz-de-marée dans le secteur du référencement naturel (SEO). En réduisant potentiellement le besoin des utilisateurs de visiter d’autres sites Web pour s’informer, Google risque de renforcer un potentiel abus de position dominante. Si “SGE” est désormais disponible dans 7 langues et 120 pays, ce n’est toujours pas le cas en Europe. Affaire à suivre…

Laura MARIANI

BIBLIOGRAPHIE

Recherche Google – Découvrez comment fonctionne la recherche. (n.d.). Recherche Google – Découvrez Comment Fonctionne La Recherche. https://www.google.com/search/howsearchworks/

Search engine market share worldwide | StatCounter Global Stats. (n.d.). StatCounter Global Stats. https://gs.statcounter.com/search-engine-market-share#monthly-200901-202401

Sc. (2020, June 23). Amazon, premier moteur de recherche produit pour trois quarts des Français – Stratégies. Stratégies. https://www.strategies.fr/actualites/marques/4045644W/amazon-premier-moteur-de-recherche-produit-pour-trois-quarts-des-francais.html

Adobe Express. (n.d.). Using TikTok as a search engine | Adobe Express. https://www.adobe.com/express/learn/blog/using-tiktok-as-a-search-engine

Perez, S. (2022, July 12). Google exec suggests Instagram and TikTok are eating into Google’s core products, Search and Maps. TechCrunch. https://techcrunch.com/2022/07/12/google-exec-suggests-instagram-and-tiktok-are-eating-into-googles-core-products-search-and-maps/?tpcc=tcplustwitter

Southern, M. G. (2022, June 17). Could TikTok be a search engine? For many users, it already is. Search Engine Journal. https://www.searchenginejournal.com/could-tiktok-be-a-search-engine-for-many-users-it-already-is/452871/

Comarketing-News. (2019, October 18). Amazon est désormais le premier moteur de recherche des acheteurs. https://comarketing-news.fr/amazon-est-desormais-le-premier-moteur-de-recherche-des-acheteurs/

Remazing. Appinio. (2022). Enquête sur les acheteurs Amazon. https://www.appinio.com/fr/blog/insights/comportements-achats-amazon

Cunningham, A. (2024, January 19). Bing Search shows few, if any, signs of market share increase from AI features. Ars Technica. https://arstechnica.com/ai/2024/01/report-microsofts-ai-infusion-hasnt-helped-bing-take-share-from-google/

Google I/O 2023. (n.d.). https://io.google/2023/intl/fr/

Grattepanche, M. (2023, August 11). Le nouveau moteur de recherche Google utilise l’IA générative. Abondance. https://www.abondance.com/20230511-53215-nouveau-moteur-de-recherche-google-ia-generative.html

Comment la TVOD réussit-elle à se démarquer face à l’explosion de la SVOD ?

La vidéo à la demande (VOD) a révolutionné la manière dont nous consommons des contenus audiovisuels, dépassant pour la première fois en 2023 la consommation de contenu de façon linéaire (53% des contenus audiovisuels sont aujourd’hui consommés de manière délinéarisée contre 47% en linéaire*). Ce mode de consommation offre en effet une flexibilité sans précédent dans le choix et l’accès à des films, des séries et autres programmes. Pour rappel la VOD se divise en 2 modèles différents : la VOD à l’acte (TVOD), c’est à dire la location ou l’achat (EST) d’un contenu, permettant de le visionner moyennant un paiement unique, et la VOD par abonnement (SVOD), offrant un accès illimité à une bibliothèque de contenus moyennant un abonnement mensuel. Depuis la crise sanitaire, les plateformes de SVOD n’ont cessé de se développer jusqu’à aujourd’hui représenter plus de 88% du marché de la VOD**. Pour autant, la TVOD n’est pas à négliger puisque dans l’achat de contenu audiovisuel, elle s’est pour la première fois en 2022* imposée face au chiffre d’affaires des ventes de vidéo physique. Ainsi comment la TVOD réussit-elle à se démarquer face à l’explosion de la SVOD ?

Il est important dans un premier temps de préciser qu’au sein de la TVOD, Les dynamiques sont en train d’évoluer, en effet, même si la location représente encore 66,1 % du marché de la TVOD, contre 33,9% pour l’EST**, on assiste petit à petit à un développement de l’EST, puisqu’en 2023, on observe une hausse de 8,3% de ce marché, contrairement à la location qui elle stagne voire est en légère baisse (-0,3%)* 

De plus, lorsque l’on s’intéresse plus précisément aux contenus consommés par les utilisateurs de TVOD, on peut voir que même si les contenus audiovisuels (fictions et animation) représentent la majeure partie des contenus disponibles (69%)**, les contenus les plus consommés sont les films et les DTV (notamment les films américains), qui totalisent 207,4M€ de chiffre d’affaires en 2022**. Ce qui peut sans doute s’expliquer par le côté plus attractif des contenus cinématographiques.

De plus, la TVOD est le catalogue de contenu disponible le plus exhaustif qui existe aujourd’hui. En effet, en 2022, 82 497 références étaient actives en TVOD (location et vente), contre 75 989 en 2021 (+8,6 %)**. Cela prouve que ce catalogue continue de s’étoffer au fil des années avec notamment les films et contenus audiovisuels de l’année en cours mais également des films de patrimoine restaurés par exemple. Cela permet ainsi au consommateur de visionner le film qu’il souhaite immédiatement sans être dépendant des catalogues des plateformes de SVOD qui acquièrent et perdent les droits des contenus très fréquemment. La TVOD a également l’avantage de proposer des contenus dits “frais” (6 premiers mois de l’édition vidéo.)

En effet, grâce à la chronologie des médias, la TVOD est la première façon de voir un film après sa sortie cinéma. Ainsi l’exclusivité incite les consommateurs à acheter le film. Cela a cependant l’inconvénient d’être étroitement lié aux succès des films en salle. En effet, lorsque l’on regarde le top 5 des contenus les plus achetés en VOD en 2022, 4 de ces films faisaient partie du top 5 box office de l’année 2022**. Ainsi il est arrivé que le manque de succès et plus généralement de films en salles engendre une baisse importante de la TVOD, comme ce fut le cas en 2021 lors de la crise sanitaire. Malgré tout, cette exclusivité est un argument de taille qui permet encore aujourd’hui à la TVOD de perdurer face au modèle de la SVOD voire de se développer à petit pas d’année en année  

L’un des derniers avantages de la TVOD est qu’au contraire des plateformes de SVOD, celle si peut plus facilement d’organiser des périodes de promotions (au même titre que la vidéo physique) car il est plus facile pour ce modèle de rogner sur ses marges assez confortables pour générer davantage de ventes, ce qui est plus difficile pour les plateformes de SVOD qui peinent déjà à être à l’équilibre aujourd’hui. 

Ainsi la TVOD tend à se maintenir voire se développer face aux plateformes de SVOD grâce à l’attractivité et l’exclusivité de ses contenus et grâce à un basculement des pratiques des acheteurs de vidéo physique vers toujours plus de digital. Néanmoins, cet équilibre semble fragile et peut vite être déstabilisé par des éléments extérieurs comme l’offre de films en salle mais aussi et surtout par un raccourcissement de la fenêtre d’exclusivité d’exploitation d’un film assuré par la chronologie des médias. Enfin son développement est aujourd’hui malheureusement assez négligeable face au mastodonte qu’est devenu le modèle de la SVOD. 

Sources :

* Observatoire de la Vidéo à la Demande du 23 janvier 2024

** Bilan du CNC 2022

Le futur du Live Shopping : une nouvelle ère animée par des avatars de vente

Live shopping dans le monde entier

Selon un rapport de Global Data, le marché du e-commerce en live devrait atteindre 245,15 milliards de dollars d’ici 2026. Selon les données du ministère chinois du Commerce, au cours des dix premiers mois de 2023, le chiffre d’affaires du live shpping a dépassé 2,2 billions de yuans (environ 2820,51 milliards d’euros), enregistrant une augmentation de 58,9 % en glissement annuel et représentant 18,1 % du chiffre d’affaires du commerce de détail en ligne.

Ces dernières années, le live shopping s’est rapidement développé à l’échelle mondiale, le nombre de professionnels, la diversité des secteurs, la gamme de produits, le nombre de diffusions en direct, et le montant des ventes, démontrant une dynamique puissante. En tant que nouveau modèle commercial de l’ère de l’Internet, le live shopping a émergé avec force, devenant une scène unique dans le développement économique de la Chine même du monde. 

Avatars virtuels et Live shopping

En outre, avec le développement continu du métaverse et de la technologie de l’information, la numérisation a créé une matrice de rôles divers, tels que des idoles virtuelles, des avatars virtuels, des employés numériques et des streamers virtuels. La diffusion virtuelle devient ainsi un point d’entrée et de fusion entre le monde virtuel et le monde réel. Les animateurs, en tant qu’élément essentiel du live shopping, sont-ils sur le point d’être remplacés par des streamers virtuels générés par l’IA ? Cette question suscite actuellement l’attention de divers secteurs. Les avantages indéniables sont les suivants :

  1. Ils n’ont pas besoin de se reposer et peuvent travailler de manière ininterrompue 24 heures sur 24. Les consommateurs peuvent ouvrir le live streaming à tout moment pour obtenir des informations sur les produits.
  2. Les streamers virtuels générés par l’IA n’ont pas de conscience de soi et ne seront jamais impliqués dans des incidents tels que des controverses ou des problèmes de comportement personnels, comme cela s’est produit avec les deux plus grandes stars du live streaming en Chine tels que Li Jiaqi (aussi appelé Austin Li) et Viya.
  3. Avec l’émergence de l’IA générative comme ChatGPT, non seulement le contenu des dialogues homme-machine devient plus riche, mais également les coûts opérationnels de l’apprentissage automatique sont réduits.

L’intérêt pour les avatars virtuels ne cesse de croître, et ils ont connu un énorme succès sur plusieurs plateformes de streaming et de shopping en Chine, telles que Kuaishou, Douyin (Tiktok), Taobao . En mai 2020, la marque de chanteurs virtuels Vsinger, avec des artistes tels que Luo Tianyi, a organisé des événements commerciaux en direct sur Taobao, atteignant un pic de 2,7 millions de spectateurs en ligne, dont 2 millions ont participé aux pourboires. Selon les abonnés ayant regardé le livestream du avatars virtuel la plus populaire en Chine, Luo Tianyi, ils ont exprimé leur préférence pour l’achat d’albums musicaux de Luo Tianyi et de produits correspondant à son image, par rapport aux simples endorsements commerciaux.

Les streamers virtuels présentent un potentiel de développement significatif dans le marketing de marque, contribuant efficacement à accroître la notoriété de la marque. Voici quelques exemples intéressants :

Les avatars virtuels influenceront-ils vos choix de consommation ?

En tant qu’une nouvelle tendance émergente, les avatars virtuels suscitent effectivement un vif intérêt et des discussions dans le domaine du e-shopping. Cependant, nous faisons face actuellement à une lacune dans les recherches, notamment en ce qui concerne l’impact des avatars virtuels sur les choix d’achat des consommateurs et leur ampleur.

Premièrement, nous pouvons nous pencher sur l’influence potentielle des avatars virtuels sur les décisions des consommateurs. Est-ce que l’apparition des avatars virtuels changera la perception des consommateurs des produits, leur processus de prise de décision d’achat et leur comportement d’achat ? Cela concerne l’efficacité réelle des avatars virtuels dans la transmission d’informations sur les produits, la fourniture de conseils d’achat, etc. À travers des études empiriques impliquant un grand nombre de consommateurs, nous pouvons mieux comprendre l’impact réel des avatars virtuels sur le comportement des consommateurs lors du shopping numérique.

Deuxièmement, il est nécessaire d’examiner l’acceptation des avatars virtuels par différents groupes de personnes. Les préférences d’achat et l’état d’esprit des consommateurs varient d’une personne à l’autre, et donc la recherche doit se concentrer sur des facteurs tels que l’âge, le genre, le contexte culturel, etc., qui influent sur l’attitude et le degré d’acceptation des avatars virtuels. Cela contribuera à une compréhension plus globale et permettra des prévisions plus précises de l’impact potentiel des avatars virtuels sur différents marchés.

Troisièmement, une recherche approfondie sur l’impact des avatars virtuels sur le shopping numérique nous permettra de mieux comprendre leur rôle dans l’environnement commercial, fournissant ainsi des recommandations plus scientifiques et pratiques pour le développement futur de l’expérience de shopping numérique.

Le futur : les avatars virtuels de vente remplaceront-ils les live-streamers réels?

C’est une question qui suscite beaucoup d’attention. L’évolution de cette tendance sera influencée par plusieurs facteurs.

Tout d’abord, avec l’avancée continue de la technologie, les capacités des avatars virtuels deviendront plus réalistes, répondant potentiellement aux besoins des consommateurs en matière de divertissement et d’information. Les avatars virtuels ne sont pas limités par le temps et l’espace, et peuvent fournir des services 24 heures sur 24, ce qui peut être attractif pour les consommateurs désireux d’obtenir des informations à tout moment et en tout lieu.

Ensuite, le comportement des consommateurs peut être influencé par des facteurs tels que la personnalité des avatars virtuels, leur interactivité et leur adéquation avec l’image de marque. Si les avatars virtuels parviennent à mieux répondre aux préférences des consommateurs, en offrant une expérience interactive personnalisée, ils pourraient devenir un choix préféré des consommateurs.

Cependant, l’authenticité et la chaleur humaine que possèdent les live-streamers pourraient être des aspects que les avatars virtuels ne pourront pas complètement remplacer. Certains consommateurs préfèrent interagir avec de vraies personnes, et l’expression émotionnelle et la construction de relations interpersonnelles des animateurs en chair et en os pourraient surpasser celles des avatars virtuels.

D’un point de vue industriel, l’attente envers les avatars virtuels alimentés par l’IA est qu’ils amélioreront l’efficacité, réduiront les coûts et créeront davantage de valeur commerciale pour les marques. L’apparition des avatars virtuels pourrait répondre à ces attentes, en particulier dans des contextes nécessitant une diffusion et une promotion à grande échelle.

En résumé, la question de savoir si les avatars virtuels remplaceront les live-streamers dépendra de l’évolution de la technologie, de l’acceptation des consommateurs et des besoins de l’industrie. L’avenir pourrait présenter une coexistence des deux, chacun jouant sur ses propres avantages pour répondre aux attentes et aux besoins diversifiés du public.

Peiyi OUYANG


Références :

Les tendances du live shopping en 2023. (n.d.). https://www.kolsquare.com/fr/blog/tendances-du-shopping-en-live-en-2023

Analyse de live shopping, Xinhua News. (n.d.). http://www.news.cn/tech/20240104/0d7fb92ee9dc49ba94f579d43666069c/c.html

Étude de l’influence des animateurs virtuels sur l’intention d’achat des consommateurs dans le commerce en direct, École de gestion de l’Université de technologie de Shanghai (2023) https://pdf.hanspub.org/ORF20230600000_67334662.pdf

Références en langues étrangères :

俞继红. 元宇宙时代数字虚拟直播的演变与展望[J]. 传媒评论, 2022(11): 79-80. 

梁伟, 石丹. 洛天依“出圈”会和真人爱豆抢饭碗? [J]. 商学院, 2020(9): 56-58. 

木芯. 一夜吸粉百万, 虚拟主播带货会更有优势吗? [J]. 销售与市场(管理版), 2021(12): 20-22.

陆新蕾, 虞雯. 虚拟偶像粉丝群体的消费文化研究——以虚拟歌姬洛天依为例[J]. 当代传播, 2020(6): 75-78+112. 

Plateformes SVOD : quels contenus pour poursuivre la croissance?

S’il y a 10 ans les plateformes SVOD commençaient à faire leur apparition, aujourd’hui elles occupent une place importante sur le marché de l’attention et gagnent du terrain par rapport à la télévision classique et les autres médias traditionnels. Selon une étude d’Ampere Analysis (1), en 2023 la consommation en ligne a représenté 53% de la consommation vidéo, dépassant ainsi la consommation linéaire ( 47%) sur les 18-64 ans. L’écart est encore plus grand chez les 18-24 en France avec 83 % de la consommation en ligne contre 17% en linéaire et sur l’ensemble de la population dans les autres grands pays européens et aux États-Unis. 

Netflix a annoncé la semaine dernière avoir dépassé son objectif pour le dernier trimestre de 2023 avec 13.1 millions d’abonnés supplémentaires et cumule désormais 260 millions d’abonnés à travers le monde. Ses principaux concurrents sont Prime Vidéo avec plus de 200 millions  d’abonnés, Disney + avec 150 millions d’abonnés et Paramount avec 63 millions d’abonnés. Cette barre symbolique de 250 millions d’abonnés a pu être franchie en partie grâce à sa stratégie contre le partage de mots de passe et à la création d’une nouvelle offre moins chère avec publicité, offre avec publicité qui est maintenant disponible chez ses concurrents Prime Vidéo et Disney+. Mais dans le futur ces mesures vont atteindre leurs limites et pour les plateformes de streaming une diversification des contenus sera nécessaire.

Le marché de la vidéo à la demande est un marché très concurrentiel sur lequel de nouveaux entrants font régulièrement leur apparition. Avec une multiplication des offres d’abonnements disponibles et face à l’abondance des contenus, les utilisateurs sont souvent contraints de faire en choix concernant le service choisi. Ce choix se fait non seulement en prenant en compte leur enveloppe “loisirs” disponible qui se voit diminuer à cause de leur baisse de pouvoir d’achat, mais aussi en fonction des contenus disponibles.

Netflix et Prime Vidéo : au delà de la fiction

La fiction et le sport sont les deux types de contenus qui traditionnellement attirent les abonnés et cela semble être une des stratégies de diversification depuis plusieurs années déjà. En effet, nous avons tous vu Amazon gagner une bataille symbolique face à France TV pour la diffusion du quart de finale qui opposait Rafael Nadal à Novak Djokovic lors du tournoi de Roland Garros en 2022. Et le tennis ce n’est pas le seul terrain sur lequel le géant américain est allé afin d’élargir son parc d’abonnés. Depuis 2021, Amazon diffuse un paquet des matchs de la Ligue 1 et a déjà acquis les droits TV pour la période 2024-2029. Selon le baromètre de NPA conseil, le “Pass Ligue 1” est estimé à 1,7 millions d’abonnés et cela ne serait pas un investissement rentable pour la plateforme. En revanche, en Angleterre, au moment de l’acquisition des droits de la Premier League Prime Vidéo a vu une croissance de 35% de son parc d’abonnés (2).

En ce qui concerne Netflix, depuis son lancement la plateforme avait opté pour une stratégie différente concernant les contenus sportifs. Afin d’éviter de payer les droits de diffusion très élevés, Netflix avait opté pour la production des documentaires comme “Break Point” ou encore “Tour de France : au coeur du peloton” qui ont été dans le top des programmes les plus visionnés. De plus, pour se lancer dans le live streaming, la plateforme s’est concentrée sur l’organisation des  événements comme la Netflix Cup durant laquelle des binômes des golfeurs et des pilotes se sont affrontés dans une course à Las Vegas en novembre dernier. Néanmoins, cette stratégie semble évoluer avec l’annonce la semaine dernière d’un accord de 5 milliards de dollars avec World Wrestling Entertainment pour la diffusion des principaux événements (3).

Sur un marché de l’attention sur lequel chaque acteur souhaite capter le plus les utilisateurs, un autre type de contenu est  plébiscité par les plateformes : les jeux vidéo. En effet, les jeux vidéo ont la capacité d’augmenter le temps d’écoute, car à la différence de la fiction et des contenus sportifs, en dans la consommation des jeux vidéos, les abonnés ne sont plus des simples spectateurs et participent activement à leur expérience. Netflix s’est déjà positionné sur le sur ce type de contenus et a annoncé une croissance dans le taux d’engagement sur son offre des jeux vidéo notamment porté par le lancement de la trilogie Grand Theft Auto (4). La compagnie a déjà annoncé le développement des jeux vidéo à partir de ses franchises comme Squid Games, Mercredi ou encore Black Mirror.

Disney+ et Paramount, quant à eux, ne proposent pas actuellement de jeux vidéo. Étant donné que les deux studios possèdent d’importantes IP au vu de leur passé cinématographique, cette possibilité n’est pas à exclure dans les années à venir.

Quels autres contenus et fonctionnalités ?

Dans la poursuite de la croissance, une convergence médiatique pourrait apparaître sur les plateformes de streaming, car afin de garder leur parc d’abonnés et pour en acquérir de nouveaux, les offres devront se distinguer en termes de valeur perçue par les utilisateurs. Ainsi, il n’est pas impossible de voir de nouvelles fonctionnalités et d’autres types de contenus faire leur entrée chez Netflix, Prime ou Disney.

Selon une étude de Insider Intelligence (5), concernant le temps d’utilisation en moyenne, TikTok a dépassé Youtube (58 minutes par jour contre 48,7 minutes) et se rapproche de Netflix (62 minutes par jour). Or, les deux “poursuivants” de Netflix sont basés sur les contenus produits par les utilisateurs (UGC). Même si pour les plateformes de streaming ouvrir la possibilité aux abonnés de publier des contenus viendrait avec des réels enjeux de régularisation, cette hypothèse pourrait permettre d’accroître le temps d’attention. Le développement d’une telle fonctionnalité aurait d’autres avantages. D’un côté pour les plateformes qui sont déjà présentes sur les réseaux sociaux dans leur objectif de promotion et de communication, elles pourraient utiliser les mêmes contenus au sein de la plateforme et créer un engouement autour des programmes disponibles. D’un autre côté, pour les créateurs de contenus cela pourrait être un moyen de favoriser la création autour du service de streaming sur les médias sociaux et une nouvelle manière de monétiser les vidéos crées. 

Aujourd’hui on peut voir des extraits des films ou séries défiler sur nos réseaux sociaux, mais très souvent même si l’on les enregistre, ils tombent dans l’oubli. La possibilité de les avoir au sein du diffuseur originel de la série peut nous permettre de l’ajouter à une liste des contenus que l’on souhaite regarder.

Un autre élément qui manque sur les plateformes de streaming et qui peut faire augmenter l’engagement, c’est le sentiment de communauté. En effet, n’est malheureusement pas possible de regarder ensemble ou d’échanger avec d’autres personnes passionnées par le même contenu au sein d’une plateforme. Or, en ayant la possibilité de le faire, notre temps d’utilisation pourrait augmenter.

Sebastian Udriste

Sources :

(1)

https://www.cnc.fr/documents/36995/2097582/Observatoire+de+la+vid%C3%A9o+%C3%A0+la+demande_vpublication+2.pdf/ff3f2dc7-fd52-8969-ecd1-fb55ab663a8f?t=1706086607452

(2)

https://www.theguardian.com/media/2020/feb/20/amazon-prime-video-outpaces-netflix-growth-after-premier-league-debut

(3)

https://www.sudouest.fr/sport/5-milliards-de-dollars-netflix-s-adjuge-les-droits-pour-diffuser-le-catch-americain-de-la-wwe-18265528.php

(4)

https://www.ign.com/articles/netflix-games-engagement-tripled-in-the-last-year-in-part-thanks-to-gta

(5)

https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/en-temps-passe-tiktok-se-rapproche-de-netflix-aux-etats-unis-953936.html

Quand TikTok redéfinit l’art des concerts

Ces derniers mois, qui n’a pas regardé une vidéo du concert d’Harry Styles, de Beyoncé ou encore de The Weeknd lors de leurs concerts en France sur son téléphone ?

Peut-on se demander si TikTok ne bouleverserait-il pas les codes des concerts ?

Les vidéos de concerts, filmés par les fans, se multiplient sur les réseaux sociaux et deviennent ainsi un atout pour les artistes pendant leurs concerts

C’est à travers cette effervescence des concerts que TikTok a réussi à se faire une place en tant que nouveau moteur de communication et de partage. En n’étant pas réellement dans la salle de concert, un spectateur peut voir des aperçus du spectacle grâce aux nombreuses vidéos des concerts partagées sur les réseaux sociaux. Auparavant, filmer ou diffuser un concert était une pratique illégale ; aujourd’hui, cela devient une norme.

Les vidéos de concerts, filmées par les fans, et partagées sur les réseaux sociaux permettent à ceux non présents d’avoir un aperçu à 360° du concert, de voir la scénographie, mais également d’écouter les chansons phares de l’artiste, et donc de vivre le concert à travers leur écran.

TikTok et Instagram deviennent ainsi un relais live du concert, un moyen pour les fans de faire vivre les shows à travers les écrans, mais également pour les artistes de promouvoir leur spectacle sans réellement dépenser en termes de marketing. Par exemple, le hashtag #loveontour pour le concert d’Harry Styles, cumule près de 7,2 milliards de vues. 

Aujourd’hui, les artistes se sont emparés de cet outil afin de créer des shows qui reprennent des tendances du réseau social, comme Stromae qui reprend sur scène, la danse de sa musique “Alors on danse”. 

D’autres artistes comme Rosalia crée leur show à la façon de TikTok. Elle se filme en vertical avec son téléphone à différents moments de son spectacle, elle réalise les tendances TikTok dans ses concerts. La chanteuse espagnole va même plus loin, puisque pour annoncer son nouvel album, elle fait un concert en direct sur TikTok. Cette performance lui vaudra en 2022 d’avoir remporté conjointement avec TikTok une nomination aux Latin Grammy pour son film musical “Motomami” (Rosalía TikTok Live Performance), un film uniquement tourné sur des iPhones . 

Les concerts se multiplient : la tendance des concerts est au spectaculaire

Actuellement, les concerts se multiplient, que ce soit dans les petites salles ou dans les grandes. En effet, une étude du Centre National de la Musique sur la diffusion des spectacles de musiques actuelles et de variétés en 2022 en France montre qu’avec plus de 62 000 représentations payantes et 32 millions d’entrées, l’année 2022 franchit pour la première fois le milliard d’euros de recettes (1 146 M€ de billetterie). Ce sont les grandes jauges (comme les zéniths, les arenas, etc.) qui génèrent près de la moitié des recettes de billetterie (42% pour 1% de représentations).

Effectivement, on peut constater que les méga-concerts se multiplient. Entre 2019 et 2022, le nombre de représentations dans les salles de plus de 6 000 places a augmenté de 14%. Avec la crise du disque, et la faible redevance du streaming musical qui ne compense pas les ventes “physiques”, il est important pour les artistes de jouer sur scène. En parallèle, après avoir passé deux années à écouter de la musique grâce au streaming pendant le covid, les spectateurs ont désormais envie de voir les musiciens et de partager un moment unique.

De plus, le public demande de grands shows comme celui de Taylor Swift, produit par AEG, capable de déplacer près de 90 camions et pesant environ 9 milliards d’euros. Du côté des artistes, l’important est de se démarquer car la concurrence est forte, les représentations deviennent donc de plus en plus spectaculaires. C’est dans ce contexte que des salles de spectacle importantes telles que le Stade de France reçoivent de plus en plus de concerts. En effet, en 2022, un tiers du chiffre d’affaires annuel de cette salle provient des concerts (soit 78 millions d’euros).

TikTok, au coeur de l’industrie musicale, crée son propre concert : TikTok In the mix

Cependant, l’omniprésence des vidéos de concert n’entache pas l’importance d’y participer. En effet, la performance du direct conserve son pouvoir, comme on peut le voir avec la démultiplication des concerts et des festivals. De plus, dans l’industrie musicale TikTok est devenu un incontournable pour les maisons de disques qui s’efforcent de découvrir le prochain grand succès. Par exemple, Drake avec son titre phare Toosie Slide”, englobe tous les codes de TikTok afin de faire de cette chanson un hit : une rythmique saccadée connue des titres TikTok, une chorégraphie déjà prête avant la sortie du son et les 15 secondes de la chanson permettant la mise en place de challenges. 

