Fake news sur la guerre en Ukraine : les réseaux sociaux sont-ils plus trompeurs que les médias traditionnels?

Vous avez peut-être déjà vu des passages des émissions télé dans lesquels les réseaux sociaux sont présentés comme les principaux responsables de la propagation des fake news et dans une période dans laquelle de plus en plus de monde, notamment les jeunes, s’informe en ligne et sur les réseaux sociaux il est pertinent de se demander si les réseaux sont plus trompeurs que les médias traditionnels et en particulier la télévision, en se penchant sur un événement qui nous impacte tous depuis plus d’un an maintenant : la guerre en Ukraine.

Historiquement, les chaînes d’information avaient la priorité lorsqu’un événement important se passait, maintenant avec l’émergence des réseaux sociaux un événement qui se passe même très loin de nos frontières peut vite devenir viral et faire le tour du monde. Dans ce contexte, les chaînes d’information perdent leur avantage historique dans ce jeu de concurrence avec les réseaux sociaux, la plupart des événements n’arrivant plus à la télévision en premier, mais sur les réseaux sociaux. 

Étant donné que les chaînes d’information doivent faire preuve d’une réelle réactivité afin de tenir le cap face aux réseaux sociaux et qu’elles ont besoin de contenu en continu, il arrive parfois que les chaînes d’information n’aient pas le temps nécessaire de vérifier la véracité de toutes les informations qu’elles relaient. 

Quant aux réseaux sociaux, cet attribut qui leur permet de connecter facilement le monde est à double tranchant. D’un côté, l’information peut venir de sources diverses et arriver rapidement aux quatre coins du monde. D’un autre côté, ces mêmes sources sont souvent difficilement vérifiables et une fois l’information lancée il est compliqué d’arrêter sa propagation et donc favoriser un environnement propice à l’apparition des fake news. 

En février 2022, Ursula von der Leyen annonce l’interdiction des médias d’État russes au sein de l’Union Européenne : la chaîne de télévision Russia Today et le journal Sputnik lors de l’annonce des sanctions contre la Russie. Dans une publication sur Twitter, Ursula von der Leyen affirme : «[Ils] ne pourront plus diffuser leurs mensonges pour justifier la guerre de Poutine. Nous développons donc des outils pour interdire leur désinformation toxique et nuisible en Europe». La guerre en Ukraine se joue non seulement sur les théâtre de combat, mais dans l’information également.

Les héros de l’île des Serpents

 Une vidéo a fait le tour des réseaux au début de la guerre. Il s’agit d’une vidéo initialement diffusée par le conseiller du ministre de l’intérieur ukrainien sur son compte Telegram et reprise par plusieurs médias en ligne (comme Ukrayinska Pravda). La vidéo montre les échanges entre les soldats russes et les gardes-côtes ukrainiens sur l’île des Serpents et une célèbre phrase est restée dans la mémoire collective : «Navire militaire russe, allez vous faire fou***»  . Volodymyr Zelensky avait déclaré : «Sur notre île de Zmiinyi, en la défendant jusqu’au bout, tous les gardes-frontières sont morts héroïquement. Mais ils n’ont pas renoncé. Ils recevront tous, à titre posthume, le titre de Héros de l’Ukraine. Que la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour l’Ukraine vive à jamais». La vidéo a été reprise également dans les médias français sur des chaînes d’information comme LCI et  BFMTV ou encore le journal Le Point sur son compte Twitter. 

Quelques jours plus tard, les forces armées ukrainiennes reviennent sur cette information  dans une publication Facebook déclarant que les soldats ukrainiens sont en vie et capturés par les soldats russes. Les chaînes de télévision françaises ont également clarifié la situation par la suite.

LCI et BFM ne sont pas les seules chaînes qui relaient des informations sans toujours vérifier leur provenance et leur véracité. En effet, CNEWS, a publié le 28 avril 2023 un article en ligne «VLADIMIR POUTINE : LE PRÉSIDENT RUSSE A-T-IL ÉCHAPPÉ À UN ATTENTAT AU DRONE KAMIKAZE ? » sans que Moscou ou Kiev confirment cette affirmation. Il s’agit donc d’un exemple de clickbait car en lisant le contenu de l’article est loin de démontrer un tel événement. 

Les réseaux sociaux sont eux aussi loin d’être innocents dans la propagation des fake news et la Russie semble bien maîtriser la technique de l’astroturfing en utilisant le partage massif par des faux comptes des informations propagée soit par les officiels russes (des membres du gouvernement ou des institutions russes) soit directement par des comptes dont l’identité est difficilement vérifiable ou à travers les commentaires des diverses publications.

Depuis la création de Twitter Bleu, des faux comptes peuvent maintenant obtenir le badge bleu qui fait gagner la crédibilité du compte le détenant, en payant un abonnement mensuel. Twitter Bleu pose un problème dans la propagation des fake news car certains médias traditionnels ou des journalistes indépendants perdent leur badge en refusant de payer l’abonnement alors que d’autres comptes Twitter risquent de sembler plus véridiques aux yeux des utilisateurs.

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est l’organisme chargé de veiller sur le phénomène des fake news en France. Si pour les chaînes de télévision ce contrôle peut être plus facile étant donné le rôle historique de la CSA et le fait que chaque téléspectateur peut dénoncer des passages problématiques vus à l’antenne, sur les réseaux sociaux il est plus compliqué pour le régulateur d’intervenir directement. Chaque année l’Arcom publie les déclarations des opérateurs de plateformes (Meta, Twitter, Google, etc.) en ligne sur les moyens de lutte contre la manipulation de l’information.

Une des mesures prises par Twitter pour lutter contre les fake news est le lancement de Twitter Birdwatch, un outil qui permet aux utilisateurs d’identifier des publications qu’ils estiment trompeuses et d’écrire des notes qui fournissent un contexte informatif. 

Néanmoins, sur les réseaux sociaux le nombre quotidien de publications reste trop élevé comparé aux moyens de régulation et des fake news passent toujours à travers les mailles du filet.

Bien évidemment, en France il n’y a pas de chaîne de télévision avec un discours pro russe et donc les fake news que l’on trouve dans les médias traditionnels ont peut-être moins d’impact sur l’avis général de  la population concernant la guerre que les publications sur les réseaux où tout le monde est libre de partager ses idées, mais on peut remarquer que tous les fake news sur les réseaux sociaux ne viennent pas de faux comptes et parfois les chaînes de télévision ou les journaux sont à l’origine de celles-ci.

Et en Russie?

Malheureusement les médias indépendants sont rares voire inexistants en Russie, la quasi-totalité des médias étant des médias d’État qui sont contrôlés par le Kremlin. 

Depuis le début de la guerre, les journalistes des médias indépendants ont pour la plupart dû quitter le pays étant considérés comme des “agents étrangers”. En ce qui concerne les médias d’État, afin de maintenir l’opinion et le soutien de la population la guerre est présenté comme une opération de dénazification de l’Ukraine, souvent faisant référence à la Seconde Guerre mondiale (la “Grande Guerre Patriotique » en russe), guerre qui est resté comme une fierté nationale dans la mémoire collective russe. C’est dans ce contexte que les réseaux sociaux deviennent une autre source d’information notamment pour les jeunes génération, car c’est seulement sur les réseaux sociaux qu’ils peuvent avoir un autre discours que celui propagé dans les médias d’État russes, d’où la décision de la Russie d’interdire Facebook et Instagram. 

ARTE Tracks a produit une série des mini-documentaires sur les fake news dans les médias d’État russes.

Pour conclure, il est difficile de dire si les réseaux sociaux sont plus dangereux que les médias traditionnels et parfois il faut bien prendre en compte le contexte différent d’un pays à l’autre. Il est certes important de se rendre compte que les fakes news existent et sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels et le plus important c’est de vérifier chaque information avant de la partager afin d’éviter un effet de chambre d’écho. Finalement, peut-être qu’avec le discours généralisé qui pointe du doigt les réseaux sociaux on fait encore plus attention lorsque l’on s’informe sur ceux-ci et on risque de considérer l’information des médias traditionnels comme véridique et c’est probablement dans ce rapport de confiance que l’on peut être encore plus facilement victimes des fake news.

Sebastian Udriste

Bibliographie :

Donada, E. , de la Roche Saint-André, E. (le 25 février 2022). «Allez vous faire foutre !»: que sait-on des dernières paroles de soldats ukrainiens devenus héros en défendant l’île des Serpents?. Libération (réf le 28 février 2022) :

https://www.liberation.fr/checknews/allez-vous-faire-foutre-que-sait-on-des-dernieres-paroles-de-soldats-ukrainiens-devenus-heros-en-defendant-lile-aux-serpents-20220225_6I3QUB7QMBGX7C3KMRQRAGIGWA/

La rédaction de TF1info ( le 28 février 2022). Ukraine : déclarés morts, les 13 soldats de l’île des Serpents sont en réalité aux mains des Russes. TF1 info :

https://www.tf1info.fr/international/guerre-en-ukraine-declares-morts-les-13-soldats-de-l-ile-des-serpents-sont-en-realite-aux-mains-des-russes-2212148.html

CNEWS (le 28 avril 2023). VLADIMIR POUTINE : LE PRÉSIDENT RUSSE A-T-IL ÉCHAPPÉ À UN ATTENTAT AU DRONE KAMIKAZE ?. CNEWS :

https://www.cnews.fr/monde/2023-04-28/vladimir-poutine-le-president-russe-t-il-echappe-un-attentat-au-drone-kamikaze

La rédaction numérique de France Inter (le 16 mars 2022). Comptes complotistes, fake news, propagande : plongée dans les tweets de l’ambassade russe en France. France Inter :

https://www.radiofrance.fr/franceinter/comptes-complotistes-fake-news-propagande-plongee-dans-les-tweets-de-l-ambassade-russe-en-france-2267509

Arcom. Questionnaire 2021 aux opérateurs de plateformes en ligne soumis au titre III de la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information – Twitter :

https://www.arcom.fr/sites/default/files/2022-07/D%C3%A9claration%20Twitter%20-%20%20Lutte%20contre%20la%20manipulation%20de%20l%27information%202022.pdf

Masha Borzunova, Kobalt Productions (2022). Fake News. ARTE Tracks :

https://www.arte.tv/fr/videos/109809-001-A/fake-news/

Maxime Audinet (le 16 février 2023). Un an après l’invasion de l’Ukraine : que deviennent RT et Sputnik ?. La revue des médias, INA:

https://larevuedesmedias.ina.fr/guerre-information-russie-ukraine-medias-influence-rt-sputnik-afrique-nouveau-rideau-de-fer

Evangelical Church And Celebrity Culture Are A Match Made In Heaven

Ex- Hillsong preacher Carl Lentz is on the verge of hitting 600K followers on Instagram. He and other pastors such as Chad Veach (Zoe Church in Los Angeles), Judah Smith (Churchome in Seattle) or Rich Wilkerson Jr. (Vous Church in Miami) are used to sharing the gospel on social media. They also appear in paparazzi photos, surrounding themselves with the likes of Justin Bieber and Kanye West all the while living lavish lifestyles.

Reverend Billy Graham speaks to the crowds – Tallahassee, Florida (1943)

This trend of inspiring supporters through communication technology has been around since seventeenth-century England, and famous evangelists like Billy Graham has used secular media as a tool for their ministry. In 1989, he began a series of Crusades via satellite extending his preaching to live audiences in more than 185 countries and territories.

Although incorporating celebrity culture in religion is not new, the social media exposure of spiritual leaders is slowly closing the gap between celebrity pastor and regular celebrity.

What don’t you like about church ?

Evangelical Protestants are the largest religious group in the U.S. and are accounting for 25.4% of the population in 2023. Nonetheless, this proportion has been in decline for a long time since grapes of American adults are starting to describe themselves as atheist, agnostic, or nothing in particular.

Megachurches (i.e., Protestant congregation having 2 000 or more people in average weekend attendance) have been trying to offer something different from traditional evangelicalism. Pioneering pastor Rober H. Schuller and his disciple Bill Hybels popularized the idea that churches should heavily focus on reaching seekers, the ones who distanced themselves from God but are still seeking for meaning in their lives. He believed that leaders could use marketing strategies to find out what they didn’t like about church and tailor its service according to their answers.

 The Australian Hillsong congregation has churches in 30 countries and an average global attendance of 150 000 believers weekly. As a seeker sensitive church, Hillsong tries reaching out to the unsaved person by making the church experience more inviting, comfortable and entertaining. Hillsong managed to curate a brand image promoting a more progressive form of Christianity involving theatrics and musical skits, fashion.

Indeed, megachurches offices are using technology and celebrities guests appearance to offer a high end religious experience to the audience. The goal is to create an emotionally highly charged atmosphere designed to foster the worshipper’s connection to God. As soon as you walk into the venue, you are blinded by the lights and cannot help but notice the massive LED screens along with the multiple cameras. 

According to Kelly Bollman who has been involved on the volunteer creative team of Hillsong New York, Hillsong “off-platform” identity is has important has the “on-platform” one. The off-platform identity is curated on social media and in the persona of media-trained pastors that transcend what it means to be Christian.

Relatables narratives of Christianity

Hillsong offers a message even seekers can digest by preaching what is relevant to daily life : dating, confidence, grief and so on. Since relatability appeals to younger worshipers, pastors passionately share the ups and downs of their spiritual journey. Vox explained how evangelical church was turning into “a gathering place for the cool kids, the kids who might have had too much to drink the night before but know they’re welcome no matter what on Sunday morning”. Pastors are using the language and rhetoric of the social media-savvy Millennials and Generation Z. Services available for streaming on Hillsong’s Website display titles such as “Relevance: Hole-y Jeans or Holy Life?”.

Megachurches are also adding a dose of prosperity gospel theology to their narrative, teaching the mass that God will reward believers with material benefit and success for their faithfulness. Evangelical celebrities feed this belief with their posts showcasing lavish luxury lifestyle and A-list friends. Moreover, megachurches often cultivate the image of culturally, diverse and young communities.

Media-friendly pastors

Megachurches are producing a new generation of Celebrities for Jesus, a term coined by Katelyn Beaty in her book Celebrities for Jesus: How Personas, Platforms, and Profits Are Hurting the Church. She explores the way celebrity culture has shaped the American Church. She distinguishes fame, the attention arising from an act of virtue from celebrity that relies on the tool of mass media to project an image of ourselves. Celebrity pastors are key opinion leaders and are using different tactics to make themselves appealing to their followers.

Pastors cautiously curate their Instagram feeds with selfies, inspirational messages of self-care , promotional posts urging their followers to buy their books or the latest footage of the Sunday service. About the latter, behind-the-scenes of the worships provide leaders with an aura of importance. Ferris and Harris explain that the asymmetry of knowledge between pastors and audience is a common indicator of religious celebrity. Pastor rarely interacts off-stage with the congregation but knows that his physical absence is more than  compensated by his media presence. A media-trained spiritual leader carefully balances between privacy and publicity while shaping his persona as a celebrity.

Youth Pastor Matt Davis on stage (2020)

However, scandals can still occur, as seen in the case of Carl Lentz, the former lead pastor at Hillsong Church in New York City, who was dismissed in 2020 a moral failure. He was caught having an extramarital affair and held accountable for not upholding the values he so convincingly preached.

Rich in faith and dollars

The line between pastors and their fellow celebrities starts to be blurred when the spiritual leaders engage in a transactional relationship with their followers.

Megachurches often expose their communities to paid services, and lead pastors can make significant profits from book sales and merchandising. Both online followers and Sunday attendees serve as potential customers.

 Pastor Rich Wilkerson Jr. achieved a new level of stardom when he starred in his own TV show Rich in Faith along with his wife DawnCheré Wilkerson, also a lead pastor. The Christian couple  have their own Youtube Channel called  Official Rich & DC. Thanks to their content creation activity, their net work oscillates between 1$ to 4$ million dollars as of 2023.

Beliebers turned Believers : when celebrity become religious brand ambassadors

Selena Gomez, Kendall Jenner or Chris Pratt have been vocal about their faith online. However, Justin Bieber and Hillsong have taken their spiritual partnership to a new level.   Back in 2014, the singer was a PR disaster, regularly making headlines wherever he was illegally importing a pet monkey or spending a night in jail for underage drag racing.

Mugshot of Justin Bieber taken by Miami Beach Police – Miami, Florida (2014)

At his lowest, he got baptized in an NBA player’s bathtub by none other than Pastor Lentz. Since then, his relationship with Hillsong is an essential part of his social media brand. On Instagram, Bieber is a vocal Christian and more importantly a vocal Hillsong supporter, appearing at Hillsong events alongside Lentz and speaking in tongues on his posts.

Justin Bieber posting about Easter on Instagram (2018)

In 2017, he even posted an Instagram Live of him praising God to a heartfelt piano melody. Bieber was performing a song written by the Christian rock band Hillsong United followed by 2.5 million souls on Instagram. Hillsong is known for its focus on Christian pop songs that are not solemn hymns, still in a move to attract seekers. This led them to produce millions of dollars’ worth of albums and singles, all available on regular music streaming services. 

Bieber is a perfect representative for Hillsong as he provides media attention for the megachurch, while benefiting from their redemption narrative.

Also, Bieber is Christian, but not too Christian. His Christianity is seen through the lyrics of some of his songs but is tamed so that non-believers are under the impression they are listening to a conventional love song. His fans love it and so does the church, benefiting from the pop stars’ following, the Beliebers.

A fairly conservative theology

Credits : rawpixel.com

Various articles criticize how Hillsong’s curated forward-thinking and youthful brand clashes with its underlying conservative evangelical theology. One issue is that the church leaders do not endorse homosexual lifestyles, as noted in a 2015 blog post by Hillsong’s founder, Brian Houston.

Moreover, only 3% of evangelical churches in America have a female lead pastor, according to the latest National Congregations Study from Duke University. Even when women are co-pastors, their male partners are still seen as the primary preachers.

As a result, they successfully invest in social media for self-expression purposes. Like their male counterparts, they are white, charismatic and good-looking individual. Holly Furtick married to Steven Furtick, lead pastor of Elevation Church has half a million followers on Instagram, runs an online book club and hosts a Youtube Channel with 78 000 subscribers. She also has a website showcasing her favorite recipe and a shop where customers can buy worship merchandise. While evangelical digital culture offers female leaders a space of influence, this authority is not transgressive enough to challenge the patriarchal structure within churches. Female microcelebrities serve as visual examples of a good Christian woman devoted to marriage and motherhood, but they don’t fundamentally challenge traditional gender roles.

It is evident that megachurches are conflicted  between modernity and traditionalism. Their seeker sensitive model is consumer oriented, catering to fill the desire with the bored unchurched. Megachurches design an entertaining and immersive religious experience in which pastors and celebs play a pivotal role. Religious content creators are appealing to the believers and non-believers because they are inspiring and trendy. But for Christian celebrities, social media are not the place of Biblical transgression but rather a showcase of the ideal concept of the Christian Life. And they sometimes struggle to live up to that.

Linda Ndiaye


References

Becker, C., & Becker, C. (2021, 15 juillet). Jésus, un influenceur avant l’heure. Aleteia. https://fr.aleteia.org/2021/07/15/jesus-un-influenceur-avant-lheure/

Biography – Billy Graham Memorial. (2023, 15 février). Billy Graham Memorial. https://memorial.billygraham.org/biography/

Burton, T. I. (2018, 1 octobre). Justin Bieber, Hillsong Church, and the celebrity redemption narrative. Vox. https://www.vox.com/identities/2018/10/1/17596502/justin-bieber-hillsong-carl-lentz-married

Frishberg, H. (2022, 29 décembre). Inside disgraced, disheveled ex-Hillsong pastor Carl Lentz’s downgraded house. New York Post. https://nypost.com/2022/03/09/pics-emerge-of-disgraced-disheveled-ex-hillsong-pastor-carl-lentzs-house/

Gaddini, K., & Gaddini, K. (2022). The Rise and Fall of Evangelical Influencers | Religion & Politics. Religion & Politics. https://religionandpolitics.org/2022/03/15/the-rise-and-fall-of-evangelical-influencers/

GotQuestions.org. (2022, 4 janvier). GotQuestions.org. https://www.gotquestions.org/seeker-sensitive-church.html

Hillsong Church. (2022, 22 novembre). Fact Sheet – Hillsong. Hillsong. https://hillsong.com/fact-sheet/

Kidwell, J., & Borer, M. I. (2021). The Sanctuary of the Spectacle : Megachurches and the Production of Christian Celebrities and Consumers. Journal of Media and Religion, 20(2), 53‑64. https://doi.org/10.1080/15348423.2021.1925463

Nadeem, R. (2022, 13 septembre). Modeling the Future of Religion in America. Pew Research Center’s Religion & Public Life Project. https://www.pewresearch.org/religion/2022/09/13/modeling-the-future-of-religion-in-america/

Ostling, R. (2022). Is Celebrity Culture Eroding American Evangelicalism ? This Publishing Insider Says Yes. Religion Unplugged. https://religionunplugged.com/news/2022/9/13/is-celebrity-culture-eroding-american-evangelicalism-this-publishing-insider-says-yes

Religion in America : U.S. Religious Data, Demographics and Statistics | Pew Research Center. (2022, 13 juin). Pew Research Center’s Religion & Public Life Project. https://www.pewresearch.org/religion/religious-landscape-study/

Robert Schuller and The Seeker Sensitive Church. (s. d.). https://cicministry.org/commentary/issue56.htm

The Cult of Celebrity in the Church of Christ. (2023, 25 janvier). Acton Institute. https://www.acton.org/religion-liberty/volume-33-number-1/cult-celebrity-church-christ

Turner, L. (2019, 6 février). Chris Pratt, Justin Bieber, and the rise of the “cool” Christian celebrity. Vox. https://www.vox.com/culture/2019/2/6/18205355/church-chris-pratt-justin-bieber-zoe-hillsong

Williams, G. (2022, août 17). Katelyn Beaty Explores the Underbelly of Christian Celebrity Culture. Sojourners. https://sojo.net/articles/katelyn-beaty-explores-underbelly-christian-celebrity-culture

Russie/Ukraine : quand la guerre devient virtuelle

Désinformer. Semer le doute. Décontextualiser. Emouvoir. Propager la haine.

Telles sont les actions rendues possibles par l’intermédiaire des réseaux sociaux dans le cadre de l’invasion agressive menée par la Russie en Ukraine. Cette guerre ne se limite pas aux champs de bataille, mais se caractérise essentiellement par la manière dont elle est propagée et partagée en ligne.

@Source : BFM TV.

Les conflits armés précédents ont également connu l’implication des médias sociaux, mais l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie démontre quotidiennement comment les plateformes en ligne altèrent la manière dont la guerre est rapportée, vécue et comprise. Cela est en grande partie dû à la couverture Internet en constante augmentation et à l’utilisation croissante des réseaux sociaux, avec 79% des Ukrainiens utilisant Internet contre 88% des Russes selon les chiffres de Datareportal de 2023. À titre de comparaison, lorsque la Russie a envahi l’Ukraine en 2014, seulement 4 % des abonnés ukrainiens à la téléphonie mobile avaient accès à des réseaux 3G ou plus rapides, et pendant la guerre en Syrie en 2015, seuls 30 % de la population syrienne étaient en ligne (OECD, 2022). Cette dynamique a également mis en évidence l’ampleur de la menace de la désinformation, qui a toujours été utilisée comme une arme mais dont la portée et la pénétration potentielle ont été multipliées à l’aide des réseaux sociaux.

Un terrain de jeu étendu sur plusieurs canaux

Les réseaux sociaux servent d’outils de propagande via les contenus partagés sur les différentes plateformes et les interactions entre les nombreux utilisateurs. Des conversations sur Whatsapp et Telegram, des vidéos relayées sur Twitter, TikTok ou Instagram ou encore des posts sur VKontakte, le ‘Facebook local’ : tous les canaux de diffusion sont mobilisés, qu’il s’agisse des médias traditionnels, des réseaux sociaux, des sites web d’information, des blogs ou encore des messageries instantanées, dans le but de propager des discours, des images ou des vidéos destinés à influencer l’opinion publique ou à désinformer les citoyens.  

Bien que VKontakte soit la solution de réseau social préférée en Russie (comptant 73% de la part des utilisateurs russes), Instagram – appartenant à la même entreprise mère Meta – reste en tête, utilisé par environ 59% des utilisateurs de réseaux sociaux dans ce pays, soit près de 80 millions de personnes selon une estimation de FranceInfo, se basant sur les données de Statista.

Malgré cela, la Russie a récemment décidé de bloquer Instagram pour protester contre Meta. Ces sanctions à l’encontre du géant américain des réseaux sociaux font suite à la décision de Meta d’autoriser la publication de messages incitant à la violence à l’encontre des dirigeants et du personnel militaire russes dans certains pays, et cela uniquement dans le contexte de la guerre en Ukraine. Dans cette guerre de communication, Meta est devenue « la figure de l’Occident », perçue comme une menace par les autorités russes. Les utilisateurs russes doivent désormais se tourner vers les autres réseaux sociaux ou utiliser un réseau privé virtuel (VPN) pour contourner la censure imposée par les autorités. L’interdiction d’Instagram a d’ailleurs entraîné une hausse de la demande de VPN de plus de 2 000 %, selon TOP10VPN, une société de surveillance numérique. Cela confirme l’importance cruciale des réseaux sociaux dans cette guerre de désinformation où tous les canaux de diffusion sont utilisés pour influencer l’opinion publique.

@Photographie : Chesnot/Getty

« C’est gagné quand le doute est installé »

Les récits de désinformation russes reposent fréquemment sur des demi-vérités et des « whataboutisms » – tentatives de répondre à un problème en le comparant à un autre problème qui n’a rien à voir avec le problème initial-, ou sont simplement faux, obscurcissant ainsi les faits. Ainsi, les acteurs russes utilisent une approche diversifiée pour introduire, amplifier et diffuser des récits faux et déformés à travers le monde. Ils se basent notamment sur une combinaison de faux comptes et de comptes artificiels, de sites web anonymes et de sources médiatiques officielles de l’État pour diffuser et amplifier du contenu qui sert leurs intérêts et décrédibilise les récits concurrents.

« Si la désinformation est une arme de guerre indéniable, les stratégies mises en place, et les raisons de leur utilisation diffèrent âprement dans ce conflit : l’un l’utilise pour justifier l’invasion d’un état souverain, l’autre pour tenter justement de préserver cette souveraineté. »

Arnaud Mercier, professeur en sciences de l’information et de la communication (novembre 2022)

Le nombre d’exemples illustrant la désinformation dans ce champ de batail virtuel est indénombrable et ne cesse d’accroître, voici ci-dessous un rappel des plus marquants:

  • Attaque de Marioupol : la discréditation d’une bloggeuse ukrainienne  
@Source : AP. Cette influenceuse beauté a été accusée de mentir après la publication de cette photo.

En mars dernier, un hôpital pour enfants a été la cible d’un bombardement à Marioupol en Ukraine. La Russie a remis en cause la véracité de ces faits et a accusé cette influenceuse ukrainienne d’avoir joué le rôle d’une femme enceinte lors de cette attaque. Le porte-parole du ministère russe de la Défense a même défendu cette affirmation absurde en justifiant que Marianna Podgourskaïa est une bloggeuse Instagram. En plus de la non-validité de l’argument, cette accusation a été rapidement démentie après qu’une de ses publications antérieures prouve qu’elle était bien enceinte à ce moment. Cet exemple illustre la stratégie russe visant à discréditer les informations ukrainiennes en semant le doute dans l’esprit du public, rendant ainsi difficile la distinction entre la vérité et le mensonge.

@Marianna a posté cette photo sur Instagram fin février, demandant à ses followers de deviner si son bébé serait un garçon ou une fille. Source : Instagram.
  • Avions de combats russes dans le ciel ukrainien

La décontextualisation ne vient pas toujours du camp russe, bien que cette technique reste majoritairement utilisée par les pro-russes.

https://twitter.com/pok4439/status/1496729760340520962?s=49&t=ImOdUOxXv3fUoW4gYBrthA

Une publication, qui a été vue plusieurs milliers de fois, prétendait montrer des avions russes survolant l’Ukraine après l’annonce de l’intervention militaire de Vladimir Poutine dans le pays en 2022. Il est important de noter que cette vidéo partagée ne concernait pas la situation actuelle en Ukraine. En réalité, il s’agit d’un extrait d’une vidéo plus longue qui avait été diffusée en 2020 et montrant la répétition de la parade militaire du « jour de la victoire », célébré chaque 9 mai en Russie pour commémorer la victoire sur l’Allemagne nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette diffusion de fausses informations s’inscrit dans la stratégie russe visant à semer la confusion dans l’opinion publique en décrédibilisant les informations provenant de l’Ukraine.

Susciter l’émotion, parfois avec l’humour

L’utilisation des réseaux sociaux ne se cantonne pas à la propagation de doutes pour discréditer le partie adverse. En effet, les médias sociaux ont évolué pour devenir bien plus qu’un simple canal d’information : ils sont devenus des canaux de mobilisation et d’émotion, notamment en rendant la guerre plus « attrayante ».

De la danse des soldats ukrainiens sur les lignes de front aux visites imperturbables des abris antiatomiques par des citoyens ordinaires, la « première guerre TikTok du monde » a généré un flux constant de reportages d’actualité en direct depuis les zones de combat. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’est pas le seul à utiliser TikTok comme canal de diffusion, de nombreux citoyens utilisent le réseau social quotidiennement pour informer, parfois de manière humoristique, sur la réalité du combat et de la vie sous les bombardements.

@valerisssh

Thanks for supporting ukrainian refugees!

♬ Zou Bisou Bisou – Gillian Hills

Ces vidéos permettent de rendre compte de la réalité vécue par les populations en Ukraine en éliminant les barrières géographiques. Elles ont aussi la particularité de toucher un public plus jeune qui n’aurait peut-être pas été informé de la guerre par d’autres canaux de communication.

« Si c’était une guerre de mèmes, nous serions en train de gagner. »

Cette citation provient d’une source qui s’occupe du compte du ministère ukrainien de la défense, qui a souhaitée rester anonyme. Elle conclue bien sur la situation actuelle de cette guerre hybride se jouant sur le terrain virtuel de la désinformation.

Valentine CAZIN

Références :

  • BBC News. (2022, October 4). Ukraine crisis: Social media users struggle to separate fact from fiction. BBC News. https://www.bbc.com/news/world-europe-63272202
  • BBC News. (2022, October 3). Ukraine war: Russian officials claim government offensive imminent. https://www.bbc.com/news/world-europe-63272202.amp
  • CNET France. (2022, July 22). VPN : le ban d’Instagram en Russie fait encore bondir leur popularité. CNET France. https://www.cnetfrance.fr/news/vpn-le-ban-d-instagram-en-russie-fait-encore-bondir-leur-popularite-39939067.htm
  • Datareportal. (2023). Digital 2023 Ukraine. https://datareportal.com/reports/digital-2023-ukraine
  • Datareportal. (2023). Digital 2023 Russian Federation. https://datareportal.com/reports/digital-2023-russian-federation
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  • France Info. (2022, February 22). Guerre en Ukraine : un an de propagande et de désinformation. France Info. https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/video-guerre-en-ukraine-un-an-de-propagande-et-de-desinformation_5677757.html
  • L’ADN. (2022, March 11). Ukraine : TikTok, la première guerre « attractive » du monde. L’ADN. https://www.ladn.eu/actualite/ukraine-reseau-sociaux-tiktok-tactique-guerre-attractive/
  • NPR. (2023, February 28). How Russia Is Losing (And Winning) The Information War In Ukraine. NPR. https://www.npr.org/2023/02/28/1159712623/how-russia-is-losing-and-winning-the-information-war-in-ukraine
  • OECD. (2022, March 15). Disinformation and Russia’s war of aggression against Ukraine. OECD Ukraine Hub. https://www.oecd.org/ukraine-hub/policy-responses/disinformation-and-russia-s-war-of-aggression-against-ukraine-37186bde/
  • Polytechnique Insights. (2022, March 10). Ukraine : une guerre hybride sur le terrain de la désinformation. Polytechnique Insights. https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/geopolitique/ukraine-une-guerre-hybride-sur-le-terrain-de-la-desinformation/
  • Statista. (2022, February). Réseaux sociaux les plus utilisés par les Russes en 2021. Statista Infographies. https://fr.statista.com/infographie/26982/reseaux-sociaux-les-plus-utilises-par-les-russes/#:~:text=Les%20r%C3%A9seaux%20sociaux%20du%20groupe,pour%20les%20deux%20derniers%20cit%C3%A9s.
  • TV5MONDE. (2022, March 23). Conflit en Ukraine : les réseaux sociaux influencent-ils la guerre ? TV5MONDE. https://information.tv5monde.com/info/conflit-en-ukraine-les-reseaux-sociaux-influencent-ils-la-guerre-452619
  • Zolan, A. (2023, February 28). How Russia Is Losing (And Winning) The Information War In Ukraine. NPR. https://www.npr.org/2023/02/28/1159712623/how-russia-is-losing-and-winning-the-information-war-in-ukraine

E-SPORT : Comment les plateformes ont aidé à faire de l’E-sport un divertissement grand public ?

Le Championnat du monde 2022 de League of Legends bat un nouveau record d’audience en enregistrant un pic de 5,1 millions de spectateurs lors de sa finale. Selon la société de données Esports Charts, il s’agit d’une augmentation de 1,1 million par rapport à l’édition 2021. L’une des réussites les plus emblématiques de la compétition organisée par Riot Games est d’avoir renoué avec son pic d’audience sur la plateforme de streaming en ligne Twitch en atteignant près de 3,1 millions de spectateurs simultanés lors du match décisif.

En devenant le tournoi League of Legends le plus regardé de l’histoire, ce record traduit une réalité bien plus significative : les compétitions rendues de plus en plus accessibles par les plateformes contribuent à faire de l’E-sport un divertissement grand public indétournable.

La montée en puissance de l’E-sport : un divertissement à l’ère du numérique

Le sport électronique, plus communément appelé E-sport désigne la pratique de jeux vidéo en compétition organisée sous forme de tournois et réunissant les plus grands joueurs professionnels de la planète.

