Être célèbre pour son succès : les influenceurs et la crypto-monnaie

La montée des influenceurs qui utilisent leurs comptes pour faire la promotion de méthodes de trading risquées.

Avec le développement des réseaux sociaux le nombre de personnalités “connues pour leur notoriété” a explosé, le résultat est donc qu’aujourd’hui le culte de la célébrité est à son paroxysme. On rencontre une forme de multiplication des micro-célébrités sous la forme d’influenceurs ayant ainsi leurs propres audiences et communautés, et comme toute position de notoriété en découle une forme de responsabilité vis-à-vis des communautés concernées. 

Le marketing relationnel n’est en rien un concept nouveau et existe depuis l’époque Tupperware où la marque misait sur des interventions de particuliers chez d’autres particuliers pour répandre le produit. L’idée du marketing par influenceurs est aujourd’hui similaire mais démultipliée.

C’est ici que les abus de pouvoir font surface et depuis quelques années sous une forme particulièrement complexe : les arnaques liées à la crypto-monnaie.

En effet, on a remarqué une insurgence d’influenceurs orientant leurs contenus sur la réussite financière. On entend de la part de ces influenceurs des phrases telles que « Bouge ton c*l, change ta vie », « Se faire de l’argent en dormant », « Reprends ta vie en main » illustrées par des vidéos d’opulence et succès.

Des scandales pas si récents

On pense alors aux scandales internationaux avec par exemple Jake Paul (23 millions d’abonnés) qui vient d’être poursuivi en justice pour son projet NFT CryptoZoo qui lui aurait fait gagner des millions de dollars au détriment de ses abonnés. 

En effet, avec ce projet lancé en septembre 2021, Logan Paul avait créé une application de jeu en ligne visant à rendre ludique et accessible le trading en NFT. L’idée était de permettre aux utilisateurs d’élever des œufs de créatures fictives ayant chacune une valeur en ETH (commençant à 0.285 Ethereum : 340 dollars). Ensuite les participants pourront s’échanger les œufs sur la plateforme afin de finir par les transformer en monnaie réelle. Cependant à cause de problèmes en interne dans la société et fraudes, les utilisateurs se sont retrouvés dénués revenus lors du « Hatch Day », le jour où les « œufs » crypto-monnaie devaient éclore et révéler leur valeur réelle.

Vidéo d’excuses de Jake Paul diffusée sur Youtube suite à la chute de CryptoZoo

Le youtubeur avait par ailleurs déjà participé à des scandales similaires l’année précédente avec son système Dink Doink qu’il mettait en avant sur ses réseaux sociaux. Ce projet, sous un marketing qui le personnifie par un personnage fictif de dessin animé, se voulait capable de rémunérer ses utilisateurs sans efforts à travers un système de « Tokens » NFT. Peu après le lancement de la plateforme, la valeur des Tokens en question a d’abord subi une brusque hausse de 40 000% qui s’est ensuite écrasée en seulement deux semaines. Se présentant à la base comme seulement un investisseur de la plateforme, Logan Paul est suspecté d’être un des fondateurs derrière le projet.

Publication de Logan Paul pour la promotion de Dink Doink

Le copy trading en France, une pratique en manque de régulation

Mais là où la question devient plus intéressante et pointue c’est lorsque l’on se penche sur les cas plus récents d’influenceurs français tels que le couple Blata qui ont fait la promotion de méthodes de “copy trading”. Ce 23 janvier 88 membres du Collectif d’Aide aux Victimes d’Influenceurs ont déposé une plainte contre X et pour abus de confiance contre Marc Blata sur ces sujets.

En effet, Marc Blata (qui est loin d’être un exemple isolé) a commencé à faire de la promotion sur ses réseaux sociaux (depuis Dubaï) “d’opportunités” en trading NFT. Ainsi, c’est à travers des slogans soulignant l’occasion de “se faire de l’argent en dormant” ou “100% de chances de gagner” et le fameux «Copiez, collez, encaissez.» que les abonnés de Marc Blata se sont retrouvés sur Telegram (une application de messagerie cryptée). Ils n’avaient ainsi qu’à copier des instructions envoyées par le couple Blata (Marc et Nadé) pour les placer sur des marchés financiers et plus particulièrement le FOREX: un marché particulièrement volatile sur lequel les devises sont échangées les unes contre les autres à des taux de change instables.