Par ailleurs, la plateforme a permis de lancer des nouvelles carrières, de rajeunir les plus anciennes comme avec la chanson “Dreams” de Fleetwood Mac de 1977 qui connaît un regain en 2020. Également, TikTok est parvenu à faire modifier les noms des chansons de certains artistes pour mieux s’aligner dans les tendances de l’application. Ainsi, étant donné l’importance de l’industrie musicale au sein de l’application, il était normal que TikTok produise son premier concert le 10 décembre 2023. 

De plus, depuis quelques années, TikTok joue un rôle particulier dans l’émergence d’artistes ou de nouveautés musicales. La création du festival de musique « In The Mix » est donc organisée dans cette optique : donner vie à la musique, aux tendances, et aux expériences que la communauté du réseau social peut créer chaque jour.

Retransmis en direct sur TikTok, le concert s’est tenu à Sloan Park à Mesa, aux Etats-Unis. La programmation suscite l’enthousiasme des utilisateurs, avec des artistes tels que Niall Horan, Charlie Puth, Cardi B ou encore Anitta. En parallèle des têtes d’affiche, TikTok In The Mix a mis en avant de nouveaux artistes tels que Isabel LaRosa, Kaliii, LU KALA et Sam Barber. Ces artistes font partie de « TikTok Elevate », un programme d’artistes émergents.

L’événement a rapidement affiché complet avec près de 17 000 personnes. TikTok a proposé un tarif oscillant entre 25 et 60$ (soit entre 20 et 55€), afin d’avoir un prix accessible pour sa cible de prédilection, les jeunes. Pour ceux qui se rendent sur place, la plateforme propose aussi différentes séries d’activités inspirées par les tendances les plus en vogue.

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♬ original sound – TikTok

Pour un événement de cette envergure, TikTok a réussi à atteindre des records d’audience sur la plateforme avec plus de 33,5 millions de téléspectateurs au total, profitant de la diffusion originale et des diffusions ultérieures de l’émission, adaptée au format vertical de l’application.

Paul Hourican, responsable mondial des partenariats et de la programmation musicale chez TikTok explique qu’ils sont ravis de «donner vie au fil « Pour toi », bien au-delà du concert Live de Mesa, en proposant cette expérience unique à des millions de fans à travers le monde ». En effet, en plus de la retransmission en direct sur TikTok, Disney+ s’est emparé du phénomène en permettant également de revivre le concert sur la plateforme. 

«Aucune autre plateforme ne réunit aussi bien musique, créativité et communauté que TikTok» explique Paul. En effet, leur vision est de « créer un spectacle réinventé pour l’ère TikTok et la communauté de passionnés de musique du monde entier ». Ainsi, il ne s’agit pas uniquement d’un festival mais d’un évènement culturel révolutionnaire. Grâce à ce concert, le réseau social a donc rassemblé sa communauté ce qui lui a permis de briser cette barrière de l’écran et de pouvoir partager et réunir. Ainsi, cette expérience a mis en exergue comment les plateformes numériques telles que TikTok façonnent non seulement la manière dont nous consommons la musique, mais aussi la manière dont la musique est jouée et vécue en direct.

On peut dire que TikTok influe sur la manière dont les concerts sont appréhendés. En effet, pour les spectacles de grande envergure, le concert ne se perçoit plus uniquement comme un événement artistique que l’on vit en direct, mais plutôt comme un produit à valoriser en ligne, une opportunité de générer du contenu viral pour TikTok.

Ainsi, en plus de modifier la façon dont on consomme les concerts, un show doit être filmable de la réflexion de la tenue, à la préparation, et au jour J. TikTok modifie également  la manière d’assister au concert. En effet, comme l’explique Raphaël Enthoven, aujourd’hui nous sommes dans une ère où il est plus important de filmer sa vie et de la partager plutôt que de la vivre : on va choisir «de sacrifier» le moment pour dire qu’on était là. TikTok sera un des vecteurs de cette philosophie, puisque le concert sera filmé pour se rappeler d’avoir vécu cette expérience, mais également de pouvoir dire «j’étais là ». 

Pour renverser ces codes de la société, l’artiste Dinos interdit de filmer et de prendre des photos lors de sa prochaine tournée Process Tour de 2024. Cette annonce inédite va à l’encontre du phénomène de société de capturer chaque instant avec son téléphone et rejoint la théorie de Raphaël Enthoven : vivre le moment.

Alexandra BECQUET

SOURCE :

Centre national de la musique. (2024, 29 janvier). La diffusion des spectacles de musiques actuelles et de variétés en France

Jack.(2023, 13 novembre). Comment TikTok a changé la façon de vivre les concerts.

Courrier International. (2023, 28 septembre). Comment TikTok change notre rapport aux concerts.

Fromentin, M. (2023, 26 octobre)- Begeek.fr. Le premier événement musical mondial en live de TikTok verra notamment participer Cardi B et Charlie Puth.

Richard, O. (2023, 15 décembre) – Libération. Mylène Farmer, Taylor Swift. . . le concert au stade industriel.

Romano, A. (2023, 3 septembre) – Vox. How concerts have evolved in the age of TikTok and smart phones.

Rosso, S. (2023, 26 octobre) – Siècle Digital. TikTok dévoile les contours de son premier festival de musique.

TikTok. (2023, 25 octobre) – Newsroom | TikTok. TikTok in the Mix : un grand concert live et en direct sur TikTok.

La mesure d’audience TV et streaming : vers une mesure d’audience unique ?

En France les audiences sont historiquement mesurées par Médiamétrie, une entreprise détenue par tous les principaux acteurs du paysage audiovisuel français, des diffuseurs télévision et radio aux annonceurs principaux. Les audiences TV étant la pierre de voûte du financement traditionnelle des chaînes de télévision française, ces données sont extrêmement sensibles et doivent être traitées avec impartialité pour éviter toute ingérence ou influence mal placée.

L’audience à la télévision

Depuis sa création, Médiamétrie recueille ces précieuses informations sur un panel de cinq mille foyers représentatifs de la société française. Avec six chaînes de télévisions la mesure était simple et claire pour tout le monde, le nom du panel, Audimat, rentrera dans le langage courant pour qualifier le nombre de téléspectateurs. Cependant avec le développement des chaînes du câble et plus tard de la TNT gratuite puis du replay, la mesure s’est complexifiée. D’autant plus avec l’avènement des « set top box » dans les foyers français, massivement déployées par les opérateurs de télécoms.

On a également assisté à un affinement spectaculaire de la mesure d’audience, aujourd’hui avec le panel Mediamat. Les informations fournies par Médiamétrie tous les jours à 9h proposent une exhaustivité et une finesse difficilement concevable pour les générations précédentes. Ses informations sont volontairement données par les panélistes et Médiamétrie interprète statistiquement les résultats en les rapportant à la population française totale. Ces données sont mises à la disposition des équipes dédiées de chaque chaîne qui peuvent à travers le logiciel RestitTV façonner la masse de données pour créer leur rapport d’audience en interne.

Longtemps restée hégémonique sur le marché du divertissement, la télévision a vu sa position remise en question par l’irruption des plateformes de streaming, Netflix en tête. Proposant une expérience radicalement différente en laissant au téléspectateur le soin de devenir son propre chargé de programmation, le streaming vient faire vaciller les logiques séculaires de la télévision de papa pour faire rentrer le spectateur dans l’ère de l’ATAWAD (Any Time, Any Where, Any Device).

Cette transfiguration lance un défi de taille, comment mesurer une audience sur de telles plateformes ? Qu’est-ce qu’un succès sur ces plateformes ? Comment comparer un programme Netflix d’un autre diffusé en linéaire ?

L’audience en streaming

La mesure de l’audience TV, en plus de fournir une indication claire sur la popularité d’un programme, permet surtout de valoriser les espaces publicitaires mis à disposition par les chaînes aux annonceurs. Les audiences sont donc d’un intérêt capital pour l’annonceur qui cherchera à faire le plus efficacement de la publicité pour son produit. Les plateformes de streaming étant initialement dépourvues de pub, la mesure d’une audience leur a dès lors paru vaine et se limitait à appuyer des communications marketing sporadiques. Cependant, depuis l’adoption par les plateformes d’un modèle hybride publicité/abonnement (similaire à celui de la télévision payante par câble), la mesure de la valeur d’un espace publicitaire se pose.

Aujourd’hui les plateformes publient les performances de leurs programmes avec des indicateurs de masse comme les heures vues et les « vues ». Autrefois avare en chiffres, Netflix fait montre de bonne volonté depuis quelques années en publiant régulièrement des chiffres de consommation plus ou moins précis. Dernièrement la plateforme s’est engagée à mettre à disposition de tous, deux fois par an, les performances des précédents mois de ses programmes avec plus de 50 000 heures vues. Une mesure globale sans distinction par pays, et fournissant seulement une masse d’heures vues difficilement interprétable.


Concrètement, la nouvelle série Netflix, Griselda, sortie le 25 janvier dernier, comptabilise 20,6M de vues, tout territoire confondue en 4 jours. Ce chiffre ne permet pas, évidemment, de la comparer avec la série française Rivière-perdue qui a rassemblé 4,8M de téléspectateurs sur TF1 jeudi 25 janvier. Ces chiffres mis à disposition publiquement par les deux diffuseurs, divergent fondamentalement et empêche quelconque analyse de fond.

Si un tel geste peut être considéré comme un pas en avant pour la plateforme, ce genre de données d’audience reste sans commune mesure avec celles de la télévision, beaucoup plus exhaustives. Ainsi il faudrait réussir à établir une mesure unique permettant la comparaison des performances d’un programme à la télévision et en streaming.

Quelles technologies pour une mesure unifiée ?

Médiamétrie parvient déjà à mesurer les performances des programmes regardés en non-linéaire disponibles en replay, mais non sans contraintes. En effet l’outil de Médiamétrie peut réaffecter les performances d’un programme en replay seulement si ce dernier a déjà été diffusé en linéaire et est donc doté de son « watermark ». Médiamétrie identifie ce que regarde les panélistes grâce à à la technologie du « watermark », chacun des panélistes du Mediamat est doté d’un boîtier similaire à une box tv qui, à chaque fois que la télévision ou un écran du foyer est allumé, détecte un signal sonore inaudible à l’oreille humaine. Ainsi, si la séquence d’une émission TV, diffusée sur les réseaux sociaux, devient virale, les audiences « replay » remontées par Médiamétrie peuvent être gonflées.

Cette technologie pourrait être théoriquement appliquée aux programmes diffusés sur les plateformes de streaming et permettre une mesure d’audience comparable à celle de la télévision. Mais le watermarking doit être fait à l’initiative du diffuseur et présente des contraintes techniques importantes. Une technologie complémentaire, le « fingerprinting » peut remédier à ces problématiques car elle ne nécessite pas une modification du contenu. Le fingerprinting consiste à prélever un extrait vidéo ou sonore d’un contenu audiovisuel et de le comparer à une base de données préexistante pour identifier le contenu regardé.

Médiamétrie envisage depuis quelques mois de s’affranchir du consentement des plateformes pour mesurer leur audience, on peut donc s’attendre à ce que des technologies comme le watermarking ou le fingerprinting soient celles choisies par l’institut de mesure pour enfin unifier la mesure d’audience de la télévision et du streaming.

Hadrien Pigache


Sources :

Médiamétrie réinvente ses mesures d’audience pour 2024 – Challenges
Médiamétrie veut désormais mesurer les audiences des plateformes de streaming (bfmtv.com)
Comment évoluent les audiences de la télévision à l’heure des plateformes ? (e-marketing.fr)
Top 10 TV Shows on Netflix Right Now
TOP 10 on Netflix in the World on January 31, 2024 • FlixPatrol
Netflix Top 10: ‘Griselda’ Debuts at No. 1 on English TV Chart (variety.com)
Médiamétrie – Le Fingerprinting (mediametrie.fr)
Médiamétrie – Le watermarking, une innovation technologique pour mesurer l’audience de la Télévision et de la radio (mediametrie.fr)

TikTok : future plateforme de référence pour les films et les séries ?

Envie de regarder le nouveau film « Barbie » gratuitement ? C’est possible sur TikTok, à condition d’accepter son découpage en 49 parties.

Sur TikTok, la diversité du contenu est frappante. On y trouve aussi bien des vidéos de danse virales, que des sketches comiques hilarants ou encore des conseils sur les relations amoureuses. En résumé, peu importe ce que vous recherchez ou pas, TikTok saura quelle vidéo vous montrer. 
Depuis quelques mois, un nouveau type de contenu prend de l’ampleur ou du moins, commence à faire parler.

Après avoir bouleversé l’industrie de la musique, TikTok s’attaque à celle de l’audiovisuel

Comme beaucoup de plateforme l’ont été avant elle, TikTok se transforme progressivement en « pirate de l’audiovisuel ». En effet, il est maintenant possible de regarder des films, des séries et des émissions télévisées, découpés en plusieurs parties et diffusés par des comptes TikTok dédiés à ce type de contenus. Ces contenus sont majoritairement mis en ligne de manière illégale. Les enregistrement clandestins, qu’il soient de films projetés au cinéma ou de contenus disponibles sur les plateformes de streaming, tous y passent. En outre, des séries populaires telles que « South Park » ou « Malcolm » sont présentes sur TikTok depuis un certain temps.


tractlljc4t sur TikTok

Ce mode de consommation peut sembler quelque peu déroutant. Cependant, il gagne en popularité au sein de la plateforme, et cela s’explique par plusieurs facteurs. 

Tout d’abord, ces séquences ont une capacité remarquable à capter et retenir l’attention des utilisateurs. En découpant un épisode de série en plusieurs parties, un compte peut publier une vidéo consistant uniquement en une scène riche en suspense, incitant ainsi les spectateurs à vouloir connaître la suite.
De plus, TikTok développe des fonctionnalités qui facilitent la consommation de ce type de contenus comme le « Clear Mode » ou le mode « Plein écran ».

Le rôle fondamental de l’algorithme de recommandation

Image par Katamaheen de Pixabay

Dans le fil d’actualité « Pour toi », les contenus découpés en plusieurs parties sont proposés aux utilisateurs de manière aléatoire,  ce qui contribue à la popularité de ce format. Dans un univers d’hyperchoix où une multitude d’options est constamment disponible, la fatigue décisionnelle se fait ressentir. Exacerbée par les choix infinis sur des plateformes comme Netflix, TikTok évite à l’utilisateur de se trouver dans cette situation d’anxiété en le conduisant directement au contenu. « Je suis déjà là, je suis déjà en train de le regarder, je suis déjà en train de faire défiler sur TikTok. » Voici ce que déclare un utilisateur à propos de TikTok (Wall Street Journal, 2023). Pas besoin d’aller sur une plateforme de streaming ou sur la télévision : TikTok dit à l’utilisateur quoi regarder. En résumé, avec l’algorithme de recommandation, les contenus sont presque servis sur un plateau d’argent.

L’algorithme de recommandation de TikTok contribue à mettre en lumière ces extraits dans les « Pour toi », permettant aux comptes TikTok de toucher un public plus large et d’augmenter leur visibilité. L’algorithme favorisant les vidéos regardées jusqu’à la fin, la plupart des contenus sont découpés par tranches de 3 à 5 minutes, bien que les vidéos peuvent aller jusqu’à 10 minutes. Ces vidéos courtes jouent aussi avec la frustration ressentie par l’utilisateur qui sera pousser à aller regarder d’autres vidéos ou à demander en commentaires quand est-ce que la partie suivante sera disponible. Il est important de noter que les commentaires jouent aussi un rôle important dans la recommandation par l’algorithme. 

Afin de ne pas se faire repérer par les algorithmes de modération, les créateurs ne publient pas les différentes parties d’un même contenu à la suite. Les parties sont souvent « uploadées » sur la plateforme à des heures ou jours d’intervalle, laissant le temps à la publication d’autres contenus. Autre particularité de ces vidéos, il est très rare de voir inscrit dans les descriptions le nom original du film, de la série ou de l’émission en question. Il s’agit d’une autre astuce utilisées pour éviter que la vidéos soient retirées de manière automatique de la plateforme.

Bien que ce type de visionnage puisse paraître atypique, il s’inscrit donc dans une stratégie de captation et de rétention de l’attention tout en exploitant les mécanismes propres à l’algorithme de TikTok pour maximiser la portée et l’impact du contenu publié.

Le cinéma se fait pirater, il prend les devants !

En 2020, Quibi, le service de streaming de vidéos courtes venu tout droit d’Hollywood n’a pas tenu longtemps sur le marché. Bien que ce fut un échec, le potentiel de ce type de contenu paraît aujourd’hui plus important que ce qu’il était il y a quelques années. Comme annoncé lors du festival Médias en Seine à Paris en 2023, l’une des prochaines tendances média qui se dessine est la nécessité de maitriser le format de vidéos verticales (Reuters Institute, 2023).

Neil Shyminsly, expert en Pop culture et professeur d’anglais au Cambrian College, affirme qu’ « il y a une crainte croissante que la programmation télévisuelle devienne de plus en plus courte à mesure que le succès est déterminé par l’algorithme de TikTok. » (CBCNews, 2023). 

Photo de Hannah Wernecke sur Unsplash

Effectivement, certains grands studios se sont déjà lancés dans la publication de contenus en plusieurs parties. Le 3 octobre 2023, à l’occasion du Mean Girls Day, Paramount à rendu disponible le temps d’une journée le film Mean Girls en intégralité, découpé en 23 parties sur son compte TikTok. « Les paramètres semblent évoluer », a déclaré Alex Alben, professeur de droit de l’internet et de la confidentialité à la Faculté de droit de l’UCLA. « Quelqu’un au sein du studio est en train de peser le fait qu’ils bénéficieraient davantage de la diffusion d’un extrait de leur film par des millions de personnes plutôt que de chercher à l’interdire. » (NewYorkTimes, 2023). Un représentant de Paramount a expliqué que la publication de « Mean Girls » sur TikTok visait à accroître la visibilité du film auprès d’un nouveau public potentiel (NewYorkTimes, 2023). Un coup marketing de la part du studio ? Très probable, sachant que le jour même, la sortie du nouveau « Mean Girls » au cinéma début janvier 2024 a été annoncée.

D’autres studios et plateformes de streaming ont très vite suivi. En août 2023, Peacock a publié un épisode de 2023 de la version américaine de « Love Island » ainsi qu’un épisode de « Killing It » divisé en 5 parties. Voici ce qu’Anupam Chander, professeur de droit et technologie à Georgetown, dit à ce propos : « Il peut être utile pour les détenteurs des droits d’auteur de voir leur travail distribué à un public plus large afin de susciter davantage d’intérêt pour ce travail et générer des ventes ultérieures. ». En réalité, certains détenteurs des droits de ces contenus, qu’ils soient publiés légalement ou non, pourraient profiter de cette tendance. Dans les faits, cela peut permettre de remettre au gout du jours d’anciens contenus et de booster la popularité de ceux qui en ont besoin. Il faut reconnaître que la capacité de TikTok à engager son public est forte et va au-delà des jeunes générations (InsiderIntelligence, 2023).

De nouvelles productions uniquement dédiées à TikTok

TikTok a vu émerger de nouvelles productions uniquement dédiées à sa plateforme. Dès 2020, plusieurs séries australiennes ont vu le jour telles que Love Songs, publiée par épisodes de 10 minutes ou Scattered, publiée en 38 épisodes de 1 minute. Récemment, Adam McKay, avec sa société de production Yellow Dot Studios, est devenu le premier producteur hollywoodien à investir dans une série diffusée uniquement sur TikTok. Intitulée « Cobell Energy », elle est diffusée depuis le 14 novembre 2023 sur la plateforme à raison de 2 épisodes par semaine.

cobellenergy sur Tiktok

Et le respect des droits d’auteur dans tout ça ?

Il est évident que la publication illégale de contenus sous droits pose question. Réguler ce type de contenus sur TikTok devient un challenge très complexe en comptant les 34 millions de vidéos postées par jour sur la plateforme. Comment gérer le sentiment de non-respect du travail accompli pour la réalisation d’un film, d’une série etc. ? Publier un contenu en plusieurs parties porte-t-il atteinte à la nature même de celui-ci ? Comment gérer le partage de revenu ? Beaucoup de questions n’ayant pas de réponses encore assez concrètes. 

Pour remédier à ces publications, trop nombreuses, de contenus allant à l’encontre des conditions d’utilisation de la plateforme, TikTok a mis en place un algorithme de détection des contenus sous droits d’auteur. En plus de cela, les détenteurs de ces droits ainsi que les utilisateurs peuvent signaler à la plateforme un contenu qu’ils considèrent comme « piraté ».
Avec l’arrivée du Digital Services Act en Europe, de nombreuses plateformes comme TikTok se sont vues imposées la mise en place de mécanismes de signalement mais aussi de contrôle plus soutenus de ces contenus illicites. En septembre 2023, TikTok a annoncé avoir supprimé plus de 4 millions de contenus jugés comme illicites par l’Union Européenne.

Finalement, il ne reste plus qu’à voir si ce type de consommation et de diffusion dépassera le stade de tendance et réussira à s’installer dans le temps.

Margot Brenier


Bibliographie

Alcántara, A. (2023, 16 septembre). People are streaming pirated movies on TikTok, one short clip at a time. WSJ. https://www.wsj.com/tech/tiktok-pirated-movies-free-2cd9389a

Croquet, P., & Trouvé, P. (2023, 9 octobre). On TikTok, the success of « sliced up » films and TV series. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/en/pixels/article/2023/10/07/on-tiktok-the-success-of-sliced-up-films-and-tv-series_6155629_13.html

Holtermann, C., & Kircher, M. M. (2023, 4 octobre). ‘Mean Girls’ has a One-Day run on TikTok. The New York Times. https://www.nytimes.com/2023/10/04/style/tiktok-movies-mean-girls.html#:~:text=A%20Paramount%20representative%20wrote%20in,companies%20have%20experimented%20with%20TikTok.

Hoover, A. (2023, 14 novembre). TikTok is the new TV. WIRED. https://www.wired.com/story/tiktok-new-show-tv-takeover/

Murray, C. (2023, 24 octobre). Will ‘Don’t Look Up’ director’s new series work on TikTok ? It will need better luck than these social media efforts. Forbes. https://www.forbes.com/sites/conormurray/2023/10/24/will-dont-look-up-directors-new-series-work-on-tiktok-it-will-need-better-luck-than-these-social-media-efforts/?sh=42cf59fc5aa1

Radio-Canada. (2023, 15 juin). La transformation de TikTok en plateforme de diffusion, un clip piraté à la fois. Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1988120/tiktok-contenu-pirate-series-films-cinema-plateforme-diffusion-tendance

Rahmil, D. (2023, 28 septembre). Regarder Barbie par tranches de 3 minutes, c’est la vie de cinéphile que j’ai choisie. L’ADN. https://www.ladn.eu/media-mutants/tendance-tiktok-regarder-films-tranches/

Renaud-Chouraqui, E. (2024, 23 janvier). Quel sera l’impact du DSA dans la lutte contre la contrefaçon en ligne ? https://info.haas-avocats.com/droit-digital/quel-sera-limpact-du-dsa-dans-la-lutte-contre-la-contrefacon-en-ligne

Richards, J. (2021, 14 juin). TikTok TV : Aussie Gen Z drama ‘Scattered’ and the promise of a new platform. NME. https://www.nme.com/en_au/features/tv-interviews/tiktok-tv-aussie-gen-z-drama-scattered-2968680

Six, N. (2020, 8 avril). Quibi, le « Netflix » des vidéos courtes, se lance sur mobile aux Etats-Unis. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/04/07/quibi-le-netflix-des-videos-courtes-se-lance-sur-mobile-aux-etats-unis_6035878_4408996.html

Tingley, A. (2023, 14 novembre). Variety. Variety. https://variety.com/2023/digital/news/adam-mckay-yellow-dot-studios-cobell-energy-tiktok-series-ari-cagan-1235764568/

Les plateformes de streaming vidéo OTT en Asie: une concurrence féroce, notamment dans la production et l’acquisition de séries originales

Ces derniers temps, de plus en plus de séries asiatiques diffusées sur des plateformes de streaming internationales ont acquis une renommée et une influence dépassant leur continent d’origine. Cependant, en examinant attentivement le paysage audiovisuel en Asie, on remarque l’émergence d’une multitude d’autres productions exceptionnelles, similaires à une vague récente. Cette tendance est en partie alimentée par la concurrence féroce entre de nombreuses plateformes OTT en Asie, qui investissent de manière croissante dans le contenu, en particulier dans les créations originales ou exclusives. La diversité des plateformes OTT contribue également à cette concurrence de plus en plus intense.

Les plateformes: l’expansion rapide des applications OTT en Asie

Les plateformes OTT connaissent une importance croissante dans le paysage audiovisuel asiatique, marquant une transition significative dans la manière dont le contenu est consommé. Cette évolution est caractérisée par une expansion rapide des plateformes de streaming à travers la région. Lors de la conférence « Future of Media 2024 » en novembre 2023, les données de Nielsen Consumer & Media View (CMV) mettent en lumière l’adoption rapide des plateformes numériques en Asie, où 64 % des téléspectateurs privilégient désormais les services de streaming vidéo. Lors de cette même conférence, Arnaud Frade, président de la division commerciale pour l’Asie, a souligné que le visionnage multi-écrans est désormais la norme et que l’essor des chaînes de streaming est inexorable [1].

La grande et croissante base d’utilisateurs d’Internet en Asie, associée à une forte pénétration des appareils mobiles, offre un terrain propice aux services de OTT. Cela explique pourquoi le marché des plateformes de streaming vidéo en Asie se caractérise par une croissance rapide et une grande diversité [2].

En analysant plus en profondeur les tendances macro comme les raisons de cette expansion, dans sa rubrique « View from Asia » en juin 2023, Unmish Parthasarathi, fondateur de Picture Board Partners, souligne que cette adoption massive est due à trois tendances macro: une population jeune, particulièrement en Asie du Sud et du Sud-Est; une connectivité abordable et accessible; et le manque d’alternatives de divertissement à prix ou commodité. Il a également estimé que l’Asie devrait voir l’ajout d’un milliard de consommateurs en ligne au cours de cette décennie [3].

Un rapport intitulé « Future of TV » de la plateforme adtech The Trade Desk et du cabinet de recherche Kantar, mené en 2020 et axé sur l’Asie du Sud-Est, a révélé qu’OTT est l’un des canaux médiatiques à la croissance la plus rapide dans la région, avec un taux de pénétration de 31%, soit 180 millions de téléspectateurs OTT. Selon leur enquête, 72% des répondants estiment qu’ils maintiendront ou augmenteront leur consommation d’OTT à l’avenir [4].

En raison de son potentiel économique, l’Asie suscite rapidement un investissement important de la part des plateformes internationales qui cherchent à capturer une part de l’audience en pleine croissance. Commentant le rapport intitulé « Distribution vidéo en ligne et à large bande en Asie-Pacifique 2022 » de Media Partners Asia (MPA), le directeur exécutif de MPA, Vivek Couto, a déclaré : « Les investisseurs se concentrent de plus en plus sur une échelle accrue, une monétisation améliorée et une rentabilité réelle à travers les plateformes vidéo en ligne mondiales, locales et régionales. Dans ce contexte, le rôle de l’Asie-Pacifique continue de jouer un rôle crucial dans l’avenir de l’industrie mondiale de la vidéo en ligne. La région reste le plus grand contributeur à la croissance mondiale des clients et des utilisateurs de vidéo en ligne aujourd’hui et émerge comme un contributeur significatif à la croissance des revenus. » [5]

Par conséquent, sur la carte des plateformes OTT en Asie, nous pouvons observer un mélange entre les géants du streaming vidéo aux côtés des plateformes locales, les exemples les plus évidents étant Netflix ou Amazon Prime Video.