Bien que numérique, la discipline reprend tous les codes d’un sport traditionnel. En effet, les compétitions se déroulent dans des arènes accueillant des milliers de spectateurs et dont la scénographie est travaillée pour rendre le tournoi divertissant et impressionnant. Tout comme la diffusion d’une coupe du monde de football ou d’une finale de NBA, les compétitions sont rythmées par les interventions animées de commentateurs du monde entier. Enfin, les joueurs exercent à un niveau professionnel d’excellence et sont accompagnés de leurs coach. L’atteinte de ce niveau exige, comme tout sport, un entraînement quotidien intensif.

Unique en son genre, la discipline offre aux fans de jeux vidéo une nouvelle expérience de divertissement.

Lors de la cérémonie d’ouverture des Championnats du monde 2022 de League of Legends, de nombreux artistes internationaux étaient présents comme Lil Nas X ou encore Jackson Wang. Les visuels et la scénographie mise en place prouvent encore une fois à quel point les compétitions sont divertissantes pour le public.

Ainsi, les plus grands champions de League of Legends, DOTA 2, Call of Duty ou encore Counter-Strike : Global Offensive sont parfois presque autant adulés que les plus grandes stars du football et rassemblent alors une communauté de fan conséquente et ce, notamment sur les plateformes digitales telles que Twitch, YouTube, Twitter ou encore Instagram.

Cette croissance rapide connue par l’E-sport ces dernières années est tout sauf anodine : les médias sociaux ont joué un rôle déterminant dans la démocratisation de la discipline en attirant un public de plus en plus important et diversifié.  

Une opportunité de connexion avec les fans du monde entier

Twitch est certainement l’un des principaux acteurs des médias sociaux dans l’Esport. Classée première plateforme de streaming de jeu vidéo, Twitch comptabilise environ 31 millions de visiteurs en ligne chaque jour et offre ainsi l’accès à une audience large et variée.

En diffusant l’intégralité des compétitions E-sport régionales, nationales et internationales qui se déroulent à travers le monde, la plateforme rend la discipline plus accessible non seulement aux communautés de fans des différentes franchises mais également aux fans de jeux vidéo qui ne sont pas encore familiers avec cet univers niche du gaming.

L’argument de la masse est évidemment décisif sur la plateforme : plus il y a de monde, plus le stream remonte dans les classements et est donc exposé à une plus large audience. C’est notamment en permettant à certains streamers comme Ibai de couvrir la finale des Championnats du monde 2022 de League of Legends que la compétition a établi de nouveaux records d’audience. Le streamer espagnol a rassemblé à lui seul plus de 481 000 spectateurs simultanés lors de l’événement, preuve que la force des communautés fait la différence.  

L’argument du divertissement l’est alors encore plus. Ce qui fait l’attractivité de Twitch, c’est son expérience de visionnage interactive avec la mise à disposition d’un chat de discussion. Les fans du monde entier peuvent alors se connecter entre eux en réagissant et interagissant en temps réel. Mais dans le cadre des compétitions e-sport, la plateforme pousse l’expérience immersive encore plus loin en intégrant de nombreux mini-jeux. Par exemple, Chat Clash permet aux fans de voter pour l’équipe qu’ils soutiennent en utilisant des émoticônes spécifiques dans la discussion en direct. Ceux-ci sont ensuite affichés à l’écran lors de la diffusion de la compétition. Des jeux de pronostics et des quiz interactifs sont également intégrés afin de tester les connaissances des fans et leur permettre de gagner des récompenses.

Ces fonctionnalités permettent d’immerger et d’engager l’audience de manière forte, ce qui renforce la culture du divertissement de l’e-sport.

Twitter joue également un rôle majeur dans la popularisation de l’E-sport. Le réseau social constitue le canal principal utilisé par les fans afin de rester à jour sur les dernières actualités du secteur. La viralité particulière de la plateforme permet de diffuser rapidement des informations mais aussi d’atteindre une audience conséquente. Twitter parvient à réunir les fans grâce à l’utilisation massive de hashtags qui permettent de facilement regrouper les publications autour d’un sujet commun et d’ainsi rassembler les communautés. Par exemple, le joueur de Call of Duty, Scump, utilise régulièrement le #GreenWalI afin de rassembler sa communauté de fans sur les réseaux sociaux.

L’influence étendue à l’E-sport

Comme les plus grands athlètes, les joueurs professionnels d’E-sport ont une portée immense sur les médias sociaux : sur Twitch et Youtube les plus grandes stars touchent des millions de personnes chaque jour dans des livestreams. Ainsi, on retrouve de plus en plus la logique d’influence appliquée aux gamers notamment sur Instagram.

Des joueurs, comme le professionnel coréen Faker (de son vrai nom, Lee Sang-hyeok), partagent les coulisses des compétitions (entrainements, gameplay, vie personnelle en dehors des entraînements). Leur apparition avec d’autres stars influentes, comme ici le célèbre joueur de foot coréen Son Heung-min, accroit son influence auprès d’une autre audience.

D’autres partagent du contenu exclusif afin de se rapprocher et de fidéliser leur communauté. Par exemple, l’équipe américaine TSM (Team SoloMid) diffuse depuis 8 ans sur YouTube sa série documentaire « TSM Legends » dans laquelle ils révèlent les coulisses des compétitions.

Ces initiatives permettent de rapprocher la communauté de fans de ses « héros » en apportant un regard plus humain à leur profession et en cultivant leur influence via différents canaux.

Gentle Mates ou l’E-sport pour tous

En avril 2023, les streamers et Youtubeurs Squeezie, Gotaga et Brawks ont lancé leur première structure E-sport « Gentle Mates » sur le jeu Valorant.

Cette association n’est pas anodine pour l’avenir du E-sport français car elle s’appuie sur des communautés de fans très diversifiées et promet de participer à la popularisation de la discipline du fait de leur notoriété respective. On y retrouve Gotaga et Brawks, deux acteurs majeurs dans le domaine de l’E-sport puisqu’ils sont les co-créateurs de la Team Vitality (équipe française d’E-sport). Le duo s’associe à Squeezie, premier Youtubeur français aux 18 millions d’abonnés. Ce dernier touche un large public sur YouTube, plateforme où il offre du contenu divertissant et varié. Il possède également une solide communauté sur Twitch où il a dernièrement battu des records d’audience avec la diffusion du Grand Prix Explorer.

Ce qui rend ainsi cette structure unique, c’est qu’elle ne s’adresse pas qu’aux adeptes de l’E-sport. Gentle Mates utilise ainsi les médias sociaux pour promouvoir sa structure et ses joueurs à une large audience. Par exemple, la diffusion du trailer de promotion a notamment contribué à toucher un public nombreux et a suscité un fort engagement sur les réseaux sociaux au-delà des fans d’E-sport traditionnels.

Sur tous les gens qui jouent aux jeux vidéo, la moitié ne connaissent pas l’E-sport. Plus on est nombreux à suivre cette discipline, plus la discipline a du potentiel et plus il va se passer de choses autour de celle-ci. Dans l’intérêt de tout le monde, c’est cool de faire des ponts pour rendre ça accessible aux gens.

Squeezie

L’engagement d’une communauté variée de fans sur les réseaux sociaux répond ainsi à la volonté de Gentle Mates de réussir à décloisonner le milieu niche que peut constituer l’E-sport, divertissement encore en expansion.

Par l’influence de ces personnalités et l’engagement de leur communauté sur les différentes plateformes, la structure promet de populariser encore un peu plus l’E-sport au sein du paysage français.

Évolutions en perspective

L’avenir de l’E-sport est plus que prometteur et travaille sur de nombreuses perspectives pour son développement. Les technologies émergentes, comme la réalité virtuelle et augmentée peuvent offrir de nouvelles opportunités pour les joueurs et les fans de se connecter entre eux, en créant des expériences de jeu encore plus immersives et en augmentant la qualité des tournois.

Les plateformes vont-elles réussir à s’adapter à ces nouveaux enjeux ?

Emmanuelle YOG


SOURCES

Flamm. (2022, 6 novembre). League of Legends : Un pic à plus de 5 millions de personnes pendant la finale des Worlds 2022 de League of Legends, un nouveau record. Team aAa. https://www.team-aaa.com/fr/actualite/un-pic-a-plus-de-5-millions-de-personnes-pendant-la-finale-des-worlds-2022-de-league-of-legends-un-nouveau-record_127688#:~:text=C’est%20au%20cours%20de,l’histoire%20de%20League%20of

GOTAGA. (2023, 16 avril). JE LANCE MA STRUCTURE ESPORT (avec Squeezie et Brawks) [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=kego3hlrVUc

Marchandet, W., & Marchandet, W. (2022). Worlds 2022 : une audience globale en demi-teinte. Trente Trois Degrés : Le média de toute une génération. https://trentetroisdegres.fr/worlds-2022-une-audience-globale-en-demi-teinte/

News_13052021_eSports_ISPO_Netzwerk. (s. d.). ISPO.com. https://www.ispo.com/fr/theme/esports

Reisacher, A. (2023, 22 février). Chiffres Twitch & # 8211 ; 2023. BDM. https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-twitch/

SnapChat, Facebook, Twitter, … Avec l’abonnement payant : est-ce la fin de l’ère des réseaux sociaux à 100% gratuits?

Payer l’abonnement à 9,60€ sur Twitter ou 11€ sur Facebook et Instagram permet dès maintenant d’avoir un compte certifié avec un badge bleu et l’accès à d’autres services.

« Nous relançons @TwitterBlue lundi – abonnez-vous sur le web pour 8 dollars par mois ou sur iOS (le système d’exploitation d’Apple utilisé sur les iPhone, NDLR) pour 11 dollars par mois pour avoir accès aux fonctionnalités réservées aux abonnés, notamment la coche bleue.»

Le groupe Twitter a indiqué dans un tweet, publié le 10 décembre 2022.

En novembre 2022, Twitter a lancé une offre payante : « Twitter Blue. » Cet abonnement allant de 9,60€ à 12€ par mois ou 100,8€ par an (tarifs en France) permet d’obtenir le petit badge bleu, c’est-à-dire d’avoir un compte certifié, et donne également accès à d’autres fonctionnalités telles qu’Éditer le Tweet, dépasser les 280 caractères, recevoir 50% de publicités en moins dans les fils, images de profil NFT, … 

En février 2023, le patron de Meta semble de suivre le pas d’Elon Musk en prévoyant une formule similaire à ses plateformes, Facebook et Instagram, en mettant en place un modèle d’abonnement payant nommé « Meta Verified. » Pour un prix oscillant entre 11€ et 14€ par mois, cette offre permet aux utilisateurs de faire vérifier leur compte, d’obtenir des protections contre l’usurpation d’identité, mais aussi de gagner en visibilité. L’abonnement est pour l’instant uniquement disponible en Australie, en Nouvelle Zélande et aux États-Unis. 

Mais, ce ne sont pas les seuls. En effet, Snapchat, Discord, Linkedin, … ont toutes leurs propres offres d’abonnement payant. Le modèle payant s’implante peu à peu dans les réseaux sociaux : est-ce la fin de l’ère des réseaux sociaux 100% gratuit ? Explications

Les réseaux sociaux : des modèles financés par des revenus publicitaires arrivent à maturité.

Selon le rapport « Global Advertising Market : Industry Trends, Share, Size, Growth, Opportunity and Forecast 2023-2028 », en 2022, les revenus publicitaires en ligne mondiaux ont atteint 615,2 milliards de dollars. Selon Statista worldwide, les revenus sur les réseaux sociaux représenteraient environ 36% des revenus publicitaires en ligne mondiaux, soit 207,1 milliards de dollars. Ce nombre est d’autant plus flagrant lorsqu’il s’agit des réseaux sociaux. 

En effet, la publicité génère plus de la moitié des revenus des réseaux sociaux : Facebook a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires publicitaire de 117 milliards de dollars, soit environ 97% de son chiffre d’affaires total (Rapport Annuel 2021, Meta); en 2021, Twitter a généré un revenu total de 5,08 milliards de dollars dont la publicité représentait environ 88%, soit 4,51 milliards de dollars (Rapport annuel 2021, Twitter). 

Mais comment les réseaux sociaux se rémunèrent-ils via la publicité ? « Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit. » 

Pendant près de deux décennies, le modèle économique des réseaux sociaux était 100% gratuits pour les utilisateurs : pas besoin de payer pour poster, pas besoin de payer pour accéder au contenu, pas besoin de payer pour parler à ses amis. Le cœur du modèle économique des réseaux sociaux était les revenus publicitaires dont la publicité ciblée. Ces derniers s’efforcent de cerner les comportements et profils de leurs utilisateurs sur le web en se servant des données collectées. Ainsi, les entreprises qui souhaitent diffuser leurs annonces doivent acheter des espaces d’affichage en ligne, en précisant le profil d’utilisateurs cible souhaité. En fonction de ces critères, les algorithmes des réseaux sociaux diffusent les publicités aux utilisateurs ciblés. 

Mais depuis quelque temps, les réseaux sociaux ont fait face à des problèmes de rentabilité. La publicité ne génère plus autant de revenus qu’auparavant en raison de l’affaiblissement du marché publicitaire, de différents scandales concernant l’usage des données, le renforcement de la législation de la protection des données personnelles. Le groupe Meta (Facebook, Instagram, Whatsapp) a même enregistré une baisse de revenus annuels, en 2022, pour la première fois depuis son entrée en bourse en 2012. L’ère de la gratuité des réseaux sociaux est-elle en train de se clore ? « Nous sommes au commencement de la fin d’une ère. (…) L’économie de l’attention qui a transformé les plateformes sociales en entreprises les plus profitables au monde a fini par se tirer une balle dans le pied. », explique  Clara Lindh Bergendorff dans les colonnes de Forbes.

Le modèle économique des réseaux sociaux est en plein évolution : les offres d’abonnement se multiplient.

Nous assistons à une évolution du modèle économique des réseaux sociaux où l’ère de la gratuité semble de disparaitre au profit de l’abonnement. En effet, le modèle de l’abonnement permet d’assurer des rentrées de revenus récurrents et stables pour faire face à la forte volatilité des revenus liés à la seule publicité.

Linkedin a montré que cela fonctionne et la mise en place de l’abonnement est inévitable : la publicité ne représente que 20% du chiffre d’affaires total de l’entreprise. En effet, les services de recrutement et les abonnements constituent ses principales sources de revenus. Selon le site Kinsta, 39% des utilisateurs de Linkedin payent pour un de ces abonnements. Linkedin a réussi à développer des formules payantes le permettant d’avoir un modèle économique durable. 

« Sur LinkedIn, il y a toute une offre d’abonnements payants et là, ça fonctionne. On les achète parce qu’on veut avoir plus de visibilité ou alors quand on est recruteur. On a besoin de ces offres »

Emmanuel Berne

« C’est payant, mais vous êtes quand même le produit »

Instagram et Tiktok testent actuellement un système d’abonnement premium à certains créateurs. Snapchat a lancé sa formule payante nommée Snapchat+. Twitter a lancé Twitter Blue, Meta avec Meta verified… Ces offres payantes donnent accès à des fonctionnalités exclusives aux abonnées telles que la vérification des comptes, l’accès au service client, plus de visibilité,… afin d’encourager les internautes à rester actifs.

«L’idée est d’améliorer l’authenticité [des profils et donc des échanges] et la sécurité sur nos services.»

Mark Zuckerberg, PDG de Meta

La question se pose alors de savoir si les utilisateurs sont-ils prêts à payer. Les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, Instagram ou Tiktok proposent-ils des offres suffisamment intéressantes pour inciter les usagers à payer l’abonnement ?  

Il semblerait que ce ne serait pas aussi facile de faire payer les utilisateurs parce que les réseaux sociaux ont proposé leurs services gratuitement pendant bien trop longtemps. En effet, la formule « c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit » est ancrée dans la culture populaire. Pour que la formule « c’est payant, mais vous êtes quand même le produit » puisse succéder à la première, il faut une nouveauté qui soit vraiment intéressante pour séduire les utilisateurs et pour faire passer la pilule du payant.  

Sophie Hong Vy Nguyen-Massicot

Bibliographie :

  • Baudot, J. (s. d.). Modèle économique des réseaux sociaux. http://www.jybaudot.fr/Management/reseauxsociaux.html
  • Bergendorff, C. L. (2021, 12 mars). From The Attention Economy To The Creator Economy : A Paradigm Shift. Forbes. https://www.forbes.com/sites/claralindhbergendorff/2021/03/12/from-the-attention-economy-to-the-creator-economy-a-paradigm-shift/?sh=3a183e20faa7
  • Diallo, K., & Diallo, K. (2022). Réseaux sociaux : les utilisateurs sont-ils prêts à payer ? L’Éclaireur Fnac. https://leclaireur.fnac.com/article/107960-reseaux-sociaux-les-utilisateurs-sont-ils-prets-a-payer/
  • Laratte, A. (2022, 6 novembre). Payer pour avoir un badge bleu sur Twitter ? C’est désormais possible dans certains pays. leparisien.fr. https://www.leparisien.fr/high-tech/payer-pour-avoir-un-badge-bleu-sur-twitter-cest-desormais-possible-dans-certains-pays-05-11-2022-W73TOEMLEFFZFOFZKP5OYB2XXI.php
  • Osman, M. (2023). Mind-Blowing LinkedIn Statistics and Facts (2023). Kinsta®. https://kinsta.com/blog/linkedin-statistics/
  • Afp, C. A. (2023, 20 février). A son tour, Meta lance une offre payante. Capital.fr. https://www.capital.fr/entreprises-marches/a-son-tour-meta-lance-une-offre-payante-1460713
  • Laratte, A. (2023, 20 février). Facebook, Twitter, Instagram. . . la fin des réseaux sociaux gratuits ? leparisien.fr. https://www.leparisien.fr/high-tech/facebook-twitter-instagram-la-fin-des-reseaux-sociaux-gratuits-20-02-2023-QAJ3NAJT2BEXTM3KEPQ2UFASXQ.php
  • Wurlod, O. (2023, 20 février). Payer pour Instagram et Facebook : L’ère des réseaux sociaux 100 % gratuits se termine. 24 heures. https://www.24heures.ch/lere-des-reseaux-sociaux-100-gratuits-se-termine-300382518290
  • Statista. (s. d.). Social Media Advertising – Global | Market Forecast. https://www.statista.com/outlook/dmo/digital-advertising/social-media-advertising/worldwide

Balenciaga et les réseaux sociaux : la cancel culture a-t-elle encore frappé ?

Boycott, dénonciations et lynchage, les réseaux sociaux en tant qu’espace public et lieu d’expressions, sont également les théâtres de polémiques et controverses. Au fil des années, ils sont devenus des armes pouvant avoir des impacts positifs comme négatifs considérables.

63.1 milliards. C’est le nombre d’internautes dans le monde entier recencés en avril 2022 et parmi eux, 4.7 milliards sont utilisateurs de réseaux sociaux.

Aujourd’hui incontournables, les réseaux sociaux sont de véritables outils marketing afin de se faire connaître et d’avoir accès à la notoriété. En adoptant certains codes, il est aisé d’être propulsé sur le devant de la scène. C’est pourquoi la plupart des marques et notamment les marques de luxe ont commencé à axer leurs stratégies sur leurs campagnes de communication en ligne. Cependant, cet accès simplifié à la célébrité est également à double tranchant, la moindre erreur pouvant être fatale. Balenciaga en a d’ailleurs fait les frais en novembre dernier avec ses deux campagnes impliquant de la pédopornographie et la mise en scène d’enfants avec des accessoires associés à des pratiques SDM.

Les réseaux sociaux : une nouvelle vitrine des marques de luxe

La communication sur les réseaux sociaux est devenue monnaie courante .

De fait ils offrent une couverture très intéressante afin de pénétrer en profondeur le marché. Les marques ont recours notamment à des stratégies d’influences. En ayant recours à des individus bénéficiant d’une certaine popularité tout en ayant une image en adéquation avec la marque, la visibilité et la crédibilité des enseignes s’en retrouvent d’autant plus affirmées. Il n’est pas rare de retrouver des célébrités égéries de marque de luxe.

Nous pouvons citer en exemple Kim Kardashian égérie de Balenciaga ou encore Lea Seydoux, égérie de Louis Vuitton. La crise du covid19 est également passée par là. Entre les différentes contraintes sanitaires sans oublier les confinements, les réseaux sociaux étaient l’unique moyen de conserver un lien avec les consommateurs, les évènements en présentiels étant bannis et les ouvertures de nouvelles boutiques suspendues.  Très vite, les résultats sont apparus puisque de 2020 à 2022, Louis Vuitton est passé de 35.1 à 52.5 millions de followers et d’autres de ses pairs l’ont suivi dans cette ascension comme Gucci, Dior ou encore Balenciaga.

Selon le classement luxe Digital , parmi les marques les plus populaires en ligne Gucci, Dior et Channel arrivent en tête de la liste. Cependant, d’autres enseignes comme Gucci ou Balenciaga sont très populaires sur les réseaux sociaux. Le 29 avril 2023, Louis Vuitton comptabilise 52.7 millions de followers, Chanel 55.7 millions, Gucci 51.5 millions alors que Dior ne comptabilise que 43.9 millions. Ces données soulignent que bien que certaines marques soient plus recherchées en ligne que d’autres, toutes peuvent bénéficient d’une visibilité médiatique plus importante et donc d’un levier de manœuvre non négligeable afin d’accroître leur influence.

Ce levier est maximisé par un contenu étudié et une logique d’engagement mis en place. Le partage régulier de contenus concernant les nouvelles collections mais également les évènements phares de la marque de type défilés ou soirées mondaines, jusqu’à s’étendre à la publication des interviews de leurs collaborateurs et égéries, ont permis d’impliquer les consommateurs dans le quotidien et l’intimité des enseignes.

Les marques ont également appris à adopter leur contenu en fonction des différentes cibles des différentes plateformes, afin d’apparaître authentiques et accessibles pour tous. Chacun doit pouvoir s’identifier et se projeter au travers de leur histoire et de leurs créations.

Le joyau français de Kering : un habitué des provocations

Balenciaga, maison française de Kering, est connue pour utiliser les réseaux sociaux afin de faire parler d’elle et de ses créations. En effet, la marque fait régulièrement l’objet d’articles et de buzzs sur les réseaux sociaux avec des créations jugées provocantes et parfois à la limite de l’indécence. Nous pouvons penser à la mise en vente de baskets déchirées à plus de 1000 euros en mai 2022. L’objet de cette création était de souligner la durabilité des chaussures et donc que les articles Balenciaga ont pour vocation d’accompagner leurs utilisateurs tout au long de leur vie.

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Autre prouesse créative non pas moins épargnée par les critiques, la mise en vente de sacs à main inspirés de sacs poubelles, mais à un prix bien éloigné de ces objets domestiques.

Le directeur artistique de Balenciaga a cependant toujours affirmé sa position et l’a exprimé lors d’une interview suite au défilé de la collection automne-hiver 2022-2023.

« Je ne pouvais vraiment pas rater l’occasion de concevoir le sac-poubelle le plus cher du monde. Qui n’aime pas les scandales dans la mode ? »

Demna Gvasalia Women Wear’s Daily, 6 mars 2022

Ainsi, certaines enseignes vont jouer de leur visibilité et du pouvoir de diffusion des réseaux sociaux afin de faire parler d’elle et de gagner en visibilité. Cependant visibilité n’est pas synonyme de popularité.

Balenciaga : une campagne dévastratrice

En novembre 2022, Balenciaga a connu une véritable descente aux enfers avec une campagne sur les réseaux jugée inadmissible par l’opinion public.

En effet, sur Instagram la marque avait partagé des photos afin de promouvoir de nouveaux objets en vente, la marque souhaitant étendre son domaine d’expertise au-delà du prêt à porter. Jusqu’à là rien à redire, puisqu’il est devenu monnaie courante chez les marques de luxe, d’élargir leur champ d’action comme l’a fait Dior avec l’ouverture de son café à Paris. Cependant Balenciaga a poussé la chose plus loin que ce qu’elle n’aurait dû en mettant en scène des enfants avec des peluches portant des accessoires associés à des pratiques BDSM. L’opinion publique a lynché la marque, l’accusant de sexualiser des enfants et donc d’avoir un comportement absolument intolérable. Après avoir gardé le silence pendant plusieurs jours tandis que la toile se déchainait sur cette campagne, la marque a présenté publiquement ses excuses et a retiré les photos compromettantes.

Cela aurait pu passer pour une simple erreur et l’histoire en serait restée là mais quelque semaine après, le joyau de Kering a de nouveau fait parler de lui avec la promotion d’un sac Balenciaga x-Adidas sur une pile de documents. En zoomant sur ces documents, le public s’est rendu compte qu’il s’agissait d’un compte rendu d’un procès statuant que « la promotion et la publicité de la pornographie infantile relève de la liberté d’expression ».

Encore une fois, la marque a présenté ses excuses publiques et cette fois-ci, elle a remis la faute sur l’équipe chargée de la campagne. Balenciaga a totalement nié être au courant du contenu de la campagne et a même engagé des poursuites judiciaires contre l’équipe concernée.

Malgré cette initiative, le scandale a pris une telle ampleur que rapidement les effets se sont faits ressentir. Le lendemain du premier scandale, les actions du joyau Kering ont connu une chute de 0.02%. Cette chute pourrait impacter au long terme la maison dans sa croissance fulgurante initiée en 2019 . De fait, la firme réalisait un chiffre d’affaire de 927 millions de dollars en 2019 jusqu’à atteindre les 1.189 milliards en 2021. Dans le communiqué officiel des résultats annuels Kering n’a communiqué aucun résultat concernant Balenciaga. « Balenciaga a réalisé une excellente année, en dépit d’un mois de décembre difficile », cette phrase est l’unique information dont nous disposons. Cependant le directeur général délégué de Kering a admis que « la regrettable controverse  » dont Balenciaga avait fait l’objet a fortement impacté les résultats de cette maison. Kering a par ailleurs estimé que « les procédures avaient été correctement suivies mais une erreur de jugement » aurait été la cause de ces deux scandales ayant eu lieu en une seule année. Cela a poussé la maison à revoir ses procédures et à mettre en place de nouvelles mesures .

« Plus que de changer les personnes, il est question de renforcer l’organisation en favorisant davantage de diversité et d’intelligence collective ainsi que la capacité à exprimer une opinion différente dans les jugements »

Jean Marc Duplaix directeur financier de Kering dans Fashion work

Un bad buzz médiatique sur tous les plans

Même si la crise ne semble pas avoir eu d’effets exorbitants sur le résultat , la maison connait une véritable crise concernant son image, jamais vue jusqu’alors.

En raison de la polémique, elle a fait l’objet d’un bad buzz international. Les stars et célébrités se sont rapidement désolidarisées de la marque. L’égérie du moment Kim Kardashian avait notamment annoncé sur Twitter qu’elle reévaluait son partenariat avec Balenciaga.

 

« I have been quiet for the past few days, not because I haven’t been disgusted and outraged by the recent Balenciaga campaigns, but because I wanted an opportunity to speak to their team to understand for myself how this could have happened.« 
Kim Kardashian (@KimKardashian) 27 novembre 2022

D’autres stars ont retiré de leurs réseaux sociaux tout contenu associé à la marque comme Alexa Demie, actrice emblématique de la série Euphoria. Cela s’est même étendu à certains partenaires qui ont enlevé de leurs stands les produits Balenciaga comme la marketplace The Closet à Dubai.

Sur Tiktok, la réaction a été la plus violente. On a pu voir pendant plusieurs semaine des vidéos d’internautes et d’influenceurs déchirants et brûlants leurs articles Balenciaga. Un hashtag #cancelbalenciaga a même été créé pour l’occasion et le 28 novembre il cumulait plus de 25.5 millions de vues et le 30 avril, 310.7 millions de vues. Rappelons que Tiktok cible principalement les jeunes de 13 à 20 ans, avec cette campagne Balenciaga a perdu de son prestige et de son attractivité auprès d’une cible qu’elle avait réussi à conquérir parmi les plus jeunes.

Un calme jusqu’au prochain scandale ?

S’il semble que les choses se soient calmées pour le petit joyau français de Kering, cela n’aura pas été sans conséquences. Bien qu’étant habituée à faire la une en raison de créations provocantes et originales, cette fois-ci le buzz aurait eu un effet plus que négatif et il est probable qu’au prochain scandale, la marque soit « cancel » pour de bon.

Mathilde Delevoye

Références

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Assaut du Capitole : entre désinformation et incitations à la violence

Quelles responsabilités pour Facebook et Twitter ?

Le 6 janvier 2021, des partisans de Donald Trump envahissent le Capitole, là où siège le Congrès américain. Une seule idée en tête : empêcher la certification de la victoire de Joe Biden à la présidentielle américaine de 2020. 
Retour sur le rôle joué par ces réseaux sociaux lors de cet évènement majeur de l’histoire américaine.

Une préparation pré-élection présidentielle 2020 afin d’éviter le scandale de 2016

Photo de little plant sur Unsplash

Dans le contexte des élections présidentielles américaines de novembre 2020, il était inconcevable pour Facebook de revivre un scandale de la même ampleur que celui de 2016. En 4 ans, la plateforme a œuvré à la mise en place de mesures concrètes ayant pour but de protéger l’intégrité de la nouvelle élection, limiter la diffusion de fausses informations et lutter contre l’incitation à la haine et à la violence.

Mark Zuckerberg avait affirmé en octobre 2020 que le règlement de la plateforme empêcherait tout candidat de «déclaré victoire prématurément» et de «délégitimer les résultats de l’élection». Afin de limiter la désinformation, Facebook a implémenté la «War Room». Cette cellule de vérification analyse en temps réel les abus signalés sur les élections. Dani Lever, responsable des affaires publiques de Meta a affirmé que Facebook avait mis en pause ses campagnes publicitaires politiques et supprimé le groupe StopTheSteal début novembre 2020.  Le groupe qui comptait 360 000 utilisateurs parmi ses rangs, mettait en doute la légitimité de l’élection en diffusant la théorie du «Big Lie».

Pour Twitter, c’est seulement 2 mois après l’attaque que l’ex CEO Jack Dorsey affirma que la plateforme avait effectivement joué un rôle dans la diffusion de fausse informations et dans l’organisation de cette attaque. Twitter avait misé sur des pratiques de marquage de tweets et de déréférencement. 

Lorsqu’un tweet contenait des informations trompeuses au sujet de l’élection, il était étiqueté d’un avertissement. Une autre mesure plus radicale a été mis en place d’octobre 2020 jusqu’à l’élection. Si certains messages de personnalités politiques et/ou influentes contenaient des propos non vérifiés et trompeurs, une bannière contenant un avertissement sur le contenu empêchait de lire le tweet. Les tweets ciblés étaient privés d’interactions (retweet, like, commentaire). En amont de l’élection, Twitter avait décidé début 2020 d’instaurer des messages de fact checking à la fin des tweets contenant du contenu trompeur.

@realDonaldTrump sur Twitter

Des baisses de vigilance sous l’impulsion de la liberté d’expression 

Après l’annonce des résultats, Facebook était soulagé. L’opération s’était déroulée sans encombre. Certaines mesures, temporaires, ont donc été retirées.
Facebook a décidé de démanteler la cellule Civic Integrity Team composée d’experts qui détectaient et combattaient la désinformation et les discours haineux. Ces changements ont commencé à inquiéter plusieurs employés du réseau social. A partir de la fin des élections, certains employés ont remarqué que le nombre de signalements pour des messages contenant de fausses informations augmentaient fortement. 
Des documents internes, révélés par la lanceuse d’alerte Frances Haugen, ont soulignés les manquements de Facebook en termes de lutte contre la désinformation et d’incitation à la violence ayant joué un rôle dans l’attaque du Capitole.
Des pistes d’amélioration du règlement ont été proposées pour contrer la désinformation mais déclinées par la hiérarchie. L’une des raisons avancées par la direction est que cela ne ferait qu’augmenter le nombre de signalements erronés et diminuerait l’engagement sur la plateforme. Comme précisé par Haugen lors de son témoignage au Sénat, Facebook semble vouloir faire passer son « profit avant la sécurité » et « avant la population ».

Image par El Sun de Pixabay

La suppression du groupe StopTheSteal n’a non plus été d’une grande efficacité. Cela donna un boost de popularité aux groupes moins importants contenant des propos #StoptheSteal. Les membres du groupe d’origine se sont juste dispatchés. StopTheSteal était bien plus qu’un groupe Facebook et la plateforme n’a pas vraiment œuvré à contrôler et signaler ces groupes complotistes. 

Sur Facebook, les algorithmes jouent un rôle majeur dans la diffusion de ces fausses informations. Dans les documents révélés, il a été confirmé qu’il n’a fallu que 2 jours pour qu’un utilisateur, suivant quelques personnalités/médias conservateurs, ait des recommandations conspirationnistes et 1 semaine pour que des contenus du groupe QAnon lui soient recommandés.

L’une des révélations majeure des Facebook Files était la mise en place d’une politique de fact-checking XCheck permettant de limiter les faux signalements de comptes. Certaines personnalités politiques et comptes les plus suivis bénéficiaient d’une vérification des signalement à part. Cependant, certaines de ces personnalités soumises à ce système se retrouvaient «whitelisted» et exemptées du règlement de Facebook : «Contrairement au reste de notre communauté, ces personnes peuvent enfreindre nos normes sans aucunes conséquences».

De son côté, Twitter a aussi failli. 
Il n’a pas su prendre en considération les avertissements de ses employés sur les risques de la mauvaise gestion de la désinformation et des incitations à la violence sur la plateforme après les élections de 2020. Malgré les efforts et les signalements reportés par Twitter Safety Policy team, en charge de la rédaction du règlement de la plateforme, aucune mesure supplémentaire n’a été prise. Les dirigeants semblaient plus inquiets de déclencher la colère des supporters du président sortant plutôt que de préserver le discours électoral (Draft Comittee Report, The Washington Post, 2023).