Ces méthodes maintenant très répandues de participer au trading crypto-monnaie sans en avoir les moindres connaissances préalables s’appellent le copy trading: une technique d’investissement dans laquelle un particulier reproduit automatiquement les transactions exécutées par un autre trader, souvent appelé « trader expert ». En substance, le copy trading permet aux investisseurs de copier les stratégies de trading d’autres personnes, dans le but de reproduire leur succès financier. Cela se fait souvent via une plateforme en ligne (dans le cas de Marc Blata Telegram) qui relie les traders, influenceurs et particuliers, facilitant la copie des transactions en temps réel.

Exemple d’instructions copy-trading destinées au “Blata Gang”

Cependant, là où le sujet devient épineux c’est que l’influenceur touche de larges commissions sur l’argent investi et plus l’investissement est élevé, plus la commission est élevée. Ainsi, il est avantageux pour ces influenceurs de ne pas mentionner les risques du copy trading. 

En effet, selon l’AMF (Autorité des Marchés financiers) 8 particuliers sur 10 perdent de l’argent lorsqu’ils s’engagent dans des pratiques de copy trading. Cela arrive car, le montant du gain est dépendant du risque choisi et de l’investissement initial du particulier. En effet, le risque dépend du coefficient multiplicateur choisi par l’utilisateur sur chaque transaction : son « lot ». Le problème est donc qu’après avoir quelques gains initiaux de quelques euros sur les premières transactions, les utilisateurs finissent toujours par augmenter leurs lots et investissements et ainsi subir de lourdes pertes. De leur côté, les traders professionnels ont une bien plus grande agilité et rapidité de réaction sur les marchés financiers que les particuliers qui copient des instructions plus datées qui ont bien plus le risque d’être obsolètes. 

Ainsi, c’est ici que se questionne la responsabilité de l’influenceur. En effet, le copy trading étant aujourd’hui toujours parfaitement légal, sa promotion en ligne est cependant dans une zone grise en discussion en ce moment même au parquet de Paris. 

Un système basé sur l’addiction

En élargissant le sujet la comparaison peut-être faite avec d’autres industries telles que les paris sportifs ou le jeu en ligne. Le point commun principal étant que le grand danger de ces plateformes, structures ou marchés est leur caractère addictif qui pousse à augmenter les risques.

En effet, ces méthodes de copy trading (ou les plateformes telles que celles de Logan Paul) permettent de rendre accessibles aux particuliers le trading sur des marchés qui demandent normalement des véritables structures technologiques et connaissances. Les particuliers sont voués à l’échec lorsqu’ils investissent en suivant aveuglément des instructions d’inconnus mieux équipés sur des marchés comme le FOREX.

« Il y a des idiots dans mes abonnés. »

De son côté Marc Blata est devenu connu à travers la télé-réalité et ce sont les réseaux sociaux qui ont permis de capitaliser et monétiser sa notoriété. Son statut d’influenceur lui a ainsi permis de transférer et individualiser une partie de l’audience qu’il avait auparavant en télé-réalité. C’est donc à travers cela que les personnalités vont monétiser leur notoriété.

Interview Cash Investigation par Elise Lucet de Marc Blata

Lorsque interviewé par Elise Lucet pour Cash Investigation (diffusé le 4 avril dernier sur sur France 2), l’influenceur se défend: “Mes abonnés, je ne les choisis pas. Mes abonnés, ils me critiquent, ils m’insultent, etc. Il y a des idiots dans mes abonnés.”. Selon lui, actuellement exilé à Dubaï, la responsabilité repose sur ses abonnés « idiots » qui ont mal suivi ses conseils.

Tom Averink

Sources:

Algorithme et santé mentale : comment les algorithmes font de la santé mentale une tendance ?

Mise sur le devant de la scène à la suite des multiples confinements liés à la crise sanitaire, la santé mentale s’est progressivement démocratisée ces dernières années jusqu’à être considérée aujourd’hui comme l’une des priorités du gouvernement Attal. Rapidement, les réseaux sociaux ont été envisagés comme un espace privilégié d’expression qui, du fait de la barrière du virtuel, facilite la prise de parole. Ils se sont emparés du sujet inondant les fils “Pour toi” de contenus autour de l’anxiété et de la dépression, contenus remportant un tel succès qu’ils en sont devenus viraux. La santé mentale devient ainsi un sujet de monétisation, orientant de ce fait, les consommateurs dans leurs choix et habitudes.