Les services OTT populaires dans les pays d’Asie du Sud-Est
Source: https://insight.freakout.net/what-is-ott-and-why-does-it-matter/

Le contenu: la concurrence dans la production et l’acquisition des séries originales

L’ampleur des investissements des plateformes OTT internationales sur le marché asiatique peut facilement s’expliquer par le succès des contenus originaux produits en Asie. Selon MPA, les dramas coréens ont largement dominé la part de marché du visionnage sur la plateforme Netflix en 2022 [6], aux côtés du triomphe de la série coréenne « Squid Game », devenant ainsi le programme le plus regardé sur Netflix à l’échelle mondiale. Cela témoigne de l’intérêt du public pour les contenus originaux asiatiques.


Source: Statista

Début 2023, selon les prévisions de MPA, Netflix a prévu de dépenser 1,9 milliard de dollars pour du contenu local dans la région Asie-Pacifique cette année-là, représentant ainsi 47% de ses revenus. Cette tendance est stimulée par la Corée, le Japon, puis suivie par l’Inde, l’Australie et certaines parties de l’Asie du Sud-Est [7]. Aujourd’hui, 60 % du public mondial de Netflix a regardé du contenu coréen, tandis que 70 % de ses spectateurs se trouvent en dehors des États-Unis [8].

En analysant le cas de Netflix, une compétition intense pour attirer les utilisateurs et sécuriser des contenus exclusifs a été relevée. Cette concurrence entre les plateformes internationales et locales a façonné l’industrie du divertissement en Asie. La grande majorité des bénéfices de Squid Game sont allés à Netflix, ce qui a incité le gouvernement coréen à intervenir, donc il a annoncé en juin 2023 son intention de fournir 500 milliards de wons (390 millions de dollars) pour aider les plateformes de streaming locales à rivaliser avec les concurrents mondiaux [8]. La montée de la concurrence dans la production de séries originales a été un aspect marquant de l’évolution du paysage audiovisuel asiatique. Cette compétition s’intensifie alors que de plus en plus de plateformes de streaming investissent dans la création de contenu exclusif pour attirer et fidéliser les audiences. En conséquence, cette concurrence est devenue un moteur pour les plateformes OTT locales, qui s’efforcent de se démarquer non seulement par la production de contenus exclusifs en interne mais également par l’acquisition de contenus exclusifs, notamment récemment avec les contenus « day and date ».

Le concept de « série day and date » a gagné en popularité en Asie, désignant la sortie simultanée des épisodes d’une série sur plusieurs marchés internationaux. Cette approche permet aux téléspectateurs asiatiques de regarder des séries au même moment que leurs homologues du monde entier, évitant ainsi les spoilers et créant une expérience de visionnage communautaire. Cette stratégie a été largement adoptée par les plateformes de streaming en Asie pour maximiser l’engagement et la portée de leurs séries originales.

Bien qu’il n’y ait pas de définition académique étant donné que c’est un phénomène nouveau, le terme « séries day and date » est couramment utilisé dans l’industrie télévisuelle. Les contenus “day and date” deviennent de plus en plus populaires et sont devenus un enjeu majeur en raison de :

  • La culture de l’idolatrise en Asie, principalement en Chine et en Corée du Sud, où la culture de l’idolatrise est bien établie et où la culture générale est exportée globalement depuis longtemps.
  • La lutte pour la part de marché dans le secteur concurrentiel de l’OTT, ce qui pousse les plateformes à vouloir être les premières, voire les seules, à diffuser ces contenus.
  • Selon les informations internes dans l’industrie, l’acquisition des séries “day and date” est très difficile parce que de nombreuses plateformes sont engagées dans des négociations pour obtenir les séries les plus convoitées et potentiellement rentables.

Parmi les séries “day & date” et les séries originales les plus populaires en Asie, plusieurs ont rencontré un succès remarquable, tant sur le plan critique que commercial. Ces séries originales ont contribué à renforcer la réputation des plateformes de streaming asiatiques sur la scène internationale et ont ouvert de nouvelles opportunités pour la production et la distribution de contenu asiatique à travers le monde.

Taxi Driver 2
Source: https://www.stellarsisters.com/casting-acteurs-taxi-driver-saison-2-confirmes/

La série coréenne « Taxi Driver 2 » est un exemple du succès des contenus “day and date”. Au Vietnam, la série a été diffusée pour la première fois sur l’application K+ (la plateforme OTT de Canal+ au Vietnam) en même temps qu’en Corée du Sud, ce qui a été un grand succès pour K+, en faisant le contenu “day & date” le plus rentable jamais diffusé sur ce plateforme. Cette série a récemment remporté le prix “Best Drama Series” (Meilleure Série) lors de la 28e cérémonie des “Asian Television Awards”, qui s’est tenue à Ho Chi Minh-Ville, Vietnam [9].

Un autre exemple est la série chinoise « Only for Love ». Avant sa diffusion, la série a suscité beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme, comme en témoignent les plus d’un million de notifications de visionnage préalablement enregistrées sur la plateforme Mango TV (la plateforme de diffusion originale de cette série) [10]. Cet intérêt pour la série a conduit à une forte demande au niveau de l’acquisition entre les plateformes OTT en Asie.

Les prospects dans l’avenir des plateformes OTT en Asie

La concurrence intense entre les plateformes OTT en Asie bénéficie aux consommateurs en leur offrant un large éventail d’options de contenu et de forfaits adaptés. Cependant, cette diversité accrue rend les choix plus difficiles, notamment en ce qui concerne les prix, les préférences de contenu et les plateformes préférées. Pour rester pertinentes dans un marché en constante évolution, les plateformes de streaming doivent rester à l’écoute des besoins des consommateurs. L’avenir du paysage audiovisuel asiatique dépendra des stratégies des plateformes OTT pour attirer les créateurs et maintenir la qualité des contenus. Les tendances émergentes comme les coproductions internationales et les formats innovants joueront également un rôle clé.

Thi Xuan Ha Nguyen

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Sitographie:

[1] https://www.nielsen.com/fr/news-center/2023/streaming-and-digital-on-the-rise-in-asia/

[2] https://www.vdocipher.com/blog/2022/01/asia-vod-platforms/

[3] https://www.isportconnect.com/the-view-from-asia-the-rise-and-rise-of-ott-in-asia/ 

[4] https://www.contentgrip.com/report-future-of-tv-ott-southeast-asia/ 

[5] https://www.broadcastprome.com/news/apac-online-video-revenue-to-hit-73bn-by-2027-mpa/ 

[6] https://www.contentasia.tv/news/netflixs-apac-content-spend-may-hit-us19b-2023-apac-revenues-12-us4b-japan-korea-drive-growth

[7] https://variety.com/2023/tv/news/netflix-content-spending-asia-pacific-1235543665/ 

[8] https://time.com/6339351/netflix-squid-game-asia-expansion/ 

[9] https://tuoitrenews.vn/news/ttnewsstyle/20240115/south-korean-netflix-series-wins-asian-emmys-in-vietnam/77845.html

[10] https://bazaarvietnam.com/review-phim-di-ai-vi-doanh-only-for-love/

L’IA, la nouvelle arme pour capturer notre attention

Dans le monde tumultueux du numérique, une vérité demeure inchangée : notre attention est une ressource précieuse, convoitée par les géants de la technologie. 

Aujourd’hui, nous nous interrogeons sur le rôle croissant de l’intelligence artificielle (IA) et de l’analyse prédictive dans l’économie de l’attention, un concept dont l’importance a été cyniquement résumée par Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1, lorsqu’il déclarait en 2004 que la chaîne vendait du « temps de cerveau humain disponible » à des annonceurs comme Coca-Cola. Cette remarque, qui a suscité une polémique en France, résonne avec une pertinence accrue à l’ère du numérique.

Qu’est-ce que l’économie de l’attention ? 

L’économie de l’attention, concept qui a émergé dans les années 90, décrit un monde où l’abondance d’informations dépasse notre capacité à les absorber. Dans cet univers saturé, capter l’attention devient un enjeu majeur. Les entreprises, en exploitant nos tendances à la distraction, s’efforcent de nous maintenir collés à nos écrans pour maximiser l’exposition publicitaire. 

Chaque jour, nous sommes submergés par 720 000 heures de nouvelles vidéos sur YouTube5 milliards de snaps, et 500 millions de stories. Cela se traduit par une capacité réduite à se concentrer, avec une attention moyenne tombant à peine à 9 secondes par sujet. Les entreprises doivent donc se battre pour gagner un peu plus d’attention de chacun.

Quel lien avec l’analyse prédictive et l’IA ? 

L’analyse prédictive, utilisant des techniques comme l’apprentissage automatique, la modélisation statistique, et l’exploration de données, anticipe nos comportements futurs. Elle est employée massivement dans le marketing, notamment à travers le scoring pour prioriser les clients, les modèles d’identification pour acquérir de nouveaux prospects, et la segmentation automatisée pour personnaliser les campagnes publicitaires.

L’IA, en particulier le Machine Learning, est au cœur de cette révolution. Elle permet de créer des modèles sophistiqués capables d’identifier des schémas complexes dans de vastes ensembles de données. Ces modèles, qu’ils soient supervisés ou non supervisés, sont utilisés pour anticiper les tendances et les comportements, offrant aux entreprises un avantage compétitif notable.

À l’ère du numérique, nous assistons donc à une redéfinition de l’économie de l’attention, propulsée par l’IA et l’analyse prédictive. Les entreprises ne se contentent plus de vendre des produits ; elles vendent notre attention, en exploitant nos interactions sur le web. Mais à quel prix pour notre liberté et notre capacité à choisir ?

Comment l’IA et l’analyse prédictive transforment-elles l’économie de l’attention, et quelles sont les implications éthiques, sociales et personnelles de cette nouvelle ère de l’hyper-attention ?

L’Impact de l’IA et de l’Analyse Prédictive sur l’Économie de l’Attention

Une recherche montre que, dans le monde actuel saturé de contenus, les marques réalisent 90% de leurs interactions avec leurs parties prenantes à partir de seulement 5% de leurs contenus. Cela suggère que la majorité des contenus produits suscitent peu ou pas d’engagement. Avec la montée de l’IA générative, les organisations ont le choix entre produire une quantité croissante de contenus de faible qualité ou opter pour une stratégie axée sur la production de contenus de haute qualité. Cette seconde stratégie, qui inclut le ciblage des publics, la pertinence et la créativité des contenus, et l’interactivité, semble être la plus viable. 

L’intelligence artificielle (IA) et l’analyse prédictive transforment radicalement l’économie de l’attention, en particulier dans le domaine du marketing. Ces technologies permettent une approche plus qualitative et personnalisée du contenu, ce qui est crucial dans un monde où une grande partie du contenu produit suscite peu ou pas d’engagement. 

Génération de contenu et analyse de données : L’IA est utilisée pour créer du contenu personnalisé et analyser des données complexes, transformant ces informations en rapports faciles à comprendre et en visualisations captivantes. Selon l’étude de HubSpot, 48 % des entreprises utilisent l’IA générative dans divers aspects de leur stratégie marketing, améliorant ainsi la prise de décision et la création de rapports de performance.

Prédiction du comportement des clients : Grâce à ses immenses bases de données, l’IA identifie des modèles dans les interactions et préférences des consommateurs pour prédire leur comportement. Des outils comme Predict AI by Neuronsutilisent des données de suivi oculaire et de réponse cérébrale pour comprendre comment les clients réagissent aux publicités et à la marque.

Amélioration du processus créatif : L’IA aide les équipes marketing à analyser de grandes quantités de données pour guider le processus créatif. Par exemple, Persado a analysé trois ans de données d’un client de détail pour identifier les concepts et messages les plus puissants, influençant ainsi l’ensemble du processus créatif.

Les Questions Éthiques : Vie Privée et Manipulation

L’utilisation de l’IA et de l’analyse prédictive dans le marketing soulève des inquiétudes éthiques, notamment autour de la vie privée et de la manipulation des comportements. 

L’article de Forbes souligne que le marketing nécessite un équilibre délicat entre l’engagement de technologies prédictives intelligentes, comme l’IA, et le respect des normes éthiques qui construisent la confiance entre les marques et les clients.

Dans cette perspective, la technologie prédictive peut avoir des implications éthiques profondes, en particulier lorsqu’elle est utilisée pour découvrir des vérités non volontaires sur les individus à partir de données existantes. Un article de la Harvard Business Review intitulé « Quand la technologie prédictive devient-elle contraire à l’éthique ? » par Eric Siegel, soulève des questions importantes sur les implications éthiques de la technologie prédictive. Il se concentre sur le dilemme éthique qui se pose lorsque les algorithmes peuvent prédire des informations sensibles sur vous (comme votre orientation sexuelle ou si vous souhaitez quitter votre emploi). Ces prédictions ne sont pas basées sur la manipulation, la fuite ou le vol de données. Au contraire, elles sont générées à partir de nouvelles données – la découverte indirecte de vérités non volontaires sur les individus. L’article soulève la question de savoir s’il y a un inconvénient lorsque les modèles prédictifs fonctionnent trop bien. Nous savons qu’il y a un coût lorsque les modèles prédisent de manière incorrecte, mais y a-t-il aussi un coût lorsqu’ils prédisent correctement ? Il est important de rester vigilant lorsque l’apprentissage automatique sert à renforcer une pratique contraire à l’éthique existante, et également lorsqu’il génère des données qui doivent être manipulées avec soin.

De plus, un article de Forbes, de août 2023, explore comment l’IA transforme la façon dont les entreprises interagissent avec leurs clients, influençant les décisions d’achat et le comportement des consommateurs.

Il souligne que la montée de l’IA et la demande d’hyper-personnalisation des services est une épée à double tranchant. L’IA permet aux entreprises de créer des liens plus forts avec leurs clients grâce à des expériences sur mesure qui répondent aux besoins et aux préférences individuelles, des suggestions de produits personnalisées au service client individualisé. Pourtant, alors que ces services « pratiques » permis par l’IA deviennent la norme, les entreprises devraient-elles toujours chercher à dépasser les attentes des clients ?

Conclusion 

Pour clore, un petit conseil de Sabine Duflo : adoptons la méthode des « 4 pas » pour échapper à l’aspirateur de l’attention que sont nos écrans. Tout simplement : pas d’écrans le matin, ni aux repas, avant de dormir ou dans la chambre. C’est comme un régime, mais pour nos yeux !

L’intégration de l’IA et de l’analyse prédictive dans l’économie de l’attention suggère un futur où la qualité du contenu prime sur la quantité. Néanmoins, cette évolution nécessite une réflexion éthique approfondie, centrée sur la protection de la vie privée et la prévention de la manipulation des consommateurs.

Enfin, un petit mot de Rémi Godeau sur le livre de Bruno Patino, Submersion (2023) : « Désormais, nous explique Bruno Patino, la submersion paralyse et le choix peut devenir une suffocation : « Une concurrence inattendue se présente : l’économie du choix. » ».

Jeanne BOUVARD


Sources 

Anizon, E. Milot, O. et Zarachowicz, W. (2020). “On me transforme en marchand de cerveaux” : quand Patrick Le Lay tentait de se défendre. Télérama. (https://www.telerama.fr/television/nous-vendons-du-temps-de-cerveau-humain-disponible-quand-patrick-le-lay-tentait-de-se-defendre,n6618251.php)

Bouissiere, Y. (2024). YouTube™ : statistiques complètes & chiffres clés 2024. Proinfluent.com (https://www.proinfluent.com/youtube-chiffres-cles/)

Dubourg, B. (2022). L’économie de l’attention. Rédaction financière. (https://www.redactionfinanciere.com/l/leconomie-de-lattention/)

Godeau, R. (2024). Economie du choix, intelligence artificielle et médias : le grand carambolage. LinkedIn. (https://www.linkedin.com/pulse/economie-du-choix-intelligence-artificielle-et-médias-rémi-godeau-rv5ge/?originalSubdomain=fr)

Hironde, J-B. (2023). AI’s Impact On The Future Of Consumer Behavior And Expectations. Forbes. (https://www.forbes.com/sites/forbestechcouncil/2023/08/31/ais-impact-on-the-future-of-consumer-behavior-and-expectations/?sh=fee61e47f6db)

Hutchinson, E. (2022). The Role Of Ethics In The Evolving World Of Marketing AI. Forbes. (https://www.forbes.com/sites/forbescommunicationscouncil/2022/08/17/the-role-of-ethics-in-the-evolving-world-of-marketing-ai/?sh=4bc830fc2e97)

Leuenberger, M. (2023). Statistiques Instagram : 10 chiffres pour améliorer sa stratégie social media en 2024. Shopify. (https://www.shopify.com/fr/blog/statistiques-instagram)

Sansonetti, J. (2024). Chiffres Snapchat 2023 : Statistiques, utilisateurs du réseau social et prévisions. WiziShop. (https://www.wizishop.fr/blog/chiffres-snapchat)

Shahid, K. (2023). 11 Artificial Intelligence Examples from Real Brands in 2023. Hubspot Blog. (https://blog.hubspot.com/marketing/11-artificial-intelligence-examples-from-real-brands-in-2024)

Siegel, E. (2020). When Does Predictive Technology Become Unethical?. Harvard Business Review. (https://hbr.org/2020/10/when-does-predictive-technology-become-unethical)

(2023). Comment l’IA transforme le marketing en entreprise. Archimag. (https://www.archimag.com/demat-cloud/2023/10/30/hubspot-enquete-intelligence-artificielle-ia-marketing-entreprises)

Marketing truth or marketing hype? Beckon digs into the latest buzzwords and trends to reveal what’s working and what’s not. Beckon. (https://s39940.pcdn.co/wp-content/uploads/2018/12/Marketing-Truth-or-Marketing-Hype-Beckon-Report.pdf)

La chronologie des médias à l’ère de la SVOD : Quelles problématiques ?

Le « Nouveau Monde de la Distribution »

L’essor du streaming et l’augmentation rapide des contenus audiovisuels en ligne, combinés à l’évolution de nos habitudes de consommation, ont radicalement transformé l’industrie du cinéma traditionnelle. Cette métamorphose a engendré un nouvel écosystème où les films sont diffusés via une multitude de canaux et génèrent des revenus de diverses sources. Selon Peter Broderick (producteur américain), nous sommes en présence d’un « Nouveau Monde de la Distribution« , qui se distingue par des coûts réduits, des stratégies personnalisées, des sources de revenus variées et un accès direct aux spectateurs.

Dans ce cadre, Internet occupe une place centrale dans la désintermédiation de l’industrie cinématographique, affaiblissant les intermédiaires traditionnels tels que les distributeurs et les exploitants, au profit d’une relation directe entre producteurs et consommateurs. Autrefois, la chronologie des médias, qui garantissait plusieurs fenêtres d’exploitation pour les films, permettait de segmenter les sources de revenus, de la sortie en salle à la diffusion en DVD, puis à la télévision payante et gratuite. Cependant, avec l’apparition des services de vidéo à la demande, de plus en plus proches de la sortie en salle, chaque fenêtre d’exploitation se rétrécit.

La chronologie des médias actuelle en France…

Initialement conçue pour protéger les salles de cinéma de la concurrence de la télévision, puis de la vidéo, la chronologie des médias avait pour objectif de garantir un équilibre dans le paysage audiovisuel. La France s’est distinguée en adoptant une approche singulière, tant au niveau européen qu’international, en édictant des textes contraignants. Ces derniers étaient d’abord intégrés aux cahiers des charges des chaînes publiques durant l’ère du monopole dans les années soixante et soixante-dix, puis inscrits dans la loi en 1982. Aujourd’hui, ces principes sont régis par des décrets découlant d’accords interprofessionnels.

En effet, la chronologie des médias est ponctuellement actualisée, pour tenir compte des usages qui émergent, de l’arrivée de nouveaux concurrents et de l’évolution du paysage audiovisuel. Révisée en 2018 puis en 2022, voici les grandes lignes de la chronologie des médias actuelle :

Source : Numerama

… et à l’international ?

Un bref tour d’horizon à l’étranger révèle qu’aucun autre pays au monde ne possède une réglementation aussi rigoureuse et précise que la France en matière de chronologie des médias. La directive européenne SMA accorde aux États membres la liberté d’appliquer des règles plus strictes ou plus détaillées que celles prévues au niveau européen pour les services relevant de leur compétence.

Cependant, la majorité des pays ont choisi de ne pas légiférer sur la question de la chronologie des médias. Certains pays européens, à l’instar de l’Allemagne, ont néanmoins adopté des dispositions législatives, bien que moins contraignantes. En Allemagne, par exemple, l’obtention d’aides publiques est conditionnée au respect de délais de diffusion spécifiques : six mois pour les services à la demande, douze mois pour les chaînes de télévision payantes et dix-huit mois pour les chaînes de télévision gratuites. Le Portugal dispose également d’une réglementation via un décret-loi datant de 2006, mais les dispositions de ce décret peuvent être modifiées dans le cadre d’accords entre les ayants droit et les diffuseurs.

En outre, dans ces pays, une œuvre qui ne sort pas en salle peut être diffusée directement à la télévision ou sous forme de DVD, ce qui n’est pas possible en France actuellement, risquant de perdre une part significative des financements prévus pour une sortie en salles. Cependant, la plupart des autres pays, comme la Grèce, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Danemark, la Roumanie, n’ont tout simplement pas de dispositions sur la chronologie des médias, tout comme aux États-Unis où la question de la diffusion est réglée contractuellement, film par film.

Les « petits films » souffrent-ils de la chronologie des médias ?

En 2013, le Bureau Européen des Unions des Consommateurs (BEUC) a souligné que la chronologie des médias en vigueur ne correspondait pas à la réalité du marché, en particulier en donnant la priorité à l’exploitation en salle malgré l’émergence des nouveaux canaux de distribution comme les services de SVOD1. Selon le BEUC, l’ordre chronologique des fenêtres d’exploitation nuit particulièrement aux films « modestes » dont les budgets de promotion sont limités. Ainsi, rendre les œuvres disponibles rapidement après leur sortie en salle serait plus avantageux sur le plan commercial.

L’ordre traditionnel de sortie des films est de plus en plus remis en question, comme le souligne Xavier Rigault, producteur français et co-président de l’Union des producteurs de cinéma. Selon lui, permettre à un film de sortir directement en vidéo pourrait contribuer à « décongestionner les salles » et à réduire le piratage des œuvres, un problème majeur actuellement au sein de l’industrie du cinéma. Actuellement, lorsqu’un film est retiré rapidement de l’affiche, il doit attendre quatre mois avant de pouvoir être diffusé en vidéo. Cependant, promouvoir cette « deuxième sortie » nécessite un nouvel investissement dans une campagne publicitaire, ce qui pose un réel défi pour de nombreux distributeurs. Cette difficulté est accentuée par le fait que la durée de vie d’un film en salle est courte, généralement entre 10 et 15 jours, en raison du nombre important de films sortant chaque semaine, d’autant plus que les blockbusters américains laissent peu de place à la diversité.

Qu’est-ce qu’une œuvre cinématographique en 2024 ?

La salle de cinéma a longtemps représenté le principal lieu d’exploitation des films, étant même déterminante dans la définition d’une « œuvre cinématographique », qui est officiellement reconnue comme telle une fois qu’elle a obtenu un visa d’exploitation, lequel nécessite une diffusion en salles.

Cependant, de nos jours, de plus en plus de diffuseurs produisent leurs propres contenus, parfois réalisés par des cinéastes renommés, qui suivent les mêmes codes que les films traditionnels, mais sont diffusés exclusivement sur leurs plateformes de streaming, contournant ainsi le circuit traditionnel des cinémas. Cette évolution soulève la question de savoir si des films tels que « A l’Ouest rien de nouveau » (Edward Berger, 2022), « The Killer » (David Fincher, 2023), « The Power of The Dog » (Jane Campion, 2021), ou encore « The Irishman » (Martin Scorsese, 2019) doivent être considérés comme des œuvres cinématographiques, même si leur première diffusion se fait sur une plateforme de SVOD telle que Netflix. Malgré cela, ces films démontrent une qualité de réalisation, d’écriture et de technique qui les distingue davantage des téléfilms que des œuvres cinématographiques conventionnelles.

The Irishman (Martin Scorsese, Netflix, 2019)

Cette question de classification suscite des débats, notamment lors de festivals de renom comme Cannes, où les films non destinés à sortir en salles en France ne sont pas éligibles à la compétition. En revanche, la Mostra de Venise a décerné le Lion d’Or à une production Netflix (« Roma » d’Alfonso Cuaron, 2018) et les Oscars ont récompensé en 2021 le dernier film de Jane Campion, « The Power of the Dog« .

Cependant, au-delà de cette question de désignation, se pose celle de l’accès aux mécanismes de financement de la production cinématographique. Il est donc crucial de déterminer si de telles œuvres peuvent bénéficier des aides financières du CNC, même si elles ne sortent pas en salles. De nombreuses voix plaident en faveur d’un assouplissement de l’obligation de première diffusion en salles, proposant que les films puissent obtenir leur statut cinématographique en étant diffusés directement en vidéo, ce qui pourrait favoriser une diversification des modes d’exploitation et une évolution du paysage cinématographique français.

Quel avenir pour la chronologie des médias ?

Face à l’évolution rapide des plateformes de SVOD, les autorités pourraient choisir une approche plus flexible en assouplissant les règles de la chronologie des médias, en renonçant à son caractère contraignant au profit de recommandations, éventuellement assorties d’incitations fiscales ou budgétaires. Cette tendance reflète celle observée dans de nombreux pays étrangers, où les ayants droit ont plus de latitude dans la gestion de la chronologie des médias, permettant ainsi une plus grande souplesse dans la diffusion des films. Cette approche favorise l’expérimentation et pourrait permettre de distinguer les approches bénéfiques à long terme de celles moins favorables.

Selon Jean-Yves Mirski, délégué général du Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN), il y a une tendance à réduire les délais entre la sortie en salle et la diffusion sur d’autres supports. La sortie universelle, où un film est lancé simultanément sur tous les supports, est de plus en plus envisagée. Cette pratique n’est plus taboue, notamment depuis la sortie du film de Steven Soderbergh, « Bubble« , en 2006, qui est sorti au cinéma et sur la chaîne coproductrice HDNET, puis en DVD quatre jours plus tard. Des stratégies similaires sont de plus en plus courantes, comme la diffusion en VOD premium avant la sortie en salles de « Melancholia » de Lars von Trier en 2011, ou la mise à disposition gratuite sur YouTube du film « Home » de Yann Arthus-Bertrand dix jours avant sa sortie en salles, à la télévision et en DVD, qui a rencontré un réel succès auprès du public (à noter qu’il s’agit d’un film militant destiné à être vu par l’audience la plus étendue possible).

Cependant, bien que certaines expériences de diffusion simultanée sur plusieurs supports rencontrent un succès réel, elles restent exceptionnelles et résultent souvent d’un financement particulier ou d’une stratégie publicitaire spécifique.