Un règlement proposé par la Twitter Safety Policy team visant les messages qui incitaient indirectement à la violence («coded incitement to violence» CIV) n’a pas été retenu par les dirigeants, considérant que les messages visés pouvaient être interprétés dans un autre contexte. Le supposé règlement portait notamment sur ce message: «stand back and stand by». Il avait été utilisé par le président Trump pour s’adresser plus tôt dans l’année au groupe d’extrême droite Proud Boys connu pour ses idées fortes et ses comportements violents. Peu de temps après, cette expression était devenu le cri de ralliement de groupes de supporters Trump sur Twitter.

Twitter a pris l’initiative d’écouter les signalements déposés par des organisations comme Fair Fights luttant pour des élections justes aux États-Unis. Ces tweets, directement liés à l’incitation à la violence au nom d’une élection truquée, ont reçu des avertissements mais n’ont cependant pas été retirés. Pour Twitter, ces messages restaient dans le cadre de la liberté d’expression et n’avaient en aucun cas dépassé les limites du règlement.
Twitter montre ici des signes de relâchement quant à la gestion des messages haineux et de la désinformation.

Un rapport de la MDPI révéla qu’afin d’éviter les signalements, des hashtags contenants des fautes étaient utilisés massivement. Des tweets relatifs aux suspicions de corruption des Biden utilisaient majoritairement le #bidencrimefamiily plutôt que #bidencrimefamily. Cela devait déjouer les mesures mises en place par le règlement de la plateforme tout en ralliant les supporters autour de théories conspirationnistes.

@realDonaldTrump sur Twitter

Le 19 décembre 2020, Trump écrivait : «Big protest un D.C. on January 6th». Par la suite, le nombre de tweets utilisant les CIV «locked and loaded» et «civil war» ont augmenté de manière exponentielle.

Selon un ancien employé de la plateforme, il a fallu attendre l’attaque du 6 janvier 2021 pour que Twitter demande à la Safety Policy team de mettre en place en urgence la CIV Policy. Cependant, toujours incomplète dû à son blocage quelques mois plus tôt, son application était imparfaite.

Au Capitol, les attaquants documentaient leur avancée sur Twitter, obligeant les responsables de la modération à supprimer/bannir en direct les contenus et hashtags problématiques. D’autres hashtags, remontés dans les tendances, ont dû être déréférencé comme #CivilWar.

Une prise de conscience sur l’importance de la désinformation et de l’incitation à la haine ?

Donald J.Trump sur Facebook

Dani Lever confirme la suppression des contenus ayant comme la mention StoptheSteal dès l’instant de l’attaque ainsi que la suspension du compte de Donald Trump pendant 24 heures. Comme l’a annoncé Facebook, cela fut étendu à 2 semaines puis à une durée indéterminée. 

C’est finalement il y a un peu plus d’un mois, le 17 mars 2023, que l’ancien président fait son retour avec une vidéo et 3 mots : I’M BACK !


Facebook s’est engagé à renforcer l’obligation des administrateurs de groupes de vérifier les messages postés, à désactiver les interactions sur les posts provenant de groupes avec des taux élevés de discours haineux/violents et à déréférencer les contenus qui enfreindraient les règlements.

Après l’attaque, Twitter a suspendu le compte @realDonaldTrump (une première fois pendant 12 heures puis de manière permanente). Fin 2022, après l’arrivée d’Elon Musk à la tête de Twitter, son compte a été à nouveau débloqué. Plus de 70000 comptes ont été bloqués, des mesures ont été ajoutées à la Civic Integrity Policy, les comptes affiliés aux contenus conspirationnistes ont été déréférencés et certains sujets ne pourront plus apparaître dans les tendances.

Bien que les attaquants présents au Capitol ainsi que Donald Trump sont responsables de leurs actions, il est clair que les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur dans la préparation en amont de cet évènement. Même si le January 6th Comittee a décidé de s’attarder sur la responsabilité de Trump, cette affaire aura été l’opportunité pour ces grands réseaux sociaux d’être mis face aux conséquences de leurs décisions.

Margot Brenier


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https://blog.twitter.com/en_us/topics/company/2020/suspension

L’économie de la célébrité à l’ère des réseaux sociaux : impacts et nouvelles tendances dans l’industrie du la K-Pop

Source : Alexander Shatov

Si vous utilisez des réseaux sociaux, vous avez probablement déjà entendu parler de la K-pop. En effet ce genre musical né en Corée du Sud dans les années 90 est extrêmement présent sur toutes les plateformes sociales, notamment grâce aux fans de ces chanteurs de pop coréenne que l’on appelle « idoles ».

La K-Pop et sa fulgurante montée en popularité

Caractérisée par des vidéos extravagantes aux grands budgets, des chorégraphies détaillées et des productions musicales uniques et variées, la K-Pop a su séduire un bon nombre de fans, et ce depuis des décennies. Néanmoins, durant ces dernières années, le genre a franchi un nouveau seuil de popularité en devenant une industrie internationale faisant succomber toutes les barrières géographiques : 89 millions de fans dans 113 pays, des tournées mondiales, des apparitions dans les plus grands festivals de musique (Coachella, Lollapalooza), de nombreux prix (Grammys, BBMAs, VMAs…), etc.

Et l’une des explications derrière cette montée rapide en popularité réside dans les réseaux sociaux. Mais comment les réseaux sociaux ont-ils transformé l’industrie du divertissement sud-coréenne, notamment dans des logiques d’économie de la célébrité ?

Une économie de la célébrité déjà présente…

« La célébrité, c’est l’avantage d’être connu de ceux qui ne vous connaissent pas »

Nicolas de Chamfort, poète et journaliste français.

Les célébrités sont dotées d’une influence parasociale, qui est un type de relation sociale à sens unique dont une personne peut faire l’expérience vis-à-vis d’une personnalité publique ou d’un personnage de fiction. Le fan peut ainsi développer des sentiments d’amitié, même sans existence de réelle interaction directe.

En Corée du Sud, cette influence était déjà assez forte avant les réseaux sociaux, avec une industrie de K-Pop prônant une apparente proximité entre les fans et les artistes en multipliant les apparitions de ces derniers : émissions de variété, séances de dédicace, téléréalités, publicités télévisées… Les artistes deviennent des professionnels du divertissement pour leurs fans, et sont ainsi déjà au centre d’une économie de la célébrité dans laquelle le fan est prêt à consommer toute sorte de contenu dès lors qu’elle est en lien avec sa star favorite, faisant tourner une économie.

… mais renforcée par les réseaux sociaux

Les médias sociaux introduisent de nouvelles opportunités de relations parasociales, car ils tendent à jouer sur des interactions fréquentes, plus personnelles et parfois réciproques entre les célébrités et leurs fans. En profitant de cette nouvelle opportunité, l’industrie de la K-Pop s’est approprié l’usage de ces réseaux (TikTok, Instagram, Twitter, Youtube) et est parvenue à en faire profit grâce à des stratégies inédites et créatives pour gagner en exposition et entretenir des relations solides avec leurs fans, notamment en postant régulièrement du contenu donnant aux fans un sentiment de proximité : vlogs, lives, challenges, sketchs, documentaires, multiplication des shows de variété et émissions de téléréalité…

L’objectif est rempli : partager leur quotidien et se positionner comme un ami pour des fans de plus en plus fidèles, grâce à des contenus viraux produits en parallèle de leur carrière musicale ; chose qui était auparavant compliquée alors que la promotion des artistes reposait essentiellement sur des méthodes traditionnelles telles que les apparitions télévisées ou les interviews à la radio.

Les fans, fidèles à leurs idoles vont alors les soutenir quoiqu’il arrive, en achetant leurs albums, places de concert, en votant, etc.

Les différentes agences et leurs stars, en maîtrisant parfaitement leurs contenus et leur viralité, sont ainsi devenus expertes dans ce domaine de la présence en ligne, et ont su s’imposer comme des personnalités à la réputation extrêmement solide : en date du 30 avril 2023, Lisa des Blackpink est l’idole de K-Pop la plus suivie et la 38e célébrité la plus suivie au monde sur Instagram, avec 92.9 millions d’abonnés. Elle est suivie par V des BTS, deuxième star coréenne et 82e mondialement avec 58.6 millions d’abonnés.

Les réseaux sociaux, un moyen de rassembler les communautés de fans

Ces très larges bases d’abonnés sont principalement constituées de fans, qui vont s’organiser en communautés – ou « fandoms » – sur les réseaux sociaux afin de pouvoir soutenir au mieux leurs artistes qu’ils considèrent et tiennent en estime. Ils vont ainsi agir à leur échelle comme des promoteurs de leurs idoles favorites sur les réseaux sociaux : discussions entre fans, hashtags hissés dans les tendances, comptes fans écrivant sur l’actualité d’un groupe… En 2020, Twitter a enregistré 6.7 milliards de tweets liés à la K-Pop.

Les agences, quant à elles, ont su déceler le potentiel de ces communautés de fans motivés et ont alors décidé d’investir dans de nouveaux moyens pour faire tourner cette économie de la célébrité, en les réunissant autour de contenus exclusifs. C’est ainsi qu’ont été créés Vlive puis Weverse, deux réseaux sociaux dédiés exclusivement aux interactions entre artistes et fans, qui leur permettent d’échanger dans des cadres plus intimistes et donc de préserver ce sentiment de proximité. Les artistes peuvent y poster des messages courts, répondre aux posts des fans, faire des lives pour parler de leur quotidien avec leurs fans. Sur chacune de ces plateformes, chaque artiste a un compte auquel le fan peut s’abonner, et ce dernier peut même profiter de plus d’avantages en payant, notamment en achetant une adhésion au fanclub de leur artiste favori.

De nouvelles opportunités pour les artistes

Les réseaux sociaux représentent aussi des opportunités inédites pour les artistes. Tout d’abord la nature même des réseaux, reliant les quatre coins du monde, a permis aux artistes de gagner en renommée grâce à la musique, en accédant à des marchés qui n’auraient pas été envisageables sans une présence physique lors de tournées ou autres évènements.

Les stars sont aussi devenues des marques à part entière dans cette économie de la célébrité, et peuvent générer des revenus grâce des activités annexes, car leurs fans seront prêts à soutenir tous leurs projets et produits (G-Dragon et sa marque de mode, IU et sa marque de cosmétiques…).

Cette logique est aussi valable pour les partenariats de plus en plus communs, à une ère où les marques sont de plus en plus disposées à digitaliser leur marketing en collaborant avec des célébrités aux grandes bases d’abonnés. Les idoles de K-Pop sont ainsi en haut de leur liste grâce à leur popularité sans précédent auprès des fans, qui peut faire augmenter considérablement les ventes de n’importe quel produit. Cela passe par des posts sponsorisés, ou même des contrats d’endorsement de plus en plus nombreux et prestigieux : Jungkook (BTS) pour Calvin Klein, Hanni (New Jeans) pour Gucci, Lisa (Blackpink) pour Céline, Cha Eun Woo (Astro) pour Dior, etc.

Les célébrités coréennes ont également la possibilité d’utiliser leur plateforme en tant que leader d’opinion pour sensibiliser à des causes sociales et des campagnes de bienfaisance, créant un impact positif dans la société. Par exemple, à la suite d’un don d’un million de dollars du groupe BTS au mouvement Black Lives Matter, leur fandom ARMY s’est organisé sur les réseaux sociaux grâce à l’hashtag #MatchAMillion, et a réussi à doubler la donation pour le mouvement par ses propres moyens.

Une exposition plus grande aux dérivés liées à la réputation et à l’économie de la célébrité

Néanmoins l’impact des réseaux sur l’industrie du divertissement coréen n’est pas que positif. En effet ils introduisent une plus grande pression pour les idoles quant à le gestion de leur statut de célébrité.

Les scandales et controverses, notamment, sont beaucoup plus visibles et impactantes en raison des réseaux sociaux, poussant les stars doivent à faire très attention à chacun de leurs gestes au quotidien, car ils sont observés.

Cela est dû en partie au fait qu’avec de cette logique d’interaction extrême, les fans peuvent développer un sentiment de droit sur la vie privée et les actes de leurs idoles : ils sentent que ces derniers ont besoin d’eux et leur doivent beaucoup au vu de leur implication incomparable, et vont donc se servir des réseaux sociaux pour exprimer leur possessivité ou leur mécontentement sur chacun de leurs actes, mêmes anodins ; allant parfois à critiquer l’apparence d’idoles s’écartant des standards de beauté. Des fans extrêmes vont même aller jusqu’à les suivre, à leur envoyer des lettres de menace, ce qui peut détériorer les relations.

Beaucoup vont les considérer comme des marchandises qui ne peuvent pas s’écarter d’une vision idéalisée que les fans ont d’eux. Cette pression est telle que l’industrie a connu plusieurs cas de suicides, alors que les idoles supportent de moins en moins la pression et les critiques du milieu, et que certains commencent à exprimer leur mécontentement.

Il est donc clair que les réseaux sociaux ont énormément apporté au milieu de la K-Pop en renforçant l’impact des artistes et leur proximité avec les fans ; néanmoins cela peut se faire à leurs dépens car ils peuvent souffrir de cette ouverture au monde, qui introduit plus de pression et les prive de certaines libertés. Il est donc nécessaire que les agences fassent le nécessaire afin d’assurer leur bien-être, en imposant des limites et en adaptant leur comportement à cette nouvelle ère connectée.

Article de Wendy Mbango.

Sources

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  • #KpopTwitter achieves new record of 6.7 billion Tweets globally in 2020, Twitter Blog.
  • List of Most-Followed Instagram Handle in World, Sacnilk.com.
  • K-Pop 2023: A Look at the Statistics Behind the Music, Gitnux.

Cinéma et jeu vidéo : deux arts irréconciliables ? 

Tomb Raider, Silent Hill, Assassin’s Creed, Uncharted…depuis la sortie de Super Mario Bros dans les années 90, les jeux vidéo sont régulièrement adaptés pour le grand écran. Une source d’inspiration inépuisable  pour l’industrie du cinéma, comme en témoigne la sortie d’un nouveau film – un dessin animé cette fois – consacré au petit bonhomme à casquette rouge. Bien que ces aventures épiques soient souvent controversées, elles témoignent de la popularité croissante des jeux vidéo en tant que source d’inspiration pour l’industrie cinématographique.
En 1998, les frères Le Diberder déploraient déjà les « résultats lamentables » des adaptations cinématographiques de jeux vidéo, à l’instar de  Final Fantasy: The Spirits Within, fustigé à la fois par  la critique et les fans du jeu. Beaucoup justifient  ces échecs par les faiblesses des jeux d’origine. Néanmoins,  il serait pertinent de s’interroger davantage sur les différences fondamentales entre ces deux médias qui les rendent incompatibles.

Le risque de vouloir faire plaisir à tout le monde

Les franchises de jeux vidéo sont devenues de véritables phénomènes de société, avec des communautés de joueurs actives et passionnées. De nombreux cinéastes y voient donc  une opportunité de « surfer » sur la notoriété déjà bien installée de certains univers, tout en attirant un nouveau public par le cinéma, un média plus accessible. Ainsi, si des films comme Resident Evil ou Assassin’s Creed ont connu un certain succès au box-office, c’est notamment parce que ces deux licences étaient  déjà bien connues du grand public. Elles ont ainsi pu compter sur un public de curieux, non initié, mais aussi sur  leurs  fans, présents pour  s’assurer de la fidélité du film au jeu d’origine.
Par ailleurs, adapter une licence au cinéma permet de démocratiser le jeu vidéo auprès du  grand public. Mais ce double ciblage, qui espère transformer les cinéphiles en gamers et inversement,  pose problème. En voulant faire plaisir à tout le monde, bon nombre de réalisateurs et scénaristes se sont perdus concernant la direction à donner à leur adaptation, donnant lieu à des maladresses mémorables. C’est notamment ce qui a été reproché à la première adaptation de Super Mario Bros au cinéma, en 1993 : en voulant constamment rappeler l’œuvre originale tout en le rendant accessible, beaucoup de références se sont retrouvées placées aléatoirement dans le film et sans vraiment de réflexion. Dans leurs critiques, de nombreux  fans de la franchise ont été même jusqu’à les  juger « ridicules ».

L’art subtile d’adapter avec succès les jeux vidéo au cinéma 

La narrativité

Dans l’un de ses écrits, l’universitaire américain spécialisé dans les médias, Henry Jenkins, explique que l’adaptation cinématographique des jeux vidéo est un exercice complexe car certaines caractéristiques propres à ce médium ne sont pas facilement transposables à l’écran. En effet, contrairement au cinéma, où la narrativité est au cœur de chaque construction, les jeux vidéo offrent une grande liberté au joueur qui peut influencer le déroulement de l’histoire. Cette spécificité particulièrement importante pour les joueurs, est difficile à reproduire dans un film où la narration est prédéterminée.

Au cinéma, le récit est essentiellement séquentiel ou linéaire et influence donc la façon dont le film est perçu et compris, ainsi que les choix esthétiques du réalisateur. Les films utilisent des techniques cinématographiques telles que les dialogues et les cinématiques pour raconter l’histoire de manière cohérente. Le public est ainsi un observateur passif, qui suit le déroulement du récit sans avoir de prise sur son issue.

Dans les jeux vidéo, en revanche, la narration est souvent non-linéaire, le joueur est un participant actif à la construction de l’histoire. Cela crée une différence majeure dans la construction du scénario par rapport au cinéma, où la narration est essentiellement linéaire et le public est un observateur passif. En outre, le temps de jeu d’un jeu vidéo, qui peut s’étendre sur 15 à 30 heures, contraste avec la durée d’un film, qui est généralement comprise entre 1h30 et 3h, limitant ainsi la possibilité de développer des personnages et des émotions complexes.

Pour les frères Le Diberder, auteurs de « Qui a peur des jeux vidéo », ce sont ces différences en termes de structure narrative qui créent un fossé entre cinéma et jeux vidéo.

L’interactivité

Ce fossé est renforcé par la présence (ou l’absence) d’interactivité. En effet, bien que la dimension narrative existe au sein des jeux vidéo, elle se retrouve éclipsée par ce que l’on peut appeler « l’interaction narrative » qui correspond à la notion de « jouabilité ». 

Et pour cause, le gameplay des jeux vidéo, qu’Alexis Blanchet (enseignant et chercheur français en cinéma et nouveaux médias) définit comme « l’agencement des règles imposées par le jeu et les possibilités d’appropriation de ces règles par le joueur » dans son ouvrage « Des pixels à Hollywood : cinéma et jeu vidéo, une histoire culturelle et économique » est difficilement imitable pour le cinéma. En effet, des mécanismes tels que le choix des dialogues et les embranchements narratifs ne peuvent pas facilement être reproduits au cinéma.

Dans son article consacré aux relations entre cinéma et jeu vidéo, Sandy Baczkowski conclut simplement que « On ne regarde pas un jeu, on y joue. On ne joue pas à un film, on le regarde » : devant un film, nous sommes des spectateurs, tandis que devant un jeu vidéo nous sommes de véritables joueurs. Ainsi, un jeu vidéo pourra, par exemple, offrir plusieurs histoires ou fins différentes selon les interventions du joueur, tandis que les films ont une fin unique pour tous les spectateurs.

L’immersion dans l’espace-temps

Au niveau de l’espace-temps, là aussi les deux médias diffèrent : lorsque le cinéma se caractérise par une proposition d’un récit en image, le jeu vidéo, quant à lui, est un univers numérique dans lequel les joueurs sont amenés à plonger, s’immerger voire s’enfermer pour vivre des aventures hors du temps et de l’espace. En effet, ils se déplacent au sein de l’espace et ainsi du temps, libérant le présent du jeu pour répondre à une logique de mémoire virtuelle. Le cinéma sollicite donc principalement le regard, la vue, tandis que le jeu vidéo correspond également à une dimension tactile et corporelle.

Des convergences indéniables :  le cinéma transludique

Ainsi, il paraît évident que le cinéma et le jeu vidéo répondent à des logiques qui sont, par essence, différentes à plusieurs niveaux, rendant impossible l’adaptation d’un jeu vidéo en film. 

Néanmoins, on observe ces dernières années que des convergences entre le cinéma et la vidéoludique apparaissent et se renforcent. Au cinéma, les expériences sont de plus en plus immersives : on parle alors de « remédiatisation », que Jay David Bolter et Richard Gursin définissent dans leur ouvrage « Remediation : Understanding New Media », comme la reprise des formes et techniques d’un média par un autre. On constate qu’au cinéma apparaissent des stratégies de remédiatisation pour créer davantage d’immersion pour le spectateur. Les réalisateurs utilisent des techniques de narration spécifiques pour immerger le public dans l’histoire, grâce au montage, à la mise en scène, etc… Ces techniques sont accompagnées par les avancées technologiques de ces dernières années, telles que la 3D, la 4D, les effets spéciaux, le son spatialisé, la technologie Dolby Atmos, la VR, etc… Par exemple, le film de Christopher Nolan, Dunkerque, transporte les spectateurs directement dans l’action des événements de la Seconde Guerre mondiale grâce à sa narration non linéaire, combinée à une cinématographie immersive et à une bande sonore stressante. 

A partir de ce phénomène, Martin Picard théorise l’idée de « cinéma transludique » dans sa thèse intitulée « Pour une esthétique du cinéma transludique : Figures du jeu vidéo et de l’animation dans le cinéma d’effets visuels du tournant du XXIe siècle ». Il définit ce concept comme une forme de cinéma qui aurait plus à voir avec l’esthétique des jeux vidéo et des nouveaux médias en général qu’avec les codes cinématographiques classiques du cinéma. Un film transludique reste un film « traditionnel » du fait qu’il comporte un récit avec un début, un milieu, une fin, axé sur la progression d’un ou plusieurs personnages. Les spectateurs ne peuvent donc pas intervenir dans l’action et avoir un impact sur son déroulement. Néanmoins, il intègre des éléments vidéoludiques dans sa narration et sa mise en scène et s’impose donc comme le résultat de la convergence de différentes influences, notamment à travers l’attitude ludique qui permet d’impliquer davantage le spectateur sans pour autant lui donner la maîtrise du récit, tout en conservant des conceptions et des idées qui existent depuis toujours au cinéma.

Anne-Lise Magnien

Sources

Picard M. (2009), Pour une esthétique du cinéma transludique

Marti Marc (2012), Jeux vidéo et logiques narratives

Maison des Sciences de l’Homme (2019), Culture vidéoludique !

Alix Odorico (2021), Ces raisons qui expliquent pourquoi les adaptations des jeux vidéo en film sont souvent ratées

Di Crosta Marida (2009), Entre cinéma et jeux vidéo : l’interface-film

Comment les deepfakes peuvent impacter la santé sur les réseaux sociaux ?

Vous avez déjà pu tomber sur la fameuse vidéo de Barack Obama insultant Donald Trump ou encore sur celle de Zelensky diffusée sur une chaîne d’information officielle ukrainienne. Certains adeptes du deepfake, s’amusent à inventer des visages qui n’existent pas, à parler à la place de personnalités publiques…

Cependant, l’usage du deepfake souligne des risques en termes de droits à l’image et désinformation de masse.

https://youtu.be/cQ54GDm1eL0?t=23

Le deepfake consiste en la création de photos, d’audios ou de vidéos utilisant le visage d’une personne existante ou non, rendus crédibles grâce à l’intelligence artificielle. Contraction de Deep Learning et fake, cette technologie repose sur les GANs (Generative Adversarial Networks), produisant un contenu très réaliste.

Le champ des possibles du deepfake s’élargit. Du visage d’une personne sur le corps d’un autre, à la création d’une personne qui n’existe pas ou encore à la possibilité de prendre l’apparence d’une personne sur une vidéo et de « cloner » sa voix, le Deepfake ne cesse de gagner en réalisme.

Cependant, nous pouvons nous interroger quant aux dangers auxquels les internautes sont exposés via l’utilisation de cette technologie. Rappelons que le premier Deepfake a été publié sur Reddit, plateforme sur laquelle un utilisateur mettait en scène des célébrités comme Natalie Portman ou Jessica Alba dans de fausses vidéos pornographiques. Une entrée plutôt fracassante…

Cette technologie est d’autant plus répandue par l’usage des réseaux sociaux et pourrait fortement nuire à la santé de tous.

De ludique à politique, comment peuvent-ils impacter la santé via les réseaux sociaux ?

L’impact sur le secteur de la santé

Commençons par l’aspect négatif :

L’influence des deepfakes sur la santé commence à préoccuper les experts.

Certains deepfakes sont utilisés pour compromettre la confidentialité des données de santé des patients. Les cybercriminels peuvent ainsi publier sur les réseaux des enregistrements vocaux ou des vidéos semblant provenir de professionnels de la santé ou autorité comme l’OMS mais qui sont en réalité des pièges à clics. Les risques sont qu’ils y fassent fuiter les données personnelles des malades.

D’un point de vue purement médical, une vidéo peut, par exemple, être diffusée et faire croire que quelqu’un a été guéri d’une maladie via un traitement spécifique. Un politique peut sembler dire ou agir à l’opposé des recommandations de santé publique…

Ces pratiques peuvent pousser à adopter des comportements préjudiciables, conduisant, qui plus est, à des fraudes à l’assurance maladie et des perturbations des soins de santé.

Par conséquent, il est important que les utilisateurs des réseaux sociaux soient conscients de la possibilité de deepfakes médicaux et qu’ils vérifient toujours l’authenticité des informations avant de les partager.

De surcroît, l’augmentation de deepfakes aux visages « parfaits » sur les réseaux va de pair avec l’accroissement du taux de chirurgie esthétique.

« En moyenne, sur cette tranche d’âge (18-34 ans), la proportion de femmes qui poussent les portes des cabinets de chirurgie esthétique est de l’ordre de 80%. »

Chirurgie esthétique : favorisée par les réseaux sociaux, la tendance explose chez les jeunes (rtl.fr)

Heureusement il n’y a pas que du mauvais au deepfake :

Parfois le trucage de voix peut être utilisée à des fins positives. La voix pouvant être trafiquée, certaines communications du secteur de la santé pourrait mieux « passer » aux yeux des utilisateurs.

« Si l’on prend l’exemple d’une campagne de santé publique, avec 2-3 % de personnes convaincues en plus, les Deepfake peuvent sauver des vies. »

Deepfake, entre réel progrès et enjeux éthiques (bpifrance.fr)

Par ailleurs, la langue des signes n’étant encore que très peu répandue, en particulier sur les réseaux sociaux, les deepfakes pourraient améliorer le quotidien de personnes atteinte de mutisme. Leur message pourrait avoir plus d’impact et entraîner plus d’engagement.

De plus, les deepfakes pourraient contribuer aux progrès de la science. Un des exemples relevés serait leur capacité à repérer des organes malades au travers de la radiographie, aidant ainsi les médecins à effectuer un diagnostic. Les réseaux sociaux pourraient alors y développer la diffusion de ces savoirs (pour les étudiants en médecine par exemple).

Images d’IRN générées grâce aux GANs

L’impact sur la santé mentale

Commençons à nouveau par le négatif :

Les deepfakes peuvent également avoir un impact sur la santé mentale des gens sur les réseaux sociaux.

Une personne peut être victime de cyberharcèlement et voir sa réputation salie par du deepfake utilisant son visage dans un contexte faux et défavorable. Ces risques touchent principalement les femmes pouvant être victimes de Revenge porn. Cependant, certaines victimes doutent de leur statut avançant qu’elles n’étaient pas réellement présentes sur ces vidéos et guérissent difficilement de ce traumatisme.

Par ailleurs, les deepfakes peuvent conduire à une usurpation d’identité de la part de cybercriminels se faisant passer pour d’autres via des notes vocales crédibles. Cette situation provoque une perte de confiance et instaure un climat de « paranoïa » .

D’autre part, il est désormais facile pour les utilisateurs de se créer une « fausse vie » et de « faux attributs physiques », qu’ils partageraient sur les réseaux sociaux. Des biais raciaux, sexistes et des critères de beauté « standards » inatteignables y sont, d’ailleurs, cachés sous la table. En effet, les deepfakes ont souvent tendance à blanchir, rajeunir ou vieillir les utilisateurs, à donner des traits plus fins pour une femme et inversement pour les hommes. Cette théologie de la perfection physique prônant le transhumanisme enferme les users dans un carcan de mensonges, complexes et de frustrations.

Le feed d’un jeune se voit donc de plus en plus lisse : une jeune femme magnifique dans un paysage de rêve alors que tout s’avère souvent truqué (fond vert). Cette surexposition constante au « parfait » pousse certains utilisateurs à ne plus se reconnaitre et à accepter leur faux visage à mesure que leur taux de likes augmente. Ce qui induit des troubles en termes de définition et limites de soi avec la question suivante : « Où s’arrête le vrai Moi, où commence mon faux personnage ». Pas étonnant que le taux de chirurgie esthétique augmente….

« Chaque fois que j’obtenais un “j’aime” sur une photo, je sentais ces endorphines comme si c’était moi, comme si quelqu’un que je connais aimait une photo de moi »

https://leclaireur.fnac.com/article/220141-apres-les-vraies-fausses-vies-sur-les-reseaux-sociaux-place-aux-vies-truquees-grace-a-lia/

Mais l’aspect positif donne un brin d’espoir :

Avez-vous déjà entendu parler de la Deepfake Therapie ? Une étude publiée dans la revue Frontiers in Psychiatry a mis en avant deux victimes d’agressions sexuelles dialoguant sur la plateforme Zoom avec leur faux agresseur, en présence de leur thérapeute. Elle s’est avérée fructueuse puisque l’une des victimes a vu ses stress post-traumatiques diminuer en une semaine. Précisons que l’agresseur s’exprime « avec empathie sans chercher à revictimiser le patient » . Ce type de plateforme existe déjà notamment DeepTherapy.ai, dans laquelle certains endeuillés parlent avec un défunt. Il faut cependant savoir limiter son utilisation car en faussant le vrai, certaines séquelles peuvent subsister. Cette pratique pourrait s’étendre de la médiation pour le divorce au harcèlement des enfants.

Certaines personnes n’arrivent pas à tourner la page concernant une personne étant donnée la visibilité que donnent les réseaux sociaux et cette pratique pourrait fortement les aider.

Conclusions et résolutions qui en découlent

Les deepfakes constituent donc le sujet emblématique des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle. Nous devons ainsi tenir compte de la portée de cette IA afin de protéger la santé de tous.

Heureusement, une réglementation vient encadrer les dérives des deepfakes.

Ainsi, l’utilisation de deepfakes pour tromper les internautes sur l’identité d’une personne peut être punie par la loi.

Aux États-Unis, par exemple, le Congrès a adopté la loi de lutte contre la cybercriminalité (Cybercrime Enforcement Act) en 2019, qui criminalise la production et la distribution de deepfakes dans le but de tromper ou de nuire à une personne. La loi impose des peines allant jusqu’à 10 ans de prison.

En France, les deepfakes peuvent être considérés comme de l’escroquerie ou de l’usurpation d’identité, voire de la diffamation, selon la loi sur la liberté de la presse. Ainsi, un deepfake non mentionné comme tel est illégal. La loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information permet de stopper la diffusion massive de désinformation.

Au niveau européen, le projet de règlement sur les services numériques (« Digital Services Act ») prévoit des mesures pour lutter contre les risques systémiques découlant des plateformes en ligne et moteurs de recherche, en particulier contre tout effet négatif sur le discours civique.

D’autre part, la Commission européenne a publié un code de conduite européen renforcé pour lutter contre la désinformation. Le Conseil de l’Union européenne a adopté une résolution en 2021 appelant à une réglementation renforcée des deepfakes pour lutter contre la désinformation et les menaces pour la sécurité.

Enfin, plusieurs solutions ont été développées par les grands acteurs du numérique pour détecter et lutter contre les deepfakes, comme le Deepfake Detection Challenge de Facebook, AWS, Microsoft et Partnership in AI, ainsi que la plateforme InVID pour aider les journalistes à détecter les vidéos truquées.

Désormais, il est obligatoire de préciser si un contenu est Deepfake ou non.

Cependant, cette réglementation pose également des défis en matière de liberté d’expression et de droits de la personne, la ligne entre manipulation de contenu malveillant et parodie étant souvent floue.

Ce qui importe donc le plus est d’être conscient que les réseaux sociaux ne sont pas la vraie vie…

Chirel Darmouni.

Sources

WeChat, l’application totale

En 2022, 1,3 milliards de personnes utilisent l’application de messagerie WeChat. Parmi ces utilisateurs, deux tiers sont localisés en Chine0. Sur l’App Store, l’application se présente comme représentant un véritable « style de vie » à part entière.

Créée en janvier 2011, WeChat est à l’origine une application mobile de messagerie textuelle et vocale. Le groupe Tencent, son créateur, est qualifiable de « géant chinois du numérique ». Dès 1998, le groupe lance la messagerie instantanée qui deviendra la plus populaire de Chine : OICQ, un clone d’ICQ (une messagerie développée en 1996 par Mirabilis, une entreprise israélienne), renommé par la suite QQ pour prévenir d’une déconvenue juridique. Les services en ligne gérés par Tecent s’étendent des réseaux sociaux aux jeux-vidéos, en passant par les services bancaires, du streaming vidéo, et aujourd’hui le cloud et l’intelligence artificielle. Avec Alibaba et Baidu, Tencent est l’une des plus grandes entreprises chinoise travaillant dans le numérique. Elle est la plus valorisée du pays en 2022, à 375 milliards d’euros1.

WeChat tient son nom de Weixin, qui signifie « micro-message » en chinois2. L’objectif de sa création est de créer un concurrent de Whatsapp, déployable en Chine. Avec le temps, des fonctionnalités ont été ajoutées, et l’application est désormais irréductible à un système de messagerie. On pourrait imaginer une comparaison avec Line pour le Japon, Kakao Talk pour la Corée du Sud, Facebook ou Instagram pour l’Europe et l’Amérique. Mais l’application développée par Tencent s’étend au-delà de ces utilisations. Aujourd’hui, WeChat est indispensable au fonctionnement de la société chinoise. Si WeChat peut apparaître grossièrement comme une pâle copie de différents médias sociaux majoritairement utilisés en occident, c’est que l’on sous-estime le modèle pris peu à peu par l’application, entre complexité, omniprésence et presque-monopole sur le territoire chinois.

Lorsque Tencent développe QQ, elle ne prévoit pas immédiatement son adaptation mobile. Similaire à MSN, la messagerie commercialisée par Microsoft à partir de 19953, QQ s’utilise sur PC. Il a donc fallu adapter QQ aux services de téléphonie et aux mobiles, et lancer WeChat.