Actualité : la santé mentale, une priorité du gouvernement Attal

Selon une enquête menée par Santé Publique France datant du 23 octobre 2023, la santé mentale des Français continuent de se dégrader en 2023 et ce, particulièrement chez les 18-24 ans. Cette dégradation s’inscrit dans la continuité d’une accélération remarquée depuis 2021, année plongée dans une postpandémie lente et violente. Les recours aux soins d’urgence pour pensées et gestes suicidaires ne cessent d’augmenter et il est estimé à 20,8% le taux de personnes concernées par la dépression en 2021 contre 11,7% en 2017 ; nous passons ainsi du simple au double en à peine cinq ans. Ces chiffres préoccupants sont aujourd’hui la source d’une prise de conscience généralisée sur le sujet, prise de conscience allant jusqu’à Matignon faisant de la santé mentale une des priorités du gouvernement Attal.  

Crise sanitaire : la santé mentale devient un sujet de santé publique 

Les problèmes de santé mentale ont toujours existé mais ont surtout été toujours minimisés par rapport à ceux liés à la santé physique. Comme ces troubles peuvent être, de fait, physiquement invisibles, indétectables à l’œil nu, ils ont l’énorme inconvénient de ne marquer les esprits que de ceux qui en subissent les conséquences directes ou indirectes. De plus, comme la santé mentale est, de ce constat, minimisée voire méprisée par l’opinion publique, l’aborder restait encore tabou. Jusqu’à la crise sanitaire. 

Lorsque le confinement a fait son apparition en France, toutes les habitudes et routines de la population ont changé, soudainement, sans prévenir. Les Français ont dû s’adapter avec les ressources dont ils disposaient, dans l’urgence. La vie sociale a été mise sur pause et des millions de personnes ont très vite fait face à l’isolement. Si la crise sanitaire n’a fait que plonger les personnes souffrantes de maladie mentale dans une bulle encore moins supportable, elle a également été à l’origine d’une diffusion généralisée de l’anxiété, de la dépression et des pensées et gestes suicidaires au sein de l’ensemble de la population. Là où la santé mentale n’apparaissait que comme un cas isolé pour certains, elle est désormais au cœur des préoccupations ; elle concerne une amie, un collègue, une camarade, un professeur ou encore soi-même si bien que nous nous retrouvons tous à une personne d’un individu souffrant de santé mentale. Enfermée chez soi, la population ne pouvait communiquer qu’à travers des écrans, renforçant la dépendance au numérique et aux réseaux sociaux. Sans repère, la population s’accroche à ce seul lien de communication et le quotidien devient de plus en plus guidé par les algorithmes.  

Réseaux sociaux : un espace d’expression privilégié par les jeunes

Protégés par la barrière du virtuel, les créateurs de contenus voient en les réseaux sociaux un espace privilégié d’expression et les utilisateurs, un moyen de réagir à ces contenus de manière anonyme s’ils le souhaitent. Cette mise à distance avec la réalité facilite et encourage la prise de parole faisant des réseaux sociaux, ce qui est souvent nommé de “safe place”. Finalement, ils retrouvent leur sens premier, celui d’interagir avec des personnes avec lesquelles nous sommes liés par des affinités de toute nature qu’elles soient amicales, professionnelles ou de l’ordre d’un sujet commun, ici la santé mentale.  Du fait de cette barrière du virtuel, les utilisateurs ont moins de mal à s’exposer et se crée ainsi une sorte de société parallèle conduite et contrôlée par les réseaux sociaux.  

Une alternative aux freins à la consultation payante de professionnels 

Aujourd’hui, 59,4% de la population mondiale utilisent les médias sociaux au moins une fois par jour. Ce chiffre s’explique notamment par les effets de réseau directs qu’ils procurent mais également par la facilité de se créer un compte. Ces plateformes sont très accessibles, intuitives et addictives. Cette accessibilité va de pair avec la gratuité de son service. Ce dernier point est important pour notre sujet. En effet, l’accès à la guérison de problèmes de santé mentale est souvent pointé du doigt ; cet accès passe généralement par la consultation de psychologues, prestations payantes qui, de fait, filtrent ses patients. Les réseaux sociaux s’imposent dès lors comme une alternative à ces freins liés à la consultation de professionnels qui ne sont, d’ailleurs, pas seulement financiers mais également moraux. En effet, encore aujourd’hui, malgré la démocratisation opérée autour de la santé mentale, aller voir un psychologue n’est pas un acte anodin dans l’esprit des gens. Avec les réseaux sociaux, les personnes souffrantes n’ont plus à faire cet effort de s’exposer et de se confronter au regard pesant de la société et peuvent se cacher derrière une identité virtuelle qui capte les conseils donnés sur ces plateformes pour améliorer leur santé mentale. En effet, les contenus portant sur la santé mentale peuvent prendre plusieurs formes : ce sont à la fois des conseils présentés sous l’angle du développement personnel ou encore des formats vlogs. Ces contenus sont très appréciés car ils vont (en apparence du moins) à l’encontre de la superficialité et de la “génération filtre” guidant les réseaux sociaux depuis plusieurs années. Ils se veulent plus proches du réel et ont pour but de légitimer l’idée d’aller mal, de le comprendre, de l’admettre et de l’assumer. La formulation “c’est ok” revient souvent dans ce sens et sert de mantra auquel s’accrocher et autour duquel les personnes souffrantes peuvent s’unir. Elle permet d’enlever aux réseaux sociaux cet aspect “culpabilisant” qu’ils peuvent initiés en ne montrant que des contenus améliorés, retouchés et mis en scène.  