Il est ainsi légitime de remettre en question l’intervention de l’État dans l’établissement de la chronologie des médias. Plutôt que d’imposer des règles, pourquoi ne pas laisser chaque acteur décider de ses propres règles en concluant des contrats avec les détenteurs des droits de films et les différents circuits de distribution ? En d’autres termes, serait-il possible de privilégier les mécanismes du marché, basés sur l’offre et la demande, plutôt que des décisions publiques dans le domaine de la chronologie des médias ? Les professionnels du secteur se verront confrontés à ces questions dans les années à venir, avec une nécessité de révision de la chronologie des médias envisagée d’ici début 2025.

Anne-Lise MAGNIEN


Sources

Pascal Lechevallier, 2020, La Chronologie des médias en Europe

Alex Scoffier, 2019, Repenser l’industrie du cinéma à l’ère du numérique

Alain Le Diberder, 2020, Chronologie des médias : attention danger !

Observatoire européen de l’audiovisuel, 2019, La chronologie des médias : une question de temps


  1. Livre vert : Se préparer à un monde audiovisuel totalement convergent, 2013
    https://www.beuc.eu/sites/default/files/publications/2013-00586-01-e.pdf ↩︎

Comment TikTok influence l’industrie cinématographique ? 

Tiktok prend de plus en plus de place dans l’industrie cinématographique, que ce soit à travers les publicités qui font la promotion de films sur la plateforme, des critiques de films, des courts métrages réalisés par les créateurs de contenus ou encore la rediffusion d’extraits de films.  Le 3 octobre 2023, Paramount est allé encore plus loin et a diffusé sur la plateforme la totalité du film Mean Girls (2004). Le film avait alors été découpé en 23 parties. La date du 3 octobre fait directement référence au film puisqu’il s’agit du « Mean Girls Day » qui est devenu un véritable symbole de la culture populaire (Croquet & Trouvé , 2023). Nous pouvons également supposer que ce coup marketing a été effectué afin de relancer l’engouement pour Mean Girls alors qu’un remake est sorti le 10 janvier 2024. Paramount a alors su s’adapter à une tendance Tiktok qui propose un découpage de différents contenus (afin de s’accorder au format) allant d’un film, une série ou encore un reportage.

La promotion, le point décisif

Lors la sortie d’un film, le marketing est un facteur essentiel et déterminant pour son parcours. D’après Laurent Creton, l’objectif du marketing dans le cinéma « est de satisfaire dans les meilleures conditions les attentes et les besoins de la clientèle afin d’optimiser l’adéquation du produit avec son marché » (Creton, 2020). Si nous reprenons notre exemple Paramount et Mean Girls, c’est exactement ce que le studio a fait. Il a su adapter son format à la cible choisie (une cible jeune 15-24 ans) et au format proposé par Tiktok.

La promotion se crée autour du film et une « image de marque » se crée. L’exemple parfait est le film Barbie, sortie en 2023. Sans un budget colossal de 150 millions de dollars, l’influence du film n’aurait certainement pas été la même (Jouin, 2023). L’été 2023 fut un été en rose. Tout était aux couleurs de la célèbre Barbie, de nombreuses marques se sont également associées pour créer des collections spéciales telles que Crocs, O.P.I, AirBnb, Zara, Maserati ou encore Buger King. Grâce à cette diversité de marques et de représentations, l’influence de Barbie n’a fait que croître. Evidemment, les tendances Tiktok ont également suivi à travers plusieurs hashtags. Nous pouvons citer le #Barbiefoot où les utilisateurs reproduisent une scène du film ou Margot Robbie enlève ses talons ; #Barbieshake qui consiste à boire un milkshake rose avant de se transformer en Barbie ou encore le #Barbiemovie qui rassemble tous types de contenus autour du film. D’autres hashtags tel que #NotMyKen a lui aussi fait réagir avant la sortie du film. Cet hashtag dénonçait le fait que Ryan Gosling soit trop âgé pour jouer le rôle de Ken. Aux vues du succès du film, cet hashtag n’a pas entaché sa réputation. Tiktok, en tant que relayeur de contenu a réellement fait partie du processus de marketing 360 pour le film, a accru sa visibilité et a sans doute poussé de nombreuses personnes à se rendre en salles (1,446 millliards de dollars au box office).

Tiktok se place ainsi comme un outil marketing incontournable pour les films et leur éventuel succès. Pourquoi ? Grâce à son fort taux d’engagement, son format court/créatif et sa viralité.

Insaisissable et imprévisible

En 2023, la sortie du film Le Consentement restera un cas d’école en ce qui concerne l’influence de Tiktok sur le parcours d’un film. Le Consentement relate l’histoire de Vanessa Spingora, 14 ans, alors sous l’emprise de Gabriel Matzneff, célèbre auteur des années 1980. C’est une adaptation du roman Le Consentement de Vanessa Spingora. Lors de la première semaine d’exploitation, le film a cumulé environ 59 000 entrées. Habituellement, après la première semaine, les entrées pour un film sont divisées par deux et particulièrement pour les films d’auteurs. C’est exactement l’inverse qui est arrivé pour Le Consentement, en trois semaines, les entrées ont triplé pour arriver à un pic d’entrées de 142 000 et redescendre. Au total, le film aura comptabilisé 616 000 entrées (AlloCiné , 2023). Ces chiffres records s’expliquent par l’émergence d’une tendance Tiktok qui avait pour but de se filmer avant et après avoir vu le film. La vidéo de « l’après » met en évidence de façon nette le choc ressenti par les utilisateurs.

Le #leconsentementfilm dénombre plus de 7,8 millions de vues sur Tiktok et les vidéos liées au film ont été vues plus de 20 millions de fois (Vasseur, 2023). Marc Missonier, producteur du film avait alors déclaré, « Les ados se sont emparés du film par eux-mêmes. Il faut rester modeste par rapport à ça, c’est impossible à programmer. Mais le film les a touché au cœur, c’est certain ». Il reconnaît « n’avoir pas prévu ce phénomène ». Du fait de la popularité du film sur Tiktok, un public jeune s’est rendu en salle et un réel engouement est né. De plus, par son sujet, le film a certainement raisonné pour de nombreux jeunes qui sont de plus en plus engagés et favorisent la liberté de la parole sur des sujets tels que les violences sexuelles. Ainsi, en plus de donner de l’élan à ce film d’auteur, via la plateforme Tiktok, des sujets sociétaux sont abordés et permet une certaine forme de libération de la parole. Comme nous l’avons précédemment évoqué, Tiktok est un réseau social important dans la promotion d’un film mais cet évènement n’était pas prévu par le distributeur. La plateforme « n’a pas amplifié le succès du Consentement, il l’a créé » (Guerrin, 2023). A l’inverse de l’exemple du film Barbie où le réseau social avait justement été utilisé pour élargir le succès du film. Tiktok se démarque alors par sa viralité insaisissable et imprédictible.

Plus récemment, le film Saltburn a également pu profiter de la viralité de Tiktok et accroitre sa notoriété. Il s’agit d’un cas légèrement différent puisqu’il s’agit d’un film sorti sur Prime Video le 22 décembre 2023 et non en salle. Il est donc plus difficile de quantifier les vues puisque Prime Video ne partage pas ses données. Cependant, nous pouvons tout de même remarquer l’importance du film sur Tiktok. Saltburn, réalisé par Emerald Fennell, raconte l’histoire d’un étudiant de l’Université d’Oxford qui va se plonger dans l’univers aristocratique grâce à son camarade de classe qui l’invite dans son vaste domaine familial. A nouveau, ce film a fait parler de lui sur Tiktok pour ses scènes choquantes, les utilisateurs se filmaient alors en train de réagir. Le #Saltburn dénombre plus de 5,5 milliards de vues. Tiktok a également propulsé la chanson « Murder On The Dancefloor » de Sophie Ellis Bextor qui apparait à la fin du film. Scène durant laquelle Barry Keoghan déambule et danse dans le manoir. Cette scène finale a alors été reproduite par de nombreuses personnes sur Tiktok. La chanson « Murder On The Dancefloor » a été utilisée plus de 226 00 fois et a été écoutée plus de 1,5 millions de fois le soir du nouvel an soit une augmentation de 340% par rapport à l’année dernière (La Dépêche, 2024). Que ce soit en salle ou sur les plateformes, Tiktok offre une certaine accessibilité du cinéma au jeune public.

Quelles perspectives ?

Après avoir bouleversé l’industrie musicale, Tiktok s’en prend au fonctionnement de l’industrie cinématographique. De par un fort taux de complétion et d’engagement, le système de vidéos courtes mis en place influence directement la décision de l’utilisateur : regarder un film ou non. A noter, « 52 % des utilisateurs de TikTok ont découvert un nouvel acteur, un nouveau film ou une nouvelle émission de télévision sur TikTok. Ce taux démontre à nouveau le pouvoir que la plateforme afin de susciter des tendances et une popularité pour les films (Davies, 2023 ). Tiktok place le spectateur au cœur de la dynamique.

Après avoir étudié la façon dont Tiktok s’implante dans le but de créer un engouement et pousser le public à aller au cinéma ou regarder des films, nous pouvons ouvrir notre sujet nous demander si Tiktok ne serait pas finalement un concurrent à l’industrie cinématographique.  La plateforme opère un réel changement dans les habitudes de ses utilisateurs. Comme nous l’avons évoqué, il est possible de regarder des films en plusieurs parties. Au-delà d’être utilisé comme un outil de marketing, un outil propulseur, la plateforme Tiktok pourrait elle-même en être actrice. En 2023, Tiktok, partenaire officiel du Festival de Cannes avait déjà organisé son propre festival de court-métrages. Le « Tiktok Short Film » qui permettait aux cinéphiles du réseau social de soumettre leur création, une vidéo verticale originale de plus d’une minute. Néanmoins, cet élan peut remettre en question la légitimité de Tiktok à se positionner comme acteur du cinéma.

Solène TAGMOUNT

Références

AlloCiné . (2023). Le Consentement . Récupéré sur AlloCiné.

Creton, L. (2020). La marketing cinématographique . Dans L. Creton, Economie du cinéma (p. 157 à 177). Armand Colin .

Croquet , P., & Trouvé , P. (2023, Octobre 5). Sur TikTok, le succès des films et reportages « saucissonnés ». Récupéré sur Le Monde : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/10/05/sur-tiktok-le-succes-des-films-et-reportages-saucissonnes_6192690_4408996.html

Davies, R. (2023 , Avril 21). TikTok is changing the film industry by putting the power back in the hands of fans. Récupéré sur Why Now: https://whynow.co.uk/read/tiktok-is-changing-the-film-industry-by-putting-the-power-back-in-the-hands-of-fans

Guerrin, M. (2023, Novembre 17). « En assurant le succès du film “Le Consentement”, grâce à un public jeune et populaire, TikTok réussit là où des politiques culturelles échouent depuis des décennies ». Récupéré sur Le Monde: https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/17/en-assurant-le-succes-du-film-le-consentement-grace-a-un-public-jeune-et-populaire-tiktok-reussit-la-ou-des-politiques-culturelles-echouent-depuis-des-decennies_6200560_3232.html

Jouin, S. (2023, Octobre 10). Barbie : une campagne marketing aux 150 millions de dollars. Récupéré sur Affect: https://www.afffect.fr/blog/barbie-une-campagne-marketing-aux-150-millions-de-dollars

La Dépêche. (2024, Janvier 2024). « Saltburn », le film tendance sur les réseaux sociaux. Récupéré sur La Dépêche : https://www.ladepeche.fr/2024/01/11/saltburn-le-film-tendance-sur-les-reseaux-sociaux-11691380.php

Vasseur, V. (2023, Octobre 23). « Le consentement » : comment une tendance TikTok a relancé cette adaptation du roman de Vanessa Springora. Récupéré sur France Inter: https://www.radiofrance.fr/franceinter/le-consentement-sur-tiktok-le-film-adapte-du-roman-de-vanessa-springora-plebiscite-par-les-jeunes-1978640

Le chaos informationnel généré par la certification payante sur les réseaux sociaux : étude du cas de X


La prolifération de fausses informations sur les réseaux sociaux est aujourd’hui un problème sociétal et politique majeur. Ceci s’inscrit dans un contexte où les réseaux sociaux se positionnent en tant que principal moyen d’acquisition d’information chez les jeunes. Selon une étude de Médiamétrie datant de 2018, 71 % des individus âgés de 15 à 34 ans déclarent utiliser régulièrement les réseaux sociaux à des fins d’information, surpassant ainsi l’audience des journaux télévisés (49 %), des flashs d’information sur les radios musicales (33 %) et même de la presse quotidienne, incluant sa version en ligne (29 %). 

Cette nouvelle réalité suscite un certain nombre d’inquiétudes largement discutées dans les sphères politiques et médiatiques. L’un des sujets phares concerne le fait que Facebook et X (anciennement Twitter) jouent un rôle central dans la diffusion et la propagation de « fake news », rumeurs et autres formes de désinformation. 

Pourtant, ces géants des médias proposent en majorité un service de vérification de comptes. La vérification, symbolisée par un badge ou une encoche, joue, du moins historiquement, un rôle de confirmation de l’identité du détenteur du compte.

Rapide historique des modèles de certification

Twitter a été le précurseur de la vérification des comptes sur les réseaux sociaux en 2009 après avoir conclu que les suspensions de comptes à posteriori étaient insuffisantes pour faire face aux usurpations d’identité. Au cours des années suivantes, les principales plateformes ont suivi le modèle de Twitter, proposant une vérification de compte avec une terminologie similaire et une iconographie comparable. 

Figure 1 : Historique des programmes de vérification de compte sur les principales plateformes de médias sociaux en janvier 2023 (8.)

La finalité principale de la vérification de compte, point de cohérence au fil du temps et sur différentes plateformes jusqu’aux modifications récentes de X et Meta, a été de remédier à l’usurpation de compte en confirmant l’identité du propriétaire du compte. Cependant, la vérification a rapidement pris une autre signification, notamment en tant que signe de l’importance d’un compte et de la crédibilité de son contenu.

La transition vers un modèle de certification payante

Meta et X, ont récemment entamé une transition majeure dans leurs programmes de certification de compte, évoluant d’un système de confirmation d’identité des utilisateurs à un service premium payant. 

Cette tendance semble principalement motivée par une stratégie visant à accroître les profits et à revitaliser un modèle économique éprouvé. Cependant, ces transformations ne se limitent pas à de simples ajustements de service. Elles entraînent également une refonte significative des modalités d’accès à l’information sur ces plateformes, soulignant ainsi l’impact profond de ces innovations sur la dynamique de partage et de consommation d’informations au sein de ces réseaux sociaux.

Historiquement, Twitter réservait l’attribution des encoches bleues uniquement aux comptes jugés « actifs », « remarquables » et « authentiques ». La démonstration d’authenticité impliquait notamment une preuve d’identité, telle qu’une photo d’un permis de conduire. 

Depuis décembre 2022, X est passé sous un nouveau régime à certification payante, et a assoupli ces critères, notamment en remplaçant « authentique » par « sécurisé » (actif depuis 90 jours, puis encore assoupli à 30 jours, avec un numéro de téléphone confirmé) et « non trompeur ». Il est cohérent de noter que le nouveau processus de vérification pour les coches bleues n’exige ainsi aucune preuve affirmative d’identité. 

La désinformation, enjeu majeur de cette transition ?

Les enjeux liés à ces nouvelles méthodes d’information via les réseaux sociaux se manifestent de manière particulièrement préoccupante chez les jeunes en raison de la nature nouvelle de leur consommation d’information. Un cas interessant concerne les « bulles de filtres », concept popularisé en 2011 par l’essayiste Eli Pariser, qui étend l’idée de la « chambre d’écho » formulée par Sunstein (2001). Cette notion explique un effet inhérent aux médias sociaux et révèle que, par le biais d’algorithmes prédictifs, ces plateformes exposent majoritairement les utilisateurs à des contenus a priori alignés avec leurs préférences et opinions.

En enfermant les internautes dans un univers informationnel qui les isole des citoyens aux opinions divergentes, les réseaux sociaux participent alors à la polarisation et à la fragmentation de l’espace public.

En parallèle, une étude intitulée « Vérification des comptes sur les médias sociaux : Perceptions des utilisateurs et inscription payante », datant de juin 2023 (8), a mis en évidence une méconnaissance des critères de vérification des comptes Twitter. Plus de la moitié des répondants ont démontré une incompréhension sur les critères d’attribution des coches bleues, et plus de 80 % des participants à l’étude a interprété de manière erronée les nouveaux indicateurs de vérification couleur or et gris récemment introduits par X. 

Cette refonte des modalités d’accès à l’information sur les plateformes pose ainsi une question majeure : comment garantir la fiabilité de l’information lorsque le principe même de certification est subvertit, et que cette fonctionnalité ne peut plus être considérée comme un gage de fiabilité ? 

Des conséquences dans le monde réel

L’un des exemples les plus significatifs des risques encourus par la certification payante se manifeste à travers l’exemple du New York Times.  

Seulement quelques heures après avoir déclaré ne pas avoir l’intention de « payer pour maintenir la certification de ses comptes officiels », le prestigieux quotidien américain a vu disparaître le badge bleu du compte du journal, pourtant suivi par une audience de 55 millions d’abonnés. Cet événement a été rapidement suivi d’un tweet du PDG de X, Elon Musk, accusant le média de propagande.

Un internaute possédant déjà un compte vérifié a alors tiré avantage de cette situation en renommant son compte avec le nom du célèbre média américain. Cela a conduit à une situation paradoxale où le véritable compte du New York Times s’est retrouvé non certifié, tandis que le compte frauduleux qui usurpait l’identité du journal conservait sa certification.

D’autres exemples témoignent de conséquences dramatiques de ce nouveau système de certification payante dans le monde réel. Alors que le coût de l’insuline la rend inaccessible à de nombreux citoyen aux États-Unis, un compte vérifié a pris l’identité du géant pharmaceutique Eli Lilly, annonçant faussement que l’entreprise fournirait gratuitement le médicament. En l’espace de quelques heures, le cours des actions d’Eli Lilly a connu une chute de près de 5 %, entraînant des pertes financières évaluées à plusieurs milliards de dollars de capitalisation boursière pour l’entreprise.

Dès lors, comment la certification peut-elle rester synonyme d’authenticité ? L’incapacité à distinguer ceux qui ont payé de ceux qui ne l’ont pas fait pose un défi significatif en terme de crédibilité de l’information, particulièrement au regard du prix extrêmement abordable de ce service, à environ 10 euros par mois.

Les associations tirent la sonnette d’alarme

Le chaos résultant de ces modifications du système de certification soulève des préoccupations sérieuses en matière de droits, qui sont le sujet de divers communiqués d’associations telles que Human Rights Watch ou Reporters sans frontières (RSF). 

Human Rights Watch souligne notamment que les inquiétudes soulevées pointent vers la nécessité de repenser les plateformes sociales en général, tant elles représentent des places publiques numériques et nécessitent une surveillance plus démocratique, y compris des réglementations plus strictes ancrées dans des normes de droits humains. 

« Aucun individu ne devrait détenir le pouvoir que Musk exerce sur une infrastructure d’information aussi cruciale. » Musk chaos raises serious rights concerns over Twitter. – Human Rights Watch (6.)

Reporters sans frontières (RSF) dénonce également cet outil comme dangereux et trompeur, qui instaure un régime à deux vitesses sur l’accès à l’information en ligne et qui ne garantit pas la fiabilité de l’information. RSF appelle donc à retirer cet outil et préconise de mettre en place des règles pour encadrer ces pratiques, en rappelant que les entreprises gérant les réseaux sociaux ont une responsabilité dans le chaos informationnel et que leurs intérêts économiques ne doivent pas passer avant ceux des citoyens. 

Helene Palmer


Bibliographie

  1. Aublanc, M. (2023, 9 avril). Twitter Blue : Comment l’abonnement payant va augmenter le risque de désinformation. www.20minutes.frhttps://www.20minutes.fr/by-the-web/4031545-20230409-twitter-blue-comment-abonnement-payant-va-augmenter-risque-desinformation
  2. Boyadjian, J. (s. d.). Désinformation, non-information ou sur-information ? Cairn.info. https://www.cairn.info/revue-reseaux-2020-4-page-21.htm
  3. Ganesan, A. (2022, 13 novembre). Musk chaos raises serious rights concerns over Twitter. Human Rights Watch. https://www.hrw.org/news/2022/11/12/musk-chaos-raises-serious-rights-concerns-over-twitter
  4. Les jeunes et l’information : Une étude du ministère de la Culture vient éclairer les comportements des jeunes en matière d’accès à l’information. (s. d.). https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Les-jeunes-et-l-information-une-etude-du-ministere-de-la-Culture-vient-eclairer-les-comportements-des-jeunes-en-matiere-d-acces-a-l-information
  5. Legacy Verification Policy. (2023, 5 avril). https://help.twitter.com/en/managing-your-account/legacy-verification-policy
  6. Not playing ball. (s. d.). https://blog.twitter.com/official/en_us/a/2009/not-playing-ball.html
  7. RSF réclame la fin des certifications payantes sur les réseaux sociaux et de leur logique censitaire. (s. d.). RSF. https://rsf.org/fr/rsf-r%C3%A9clame-la-fin-des-certifications-payantes-sur-les-r%C3%A9seaux-sociaux-et-de-leur-logique
  8. Xiao, M., Wang, M., Kulshrestha, A., & Mayer, J. (2023, 28 avril). Account verification on social media : user perceptions and paid enrollment. Princeton University. https://arxiv.org/abs/2304.14939
  9. X Verification requirements – How to get the Blue Check. (2023, 2 octobre). https://help.twitter.com/en/managing-your-account/about-twitter-verified-accounts
  10. York, J. (2022a, novembre 16). « Changer les règles du jeu » : les enjeux de la certification payante sur Twitter. France 24. https://www.france24.com/fr/%C3%A9co-tech/20221116-changer-les-r%C3%A8gles-du-jeu-les-enjeux-de-la-certification-payante-sur-twitter

L’impact des fusions-acquisitions sur le marché de la SVOD

En 2017, Disney secouait l’industrie avec l’acquisition historique de la 21st Century Fox pour 52 milliards de dollars, catapultant Hulu au sommet avec un éventail de contenus diversifiés. Privant Netflix et Amazon de précieuses œuvres Disney, Pixar et Marvel, Disney se retirait audacieusement de Netflix, lançant sa propre plateforme, Disney+, en 2020. Cette stratégie, initiée sous l’administration Trump, pose des défis dans un paysage médiatique en mutation et des régulations anti-trust renforcées. L’année 2023 a marqué une autre étape cruciale avec l’approbation réglementaire de la fusion tant attendue entre Discovery et Warner Media. Dirigée par David Zaslav, cette alliance a fusionné des réseaux emblématiques tels que TNT, CNN, Discovery et HGTV, créant un catalogue de contenus d’importance significative. Le défi majeur réside dans l’unification d’un public jusque-là segmenté entre deux offres distinctes : HBO Max, orienté vers le grand public, et Discovery +, axé sur les contenus non scénarisés à des tarifs relativement abordables. Cette tendance à la réunification vise à réduire la fragmentation des plateformes de SVOD, offrant une expérience plus cohérente pour les utilisateurs en rationalisant droits et ressources. 

En parallèle, les géants du streaming renforce leur stratégie et le succès est au rendez-vous. Disney+ met en avant ses capacités publicitaires comme élément clé de différenciation, annonçant lors du CES 2024 le lancement de Gateway Shop. Il s’agit d’une expérience de commerce électronique transparente intégrée au streaming, permettant aux spectateurs d’acheter directement les produits présentés dans les contenus Disney. Ajay Arora, vice-président principal du commerce, a déclaré que Gateway Shop est « la première expérience publicitaire télévisée transparente et achetable de Disney (…) Il permet au spectateur de passer de l’intérêt à l’action à l’achat sans jamais quitter l’environnement de visualisation. C’est du commerce en streaming sans interruption. » Pendant ce temps, Netflix enregistre une croissance significative avec 13 millions d’abonnés supplémentaires, dépassant les 260 millions au T4 2023. La restriction du partage de compte et le succès de l’offre avec publicité contribuent à cette augmentation. Netflix se diversifie également dans les jeux vidéo et prévoit une expansion dans les événements sportifs en 2024, illustrant une stratégie centrée sur la diversification des services et des contenus quand Disney mise tout sur la publicité. 

Du côté européen, Bertelsmann, cherchant à renforcer sa position audiovisuelle en Europe, a rencontré des échecs dans ses fusions, notamment avec RTL/Talpa Network, M6/TF1, et Simon & Schuster. Ces échecs révèlent une dynamique symptomatique de ce que Thomas Rabe, PDG de Bertelsmann, anticipait dès 2020 : un besoin d’assouplissement des réglementations pour permettre des « coopérations significatives voire des fusions plus importantes afin de créer des champions nationaux ». Canal+ se démarque lui en tant que principal distributeur de films en Europe, et la potentiel acquisition à venir d’OCS renforcerait sa position sur le marché. Ce rachat permettrais à Canal+ de s’imposer comme précurseur de cette vague de fusion-acquisition venu de l’ouest. Le groupe se distinguant déjà grâce à sa stratégie de partenariat qui propose depuis avril 2023 les programmes AppleTV+ dans son offre, ainsi que des packages donnant accès au services Disney+, Netflix, OCS et Paramount+.

Les répercussions des fusions en cours ne se limitent donc pas à la SVOD, et s’étendent à d’autres marchés grâce aux stratégies de diversification adoptées. Ces fusions donnent naissance à de nouveaux conglomérats médiatiques qui contrôlent l’ensemble du processus, de la production à la diffusion, et influencent la course à l’attention. Les changements majeurs dans les dynamiques de l’industrie suscitent également des questions sur l’impact sur la sélection des contenus, les lignes éditoriales et la création artistique, avec des répercussions qui s’étendent à d’autres secteurs économiques. Comment ces mastodontes du divertissement interagiront-ils avec d’autres secteurs économiques ? Comment leur empreinte se fera-t-elle ressentir dans des domaines connexes tels que la technologie, la publicité, voire la politique ? Les réponses à ces questions dessineront le visage d’un paysage médiatique en perpétuelle évolution.

Les conséquences d’une concentration entre géants du secteur

Selon une étude menée par Parrot Analytics, une fusion entre WarnerBros Discovery et Paramount créerait une entité qui deviendrait le leader incontesté de la demande aux États-Unis, surpassant Disney avec 29,1 % de la demande en 2023. Cependant, à l’échelle mondiale, cette fusion ne représenterait que 9,1 % de la demande de contenus originaux, se classant derrière Prime Video (11,3 %) et bien loin de Netflix (34,6 %), mais devant Disney (8,8 %). Si Warner Bros. réussit à acquérir Paramount, il pourrait se positionner en tant que concurrent sérieux, surtout avec le lancement imminent de leur service MAX dans plusieurs grands pays. Une force à plusieurs échelle : au cinema, à la télévision et en streaming. Cette fusion, bénéfique pour les droits sportifs et la diversité des contenus, pourrait rencontrer moins de résistance réglementaire. Mais la gestion de la dette et les défis de cohabitation demeurent des préoccupations. 

Second scénario imaginé par l’étude, celui d’un rachat de Paramount par Comcast, maison-mère de NBC Universal. Cette fusion propulserait ce nouveau géant en tête du podium, dépassant Disney en termes de demande globale de contenus aux États-Unis. Toutefois, au niveau mondial, elle se classerait juste derrière Apple TV+ avec seulement 6,8 % de part de marché. Cette fusion, bien que potentiellement puissante, semble compromise par la législation fédérale, qui n’autorise pas la réunion au sein d’un même groupe de deux réseaux hertziens : CBS et NBC. Pour que la fusion se fasse il faudrait abandonner un des réseaux, mais les deux groupes respectifs sont-ils prêt à un tel sacrifice ? 