Mais alors, pourquoi WeChat s’est-elle immédiatement positionnée comme une messagerie mobile idéale pour les citoyens chinois ? Elle est le précurseur d’une technologie répondant parfaitement à un certain besoin des Chinois au moment de son déploiement : la messagerie vocale. En effet, les répondeurs n’existent alors pas chez les opérateurs chinois, ce qui obligent systématiquement les citoyens à appeler directement ou à écrire. Or, le mandarin permet difficilement une communication écrite, de par l’utilisation d’idéogrammes. L’adapter sous forme de clavier est difficile4, car la prononciation et le ton a un impact sur la signification d’un mot. Alors, les messages vocaux intégrés à la messagerie instantanée répondent à cette problématique, et permettent à WeChat de s’implanter rapidement dans le quotidien des Chinois, et ce dès 2011.

En 2012, WeChat met en place la possibilité de s’identifier via un QR Code, qui devient un identifiant numérique à scanner. L’application décide également de développer l’aspect social : elle lance la fonctionnalité « moments », qui permet aux utilisateurs de de partager des images, des liens ou des mises à jour avec des légendes. On peut ensuite y réagir, les liker, les commenter, et même partager des moments vidéo éphémères comme via les storys Instagram dès 2018. Mais WeChat ne met pas en place ces fonctionnalités de façons à étendre au maximum les réseaux humains (et donc sociaux) de ses utilisateurs : on ne peut ajouter une personne sur WeChat que si le contact nous a été transféré par un ami commun. L’autre possibilité est celle de scanner le QR Code affilié au compte d’un utilisateur directement sur son téléphone, et pour cela il faut être à proximité directe. On comprend donc la volonté de créer un réseau social dont les liens sont étroits, recréant en ligne une forme de sphère privée5.

La fonctionnalité official account, elle-aussi instaurée en 2012, permet à WeChat d’obtenir une dimension informative : des acteurs journalistiques, institutionnels, commerciaux, touristiques, scolaires, peuvent envoyer des messages push aux utilisateurs, et ainsi communiquer sur leurs actualités, informer, mais aussi transmettre des messages publicitaires. WeChat devient un média d’information, qui s’impose comme le 1er de Chine dès 2016, d’après « The 39th China Statistical Report on Internet Development »6, publié par le China Internet Network Information Center en 2017. Cependant, les acteurs privés ne sont pas les seuls à pouvoir utiliser la fonctionnalité official account. Les utilisateurs influents deviennent alors eux aussi producteurs de contenu médiatique.

WeChat Pay est instauré en 2013, et constitue un porte-monnaie électronique. Le fait d’instaurer un service de paiement déploie un nouvel aspect de l’application : elle inclut désormais l’acte marchand. Son but est de se diffuser dans tous les aspects quotidiens de Chine. Ceux qui ne trouvaient pas d’intérêt à utiliser un média social ou informationnel se voient contraints d’utiliser eux-aussi l’application, afin de pouvoir payer dans certaines circonstances. WeChat Pay est accepté dans toutes les boutiques de Chine, et même dans de grands magasins à l’étranger (tels que le BHV Marais ou les Galeries Lafayette à Paris). Le système des « enveloppes rouges » permetd’envoyer de l’argent virtuellement, dans le cadre de la tradition chinoise des hongbao, les étrennes échangées lors du nouvel an chinois. Désormais, ces enveloppes circulent toute l’année, pour faire circuler des sommes d’argent. Certains espaces de consommation ou lieux n’acceptent plus les paiements en espèces, le paiement dématérialisé via WeChat s’impose petit à petit, même chez les plus âgés qui se doivent alors d’être présents sur l’application. Seule AliPay, le système de paiement développé par Alibaba Group en 2004, tente de concurrencer WeChat Pay, mais il n’a pas la force qu’à WeChat en étant déjà intégré à une application complète.

Média social, d’information, service de paiement et d’identification, WeChat ne cesse de se déployer au sein de la société chinoise et est devenu un écosystème construit et structuré. Au-delà de sa propre structuration, WeChat est lui-même structurant pour les citoyens chinois, car c’est par lui que la quasi intégralité des actions numériques effectuées dans la journée vont passer. On peut désormais, via l’application, faire presque tout ce que l’on peut retrouver sous forme de service numérisé dans la vie quotidienne : effectuer des démarches administratives, acheter un billet de train ou un ticket de cinéma, commander un repas ou un taxi ou encore envoyer des mails professionnels à l’étranger. L’application constitue une aujourd’hui une agrégation des services7 : elle contient des « mini-programmes », des applications dans l’application elle-même8. Les entreprises externes à WeChat peuvent donc s’y retrouver pratiquement intégrées.

L’agrégation des services mis en place par WeChat crée une forte dépendance. Regroupant toutes les interactions sociales, les informations mais également les paiements et les aspects administratifs, WeChat se positionne comme une plateforme « totale ». En Chine, elle est utilisée pour tout, et par tous. Cette omniprésence centralise l’entièreté des données collectées sur les utilisateurs, et donc sur les citoyens chinois : ce qu’ils font et comment ils le font, qui ils fréquentent, ce qu’ils mangent, leurs habitudes de consommation, de déplacement, et de paiement. Or, dans sa chartre d’utilisation9, WeChat précise qu’il ne chiffre pas toutes les données collectées : l’application souhaite être en mesure de les « collecteur, utiliser, stocker et partager ».

Le réseau unique et structuré constitué par Tencent permet au gouvernement chinois de maîtriser l’organisation sociétale. S’il est un besoin de censure, de régulation, ou de transmission d’information, le Parti Communiste Chinois est en mesure d’agir directement sur tous ses citoyens par le biais de WeChat10. En plus d’avoir, par son intermédiaires, accès aux habitudes et aux pratiques de chacun. Toutes les applications mobiles et les mises à jour effectuées par le groupe sont soumises à l’État chinois avant leur mise en service, et ce depuis 202111. Depuis 2015, le géant chinois du numérique Tencent est autorisé par le gouvernement à développer un système de notation des citoyens, donc de crédit social12. L’entièreté des données fournies par WeChat constitue une base extrêmement précise d’informations sur les comportements, et donc d’évaluation potentielle. 

Le contrôle social exercé par le gouvernement chinois s’effectue tant via WeChat que dans la vie réelle. En d’autres termes, ce qui se passe sur WeChat en Chine affecte immédiatement les conditions de vie d’un de ses utilisateurs. Si l’État considère qu’un individu est problématique, il peut par exemple agir en supprimant son compte WeChat. Et, avec celui-ci, les sommes d’argents présentes sur le compte bancaire en ligne relié à WeBank, ou reçues lors des transitions WeChat Pay13. Cette suppression de compte peut également couper le citoyen de ses communications professionnelles, médicales et administratives. De la même façon, enlever de son propre cercle WeChat quelqu’un de problématique aux yeux du gouvernement ou s’étant simplement mal comporté, est désormais valorisé via le crédit social. Par tous les temps et en tous lieux chinois, WeChat est ainsi devenu le lien quasi-direct entre ceux qui contrôlent et surveillent la population chinoise, et ceux qui doivent se contenter de la constituer.

David Butow/Corbis via Getty Image

De MySpace à TikTok : les réseaux sociaux comme un eldorado de la promotion musicale

À l’ère du numérique, les médias sociaux font désormais partie intégrante de l’industrie musicale. Ce n’est plus un secret que les réseaux sociaux sont devenues un élément essentiel du marketing pour la promotion de la musique des artistes. Le premier réseau social lancé en 2003, MySpace, a d’ailleurs été construit sur la musique: de nombreux artistes ont utilisé cette plateforme pour promouvoir leur musique, partager des clips audio et vidéo, ou pour se connecter avec des fans et d’autres artistes. Le réseau est même devenu un élément clé de la promotion musicale à l’époque, avec des artistes tels que Arctic Monkeys, Adele, ou encore Lily Allen, qui ont été découverts grâce à la plateforme.Cependant, à mesure que les réseaux sociaux ont évolué, MySpace a été supplanté par des plateformes plus modernes, comme Facebook, Youtube, Instagram ou bien Twitter, qui permettent aux artistes d’atteindre de nouveaux publics et promouvoir leur musique plus efficacement que jamais. Aujourd’hui, c’est TikTok, qui reprend la place de l’outil de marketing puissant pour l’industrie musicale. Dans cet article, nous allons ainsi explorer la façon dont le secteur de la musique s’appuie sur les réseaux sociaux pour la promotion. 

Se faire connaître et développer la fanbase

La première chose à considérer est la façon dont ils peuvent être utilisés comme outil de communication pour les artistes. Les médias sociaux leur permettent de partager leur travail avec des fans potentiels en temps réel: ils peuvent obtenir un retour immédiat de la part de ceux qui écoutent ou regardent leur contenu en ligne. Les artistes nouent ainsi des relations avec les auditeurs, ce qui peut se traduire par une augmentation des ventes à terme – un élément clé de toute campagne de promotion réussie. De nombreuses fonctionnalités existent aujourd’hui sur les réseaux sociaux pour développer une communauté, comme les streamings en direct sur Instagram, Tiktok ou Twitch, où les fans peuvent s’impliquer directement en interagissant via des fonctions de chat. Par exemple, Adele a organisé son tout premier live “Q&A” sur Instagram, ou elle répond aux questions de ses fans pour la sortie de son album “30” en 2021: certains extraits font encore du bruit aujourd’hui!

Avant une sortie de projet, il est quasiment indispensable de “teaser” ce dernier sur les réseaux sociaux. En effet, de nombreux artistes publient des courts extraits sur les plateformes pour susciter l’intérêt; ces clips donnent juste assez d’informations sur le matériel à venir pour que les auditeurs soient intrigués – créant ainsi une anticipation autour des futurs projets. Par exemple, en 2020, le rappeur français Laylow sortait Trinity, un album qui a été vendu à plus de 10 000 exemplaires en première semaine: un résultat spectaculaire pour un artiste encore émergent à l’époque. Cette ascension fulgurante dans l’industrie musicale peut être expliquée par sa musique novatrice mais également par sa stratégie de marketing efficace. Celle-ci reposait sur la création d’une image forte et cohérente sur les réseaux sociaux qui se décline à travers sa musique, ses visuels, et ses collaborations artistiques. Ses clips recherchés publiés sur Youtube étaient l’un de ses principaux moyens de communication, qu’ils mettaient en avant sur ses réseaux sociaux via de courts extraits. Pour Trinity, il a procédé à un séquençage de la sortie des clips qui suit la logique de l’album. 

Trinityville – Laylow

Les médias sur les plateformes de réseaux sociaux  jouent également un rôle important dans la promotion de la musique, qui délivre des courts interviews d’artistes, ou promeut tout simplement la sortie d’un projet. On peut citer des médias digitaux, sur Instagram et Twitter comme Antidote, les Inrocks, Camino TV ou bien Raplume. 

En outre, les services de streaming tels qu’Apple Music et SoundCloud ont permis aux labels indépendants ou aux groupes non signés qui ne bénéficient pas du soutien d’une grande maison de disques, d’accéder à une exposition sans précédent grâce à des algorithmes spécialement conçus pour découvrir de nouveaux talents (ce qui n’était pas le cas il y a encore peu de temps). Les artistes émergents ont maintenant des opportunités disponibles sans coût, autre que le temps investi dans la création d’un contenu de qualité – leur permettant d’avoir un plus grand espace dans ce marché compétitif. On peut citer de nombreux talents connus grâce à Soundcloud, comme Jorja Smith, en passant par Billie Eilish ou bien Lil Uzi Vert. 

TikTok ou bien la nouvelle star de la promotion musicale

TikTok est une plateforme de médias sociaux permettant aux utilisateurs de créer et partager de courtes vidéos courtes. Lancée en 2016, l’application a connu une croissance exponentielle pour atteindre plus d’un milliard d’utilisateurs actifs mensuels dans le monde entier. Les utilisateurs de TikTok se prêtent à des vidéos de danse, lip sync ou bien des challenges, avec un audio souvent tiré de chansons tendances. Pour l’industrie musicale, TikTok est devenu un moyen puissant de promouvoir la musique et de lancer des artistes. Les chansons qui deviennent virales sur TikTok sont souvent propulsées au sommet des classements des charts musicaux, grâce à l’énorme audience de la plateforme. De nombreux artistes américains tels que Doja Cat ou bien Megan Thee Stallion ont tous connu une croissance rapide de leur popularité grâce à des musiques qui sont devenues populaires sur TikTok, notamment pendant la période de Covid. Des challenge de danse autour de sa chanson « Savage” de Megan Thee Stallion ou « Say So » de Doja Cat ont été crée et repris par de nombreux fans.

Say So – Doja Cat

Les maisons de disques et les promoteurs peuvent utiliser TikTok pour lancer des campagnes de marketing ciblées. L’application propose des services spécialisés tels que le suivi analytique, la conception de profils personnalisés, des campagnes promotionnelles ou bien des conseils en matière d’image de marque. Les artistes peuvent faire appel à des influenceurs ou à des célébrités très suivies sur diverses plateformes afin de faire connaître les prochaines sorties ou les événements liés à l’œuvre d’un artiste particulier. Cette méthode peut s’avérer très efficace, car elle permet à ceux qui n’ont peut-être pas eu l’occasion d’écouter la musique de l’artiste de découvrir ce qu’il crée de manière organique, tout en augmentant sa visibilité auprès des fans qui le connaissent déjà bien ! 

En conclusion

Les réseaux sociaux sont ainsi le nouvel eldorado de la promotion musicale pour les artistes. Tout bien considéré, il est clair que les plateformes jouent un rôle vital dans les stratégies de promotion modernes, et le fait d’avoir des profils actifs sur plusieurs réseaux est aujourd’hui presque incontournable pour  promouvoir votre musique. Si vous ne l’avez pas encore fait, c’est le moment idéal pour commencer à construire votre présence en ligne aujourd’hui.

Artemia S.

Les nouvelles sources d’informations sur les réseaux sociaux : l’exemple d’HugoDécrypte

En 2015, alors qu’il est en première année à Sciences Po, Hugo Travers, dit HugoDécrypte, crée sa chaîne YouTube, qu’il présente comme un média qui se veut ouvert aux jeunes et informatif via un traitement journalistique de l’actualité. 6 ans plus tard, il est à la tête d’une entreprise de 25 employés postant quotidiennement des condensés d’actualités sur TikTok, Instagram, Twitch, Snapchat, Twitter et même Spotify sous format audio. Aujourd’hui, son média semble avoir conquis les jeunes audiences sur les réseaux sociaux, alors que de nombreux médias s’interrogent sur la façon dont ils pourraient capter ce public réputé fragile et désintéressé.

De nouvelles formes d’information

A seulement 25 ans, le média HugoDécrypte compte à ce jour 1305 publications sur Instagram pour 2.5 millions de followers, 1400 vidéos sur Youtube pour 1.89 million d’abonnés et 266 millions de likes sur TikTok, pour 4.2 millions de followers. Le média est devenu le media par excellence sur les réseaux sociaux. 

Le média HugoDécrypte s’engage à rendre accessible n’importe quel sujet au plus grand nombre. Ce principe de vulgarisation permet à un jeune de 14 ans de comprendre et de s’intéresser à des sujets d’actualité. Sur le fond, un sujet pourra donc tout autant intéresser un adolescent que quelqu’un qui maitrise déjà le sujet.

Le concept de la chaîne est simple : Hugo décrypte l’actualité et les sujets de société qui intéressent les jeunes, en utilisant des exemples concrets et des images pour illustrer ses propos. Ses vidéos sont courtes, souvent moins de dix minutes, et vont droit au but. Il aborde des sujets variés, allant de la politique aux nouvelles technologies, en passant par les enjeux environnementaux ou encore les phénomènes de société.

La force du média est la compréhension des stratégies et enjeux propres à chaque réseau social. Chaque réseau à ses codes, son public est ses modes d’utilisation. Le média propose une réflexion stratégique sur les contenus qui seront diffusés. Sur Youtube, on retrouve les « Actus du jour » (entre 10 et 15 minutes d’infos par jour) ainsi que des reportages. Le vidéaste détient également une chaine secondaire à 900K abonnés sur lesquels il poste des grands formats, reportages, débats… Sur Instagram, il privilégiera des formats écrits (carrousels) intuitifs et visuels ainsi, que des courts extraits pour les Reels. Sur TikTok, il postera des formats courts et impactants. Le média compte également un compte Twitter et une chaîne Twitch sur laquelle Hugo anime un talk-show tout les mercredis.

Enfin, le fait de passer par ces canaux d’information renforce le degré de transparence entre le média et les consommateurs. Le manque de transparence sur la manière dont les médias traditionnels diffusent les informations leur est souvent reproché. Chez HugoDécrypte, les personnes qui suivent le média peuvent facilement faire un retour sur les contenus. Cela participe au maintien de la confiance envers le média.

Capter un public jeune et défiant par l’horizontalité 

Selon le 35ème baromètre de confiance dans les médias publié en janvier 2022 par Kantar & La Croix, la rupture entre la jeunesse française et les supports de radio, de télévision et de presse écrite s’accroît chaque année. Chez les 18-24 ans, l’intérêt pour l’actualité a chuté de 51 % à 38 % en l’espace d’un an. Cette jeune population estime également que certains sujets qui leur sont chers n’ont pas été assez traités par les médias traditionnels (comme le dérèglement climatique par exemple).

Ainsi, dans un contexte compliqué où l’actualité est négative, les 18-25 ans s’intéressent de moins en moins aux médias dits « traditionnels ». C’est là que les nouveaux médias, tels que HugoDécrypte, prennent de l’importance en s’implantant sur les réseaux sociaux où les jeunes se trouvent déjà. Ce qu’il représente correspond parfaitement à ce que les jeunes recherchent : des informations rapides, concises et expliquées par une personne sympathique de 25 ans. Alors que la fiabilité de l’information sur les réseaux sociaux était la principale source de méfiance, HugoDécrypte change la donne en se présentant comme fiable, transparent et pluraliste. Sa stratégie marketing est efficace; son public ressent une proximité et une spontanéité, alors que tout est en réalité minutieusement préparé. Selon Hugo Travers, le succès de son média repose sur la confiance mutuelle avec les internautes. En somme, cela pourrait être notre « pote ». Un « pote » que l’on peut peut retrouver sur la chaîne de Squeezie le lundi, puis sur sa chaîne le mardi en train d’expliquer le conflit israélo-palestinien.

Cette nouvelle façon de penser les médias, sur les réseaux sociaux, se caractérise par une approche horizontale. Contrairement aux médias traditionnels où l’information est diffusée de manière verticale, avec des experts et des journalistes diffusant l’information vers le public, les médias sur les réseaux sociaux impliquent davantage les utilisateurs dans la production et la diffusion de l’information. Les réseaux sociaux permettent une interaction directe entre les producteurs et les consommateurs, offrant ainsi une approche plus démocratique et collaborative. Cette approche permet aux utilisateurs de partager leur point de vue, de poser des questions, de discuter et d’interagir avec les autres utilisateurs, créant ainsi une communauté d’intérêts autour du média et une nouvelle façon de s’informer. Bien que l’envie de transparence et de dialogue entre un média et sa communauté ait toujours existé, elle s’est longtemps heurtée à un modèle de diffusion descendant où le média transmettait l’information et le public la recevait. Avec l’avènement des réseaux sociaux, il y a davantage d’horizontalité dans les échanges. 

Un virage à emprunter pour les médias traditionnels

Ainsi, si l’on suit le modèle à succès d’HugoDécrypte, la digitalisation des contenus proposés est primordiale à la survie des médias traditionnels. Depuis quelques années, on observe ainsi la transition des médias traditionnels vers les réseaux sociaux. Même si les médias traditionnels ne sont pas voués à disparaître, de plus en plus investissent les réseaux sociaux. Par exemple, le Monde a très rapidement proposé ses contenus sur les réseaux sociaux : Snapchat, Youtube, Facebook Instagram et plus récemment TikTok. Aujourd’hui, Le Monde compte 1.7m de followers sur Instagram, 1.54m d’abonnés sur YouTube et 800k followers sur TikTok. Dès lors, celui-ci s’ancre dans l’esprit des jeunes de 18-25 ans comme un média moderne et dans l’ère du temps.

Les médias traditionnels comme la télévision, la radio et les journaux ont des relations complexes avec l’utilisation du big data et la façon dont l’information est numérisée. Cela est dû aux opportunités de croissance que cela peut apporter mais également au chamboulement de leur business model. Tout cela a un impact sur la façon dont l’information est produite, consommée et payée.

Avec l’avènement des réseaux sociaux, la transition vers une nouvelle façon de fonctionner pour les médias est devenue presque nécessaire. Les médias doivent s’adapter à cette nouvelle réalité pour continuer à être pertinents et atteindre leur public. Cela implique des changements dans la façon dont ils produisent, diffusent et monétisent l’information.

Jean Pisanté


Bibliographie

Léa Iribarnegaray (20 Octobre 2020): « HugoDécrypte » et sa petite entreprise. LeMonde.fr. https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/09/22/hugo-decrypte-et-sa-petite-entreprise_6095649_4401467.html

Astrid-Edda Caux et Rita Faridi (12 Octobre 2018): HugoDécrypte en long, en large, et en Travers. La Péniche. https://www.lapeniche.net/hugodecrypte-en-long-en-large-et-en-travers/

Kati Bremme (20 Janvier 2022): Baromètre Kantar-La Croix : les médias attendus comme acteurs de la démocratie. Méta-Média.fr. https://www.meta-media.fr/2022/01/20/barometre-kantar-la-croix-les-medias-attendus-comme-acteurs-de-la-democratie.html

Léa Iribarnegaray (05 avril 2022): Jean Massiet, HugoDécrypte, « Brut »… Comment de nouveaux producteurs d’infos captent les jeunes sur les réseaux sociaux. LeMonde.fr. https://www.lemonde.fr/campus/article/2022/04/05/jean-massiet-hugodecrypte-brut-comment-de-nouveaux-producteurs-d-infos-captent-les-jeunes-sur-les-reseaux-sociaux_6120599_4401467.html

Randa El Fekih (25 janvier 2023): Hugo Travers : « Seuls les médias qui réussiront leur transition en ligne survivront ». MediaConnect.com. https://mediaconnect.com/hugo-travers-seuls-les-medias-qui-reussiront-leur-transition-en-ligne-survivront/?lang=fr

Olivier Meier (05 juillet 2022): LES MÉDIAS TRADITIONNELS FACE À LA NUMÉRISATION DE L’INFORMATION. Management&datascience. https://management-datascience.org/articles/20406/

Randa El Fekih (25 janvier 2023): Hugo Travers : « Seuls les médias qui réussiront leur transition en ligne survivront ». MediaConnect.com.

Les bulles de filtre : une influence sociale et politique ?

Parmi les nombreuses critiques récentes issues de la presse occidentale du réseau social TikTok, revient souvent l’idée que l’application du géant chinois Byte Dance favoriserait la création de bulles de filtre, et ce bien plus que ses concurrents comme Facebook, Instagram, Twitter ou même LinkedIn.

L’existence des bulles de filtre

Concept souvent répandu au sein des presses presque lobbystes « anti réseaux sociaux » mais finalement assez peu démontré, la bulle de filtre est décrite par Eli Rider comme « l’état dans lequel se trouve un internaute lorsque les informations auxquelles il accède sur Internet sont le résultat d’une personnalisation mise en place à son insu ».

Ainsi, en utilisant diverses données collectées sur les utilisateurs, des algorithmes déterminent les contenus qui leur seront accessibles. L’expression « bulle de filtres » illustre l’isolement résultant de ce mécanisme : chaque utilisateur navigue dans une version unique du web, adaptée à ses préférences et créant donc une « bulle » personnalisée.

Stratégies d’audience et algorithmes

En conséquence de leurs modèles d’affaires centrés sur le contenu et la data, les grandes entreprises d’internet développent des stratégies d’audience reposant sur la hiérarchisation des pages web dictée par l’implémentation d’algorithmes, comme le Page Rank de Google, qui offre plus de visibilité aux pages les plus citées, liées et commentées. Et l’on retrouve également ces mêmes types de stratégies sur les réseaux sociaux.

Dans A quoi rêvent les algorithmes ? , Dominique Cardon explique que « les calculateurs reproduisent l’ordre social ».

Ces algorithmes trient et hiérarchisent les informations, sans que l’on sache précisément leurs composantes techniques. Ces actions ont des visées commerciales, en présentant aux utilisateurs des publicités adaptées à leur profil. On assiste donc à une « personnalisation » de l’information.

De plus, les algorithmes renforcent la culture du « winner takes all » : grâce aux recommandations, plus un contenu est vu, plus il sera suggéré à d’autres utilisateurs. Celui-ci entre alors dans un cercle vertueux (ou vicieux ?), au détriment des autres contenus qui sont complètement négligés. C’est pour cette raison que les algorithmes ont tendance à rendre certaines informations invisibles. Et ces derrière ces deux concepts que se cache celui de la chambre d’écho, au cœur du débat sur les bulles de filtre. Cette notion fait référence à l’idée que les réseaux sociaux, en créant un environnement cognitivement homogène, nous renvoient une image emprisonnant de nous-mêmes, validant ainsi nos opinions et croyances préexistantes et annihilant notre libre arbitre.

Renforcement de l’entre-soi idéologique et fragmentation de la réalité sociale

Ce constat un tant soit peu dramatique est susceptible d’entraîner des conséquences directs sur la politisation des individus. L’entre-soi idéologique serait donc favorisé par Internet et plus particulièrement par les réseaux sociaux. Les forums tels que « jeuxvideo.com » sont connus pour abriter une communauté d’extrême droite ou de droite radicale, créant une chambre d’écho où ces idées sont renforcées. Les utilisateurs opposés à ces idéologies évitent généralement ce site, ce qui explique le faible nombre de signalements. En revanche, Facebook et Twitter rassemblent des communautés et opinions diverses, ce qui peut entraîner des confrontations idéologiques et plus de signalements de contenus discriminatoires. De plus, les algorithmes de recommandation sur des plateformes comme Instagram ou TikTok maintiennent ces bulles en utilisant les traces numériques telles que les likes, les re-visionnages ou les commentaires sur du contenu d’extrême droite par exemple. Le contenu suivant sera alors influencé par ces traces. Cela conduit à une information biaisée, concentrée sur des thématiques réactionnaires, identitaires, racistes ou xénophobes.

En fin de compte, les individus se retrouvent dans une réalité fragmentée, contribuant ainsi à la segmentation de la société. Les groupes sociaux continuent d’exister sur Internet et l’idée d’un internet en dehors du monde est illusoire. Les nouvelles technologies ne modifient pas fondamentalement les rapports sociaux hors ligne. Les conflits et dynamiques sociales existent indépendamment de l’Internet. Les individus ont une existence sociale qui dépasse le contexte en ligne et leur comportement sur Internet est souvent influencé par leur réalité sociale et leur identité en dehors de la sphère numérique. Cependant, cette existence sociale est renforcée par ces réseaux. Pendant les années 2015 et 2016, marquées par une vague d’attentats terroristes en France, le nombre de signalements de contenus haineux en ligne a connu une augmentation significative. Les catégories de contenus les plus signalées étaient celles impliquant des « provocations publiques à la haine et la discrimination raciale, ethnique ou religieuse », des « apologies de crimes de guerre et contre l’humanité », ainsi que des « injures ou diffamations xénophobes ou discriminatoires ».  Cette corrélation entre les événements majeurs tels que les attentats et l’augmentation des signalements démontre en partie que les réseaux sociaux peuvent refléter voire amplifier les phénomènes sociaux qui se produisent à l’extérieur comme en témoigne l’augmentation des rixes mortels entre jeunes dans les quartiers populaires.

Au-delà des limites des bulles de filtre : la démocratisation de l’espace public

Ce constat ne doit cependant pas devenir dogmatique car Internet reste selon Dominique Cardon un des meilleurs moyens de démocratisation  de l’espace public. Dans La démocratie Internet, Internet est décrit comme le moyen d’un élargissement de l’espace public, favorisant sa démocratisation. L’auteur soutient que l’apparition de nouveaux acteurs dans l’espace public a entraîné la levée des obstacles qui bloquaient l’accès à la parole, et a multiplié des formes des expressions publiques plus subjectives, personnelles et privées via les réseaux sociaux.

« Internet pousse les murs de l’espace public, tout en enlevant le plancher ».

Internet a bouleversé la hiérarchie des émetteurs de savoir et de vérité, autrefois presque incontestable dans les médias de masse traditionnels. Aujourd’hui, l’autorité ne repose plus uniquement sur quelques institutions médiatiques établies, telles que les journaux, les chaînes de télévision et les radios. Internet a permis à n’importe qui de devenir un émetteur potentiel de savoir et d’informations. Les plateformes en ligne, comme les blogs, les réseaux sociaux et les sites web indépendants, offrent à chacun la possibilité de partager ses idées, opinions et connaissances avec un public potentiellement mondial. Cette démocratisation de la production de contenu a donné lieu à une multitude de sources d’information accessibles aux individus, renforçant en théorie l’idée de neutralité globale des réseaux. Cela remet en question les médias de masse, les nouveaux médias étant perçus à différents moments comme une avancée, une libération des formes de communication traditionnelles, favorisant une meilleure interconnexion entre les individus et un nouveau lien social.

Fractures informationnelles et polarisation du paysage médiatique

Si le marché de l’information s’est profondément transformé avec l’émergence des réseaux, les médias traditionnels restent assez consommés en particulier en France. Il semble donc intéressant d’analyser la polarisation de l’espace médiatique français pour comprendre les fractures informationnelles auxquelles contribuent les bulles de filtres des nouveaux médias.

Selon un rapport publié par l’Institut Montaigne, Bruno Patino, Dominique Cardon et Théophile Lenoir affirment que le champ médiatique en France est structuré selon un axe vertical, avec d’un côté les médias du centre et de l’autre les médias périphériques, tandis qu’aux États-Unis, il est polarisé selon un axe gauche droite horizontal. Cependant, quel que soit le pays, les réseaux sociaux proches du centre sont utilisés par une population d’individus diplômés de l’enseignement supérieur : « C’est en fait un monde social qui élargit le champ des dominants : hommes politiques, journalistes, urbains, etc. ».

Ainsi, cette polarisation se répercute sur les réseaux sociaux. Dans les médias du centre, les plus institutionnalisés, dont Twitter et Facebook sont relativement proches, la circulation de l’information fonctionne différemment que dans les espaces les plus éloignés de ce centre. Une fraction de la population se voit exclue de l’espace public prédominant où elle forge sa relation avec le monde, en s’opposant aux médias centraux. Les « fake news » résultent alors d’une opposition sociale entre le public central et le public périphérique. Pour qu’une fausse information soit crédible, elle doit être soutenue par une personne ayant une certaine autorité. Ce phénomène, appelé « blanchiment d’information » développé par Dominique Cardon, implique que des personnalités influentes légitiment cette information. Les « fake news » ne peuvent se propager que si des individus y croient, les diffusent, les ciblent et les adaptent pour les intégrer à l’agenda médiatique, souvent en créant une communauté. Les milieux d’extrême droite identitaires utilisent principalement cette tactique en diffusant des informations exagérées, manipulées ou sorties de leur contexte, renforçant ainsi les bulles de filtres et confortant leurs partisans. Et on assiste de plus en plus à un glissement dangereux de certains médias et réseaux sociaux.

Une influence palpable pour qui ?

En conclusion, Internet et les réseaux sociaux reflète nos comportements dans le monde réel en les modifiant légèrement. Si un individu évolue dans un environnement socialement homogène, fermé ou de niche comme les mouvements identitaires, la « bulle » aura une influence significative amplifiante. Nonobstant, beaucoup de progrès techniques offrent désormais la possibilité aux individus même marginalisés de retrouver leur libre arbitre par un contrôle technique des filtres.

Mais pour la majorité de la population, il est compliqué de prouver que les réseaux sociaux via les bulles de filtre emprisonnent les individus. Les réseaux sociaux formeraient en fait une multitude de communautés où les informations circuleraient entre elles via les liens faibles augmentant ainsi la neutralité. En outre, l’irrationalité psychologique des individus est telle qu’il est difficile d’affirmer avec certitude que les propositions de contenu des algorithmes exercent une grande influence sur nos comportement sociaux et politiques, pour une majorité modérée aux sources informationnelles diverses en tout cas…

Bibliographie

  • Dominique Cardon : A quoi rêvent les algorithmes ?
  • Dominique Cardon : La Démocratie d’Internet
  • Institut Montaigne : Bruno Patino, Dominique Cardon et Théophile Lenoir
  • ENS Lyon
  • Wikipédia
  • Le Monde
  • Le Bilan
  • Le Figaro
  • Radio France
  • L’Obs
  • France Culture
  • Libération
  • Le Parisien
  • Le Journal du Net
  • La Gazette des Communes
  • L’internaute

Un article écrit par Jonathan Lévy Guillain

The double-edged sword of medical crowdfunding campaigns on social media

Charlie Gard was born in August 2016 with a form of mitochondrial disease, a condition that causes progressive muscle weakness and brain damage. In order to cover the costs of a nucleoside therapy, Charlie’s parents turned to crowdfunding and opened a GoFundMe page. This campaign appeared to be one of the most successful crowdfunding initiatives online, receiving more than £1.2 million in donations in less than 6 months.

The trend of donation-based campaigns, called medical crowdfunding, is growing rapidly in recent years. It can be defined as the raising of funds from a large pool of donors for medical purposes through an online public appeal. While the earliest popular experiments in crowdfunding were in the music industry, crowdfunding websites such as GoFundMe, Kickstarter, and FundRazr are now mainly utilized for raising funds for medical needs. Due to the absence of geographic restrictions and their low transaction costs, those platforms enable patients in urgent need to set up campaigns and receive financial and emotional support from international contributors. It should be noted that the popularity of social media has become as a means for medical crowdfunding. Facebook, Twitter, WeChat, or TikTok enable crowdfunding projects to spread across as wide a range of people as possible in a faster way. Not only are social media convenient for donation, but a simple click of a button is also all takes to share the campaign to another community. Despite the apparent simplicity, medical crowdfunding on social media is not a risk-free practice.  Even though GoFundMe, the most used platform for medical crowdfunding, reported that all campaigns had raised $9 billion in 2019, the reality is that 90% of medical crowdfunding campaigns fail to reach their goal and most of them do not receive any funds. Therefore, medical crowdfunding on social media raises moral issues and reveals insights into questioning access to the healthcare system, particularly for those who struggle to get financial support.

Health-focused campaigns represent GoFundMe’s largest category of fundraising for personal use (Screenshot from www.gofundme.com)

When patients in need turn into content creators

Patients, who start crowdfunding campaigns,  undoubtedly face the tremendous challenges of the attention economy.  Indeed, content creators represent a minority of users, and most of the content posted online is only watched or not watched at all. When these crowdfunding projects are posted on social media where users are connected somehow, the project information can be extensively disseminated among the online community.

Therefore, reaching new people and enhancing the credibility of campaigns ask for digital skills and the implementation of brand content strategies. In this regard, GoFundMe even recommends fundraisers to start a Facebook business page, in order to reach an audience of potential donators and foster communication around their campaign. As crowdfunding on social media relies heavily on electronic word-of-mouth and the ability of fundraisers to make their posts go viral, campaigns’ success tends to reproduce the same strategies that earned media. Launching a business page on social media also lets them track their key metrics (reach, engagement, share rate, like rate) and get to know their audience.

One can easily understand how managing content and following look-alike marketing strategies is beyond the capability of most people. Studies have shown that media literacy and good storytelling play a major role in communicating deservingness, stimulating donations, or spreading the campaign to personal networks. In the context of China, mentioning traditional Chinese cultural values in family and “filial piety”, is likely to generate engagement among viewers. Thus, the way of communicating and being able to adapt to the audience directly impacts users’ trust in projects. When a project is more relatable, users are more likely to feel empathy and donate more money.

The (unfair) advantage of an extensive network

Even though well-tailored strategies offer valuable insights for the success of a crowdfunding campaign, evidence suggests that patients with preexisting large social networks tend to engage more donators, and most donations typically come from donors of the same socioeconomic class as them. As crowdfunding platforms offer an option to share campaigns through various channels, giving access to a broader audience of potential donors. Notably, different strengths of social relationships can affect people’s attitude and behavior. On the one hand, developing strong relationships with help seekers may generate  more empathy towards the projects, and make the audience be more likely to donate as well as to forward the project to other potential donors. On the other hand, studies argue that people with weak social relationships can help to spread the information factors among different groups of users and attract greater social attention from others.

Thus, “celebrity endorsement” could be another effective strategy for medical crowdfunding campaigns on social media. The influence of celebrities’ social capital facilitates peer-to-peer fundraising and the unleashing of “Star Power” to benefit the campaign. For instance, the success of Charlie’s Gard campaign on GoFundMe is partially attributable to significant media attention, not to mention the public support of prominent figures, such as D. Trump and Pope Francis, who drove a high rate of donation to this crowdfunding campaign.

While social media may appear to make raising funds online an easy task, it actually requires know-how, dexterity with technology, and access to a large social network. This ultimately reinforces the gap between people who are more likely to raise funds and those who are not.

Medical crowdfunding and its ethical implications

Accordingly,  the use of social media for crowdfunding presents ethical challenges as human rights can be undermined during those online fundraising campaigns.

Countries with significant socio-economic inequality, typically accentuated by a digital divide, further perpetuate injustices regarding raising funds online. Fundraisers with social privileges like high income, home ownership, and high educational attainment, are more likely to succeed in medical crowdfunding on social media, widening the existent social gap between fundraisers. Additionally, the voluntariness of patients is at stake, especially when they feel indebted, burdensome, or dependent on a caregiver. Indeed, most of them are either too young or too sick to start these campaigns, thus placing them in a vulnerable position. Decisions are made on their behalf by caregivers or family members who decide on the extent of the information to be shared to raise funding. In order to endorse the credibility of a campaign and stimulate donations, crowdfunding platforms encourage the disclosure of sensitive information, as well as the share of pictures and videos, on social media. Families may feel forced by this extensive online sharing strategy, leaving permanent footprints that could impact patients’ lives after recovery. While clinicians are accountable for respecting patients’ wishes and their privacy, it raises the question of whether it is acceptable to harm the family finances for the sole reason of preserving an individual’s autonomy.  Indeed, the rapid spread of information on social media could lead health professionals to face new dilemmas. One wonders whether doctors should be accountable for the accuracy of information posted online by the fundraisers since it can lead to conflicting ethical obligations towards what may be the best for the patient versus the expectations of a pool of donors.

Healthcare system is dead … long live to crowdfunding !

In addition to structural inequities among patients and these ethical issues, sharing medical crowdfunding campaigns on social media reflects serious flaws in the healthcare system, forcing people to turn to donation-based sources of funding.  Indeed, medical crowdfunding first arose in the United States, the United Kingdom, and Canada, where universal health insurance is limited to essential medical services, causing a high uninsurance rate. For instance, in 2009, 62.1% of all bankruptcies in the U.S. were caused by medical debt. Crowdfunding platforms grew rapidly in China as well, due to limited medical resources and disparities between urban and rural public healthcare systems.  Patients resort to crowdfunding for direct health care expenses because of shortfalls in medical insurance coverage, inadequate public health funding, and desperation caused by financial strain from life-threatening medical conditions. In this regard, many people try to convince donators to help them by tweeting their out-of-control medical bills on social media.

« We should not be the solution to a complex set of systemic problems »

Rob Solomon, former GoFundMe CEO

Considering crowdfunding platforms as an “ad-hoc safety net” may detract decision-makers’ attention from structural problems related to healthcare funding. Executives of those platforms are quick to point out that they are not built as a healthcare company: “We should not be the solution to a complex set of systemic problems”, recalled the former GoFundMe CEO in January 2019.  Indeed, they are for-profit. The relationship between them and the campaigners is transactional and may promote commodification of healthcare. In the past, those platforms have even demonstrated bias in donating to some while denying fee waivers to other charitable appeals, thereby enlarging the gap between successful campaigns. To some extent, crowdfunding on social media tends to reflect neoliberal values in which campaign success, virality, and even forms of care become the responsibility of individuals and their personal networks. By reproducing a competitive market environment, social media shift resource allocation according to medical needs toward distribution according to merit. In this sense, there is an urgent need for policymakers to monitor the use of online medical crowdfunding to identify unmet needs and prevent the diversion of attention from policy failures.

Laura Landrein


References:

Le scrolling infini : 200 000 vies par jour.

En 2020, Aza Raskin affirme lors d’une interview avec France info qu’il a calculé le temps que le scrolling infini avait perdre aux utilisateurs : « En durée, c’est l’équivalent de 200 000 vies par jour ! ». 

Depuis sa création en 2006 par ce dernier, le scrolling infini – ou déroulement infini – est devenu l’une des interfaces utilisateurs les plus courantes sur les réseaux sociaux. Contrairement à la pagination, elle permet aux utilisateurs de faire défiler du contenu sans interruption, à mesure qu’ils parcourent la page.

Une interface utilisateur particulièrement adaptée aux réseaux sociaux et aux smartphones

Les smartphones sont l’un des principaux moyens d’accéder à des sites Web et des applications utilisant le scrolling infini. En effet, ils sont souvent utilisés en mode portrait, ce qui permet un défilement plus naturel ; et leurs petits écrans, qui rendent la pagination plus difficile pour les utilisateurs, sont adaptés au scrolling infini.

En outre, le scrolling infini s’accorde particulièrement bien avec les réseaux sociaux. En effet, une limite du scrolling infini est de ne pas apporter de repère à l’utilisateur lors de sa recherche comme le fait la pagination. Les repères apportés par celle-ci, tels que le numéro de la page, sont utiles aux utilisateurs notamment dans le cadre des sites de e-commerce (pour retourner à un article précis par exemple). Sur les réseaux sociaux, l’utilisateur est en quête de divertissement, et ne recherche pas de contenu particulier : le contenu qui lui est proposé a été sélectionné par l’algorithme pour son potentiel à être apprécié par l’utilisateur en question.

Les réseaux sociaux contournent donc cette limite, et font du scrolling infini leur force, puisque celui-ci permet à l’utilisateur de se divertir sans conscience du temps passé sur une page.

Ainsi, le scrolling infini est devenu une caractéristique courante de nombreuses applications, notamment auprès des réseaux sociaux, tels que Tik Tok, dont le caractère addictif s’explique également par cette interface utilisateur.

Expérience utilisateur, engagement, et difficulté de conception

Le scrolling infini a d’abord comme effet d’améliorer l’expérience utilisateur et d’augmenter leur engagement. En effet, ce type d’interface, visant à éliminer l’action de cliquer sur la seconde page et d’en attendre le chargement, ne fait pas prendre conscience à l’utilisateur du temps passé sur le site ou de son avancement sur celui-ci.

Une étude de Chartbeat révèle la mesure dans laquelle le scrolling infini affecte l’engagement des visiteurs sur les sites Web en 2013 : l’analyse de 2 milliards de visites sur plus de 50 sites de médias en ligne a permis d’établir que les utilisateurs ont passé 70% de leur temps en plus sur les sites utilisant le scrolling infini que sur les autres.

Cette augmentation du temps passé en ligne est lourde d’enjeux.

D’abord, celle-ci peut s’avérer bénéfique pour les utilisateurs, puisque ce temps leur permet d’être contact avec plus de contenus : selon la précédente étude, les utilisateurs exposés à cette interface ont lu 50% d’articles en plus par visite que ceux qui n’y étaient pas exposés. En outre, l’article « Scrolling vs. Pagination: Which One Wins for Your Web Content? » publié par HubSpot en 2016, montre que les pages avec scrolling infini ont un taux d’engagement plus élevé que celles avec pagination.

Elle s’avère donc également bénéfique pour le site en lui-même puisque l’engagement de l’utilisateur permet d’accroître la valeur d’un site par rapport aux annonceurs, puisque celui-ci serait exposé à de nombreux utilisateurs, et aurait un meilleur référencement naturel par exemple.  

 Cependant, le scrolling infini peut rendre la conception d’un site Web ou d’une application plus complexe, et peut également affecter sa performance. Sa conception doit prendre en compte les différents appareils utilisés par les utilisateurs, car le scrolling infini peut ne pas fonctionner de manière optimale sur tous. Les développeurs doivent également s’assurer que le contenu se charge correctement et que les utilisateurs puissent trouver facilement les contenus qu’ils cherchent.

Comment expliquer cette augmentation de temps passé en ligne ?

Celle-ci en ligne s’explique d’abord par le fait que sans les repères que fournit pagination, l’utilisateur perd la notion du temps car il n’a pas à changer de page, mais également car les barres de scrolling ne donnent pas de repère fiable quant au parcours restant à l’utilisateur sur une page : elle ne reste en bas de page de quelques secondes avant de charger le contenu suivant et de se replacer au milieu : cela donne à l’utilisateur l’impression de n’avoir parcouru qu’une demie page.

Mais elle s’explique également par les mécanismes psychologiques auxquels fait appel le scrolling infini, tels que l’effet Zeigarnik. Celui-ci se réfère au fait que les humains ont tendance à se souvenir des tâches inachevées. Le scrolling infini s’appuie donc sur cet effet, en encourageant les utilisateurs à continuer de scroller pour voir ce qui se trouve plus bas sur la page. Ils peuvent ainsi être poussés à rester plus longtemps sur une page.

Le scrolling infini utilise également le mécanisme de gratification immédiate. Celui-ci se produit lorsque les utilisateurs sont récompensés pour leur comportement, et dans ce cas, pour chaque nouvel élément qui apparaît lors du scrolling.

Quelles conséquences sur l’utilisateur ?

S’il a déjà été mentionné que ce temps supplémentaire est synonyme avec une augmentation du divertissement de l’utilisateur, il peut également renforcer une addiction aux réseaux sociaux, tout comme générer chez l’utilisateur de la « social media fatigue ».

Il s’agit d’un phénomène psychologique qui peut se manifester chez les personnes qui utilisent les réseaux sociaux de manière excessive, et se caractérise par un sentiment d’épuisement émotionnel, d’anxiété et de lassitude face aux interactions en ligne. Il peut également entraîner une diminution de l’attention et une perte d’intérêt pour les contenus.

Les études désignant les conséquences du scrolling infini, et plus généralement de l’excès de temps passé sur les médias sociaux, sur les capacités cognitive des utilisateurs se multiplient.

Parmi elles, « Scrolling and Attention » menée Nielsen Norman Group, révèle les effets du scrolling infini sur l’attention et la mémoire à court terme des utilisateurs : les résultats ont montré que les utilisateurs passent plus de temps sur les sites avec scrolling infini et qu’ils se souviennent moins de leur contenu que de celui des sites sans scrolling infini. Les auteurs ont conclu que le scrolling infini peut encourager les utilisateurs à scanner le contenu plutôt que de le lire attentivement, ce qui peut entraîner une baisse de la qualité de l’attention.

Le scrolling infini peut aussi mener à une surcharge cognitive, et à une diminution la mémoire à court terme, des capacités de traitement de l’information en continu et des capacités de concentration.

Le risque du Doomscrolling

Les risques précédemment évoqués se joignent au risque de tomber dans la pratique doomscrolling, c’est-à-dire à l’obsession de scroller une page contenant des informations négatives. Selon le Docteur Fabian Almeida dans l’article “Doomscrolling: Know its health effects and ways to keep it in check” publié par l’Idian Express en mai 2022 : »Cette habitude a un impact négatif sur la santé mentale, déclenchant et aggravant l’anxiété, le stress, la dépression, la panique et affectant également rapidement la santé neurologique ».

Or, les médias sociaux utilisant le scrolling infini sont justement conçus pour favoriser ce genre d’utilisation : en cliquant sur un contenu négatif, l’algorithme du média social va s’ajuster et proposer à sa suite une infinité de contenus semblables.

Quelle régulation pour le scrolling infini ?

Le scrolling infini peut cependant être régulé. En effet, les plateformes peuvent prendre des mesures pour limiter la propagation de contenus négatifs en utilisant des algorithmes capables de détecter les contenus anxiogènes et de les limiter. Certaines proposent également des outils pour permettre aux utilisateurs de limiter leur temps en ligne.

En outre, dans l’interview qu’il a donné à France info, Aza Raskin a affirmé travailler sur un « anti infinite scroll », permettant de ralentir de flux de contenu au fur et à mesure de son défilement.

Le scrolling infini reste au cœur de l’actualité, notamment pour sa responsabilité dans le caractère addictif du réseau social Tik Tok.

En effet, les 4-18 ans passeraient en moyenne 1h47 par jour sur le réseau social. Pour pallier à cela, l’entreprise a pris des mesures : un avertissement au bout d’une heure consécutive d’utilisation, suivi d’un message d’avertissement après lequel un mot de passe devra être saisi pour débloquer l’application ; et la possibilité d’un contrôle parental permettant aux parents d’inscrire un temps maximal d’utilisation par jour à leurs enfants. Cette dernière mesure continue de faire débat car elle dépend de l’entrée manuelle de l’âge de l’utilisateur lors de son inscription.

Amélie Reignier


Bibliographie :

Twitch : un nouveau média concurrent de la télévision ?

Le samedi 8 octobre 2022, le GP Explorer, événement organisé par Squeezie, démarre à 17h sur la plateforme Twitch. On décompte environ 500 000 personnes qui regardent l’événement dès les premières minutes, puis 750 000 au bout de quelques minutes, jusqu’à atteindre et dépasser la barre du million de spectateurs, record pour un streamer français. Ce nombre de viewer dépasse certaines chaînes de télévision lors du prime time comme TMC ou W9. Le GP Explorer a fait plus de vue que l’émission de 50’ Inside de la chaîne TF1, à la même heure, le week-end d’avant.

Alors, on peut se demander pourquoi cette plateforme parvient-elle à séduire la jeune population, qui délaisse la télévision ?

Un bref retour sur Twitch

Racheté par Amazon en 2014, Twitch est aujourd’hui la plateforme de streaming de jeux vidéo la plus importante. En effet, au début, elle offrait uniquement du contenu autour des jeux vidéo ou des compétitions E-sport, mais rapidement, cette dernière s’est diversifiée pour proposer des contenus plus divers comme sur le « lifestyle », la « musique », ou le « Just Chatting ».

Aujourd’hui, Twitch est utilisé par plus de 7,21 millions de streamers, c’est-à-dire des personnes proposant du contenu en live sur Twitch. Cette plateforme décompte environ 15 millions d’utilisateurs d’actif journaliers, qui passent environ 733 millions d’heures par mois à visionner du contenu sur cette plateforme. Cela représente donc 72.2% des heures mensuellement visionnées en streaming sur l’ensemble du web.

Le contenu autour des jeux vidéo est central sur la plateforme et ces créateurs réalisent la majorité des vues dans cette catégorie. Cependant, on remarque que la catégorie du « just chatting » commence à prendre de plus en plus de valeurs dans l’univers du streaming.

Le « Just Chatting » permet aux streamers de discuter avec les auditeurs en direct sans forcément avoir besoin de jouer à des jeux vidéo spécifiques. En effet, en mars 2022, elle était la catégorie la plus regardée. On peut donc penser qu’elle pourrait prendre de plus en plus d’ampleur dans l’avenir. Il est possible de retrouver des contenus diversifiés comme des talks show, par exemple : le Zen ou PopCorn, des revues de presse quotidienne avec LaMatinéeEstTienne ou encore des événements sportifs comme le GP explorer ou l’Eleven All Star.

L’atout de Twitch : la combinaison du direct et du chat

La principale différence entre le cinéma et les chaînes de télévision est le direct. Pendant l’après-guerre, l’apparition du « direct », comme l’évoque Virginie Spies, sémiologue et analyste des médias audiovisuels, permet aux chaînes de télévision déjà existantes de se démarquer face au cinéma. Ainsi, le direct est utilisé par les des chaînes de télévision pour les JT ou certaines émissions, mais dans la globalité il s’agit de programmes préenregistrés.

C’est le format du live qui progresse le plus en une année. En effet, les Français ont besoin d’une proximité, d’échanger et donner leurs avis en temps réel, c’est pour cela que Twitch est une plateforme qui répond à leurs attentes.

Ainsi, pour Twitch, le live est son ADN. En effet, lorsqu’un streamer prend le créneau d’un autre streamer, comme ça a été le cas par exemple entre Squeezie et Laink, Terracid et Wankil Studio : c’est à la popularité de ce dernier, que les spectateurs décident quel live regarder.

Une des différences entre Twitch et les chaines de télévision, c’est l’interactivité. Twitch parvient à séduire la jeune génération grâce à cette fonctionnalité et à l’inclusion du public dans les contenus grâce à l’intermédiaire du chat.

Aujourd’hui, avec la multiplication des réseaux sociaux, les utilisateurs sont habitués à l’interactivité et à l’échange puisque qu’ils ne consomment plus uniquement les contenus, mais ils peuvent également liker, commenter, critiquer. Cette fonctionnalité du chat permet donc de rassembler sur une même plateforme les interactions entre les viewers, les communautés, les streamers créant ainsi une interaction sociale directement intégrée à la vidéo.

Il y a donc des communautés qui se créent autour de divers centres d’intérêts mis en avant sur la plateforme. En revanche, en étant un modèle linéaire, les chaînes de télévision n’ont pas cette voie de retour, et peuvent seulement suivre les commentaires sur les différents réseaux sociaux comme Twitter ou Instagram, perdant l’interactivité direct que Twitch propose.

Ainsi proposer des contenus sur la télévision à sens unique comme les journaux télévisés n’attirent pas les jeunes, même si on constate une limite à l’interactivité. En effet, pour des millions de spectateurs, comme sur le JT, où il est difficile de mettre ces fonctionnalités au goût du jour.

Une nouvelle façon de consommer des contenus audiovisuels

Selon Michèle Benzeno, directrice générale de Webedia, « il y a un pari sur Twitch dans la bataille de l’attention, mais Twitch ne serait pas en combat avec la télévision linéaire mais en complémentarité ». Cependant, on peut questionner cette remarque.

Souvent, on peut entendre que les jeunes ne regardent plus la télévision. Il s’agit seulement d’un switch, puisque ces derniers consomment du contenu audiovisuel, mais seulement sous une autre forme. Aujourd’hui, on constate que les chaînes de télévision sont de plus en plus vieillissantes. Selon Médiamétrie, en 2021, l’âge moyen des téléspectateurs est de 52 ans. Comme la manière de consommer des contenus audiovisuels évoluent dans le temps, on peut voir que les jeunes regardent plus de contenus en ligne, et que la télévision ne parvient donc pas à conquérir la jeune population.

C’est pourquoi, certaines d’entre elles testent d’être présent sur cette plateforme, comme c’est le cas pour France Télévision.  En effet, France Télévision a lancé une chaîne Twitch en 2021 afin de toucher un public plus jeune mais également la communauté des gamers. En effet, elle est axée sur les jeux vidéo, mais propose aussi des programmes d’actualités, des émissions de divertissement et des documentaires.

Cependant, il reste tout de même difficile pour la plupart des chaînes de télévision de s’adapter au format de cette plateforme. Virginie Spies explique qu’il est compliqué pour une chaîne comme TF1 de « faire du TF1 sur Twitch ou sur TikTok », alors que la réciproque n’est pas tout à fait exacte. Des streamers reprennent des concepts, des programmes en les adaptant sur la plateforme comme l’émission organisée par Squeezie « La grosse soirée de la fortune ! », jeu reprenant l’émission de « Qui veut gagner des millions ».

Comme l’explique la chercheuse, on constate aujourd’hui un « glissement de plateforme et de génération. » En effet, elle remarque que « là où les parents regardaient Dechavanne à 19h, les plus jeunes se branchent sur Twitch pour regarder les streamers les plus en vue ». Le rassemblement familial ne se fait donc plus vraiment autour de la télévision.

On peut voir d’ailleurs voir ce glissement lors du débat de l’entre-deux-tours organisé par TF1 et France Télévisions. Des streamers ont pu acheter les droits de diffusion du programme, pour la somme de 1 500 euros, comme HugoDécrypte, Samuel Etienne, Sardoche et encore Jean Massiet puisqu’ils avaient une audience importante et fidèle. Ainsi, sur leur chaîne Twitch, chacun des streamers a pu diffuser, commenter, chatter sur le débat. La diffusion a pu être suivie par près de 250 000 personnes sur leurs chaînes.

Le modèle économique, une différence majeure

Si le modèle économique pour les chaînes de télévisions est en grande partie basée sur la publicité interrompant les programmes. Sur Twitch, le modèle est complètement différent. La plateforme gagne de l’argent avec la publicité et les frais d’abonnement à une chaine selon différent montant, un modèle premium, les partenariats, le sponsoring, les bits – monnaie sur Twitch, etc

Comme Twitch parvient à séduire la jeune génération, il est intéressant pour les annonceurs de s’intéresser à cette plateforme, puisqu’elle parvient à atteindre une population que la télévision ne touche pas. Par exemple, selon Metrics factory, le « direct bénéficie directement aux marques et aux annonceurs ». En 2022, sur le top 100 des streamers Twitch, 1 317 sont des contenus sponsorisés par une marque.

Ainsi, le modèle Twitch fait fureur chez les jeunes avec des contenus de plus en plus diversifiés en live et son interactivité. Cependant, de gros pics d’audience montre une des limites de Twitch. En effet, le pic d’audience du GP Explorer a entrainé des complications sur l’interactivité de l’événement puisque le chat était saturé, entrainant une nécessité de faire appel au modérateur pour privilégier l’accès aux abonnés de Squeezie. Pour info, le GP Eplorer était de base programmer sur TMC.

Twitch n’est donc plus seulement une plateforme pour les gamers, mais comme elle se diversifie de plus en plus, elle devient « une plateforme de divertissement » comme la télévision.

Alexandra Becquet


Sources

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Quairel, F. (2023, April 13). La plateforme Twitch Peut-Elle remplacer La Télévision ? 100Media. Retrieved April 30, 2023, from https://100media.themedialeader.fr/la-plateforme-twitch-peut-elle-remplacer-la-television

Les réseaux sociaux ont-ils amplifié le pouvoir des fans dans l’industrie du divertissement ?

Les réseaux sociaux ont créé une nouvelle ère de fan culture, transformant la manière dont les fans interagissent avec l’industrie du divertissement. Mais comment se traduit concrètement cette montée en pouvoir des fans ? Les stars des réseaux sociaux sont-elles devenues les nouveaux maîtres de l’industrie du divertissement ? Comment les acteurs du divertissement s’adaptent-ils à cette nouvelle ère ? Dans cet article, nous explorons comment les réseaux sociaux ont changé la donne dans l’industrie du divertissement et comment les fans ont pris le contrôle grâce à ces plateformes.

Photo de John Schnobrich sur Unsplash

Game changers : comment les réseaux sociaux ont transformé l’industrie du jeu vidéo

Les communautés de fans ont toujours été très présentes dans l’industrie du jeu vidéo, on pourrait même considérer que cette dernière a été précurseur de la cocréation avec le principe des mods. Les mods, ou modifications, ce sont des contenus créés par les joueurs pour modifier ou ajouter des fonctionnalités à un jeu existant. Ils sont souvent créés par des fans passionnés qui souhaitent partager leur propre vision du jeu avec la communauté de joueurs et peuvent aller de simples ajustements de gameplay à des ajouts massifs de contenu, voire de nouvelles histoires ou de nouveaux univers.

Avec les mods, l’industrie du jeu vidéo a permis aux fans de devenir des créateurs et de contribuer activement au développement du jeu. Par exemple, le jeu Counter Strike, l’un des jeux de tir à la première personne les plus populaires de tous les temps, est en fait un mod crée par deux fans à partir du jeu Half-Life. Counter Strike a ensuite été racheté par Valve Corporation, qui a acquis les droits de propriété intellectuelle du jeu et a collaboré avec les créateurs pour le développer en tant que jeu autonome.

La contribution des fans était donc déjà bien implantée dans l’industrie du jeu vidéo avant l’ère des réseaux sociaux, mais leur arrivée a tout de même accéléré ce phénomène. Avant l’avènement des réseaux sociaux, la création de communautés de joueurs se faisait principalement à travers des forums de discussion, sites web spécialisés, blogs etc…, qui permettaient aux joueurs d’échanger des astuces, des mods et des avis sur les jeux vidéo qu’ils aimaient, mais étaient souvent moins interactifs et limitaient la richesse des échanges. Les réseaux sociaux, eux, permettent une communication plus directe et plus fréquente entre les joueurs et les développeurs, et grâce à ça on a des communautés de fans plus importantes et plus actives autour de leurs jeux préférés. Les réseaux sociaux ont également permis aux développeurs de lancer des campagnes de financement participatif, avec par exemple Kickstarter. Cela permet aux développeurs de recevoir des financements pour des projets qui ne sont ne pas soutenus par les éditeurs traditionnels, tout en créant une communauté de fans qui sont investis dans le développement du jeu. Les développeurs sont de plus en plus à l’écoute des commentaires des joueurs et les prennent en compte pour améliorer et élargir leurs offres.

Un bon exemple est Star Citizen, un jeu de simulation spatiale en cours de développement par Cloud Imperium Games. Les développeurs ont utilisé Kickstarter pour financer le jeu et ont depuis utilisé les réseaux sociaux pour interagir avec la communauté de fans et pour fournir des mises à jour sur le développement du jeu. Les fans ont également pu participer à des tests alpha et beta pour aider à améliorer le jeu. Dans les jeux plus populaires, on peut penser à Minecraft qui utilise fréquemment les réseaux sociaux pour interagir avec la communauté de joueurs et pour obtenir des nouvelles idées.

Finalement, les plateformes de streaming comme Twitch ont révolutionné la manière dont les fans interagissent avec les jeux et les joueurs professionnels. Grâce à ces plateformes, les fans peuvent regarder leurs joueurs préférés en direct, participer à des discussions en temps réel, et même leur apporter un soutien financier. Ces interactions ont renforcé la relation entre les fans et les joueurs, tout en permettant à de petits studios de jeux de bénéficier d’une promotion gratuite et d’un public plus large. Les réseaux sociaux ont également contribué à populariser l’e-sport, qui sont maintenant des événements majeurs, rivalisant avec les tournois sportifs traditionnels en termes de prestige et de financement.

Les réseaux sociaux : la nouvelle scène de l’industrie musicale

Les réseaux sociaux permettent aux artistes de se faire connaître et de promouvoir leur musique sans passer par les canaux traditionnels de l’industrie musicale. De nombreux artistes déjà bien en place, comme Aya Nakamura, délaissent les médias traditionnels comme la télévision pour la promotion de leurs projets, ils préfèrent ainsi les réseaux sociaux pour être moins dépendants des médias traditionnels et contrôler eux-même leur exposition médiatique. Pour ce qui est des artistes émergents, les réseaux sociaux jouent un réel rôle de propulseur de chansons et artistes au sommet des charts grâce à l’engagement des fans. Des titres peuvent devenir viraux grâce aux défis, aux mèmes ou aux vidéos créés par les utilisateurs, influençant ainsi les tendances musicales comment expliquer dans l’article Chanteurs, influenceurs, labels, comment faire de la musique sous le règne de TikTok ?. Par exemple, TikTok a joué un rôle majeur dans le succès de nombreux morceaux et artistes, tels que Lil Nas X et son titre « Old Town Road ».

Plus concrètement, certains artistes ont permis à leur fans de participer activement à la création de projets musicaux. Par exemple, le groupe Coldplay, a lancé un projet appelé « A Head Full of Dreams » en 2016, où les fans étaient invités à soumettre des vidéos d’eux en train de chanter une partie de la chanson « Amazing Day », pour être compilées dans un clip vidéo officiel.

De l’écran à l’écran : comment les réseaux sociaux ont créé une nouvelle ère de participation des fans

Les industries cinématographiques et télévisuelles n’échappent pas au phénomène de pression des fans sur les réseaux sociaux. Les producteurs et les réalisateurs peuvent maintenant utiliser les réseaux sociaux pour tester leurs idées et évaluer leur popularité auprès des fans avant de les mettre en production.

Les fans, eux, utilisent souvent les réseaux sociaux pour exprimer leur soutien ou leur mécontentement concernant le sort de leurs séries préférées. Des hashtags tels que #SaveOurShows ou #RenewOurShows sont fréquemment utilisés sur Twitter pour encourager les chaînes de télévision à renouveler ou annuler des séries en fonction de la mobilisation des fans. Bien que l’impact de ces campagnes puisse être difficile à mesurer, elles montrent que les réseaux sociaux offrent aux fans une plateforme pour exprimer leur passion et potentiellement influencer les décisions des producteurs.

C’est ce qui s’est passé pour la série « Sense8 » de Netflix, qui a été annulée en 2017 après deux saisons. Les fans se sont mobilisés sur les réseaux sociaux, notamment Twitter et Facebook, pour exprimer leur mécontentement et demander le retour de la série. En raison de l’engouement des fans et de la pression exercée sur les réseaux sociaux, Netflix a finalement accepté de produire un épisode spécial de deux heures pour conclure l’histoire.

Entre tendance et créativité : comment les réseaux sociaux affectent l’innovation dans l’industrie du divertissement

Bien que les réseaux sociaux offrent une plateforme pour les fans de s’exprimer, certains craignent que la prise en compte excessive de l’avis des fans ne conduise à une uniformisation du divertissement. En effet, les producteurs et les créateurs peuvent être tentés de suivre les tendances populaires sur les réseaux sociaux au lieu de prendre des risques créatifs ou de proposer des idées originales.

Par exemple, dans l’industrie du cinéma, de nombreux films sont adaptés de franchises populaires ou de livres à succès pour capitaliser sur une base de fans déjà existante. Bien que cela puisse être une stratégie efficace pour attirer un public, cela peut également conduire à une saturation du marché et à un manque de diversité dans les idées et les histoires présentées. De plus, les fans ayant de plus en plus de poids, même un créateur qui souhaite imposer une idée originale aura du mal à se faire entendre. C’est ce qui est arrivé aux créateurs de Game of Thrones : les fans, après avoir critiqué la saison finale, ont lancé une pétition en ligne pour refaire la saison. Cependant, les créateurs de la série, ont défendu leurs choix créatifs et ont déclaré qu’ils n’allaient pas la refaire.

Les réseaux sociaux ont donc définitivement amplifié le pouvoir des fans dans l’industrie du divertissement. Les fans ont maintenant la possibilité de dicter les tendances et de déterminer le succès des productions, créant une nouvelle ère de fan culture qui est là pour rester.

Laura Mariani

Bibliographie :

  • Morgane Brucelle. Fan culture : résistance et mémétique sur les médias sociaux. Littératures. Université Paul Valéry – Montpellier III, 2018. Français. ffNNT : 2018MON30021ff. fftel-02001831f
  • Ravenelle, C. (2021). Les fans qui modifient leurs jeux vidéo : études des communautés de moddings dans les intervalles des séries vidéoludiques de Bethesda. Érudit. https://doi.org/10.7202/1089618ar
  • DUMORTIER SAINT-LAURENT, C. (2021). RAPPORTS DE POUVOIR DANS LE DÉVELOPPEMENT OUVERT DE JEUX VIDÉO : LE CAS DE STAR CITIZEN [Mémoire de maitrise]. UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL.

Quel est l’impact socio-économique que les réseaux sociaux ont dans les transmissions d’un procès de célébrités ?

L’année 2022 a commencé sous les projecteurs, avec l’intense bataille juridique entre les célèbres Johnny Depp et Amber Heard, suivie par le monde entier. Cette querelle enflammée n’était pas une simple affaire de salle d’audience, elle s’est propagée sur les réseaux sociaux, conduisant à une guerre totale entre célébrités, influenceurs et fans. Chacun avait son opinion et était impatient de la défendre au fur et à mesure que le procès avançait. Cette confrontation à enjeux élevés a tenu en haleine le monde entier. Plongez dans le monde dramatique d’Amber Heard et Johnny Depp, où une relation apparemment parfaite a pris une tournure sombre.