Enfin, l’étude révèle un dernier scénario intrigant : David Ellison, le patron de Skydance Media, boite de production américaine, serait prêt à faire une offre pour acquérir la holding qui contrôle Paramount. Un tel rachat pourrait orienter le groupe vers la production, suivant ainsi le modèle de Sony Pictures. Ce dernier avait envisagé une fusion avec le groupe de télévision indien Zee Entertainment pour créer un géant du divertissement capable de rivaliser avec les leaders du streaming. Cependant, le projet a été annulé en janvier 2024, affaiblissant leur position respective en Inde, tandis que la fusion entre Reliance et l’unité indienne de Disney était en négociation. Une fusion menacé elle aussi par la politique anti-trust, les deux groupe posséderait suite à la potentiel fusion un monopole sur les droit du cricket en Inde et une importante part de marché à la télévision. De quoi faire vaciller l’examen réglementaire ! 

Les récentes réformes de la Federal Trade Commission (FTC) et du ministère de la Justice redéfinissent la politique antitrust américaine en mettant l’accent sur la protection du bien-être à long terme des consommateurs et des travailleurs. Traditionnellement guidée par le critère du bien-être du consommateur, la nouvelle approche vise à élargir les objectifs de la législation antitrust en incluant des préoccupations sociales, telles que la préservation de la démocratie et la protection des petits concurrents. Cette réforme s’oppose aux critiques de l’ancienne norme, accusée de ne pas prévenir la concentration du pouvoir économique, en se concentrant sur les actions anticoncurrentielles ayant des conséquences graves à long terme. Une fusion telle que Warner Bros. Discovery-Paramount peut sembler une concurrence à court terme contre Netflix et Disney+, mais à long terme, elle pourrait créer un géant médiatique susceptible de coordonner plutôt que de concurrencer. Cela aurait des répercussions sur les salaires, les licenciements, les prix des contenus, et compliquerait l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché. Ces nouvelles normes examinent les aspects verticaux des fusions, en vérifiant si l’entreprise issue de la fusion contrôle un produit dont les rivaux ont besoin pour être compétitifs. Cela contraste avec l’ancienne norme à court terme, comme l’a montré la fusion AT&T-Time Warner en 2017.

Bénéfices pour les investisseurs ou les consommateurs ?

Le marché médiatique devient alors le théâtre de spéculations intenses sur d’éventuelles transactions de fusion-acquisition, principalement centrées autour du sort de Paramount Global. Paramount Global, dirigé par Shari Redstone, est perçu comme ayant atteint un carrefour entre croissance et vente, potentiellement susceptible de déclencher d’autres transactions, un effet de flipper lorsqu’une entreprise d’envergure affiche un panneau « À Vendre ». (Pour information, ni Paramount Global ni la société mère de Shari Redstone, National Amusements, n’ont commenté publiquement sur le sujet.) Initialement perçu comme une aubaine pour les consommateurs désireux d’échapper à la multiplateformisation et de souscrire à une offre plus complète, les fusions entraînent inévitablement une concentration des contenus, aboutissant à une offre finalement moins diversifiée. L’approche « fourre-tout » adoptée par les stratégies de valorisation à la Netflix, ciblant un large public, risque d’engendrer de la frustration chez les consommateurs cherchant à trouver ce qu’ils veulent réellement regarder. Au cœur de cette réflexion réside la question de la pertinence des plateformes sur-éditorialisées face à l’émergence de ces géants fusionnés. L’avènement de la technologie, porté par l’intelligence artificielle, ouvre-t-elle la voie à une avancée majeure en matière de personnalisation au sein du paysage médiatique en mutation? À l’instar des bulles de filtres sur les réseaux sociaux, l’IA pourrait offrir une personnalisation plus fine, plaçant chaque individu au centre d’une multitude de contenus médiatiques fusionnés. Un exemple probant se dessine avec Amazon, qui, en agrégeant les données récoltées auprès des consommateurs sur divers marchés, pourrait perfectionner sa personnalisation et ainsi approfondir sa connaissance du consommateur. Cet effet boule de neige, résultant en une personnalisation plus pointue, pourrait potentiellement constituer une concurrence redoutable pour des plateformes telles que Mubi. Ces dernières, en misant sur un positionnement spécifique, risquent de voir leur axe de différenciation s’estomper dans cette nouvelle ère de personnalisation médiatique propulsée par l’IA. Mais si le traitement des données est de plus en plus refrénée c’est peut-être ce même axe de différenciation qui permettra à ces plateforme de tirer leur épingle du jeu. Qui sait ! 

Daassiss Chaïma


Sources

Parrot Analytics dresse quatre scénarios de concentration à Hollywood

Retournement de situation, la fusion des plateformes HBO Max et Discovery+ est annulée

Merger Guidelines U.S. Department of Justice and the Federal Trade Commission 

La plateforme de streaming Max, fusion de HBO Max et Discovery+, lancée en France en 2024

Max : Warner annonce sa nouvelle plateforme de streaming, fusion de HBO Max et Discovery+

La SVOD et le Covid-19 ont provoqué une vague de fusions et acquisitions en Europe

Données massives et droit de la concurrence : les fusions-acquisitions des plateformes numériques

Scénarios anticoncurrentiels pour les fusions numériques – Note de référence de l’OCDE

WarnerMedia and Discovery have completed their mega-streaming merger

Une fusion Disney-Reliance en Inde dans le domaine du divertissement risque de se heurter à des problèmes antitrust

Paramount Potential M&A: Warner Bros. Discovery, Skydance, Apollo – Oh My!

As Paramount, WB Discovery and Others Weigh M&A Options, Is More Consolidation Really the Answer to Hollywood’s Profit Problem?

Inde-Sony met fin à son projet de fusion avec le groupe de télévision Zee Entertainment

Le paysage du streaming vidéo en reconstruction

L’année 2023 avait déjà marqué un tournant pour le streaming vidéo. Mais aujourd’hui, de nombreuses restructurations sont en train d’aboutir, entrainant une modification de l’industrie et de ses acteurs. De nouvelles orientations stratégiques émergent et chamboulent profondément les plateformes de streaming. Déjà bien établies, Amazon Prime, Disney+ et Netflix font souffler un vent nouveau sur leurs modèles, et poussent leurs concurrents et nouveaux acteurs à faire de même. Les business modèles sont redéfinis, et innovés pour permettre une rentabilité toujours plus forte, dans un contexte d’hyper saturation des contenus, et d’inflation. 

Avec la « streamflation » (Pour L’Éco), la hausse des prix des abonnements aux services de streaming, il est primordial pour les grands acteurs, comme Netflix et Disney+ et leurs positions dominantes, de retenir leurs abonnés malgré ces hausses. En 2023, Netflix a subi une légère baisse de 3% dans son nombre global d’abonnés par rapport à 2022 (Capital). C’est dans cette dynamique que de nouvelles stratégies se développent. 

La télévision et les télécoms : à la poursuite du streaming

Les chaînes de télévision s’imposent de plus en plus dans le paysage du streaming vidéo. Passant d’un modèle linéaire à un modèle non-linéaire, ils marquent leur présence dans un milieu déjà saturé par divers acteurs. Que ce soit Arte, France Télévisions, TV5 Monde… les chaînes de télévisions optent pour le streaming et s’adaptent à la transformation digitale. Via le replay des programmes ou la production de contenus originaux, ces acteurs traditionnels viennent à la conquête du numérique et proposant pour la plupart, des offres gratuites, reposant ou non sur la publicité : une manière de se différencier des grands acteurs du marché. Le lancement de TF1+, le 8 janvier dernier, apporte un nouvel air dans le streaming proposé par la télévision et repose, selon le PDG Rodolphe Belmer, sur une stratégie à double volet (Satellifacts). D’une part, la filiale de Bouygues vise à renforcer son positionnement dominant dans le secteur du linéaire. D’autre part, TF1 met l’accent sur le développement de son offre de streaming, en se concentrant particulièrement sur le divertissement et l’information, les deux principaux axes éditoriaux du groupe. La plateforme gratuite accessible sans abonnement arrive après la fermeture de Salto en mars dernier (Ibid), et vise à devenir la première plateforme de streaming gratuite en France et en Europe, accessible sur divers écrans et opérateurs à partir de mars 2024 (Le Figaro). TF1+ s’avère déjà être un franc succès pour la chaîne, avec une augmentation significative de son audience et une croissance de 70 % de ses utilisateurs quotidiens et de 80 % du nombre de vidéos visionnées, en comparaison à la même période de l’année précédente sur les mêmes plateformes. De plus, elle souligne le succès de son service TF1+, qui a attiré trois fois plus de nouveaux comptes créés depuis le 8 janvier par rapport à la moyenne de l’année 2023 (Satellifacts).

Les chaînes de télévision ne sont pas les seules à s’attaquer au streaming vidéo. L’opérateur télécom et le fournisseur d’accès à Internet, Free, a créé cette année, en mars 2023, sa nouvelle interface de VOD gratuite financée par la publicité (AVOD), accessible à tous les abonnés Freebox. Avec une offre proposant plus de 300 films et séries, Free tente de s’installer sur le marché du streaming en cannibalisant ses abonnés. Une nouvelle étape pour le monde des télécoms, et un nouveau concurrent pour les plateformes de streaming (CB News).

Dans ce paysage en constante évolution, où les frontières entre télévision traditionnelle et streaming vidéo s’estompent, les acteurs historiques et nouveaux venus se lancent dans une course stratégique pour l’innovation. Cette expansion rapide du marché du streaming, enrichie de modèles diversifiés et de stratégies dynamiques, ouvre la voie à un avenir où la créativité et l’adaptabilité définiront le succès dans un secteur de plus en plus concurrentiel.

Les contenus des plateformes : productions originales ou contenus sous licence ?

Netflix semble asseoir, encore et toujours, sa place de numéro 1 dans l’univers du streaming vidéo, laissant aux autres participants comme Disney et Warner Bros, des difficultés à s’assumer, et devant trouver de nouvelles stratégies pour fonctionner. En effet, bien que Bob Iger de Disney ait précédemment établi une comparaison audacieuse entre le prêt de contenu à Netflix et la distribution de technologies nucléaires à des nations du tiers-monde, il apparaît désormais que Disney trouve une nécessité financière dans les revenus générés par ces échanges de contenu (Variety). Récemment, Disney a conclu un accord avec Netflix, incluant le partage des droits de streaming pour « Grey’s Anatomy » et la licence de 41 autres séries à Netflix. Disney bénéficie ainsi de revenus de licence nécessaires pour ses projets de développement. Netflix, quant à lui, a une stratégie similaire, se concentrant sur le contenu sous licence qui représente une part importante de son temps de visionnage. Disney prévoit de réduire ses dépenses de contenu en 2024, se concentrant davantage sur les sports, tandis que « Grey’s Anatomy » devrait compenser la baisse de l’engagement en streaming (Ibid).

Imitant Warner Bros. Discovery, Disney a accru l’envoi de ses contenus, y compris d’anciennes séries HBO et de films de super-héros, à Netflix. Cette approche a transformé un déficit de trésorerie de 930 millions de dollars en 2021 en un excédent de 2 milliards en 2023. Actuellement, les studios favorisent les licences plutôt que de produire en masse du contenu original, avec 45% du visionnage Netflix basé sur du contenu sous licence en 2023. Disney prévoit de réduire ses dépenses en contenu, se concentrant sur les sports, ce qui limitera la création de nouvelles séries originales (Ibid).

Cependant, le géant américain du streaming aux lettres rouges, crée par Reed Hastings, a annoncé vouloir investir 17 milliards de dollars cette année dans la production originale de contenus, tout en adaptant sa stratégie initiale. Le nouveau but est de réduire la sortie à environ 25 à 30 films chaque année, au lieu de la cinquantaine de films produits dans le passé (L’Echo).

Dans cette ère de transformation stratégique, l’utilisation de contenus sous licence pourrait devenir la norme pour les plateformes de SVOD (Subscription Video On Demand). Cela permettrait non seulement de réduire les coûts, mais aussi d’assurer une rentabilité durable dans un marché de plus en plus concurrentiel.

La fusion des plateformes : une stratégie émergente 

Face à la montée des prix, les plateformes de streaming cherchent à se regrouper pour devenir plus attractives. Un exemple notable est MyCanal, qui intègre divers contenus et plateformes dans ses offres. La cession de OCS, plateforme de SVOD d’Orange, à Canal+, tout juste approuvée par l’Autorité de la Concurrence, appuie le certain intérêt qui existe pour les services de streaming de proposer plusieurs offres dans leurs abonnements. Les fusions entre plateformes gagnent en popularité parmi les géants du streaming. En France, Amazon Prime a rejoint ce mouvement proposant à ses clients le Pass Warner, donnant accès au catalogue HBO, de Warner TV, d’Adult Swim, de Toonami, de Cartoon Network, de Discovery Channel, d’Eurosport ou encore de CNN propriété du studio Warner Bros. Ce principe de « bundler » des offres, regrouper plusieurs services dans une seule interface, croit de plus en plus au sein des stratégies du streaming vidéo. Récemment, Apple TV+ et Paramount+ sont entrés en discussions concernant la possibilité de proposer leurs deux services dans un package (Variety). Cette idée pourrait s’avérer être très bénéfique pour la plateforme de Apple, disposant d’un catalogue de contenus très réduit comparé à Disney+ par exemple. Le fait de proposer deux services en un apporte également une attractivité supplémentaire aux deux produits (Ibid). 

Par ailleurs, la fusion envisagée entre Warner Bros. Discovery et Paramount Global dépasse la simple SVOD, visant un champ d’action plus large. Cette éventuelle fusion a pour but de consolider leurs actifs dans divers domaines comme la télévision, le cinéma, le sport et le streaming, pour se positionner face à des concurrents tels que Netflix et Disney. Une telle fusion permettrait également d’enrichir leur collection de franchises cinématographiques et de réseaux de télévision (Variety).

Dans ce contexte évolutif, il est plausible d’envisager un avenir où un modèle à la MyCanal prédomine, une plateforme unique offrant un accès à diverses options de streaming, là où aujourd’hui, les Français sont abonnés en moyenne à 1,9 plateformes de streaming (L’Opinion). Cette centralisation pourrait répondre à la saturation des plateformes de SVOD actuelles, tout en gardant à l’esprit que d’autres modèles, tels que les FAST(Free Ad-supported Streaming Television) et l’AVOD (Advertising Video On Demand), gagnent également en popularité et diversifient le paysage du streaming.

Le monde du streaming vidéo est entré dans une ère de transformation profonde, avec des acteurs majeurs redéfinissant leurs approches pour s’adapter à un marché en constante évolution. Alors que les fusions et les stratégies de contenu sous licence deviennent des leviers cruciaux pour la compétitivité, l’avenir du streaming pourrait révéler des collaborations et des innovations encore inédites. Cette dynamique laisse entrevoir un paysage du streaming en perpétuelle mutation, où adaptation et créativité seront clés pour captiver un public mondial de plus en plus exigeant.

Emma Bauchet 


Références

“TF1+: devenir «la destination gratuite de référence pour le divertissement familial et l’info »” Satellifacts, 21 dec 2023. 

« TF1+ : 1er bilan à 10 jours « couronné de succès » ; lancement sur la Freebox Pop le 22 janvier », Satellifacts, 19 Jan 2024. 

Aquilina, Tyler. “Apple-Paramount Bundle Would Be Another Hail Mary Streaming Play.” Variety, 5 Dec. 2023, variety.com/vip/apple-paramount-bundle-would-be-hail-mary-streaming-play-1235821129/.

Aquilina, Tyler. “Licensed Content Is the New Currency in Hollywood.” Variety, 14 Dec. 2023, variety.com/vip/licensed-content-is-new-currency-in-hollywood-1235837365/.

Caroline Sallé, « TF1 plonge dans le grand bain du streaming », Le Figaro (Kiosque), 21 dec 2023.

Rouget, Clément. “Streamflation et Élasticité Prix. La Hausse Des Prix de Netflix….” Www.pourleco.com, 29 Aug. 2023,www.pourleco.com/consommation/streamflation-et-elasticite-prix-la-hausse-des-prix-de-netflix-ou-disney-fera-t-elle.

Sacré, Jean-François. “Netflix Veut Produire Moins Mais Mieux.” L’Echo, L’Echo, 16 Jan. 2024, www.lecho.be/entreprises/divertissement/netflix-veut-produire-moins-mais-mieux/10518671.html.

Spangler, Todd, and Jennifer Maas. “Warner Bros. Discovery, Paramount Global in Merger Talks.” Variety, 20 Dec. 2023, variety.com/2023/biz/news/warner-bros-discovery-paramount-merger-talks-1235847958/#recipient_hashed=3d2b11103722dc9ff263af43e494e689460e238c6e598d9223dd6145a16cf98a&recipient_salt=aec34c0ee3694872accbb008cccc984f6e6a7fdb8c418f895ea5e61f1a5f3bd9.

Whelan, Robbie, et al. “Les Plateformes de Streaming Font Le Pari de La Hausse Des Prix.” L’Opinion, 16 Aug. 2023, www.lopinion.fr/wsj-lopinion/les-plateformes-de-streaming-font-le-pari-de-la-hausse-des-prix.

Wojciak, Thierry. “Free Lance Son Application TV : OQEE by Free.” CB News, 24 Jan. 2024, www.cbnews.fr/medias/image-free-lance-son-application-tv-oqee-by-free-81780.

Younan, Sarah. “Lancement de TF1+ : Notre Top 10 Des Meilleures Plateformes de Streaming Gratuites.” Capital.fr, 8 Jan. 2024, www.capital.fr/entreprises-marches/plateformes-de-streaming-tv-ce-que-vous-pouvez-avoir-en-gratuit-1489134

La consolidation du secteur des télécommunications en Europe, est-elle inévitable ? 

« Trop d’acteurs sur un marché pèsent sur les investissements dans les infrastructures de demain ». La directrice générale d’Orange, Christel Heydemann, souligne par cette phrase, la volonté de recomposer le secteur des télécoms en Europe. Nous allons à travers cet article explorer la situation actuelle, examiner les défis et solutions, tout en mettant en lumière la question de la consolidation du secteur comme option privilégiée.

Un marché des télécommunications soumis à d’importantes forces concurrentielles.

Un marché atomisé dans toute l’Europe.

Premièrement, le marché des télécommunications en Europe est caractérisé par une fragmentation notable, avec une intensité concurrentielle extrêmement élevée. Cette situation se manifeste par la présence de nombreux acteurs à travers les différents pays du continent, où l’on observe fréquemment plus de trois opérateurs par pays. En Europe, on compte ainsi une centaine d’opérateurs pour une population totale de 447 millions de citoyens, tandis que les États-Unis ne comptent que trois opérateurs pour 331 millions d’habitants, et la Chine présente un chiffre similaire pour une population de 1,4 milliard de personnes.

Des perspectives de croissances limitées.

Deuxièmement, les opérateurs évoluent dans des secteurs de plus en plus matures, comme le démontre le graphique de l’ARCEP ci-dessous, où la croissance des revenus des opérateurs français sur le marché de détail n’a augmenté que de 1,6 % en un an, au deuxième trimestre 2023. Les opérateurs européens et notamment français n’évoluent pas sur des secteurs en hypercroissance.

Evolution annuelle des revenus des opérateurs en France (en %)

Source : Observatoire des marches des communications électroniques – Les services de communications électroniques en France – 2e trimestre 2023 (05 octobre 2023) (arcep.fr)

Une intensité concurrentielle qui entraine une guerre de prix féroce.

Troisièmement, les prix pratiqués en Europe par les opérateurs restent très compétitifs et significativement inférieurs à ceux proposés outre-Atlantique, comme le démontre le graphique ci-dessous :

Comparaison des offres fixe et mobile d’opérateurs leaders Sélection de pays, septembre 2023, € TTC/mois, ajustements PPA via coefficients de l’OCDE

Source : Fédération Française des Télécoms Plaquette-FFTelecoms-Etude-economique-Telecoms-2023.pdf

Cette concurrence intense oblige les opérateurs à comprimer leurs marges, ce qui limite leur rentabilité et leur capacité d’investissement. Ces tensions sur les prix entraînent des répercussions directes sur la rentabilité des acteurs et donc de facto sur la capitalisation boursière des opérateurs télécoms.

Des investissements futur conséquent dû à la croissance exponentielle du trafic et des usages.

Quatrièmement, les telcos auront dans les années à venir une demande croissante en investissement en raison du déploiement des futures technologies et de l’explosion attendue du trafic. Selon une étude récente de la Fédération Française des Télécoms, le trafic Internet en France pourrait quintupler d’ici à 2030, ce qui nécessiterait d’importants investissements futurs.

Haut Débit fixe – Consommation de données par foyer Go/mois/foyer – France

Fédération Française des Télécoms  Plaquette-FFTelecoms-Etude-economique-Telecoms-2023.pdf

Cependant, cette hausse des investissements entraîne une augmentation de la taille critique à atteindre pour les opérateurs. Jacques Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, estime qu’environ 200 milliards d’euros d’investissements seront nécessaires d’ici à 2030 pour que le continent bénéficie d’infrastructures de télécommunications au plus haut niveau. Actuellement, peu d’acteurs sur le marché ont la capacité financière nécessaire pour supporter de tels investissements.

Un morcellement des réglementations entre pays de l’Union européenne.

Enfin, déjà dès 2015, le PDG d’Orange de l’époque, Stéphane Richard, soulignait une fragmentation dans la réglementation des télécommunications en Europe, déclarant que « l’Europe des télécoms n’existe pas » en raison des 28 marchés, 28 régulateurs et 28 autorités de concurrence différents. Pour rappel, à la fin de 2020, la plupart des États membres n’avaient pas encore transposé la directive du code des communications électroniques européen.

En conclusion, l’état actuel du marché européen des télécommunications présente des défis significatifs, notamment une intensité concurrentielle extrêmement forte due au nombre élevé d’opérateurs dans chaque pays européen. Cette dispersion entrave la coordination nécessaire pour créer des acteurs de premier plan capables de rivaliser à l’échelle mondiale. De plus, les investissements nécessaires dans les années à venir semblent constituer un obstacle insurmontable pour de nombreux opérateurs, à moins qu’une solution de financement ne soit trouvée.

Les solutions envisagées pour répondre aux enjeux de financement et d’investissement des télécoms.

Face aux défis financiers et d’investissement dans le secteur des télécommunications, plusieurs solutions sont envisagées par les opérateurs :

La première réponse des telcos est une approche conjoncturelle axée sur la résilience plutôt que la croissance. Au cours des deux dernières années, les acteurs du marché ont pris des mesures visant à optimiser leurs structures de coûts et à réduire leurs dépenses. Par exemple, le groupe britannique BT a annoncé la suppression de près de 55 000 emplois d’ici 2030, reflétant une tendance générale à l’optimisation des ressources.

La deuxième solution préconisée par les acteurs des télécommunications consiste à rééquilibrer la chaîne de valeur en imposant aux GAFAs de financer les infrastructures dont ils bénéficient. Les géants du net captent une part importante de la valeur créée par ces infrastructures sans en payer le prix. Ainsi, des opérateurs télécoms pressent l’UE pour obtenir une contribution financière juste des Big Tech au financement des réseaux télécoms, citant Netflix, Google, Meta, Amazon et TikTok comme responsables de l’augmentation du trafic internet.

Enfin, la troisième solution privilégiée par les acteurs des télécoms est la consolidation du secteur à l’échelle européenne. Une intégration horizontale des opérateurs permettrait de mutualiser les coûts, d’augmenter les capacités et d’améliorer la couverture géographique, atteignant ainsi une taille critique plus facilement. Cependant, cette approche n’est pas nouvelle et a déjà été confrontée à des obstacles, comme en témoigne la fusion avortée entre Telefónica UK (O2) et Hutchison 3G UK (Three) en 2020 au Royaume-Uni, refusée pour préserver la concurrence.

Sommes-nous à l’aube d’une consolidation du secteur ?

Le secteur des télécoms subit une recomposition majeure depuis quelques années, confronté à des transformations inédites et à des pressions concurrentielles accrues. De nombreux opérateurs, ont recours à des fusions et acquisitions pour renforcer leurs capacités, à l’image de l’acquisition de VOO en Belgique en juin 2023 par Orange. De la même manière, Xavier Niel, fondateur d’Iliad, a étendu également son empreinte en Pologne avec des investissements dans les opérateurs Play et UPC. Enfin, on peut également citer la prise de participation d’Altice, dans l’opérateur britannique BT en mai 2023.

Prenons le cas d’Orange et Masmovil en Espagne, où la fusion visant à créer le deuxième opérateur du marché est en stand-by depuis 18 mois. La Commission européenne exige des concessions d’Orange pour éviter des augmentations tarifaires impactant les consommateurs et entravant la concurrence. En 2015 déjà, Bruxelles redoutait la fusion entre deux opérateurs dans un pays comptant 4 opérateurs : « Les études montrent qu’une réduction du nombre d’acteurs de quatre à trois dans un pays européen peuvent causer une hausse des prix pour le consommateur… mais pas forcément une augmentation des investissements ». Reste à voir si la position de Bruxelles évoluera dans l’année à venir concernant la fusion d’Orange et Masmovil, ce qui pourrait déclencher une vague de mouvements et ouvrir la voie à une consolidation potentielle du secteur en Europe.

Enfin, concernant la position de la France vis-à-vis de la consolidation, le Pays s’engage activement en faveur d’une consolidation du secteur des télécoms en Europe, rejoignant la Commission européenne dans la création d’un marché unique visant à réduire le nombre d’opérateurs majeurs. L’objectif est de renforcer la compétitivité face aux grandes puissances mondiales ayant trois opérateurs nationaux. La diversité actuelle, avec près d’une centaine d’opérateurs en Europe, entrave les investissements nécessaires pour adopter les dernières technologies. La fragmentation du marché européen complique également le déploiement de nouveaux services en raison des réglementations nationales disparates. Les ministres européens, dont Jean-Noël Barrot, expriment leur soutien à cette initiative, soulignant ses avantages en termes de financements et d’harmonisation réglementaire. Le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, prévoit d’ailleurs un livre blanc sur l’avenir des télécommunications au premier trimestre 2024. Enfin, Jean-Noël Barrot est convaincu qu’un marché européen des télécoms attirerait plus facilement les investisseurs nécessaires aux 200 milliards d’euros d’investissements prévus d’ici 2030 pour les infrastructures de télécommunications.

Pour conclure, au vu de la situation actuelle marquée par une intensité concurrentielle forte et une atomisation du marché, le secteur des télécoms en Europe est confronté à des menaces telles que des investissements massifs requis dans les années à venir. Dans ce contexte, la consolidation du secteur émerge comme une solution cruciale pour les opérateurs, offrant la possibilité de réaliser des effets de synergie, de mutualiser les coûts, et de faciliter l’accès aux financements nécessaires. C’est la voie privilégiée par les acteurs des télécoms, soutenue activement par la France qui plaide pour une harmonisation des règles européennes. Tous les regards sont tournés vers Bruxelles, en attente du feu vert concernant la fusion entre Orange et MasMovil en Espagne, une décision qui s’annonce déterminante pour le futur du secteur dans les mois à venir.

ADRIEN CLAVERO

Sources :

Delphine Cuny, (23/01/2015). Télécoms : dans 10 ans, plus que 3 ou 4 gros opérateurs en Europe ? Télécoms : dans 10 ans, plus que 3 ou 4 gros opérateurs en Europe ? (latribune.fr)

Romain Gueugneau, (05/10/2015). Consolidation dans les télécoms : les réticences de Bruxelles. Consolidation dans les télécoms : les réticences de Bruxelles | Les Echos

Tribunal de l’Union européenne, (28/05/2020). Le Tribunal de l’Union européenne annule la décision de la Commission refusant le projet de rachat de Telefónica UK par Hutchison 3G UK dans le secteur du marché de la téléphonie mobile. Le Tribunal de l’Union européenne annule la décision de la Commission refusant le projet de rachat de Telefónica UK par Hutchison 3G UK dans le secteur du marché de la téléphonie mobile (europa.eu)

Cours des comptes européennes, (28/01/2022). Déploiement des réseaux 5G au sein de l’UE: des retards et des questions de sécurité encore sans réponse. Rapport spécial – Sécurité des réseaux 5G (europa.eu)

Alexandre Piquard, (05/05/2022). L’idée de faire financer les réseaux télécoms par les GAFA progresse à Bruxelles. Réseaux télécoms : l’idée de les faire financer par les GAFA progresse à Bruxelles (lemonde.fr)

Paul Louis, (22/05/2022). POUR LA PATRONNE D’ORANGE, IL Y A UN « TROP-PLEIN D’ACTEURS » DANS LES TÉLÉCOMS EN EUROPE. Pour la patronne d’Orange, il y a un « trop-plein d’acteurs » dans les télécoms en Europe (bfmtv.com)

Pierre Manière, (03/10/2022). Consolidation des télécoms : les opérateurs espèrent un changement de doctrine de Bruxelles. Consolidation des télécoms : les opérateurs espèrent un changement de doctrine de Bruxelles (latribune.fr)

Fabienne Schmitt, (20/10/2022). Fusion O2-Three : la justice à nouveau appelée à trancher. Fusion O2-Three : la justice à nouveau appelée à trancher | Les Echos

Alexandre Joux, (10/2022). Télécoms : la concentration relancée en Europe, la souveraineté en question. Télécoms : la concentration relancée en Europe, la souveraineté en question (la-rem.eu)

Olivier Pinaud, (26/03/2023). Télécoms : vers une nouvelle saison des mariages entre opérateurs en Europe ? Télécoms : vers une nouvelle saison des mariages entre opérateurs en Europe ? (lemonde.fr)

Alice Drout, (13/04/2023). Non, l’Europe ne doit pas taxer les entreprises du numérique pour financer les télécoms. Non, l’Europe ne doit pas taxer les entreprises du numérique pour financer les télécoms (entreprendre.fr)

Le Figaro ; AFP, (18/05/2023). Téléphonie : le groupe britannique BT compte supprimer jusqu’à 55.000 emplois d’ici 2030. Téléphonie : le groupe britannique BT compte supprimer jusqu’à 55.000 emplois d’ici 2030 (lefigaro.fr)

Julien Lepoix, (07/08/2023). Opérateurs télécoms : des fusions au sein de l’UE sont-elles envisageables ? Opérateurs télécoms : des fusions au sein de l’UE sont-elles envisageables ? (selectra.info)

Lucas Mediavilla, (02/10/2023). À Bruxelles, les télécoms veulent faire payer les Gafa. À Bruxelles, les télécoms veulent faire payer les Gafa (lefigaro.fr)

ARCEP, (05/10/2023). LES SERVICES DE COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES EN FRANCE 2 E TRIMESTRE 2023. Observatoire des marches des communications électroniques – Les services de communications électroniques en France – 2e trimestre 2023 (05 octobre 2023) (arcep.fr)

Pierre Manière, (11/10/2023). L’Union européenne veut réviser la réglementation des télécoms. L’Union européenne veut réviser la réglementation des télécoms (latribune.fr)

Pierre Manière, (24/10/2023). Fusion d’Orange et MasMovil : Christel Heydemann espère un feu vert en fin d’année. Fusion d’Orange et MasMovil : Christel Heydemann espère un feu vert en fin d’année (latribune.fr)

Raphaël Balenieri ; Fabienne Schmitt, (24/10/2023). Télécoms : la fusion Orange-MasMovil vire au bras de fer avec Bruxelles. Télécoms : la fusion Orange-MasMovil vire au bras de fer avec Bruxelles | Les Echos

Olivier Pinaud, (06/12/2023). Télécoms : la France pousse pour une consolidation européenne. Télécoms : la France pousse pour une consolidation européenne (lemonde.fr)

Arnaud, (08/12/2023). Télécoms : la France pousse pour une consolidation européenne. Télécoms : la France pousse pour une consolidation européenne – alloforfait.fr

Lucas Mediavilla, (17/12/2023). Concurrence féroce, réglementations obsolètes… La grande déprime des télécoms européens. Concurrence féroce, réglementations obsolètes… La grande déprime des télécoms européens (lefigaro.fr)

Fédération Française des Télécoms, (18/12/2023). LES TÉLÉCOMS : ACTEURS DU NUMÉRIQUE EN PREMIÈRE LIGNE Étude économique 2023. Plaquette-FFTelecoms-Etude-economique-Telecoms-2023.pdf

Olivier Pinaud, (11/01/2024). Les télécoms européennes en pleine recomposition. Les télécoms européennes en pleine recomposition (lemonde.fr)

Les plateformes de streaming à la conquête des droits sportifs en France : où en sommes-nous début 2024 ?

Les plateformes de streaming se sont aujourd’hui imposées en France comme des acteurs majeurs du divertissement. Récemment, elles ont commencé à se tourner vers un nouveau domaine : les droits sportifs. En France, cette tendance prend de l’ampleur. Les géants du streaming cherchent à acquérir les droits de diffusion de divers sports, bouleversant ainsi le paysage traditionnel de la diffusion sportive.

Récemment, la mise en vente des droits de la Ligue 1 (football) par la LFP, par le biais de son président Vincent Labrune, témoigne de l’intérêt croissant des plateformes pour ce marché-là. Actuellement, deux plateformes de streaming pourraient se placer sur ces droits.
La plateforme de streaming britannique DAZN, spécialisée dans le sport en direct, a montré un grand intérêt pour la Ligue.Cependant, ses offres auprès de la LFP ont pour le moment été jugées insuffisantes. Ensuite, Amazon Prime Video, qui diffuse déjà une partie des matchs de Ligue 1 en France, souhaite rester un diffuseur majeur de la compétition et obtenir une partie du lot proposé par la LFP. Mais, les acteurs traditionnels sont encore dans la course : BeinSport pourrait intervenir alors que Canal+ observe pour le moment.

Cet appel d’offre témoigne donc de la place que prennent ces plateformes dans les discussions et chez le consommateur. Dans le football, le tennis et encore le basketball, on sent leur intérêt croissant. Nous allons présenter ici les nouveaux acteurs souhaitant accentuer leur présence dans le paysage sportif en France.

De nouveaux acteurs compétitifs 

Tout d’abord, DAZN est un service OTT lancé en 2016 par Leonard Blavatnik, un milliardaire britanno-américain et actionnaire de Warner Music et Deezer. Cette plateforme, souvent appelée le « Netflix du sport », est maintenant accessible dans plus de 200 pays. À ses débuts, DAZN s’est principalement axée sur la diffusion de la boxe en pay-per-view. Cependant, elle s’est progressivement diversifiée, notamment en acquérant des droits dans le football, cherchant à rivaliser avec les diffuseurs traditionnels européens tels que Movistar (Espagne), Sky Sports (Angleterre et Allemagne) et Canal+ (France). Dans ce sens, DAZN a remporté les droits de diffusion de la Serie A pour la période 2024-2029, proposant 10 matchs par journée, dont trois en exclusivité.

En août 2023, une collaboration a été établie entre Canal+ et DAZN, menant à la création de Canal + Ligue 1, une chaîne numérique OTT. Cette nouvelle offre, intégrée à DAZN, diffuse deux matchs de la Ligue 1 Uber Eats par journée et est disponible via un abonnement combiné DAZN & Canal+ Ligue 1. D’autres nombreuses compétitions, telles que la Ligue des Champions féminine, la D1 Arkema, Jupiler Pro League ou encore  Boxe & le MMA (hors UFC) sont disponibles via cet abonnement. Un autre abonnement disponible est le NFL Game Pass, proposé séparément au tarif de 149€ par an, qui offre la possibilité de regarder tous les matchs de la saison de football américain. Par ailleurs, DAZN a consolidé sa présence en France en établissant des partenariats de distribution avec des opérateurs tels qu’Orange, Bouygues Télécom et SFR.

Ensuite, Prime Video, le service de streaming d’Amazon, a réalisé des investissements stratégiques significatifs dans les droits sportifs en France, marquant un tournant dans son approche du contenu. Parmi les acquisitions les plus notables, on trouve les droits de diffusion d’une partie de la Ligue 1, en chipant notamment l’affiche du dimanche soir à Canal+. Ils ont également acquis les droits de diffusion pour le tournoi de tennis Roland-Garros, un des quatre tournois du Grand Chelem. L’entrée de Prime Video dans le domaine des droits sportifs en France n’est pas seulement une stratégie pour augmenter le nombre d’abonnés, mais aussi un moyen de renforcer la marque Amazon dans le paysage médiatique français.

Un marché difficile d’accès

En somme, le marché des droits sportifs est très compétitif et onéreux, rendant difficile l’émergence de nouveaux acteurs. Amazon a été la première plateforme généraliste à acquérir un large éventail de droits de diffusion sportifs, en France (Roland Garros, Ligue 1) et à l’étranger (NFL aux États-Unis).  Mais, même si ces plateformes ont une structure solide, diffuser des événements sportifs en direct à grande échelle implique des défis techniques et financiers. Il faut une expertise technique considérable et des seuils de rentabilité élevés. L’échec de Mediapro en 2021, qui a acquis les droits de diffusion du championnat français de football mais n’a pas réussi à rentabiliser son investissement, illustre ces difficultés.

Les plateformes SVOD rencontrent des défis pour se spécialiser dans les événements sportifs en raison de la nécessité d’une expertise de diffusion élevée, de seuils de rentabilité exigeants, et du besoin d’une offre diversifiée. DAZN est une exception notable, avec une valorisation en milliards et des droits de diffusion variables selon les territoires. Les plateformes généralistes hésitent à concurrencer les diffuseurs traditionnels en raison des investissements conséquents et des contraintes contractuelles. Les droits les plus importants sont généralement détenus par des chaînes avec une offre riche, augmentant leur attractivité. Cependant, les acteurs de la SVOD commencent à investir dans les droits sportifs, attirés par le potentiel de séduire un nouveau public et de proposer une stratégie localisée. 

Netflix : le choix d’une stratégie inédite

Netflix, quant à lui, arrive avec une stratégie assez différente. Alors que la plateforme est attendue depuis pas mal d’années comme diffuseur du sport en direct, Netflix garde aujourd’hui sa position pour une consommation différente du sport. Avec son savoir-faire et ses réalisations réussies en production, la société américaine s’oriente plutôt vers la création de contenus exclusifs, se tenant ainsi à l’écart de l’achat traditionnel de droits de diffusion pour les compétitions sportives. Plutôt que de dépenser des fortunes dans les droits sportifs, ce qui mettrait en péril son business model, Netflix préfère créer l’événement lui-même avec un tournoi de golf opposant stars du golf et de la Formule 1 : la Netflix Cup, une compétition sportive décalée lors d’un tournoi de golf aux règles revisitées. Il n’est pas impossible de voir Netflix arriver en France avec cette proposition de contenu.

En combinant le sport et le divertissement, Netflix attire un public friand de contenus sportifs en direct tout en contrôlant les coûts d’organisation. Cette stratégie semble offrir un avantage financier plus important, ou du moins plus immédiat, par rapport à celui qu’Amazon pourrait obtenir en acquérant les droits de diffusion de compétitions sportives existantes.

Jean Pisanté

Bibliographie

Après 2 ans d’application, quelles sont les conséquences du décret SMAD sur la production et la diffusion du cinéma français ?

Le 1er juillet 2021, le décret SMAD fixait les règles de contribution à la production d’œuvres cinématographiques appliquées aux services de vidéo à la demande par abonnement, payants à l’acte ou gratuits (SMAD). Le texte s’applique aussi bien aux acteurs français qu’étrangers (Netflix, Disney+, Amazon Prime Vidéo) se substituant ainsi au décret de novembre 2010 qui ciblait seulement les SMAD domestiques. Les services de SVOD américains les plus populaires arrivés en France au milieu de la décennie 2010 n’étaient donc pas concernés par ces obligations au sens de la loi de 1986 sur l’audiovisuel.

Ces plateformes déjà bien implantées dans le paysage audiovisuel français doivent à présent participer aux financements d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, européennes ou d’expression originale française, à hauteur d’au moins 20% du chiffre d’affaires réalisé l’année précédente. Ce taux peut être porté à 25% lorsque la plateforme propose un ou plusieurs films 12 mois après leur sortie en salles. Il est important de rappeler que ces obligations concernent les productions indépendantes et non les créations dites « originales ». Concrètement, cette contribution se décline sous la forme de préachat de droits d’exploitation SVOD et de financements de travaux de développement.

Des premiers signes encourageants

Les conséquences de ces nouveaux entrants dans le financement d’œuvres cinématographiques restent encore difficiles à évaluer. En réalité, 2022 a été la première année entière d’application du décret. Le CNC n’a pas encore livré son rapport sur l’année 2023 même si quelques résultats ponctuels semblent encourageants quant à l’efficacité de ces nouveaux dispositifs. L’arrivée de nouveaux acteurs à la fin 2022 comme Apple TV+ et Paramount+ a du renforcer cette injection de liquidités dans l’industrie cinématographique. On peut noter cependant une baisse en 2022 de 3,4% des dépenses des SMAD et des services de télévision dans la production cinématographique mais qui est principalement due au recul des chaînes et au surinvestissement de Canal+ en 2021.

Les niveaux ont rejoint ceux des années pré-covid ce qui est un signe encourageant pour la filière et les SMAD jouent le jeu : leurs investissements de 58,5 millions d’euros en 2022, en hausse par rapport au 42 millions d’euros en 2021 témoignent de la volonté de ces acteurs de s’intégrer dans le système de financement du cinéma français. Antoine Boilley, membre de l’ARCOM, note que les 22 SMAD en France ont respecté leurs obligations et que certains les ont même dépassées.  

Autre signe encourageant pour l’engagement des SMAD dans leurs obligations d’investissement : après Amazon fin 2022, Netflix a signé un accord avec les organisations d’auteurs et de producteurs en septembre 2023 lors du Festival de La Rochelle pour garantir une contribution plus élevée. Cette tendance d’investissement à la hausse dans le cinéma hexagonal se reflète ensuite dans le catalogue des plateformes : en 2022, 9 600 titres différents étaient proposés avec ¾ de l’offre cinéma disponible trustée par Netflix, Prime Vidéo et MyCanal. Avec un statut hybride de plateforme VàDA et de replay, MyCanal et OCS offrent une part de films français plus importante.

Une tendance qui marque la forte progression des plateformes SVOD dans le paysage cinématographique avec un élargissement de son audience renforcée par la crise sanitaire : l’hétérogénéité des programmes et l’augmentation du temps libre ont participé à la nette progression du nombre d’abonnés. Autre explication dans ce sens et qui renforce la présence des SMAD dans les usages de consommation du cinéma : la généralisation des téléviseurs connectées dans les foyers (45,5% en 2021) qui proposent les plateformes SMAD à portée de télécommande et l’utilisation du mobile de plus en plus présente (+11,7% entre 2018 et 2022).    

Un changement important dans la chronologie des médias

      L’autre changement du décret SMAD concerne la chronologie des médias : avec des obligations de financement plus importantes, les plateformes ont vu leur fenêtre d’exploitation se rapprocher de la sortie salle, passant de 36 mois à 17 mois (15 en cas d’accord avec le cinéma français comme c’est le cas pour Netflix). Les chaînes cinéma payantes restent à 9 mois (sauf Canal+ à 6 mois du fait de son accord professionnel et qui souhaite jouer un rôle de plus en plus important dans le financement du cinéma). Les fenêtres d’exploitation des chaînes gratuites (France Télévisions, TF1, M6) ne changent pas en restant à 22 mois. L’évolution la plus notable est donc le passage des plateformes SVOD avant les chaînes gratuites dans les fenêtres d’exploitation.

Un passage qui pourrait renforcer la désaffection lancinante des audiences pour la télévision au profit des SMAD mais qui répond en partie à la révolution des usages marquée par une consommation fragmentée, des plateformes différenciées et des changements dans les modes de distribution. Il est bon de rappeler que les chaînes linéaires demeurent un pilier du secteur cinématographique avec 78,2% des dépenses des diffuseurs en 2022. Pour Antoine Boilley (ARCOM), “Ces données traduisent la place privilégiée et prépondérante des groupes audiovisuels dans le financement de la création audiovisuelle et cinématographique. […] Il en va de toute la dynamique du financement de notre industrie de programmes dans l’audiovisuel et le cinéma”. D’autant que les chaînes ont obtenu un accord de co-exploitation avec les plateformes : lorsqu’un film est exploité sur une chaîne TV linéaire, il est alors retiré de la plateforme de streaming pour la durée d’exploitation.

Des craintes qui persistent

Le décret SMAD ne semble pas pour autant rassurer l’ensemble du secteur. Certains craignent des déséquilibres de plus en plus forts entre petites et grosses productions. “Les plateformes concentrent leurs investissements sur très peu d’œuvres” regrette Sébastien Borivent, DG de Tetra Media Studio. Selon le CNC, entre 2018 et 2022, la moitié des investissements des plateforme est allée dans le format série. La Présidente du collège audiovisuel du SPI (Syndicat des Producteurs Indépendants), Nora Melhli, s’inquiète : “L’arrivée des plateformes n’a pas irrigué le secteur comme on l’espérait. Les risques sont grands. On est peut-être à la veille de l’effondrement d’une bulle”.

Le producteur de cinéma, Saïd Ben Saïd, dans une interview au journal Le Monde, décrit une stratégie néfaste pour le secteur : “Aujourd’hui, les plateformes envahissent nos marchés. Au lieu d’aider les distributeurs, les producteurs et les exploitants indépendants à y résister, on lance la grande fabrique de l’image pour faire de la France une terre d’accueil pour les plateformes américaines. On ne sauve pas le cinéma français en en faisant un prestataire de services pour Netflix. Ça ne fonctionne pas comme ça.”

Avec les pressions que peuvent faire subir les SMAD, surtout les plus importants, sur le législateur, les tensions entre les différents acteurs n’ont pas disparu. On se souvient de Disney menaçant de sortir ses blockbusters annuels directement sur Disney+ si la chronologie des médias n’était pas révisée à son avantage. Les studios semblent avoir compris depuis qu’une exploitation en salle reste le meilleur moyen pour rentabiliser de tels projets et des stratégies de distribution hybrides commencent à apparaitre.    

Enfin dernier sujet d’interrogation qui plane : le bénéfice des SMAD dans l’exposition du cinéma français. Même si la contribution financière des plateformes au financement des œuvres cinématographiques semble acquise, leur visibilité au sein des plateformes ne suscite pas la même attention. Les 2/3 des films consommés sur les plateformes sont américains alors que la part de marché des films français est de 20%. Une ventilation stable depuis 3 ans mais qui reste déconnectée de l’exploitation salle où les films américains sont en général à 40% de part de marché à égal avec le cinéma français.

En prenant une focale plus large, on peut s’inquiéter de la visibilité des acteurs nationaux lorsque l’écran d’accueil des téléviseurs connectés s’apparente de plus en plus à une grille d’applications avec Google au premier plan. YouTube représenterait 30% du temps d’écran consommé sur ces téléviseurs, éclipsant donc en partie les productions audiovisuelles et cinématographiques françaises.     

Il ne faut pas oublier les autres menaces qui planent sur le secteur cinématographique français : une inflation grimpante qui grignote les budgets, des taux bancaires importants, des grèves qui se multiplient chez les techniciens intermittents, le recul de l’audiovisuel public. Sur ce dernier point, le décret SMAD ne permet pas d’effacer les incertitudes qui planent quant à la trajectoire budgétaire de France Télévisions, premier financeur de la fiction française (288M€ en 2022-2023). Nora Melhi ajoute : “Nous avons besoin d’un audiovisuel public fort. Que France Télévisions et Arte, nos deux premiers partenaires, soient confortés dans leur rôle. Et qu’ils renforcent leurs financements. C’est un enjeu démocratique.”

Au lendemain de la crise sanitaire, le décret SMAD a permis d’injecter de nouvelles liquidités bienvenues dans le système de financement du cinéma français en s’intégrant aux côtés des diffuseurs historiques. Les changements des modes de diffusion et des habitudes de consommation dans les foyers français ont renforcé cette intégration sur laquelle il était nécessaire de légiférer. Mais certains acteurs trouvent que cette intégration délaisse en partie le modèle de protection culturel des organisations indépendantes domestiques. La coexistence avec les diffuseurs doit encore être structurée. Les chiffres de 2023 du CNC devraient permettre de confirmer cette tendance d’investissement à la hausse en positionnant les plateformes comme un acteur important dans le rebond de la production cinématographique.

Sacha Szydywar

Sources :

  • Décret SMAD du 22 juin 2021, Article rédigé par Pierre Abouchahla, DG d’Écran Total pour le magazine Écran Total, publié le 23/06/2021
  • Un investissement en production de 1,6 milliard d’euros en 2022 (+12%) par les chaînes et plateformes, Article d’Isabelle Repiton pour Écran Total, publié le 19/12/2022
  • La Rochelle 2023 : la bonne santé de la fiction française n’efface pas les inquiétudes de la filière, Article d’Isabelle Repiton et Estelle Aubin pour Écran Total, publié le 20/09/2023
  • Saïd Ben Saïd, producteur de cinéma : il y a trop de films et beaucoup se ressemblent”, propos recueillis par Jacques Mandelbaum pour le journal Le Monde, publié le 05/10/2022
  • Observatoire de la vidéo à la demande, Rapport du CNC par Cécile Lacoue, directrice des études, des statistiques et de la prospective du CNC publié le 27/01/2023
  • SVOD et financement : les bêtes noires de la chronologie des médias, entretien avec Pascal Rogard (SACD) et Pascal Lechevallier (What’s Hot Media) pour MediaSchool
  • Nouvelle chronologie des médias : des changements mais pas de bouleversements, Article pour MC2I Experts publié le 23/02/2022
  • Le décret SMAD pourrait générer jusqu’à 1,5 Md€ pour la production française d’ici 2024 selon NPA Conseil, Estimations pour The Media Leader, publié le 20/09/2021

Carrefour et Netflix lancent l’abonnement Carrefour Plus.

Entre distribution alimentaire et distribution de contenu, il n’y a qu’un pas. C’est ce qu’ont prouvé Carrefour, le géant français de la grande distribution et Netflix, la plateforme de streaming à la demande en s’associant au sein de l’offre Carrefour Plus.

Moyennant 5,99€/mois, les clients disposent d’une réduction de 10% sur 6 000 produits de la marque Carrefour dans les magasins de l’enseigne ainsi qu’un abonnement Netflix Standard avec publicité offert. Les souscripteurs ont néanmoins la possibilité de s’abonner à des formules supérieures via Carrefour Plus en payant la différence, soit 7,50€/mois pour Netflix Standard et 14€/mois pour Netflix Premium. Aussi, dans le cas où le client a déjà un compte Netflix, il peut l’associer au Programme Carrefour Plus.

Bien que, l’abonnement inédit ne soit disponible que dans les agglomérations de Rouen et Bordeaux depuis le 16 janvier 2023, son retentissement est général. En effet, si Carrefour et Netflix s’étaient déjà associés pour commercialiser des dérivés de certaines séries (dont Stranger Things), leur partenariat franchi un cap supplémentaire.

Crédits : Carrefour

Un pari gagnant pour Carrefour

Véritable arme marketing, Carrefour Plus semble être un pari gagnant pour l’enseigne. D’une part, Carrefour espère augmenter son nombre d’adhérents. D’après Caroline Dassié, la directrice exécutive marketing et marque propre du groupe, l’objectif serait d’atteindre environ 15 000 clients sur les 108 magasins testés, soit le double des abonnements d’aujourd’hui. Carrefour n’est pas le seul acteur de la grande distribution à s’être tourné vers les programmes d’abonnement payants, plus complets que la simple carte de fidélité gratuite. Par exemple, Casino offre 10% de réduction sur le ticket de caisse des souscripteurs de Casino Max. Monoprix propose la livraison gratuite dans son programme à la consonance familière, Monopflix. Néanmoins, l’unicité de Carrefour Plus en France constitue un point de différenciation important dans un secteur très concurrentiel. Carrefour Plus combine à des avantages traditionnels, l’accès gratuit à une plateforme de streaming populaire. Cela constitue un argument de vente, incitant les consommateurs à choisir ce distributeur par rapport à un autre. Pour autant, les réductions sur les produits de la marque Carrefour proposées par le programme restent une incitation supplémentaire à l’abonnement. En période inflationniste, les français ont été forcés d’effectuer des arbitrages alimentaires. Rappelons également que les marques distributeurs connaissent un pourcentage d’inflation plus élevé que les autres marques, dépassant 14% pour les marques distributeurs contre 12% pour les autres (Capital). Globalement, Carrefour espère conserver le pouvoir d’achat des consommateurs en les aidant à ne pas arbitrer entre consommation alimentaire et divertissement. Ils peuvent avoir accès au deux pour moins de 6€.

D’autre part, Carrefour espère fidéliser et verrouiller la base d’adhérents Carrefour Plus. Les adhérents peuvent être plus enclins à rester abonnés puisque l’accès à Netflix dépend de leur participation continue au programme. De plus, la souscription au programme ne s’étend qu’aux magasins de l’enseigne, ce qui écarte les consommateurs des commerces concurrents.

Une première mondiale pour Netflix

Pour Netflix, le partenariat avec un acteur de la grande distribution est une première. Il faut dire que les acteurs du streaming ont traditionnellement eu un lien étroit avec les opérateurs télécoms. Les fournisseurs d’accès internet ont commencé à commercialiser des abonnements combinant accès aux plateformes de vidéos à la demande au sein de leur offre de téléphonie et internet. Ces bundles sont un canal d’acquisition de clients à bas coût pour les fournisseurs de contenus comme Netflix et une nouvelle source de revenu pour ces opérateurs. Et les chiffres le montrent bien : 20% des abonnements aux services de vidéo à la demande sont commercialisés via les compagnies télécoms (Bango). En France, les opérateurs Orange, Bouygues Télécomou SFR proposent des box internet avec Netflix même si seul Free inclut le forfait Netflix Essentiel dans son tarif d’abonnement.

Quand les retailers surfent sur la tendance du Super Bundling

Au sein du marché de l’abonnement, un paradoxe subsiste. Les consommateurs désirent avoir accès à davantage de contenus très différenciés – musique, divertissement, alimentaire, services financiers, etc… Le nombre de souscriptions par personne devrait doubler  passant de 2.2 à 5.3 entre 2018 et 2026 (Juniper Research). En même temps, ils se sentent submergés par la fragmentation de leurs souscriptions dont la gestion est propre à chacune. En conclusion, les consommateurs désireraient centraliser leurs différents services au sein d’une même plateforme. Le concept de Super Bundling dépasse donc celui de bundling puisqu’il est un hub de multiples souscriptions à des services très différenciés, mais dont le processus d’abonnement et de paiement est centralisé. Bien sûr, les opérateurs télécoms se sont saisis de cette opportunité, mais ils ne sont pas les seuls à être devenus créatifs dans la conception de leurs formules. En effet, les banques et les retailers tentent de s’insérer sur le marché du Super Bundling. Aux États-Unis, le distributeur Walmart inclut le service SVOD Paramount+ dans son abonnement Walmart+ en 2022.