CULVER CITY, CA, USA – JANUARY 09, 2016: Amber Heard and Johnny Depp at the Art Of Elysium’s 9th Annual Heaven Gala held at the 3LABS — Photo by PopularImages

Tout a commencé en 2012, lorsque le couple a commencé à se fréquenter, ce qui a finalement conduit à leur mariage en 2015. Cependant, des problèmes ont commencé à se manifester au paradis lorsque Heard a été accusée de plusieurs infractions, notamment l’importation illégale de Pistol and Boo en Australie. Leur relation a touché le fond en mai 2016, lorsque Heard a demandé le divorce et a obtenu une ordonnance d’interdiction temporaire contre Depp, l’accusant d’être physiquement et verbalement violent envers elle. Une déclaration sous serment de Heard a confirmé son expérience déchirante de la violence domestique tout au long de leur relation. 

En 2019, Depp poursuit Heard pour diffamation après qu’elle ait écrit un article pour le « Washington Post » détaillant son expérience en tant que survivante de violence domestique. Depp a affirmé que c’était un stratagème de Heard pour se faire de la publicité positive. La situation s’est encore aggravée en 2020, lorsque Depp poursuit le journal britannique « The Sun » pour l’avoir qualifié de « batteur de femme ». Malgré ses efforts, le juge a statué en faveur de « The Sun », entraînant le retrait de Depp de la franchise « Fantastic Beasts ».

Les batailles juridiques ne se sont pas arrêtées là. Depp s’est retrouvé dans un autre procès de diffamation dans le comté de Fairfax, en Virginie. Le dernier procès orchestré par Depp et son équipe juridique en Virginie fut un mouvement stratégique. La raison derrière le choix d’un tribunal dans le comté de Fairfax était de capitaliser sur la loi anti-SLAPP de l’État, qui n’est pas aussi complète que celle de la Californie. Pour information, SLAPP signifie poursuite stratégique contre la participation publique, et c’est une tactique souvent utilisée pour faire taire les critiques d’entités puissantes par le biais de batailles juridiques prolongées et coûteuses.

Pour empêcher de telles tactiques d’intimidation, 31 États ont adopté des lois pour protéger les accusés de telles poursuites et pour encourager la liberté d’expression. Grâce à cela, le procès a été retransmis en direct et a attiré l’attention de millions de téléspectateurs. Ce fut un moment captivant et historique où la justice l’a emporté sur l’abus de pouvoir, et qui a maintenu les gens scotchés devant leur écran.

Effets des médias sociaux sur l’image des célébrités.

Les célébrités savent que leur image publique est primordiale. Le procès de Depp, rendu public, fut une épée à double tranchant pour lui et son équipe : il a commencé par se focaliser sur la diffamation, mais est rapidement devenu plus axé sur les allégations entourant sa relation avec Heard. La puissance des médias sociaux a été pleinement exposée pendant le procès, avec des hashtags comme #justiceforjohnnydepp et #amberheardisguilty qui ont gagné en popularité. #justiceforjohnnydepp a même recueilli près de 20 milliards de vues rien que sur TikTok !

Il est clair que les gens avaient des opinions bien arrêtées sur le procès, avec une pétition Change.org pour retirer Amber Heard du casting de « Aquaman 2 », atteignant plus de 4,5 millions de signatures. Le sujet était si populaire qu’il a été mentionné dans plus de 16 millions de Tweets entre le 11 avril et le 1er juin 2022.

Malgré le drame, la popularité de Johnny Depp est montée en flèche pendant le procès, gagnant 9,56 millions de nouveaux abonnés sur les réseaux sociaux. En comparaison, il n’avait gagné que 284 582 abonnés au cours de la période précédente du 18 février au 10 avril 2022. Le jour du verdict, il a gagné 2 millions de nouveaux abonnés rien que sur Instagram ! Pendant ce temps, Heard n’a gagné que 91 511 nouveaux abonnés sur les réseaux sociaux pendant le procès, contre 1 281 au cours de la période précédente.

Dans l’ensemble, le procès a peut-être été un cauchemar de relations publiques, mais il a certainement permis aux gens de parler et de suivre leurs célébrités préférées.

La perception que le public a des acteurs a été fortement influencée par les événements récents. Fait intéressant, le sentiment négatif envers Amber Heard avait déjà atteint son apogée avant même le début du procès. Au cours du procès, les utilisateurs de Twitter ont exprimé une opinion négative de 31% de Heard, avec seulement 13% montrant une positivité et un stupéfiant 18% exprimant de la colère. Cependant, à l’approche du procès (du 18 février au 10 avril 2022), le sentiment de Twitter envers Heard était encore plus hostile, avec 32 % de négativité, 18 % de positivité et 24 % de tweets exprimant de la colère.

D’un autre côté, Johnny Depp a connu un virage vers la négativité pendant le procès. Le sentiment Twitter autour de Depp était de 27% négatif, 17% positif et 15% exprimant sa colère entre le 11 avril et le 1er juin 2022. En revanche, la période précédant le procès a vu une vision beaucoup plus positive de Depp sur Twitter, avec seulement 14% négativité, 29 % de positivité et à peine 9 % de tweets exprimant de la colère. Ces changements dans la perception du public montrent à quel point cela peut changer dans un laps de temps relativement court.

Imaginez ceci : une salle d’audience remplie de journalistes, d’avocats et du public, tous attendant avec impatience le verdict d’une affaire très médiatisée. La tension est palpable lorsque le juge lit la décision. Mais que se passe-t-il lorsqu’il n’y a pas de gagnant ou de perdant clair dans un tel cas, en particulier lorsqu’il s’agit de quelque chose d’aussi grave que des abus ? Il s’avère que dans de telles situations, le tribunal de l’opinion publique sur les médias sociaux est celui qui décide en dernier ressort qui l’emporte.

Effets des médias sociaux sur l’image et les bénéfices de l’entreprise.

L’affaire très médiatisée de Johnny Depp contre son ex-femme Amber Heard lui a non seulement rendu justice, mais elle a également renforcé la commercialisation de son image. Et qui en a le plus profité ? Nul autre que la maison de couture de luxe, Dior.

Au fur et à mesure que la base de fans de Depp se renforçait, la demande pour le parfum Sauvage de Dior dont l’acteur est le visage augmentait également. Selon l’étude de Hey Discount, les recherches Google pour le parfum ont grimpé en flèche de 48 %, passant de 823 000 en mars 2022 à 1,2 million en avril 2022, lorsque la procédure judiciaire a commencé. Et comme si cela ne suffisait pas, les vues TikTok pour Sauvage ont également augmenté de 63 % au cours de la même période. 

Après avoir remporté son procès en diffamation contre Amber Heard, Johnny Depp a maintenant obtenu un contrat lucratif avec Dior qui reflète un accord à sept chiffres. Une source liée à l’accord a révélé que la marque de luxe française avait « renouvelé son contrat » avec l’acteur de 59 ans pour continuer à être l’égérie du parfum masculin Sauvage de Dior. C’est une situation gagnant-gagnant pour Depp et Dior.

Sur Twitter, les fidèles fans de Johnny Depp demandent des excuses aux grandes sociétés cinématographiques telles que Warner Bros. et Disney pour ne pas l’avoir soutenu lors de la tumultueuse saga Amber Heard. Plus précisément, Warner Bros. avait choisi Depp dans le rôle du puissant sorcier noir Gellert Grindelwald dans « Les animaux fantastiques et où les trouver », pour le remplacer par Mads Mikkelsen après que des allégations aient fait surface concernant son implication dans la violence domestique.

Les fans étaient ravis de voir Depp se transformer en Grindelwald dans la suite, « Les crimes de Grindelwald », mais Warner Bros. a pris la décision controversée de l’effacer de la franchise. Dès la sortie du premier regard de Mikkelsen sur Grindelwald, suivi de la bande-annonce, les fans se sont déchaînés sur les réseaux sociaux, appelant au boycott du film et accusant Warner Bros. d’essayer d’effacer Depp de leur histoire cinématographique.

La bataille juridique entre Depp et Heard en 2022 a été un événement très médiatisé et dramatique qui a captivé le monde. Le procès ne s’est pas seulement limité à la salle d’audience, mais s’est également déroulé sur les réseaux sociaux, le public exprimant ses opinions et prenant parti. Il a sensibilisé à la violence domestique et à l’utilisation de poursuites en diffamation pour faire taire les critiques, tout en démontrant le pouvoir des médias sociaux. Malgré la fin ambigüe du procès, Depp a gagné en popularité sur les réseaux sociaux tandis que Heard a fait l’objet de critiques, montrant ainsi l’impact de l’opinion publique.

Blanca FERNANDEZ RIVAS

Références

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La spirale du Doomscrolling : pourquoi nous devons prendre conscience de nos habitudes en ligne ?

Selon une récente étude de l’université texane de technologie, 74 % des personnes interrogées étant les plus sujettes au Doomscrolling ont des problèmes de santé mentale.

Si le lien entre cette pratique et des problèmes mentaux est peut-être difficile à établir, un tel pourcentage ne laisse cependant pas la place au doute. L’un des chercheurs de cette enquête conclut en expliquant que si « être stressé et anxieux est une réaction légitime quand on regarde le monde qui nous entoure, il faut que les gens apprennent à reconnaître à quel moment la consommation d’informations devient problématique ».

Le Doomscrolling, qu’est-ce que c’est ?

Le Doomscrolling (ou doomsurffing) est décrit comme une habitude où les utilisateurs des médias sociaux font défiler de manière obsessionnelle des informations négatives sur leurs fils d’actualité. Pamela Rutledge, directrice du Media Psychology Research Center, basé en Californie, le décrit simplement comme « le besoin compulsif d’essayer d’obtenir des réponses lorsque nous avons peur ».

Le terme est apparu pour la première fois en 2018 et a pris de l’ampleur pendant la pandémie de coronavirus (COVID-19).

Lors de situations d’urgence telles que les pandémies, une grande variété de sources produisent et diffusent des informations sur le sujet, dont la plupart sont essentiellement négatives. Dans ce contexte, les smartphones et les fils d’actualité des médias sociaux, qui sont conçus pour encourager un engagement fréquent et prolongé, peuvent accroître le besoin de rester informé et renforcer l’attention sur la consultation d’informations négatives.

En 2020, le terme « Doomscrolling » a d’ailleurs été nommé l’un des mots de l’année par l’Oxford English Dictionary.

D’où vient cette nouvelle pratique ?

Le Doomscrolling est initié par des facteurs qui motivent généralement la recherche de nouvelles négatives, mais qui peuvent être amplifiés par des facteurs individuels, technologiques et contextuels.

Premièrement, les fils d’actualité des médias sociaux ne présentent pas de point final naturel, ce qui favorise donc la pratique de Doomscrolling.

De plus, le phénomène est causé par l’anxiété, l’incertitude, une faible auto-efficacité politique, un intérêt politique élevé et les contraintes de la distanciation sociale. 

Cette pratique est aussi étroitement liée à la vigilance en ligne, à l’utilisation problématique des médias sociaux, à la peur de manquer quelque chose (FOMO, Fear Of Missing Out), et à une faible maîtrise de soi.

Ce drôle de mot nous touche en réalité tous, indépendamment de l’âge, du sexe, de la classe, de la religion et des frontières nationales. Sciemment ou inconsciemment, le Doomscrolling est entré dans nos vies.

Ken Yeager, psychiatre à l’Ohio State University Wexner Medical Center, informe que notre cerveau aime, par nature, les choses négatives. Selon lui, « nous sommes tous programmés pour voir le négatif et être attirés par le négatif, parce qu’il peut nous nuire physiquement ». Ils ajoutent que les individus sont attirés par le Doomscrolling car ils ont l’impression d’être en mesure de contrôler n’importe laquelle de ces mauvaises nouvelles.

Quelles conséquences du Doomscrolling ?

Le Docteur Fabian Almeida, psychiatre consultant à l’hôpital Fortis de Kalyan, a déclaré dans un article publié dans l’Indian Express en mai 2022 que «  l’habitude du Doomscrolling a eu un impact négatif sur la santé mentale, déclenchant et aggravant l’anxiété, le stress, la dépression et la panique ».

Le fait de se concentrer sur des informations négatives peut être préjudiciable au bien-être physique et mental, mais peut être recherché en raison d’un état de bien-être faible ou menacé.

Une étude publiée par Preshita Neha Tudu dans l’International Journal of Disaster Risk Reduction a révélé que le risque d’anxiété et de stress augmentait pendant le confinement en raison des médias et notamment du Doomscrolling.

De plus, dans un article publié en ligne, Sharon Goldman indique que le comportement de Doomscrolling peut gravement perturber le sommeil et la santé en général. Ce mur de mauvaises nouvelles peut entraîner des difficultés d’endormissement et, à terme, des insomnies. Par conséquent, un mauvais sommeil peut provoquer des symptômes de dépression chez certains individus, entraînant un cycle négatif entre la dépression et le sommeil qu’il peut être difficile de rompre. L’auteur souligne également que le Doomscrolling peut augmenter les niveaux de cortisol et d’adrénaline, qui sont des hormones de stress. Des recherches ont montré que des niveaux chroniques d’hormones de stress élevés sont associés à de nombreux problèmes de santé physique, notamment les maladies cardiaques, le diabète et l’obésité.

Dans cette même perspective, Cassidy Caitlin, dans un article en ligne, fait référence à l’étude réalisée et publiée dans la revue Health Communication, qui a révélé que 16,5 % des quelque 1 100 personnes interrogées présentaient des signes de consommation d’informations « gravement problématique », entraînant des niveaux plus élevés de stress, d’anxiété et de mauvaise santé.

En outre, les jeunes adultes de la génération Z, qui ont grandi avec une technologie omniprésente, sont plus sujets à l’isolement social et ont de grandes difficultés à gérer leur stress. Cette génération a été la première à grandir avec une technologie omniprésente. Les recherches de Jean Twenge montrent que l’influence des technologies mobiles affecte la génération Z dans tous les milieux socio-économiques, ethniques et démographiques. De nombreux facteurs de stress comme la santé, les fusillades de masse, la politique et l’actualité, soient amplifiés par une utilisation excessive de la technologie. Le défilement infini des fils d’actualité a rendu plus facile que jamais le fait d’être aspiré dans une spirale sans fin de Doomscrolling.

Comment sortir de cette habitude de Doomscrolling ?

Il n’est pas facile de se défaire de cette habitude de Doomscrolling, surtout si l’on a l’habitude de consommer des informations tout au long de la journée par l’intermédiaire d’applications mobiles.

Une meilleure connaissance du phénomène de Doomscrolling pourrait profiter aux utilisateurs en les sensibilisant aux stratégies d’autorégulation ou à d’autres moyens d’atténuer l’utilisation excessive de médias. Comprendre ses habitudes médiatiques peut aider les gens à mieux gérer leur santé mentale et leur bien-être général.

Heureusement, il existe des moyens de remplacer rapidement cette habitude toxique par une autre qui peut améliorer l’état d’esprit.

Elizabeth Victor Rodrigues propose une liste non exhaustive de tips qui peuvent être utilisés pour éviter le Doomscrolling :

  1. Désactiver les notifications des applications d’actualités et des médias sociaux
  2. Régler une minuterie sur le smartphone avant de commencer à scroller
  3. Suivre l’utilisation du temps d’écran
  4. Essayer de lire des fils d’actualité positifs
  5. Essayer de passer plus de temps avec ses proches et ses amis
  6. Pratiquer une passion
  7. Faire de l’exercice physique 
  8. Pratiquer la méditation

Quel avenir avec le Doomscrolling ?

Bien que des études aient été menées pour comprendre les effets du Doomscrolling sur la santé mentale et physique, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur les conséquences à long terme du Doomscrolling. 

De plus, du fait du caractère récent de ce terme, et du peu d’études réalisées, ou à minima sur de petits échantillons, il reste encore complexe de mesurer véritablement l’ampleur de ce phénomène dans la société. 

Pour finir sur le Doomscrolling, il est important de rappeler qu’il faut d’abord prendre conscience de cette habitude et ensuite travailler à la remplacer par des activités plus positives et productives. En limitant notre temps sur les médias sociaux et en établissant des limites claires pour notre utilisation des appareils électroniques, nous pouvons réduire notre exposition à l’information négative et améliorer notre qualité de vie.

Jeanne Bouvard


Sources

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Les antennes 5G propagent le coronavirus.

Qualifiée par Stephen Powis, directeur du NHS, de “fake news de la pire espèce”, cette théorie du complot a été largement diffusée sur les réseaux sociaux et dans les médias en ligne entraînant des incidents réels et des actes de vandalisme.

Une fake news aux conséquences bien réelles

Le 12 Mars, l’américain Thomas Cowan, qui se présente comme médecin,  publie sur Youtube une vidéo intitulée  “Coronavirus caused by 5G?”. Dans ses propos, il avance que la 5G aurait déstabilisé le champ magnétique terrestre et empoisonné l’espèce humaine. Le coronavirus serait ainsi né d’un être humain contaminé. Avant d’être supprimée sur Youtube, la vidéo est rapidement devenue virale, ayant été partagée quelque 16 000 fois sur Facebook et vue 390 000 fois. Au moins cinq autres chaînes YouTube ont elles aussi publié la même vidéo. Elle a aussi été relayée par une douzaine de pages Facebook, ainsi que sur Instagram et Twitter. Un des arguments phare de Thomas Cowan est que la première ville à être entièrement couverte par la 5G est Wuhan. Le parallèle est rapidement repris sur la toile avec des cartes faisant figurer une corrélation entre la propagation du virus et le déploiement de la 5G. 

Face à cette théorie, la communauté scientifique a fermement soutenu que la technologie 5G n’était pas responsable. Le Dr Simon Clarke, professeur de microbiologie cellulaire à l’université de Reading explique que les ondes radio 5G sont “loin d’être assez fortes pour affecter le système immunitaire”. Malgré un manque de fondements scientifiques, l’idée d’une corrélation entre la pandémie et la 5G s’est répandue dans le monde entier. Google trends, l’outil qui permet de savoir quels sont les mots clés les plus recherchés sur internet, a recensé un pic des mots clés “Coronavirus +5G” à compter du 26 janvier 2020, soit cinq jours après le premier cas identifié de malade du coronavirus aux États-Unis. Le quotidien américain The New York Times a repéré près de 500 groupes Facebook et des dizaines de comptes Twitter et Instagram propageant cette théorie conspirationniste. Certains prennent le parti que la 5G affaiblit nos défenses face au virus, d’autre que la technologie en est directement vectrice. La théorie circule aussi que le virus n’existe pas, il s’agirait d’un stratagème pour cacher les morts causés par la 5G. D’autres vont encore plus loin et affirment que le vaccin serait un moyen d’injecter à l’ensemble de la population des nanopuces 5G. 

En conséquence, plusieurs antennes ont été incendiées à travers le monde. Au Royaume-Uni, une vingtaine d’antennes-relais ont été vandalisées dans plusieurs grandes villes, notamment à Birmingham et Liverpool. Des ingénieurs du haut débit sont menacés et des techniciens en train d’installer des antennes sont même agressés physiquement. Les attaques sur ces relais de la 5G surnommés “tours de la morts” ont imposé une réponse ferme des institutions. Le ministre britannique Michael Gove est monté au créneau pour dénoncer cette « dangereuse ineptie ». Le Department for Digital, Culture, Media and Sport (équivalent des ministères de la Culture et des Sports réunis) a ajouté sur Twitter qu’il n’y avait « aucune preuve crédible » à ces allégations, tandis que l’association des réseaux de téléphonie britanniques, Mobile UK, s’est dite particulièrement « préoccupée » par ces rumeurs associées à la destruction de ces infrastructures utiles.

Le relais sur les réseaux sociaux

Les informations sur le lien entre 5G et Covid se sont diffusées très rapidement sur les réseaux sans passer par des canaux de vérification ou de validation. Selon une analyse de l’ONG britannique Full Fact, qui a examiné plus de 50 publications complotistes sur la 5G et le COVID-19, ces publications ont été partagées plus de 77 000 fois sur les réseaux sociaux, y compris sur Facebook, Twitter et Instagram. Une autre étude menée par l’Université de Technologie de Swinburne en Australie a révélé que les théories du complot sur la 5G et le COVID-19 avaient été partagées plus de 53 000 fois sur Twitter au cours d’une semaine en avril 2020. Ces chiffres ne représentent qu’une partie de la propagation de cette théorie du complot, car elle a également été diffusée par le biais de vidéos, de groupes de discussion en ligne, de messagerie instantanée et d’autres canaux de communication numériques.

Notons que les algorithmes de recommandation des réseaux sociaux suggèrent des contenus similaires à ceux que les utilisateurs ont déjà consultés. Cela peut conduire à la formation de bulles de filtres, où les utilisateurs sont exposés à des contenus qui renforcent leurs croyances et leurs opinions. Si un utilisateur a consulté ou partagé des publications complotistes sur la 5G et le COVID-19, les algorithmes de recommandation peuvent lui suggérer d’autres contenus similaires, ce qui peut amplifier la propagation de la théorie du complot. 

L’essor de cette fake news a été amplifié par des personnalités publiques, célébrités et politiciens, qui ont partagé des publications la soutenant. Par exemple, la chanteuse américaine Keri Hilson a causé la controverse en la relayant à ses 2,3 millions d’abonnés Instagram, avant de la supprimer.

La réponse des plateformes

Face à la propagation de la théorie du complot 5G, différents réseaux sociaux ont pris une série de mesures. Instagram, par exemple, a commencé à étiqueter les publications liées à la 5G qui contiennent des informations fausses ou trompeuses. Lorsque la publication a été identifiée comme étant trompeuse, les utilisateurs voient une alerte en haut de l’écran avec un lien vers des informations fiables pour aider à éclairer le sujet.En parallèle, Facebook, YouTube et Twitter ont tous supprimé des vidéos et des publications qui propageaient activement la théorie du complot selon laquelle le COVID-19 est propagé par la 5G.

En avril 2020, Google a annoncé que les publications qui propagent des théories du complot liées à la 5G et au COVID-19 seraient rétrogradées dans les résultats de recherche. Cette mesure visait à réduire la visibilité de la désinformation. Au même moment, Facebook a qu’il travaillerait avec des organisations de fact-checking pour vérifier les publications liées à la 5G et au COVID-19. Les publications identifiées comme contenant des informations fausses ou trompeuses ont été étiquetées comme telles.

La propagation de la théorie du complot selon laquelle le COVID-19 est propagé par la 5G est un exemple marquant de la puissance des réseaux sociaux pour diffuser des fausses informations à grande échelle. Elle illustre la part de responsabilité des réseaux sociaux, l’importance du fact-checking et les risques liés à la désinformation.

Inès de Rozaven

La réglementation des influenceurs, quel état des lieux ?

Au cours des dernières années, le nombre de plaintes et accusations d’escroquerie s’est multiplié, devenant ainsi un problème majeur pour les réseaux sociaux.

Les arnaques et escroqueries mises en place par certains influenceurs sont devenues monnaie courante, mettant en danger les utilisateurs des réseaux sociaux et obligeant les plateformes à trouver des moyens pour limiter ces pratiques frauduleuses et protéger leurs utilisateurs. La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes s’est exprimée sur le sujet dans un communiqué fin 2021, confirmant l’augmentation inquiétante des pratiques commerciales trompeuses en ligne, en grande partie de la part d’influenceurs.

« Plusieurs dossiers traités récemment par la DGCCRF confirment la montée inquiétante des pratiques commerciales trompeuses en ligne dans le domaine des services financiers, notamment de la part d’influenceurs. »

Un nouveau terme, les « Influvoleurs », a même été créé pour dénoncer les influenceurs qui ont promu les investissements dans des produits financiers, souvent de manière irresponsable, incitant leurs abonnés à prendre des décisions financières risquées basées sur des recommandations peu scrupuleuses.

Alors que le métier d’influenceur continue de se développer et d’attirer de plus en plus de jeunes, le manque de contrôle et d’encadrement se fait de plus en plus ressentir. Bien que le marketing d’influence soit en grande partie autorégulé, il y a un besoin croissant de réglementation par des autorités compétentes.

C’est dans ce contexte que Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, a présenté le 24 mars 2023 une nouvelle réglementation visant à encadrer les plateformes et les influenceurs. Mais dans quel cadre de réglementation sur les acteurs du marketing d’influence cette proposition s’ajoute ?

Quelles dispositions sont déjà existantes ?

Si le marketing d’influence n’est pas encadré par des codes spécifiques, il n’en reste pas moins encadré par des dispositions plus larges. 

La Chambre de Commerce Internationale, présente depuis 1937, révise régulièrement ses articles pour une meilleure identification des contenus commerciaux, et sur toute question traitant des influenceurs et des algorithmes. Ces décisions vont influencer les structures nationales d’autorégulation de la publicité, telles que l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) en France ou encore la Federal Trade Commission (FTC) aux États-Unis, qui est chargée de surveiller le droit de la concurrence déloyale et le droit de la consommation depuis 1914. En Italie, c’est l’Institut d’Autodiscipline Publicitaire italien (IAP) qui est en charge de ces questions. Les décisions prises par la Chambre de Commerce Internationale permettent ainsi d’obtenir une certaine unité dans le contrôle de ces acteurs.

En Europe, la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales des entreprises s’adresse également aux influenceurs. Ces derniers doivent désormais spécifier si leur publication présente un caractère promotionnel, permettant ainsi une meilleure transparence envers les consommateurs.

Quel contrôle est mis en place ?

Un certain nombre d’autorités sont également déployées pour contrôler le respect des décisions.

En France, de nombreuses autorités administratives indépendantes (AAI) mais également des autorités extrajudiciaires comme la DGCCRF (qui dépend du ministre de l’Economie) veillent au respect du droit de la consommation. Celles-ci ont permis d’établir plusieurs constats, comme celui fait depuis 2021 sur 60 influenceurs ayant un nombre significatif d’abonnées ou ayant fait l’objet de signalement, qui montre que 60% des créateurs de contenus ne respectent pas la réglementation en vigueur. En faisant notamment la promotion de produits et/ou services risqués ou encore étant accusés de tromperie sur les propriétés des produits vendus. Les enquêtes ont conduits à des avertissements et des transmission de procès-verbaux d’infraction au procureur de la République, mais ces autorités administratives n’ont pas de moyen direct de sanctionner.  L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP), association indépendante des pouvoirs publics, elle aussi sensibilise, émets des rapports sur la publicité déguisée, et définit des plans d’action pour favoriser les bonnes pratiques, notamment avec la mise en place de deux plateformes spécialisées pour détecter les cas litigieux. 

La proposition de loi par Bruno Le Maire, en consultation avec différents acteurs, dont l’ARPP a pour but de protéger davantage l’exposition des jeunes, car l’appropriation des règles par les plateformes et les influenceurs en activité dessus est encore insuffisante. De nombreuses interdictions y sont ajoutées, tel que celles de la promotion de la crypto monnaie et de la chirurgie esthétique mais également des obligations, comme celle de mentionner l’utilisation de filtres sur la base de la réglementation des photographies publicitaires, avec la mention obligatoire si la photo a été retouchée. Une brigade de l’influence commerciale sera également créée au sein de la Répression des Fraudes afin d’assurer un meilleur suivi des activités. Pour autant, protéger les influenceurs et les accompagner pour qu’ils ne soient pas victimes de partenariats frauduleux n’est pas écarté de la proposition avec la volonté de mettre en place un meilleur accompagnement. La protection des influenceurs mineurs, et plus spécialement de ceux de moins de 16 ans, est étudiée avec la création d’un agrément obligatoire auprès des services de l’État. 

Une question à intérêt international

La France n’est pas le seul pays à prendre ses dispositions. Le Royaume Uni développe son cadre réglementaire pour les plateformes numériques au sein de l’Autorité de la Concurrence (CMA), publiées en fin 2020. 

D’autres pays étendent le champ des pratiques considérées comme commerciales, ainsi dans le cas d’un compte associé à de la chirurgie esthétique un « like » a été considéré par la FTC à caractère promotionnel. 

La cour de Berlin, elle, a émis l’hypothèse de considérer directement les post d’influenceurs en tant que publicités pour éviter toute confusion, voulant ainsi appliquer aux influenceurs la présomption de commercialité. Certains pays comme la Belgique, a contrario, se basent uniquement sur la présence d’une contrepartie monétaire pour déterminer si une publication est commerciale ou non, sans prendre en compte le contenu du post.

Il est intéressant de noter que les mesures prises par la France servent également d’exemple à d’autres pays à l’international. C’est le cas de l’Inde qui suit exemple de la France en créant Advertising Standards Council of India (ASCI), qui permet la mise en place d’une surveillance automatique pour relever les dérives sur les réseaux sociaux. On note ainsi que les dispositions prises par chaque pays ont une influence sur les autres pays à l’échelle mondiale, témoignant de l’intérêt international croissant pour la régulation des activités des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Quel futur pour la réglementation ?

Même si aujourd’hui il n’existe pas de règlementation européenne sur le marketing d’influence, nous ne sommes pas en présence d’un vide juridique pour autant. Les autorités nationales ont su s’adapter et transposer des dispositions législatives spécifiques à certains secteurs. Des projets européens sont également en cours de préparation afin d’harmoniser la réglementation entre les pays tels que le Digital Service Act qui va faire peser une plus grande part de responsabilité sur les influenceurs par rapport au caractère non trompeur et légal du contenu qu’ils publient mais également sur les plateformes, qui devront mettre en place des moyens facilités et plus efficaces de signalements.

Si le marketing d’audience a toujours été compliqué à contrôler, c’est une thématique de plus en plus importante, notamment avec l’intérêt grandissant pour le marketing d’influence visible par la hausse conséquente des post sponsorisés sur les réseaux sociaux. Désormais le marketing d’influence concerne tous les types d’influenceurs puisqu’il est également mis en œuvre par des influenceurs avec des audiences plus modestes, ce qui rend la surveillance plus complexe, dû au nombre d’acteurs plus important. Et cette dynamique n’est qu’au démarrage, avec la reconnaissance de ce nouveau métier et le développement des formations spécialisées et des écoles d’influenceurs.

Emma Levesque

Références :
[Vidéo] Influenceurs et créateurs de contenu : les mesures d’accompagnement et de protection. (s. d.). economie.gouv.fr. https://www.economie.gouv.fr/influenceur-createur-contenu-mesures-encadrement
 
DI MAGGIO Alexandra, « Contrôle des influenceurs aux frontières : petit tour d’horizon de quelques réglementations nationales », Légipresse, 2021/HS2 (N° 66), p. 64-80. DOI : 10.3917/legip.hs66.0064.  https://www.cairn.info/revue-legipresse-2021-HS2-page-64.htm
 
Marketing d’influence : 60 % des influenceurs ciblés par la DGCCRF en anomalie. (s. d.). economie.gouv.fr. https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/marketing-dinfluence-60-des-influenceurs-cibles-par-la-dgccrf-en-anomalie
 
Les influenceurs : obligations et responsabilité en Europe. (2022, 7 novembre). https://www.europe-consommateurs.eu/achats-internet/les-influenceurs.html
 
Mansoura, S. (2023, 23 janvier). “Influvoleurs” : cinq questions sur les plaintes pour escroquerie déposées contre des influenceurs français. France Inter. https://www.radiofrance.fr/franceinter/influvoleurs-cinq-questions-sur-les-plaintes-pour-escroquerie-deposees-contre-des-influenceurs-francais-7190836

La stratégie digitale de développement d’audience de la NBA

La NBA est partout. Bien que ce ne soit pas la ligue de sport numéro un aux États-Unis quant aux audiences, elle a depuis longtemps conquis le monde grâce à son côté spectaculaire. Elle a toujours été à la pointe en termes de stratégies d’exportation et de diffusion, et s’est montrée novatrice très rapidement sur le digital. En 2021, le mot-clé « NBA » était le quatrième plus recherché sur Google, et le premier aux États-Unis.

Comme de nombreuses autres ligues sportives, la NBA est largement financée par les énormes sommes dépensées pour acquérir les droits de diffusion. Actuellement, la NBA gagne environs 2,7 milliards de dollars par saison, et ce montant pourrait bientôt être revu à la hausse car le contrat actuel se terminera avec la saison 2024/2025. Il semblerait que la NBA et son président Adam Silver espèrent doubler les revenus de la ligue, et l’arrivée de nouveaux acteurs tels que les plateformes n’y sont pas pour rien. En effet, nous avons pu voir qu’Amazon s’intéressait de plus en plus à la diffusion d’évènements sportifs comme avec Rolland Garros ou la Ligue 1, mais aussi la NFL avec la rencontre du jeudi pour 1,2 milliards de dollars. Ainsi, en proposant un package de seulement quelques matchs par semaine, la NBA espère récupérer jusqu’à 1 milliard de dollars par saison. Et cette nouvelle offre ne devrait pas faire trop d’ombre aux chaînes de diffusions historiques aux États-Unis qui n’hésitent pas à payer d’énormes droits de diffusion malgré la concurrence que représente l’offre « NBA League Pass » depuis de nombreuses années.

En effet, depuis 1999, la NBA a fait le choix de proposer une offre d’autodiffusion, d’abord par l’intermédiaire d’une chaîne du câble. Depuis 2006 (!!!), ce service est proposé sur le net pour regarder les matchs en streaming. Cette alternative représente pour beaucoup l’avenir de la retransmission sportive, à travers une offre personnalisée et segmentée. En proposant plusieurs formats d’abonnements, le NBA League Pass offre une formule où l’on peut voir tous les matchs, une autre pour ne suivre que son équipe favorite ou encore un forfait pour quelques matchs à l’unité. Cette offre a séduit les fans du monde entier qui ont la possibilité de visionner les matchs en replay ou de mettre en pause au milieu d’un match. La ligue ne passe pas à côté de son engouement à l’international et l’entretient à travers des matchs aux horaires « européens » le week-end ou en se déplaçant pour venir directement à la rencontre des fans comme lors des récents NBA Paris Game. Cette mondialisation se caractérise aussi sportivement, de plus en plus de talents venus du monde entier viennent garnir les bancs de la NBA depuis une vingtaine d’années jusqu’à représenter plus de 25% de joueurs non-américains sous contrat.