Netflix veut toucher une nouvelle démographie

Crédits : IStock/ Pixels Effect

L’union de Carrefour et Netflix est un moyen pour la plateforme de conquérir de nouveaux abonnés payants. Avec ses milliers de points de vente et ses 14 millions d’adhérents encartés, Carrefour expose Netflix auprès d’une population relativement sous-représentée parmi ses abonnées. Carrefour est une enseigne de milieu de gamme dont les prix sont similaires à ceux pratiqués par Auchan, Système U et Intermarché. Le client type de Carrefour a entre 25 et 34 ans est citadin et gagne plus de 2 000€ par mois (OpinionWay). Netflix a donc l’opportunité de cibler cette nouvelle démographie de CSP- ou du moins de conquérir “ceux qui étaient hésitants à s’abonner” pour reprendre les mots de Laurent Uguen, directeur commercial de Netflix France. 

Le fait que l’offre d’entrée de gamme à 5.99€ soit comprise dans Carrefour Plus n’est pas un hasard. En 2023, la formule avec publicité a grandement participé à la croissance de Netflix : l’abonnement à la formule a augmenté de 70% en Q4 2023 et représente 40% des nouvelles créations de comptes dans les pays où il est actif. Le 23 janvier 2023, le streamer rend public son désir de supprimer la formule “Basic Netflix” à $11.99 à commencer par le Canada et le Royaume-Uni. La priorité de Netflix est donc d’étendre la distribution de sa formule d’entrée-de-gamme avec ses 23 millions d’utilisateurs actifs.

 Netflix espère faciliter l’abonnement à son service en s’immisçant dans le quotidien des consommateurs. Le fait que les clients puissent s’abonner à Carrefour Plus — et donc à Netflix — aux détours de leurs courses est une révolution en soit. Les commerces de proximité sont des antennes relais ancrées dans le quotidien des Français. À la différence, les opérateurs télécoms ont moins cette relation de confiance avec leurs abonnés et le dialogue avec ces derniers est rare (à l’occasion du renouvellement du contrat). La grande distribution profite de la récurrence d’usage de ses clients.

Et si le retail media était la prochaine étape ?

Même si rien n’a été annoncé en termes de données publicitaires, la convergence entre commerce et contenu a de quoi ravir les annonceurs. Carrefour est l’acteur alimentaire le plus important du retail media en France avec ses 14 millions d’encartés. Le géant monétise la donnée collectée auprès de ses consommateurs en magasin et en ligne, c’est-à-dire qu’il vend des espaces publicitaires auprès des marques. Son activité retail media s’est renforcée avec en 2022, la création de Unlimitail avec Publicis qui se veut être le one-stop-shop du retail media en Europe et Amérique Latine. La joint venture regroupe les data shoppers d’autres distributeurs comme Kingfisher France, Groupe Galeries  Lafayette, Rakuten France, Showroomprive Group.

Penser que Carrefour Plus puisse rentrer dans le spectre du retail media n’est pas aberrant. Mettons qu’un adhérent Carrefour Plus regarde un programme Netflix via son abonnement avec publicité. La donnée collectée de son parcours marchand, renseignant sur les habitudes d’achat de ce consommateur, peut servir à personnaliser les annonces publicitaires auxquelles ce même consommateur est exposé sur Netflix. Cela pourrait être une manière pertinente pour Netflix de redonner de la valeur à son seul inventaire d’abonnés. En croisant data shopper et valeur contextuelle des programmes au sein de Unlimitail, les possibilités de ciblages publicitaires granulaires pourraient donc être immenses. Ceci est déjà le cas avec France TV et M6, deux partenaires TV de poids pour Unlimitail sur le volet extension d’audience.

Un modèle à la Amazon Prime

Tout ceci n’est pas sans rappeler les pratiques d’Amazon, le leader mondial de l’e-commerce. Sa formule d’abonnement Amazon Prime combine la livraison d’articles prioritaires à une offre de streaming vidéo Prime à 6,99€/mois. Carrefour Plus est donc un rival direct de la formule Prime qui compte en France 7 millions d’adhérents. À noter que Prime Vidéo s’apprête à vivre un changement radical à partir du 29 janvier, date à laquelle la publicité par défaut arrive sur la plateforme d’abord pour une poignée de pays. Les données d’usage et de transaction récoltées par Amazon pourront très certainement servir à enrichir ses services publicitaires sur Prime Vidéo.

Des doutes subsistent côté consommateurs

L’offre promotionnelle de Carrefour et Netflix suscite des interrogations. Est-elle si avantageuse ? Sur les réseaux sociaux, l’Association des Franchisés Carrefour estime que les détenteurs de la Carte Pass et de la carte de fidélité bénéficient déjà de réductions sur leurs achats. Pourquoi donc souscrire à Carrefour Plus pour bénéficier de l’abonnement Netflix avec publicité s’ils peuvent s’abonner auprès du streamer pour le même prix de 5,99€. Qu’ont-ils réellement à y gagner ?

Le bilan est fixé à décembre 2024, date à laquelle Carrefour Plus pourrait être étendu à la France entière si 3% des clients des zones pilotes y ont souscrit.

Linda Ndiaye

Références

Dilhuit, A. L. (2023, 27 novembre). Étude Bango : La révolution du super bundling dans l’économie de la souscription. SlimPay. https://www.slimpay.com/fr/blog/etude-bango-la-revolution-du-super-bundling-dans-leconomie-de-la-souscription/

Echelard, G. (2024, 15 janvier). En s’alliant avec Netflix, Carrefour chasse sur les terres d’Amazon Prime. Challenges. https://www.challenges.fr/entreprise/grande-conso/en-s-alliant-avec-netflix-carrefour-chasse-sur-les-terres-d-amazon-prime_880125

Harel, C. (2024, 17 janvier). Carrefour : Pourquoi s’allier à Netflix plutôt qu’à Amazon Prime ou Disney+ ? Capital.fr. https://www.capital.fr/conso/carrefour-pourquoi-sallier-a-netflix-plutot-qua-amazon-prime-ou-disney-1490589

Jaimes, N. (2023, 15 juin). Tout ce qu’il faut savoir sur Unlimitail, la joint-venture retail media de Carrefour et Publicis. Mntd. https://www.mntd.fr/retail-media/tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-unlimitail–la-joint-venture-retail-media-de-carrefour-et-publicis-755904

Influentia (2024, 18 janvier). Netflix & Carrefour : L’arbre SVOD et la Forêt Retail Media – Influencia. Influencia. https://www.influencia.net/netflix-carrefour-larbre-svod-et-la-foret-retail-media/

Silvestre, A. (2024, 16 janvier). Netflix et Carrefour s’allient pour une nouvelle formule d’abonnement avec streaming et réduction à la caisse. Le HuffPost. https://www.huffingtonpost.fr/culture/article/netflix-et-carrefour-s-allient-pour-une-nouvelle-formule-d-abonnement-avec-streaming-et-reduction-a-la-caisse_228397.html

Roth, E. (2024, 23 janvier). Netflix is going to take away its cheapest ad-free plan. The Verge. https://www.theverge.com/2024/1/23/24048107/netflix-basic-subscription-ads-earnings-q4-2023

Publicité et live streaming : Netflix confirme sa nouvelle stratégie de diversification défensive

2024 marque l’entrée de Netflix dans l’arène du live streaming. La plateforme a annoncé le 23 janvier 2024 avoir signé un accord de diffusion avec la société TKO – la maison-mère de la WWE, la plus importante fédération américaine de catch – et de l’UFC – l’organisation spécialisée dans les combats de MMA (arts martiaux mixtes). Signe d’investissements colossaux dans la programmation en direct, l’accord de 10 ans évalué à plus de 5 milliards de dollars assure à Netflix de devenir le nouveau foyer de l’émission de catch à succès « Monday Night Raw ». Avec une entrée en vigueur en janvier 2025, l’accord réserve au streamer les droits exclusifs sur l’émission aux États-Unis et ses droits de distribution dans plusieurs pays dont le Canada, l’Amérique latine et le Royaume-Uni. Comme un passage de témoin de la télévision linéaire à la diffusion en continu, la chaîne USA Network qui diffusait jusqu’alors l’émission vieille de 31 ans renonce à trois heures de programmes en direct par semaine tout au long de l’année. Selon la chaîne CNBC, cette annonce représente pour Netflix « son plus grand saut dans le domaine du divertissement en direct » (“its biggest jump into live entertainment[1]”). Plus qu’un saut dans le divertissement en direct, Netflix opère depuis plus d’un an un revirement de stratégie dont l’accord avec la WWE n’est pas l’unique volte-face. Désormais, le cahier des charges de la plateforme affiche comme priorités autant l’élargissement de son offre de divertissement – des événements en direct, des contenus sportifs et des jeux – que le développement de son activité publicitaire.

Une stratégie de diversification portée par le live streaming, les contenus originaux et ceux sous licence

Recette enviée de ses concurrents, la formule du succès de Netflix reposait originellement sur des contenus originaux, l’absence de télévision en direct et de publicité, et une bibliothèque inégalée de films et de séries à diffuser dans le monde. Mais la perte historique d’un million d’abonnés en 2022 a contraint la firme américaine à trouver de nouveaux relais de croissance. Parmi eux, le partenariat avec la WWE permet à Netflix d’accéder aux millions de téléspectateurs annuels de « Raw » lors de rendez-vous hebdomadaires en direct. Netflix n’en est cependant pas à son coup d’essai. En 2023, la société avait annoncé qu’elle organiserait son tout premier événement sportif en direct avec des pilotes de F1 et des golfeurs professionnels s’affrontant lors d’un tournoi de golf. Quelques mois plus tôt, elle s’était déjà essayée à la diffusion en direct avec l’émission de stand-up du comédien américain Chris Rock. Avec la WWE, l’arrivée de Netflix sur le marché du live streaming implique un nouvel usage de la plateforme – la possibilité de regarder plus régulièrement des émissions sur rendez-vous -, et avec lui, de nouvelles recettes – les annonceurs et les abonnés. Pour le Wall Street Journal, cette stratégie « s’inspire des chaînes de télévision que Netflix a commencé à remplacer dans le cadre de ses efforts pour devenir la principale source de divertissement des ménages » (“It takes a page from the TV networks Netflix has started to replace as the streamer works to become the main source of households’ entertainment[1]”). On peut aussi considérer l’accord avec la WWE comme une mesure défensive permettant à Netflix d’égaler l’étendue du contenu sportif en direct disponible sur les services rivaux, tels que Max de Warner Bros Discovery et Peacock de NBCUniversal.

La création de films originaux et d’émissions de téléréalité comme « Too hot to handle » ou « Love is Blind » complète ce nouveau portefeuille de programmes. « La société s’est lancée dans la télé-réalité, les romans à l’eau de rose et les séries internationales, tout en confiant de grosses sommes d’argent à des scénaristes de renom tels que Shonda Rhimes et Ryan Murphy » explique le Financial Times[2]. Netflix prévoit de dépenser jusqu’à 17 milliards de dollars en contenu en 2024[3]. « Aucune société de divertissement n’a jamais essayé de programmer à cette échelle et pour autant de goûts et de cultures[4] », Netflix a-t-il écrit, glorieux, à ses actionnaires le 23 janvier 2024.

La poussée de Netflix dans le domaine du live streaming, ses investissements dans la création originale ainsi que sa décision d’accorder des licences pour davantage de programmes télévisés à ses concurrents interviennent alors que l’entreprise tente de relancer la croissance de son volet publicitaire, son autre cheval de bataille dans la course aux abonnés.

Le pari de la publicité ou le virage stratégique d’un modèle économique qui s’essouffle

Grâce notamment à sa politique plus stricte en termes de partage des mots de passe et à son abonnement moins coûteux avec de la publicité lancé en novembre 2022, Netflix a recruté 13,1 millions d’abonnés au cours du trimestre de décembre 2023[1], ce qui représente la plus forte croissance d’abonnés jamais enregistrée au cours du quatrième trimestre.

L’accord avec la WWE intervient alors que le streaming se rapproche de l’omniprésence de la télévision par câble. Marc DeBevoise, PDG de la société de technologie de diffusion en continu Brightcove, déclare à propos du catch professionnel que « c’est l’une des rares choses qui génère une audience de plus de 10 millions de téléspectateurs, ce qui est nécessaire pour développer une activité publicitaire[1] ». Cette stratégie de contenus s’inscrit donc pleinement dans la lignée des efforts de Netflix pour faire de la publicité une source significative de revenus d’ici à 2025.

Dans sa course aux abonnés, Netflix a engagé une stratégie de diversification tant de ses contenus que de ses revenus, s’inspirant du modèle traditionnel de la télévision câblée. L’arrivée du catch en direct doit permettre de gagner en abonnés ainsi que de contribuer à la nouvelle activité publicitaire du groupe, ce qui offrira probablement une justification supplémentaire pour augmenter les prix des abonnements à l’avenir. Le cahier des charges de Netflix évolue au gré des innovations et des usages, redistribuant sans cesse les cartes de la consommation audiovisuelle en ligne.

Adèle de Crépy

Sources : 

–      « The Netflix Pivot is Complete », Angela Watercutter, Wired, 23 janvier 2024. 

–      « Netflix to stream WWE’s Raw starting next year in its biggest jump into live entertainment », Alex Sherman et Jacob Pramuk, CNBC, 23 janvier 2024. 

–      « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024. 

–      « Netflix profite des fêtes et engrange 13 millions d’abonnés supplémentaires », Capital, 24 janvier 2024. 

–      « Netflix s’inspire de l’ancien modèle de la télévision câblée en ajoutant le sport en direct », Zone Bourse, 24 janvier 2024.

–      « Liens vagabonds : Le modèle de Netflix évolue et rabat les cartes du « old streaming » », Kati Bremme, Alexandra Klinnik et Aude Nevo, Méta-Media, 27 janvier 2024. 


[1] « Netflix s’inspire de l’ancien modèle de la télévision câblée en ajoutant le sport en direct », Zone Bourse, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix profite des fêtes et engrange 13 millions d’abonnés supplémentaires », Capital, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.

[2] « Liens vagabonds : Le modèle de Netflix évolue et rabat les cartes du « old streaming » », Kati Bremme, Alexandra Klinnik et Aude Nevo, Méta-Media, 27 janvier 2024.

[3] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.

[4] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix to stream WWE’s Raw starting next year in its biggest jump into live entertainment » , Alex Sherman et Jacob Pramuk, CNBC, 23 janvier 2024.

Les chaînes gratuites diffuseront-elles encore des évènements sportifs en 2030 ?

La retransmission sportive est devenue de plus en plus prisée des chaînes gratuites et payantes pour réaliser d’importantes audiences, fidéliser les spectateurs et générer de substantielles recettes publicitaires.

Mais ce marché stratégique a aussi suscité l’intérêt des géants technologiques et les GAFA, Amazon et Apple, ont récemment consolidé leur présence sur ce secteur.

Selon une étude de l’ARCOM parue en 2022, l’audience moyenne annuelle des retransmissions sportives, qu’il s’agisse d’événements récurrents ou d’émissions, connaît une légère baisse sur les chaînes TV historiques de la TNT depuis 2014.

Cette tendance concomitante de la montée en puissance des nouveaux arrivants du secteur souligne une évolution du paysage médiatique, marquée par des dynamiques changeantes et des enjeux concurrentiels croissants.

Un marché de la retransmission sportive en mutation 

La multiplication des éditeurs et l’arrivée de plateformes américaines à gros moyens, dont certaines, à l’image d’Amazon Prime Video, sont déjà bien établies sur le marché français de la captation sportive, ne cesse d’ébranler le marché global des droits TV en constante hausse depuis 2012 (+57% entre 2012 et 2019) selon l’ARCOM.

La diffusion des internationaux de tennis français reflète bien les mutations du marché.

Le tournoi, historiquement diffusé uniquement par les chaînes du service publique (France TV) a désormais, depuis 2019, ses sessions de nuit proposées par Amazon sur sa plateforme vidéo. Suite à la renégociation des droits en 2019, la FFT avait ainsi pu se réjouir d’avoir augmenté ses revenus issus des droits TV de « plus de 25% ».

Elle a toutefois suscité de nombreuses critiques sur la méthode utilisée pour atteindre ces recettes « d’environ 25 millions d’euros » avec les droits de diffusion (lot 2+ Co-diffusion ½ finales et finales) cédés à Amazon. On pense par exemple à la polémique autour du quart de finale opposant Novak Djokovic à Rafael Nadal diffusé uniquement sur Prime Video et privant de nombreux fans de tennis de suivre cette rencontre gratuitement.

On pourrait citer également le groupe TF1 qui a perdu au profit de Canal+ les droits de retransmission de la F1 alors qu’il en était le diffuseur historique jusqu’en 2012.

De même, W9, diffusa de 2010 à 2018 des matchs de la ligue Europa jusqu’à ce que le groupe payant RMC en reprennent les droits.

Sur un marché des droits sportifs aux tendances inflationnistes, les chaînes gratuites se font de plus en plus concurrencer sur la diffusion des compétitions majeures.

L’analyse de l’ARCOM, montre aussi une réelle érosion des heures de retransmissions sportives en télévision gratuite (cf. graphique).

Elle constate également une écrasante domination des chaînes payantes, sur le secteur de la captation sportive, en termes d’heures de diffusion malgré une diminution du nombre de chaînes payantes diffusant des programmes sportifs depuis plusieurs années. Ainsi, sur les 145 335 heures de programmes sportifs diffusés en 2019, 95 % sont proposées par des chaînes payantes (137 553 heures), contre 5 % par des chaînes gratuites (7 024 heures).

L’inflation sur ce marché de la diffusion sportive résulte d’une part de l’arrivée de nouveaux éditeurs (Bein en 2012, SFR en 2019). On peut aussi citer désormais Amazon et bientôt peut-être DAZN (positionné sur la ligue 1) ou même Apple et Netflix. D’autre part, une stratégie systématique de maximisation des droits par les ligues professionnelles sportives et les organisateurs contribue à la hausse des prix. On l’a vu récemment avec la polémique sur les enchères de la LFP concernant les droits de ligue 1 et le retrait des négociations de Canal+ (diffuseur historique de la compétition).

Cependant, les chaînes gratuites restent compétitives sur la diffusion sportive, portée par les chaînes du service public

Car, en dépit de la hausse des droits TV et de l’érosion constante des heures de retransmission sportive depuis 2016, les chaînes gratuites conservent les droits de diffusion des courts extraits d’évènements sportifs et bénéficient d’une liste de diffusion d’évènements sportifs d’importance majeur établie par la loi relative à la liberté de communication.

Par ailleurs, hors de ce cadre juridique, elles détiennent toujours des droits de diffusion stratégiques payants comme certains matchs attractifs de coupe du monde de football pour TF1 ou des matchs d’Europa League pour le groupe M6.

La chaîne thématique L’Équipe reste aussi très attractive pour les « fans » de sport avec de nombreux contenus sportifs (émissions, gala du ballon d’or, reportages, extraits de match et résumés) comme certains matchs de coupe du monde en phase éliminatoire, par exemple, ou l’intégralité de la ligue des nations, d’intérêt plus « secondaire ».

Laurent-Éric Le Lay, l’actuel directeur des sports de France Télévisons soulignait dans un entretien au journal Le Point en 2021 qu’au-delà de la loi précitée : « le sport a besoin d’être vu par le plus grand nombre ».

            Même si la tendance globale à la baisse de la diffusion de contenus sportifs audiovisuels en télévision gratuite s’inscrit dans un mouvement plus global de baisse de consommation de contenus sur ces chaînes, les retransmissions sportives atteignent souvent des niveaux d’audience très élevés en télévision gratuite, notamment en « prime time ».

Les chaînes gratuites ont en effet, pour l’instant, une plus grande capacité à toucher une cible large que les chaînes et les plateformes payantes car elles touchent une audience moins spécialisée qui découvre ainsi de nouvelles disciplines sportives.

« …quand vous êtes diffusés sur une chaîne gratuite, vous avez des audiences incroyablement supérieures. Et parmi cette audience se trouvent des gens qui sont moins fans et qui découvrent de nouveaux sportifs et de nouvelles disciplines » (Le Lay, L-E)

Source : article de Rebucci, J. LePoint.fr

Elles se positionnent généralement sur des compétitions « événementielles » et développent un solide « partenariat avec l’organisateur de la compétition » et « les fédérations », pour toucher le plus grand nombre de spectateurs. La qualité de la relation entre les chaînes historiques et les ligues sportives professionnelles compte également dans cette course aux retransmissions sportives, les ligues cherchant les partenariats et les modèles de diffusions les plus adaptés à leurs sports et à leurs besoins.

Laurent Éric Le Lay, rappelle dans l’entretien mentionné ci-dessus que la valorisation d’événements « passe … aussi par la capacité des chaînes gratuites à réaliser divers reportages et émissions autour du sport et des athlètes concernés ».

Les chaînes payantes, visent ainsi plus fréquemment des compétitions à dimension « feuilletonnante » (ligue 1, Top 14) et une programmation régulière avec un objectif de fidélisation de leur audience.

Les chaînes gratuites restent compétitives sur la retransmission sportive mais à quel prix et pour combien de temps ?

La compétitivité des chaînes gratuites sur le marché de captation sportive reste cependant très liée à leurs capacités d’investissements et d’acquisitions de droits TV d’évènements sportifs qu’ils soient « secondaires » ou « premium ».

Mais les chaînes gratuites enregistrent des taux de croissance de leurs CA globalement peu dynamiques. Le groupe FTV enregistre une baisse de 9% sur la période 2012-2022, en raison de la baisse des dotations de l’État et des recettes publicitaires. Le taux de croissance des chaînes privées gratuites est en baisse de -2% depuis 2006. Les chaînes historiques TF1 et M6, ont vu leurs CA baisser constamment sur cette période. Cela s’explique, en partie, par une baisse du chiffre d’affaires publicitaire pour la grande majorité des groupes TV. Les chaînes historiques privées TF1 et M6 ont ainsi constatées une baisse de 23% de leurs recettes publicitaires depuis 2006 (-518 M €). Moins impacté, car dépendant à 80% des recettes publiques, le groupe France TV constate tout de même une diminution de 4% de ses recettes liées à la publicité sur la période (-137 M €).

Cette situation, surtout quand on sait que les chaînes privées dépendent à plus de 50% des investissements des annonceurs, (cf. Bilan financier des chaînes gratuites – 2022 – Arcom), si elle devait perdurer ou s’accentuer questionne la capacité future des chaines gratuites à investir encore sur du contenu sportif « premium » et pas seulement « secondaire » et dont la rentabilité n’est pas immédiate lors de sa diffusion.

D’autant que les plateformes GAFA comme Amazon deviennent de plus en plus attractives pour les annonceurs et acquièrent de nouveaux droits TV sportifs au détriment des chaînes gratuites françaises (mais aussi des chaînes à péage).

Valorisés à plusieurs centaines de milliards de dollars, les éditeurs numériques américains s’intéressent de plus en plus aux retransmissions sportives.

On les voit arriver sur ce marché, y compris en France, avec Amazon en tête de peloton.

Plus récemment Apple, un temps évoquée pour l’acquisition des droits de ligue 1 sur la période 2024-2027, a racheté, pour 2,5 milliards de dollars sur 10 ans, les droits de la MLS (Major League soccer) pour en être le diffuseur exclusif dans le monde.

La plateforme Netflix investit massivement dans les séries documentaires sportives et, preuve d’un intérêt croissant sur ce segment de contenus, l’entreprise a récemment annoncé la diffusion de son premier événement sportif en direct : un match amical qui opposera Rafael Nadal à Carlos Alcazar.

Dès lors, l’effet de ciseau crée par la contraction des chiffres d’affaires des chaines gratuites suite notamment à la réduction des revenus publicitaires et la force de frappe économique des plateformes pourrait bien fragiliser à terme les chaines gratuites sur le segment de la captation des événements sportifs.

ANTOINE BARRET

Bibliographie :

LE DECLIN DE LA TÉLÉVISION PAYANTE AUX ÉTATS-UNIS 

Selon une étude d’Ampere Analysis couvrant 96 marchés (1), la télévision payante traditionnelle, autrefois dominante, connaît un déclin sans précédent au niveau mondial : pour la première fois, la pénétration mondiale de la télévision payante devrait diminuer. En effet, alors que la SVOD gagne du terrain et que de nouveaux acteurs émergent dans le secteur de la télévision, les offres historiques se voient confrontées à des défis considérables. Cette transition est alimentée par divers facteurs, allant de la hausse des coûts à l’évolution des modes de consommation, et marque un changement de paradigme dans la manière dont les téléspectateurs accèdent à leurs contenus préférés.

Le marché nord-américain est grande partie responsable de cette baisse : aux États-Unis, la pénétration de la télévision payante est passée de 84% en 2009 à seulement 45% en 2023. Ce marché était pourtant réputé comme solide et semblait traverser les années sans grande difficulté. Les américains sont effectivement connus pour leur propension à rester de longues heures devant leur postes de télévision et à allouer une partie importante de leur budget mensuel à des abonnements à des bouquet de chaînes de télévision payante : environ 100 dollars sont dépensés chaque mois en cable tv (2)  . Ces derniers sont commercialisés par des opérateurs de réseaux câblés tels que Comcast, Charter, AT&T, Dish, Altice USA, Verizon, Cox… En 2012, 85% des foyers américains étaient concernés par l’abonnement à ces bouquets, en 2022, cela ne représente plus que 55% des foyers.
Soyons ici clairs : cela ne signifie pas pour autant que le temps de visionnage moyen a diminué, les américains regardent toujours autant la télévision qu’avant, voire plus, depuis l’arrivée de nouveaux acteurs. Cela signifie juste qu’ils la regardent autrement : on assiste ainsi plutôt à une reconfiguration du marché du payant, qu’à une véritable disparition de celui-ci. 

L’arrivée de nouveaux acteurs, et donc de nouvelles offres 

Contrairement au reste du monde, la crise sanitaire de 2020 aux Etats-Unis ne s’est pas accompagnée d’un regain d’intérêt pour le petit écran. La raison ? De nombreux foyers américains avaient déjà franchi le cap de l’abonnement à des services de vidéo à la demande, ce que l’Europe avait déjà commencé à faire mais dans une moindre mesure.
« En l’espace de quelques mois, plusieurs services nouveaux sont apparus fin 2019-début 2020 (…). Fin 2020, 72 % des foyers utilisaient au moins un service de SVoD, contre 66 % en 2018. Et les téléspectateurs ont été encore plus adeptes du streaming durant la pandémie », selon Vincent Létang, directeur d’études médias (4).
Ces nouveaux services répondent aux noms de Disney+, Netflix, Prime Video, etc. Ils ont été principalement consommés sur tablette, téléphone mais également sur Smart TV, directement connectées à internet, pendant le confinement. Ces tv connectées permettent de consommer directement des programmes audiovisuels, sans forcément passer par un abonnement au câble. Ainsi, elles offrent aux services de SVoD, une voie d’accès évidente vers téléspectateurs et potentiels abonnés, sans que ces services n’aient à passer par les acteurs historiques des télécommunications (AT&T, Altice, Charter…).
=> En 2021, près d’un téléviseur sur deux installé dans les foyers américains proposait un accès direct à internet, ce qui participe à une reconfiguration évidente du marché du payant (5)

Les services de SVOD n’ont pas été les seuls à profiter de l’ouverture de la population nord-américaine à d’autres modes de consommation audiovisuelle. Un acteur comme Youtube TV fait également figure d’autorité dans l’établissement de ces nouvelles pratiques.
Peu connu en Europe, ce service, mis en place depuis début 2017, diffuse les principaux réseaux américains et permet d’accéder à plus de 100 chaînes TV linéaires premium directement sur YouTube, dont ABC, Fox, CBS, NBC et ESPN. L’abonnement, qui coûte 72,99 dollars par mois, permet donc lui aussi de contourner le réseau classique de télécommunications pour proposer un accès direct aux chaînes payantes. Toutefois, le gros du visionnage selon « The Information » provient du service principal de Youtube, c’est-à-dire la consommation de vidéos en streaming, plutôt que des chaînes qu’il agrège, comme le fait un distributeur traditionnel (6). En 2023, Youtube TV représentait 8,1% du visionnage sur les téléviseurs connectés aux Etats-Unis, contre 6,9 % six mois auparavant et contre 6,9 % pour Netflix, selon Nielsen (6). Les formats des publicités sur Youtube TV adoptent également un format très télévisuel puisque la plateforme propose aux annonceurs des publicités de 30 secondes, sans possibilité pour le téléspectateur de les couper. 