Le NBA League Pass a aussi pour objectif d’attirer les plus jeunes générations qui semblent s’éloigner de plus en plus du modèle classique du sport à la télévision. Les « millennials » passent de plus en plus de temps devant les écrans mais de moins en moins devant la télévision, par conséquent, atteindre ce marché par le biais d’appareils numériques était une stratégie exemplaire pour maintenir sa base de fans aussi fidèle qu’auparavant. Ces générations sont aussi bien plus attirées par la flexibilité des contenus et leur facilité d’accès. Ainsi, la NBA a tenté plusieurs formules ces dernières années qui vont dans ce sens, comme de proposer une fenêtre de 10min d’accès à la plateforme pour regarder n’importe quel match pour 0,99$. Avec des micro-paiements d’un montant aussi bas qu’un dollar et sans engagement, ce système est clairement conçu pour répondre aux tendances d’achat des millennials.

En termes de stratégie digitale, la NBA a fait un choix fort quant à sa présence sur les réseaux sociaux et les plateformes comme Youtube. Dans de nombreux sports, on remarque qu’il est très compliqué de trouver des extraits de match tant les ligues tiennent à garder le contrôle de leurs droits de diffusion. Au contraire, la NBA a elle choisit d’opter pour une stratégie inverse depuis qu’Adam Silver a succédé à David Stern au début des années 2010. Ainsi, la NBA n’hésite pas à rendre accessible les highlights (résumé des actions les plus marquantes) de ses matchs ou des extraits de ses émissions, qui se retrouvent diffusés en masse sur les réseaux sociaux. Le PDG et Commissionnaire de la NBA décrit cette stratégie comme celle de l’apéritif : « Nous poussons à la diffusion large de nos highlights sur Internet (…) Nous comparons notre stratégie à celle de l’apéritif et du repas. Si nous offrons un apéritif à nos fans, ils auront toujours envie du repas que constituent nos matchs ». La ligue peut aussi s’appuyer sur ses stars planétaires pour faire rayonner son image sur les réseaux sociaux, l’impact de joueurs comme LeBron James ou Stephen Curry ayant des répercussions énormes.

Les résultats de cette stratégie sont probants, puisqu’en 2021 la NBA était la ligue sportive ayant la plus forte exposition en ligne. Avec plus de 14 milliards de vidéos vues (en cumulant YouTube, TikTok, Facebook et Instagram), et une communauté de 125 millions de followers, la NBA s’est imposée comme la référence numéro 1 concernant le développement des réseaux sociaux pour les ligues sportives.

Récemment, la NBA a aussi totalement refondé son application, la NBA App, en partenariat avec Microsoft. Encore une fois les résultats sont au rendez-vous car depuis le lancement en septembre, l’application a connu une hausse de 50% de visionnage, le nombre de vidéos vues a augmenté de 150% et les abonnements à la plateforme ont connus une croissance de 41%. Avec l’arrivée de « Clipper Vision » sur l’application, on pourrait voir arriver de nombreuses autres équipes qui jusqu’alors préféraient vendre leurs droits à des diffuseurs locaux et régionaux. Tout cela rentre parfaitement en adéquation avec la recherche de personnalisation pour chaque fan en fonction de l’équipe qu’il supporte, ses habitudes de consommation de la NBA, etc… La ligue met par exemple beaucoup en œuvre pour investir dans les datas, notamment en fonction de la localisation de chaque fan. L’application a aussi permis de développer les vidéos verticales qui sont parfaitement adaptées aux nouvelles habitudes de consommation, et certains matchs sont désormais proposés avec une prise de vue de ce type.

Pour finir, un peu de chauvinisme et parlons de Victor Wembanyama, jeune prodige français promis à devenir le numéro 1 de la prochaine NBA Draft 2023. Le potentiel du joueur de Boulogne-Levallois fait saliver toute la planète basket et la NBA l’a bien compris en signant un accord avec la Ligue Nationale de Basket (LNB). Ainsi, tous les matchs des Metropolitans 92 sont désormais retransmis gratuitement sur l’application NBA, et il y a fort à parier que de nouveaux partenariats avec d’autres ligues voient le jour dans les années à venir.

À travers une stratégie digitale à la pointe, la NBA s’est donc imposée comme le leader incontesté dans ce domaine pour les ligues sportives. L’autodiffusion à travers le NBA League Pass en particulier, tout en continuant de vendre (très cher) ses droits de diffusion aux partenaires historiques et nouveaux sur le marché, représente une nouvelle donne qui devrait donner matière à réfléchir pour d’autres ligues sportives pour attirer une nouvelle audience.

Valentin Bernadou

Références :

  • Meacham, N., 2023, Sport Pro Media, How the NBA’s evolving media strategy is driving international audience growth ; Disponible via : https://www.sportspromedia.com/analysis/nba-media-strategy-app-data-international-audience-ralph-rivera/?zephr_sso_ott=257CRO
  • Mangwani, D., 2019, Digital Sport, The NBA League Pass micropayment strategy is a sure-fire way to win over Millennials ; Disponible via : https://digitalsport.co/the-nba-league-pass-micropayment-strategy-is-a-sure-fire-way-to-win-over-millennials
  • Fontanieu, B., 2022, Trashtalk, Tout savoir sur le nouveau NBA League Pass ; Disponible via : https://trashtalk.co/2022/10/18/tout-savoir-sur-le-nouveau-nba-league-pass-prix-abonnement-options-et-comment-en-profiter-gratuitement-pendant-7-jours/
  • Auclert, F., 2022, Basket USA, Droits TV : la NBA veut attirer les plateformes de streaming comme Apple et Amazon ; Disponible via : https://www.basketusa.com/news/674413/droits-tv-la-nba-veut-attirer-les-plateformes-de-streaming-comme-apple-et-amazon/
  • Compayrot, T., 2019, Dico du sport, Pourquoi les autres sports et championnats devraient s’inspirer de la NBA ; Disponible via : https://dicodusport.fr/blog/pourquoi-les-autres-sports-et-championnats-devraient-sinspirer-de-la-nba/
  • Ghaddar, E., 2022, Basket Pack, Comment la stratégie digitale de la NBA influence-t-elle les ventes d’équipements ? ; Disponible via : https://www.basketpack.fr/11418-comment-la-strategie-digitale-de-la-nba-influence-t-elle-les-ventes-dequipements#:~:text=Quelle%20est%20la%20strat%C3%A9gie%20de,dans%20les%20enceintes%20des%20franchises.

Apple privacy vs. mobile ad ecosystem

Apple’s ATT is « Privacy by default, abuse by design »

Thomas Hoppner / Philipp Westerhoff – Hausfeld Competition Bulletin, Spring 2021

            La mise à jour d’iOS14.5 introduit pour les détenteurs d’un iPhone : l’Apple Tracking Transparancy (ATT). Cette fonctionnalité est imposée aux développeurs qui veulent voir leur application téléchargeable au sein de l’Apple app store. L’ATT est la fenêtre qui s’ouvre lors de la première ouverture de n’importe laquelle de vos applications mobiles et qui vous demande de choisir :

Apple prompt. Source : Apple Inc.

Elle a, de ce fait, eu des conséquences sur l’écosystème publicitaire mobile en réduisant certaines possibilités de ciblage et d’analyse des campagnes, ce qui s’est traduit en premier lieu par une augmentation des coûts d’acquisition. C’est une mesure qui est d’un côté, saluée et de l’autre critiquée. En effet, la demande, soit les mobinautes et certains acteurs publics en sont contents dans la mesure où elle s’ancre dans une logique grandissante de protection des données personnelles, mais de l’autre côté de ce marché biface se trouvent les annonceurs publicitaires et développeurs qui estiment que la marque à la pomme fait preuve d’hypocrisie, se réservant la data pour ses propres usages. 

Apple possède 18% des parts sur le marché mobile qui est estimé à 5,31 milliards d’utilisateurs en 2022. Même si les systèmes Android sont largement dominant à l’échelle mondiale, les utilisateurs iPhone sont de précieux clients puisqu’ils ont tendance à dépenser plus d’argent (et sont en majorité sur le marché nord-américain). De plus, fin 2021, 89% des utilisateurs d’iPhone auraient fait la mise à jour système (ce chiffre a nécessairement augmenté). Nous sommes ainsi sur une base d’utilisateurs entre 800 millions et 1 milliard dont les données personnelles sont un élément structurant de business modèles basés sur la gratuité financée par la publicité ciblée. Ces derniers possèdent leur propre DSP, gestionnaire publicitaire de mise en relation entre annonceurs et mobinautes et selon certaines estimations auraient connu une perte de revenus total de 16 milliards de dollars. 

Il est difficile de faire un exposé précis et chiffré de l’impact de l’ATT sur ce marché puisqu’un grand nombre de causes peuvent venir perturber les enchères programmatiques, je vais tenter aujourd’hui d’en expliquer les raisons. 

L’impact technique de l’Apple Tracking Transparancy ?

Les utilisateurs d’iPhones pouvaient déjà avant cette mise à jour restreindre le traçage publicitaire de leurs applications téléchargées, ils avaient la possibilité d’activer le Limited Ad Tracking (LAT) dans les réglages. Le grand changement avec iOS 14.5 est qu’ils doivent se prononcer au premier lancement de chacune de leurs applications. Ainsi, si un usager accepte le traçage publicitaire, Apple communiquera au développeur de l’application un identifiant à usage publicitaire IDFA (identifier for advertisers). C’est une chaîne de caractère unique et anonymisée qui est assignée par Apple à votre terminal (nous pouvons la comparer à une version iOS du cookie tiers de Google qui va lui aussi bientôt disparaître). Concrètement, cet identifiant permet retracer le parcours d’un utilisateur, faisant des liens inter-applications ou inter-sites web, depuis son exposition à une publicité à son potentiel succès et ainsi permettre aux annonceurs de faire des analyses de KPI au sein de leur campagne. L’IDFA permet :

  • Le retargeting : pouvoir cibler les internautes qui ont déjà interagis avec un annonceur.
  • De mesurer les conversions et attribuer à un network les évènements recensés. 
  • De cibler d’audiences pertinentes avec contrôle de la fréquence d’exposition.

Ainsi posé, sans IDFA, la prévision, l’optimisation des coûts et budgets devient compliquée. Refuser le traçage publicitaire signifie que le développeur n’a à sa disposition que les données dites first-party. Apple met à disposition des développeurs, et ce sans demande de consentement, l’IDFV (identifier for vendors) qui lui permet de récolter les données des usages dans l’application. Cet identifiant est différent pour chaque application mais unique par développeur (Par exemple : il sera le même pour Facebook et Instagram tous les deux possédés par Meta). Il y ainsi deux catégories d’utilisateurs, ceux qui ont accepté le traçage (opt-in) et ceux qui ont refusé (opt-out). 

Apple propose tout de même une API pour la remontée des données du nom de SKAdNetwork. Tant les ad network, les apps qui diffusent la pub que celles qui cherchent à se promouvoir doivent s’inscrire auprès d’Apple pour pouvoir utiliser le service. Ce dernier ne peut être aussi précis que posséder l’IDFA (puisqu’il était un lien direct entre l’app et son utilisateur) :  

  • Il ne fait pas la distinction entre les opt-in et opt-out (progressivement les annonceurs n’auront pas le choix que de passer par SKAN)
  • Le nombre de campagnes pouvant être lancé est limitée
  • Il n’y a aucune remontée en dessous d’un certain seuil et elles ne sont pas en temps réel (les premiers chiffres mettent 24 à 48h – le temps de perdre pas mal d’argent).

Cette mise à jour a donc provoqué des changements au sein de l’écosystème puisqu’il est plus difficile et moins rentable de tester ses formats publicitaires. Ceci complique l’optimisation des campagnes et implique une réduction des budgets annonceurs. En effet, les dépenses publicitaires pour les apps mobiles ont diminué de 5% en 2022, les grands perdants seraient Meta et Snapchat, mais il est difficile d’attribuer cette baisse uniquement à l’ATT.

Le prompt obligatoire n’est pas si efficace 

Le choix de l’utilisateur est une variable au sein de l’ATT et les taux d’attribution des IDFA ont augmenté depuis le printemps 2021 (la publicité est-elle l’ennemi?), les développeurs adaptent les messages affichés. Certaines projections étaient pessimistes, allaient chercher un taux d’opt-out de 98%, d’autres se positionnaient plus aux alentours des 50%. Cependant, ces taux sont différents en fonction :

  • des applications : les réseaux sociaux et notamment Facebook dont les polémiques liées à l’usage des données personnelles ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières années accuse des taux d’opt-in les plus bas)
  • des pays (en décembre 2021 la France compte un taux d’opt-in à 55% là où les États-Unis sont à 37%). 

De plus, certaines applications trouvent des moyens pour contourner le système de l’ATT. Nous retrouvons des techniques de suivi de cohorte ou l’identification d’individus de manière probabiliste (technique de fingerprinting : des applications calculent et acceptent un identifiant dérivé de l’empreinte digitale en utilisant un code côté serveur). Nous pouvons penser aussi au studio français Voodoo qui a été condamné par la CNIL en fin d’année dernière pour avoir utilisé l’IDFV à des fins publicitaire ou l’annonce récente de Shopify qui s’allie à Google et Meta dans le cadre d’un partage de leurs données. 

Une conjoncture économique défavorable mais tout de même lucrative

La pandémie a également amené une certaine imprévisibilité dans les dépenses médias. De plus, le gain en popularité de Tiktok met également à mal ces réseaux puisqu’il vient prendre dans le budget marketing des annonceurs. Cependant, les réseaux sociaux mobiles continuent de croître en utilisateurs, ces nouveaux médias prennent leur parts dans les médias traditionnels ainsi que les médias numériques qui ne peuvent que difficilement rester indépendants face aux réglementations sur le respect de la vie privée. 

Toutes les prévisions annonçaient un impact important sur Facebook mais qui en même temps perd en DAU l’année dernière alors qu’il investit massivement dans les technologies liées au métavers. En effet, le manque à gagner de $10 milliard annoncé par le groupe est équivalent aux dépenses qu’il réalise. Cette année, eMarketer prévoit que les annonceurs américains dépenseront 58,11 milliards de dollars en publicités Facebook, soit une hausse de 15 % par rapport à l’année précédente, malgré les modifications apportées à iOS.

L’écosystème publicitaire, terrain de jeu pour les entreprises de la tech ?

Apple qui jusque lors était une entreprise spécialisée dans le hardware, opère – en même temps que la baisse progressive de ses ventes – sa transition vers une entreprises de software et avec son dispositif publicitaire Search Ads au sein de l’Apple Store, vers une part des budgets marketings, précisément gardés par Facebook. Les deux géants de la technologie auraient par ailleurs étés en pourparlers sur un accord de partage des revenus, il était mention d’une éventuelle version de Facebook sans publicité et par abonnement. Apple aurait ainsi considéré les revenus d’abonnements à Facebook comme un achat In-App qui lui aurait rapporté 30% de commission. Quelques temps après le non-aboutissement de ces négociations, Apple propose iOS14.5 et une campagne marketing qui met l’accent sur le respect de la vie privée de ses consommateurs. L’entreprise creuse ainsi son conflit existant avec la coalition d’éditeurs d’applications qui sont contre son pouvoir monopolistique.  

Ainsi, même si le suivi des utilisateurs individuels est plus difficile aujourd’hui, les changements renforcent le pouvoir de marché existant d’Apple (ou d’Amazon qui ne dépend aucunement de données tierces) ayant accès à de grandes quantités de données de première main et motivent un contre-mouvement n’allant pas nécessairement dans le sens du respect des données personnelles.

Alexandra Levigne.

Sources et pour aller plus loin : 

OECD (2013-12-16), “The App Economy”, OECD Digital Economy Papers, No. 230, OECD Publishing, Paris. http://dx.doi.org/10.1787/5k3ttftlv95k-en

APPLEYARD Bryan, « Facebook et Apple : la pomme de discorde », Books, 2021/4 (N° 116), p. 41-45. DOI : 10.3917/books.116.0041. URL : https://www-cairn-info.proxy.bu.dauphine.fr/magazine-books-2021-4-page-41.htm

Konrad Kollnig, Anastasia Shuba, Max Van Kleek, Reuben Binns, Nigel Shadbolt (06-2022), “Goodbye Tracking? Impact of iOS App Tracking Transparency and Privacy Labels". FAccT '22: 2022 ACM Conference on Fairness, Accountability, and TransparencyJune 2022 Pages 508–520https://doi.org/10.1145/3531146.3533116

Rapports sur les opt-in et opt-out : 
Tableau de bord interactif par Appsflyer (consultée le 17/01/23)
Carte interactive des IDFA par remerge (consultée le 24/01/23)
Prévisions des eMarketers (consulté le 24/01/23) 
Prévisions de Flurry (consulté le 24/01/23)
Prévisions par AdAge (consulté le 27/01/23

Prédictions des tendances mobile marketing 2023 par Appsflyer (consulté le 17/01/23)
Rapport par Lotame : IDFA impact on big tech (consulté le 24/01/23)

Condamnations de la CNIl : 
Apple : 
CNIL (04-01-2023), "Identifiant publicitaire : sanction de 8 millions d’euros à l’encontre de APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL"
https://www.cnil.fr/fr/identifiant-publicitaire-sanction-de-8-millions-deuros-lencontre-de-apple-distribution-international (ouvert le 3 Janvier 2023)
Voodoo :
CNIL, (17-01-2023), "Jeux mobiles : la CNIL sanctionne VOODOO à hauteur de 3 millions d’euros"
https://www.cnil.fr/fr/jeux-mobiles-la-cnil-sanctionne-voodoo-hauteur-de-3-millions-deuros (ouvert le 24 Janvier 2023)

Shopify s’allie à Google et Meta : 
Claudia Cohen, (03-01-2023), "Publicité ciblée: Shopify s’allie avec Meta et Google"
https://www.lefigaro.fr/medias/publicite-ciblee-shopify-s-allie-avec-meta-et-google-20230103 (ouvert le 24 Janvier 2023)


Coalition app fairness et France Digitale : 
https://francedigitale.org/combat/france-digitale-rejoint-la-coalition-for-app-fairness/
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Comment produire des films de manière écologique ?

Le dérèglement climatique est sans précédent et il faut agir d’urgence pour en freiner l’impact catastrophique. C’est le constat que fait le GIEC dans son sixième rapport d’évaluation, en soulignant le pouvoir d’action des États et des entreprises. « Dans tous les secteurs, nous disposons de solutions pour réduire au moins de moitié les émissions d’ici à 2030 » déclarait le groupe d’experts dans son communiqué de presse du 4 avril 2022. [1]

En parallèle, la prise de conscience collective prend de l’ampleur, et se reflète notamment au cinéma. Il y a en effet de plus en plus de films qui sensibilisent – frontalement ou de manière indirecte – à la défense de l’environnement et portent une voix engagée. Le long métrage Don’t Look Up : Déni cosmique illustre bien cela à travers le succès qu’il a eu. Mais cette représentation s’oppose parfois à la pollution engendrée par la production cinématographique.

Si le secteur du cinéma ne figure pas parmi la liste des industries les plus polluantes, son impact écologique est loin d’être négligeable. Une étude de 2006 menée par l’université de Californie à Los Angeles (UCLA)[2] montrait alors que l’industrie californienne du cinéma émet 140 000 tonnes par an d’émissions d’ozone et de particules diesel. Cela représente une pollution en Californie supérieure à celle de tous les autres secteurs, à l’exception de celui du pétrole.

En France, l’empreinte du secteur audiovisuel est estimée à 1,7 millions de tonnes de CO2 par an, selon une étude menée en 2020 par Ecoprod[3], une association soutenue par le CNC et l’Afdas et fondée par des acteurs majeurs de l’audiovisuel français. C’est à ce jour la seule étude chiffrée à ce sujet.

Une autre étude publiée par la Commission de la Région Ile-de-France [4] en 2008 s’est penchée sur l’empreinte écologique d’un tournage, en identifiant « les principaux postes de consommation de matière ou de ressources » de la filière, mais c’est une étude prospective dont la portée reste limitée.

Dans un contexte où l’urgence climatique exhorte tous les acteurs à fournir des efforts, il est aujourd’hui primordial que l’industrie du cinéma œuvre à réduire son impact environnemental. Au-delà d’un classement des industries les plus polluantes, il s’agit avant tout mettre en place une dynamique générale adoptée et actée par la société dans sa globalité, et surtout encouragée par une politique publique déterminée.

Quels leviers d’action pour mettre en place une éco-production ?

Un film est dans la grande majorité des cas porté par une société de production, qui comme toute société a souvent un bureau et des employés permanents. La société est donc un premier espace d’action où l’on peut mettre en place des mesures écologiques, telles que la limitation de l’usage numérique, l’économie d’énergie, le recyclage, etc. Mais ces plans d’action sont déjà plutôt bien connus et identifiés, et il s’agit ici de traiter des spécificités du cinéma et plus particulièrement d’un moment clé de la fabrication d’un film, à savoir le tournage.

Selon l’étude de la Commission Ile-de-France, ce qui pollue le plus dans un tournage est l’impact généré par le transport des gens et des choses (ce qui correspond par ailleurs à un poste budgétaire souvent relativement élevé).

Un article du journal Les Échos [5] rapporte un extrait d’un entretien avec un membre de l’équipe de La Vie d’Adèle :  “On a tourné la majeure partie de Mektoub my Love à Sète. Puis, Abdellatif Kechiche nous a fait partir au Portugal. Pour une seule scène, qu’il a finalement coupée au montage.” “Tous ?” “Oui, toute l’équipe, en avion, pour deux semaines.”

Cela illustre les proportions que peut parfois prendre le transport de toutes les équipes artistiques et techniques pour tourner dans des décors naturels. Si jusque-là la question ne se posait pas, il faut désormais pouvoir envisager de limiter les déplacements et choisir les moyens de transport les plus écologiques.

Un autre poste riche en pollution est celui du matériel utilisé, qui est de plus en plus performant sur le plan technologique mais par la même occasion plus énergivore. Certaines lampes ou caméras permettent par exemple un rendu optimal pour des hautes définitions dont les écrans de cinéma ne disposent même pas.

Quels sont les dispositifs existants en France ?

L’association Ecoprod citée plus haut et créée en 2009 compte parmi les acteurs les plus actifs en matière d’éco-production. L’association a créé en 2010 l’Ecoclap, un calculateur d’empreinte carbone dédié à l’audiovisuel et dont les sociétés de production peuvent se servir pour atteindre leurs objectifs. Leur plateforme offre également des fiches pratiques, des formations, un guide de tournage, etc.

La startup Pixetik est quant à elle spécialisée dans le placement de produits écoresponsables, tandis que l’agence de conseil Secoya Ecotournage s’applique à mettre en place des stratégies RSE pour les sociétés de l’audiovisuel.

Ces initiatives se multiplient en France, mais elles restent marginales. Car pour faire appel à une agence de conseil comme celles-ci, il faut dépenser davantage et embaucher davantage, puisque souvent cela nécessite la désignation d’un eco-manager chargé de coordonner cet aspect-là.

Qu’est-ce qui inciterait donc les sociétés de production à se rajouter une contrainte supplémentaire ?

C’est là que le CNC intervient via son plan Action ! lancé en 2021 à travers 3 étapes :

  • La première durant 2022 consiste à sensibiliser les acteurs de la filière aux impératifs de la transition écologique et énergétique, via la mise en place de formations non obligatoires et la valorisation des initiatives
  • La deuxième courant 2023 qui introduit l’obligation de fournir un bilan carbone pour tout projet financé par le CNC
  • La troisième et dernière étape qui conditionne l’obtention des aides au respect de certains seuils d’émission

Pour l’instant il n’y pas vraiment d’impact sur les sociétés de production car la phase de sensibilisation n’impose pas d’obligations, mais si le plan Action ! se déroule comme prévu, l’empreinte écologique des films en sera grandement améliorée. Toutefois, le champ d’action du CNC se limitera aux films qui dépendent des aides du CNC, et n’englobera donc pas les grosses productions de studios dont les films sont les plus couteux et énergivores.

Youssef BRICHA


[1] https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2022/04/IPCC-AR6-WG-III-PressRelease-French.pdf

[2] https://www.theguardian.com/world/2006/nov/15/filmnews.usa

[3] https://www.ecoprod.com/fr/les-outils-pour-agir/etudes.html

[4] http://www.filmvar.com/userfiles/file/Etude%20Empreinte%20Ecologique.pdf

[5] https://start.lesechos.fr/societe/environnement/le-cinema-aussi-pollue-la-planete-1174928

Dr. Google and his friend psychiatrist TikTok

Do you have an appointment with Dr. Google?

“Do you think I might have ADHD?”. I asked my sister, who is a general practitioner, this question 6 months after first downloading TikTok. She asked the reasons behind this questioning, and I had to tell her that I related closely to many TikTok videos that I had been seeing on my ‘For You Page’. For example, I did have trouble staying focused for an extended period of time. She answered that, no I did not have ADHD (attention deficit hyperactivity disorder) and I did not have OCD (Obsessive–compulsive disorder) and I did not have BPD (borderline personality disorder) as well. She did say that while you could have some of the traits that were in these mental disorders it did not necessarily mean that you had it. While short attention span is, indeed, a sign of ADHD, it can also be the result of spending time on a phone and getting used to more and more attention-grabbing videos and scrolling.  

Self-diagnosis and misdiagnosis have always existed and even more so with Google which could be used to search any kind of symptoms and find a disease that matched most of them. A colloquial term has been invented to describe this act of searching on Google for a pathology, it is called ‘Dr Google’. This highlights the prevalence of individuals that turn to the Internet instead of going directly to a doctor or psychiatrist.

Self-diagnosis on TikTok

Yet, with Google you had to search for those symptoms. An action was needed by the user. This is where TikTok differs from this. On TikTok the algorithm pushes this kind of content onto the user, the action becomes passive, and it seeps through the thought process as they interact with one TikTok. They then see ten more a few minutes later. You interact with content on this app because you relate to it. Self-diagnosis and trying to find a community on TikTok have been amplified with lockdowns as it was harder than before to receive professional medical help.

This TikTok received 9.4 million views – @milliemclay

Of course, some creators are genuinely using their platform to give a sense of community to those who have the same mental disorder as them or, are trying to raise awareness. Sharing their experiences and struggles has opened a wide pathway to discussing mental. Some creators are jumping on these trends and make trendy and relatable content on the topics to increase their views and interactions on their videos. They make simplified content with videos saying things such as ‘3 things I did not know where signs of ADHD’ and one of them will be ‘picking at my nails’. This can lead to minimizing many mental illnesses and disorders. Influencers and companies can also be capitalizing on the attention that mental illnesses awareness is getting to sell products. This is the case with a telehealth startup called Cerebral that sells expensive treatments.

Self-diagnosis on TikTok can also lead to teenagers portraying the mental disorders that they think they have. An increase of young girls displaying Tourette’s like symptoms came to a hospital in Chicago. They did not have Tourette, but they convinced themselves that they might have it. This has been called a ‘horoscope effect’, it is a sort of self-fulfilling prophecy (Financial Times, 2022)

There are no tangible proofs of this increasing self-diagnosis trend. It is still too early to have research papers and it would be complicated to record as it is a personal matter and hardly quantifiable. However, many professionals are testifying on this matter “A number of mental health providers say that they are seeing an uptick in teenagers and young adults who are diagnosing themselves with mental illnesses — including rare disorders — after learning more about the conditions online.” (The New York Times, 2022). We only have records of the individuals who were seeing or chose to see a psychiatrist or therapist after a self-diagnosis. For many of them, they decide either not to see one or they do not have the resources to do so. Generation-Z is less likely compared to other generations to seek help according to a study done by McKinsey.  And when they do seek help Gen-Zers rely mainly on “emergency care, social media, and digital tools” (McKinsey, 2022).

Many fidget products selling companies, such as rings or toys, also targets anyone that has or think they have ADHD. This means that the individuals seeing ADHD awareness content, are also likely to be targeted with an ad for a quick relief of the condition.

Consequences of self-diagnosis

Self-diagnosis can indeed lead to getting a diagnosis done by a professional. This diagnosis can either confirm what the patient thought they had, find the illness or condition, or even just reassure the patient that they do not have anything. This is what happened to 23-year-old Matilda Boseley who discovered that she had ADHD thanks to content on TikTok. ADHD is widely less diagnosed for women than for men and many young girls who have ADHD are trying to bring awareness on this matter on TikTok.

However, a self-diagnosis can be harmful in many ways. First off, most individuals do not have the medical knowledge or expertise to diagnose their symptoms accurately. It can also delay treatment if the individual is convinced that they have made an accurate self-diagnosis, they can delay going to a doctor or a psychiatrist to receive help or treatment. Misdiagnosis can also lead to self-medication and induce a wrong treatment, and this can be harmful. It can also cause a lot of anxiety which could be easily avoided, as they do not have any guidance in the diagnosis. Finally, self-diagnosis can lead to a sort of dependence on unreliable sources such as TikTok where they will find both the diagnosis and the treatment which is most likely to be wrong. For example, borderline personality disorder is extremely rare with only 1.4% of U.S Population that has this disorder. Yet, on TikTok the #bpd has around 8.2 billion views as of January 2023 (TikTok, 2023).

People who self-diagnose themselves should not be shamed as it can sometimes be seen online but rather, it should be used to open discussion about their feelings. There are reasons why they thought they had this illness or mental disorder, and it can lead to going to see a professional to solve any matter that they could have.

Bibliography

Ashekian Health Sciences Researcher & PhD Student, T.L. (2023) The rise of ‘dr. google’: The risks of self-diagnosis and searching symptoms online, The Conversation. Available at: https://theconversation.com/the-rise-of-dr-google-the-risks-of-self-diagnosis-and-searching-symptoms-online-180278 (Accessed: January 21, 2023).

Boseley, M. (2021) Tiktok accidentally detected my ADHD. for 23 years everyone missed the warning signs | Matilda Boseley, The Guardian. Guardian News and Media. Available at: https://www.theguardian.com/commentisfree/2021/jun/04/tiktok-accidentally-detected-my-adhd-for-23-years-everyone-missed-the-warning-signs (Accessed: January 21, 2023).

Caron, C. (2022) Teens turn to TikTok in search of a mental health diagnosis, The New York Times. The New York Times. Available at: https://www.nytimes.com/2022/10/29/well/mind/tiktok-mental-illness-diagnosis.html (Accessed: January 23, 2023).

Mohamed, Z. (2022) Young women are self-diagnosing personality disorders, thanks to Tiktok, ELLE. Available at: https://www.elle.com/uk/life-and-culture/a39573245/young-women-self-diagnose-personality-disorder-tiktok/ (Accessed: January 21, 2023).

Murphy, H. (2022) Self-diagnosis ads on TikTok Blur Mental Health fears with reality, Subscribe to read | Financial Times. Financial Times. Available at: https://www.ft.com/content/dd63fb93-fa81-4a29-918e-93fa06fb8c4c (Accessed: January 13, 2023).

Emma Le Vourch

Quel rôle tient l’IA dans l’industrie de l’information ? 

Récemment le laboratoire Open AI, à l’origine des intelligences artificielles telles que Chat GPT ou encore Dall-E, suscite l’intérêt de nombreux investisseurs. Initialement créée dans un but non lucratif, ce laboratoire serait valorisé, selon le Wall Street Journal, à hauteur de 29 milliards de dollars et viserait un chiffre d’affaire de 200 millions de dollars en 2023. Cet entrain suscité par ces outils d’intelligence artificielle (IA) témoigne des perspectives porteuses qu’assurent ces multiples technologies.

D’après la CNIL, l’intelligence artificielle « est un procédé logique et automatisé reposant généralement sur un algorithme et en mesure de réaliser des tâches bien définies ». Le Parlement européen précise d’avantage la définition et qualifie d’intelligence artificielle les outils qui participent à la reproduction du comportement humain notamment des facultés de raisonnement, planification ou encore de créativité

Ces nouvelles technologies bouleversent le fonctionnement de nombreux secteurs. L’industrie de  l’information est particulièrement marquée par la création de ces nouveaux outils. En effet, le marché de l’information se composent de nombreux acteurs voués à diffuser et produire de l’information. Les médias traditionnels et journalistes apprennent à travailler avec ces intelligences artificielles et les intègrent à leur fonctionnement au fil de leurs évolutions. 

Quelles seront les implications, à moyen et long terme, de ces nouvelles technologies sur le secteur de l’information et plus précisément sur le journalisme ?

Les outils d’intelligence artificielle sont d’abord perçus comme une aide à la production journalistique. Cependant, ces technologies peuvent représenter une menace pour le secteur et le code déontologique de la profession. 

Des outils technologiques qui aident la profession

Depuis plusieurs années, les médias intègrent avec succès des outils d’IA dans leur activité. D’après l’Institut Supérieur de Formation au Journalisme, les technologies d’intelligence artificielle prennent en charge 8 à 12% des tâches quotidiennes des journalistes. Ce gain de temps est réalloué et contribue à l’accroissement de la qualité et de la valeur ajoutée des contenus proposés par les reporters et médias.

On peut citer Syllabs une start-up française qui propose un outil de rédaction automatique d’articles à partir de données. Cette solution est adoptée par le journal Le Monde en 2015 afin de rédiger des articles sur les résultats locaux à l’occasion des élections départementales des 36 000 communes françaises. Syllabs permet alors la création de contenu automatique, qui traite des données et les traduit en textes rédigés. Ce programme est perçu comme une aide à la rédaction, qui n’est cependant pas autonome et pas dispensée d’une forme de supervision humaine. Dans Sciences et Avenir, Claude de Loupy, président de la société Syllabs, rassure et explique qu’ «un scénariste définit la structure du texte, jusqu’au ton utilisé ». 

En effet, de nombreux outils d’IA facilitent les tâches récurrentes et chronophages qui contribuent à l’activité de l’information, sans y être destinés précisément. Le nouvel outil développé par Open AI, Chat GPT, recense déjà de nombreuses utilisations appliquées. On note entre autre : Youtube Summary with ChatGPT, qui permet de générer des résumés écrits de vidéos Youtube. La chaine de valeur de l’information intègre alors déjà ces technologies d’intelligence artificielle à différentes étapes qui favorisent la création et diffusion du contenu.

Par ailleurs, l’IA a des applications diverses dans l’industrie des médias. Des éditeurs testent Sophi.io, un outil prédictif qui propose d’actualiser automatiquement les pages d’accueil en fonction des tendances du moment. Ce programme oeuvre en faveur de l’automatisation de la dernière étape de la chaine de valeur de l’information, à savoir la diffusion. La diffusion du contenu et de l’information intègre divers programmes et algorithmes de recommandation qui composent les fils d’actualité et définissent les contenus mis en avant.

Enfin, dans le cadre de la rédaction d’articles les outils de « Fact checking » sont très utiles afin de baser les contenus sur des données vérifiées et avérées. Aux Etats-Unis, PolitiFact permet de garantir la véracité des faits, promesses et arguments avancés par les personnages politiques. 

Les médias profitent de ces innovations qui servent les journalistes dans la création de leur contenu. D’après le projet de recherche Journalism AI, près de 4 rédactions sur 10 ont déjà investi dans des stratégies intégrant l’intelligence artificielle. L’intelligence artificielle intervient  dans les différents domaines des stratégies initiées par les médias. Le schéma ci-dessous présente les principes innovants d’automatisation qui interviennent dans les différents secteurs tels que la production, la vérification ou encore la diffusion du contenu.  

L’ensemble de la chaine de valeur de l’information intègre des outils d’intelligence artificielle

Capture d’écran du site Journodev30/01/2023

Quelles menaces pour l’industrie de l’information ?

Néanmoins, certaines technologies menacent davantage la profession. En effet, en Chine ou en Corée du Sud on observe la naissance d’avatars virtuels des présentateurs et journalistes célèbres. Cette méthode permet aux animateurs d’être relayés par leur alter-ego virtuel afin de maintenir leur présence à l’antenne tout en réduisant le coût des programmes. Cette technologie est attrayante pour les dirigeants des groupes médiatiques, elle devrait s’exporter aux Etats-Unis, où la recherche d’efficience est une priorité. 

Bien que ces innovations technologiques menacent certaines fonctions du secteur, un média entièrement automatisé semble peu réaliste. Le fond pour l’innovation dans les médias de Google, contribue au développement de divers projets qui placent les nouvelles technologies au coeur des médias. On retrouve parmi ces initiatives, RADAR (Reporters and Data and Robots), une agence de presse locale automatisée, qui s’est développé au Royaume-Uni grâce à une aide financière de 706.000 euros de la part de Google. Sur la page d’accueil du site on peut lire : « Nous avons construit la seule agence de presse locale automatisée au monde. Nous fournissons des contenus s’appuyant sur des données à des centaines de sites web d’informations, de publications et de diffuseurs à travers le Royaume-Uni ». Or, tout n’est pas automatique sur ce fournisseur de contenu. L’activité de RADAR est tout de même soumise à un contrôle éditorial exercé par une équipe de journalistes. Tandis que les algorithmes de référencement des données qui constituent le coeur de l’activité sont surveillés et façonnés par les équipes informatiques. 

Les médias autonomes semblent encore un peu utopistes, cependant on remarque un renouvellement majeur dans les fonctions clés qui composent un média. On observe une évolution des compétences dans l’industrie des médias. Les acteurs clés émergents dans le secteur du journalisme semblent être les ingénieurs informatiques, les linguistes ou encore des analystes et scientifiques de la donnée. Les outils d’intelligence artificielle deviennent peu à peu indispensables dans la chaine de valeur de l’information. Il est alors nécessaire de les piloter et de les contrôler afin de ne pas biaiser le processus de production et de diffusion de l’information. Bien que les médias tentent d’internaliser leurs services informatiques et innovations, ils sont souvent contraints d’avoir recourt à des prestataires informatiques et entreprises innovantes externes. 

Certaines entreprises, jouent alors un rôle clé dans l’industrie de l’information et doivent maitriser leur activité afin de ne pas nuire à la chaine de production journalistique. Le journaliste est aujourd’hui dépourvu de certaines missions qui lui incombaient initialement dû au développement massif des intelligences artificielles plus puissantes et plus efficaces. Afin que le journaliste conserve sa légitimité, les formations en journalisme suggèrent de développer leurs compétences en informatique afin de faciliter les dialogues avec les nouveaux métiers de l’information, à savoir les ingénieurs, informaticiens ou encore spécialistes en gestion des données.

L’intelligence artificielle se heurte en certains points au code de déontologie de la profession. L’IA est alimentée par l’ensemble des informations disponibles sur internet. Par définition les algorithmes traitent un grand nombre de données, y compris des données personnelles qui posent, entre autres, la question du respect de la vie privée. 

Il existe des chartes éthiques et déontologiques qui établissent les principes généraux auxquels les journalistes et salariés d’un groupe doivent se soumettre, celle du journal Le Monde par exemple. Par ailleurs, il existe également La Charte des devoirs professionnels des journalistes français, établie en 1918 qui marque la création du Syndicat National des Journalistes (SNJ). Cette charte expose différents principes auxquels doivent obéir les journalistes, tels que : Un journaliste, digne de ce nom « prend la responsabilité de tous ses écrits, même anonymes »; « ne commet aucun plagiat, cite les confrères dont il reproduit un texte quelconque »; ou encore « ne signe pas de son nom des articles de réclame commerciale ou financière ». L’ensemble des principes cités ci-dessus mettent en avant des points sensibles de la profession qui font appel à une capacité de discernement aiguisée. 

Les principes relatifs à la responsabilité de l’auteur ou du plagiat posent des problématiques qui relèvent de la responsabilité juridique de l’auteur. De fait, il est complexe d’attribuer cette responsabilité en raison du nombre de technologies présentes dans la chaine de valeur de l’information. On observe également qu’un des principes évoqués par la charte distingue le journaliste et ses production des multiples enjeux commerciaux. Or, nous savons qu’un algorithme est biaisé par nature puisqu’il se base sur les préférences et opinions des utilisateurs. 

Les intelligences artificielles doivent alors être intégrées avec prudence et mesure afin que l’industrie de l’information et ses acteurs continuent d’exercer en toute intégrité.  

Mylow GILLES

Sources :

  • Laurence Dierickx, 2021, Intelligence artificielle et journalisme : une course avec les machines. https://www.equaltimes.org/intelligence-artificielle-et#.Y9ll1-zMJQL
  • Margaux Vuillet, 2023, OPENAI ET SON CHATBOT CHATGPT BIENTÔT VALORISÉS À 29 MILLIARDS DE DOLLARS ?
    https://www.bfmtv.com/tech/open-ai-et-son-chatbot-chat-gpt-bientot-valorises-a-29-milliards-de-dollars_AN-202301060381.html
  • Marine Slavitch, 2023, En 2023, les médias expérimenteront davantage l’IA. https://larevuedesmedias.ina.fr/predictions-tendances-medias-2023-institut-reuters-intelligence-artificielle-abonnement-inflation-information-podcast-newsletter-climat?fbclid=IwAR3fI-UKV-oUs_OJ3bTHGm1FZKKURiMwkwv2chisctNoeQIp_BhsLIV2Nlc
  • 2021, L’intelligence artificielle signe-t-elle la fin du journalisme ?
    https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/intelligence-artificielle/l-ia-et-nous-information-l-intelligence-artificielle-signe-t-elle-la-fin-du-journalisme_137675
  • 2021, FAQ: intelligence artificielle et fake news
    https://journodev.tech/faq-intelligence-artificielle-et-fake-news/
  • 2010, La charte d’éthique et de déontologie du groupe Le Monde
    https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2010/11/03/la-charte-d-ethique-et-de-deontologie-du-groupe-le-monde_1434737_3236.html#huit-anchor-publicite
  • Charte des devoirs professionnels des journalistes français
    https://www.snj.fr/article/charte-des-devoirs-professionnels-des-journalistes-fran%C3%A7ais
  • CNIL, Intelligence artificielle
    https://www.cnil.fr/fr/definition/intelligence-artificielle#:~:text=Pour%20le%20Parlement%20europ%C3%A9en%2C%20constitue,la%20planification%20et%20la%20cr%C3%A9ativit%C3%A9%20%C2%BB

    Les nouveaux enjeux du marché de l’attention  

    Les récentes études menées par Google pointent du doigt la baisse du niveau d’attention des générations Y et Z. La durée d’attention est estimée à 9 secondes, soit une seconde de plus que celle du poisson rouge. Conséquence ? La durée de vie des contenus se réduit. Dans un article publié en juin 2019 par Maxime Tellier sur France Culture, ce journaliste souligne l’accélération dans la diffusion des contenus et ce même en dehors d’Internet. Il prend l’exemple des nouvelles expressions linguistiques qui se maintiennent en moyenne pendant un mois au XXIe siècle contre six mois au XXe siècle. Sur Internet, les vidéos publiées sur les réseaux sociaux doivent capter l’attention du spectateur pendant les 10 premières secondes au risque de le perdre. 

    Le nouveau défi des géants de le tech est alors de réussir à capter l’attention des générations distraites de la distraction. La récente publication : « La civilisation du poisson rouge, petit traité sur le marché de l’attention»(2019) par Bruno Patino, s’interroge sur les mécanismes utilisés par les réseaux sociaux et les plateformes numériques pour capter notre attention. Le président d’Arte France, spécialiste des médias et des questions numériques, met en avant différentes théories qui expliqueraient notre addiction. 

    Il cite notamment : la boite de Skinner, la théorie de la complétude, la prise en charge de la fatigue décisionnelle et la théorie de l’expérience optimale qui structurent, selon lui, le fonctionnement des applications les plus utilisées. A noter que cet ouvrage présente un point de vue qui n’est pas toujours scientifiquement validé, mais qui promet en tout cas une réflexion intéressante sur la course au marché de l’attention.

    La science comportementale au coeur du marché de l’attention 

    La boite de Skinner est une théorie développée par le professeur Burrhus au début des années 1930. Ce scientifique décide de placer une souris dans une boite qui dispose d’un bouton, lui fournissant de la nourriture à des quantités aléatoires. La souris, plutôt que de se détourner du bouton, se met à appuyer frénétiquement dessus, car elle finit par être plus intéressée par le gain que par la nourriture. Ainsi, le professeur Burrhus met en lumière le biais comportemental que produisent les systèmes de récompense aléatoire. Il explique que l’incertitude produit une compulsion qui se transforme en une addiction, consolidée par la satisfaction instantanée du gain. Ce principe est appliqué aux machines à sous dans les casino, mais aussi aux réseaux sociaux tels que Tinder ou Facebook. L’application pourrait choisir de ne fournir qu’uniquement des profils compatibles avec le profil de l’utilisateur ; pourtant, Tinder entretient l’alternance entre profils proches des choix passés, éloignés de l’historique des choix ou susceptible de plaire afin de maintenir l’attention et la participation de l’utilisateur. Dans le cas de Facebook, le feed est aléatoire et non chronologique, car plus la récompense est imprévisible, plus l’addiction grandit.

    Autre théorie celle de la complétude, aussi appelée « effet Zeigarnik », développée par la psychologue Russe, Bluma Zeigarnik en 1929. Elle énonce que : ne pas finir une tâche renvoie à un sentiment d’incomplétude, de frustration qui pousse à toujours continuer et favorise l’effet d’addiction. Ce mécanisme est particulièrement présent dans les médias sociaux comme Tik Tok, Youtube ainsi que sur les plateformes tels que Netflix ou Prime Video. Dans le cas de Tik Tok, la quantité de vidéos à regarder est telle que l’utilisateur ne ressent jamais l’effet de complétude. L’utilisateur peut scroller le feed de l’application en permanence sans jamais être rassasié. Ce sentiment est renforcé dans le cas de Youtube ou Netflix qui dispose de la fonction « autoplay » permettant d’enchainer les vidéos sans avoir à faire un geste ou exprimer une volonté.

    Les « ordinateurs charismatiques » ou la manipulation transparente 

    Bruno Patino va encore plus loin et explique que certains mécanismes sont mis en place pour orienter les décisions et actions des utilisateurs. Il cite les travaux de B.J Fogg, fondateur du Persuasive Lab au sein de la Silicon Valley, qui s’est notamment fait connaitre grâce à sa thèse sur les « ordinateurs charismatiques ». Ce dernier postule que : « la façon dont les ordinateurs s’adressent à leurs utilisateurs, leur graphisme, la conception de leur interface et leur langage, sont aussi importants que les informations qu’ils délivrent » (extrait de l’ouvrage de Bruno Patino). C’est la naissance du concept du « design d’attention » ou « persuasive design » théorisé dans les années 2000 par Nir Eyal dans son ouvrage Hooked – Comment créer un produit ou un service qui ancre des habitudes (Hook: hameçon en français). Selon Nir Eyal, il y a 4 étapes pour orienter les actions de l’utilisateur. Tout d’abord, il faut un déclencheur qui peut être interne (comme une émotion telle que la FOMO – Fear of Missing Out) ou externe (comme une notification qui entraine ce que Yves Citton appelle une « attention captive »). Cela amène ensuite à une action puisque l’utilisateur est poussé à regarder son téléphone et à ouvrir l’application qui mène à une récompense (un like, une nouvelle personne qui le suit, une actualité) et qui le pousse à maintenir son utilisation et à investir (soit utiliser l’application) pour recommencer le cycle. B. J Fogg résume ses étapes par : la motivation, l’habileté (la capacité à mener à bien l’action) et l’élément déclencheur. 

    Ainsi, l’addiction qui découle de l’utilisation des plateformes numériques n’est pas un dommage collatéral mais plutôt la conséquence de la recherche vers toujours plus de rentabilité par les géants du Net. Comme théorisé par de nombreux ouvrages scientifiques depuis les années 1990, l’économie de l’attention est un bien rare. C’est un bien d’autant plus rare que les géants du numérique doivent réussir à capter l’attention d’une génération de plus en plus distraite face à la surabondance de choix, d’informations et d’usages auxquelles elle fait face. 

    Caroline Caye

    La nouvelle ère de la Télé ? Retour sur le phénomène FAST

    Pluto TV, Roku, FreeVee, Freeview et d’autres pourraient révolutionner la TV

    « Nous gardons donc un œil sur ce segment, c’est certain » : voici ce que Ted Sarandos, Co-CEO de Netflix pense du développement du géant américain sur le marché des FAST. Alors qu’Amazon, Comcast, Fox Corporation, Paramount et d’autres y sont déjà présents. Les FAST (Free Ad-Supported Television) représentent selon certains l’avenir de la télévision. Dans quelle mesure les audiences sont-elles prêtes à recevoir ce nouveau mode de diffusion ? Quel avenir dans la distribution des FAST ?

    Un nouvel usage adapté à l’évolution de la consommation

    D’après Bearing Point, le succès des plateformes de diffusion de contenus ne résiderait plus uniquement dans la qualité et l’exclusivité du contenu mais aussi dans la réflexion sur leur pricing et l’optimisation du fonctionnement des plateformes technologiques. Or, la tension actuelle sur le pouvoir d’achat des ménages pousse les consommateurs à réduire leur budget en loisir et divertissement, quitte à se passer des dernières sorties sur les plateformes.  C’est là qu’interviennent les FAST : Free Ad-Supported Television. Il s’agit de services de streaming gratuits permettant d’accéder à des contenus disponibles à la demande ou de manière linéaire, financés par la présence de publicité avant, pendant et après les contenus. Ce modèle serait apprécié par 71% des français, en particulier par les 18-34 ans.

    Un triptyque : éditeur, plateforme, fabricants

    Trois principaux types d’acteurs afférant aux contenus existent dans ce marché des FAST : des éditeurs de chaines, mobilisant ou acquérant un catalogue de contenus ainsi que des plateformes agrégeant différentes chaines et enfin les fabricants de device et notamment de télévisions connectées (CTV).

    Certaines plateformes sont exclusives à un système (tel que Samsung TV+ sur les Smart TV Samsung), ou sont agnostiques et disponibles en OTT (Over-the-top), c’est le cas de Pluto TV par exemple.

    Certains acteurs combinent aussi plusieurs rôles, éditant et distribuant via leur propre plateforme des chaines FAST.

    Des performances rémunératrices

    Ces audiences sont en pleine croissance, en 2022, l’exposition publicitaire a presque doublé

    Entre ces acteurs réside une relation commerciale basée sur la publicité rémunérant les différents acteurs, celle-ci peut être opérée par des régies tierces ou directement par l’un des acteurs précédent. Plus cette publicité est ciblée et interactive, plus son CPM (coût pour mille) sera élevé : estimé entre $40 et $50 pour les FAST contre entre $10 et $25 pour une chaine du câble traditionnelle, ces revenus sont partagés entre éditeur, plateforme et distributeur selon différents modèles en fonction des acteurs.

    Si les audiences des FAST sont en hausses depuis le lancement de Pluto TV en 2014, celles-ci sont mesurées pour l’instant par deux indicateurs clés : les HOV (hours of viewing) et l’exposition publicitaire (ad impressions, nombre de répétitions où une publicité s’affiche sur le digital). Ces méthodes de mesure de l’audience pourraient être amenées à évoluer puisqu’elles sont ciblées comme étant un champ d’amélioration du marché des FAST selon Mike Shields (consultant TVREV). Ce-dernier identifie aussi un manque de transparence des éditeurs et plateformes FAST sur la diffusion des publicités. Les marques ont en effet du mal à surveiller les programmes pendant lesquels leurs publicités sont diffusées, mettant alors à mal leur brand safety. Les annonceurs souhaiteraient donc une meilleure transparence, similaire à ce qu’ils peuvent observer en télévision. Toutefois, le niveau élevé du CPM des FAST étant rendu possible par la vente d’espaces publicitaires en programmatique, le manque de transparence devient inhérent aux FAST.

    Ces audiences sont en pleine croissance. En 2022, l’exposition publicitaire a presque doublé. Nous avons observé une hausse de 51,3% des HOV et les sessions de visionnages durent de plus en plus longtemps (+32,86%). L’attention accordée aux FAST est en pleine croissance tandis que l’industrie se rode encore.

    Quelle expérience FAST ?

    Mais alors quelle expérience attire les utilisateurs, de plus en plus nombreux ? Ils sont séduits par une expérience « lean-back », où la facilité d’utilisation prime et où le temps de sélection d’un programme, toujours plus long (celui-ci est notamment passé de 7 à 9 minutes en 2020), peut être réduit. 80% du temps passé sur des services FAST l’est sur le plus grand écran du foyer, illustrant cette envie de facilité d’utilisation.

    En termes de contenus, nous observons une domination des genres du cinéma et de l’information (respectivement 15,5% et 14,3% des HOV), les documentaires (12,6%), la musique (11,5%), les sports (9,6%), les programmes faune et flore (6,5%), la télé-réalité (5%) représentent eux aussi une part importante des HOV. Toutefois, la rentabilité des programmes n’est pas la même, l’information et la faune et la flore ne représentent que 6,3% et 4,7% de l’exposition publicitaire (contre 14,3% et 6,5% des HOV), quand le cinéma, les documentaires, la musique, les sports et la télé-réalité permettent tous plus d’exposition publicitaire (notamment concernant la musique).  Il est toutefois identifié que les contenus attractifs sur les FAST sont issus de marques fortes, sont bouclés (tel une série procédurale ou une sitcom) et disponibles dans de larges volumes. Jeff Shultz (Paramount Global) nous apprend ainsi que la chaine dédiée aux Experts est devenue numéro 1 le jour de son lancement et l’était toujours en décembre 2022.

    Nous retrouvons ainsi trois types majeurs de chaines FAST :

    • Des chaines d’infos (ABC News Live, NBC News NOW…)
    • Des chaines basées sur une série, une marque, une IP (South Park, Alerte à Malibu, Forensic Files)
    • Des chaines agrégées : plus thématique, elles alternent les marques et formats (on retrouve des chaines d’action, de comédie, pour les enfants …)

    Les chaines FAST permettent ainsi de proposer aux audiences du contenu de niche avec une utilisation très lean-back.

    Différent en fonction des territoires

    Ces données ne sont toutefois pas représentatives de tous les territoires. Le genre dominant en Allemagne est par exemple le documentaire (42%), il s’agit de la musique pour l’Espagne et des sports pour l’Italie (52% des HOV). Nous observons aussi une domination de la faune et la flore dans les expositions publicitaires espagnoles (29%). Ces chiffres correspondent aussi bien sûr à l’offre de contenus et à l’actualité. Le décès de la Reine Elisabeth II a par exemple représenté un pic de consommation des FAST en Grande-Bretagne (+51,44% par rapport à la moyenne).

    Afin de maximiser l’attention de ses utilisateurs, les FAST sont à la recherche d’engagement et de fidélité. Dans cette optique, il est important d’avoir accès à des marques, IPs reconnaissables et proches des cultures de chaque pays. Il est aussi important de proposer des contenus dans la langue du pays concerné.

    En Europe, l’audience se concentre dans 7 pays : le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie et les Pays-Bas qui représentent 85,4% des HOV. D’autres territoires européens émergent et semblent favorables aux FAST.  L’Autriche, l’Albanie, la Hongrie, la Grèce, la Bulgarie, la Slovénie, la Serbie, la Roumanie, la Croatie font partie de ces pays.

    Cohérent dans des stratégies de groupe

    Alors que Warner Bros. Discovery a annoncé son souhait de diffuser certains de ses titres sur des chaînes FAST tierces ainsi que celui de développer ses propres FAST en 2023, nous observons de nombreux groupes mobiliser les chaines FAST dans leur stratégie. C’est le cas pour Samsung qui déploie sa plateforme FAST Samsung TV Plus uniquement sur ses télévisions connectées. Plus généralement, une activité d’un groupe peut permettre de favoriser la rentabilité des activités FAST. C’est notamment le cas des données pouvant être générées par l’utilisation de la télévision connectée (CTV) de Samsung, ou par l’utilisation de la boutique ou de tous les services proposées par Amazon. Celles-ci permettront d’améliorer le ciblage de la publicité et d’en augmenter son CPM. De la même manière, un enjeu principal des FAST étant sa facilité d’utilisation, l’enjeu de la distribution est clé. Dans ce rôle, les fabricants de télévisions ont une longueur d’avance. Lorsque 6 foyers sur 10 possédant une CTV utilisent au moins ponctuellement un service FAST, les fabricants peuvent plus facilement introduire les utilisateurs de TV à leur service FAST.

    Les usages des audiences évoluent et nous amènent à une révolution FAST. Si les préférences de contenus des utilisateurs sont en train d’être définies, elles restent assez dépendantes du pays et de ses habitudes culturelles. L’adoption par ces-derniers des FAST est certes en croissance, mais le marché reste fortement cantonné aux Etats-Unis qui représentent 90% du revenu publicitaire des FAST à l’heure actuelle et devraient représenter plus de $10 milliards des $12 milliards de revenus générés par les FAST en 2027.

    L’audience des FAST se développe mais avec ses aspérités locales. Les acteurs internationaux devront veiller à proposer une offre de contenu adaptée aux goûts de chaque utilisateur. Chaque acteur devra veiller à favoriser des modes de distribution facilitant les principaux avantages des FAST : leur facilité d’utilisation et le rapide choix des contenus.

    Julien PIVETTA


    Bibliographie

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    Chanteurs, influenceurs, labels, comment faire de la musique sous le règne de TikTok ?

    https://dittomusic.com/en/blog/how-to-promote-music-on-tiktok-and-go-viral/


    Quoi de mieux qu’un confinement pour faire exploser une application dont l’additivité et le caractère chronophage en sont les principales ressources ?

    Lancée en 2016 par l’entreprise chinoise Byte Dance, c’est l’épidémie de Covid-19 qui sera l’occasion parfaite pour TikTok de s’immiscer dans le quotidien d’une population qui navigue entre son lit et son canapé, smartphone toujours au bout du bras.

    Challenges, chorégraphies, lives, etc., l’application TikTok, dérivée de Musical. Ly, propose à ses utilisateurs la création de vidéos courtes (30s à 3min) sur la musique de leur choix. Idée simple, carton planétaire. En 2020, 75% des 13-24 ans l’utilisent quotidiennement, pour pas moins d’1 milliard d’utilisateurs mensuels. Atteignant des audiences comparables à ses ainés zuckerbergiens, Instagram et Facebook, TikTok s’impose comme le réseau social de ce début de décennie. Plaçant le son au cœur de son fonctionnement – chaque vidéo en étant accompagnée – l’application devient la première source de découverte musicale pour les moins de 25 ans. La musique est partout sur TikTok et devient ce que la radio a pu être pour la précédente génération : un nouveau canal de découverte musicale. Et un très bon canal. En 2020, Byte Dance déclare que 176 morceaux ont dépassé le milliard de vues sur la plateforme et 90 titres devenus viraux sur l’application ont tutoyé le top 100 des Charts aux États-Unis.

    Au-delà des chiffres, TikTok a donc un impact qui va outre la barrière de sa propre application, et redessine une industrie musicale en plein trouble, dans le rapport d’un artiste à sa musique, à ses fans, remodelant la fabrication du succès, et parfois la composition même de la musique.

    Naissance et renaissance d’artistes

    Depuis 2016, TikTok se fraie un chemin entre l’auditeur et l’artiste, enfilant parfois, la casquette habituellement celle des maisons de disques.

    Lil Nas X, Olivia Rodrigo, Kid Francescoli, la liste des artistes ayant « percés » sur la plateforme ne cesse de s’allonger, et la suite de leur succès musicale ne peut que démontrer l’impact que TikTok provoque dans cette sphère. En voici quelques exemples :

    • Lil Nas X, explose en 2019 avec Old Town Road, cumule plus d’1 milliard de vues sur YouTube, et signe chez Columbia
    • Wedjene, se fait connaitre avec Anissa, signe chez Universal, son album « 16 » est certifié disque d’or
    • Pierre de Maere, son morceau Un jour je marierai un ange repris par un TikToker, explosion des streams (20 millions en 2 mois)
    Clip de Lil Nas X – Old Town Road – 1 068 410 130 vues au 31/01/2023

    Tremplin pour les certains nouveaux, TikTok est aussi le moyen de renouer avec une notoriété perdue pour d’autres :

    • Fleetwood Mac retrouve un second souffle après qu’un internaute reprenne leur chanson Dreams en fond de son TikTok à skateboard, elle est ensuite streamée 36 millions de fois et intègre en 2020 le top 20 américain des chansons les plus écoutées
    • David Guetta dévoile en avant-première sur l’application son single Let’s Love et atteint les 500 000 vidéos, générant plus d’1 milliard de vues
    TikTok de @420doggface208 sur Dreams – Fleetwood Mac, 89.3M de vues au 31/01/2023

    TikTok est puissant, mais il n’est donc pas une fin en soi. Plutôt un nouveau chemin empruntable par les artistes voulant être découverts ou redécouverts par le public – essentiellement jeune.

    Poule aux œufs d’or des maisons de disque

    En 2020, 70 musiciens révélés sur la plateforme ont ensuite trouvé un contrat avec une maison de disque. En 2021, 430 artistes ont vu leur son dépasser le milliard de vue. Il n’en faut pas plus pour qu’artistes, labels et maisons de disque fassent de l’application, un nouvel outil marketing ultra puissant.

    La rémunération sur TikTok, aujourd’hui en phase de test et n’allant pas forcément à l’artiste (mais à l’auteur de la vidéo), c’est loin d’être le moteur de ces nouveaux usages, en tout cas loin derrière la perspective de notoriété. TikTok est une nouvelle vitrine, interactive, mouvante et à l’algorithme furieusement secret, mais une vitrine de taille pour qui sait s’y exposer.

    Chanteur influenceur

    Les maisons de disque, dont les revenus viennent essentiellement des plateformes de streaming, ont compris que les utilisateurs basculaient de TikTok à Spotify en quelques secondes, et possèdent maintenant des équipes dédiées à l’application, aussi bien dans la recherche de nouveaux talents que la promotion de leurs poulains. Ont aussi vu le jour des agences spécialisées dans le marketing musical sur TikTok – comme Monsieur Darmon – proposant la promotion par des influenceurs. Quand ce ne sont pas des influenceurs qui sont payés à la faire, ce sont parfois les artistes eux-mêmes qui se voient mettre en scène leur chanson, rendant la frontière entre influence et musique de plus en plus poreuse. Alors que la signature d’un artiste avec un label est censée lui assurer sa promotion, les artistes se retrouvent parfois à jouer les deux rôles, quitte à privilégier le buzz et à effacer l’aspect artistique personnel de leur travail.

    Site Web Monsieur Darmon qui explique « quelques succès » de leurs campagnes sur TikTok, https://monsieurdarmon.com/

    La TikTok-compatibilité

    TikTok permet une toute nouvelle façon pour les artistes d’interagir avec leur communauté, naissante ou déjà constituée. Like, partage, commentaires, duo, reprises des sons, etc., un lien direct se crée entre le créateur et l’utilisateur. L’algorithme différant des autres médias sociaux par la mise en avant de contenue « aléatoires » mais « personnalisés » (on ne nous montre pas des personnes que l’on suit, mais du contenu devant nous plaire), les maisons de disque ne peuvent plus rien laisser au hasard. Si l’utilisateur n’est pas convaincu par la vidéo dans les premières secondes, la probabilité qu’il « swipe » vers un autre contenu est bien plus grande qu’ailleurs. Il faut donc plaire, et rapidement. C’est tout l’ambivalence d’une plateforme pouvant « créer » un artiste en un rien de temps, tout en laissant de côté tous les autres n’ayant pas « buzzé ».

    Les artistes, sous les impulsions de leurs labels, vont se former au moule TikTok, dans leur communication mais aussi dans leur œuvre musicale même. La campagne marketing commence alors dès le studio ou les agences d’influence et labels aident les artistes à déterminer « quel sera le titre TikTok-compatible, pour modifier les paroles d’un morceau, pour qu’il soit le plus percutant sur l’appli ». Samuel Skalawki, cofondateur de l’agence Follow explique « On travaille avec des artistes de chez Believe, Sony ou Warner en France. On les conseille sur les punchlines d’une chanson qui peuvent être mises en avant sur TikTok, les mises en scène ou les chorégraphies qui peuvent aller avec ». Tout est calculé, calibré pour que la génération Z qui peuple l’application fasse de ces morceaux les prochaines tendances.

    @davidguetta

    #letslove Can we go over difficult times together?Use #letslove to show us how you stay positive. it’s your time to shine ✨

    ♬ Let’s Love – David Guetta & Sia
    Promotion par David Guetta en avant-première sur son compte TikTok de son dernier single Let’s Love

    Fin du marketing, retour au bouche-à-oreille ?

    Sur TikTok il faut buzzer, et pour ça il faut étonner, sortir du lot, mais en même temps, en utilisant les codes spécifiques qui rendent la plateforme si caractéristique.

    Les maisons de disques jouent maintenant un tout autre rôle dans la chaine de construction de l’artiste. Auparavant repéré en premier lieu par un label qui soumettait une promesse de promotion du créateur auprès du public, le chemin peut désormais se faire en sens inverse, trouvant l’approbation du public qui lui permet d’arriver aux oreilles des Warner, Sony et compagnie. La découverte est plus que jamais entre les mains du public qui a le pouvoir de lancer ou non une carrière. Serait-ce le retour du bon vieux bouche-à-oreille ?

    Oui et non car, même si le commun des mortels possède entre ses mains le sort de ces musiciens, cela résulte de fortes stratégies en coulisse pour prendre avantage dans la For You Page.

    Une gloire éphémère et associée à TikTok

    Cette glorification par vidéos aussi courtes révèle des effets pervers sur les artistes, devant jongler avec une notoriété nouvelle. Premier constat, quand une musique perce sur la plateforme, elle est très souvent modifiée – accélérée, remixée – pour coller davantage aux autres contenus. La version originale est donc parfois totalement méconnue et oblige les artistes à redoubler d’effort pour imposer leur composition. C’est ce qui est arrivé à Pierre De Maere qui, suite au succès d’une reprise de sa chanson, a dû faire un TikTok pour en dévoiler l’originale. Cela montre aussi la difficulté qu’ont les artistes à faire reconnaitre leur œuvre sur une plateforme ou la limite entre reprise et usurpation semble mettre à mal les droits d’auteur.

    Les chansons ne sont reprises souvent que partiellement – toujours dans ce souci de rapidité – laissant un goût faussé d’une œuvre aux internautes. Si on sait que le passage entre TikTok et les plateformes de streaming audio se fait bien, cela ne le rend pas automatique. Certains interprètes s’en sont rendu compte lorsque lors de concerts ; les fans huaient les 10 lignes qui ont fait la trend, se retrouvant muet à la seconde suivante, comme si la vidéo s’était stoppée en direct, devant l’incompréhension de l’artiste.

    Vidéo de Konbini sur un concert de Steve Lacy dont 20s du morceau Bad Habits a percé sur la plateforme, laissant le reste de la chanson totalement inconnue du public

    TikTok crée des chansons TikTok, et c’est aussi là le risque. Au-delà d’une harmonisation certaine mais pas vraiment nouvelle – on retrouve le même fonctionnement dans les chansons en radio – c’est aussi l’association à une certaine tendance, défi ou juste à l’application qui peut porter préjudice à une œuvre. Les chansons trop associées à l’application, au même titre que l’on pourrait l’associer à une publicité à la télévision, peuvent subir une « décrédibilisation » aussi bien par une saturation de son audience qui y a été trop exposée (les tendances sont très éphémères) que par l’association trop forte au réseau social – assez peu valorisé socialement.

    Les outils de diffusion ont toujours modifié l’industrie musical, ce petit monde se façonnant à la manière dont le public va pouvoir recevoir l’œuvre, pour qu’elle fonctionne et colle aux codes du moment. Les nouveaux artistes apparaissent et disparaissent aussi vites que les vidéos sur notre smartphone. Alors il faut vite capter l’attention. Les chansons les plus écoutées sur TikTok ont un impact sur les écoutes des plateformes de streaming qui sont aujourd’hui’ une des principales sources de revenu des maisons de disque. On en use alors, faisant des interprètes des objets d’influence, et de leurs œuvres un placement de produit. Quand 9% du temps musical se fait sur TikTok, le monde de la musique ne peut plus rester perméable au géant chinois et doit s’y adapter, sans perdre l’essence même de leur métier et de leur art.

    Sophie PINIER

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