Les foyers américains se retrouvent donc face à un choix de diffuseurs et de contenus audiovisuels pléthoriques. Aux offres payantes sans publicité, se sont aussi ajoutées des offres payantes avec pub, à la manière de Netflix, Disney+ ou Prime Vidéo, qui séduisent de plus en plus. Ces offres, plus alternatives et flexibles, sont en grande partie responsable du départ massif des abonnés aux traditionnels bouquets TV, vers les plateformes de streaming. 

Quelles répercussions pour les acteurs de la télévision payantes ? 

Face à cette fuite d’abonnés, les acteurs de la télévision payante se sont vus contraints d’augmenter leurs tarifs, alors que ces derniers étaient déjà très élevés. Conséquence : ces bouquets de chaîne séduisent moins, du fait de leurs prix élevés d’une part, et d’autre part, les contenus proposés ne sont désormais plus les plus attractifs du marché. Les investissement colossaux des plateformes de streaming en matière de contenus et de marketing visent justement à attirer le plus grand nombre d’abonnés. Ces derniers, séduits par ces nouvelles offres, se détournent ainsi progressivement de la télévision traditionnelle payante. « Pour le consommateur, il n’y a plus de dépendance vis-à-vis d’un fournisseur de câble et de bouquets de télévision classiques », explique un professionnel de l’industrie audiovisuelle (7). Le fait est que la majorité des consommateurs américains ont désormais une offre suffisamment variée pour pouvoir se passer d’un abonnement cable tv. 

Quelles stratégies adopter face à cette perte d’abonnés ?

L’augmentation des prix des abonnements de ces bouquets survient en réaction à l’arrivée de ces nouveaux acteurs, mais elle se justifie aussi et surtout par le fait, que les acteurs de la télévision payante souhaitent rendre leurs offres plus premium et qualitative qu’elles ne l’étaient auparavant. Ils savent qu’ils ne peuvent empêcher le départ inévitable d’un certain nombre de clients vers ces nouvelles offres, mais ils font également le pari que certains téléspectateurs ne pourront pas se passer de leur abonnement. La raison ? Les fans de sport par exemple, n’auront aucun autre moyen de regarder leurs compétitions favorites ailleurs que sur le câble ou le satellite (ESPN, Fox Sports, NBC Sports et des chaînes locales). En effet, même si le sport est en train de basculer en streaming (Amazon Prime Video, Peacock…), il reste difficile, pour les plateformes de streaming, de disposer de droits sportifs aussi étoffés que ceux détenus par les acteurs de la télévision payante. 

Si le sport peut être une des cartes à jouer dans la rétention des abonnés, brouiller les limites entre télévision par câble et télévision non linéaire est aussi une stratégie adoptée par tout un ensemble d’acteurs de la télévision traditionnelle. Comcast par exemple, a annoncé en 2021 le lancement de son téléviseur connecté. L’objectif ? Permettre d’accéder à la fois à de la télévision linéaire classique (via câble ou signal hertzien) mais également, à des applications de vidéo à la demande. Grâce à ces télévisions connectées installées directement chez les foyers américains, l’opérateur a la possibilité de contrôler l’interface de visionnage de ses clients. 

On assiste ainsi à une reconfiguration du marché du payant aux États-Unis. Les nouveaux acteurs ont réussi à s’imposer sur un marché qui n’était finalement pas si saturé. Le mode de diffusion n’est désormais plus ce qui importe le plus : les acteurs s’affrontent désormais sur le terrain du contenu

Emma Pajot

Sitographie

  1. https://the-media-leader.fr/la-penetration-de-la-television-payante-en-baisse-en-2024-selon-ampere-analysis/
  2. https://medium.com/@ultimatemedia2023/how-much-does-the-average-american-household-spend-on-cable-and-or-streaming-services-per-year-ab97ba994cb9#:~:text=According%20to%20a%20survey%20conducted,package%20and%20provider%20you%20choose.
  3. https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/aux-usa-le-long-declin-de-la-television-payante-20220126
  4. https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/television-la-pandemie-a-dope-le-petit-ecran-partout-dans-le-monde-sauf-aux-etats-unis-1306022
  5. https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/aux-etats-unis-les-televiseurs-connectes-simposent-dans-les-foyers-1306186
  6. https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/publicite-youtube-un-vrai-concurrent-sur-la-television-du-salon-1944993
  7. https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/le-cablo-operateur-americain-comcast-lance-sa-smart-tv-1356774

Sur petits et grands écrans, l’animation française à la conquête du monde : les raisons stratégiques d’une success story tricolore

Le point commun entre les films Super Mario Bros, Ninja Turtles : Teenage Years, Miraculous et Migration ? Ce sont des productions Made in France ET de véritables hits à l’international. Depuis plusieurs décennies, la France est parvenue à développer une véritable expertise dans le secteur de l’animation, attirant l’attention de l’industrie cinématographique mondiale, y compris les géants d’Hollywood et du marché de l’animation japonaise. On parle aujourd’hui « d’âge d’or » de l’animation française, appréciée non seulement pour sa créativité et sa qualité technique, mais aussi pour sa capacité à toucher un public très diversifié. De nos jours, les plus grands studios américains et japonais s’arrachent les talents français, tandis que les sociétés d’animation tricolores sont sollicitées sur des licences d’envergure internationale (entre autres, Star Wars, League Of Legends, Super Mario, Les Tortues Ninja…). Focus sur les atouts stratégiques contribuant à la réussite de cette « exception culturelle française. »

UN SOCLE ÉDUCATIF UNIQUE 

La France dispose d’un terreau particulièrement fertile d’écoles renommées spécialisées dans l’animation ; Les Gobelins, l’ESMA, Rubika, ARTFX et MoPA figurent parmi les meilleures formations d’animation au monde d’après le classement établi par l’Animation Career Review. Ces écoles fournissent aux étudiants toutes les compétences nécessaires pour exceller dans le secteur, elles sont notamment réputées pour leur capacité à enseigner toutes les techniques d’animation, 2D comme 3D, là où les écoles américaines ont par exemple fait le choix de pleinement se focaliser sur la 3D au tournant des années 2000, délaissant les techniques d’animation traditionnelles. À l’inverse, le Japon a longtemps manifesté sa réticence à l’égard de la 3D, accusant aujourd’hui un lourd retard technologique et artistique sur ses pays concurrents. La diversité des techniques et des influences artistiques est au coeur des formations françaises. Elles sont en lien étroit avec l’industrie, car ce sont généralement des professionnels en activité qui enseignent dans ces écoles. La France offre ainsi aux jeunes des formations d’une grande qualité, perpétuellement alimentées par les meilleurs professionnels du secteur. 

Contrairement à ses voisins anglo-saxons, ces formations s’étalent sur plusieurs années et sont généralement peu coûteuses. Face à l’explosion de la demande internationale, ces écoles, autrefois peu connues et relativement « niches », font désormais face à une explosion de leurs effectifs. D’après une étude du CNC, le nombre d’étudiants spécialisés en animation devrait doubler d’ici 2030. Ces écoles sont regroupées au sein du RECA, un réseau d’intérêt général qui vise à « favoriser la lisibilité de l’offre en formation dans le secteur de l’animation » et « faciliter le dialogue entre les écoles et avec les professionnels dans le respect d’une déontologie commune » selon ses fondateurs. Les écoles françaises bénéficient ainsi d’une visibilité internationale, convoitées par les jeunes talents du monde entier. 

UN SOUTIEN INSTITUTIONNEL INDÉFECTIBLE

L’animation en France bénéficie du soutien des institutions culturelles et gouvernementales. Le CNC soutient financièrement la production d’œuvres animées françaises : en 2022, les aides du CNC couvraient 18% des devis en animation. Pour la télévision, 50 programmes français ont été aidés en 2022, soit plus de 1600 épisodes. À noter que France Télévisions demeure depuis plus de 10 ans le premier groupe européen commanditaire de programmes d’animation français. Au cinéma, 13 productions animées d’initiative française ont été aidées par le CNC en 2022, c’est un record. 

Le CNC vise également à instaurer un cadre réglementaire favorable au développement de cette industrie à l’international. Particulièrement depuis plusieurs années, encourager l’animation Made in France est devenu un véritable enjeu pour faire face à la compétitivité accrue des autres pays. Depuis 2016, le crédit d’impôt international (C2I) favorise les collaborations internationales. Les entreprises étrangères sont davantage enclines à travailler avec des studios d’animation français, car en plus de leur précieux savoir-faire, les dispositifs fiscaux mis en place sont très avantageux. En 2022, 52 œuvres d’animation agréées au C2I ont généré près de 190M€ de dépenses en France ; c’est deux fois plus qu’en 2019. Dans le contexte du plan d’investissement national France 2030 et de l’appel à projet La grande fabrique de l’image (sous la supervision du CNC), le soutien envers la filière devrait se consolider. L’objectif est d’abord de soutenir de manière durable les projets portés par des acteurs majeurs comme Illumination MacGuff (Moi Moche et Méchant, les Minions, SuperMario Bros), Xilam (Oggy et les cafards, J’ai perdu mon corps), Blue Spirit (Ma vie de Courgette, Blue Eye Samurai) ou Mikros Images (Bob L’éponge, Pat’Patrouille, Asterix) ; tout en favorisant le développement de studios créatifs en croissance, comme MIAM ! (Edmond et Lucy) et Fortiche (Arcane, Rocket & Groot).  

UNE « FRENCH TOUCH » DÉSIRÉE

La France est reconnue pour son cinéma d’auteur, et cela s’applique également à l’animation. Les créateurs français ont souvent la liberté artistique nécessaire pour développer des projets originaux et innovants, contribuant ainsi à l’émergence de films d’animation uniques. Chez son voisin outre-atlantique, il est d’usage de constituer des pools d’auteurs et de réaliser une multitude d’études de marché afin de déceler le plus précisément possible les attentes du public, dans une logique de rentabilité et de minimisation des risques. En France, le modèle est beaucoup plus léger, la vision de « l’auteur » demeure au coeur des processus de création : d’une certaine façon, chaque œuvre est un prototype. La diversité de techniques utilisées, des influences et des scénarios déployés ont façonné ce style d’animation unique, une « french touch » reconnue mondialement pour son exigence, sa qualité, son design et sa sensibilité. Les oeuvres sont si éclectiques qu’elles parviennent à capter les publics du monde entier : en 2023, nos salles obscures ont accueilli l’ambitieux polar de SF Mars Express, le somptueux conte onirique Sirocco ou encore la comédie haut en couleur Linda veut du poulet ! Ces films, bien que très différents, ont pour facteur commun leur succès, critique comme commercial. 

Leur carrière est boostée par l’international avec souvent la moitié du chiffre d’affaires réalisé à l’étranger, à l’instar du film français Le Petit Prince (2015) qui a enregistré 18 millions d’entrées sur 65 territoires. Pour Marc du Pontavice, PDG des studios Xilam, la réussite de l’exportation française s’explique par la qualité unique de l’animation : « Les Européens et particulièrement les Français ont appris le métier dans un creuset d’influences très variées et ont créé leur propre identité graphique qui du coup s’exporte très bien. Elle est très universelle, moins américano-centrée ou japono-centrée que nos concurrents. » La FRanime s’exporte si bien à l’international que certains auteurs français se retrouvent propulsés aux manettes de superproductions françaises d’initiative étrangères, à l’instar de Benjamin Renner (Ernest et Célestine, Le Grand Méchant Renard), réalisateur sur Migration (Universal, Illumination). 

DES COLLABORATIONS INTERNATIONALES

La France a su établir des collaborations fructueuses avec des studios étrangers, européens, américains et japonais. En 2022, 7 films d’animation sur 10 étaient des coproductions internationales. Les producteurs se tournent vers leurs voisins européens et internationaux pour trouver des fonds et veiller à l’adéquation entre le produit final et les publics internationaux. Selon le CNC, entre 2012 et 2021, le financement international représentait 25% du financement global des films d’animation d’initiative française. Aujourd’hui, le taux approche les 30%. La production d’animation française se veut donc par principe international, avec 80% à 90% de coproductions européennes.

Notons le rôle croissant des plateformes dans la production française. Les quelque 120 studios d’animations français collaborent de plus en plus régulièrement avec les plateformes de streaming : en 2020, Xilam réalisait plus de 50% de son chiffre d’affaires avec Netflix et Disney+.  « Il y a 5 ans, l’essentiel de notre chiffre d’affaires provenait des chaînes françaises et des réseaux de chaînes étrangères » relève Marc du Pontavice. Ces plateformes ont tendance à privilégier l’animation destinée à un public adulte, là où les chaînes de télévision publiques et européennes se focalisent davantage sur l’animation pour enfants. Cependant, l’animation pour adulte progresse partout, chaînes comme plateformes sont conscientes des vastes poches de marché sur ce segment. Les récentes séries Netflix à succès Arcane et Blue Eye Samurai en sont les parfaits exemples. Arcane, produite par le jeune studio français Fortiche, est l’une des séries animées les plus chères de l’histoire, avec un budget avoisinant les 80M$, soit dix fois le budget d’une série d’animation classique. Blue Eye Samurai, produite par Blue Spirit, a été renouvelée par Netflix moins d’une semaine après sa sortie, preuve de son incontestable succès. Ce type de séries, largement saluées par la critique pour la singularité et la beauté de leurs graphismes, a le vent en poupe sur les plateformes.

PERSPECTIVES DE MARCHÉ

Ainsi, la haute qualité d’animation demeure l’avantage concurrentiel principal de la FRanime, c’est un atout stratégique puissant mais fragile, challengé par de multiples enjeux. Pensons notamment aux avancées technologiques majeures que connait ce secteur actuellement, particulièrement sur le terrain de l’intelligence artificielle : Jeffrey Katzenberg, le co-fondateur de DreamWorks, estime que 90 % des artistes pourraient être remplacés par l’IA dans les années à venir. Les besoins en main d’oeuvre pourraient structurellement diminuer, créant davantage de compétition entre les animateurs…

Benjamin Attia

SOURCES

Sébastien Denis, « De Toy Story à J’ai perdu mon corps : III. L’animation industrielle et ses alternatives, NECTART, 17, 84-93

« Le marché de l’animation en 2022 », CNC, 13/06/2023

Jérôme Lachasse, « Pourquoi le cinéma d’animation français est le plus envié au monde », BFM, 16/06/2023

« Cinéma d’animation : les écoles françaises s’imposent à l’international », CNC, 01/09/2022

« Le cinéma d’animation français brille dans les salles obscures du monde entier », Gouvernement, 16/01/2024

Maxime Delcourt, « Le cinéma d’animation, grand fleuron de la France à l’étranger », Slate FR, 21/08/2023

Jérôme Lachasse, « Pourquoi l’animation pour adultes est si difficile à produire », BFM, 17/06/2023

Miotisoa Randrianarisoa & J. Paiano, « 90 % des artistes des studios de films d’animation risqueraient d’être remplacés par l’IA », 11/01/2024. 

Le Fake Out Of Home, la nouvelle tendance marketing ?

Le Fake Digital Out of Home est une nouvelle tendance de street marketing avec la particularité… de ne pas vraiment exister. Il s’agit d’incruster un objet 3D animé et photoréaliste dans le monde réel et qui va interagir avec ce monde. Les contenus FOOH sont générés dans l’objectif de repousser les limites du réel et de créer des campagnes ultra réalistes et immersives. Une tendance qui connaît un réel essor et  profite des formats “snack” que ce soit sur TikTok, Instagram, Facebook ou encore Youtube.

Le Faux fait le Vrai buzz

L’un des premier Fake Out of Home a été imaginé par le vidéaste Ian Padgham pour la promotion des produits Maybellin. Il s’agit un métro londoniens parés de cils géants puis maquillés par une brosse de mascara « Sky High » grandeur nature de la marque de cosmétique.

Il ne s’est pas arrêté là et a notamment imaginé une campagne publicitaire pour Jacquemus mettant en scène le fameux sac de la marque Bambino. Le 5 avril, la marque a publié une vidéo sur laquelle plusieurs sacs ont été transformés en bus hybrides qui circulent dans les rues de la capitale française.

Le 6 septembre, c’est au tour de l’Oréal de dévoiler sa nouvelle campagne : un rouge à lèvre géant sur le dos d’une 2CV sillonne Paris et laisse une jolie trace rouge sur sa route vers l’opéra Garnier. Réalisée en animation 3D, la vidéo est rapidement devenue virale, générant plus de 11,2 millions de vues sur Instagram et plus de 4,9 millions de vues sur TikTok.

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Une tendance qui séduit tous les secteurs

Le FOOH ne s’arrête pas aux univers des cosmétiques et de la mode. Pour la sortie du film Napoléon, c’est Sony et l’agence de Busterwood qui en ont fait l’usage avec une mise en scène spectaculaire en déroulant une affiche XXL du film sur l’Arc de Triomphe.

La volonté du Distributeur Sony Pictures était de propager la campagne sur des emblèmes iconiques de la France et de Napoléon. Édifié sous l’impulsion de l’empereur et de renommée internationale, l’Arc de Triomphe s’imposait comme une évidence pour ce film” a déclaré Sébastien Wullems, le managing director de Busterwood.

@sonypictures.fr

Napoléon s’empare de l’Arc de Triomphe ! ⚔️ Découvrez Napoléon, le film événement de Ridley Scott avec Joaquin Phoenix, le 22 novembre au cinéma. #NapoléonLeFilm

♬ son original – Sony Pictures France

Du côté des annonceurs, La Philharmonie a été le pionnier au Luxembourg en novembre dernier en mettant en avant ses « Music Box » grâce au Studio Polenta et à FOREAL. La vidéo présente d’imposantes boîtes cadeaux chutant en cascade, telles des dominos, sur le parvis de la Philharmonie.

Ces derniers mois, les exemples de FOOH se sont multipliés. Ainsi pour livre show 2023, ETAM a ressuscité en vidéo le mythique club Le Palace ; Xiamo a mis en scène ses galeries photos sur un arrêt de bus et Playstation a dévoilé sur son Instagram une transformation ambitieuse de la Tour Montparnasse prenant l’apparence d’une console géante.

Des campagnes qui rebattent les cartes

Cette nouvelle tendance vient bousculer les codes du street marketing à l’heure où les expériences en ligne se multiplient. L’engouement autour des FOOH s’explique par l’interaction qu’ils génèrent. L’essence même de ces campagnes réside dans leur capacité à semer le doute, incitant les spectateurs à interagir activement avec le contenu sur les réseaux sociaux. La création d’un lien émotionnel avec le public séduit tant les internautes que les algorithmes des réseaux sociaux favorisent naturellement ces contenus.

Aussi, le FOOH présente une série d’avantages sur les plans logistiques et économiques. Il n’implique pas les coûts liés à la location d’emplacements physiques, à la gestion de la production ou aux permis de construction. Les créateurs de ces publicités fonctionnent selon les mêmes règles que les photographes et vidéographes en ce qui concerne les autorisations et les droits d’utilisation.

L’avenir de la publicité ?

Mode passagère ou tendance pérenne ? La publicité FOOH offre des opportunités illimitées, allant des voyages virtuels aux démos interactives. Cette fusion de réalité et d’imagination permet aux marques de se connecter de manière innovante avec leur public. Les FOOH repensent intégralement la manière dont les marques communiquent car cela oblige à penser avec un storytelling omniprésent et non un focus produit.

Cependant, si grâce aux FOOH les marques sont libres d’imaginer des expériences publicitaires uniques et mémorables, cette tendance soulève aussi des inquiétudes. Certains FOOH suscitent des interrogations éthiques, notamment en ce qui concerne l’ambiguïté entre la réalité et la fiction. Ces publicités virtuelles peuvent tromper les consommateurs en les induisant en erreur visuellement. Une préoccupation d’autant plus légitime dans un contexte où les fake news et la désinformation sont devenues monnaie courante.

Il est encore trop tôt pour savoir si cette pratique est vouée à se banaliser mais s’il ne remplace pas les méthodes existantes, le Fake Out Of Home semble être un complément des plus efficaces aux formes traditionnelles de marketing.

De Rozaven Inès

Alain Chabat : Un Maître de l’Adaptation dans l’Écosystème Audiovisuel Français

Photo Credit : Pascal Le Segretain/Getty Images Entertainment

Au sein de l’écosystème audiovisuel français, un nom se détache par son talent polyvalent et sa capacité à évoluer avec les tendances médiatiques : Alain Chabat. Né en Algérie et élevé en France métropolitaine, sa passion précoce pour les bandes dessinées, le cinéma et la comédie a pavé la voie d’une carrière remarquable. À l’âge de 22 ans, il fait ses débuts sur les ondes de RMC, une rencontre qui marquera un tournant décisif avec Pierre Lescure. Ensemble, ils tracent le chemin vers Canal+, où Chabat façonne les hilarants sketches des Nuls, en compagnie de Chantal Lauby, Bruno Carette et Dominique Farrugia.

La Cité de la Peur : Une Marque Indélébile

Les Nuls conquièrent le petit écran et se lancent dans l’écriture de leur première œuvre cinématographique : La Cité de la Peur. Cette comédie, devenue une référence incontournable de l’humour français, séduit par son ton décalé, son casting de talent et ses nombreuses références culturelles. Tant et si bien qu’à l’occasion du 25e anniversaire du film, une pétition signée par 37 000 personnes appelle Alain Chabat et Gérard Darmon à réenchanter la scène culte de la Carioca », lors du Festival de Cannes.

La Magie de la Réalisation…

La transition vers la réalisation marque un nouveau sommet dans la carrière d’Alain Chabat. Didier, où il brille dans le rôle-titre, lui vaut un César de la meilleure première œuvre, confirmant son génie comique. Puis, il signe le mémorable Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, élevant la comédie à un niveau inédit, inscrivant le film dans l’histoire cinématographique pour plusieurs générations. Récemment ressorti au cinéma, il cumule aujourd’hui près de 25 millions d’entrées à travers le monde. Chabat y dévoile son aptitude à diriger une production d’envergure, s’affirmant brillamment derrière la caméra.

Acteur, réalisateur… et producteur

En parallèle de ses succès en tant qu’acteur et réalisateur, Alain Chabat se lance dans la production, quelques mois après le triomphe de La Cité de la Peur. La création de sa propre société, Chez Wam, marque un virage majeur dans sa trajectoire professionnelle. En tant que producteur, Chabat soutient les jeunes talents et les projets novateurs, offrant une vitrine aux voix créatives encore méconnues du grand public. Chez Wam se distingue par la diversité des projets et la pluralité des genres, témoignant de l’éclectisme artistique d’Alain Chabat. Parmi la quinzaine de films produits se trouvent aussi bien Prête-moi ta Main, une comédie légère, que Un Monde à Nous, un film plus audacieux et engagé, et même un documentaire et des programmes pour la télévision.

Pas toujours si magique…

Alors que tout ne fut pas toujours une réussite, Chabat a su rebondir après des revers. Le film RRRrrrr!!!!, bien que critiqué par certains médias, a attiré pas moins de 1,7 million de spectateurs, un chiffre qui ferait bien envie aujourd’hui…

Une tentative à l’international

Toujours en quête de nouvelles aventures, Alain Chabat a exploré le marché américain en partageant l’affiche avec Ben Stiller et Amy Adams dans La Nuit au Musée 2, sorti en 2009. Cette incursion internationale souligne sa volonté d’élargir les horizons artistiques et d’enrichir sa palette d’expériences.

Vers de Nouveaux Horizons : L’Animation et Bien Plus Encore

Mais Alain Chabat ne s’arrête pas là. Il prête sa voix à l’emblématique Shrek, ajoutant sa touche d’humour et de profondeur à ce personnage chéri du grand écran. Plus récemment, il incarne René Goscinny dans le film d’animation Le Petit Nicolas : Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?

Toujours présent sur le petit écran, il anime et produit le jeu télévisé comique Burger Quizz, vingt ans après son lancement initial. Toujours en quête de défis, il a initié l’année précédente son propre late-show sur TF1, démontrant ainsi sa parfaite compréhension des médias contemporains.

En s’engageant également sur la plateforme Twitch pour l’événement caritatif Z Event, avec l’émission Questions pour un streamer, Alain Chabat témoigne de sa volonté de se renouveler et de toucher un public toujours plus vaste. 

Dernière actualité : la réalisation de la première série animée Netflix basée sur la célèbre bande dessinée « Astérix ».

À travers cette épopée médiatique, de la radio au streaming, Alain Chabat éclipse par sa capacité à s’adapter dans un univers en constante mutation. Toujours prêt à se réinventer, il a su conquérir de nouveaux publics, faisant de lui un maître incontesté de l’adaptation dans le monde des médias français.

Jeanne Bouvard

Anne-Lise Magnien

Mélina Magne


Sources 

Ferrari P. (2022) ZEvent 2022 : Alain Chabat, mix technos, dessins sur Paint… Retour sur une édition bienveillante, www.20minutes.fr/. 20 Minutes. Disponible sur : https://www.20minutes.fr/arts-stars/web/3348791-20220912-alain-chabat-mix-technos-dessins-paint-retour-z-event-2022-tout-bienveillance-edition-loin-flop-craignaient-certains (Dernier accès : 1 octobre 22023)

Lecoutere A. (2022) Le Late avec Alain Chabat : votre nouveau rendez-vous sur TF1, https://tf1-et-vous.tf1.fr/. TF1 et Vous. Disponible sur : https://tf1-et-vous.tf1.fr/tf1-vous-donne-rendez-vous-avec-le-late-avec-alain-chabat (Dernier accès : 1 octobre 22023)

Rezo A. (2010) Alain Chabat – Interview, www.artistikrezo.com. Artistik Rezo. Disponible sur  : https://www.artistikrezo.com/cinema/alain-chabat-interview.html (Dernier accès : 30 septembre 2023)

Tuil J. (2021) Alain Chabat renoue avec l’emblématique Astérix dans une série animée Netflix totalement inédite, https://about.netflix.com/fr/newsroom. About Netflix. Disponible sur :  https://about.netflix.com/fr/news/asterix-the-gaul-to-star-in-netflix-animated-series (Dernier accès : 1 octobre 22023)

(2023) Alain Chabat, https://www.wikiwand.com/. Wikiwand. Disponible sur : https://www.wikiwand.com/fr/Burger_Quiz (Dernier accès : 30 septembre 2023)

(2023) Alain Chabat, https://fr.wikipedia.org. Wikipedia. Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Chabat (Dernier accès : 1 octobre 22023)

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