Algorithme : scroller sur la santé mentale

L’engagement accordé à ces contenus précise le goût de ceux qui les regardent et permet à l’algorithme de personnaliser ses suggestions. Par ce jeu des algorithmes, les consommateurs d’une plateforme comme TikTok, particulièrement connu pour son algorithme puissant, se retrouvent dans des boucles infinies de contenus autour de la santé mentale. En alimentant cette spirale infernale, l’algorithme ne permet pas aux utilisateurs de sortir de cette bulle très cloisonnée dans laquelle ils ont été progressivement enfermés et font face quotidiennement à un contenu exclusivement tourné autour de l’anxiété et de la dépression. 

 « Quand [j’]“aime” une vidéo triste qui [me] parle, tout à coup, toute ma page “Pour toi” est triste. Je me retrouve dans le “TikTok triste”. Ça affecte mon humeur. »

Francis, 18 ans, étudiant aux Philippines.

Témoignage recueilli par Amnesty International lors d’une enquête portant sur l’exposition des jeunes aux contenus autour de la santé mentale sur TikTok.

Avec ces vidéos, les individus souffrants de mauvaise santé mentale se soutiennent, certes, contrant en apparence contre l’isolement, mais alimentent finalement le réseau social de ce sujet, jusqu’à son omniprésence. Avec l’algorithme, ils sont exclusivement et en permanence plongés dans ce contexte et cette atmosphère moroses. 

La capitalisation sur la viralité d’une maladie

Présentée ainsi, la combinaison algorithme/santé mentale ne semble pas alarmante. Pour autant, elle comporte des limites. Si la multiplication des contenus portant sur la santé mentale permet une démocratisation du sujet certes appréciable, elle va de pair avec leur succès, et très vite, leur monétisation. Ce genre de contenus devient une véritable source de revenus pour celles et ceux qui en produisent, incitant certains utilisateurs à en devenir eux aussi les créateurs. Dès lors qu’un contenu devient viral, des utilisateurs capitalisent sur cette viralité pour en tirer profit. Ainsi, le jeu des réseaux sociaux s’instaure de nouveau, plaçant la mise en scène au cœur des contenus et faisant émerger de nouvelles tendances pour maintenir cette viralité. Les contenus sur la santé mentale sont alors banalisés mais surtout idéalisés et souffrir d’un trouble mental signifie « être à la mode ». L’année dernière, une nouvelle tendance maquillage fait son entrée sur Tiktok, celle des cernes. Le principe ? Accentuer voire se créer des cernes pour paraître plus fatiguée et ainsi, en moins bonne santé. 

Si cette tendance avait pour but de démocratiser les “imperfections” qui sont normalement camouflées par le maquillage, des millions de jeunes adolescentes se sont emparées de cette astuce pour prôner une mauvaise hygiène de vie.  L’apparition de cette tendance en dit long sur les proportions qu’a pris le traitement de la santé mentale sur les réseaux sociaux, principalement sur Tik Tok.  

Aujourd’hui, la démocratisation d’un sujet sur les réseaux sociaux va de pair avec les excès de son exploitation. Malheureusement, ces plateformes permettent aujourd’hui de capitaliser sur la viralité de ses excès, les encourageant ainsi grandement. Si ce constat est plutôt commun à l’exposition d’une problématique sur les réseaux sociaux, il est d’autant plus alarmant lorsqu’il s’empare de la santé. Se pose alors la question de la modération sur ces réseaux, notamment sur une plateforme comme Tiktok, qui s’attaque aujourd’hui davantage à des thématiques sensibles pouvant heurter le public (terrorisme, sexualité) qu’à l’engrenage de la viralité et de l’exposition qu’elle implique. Si ces thématiques sont considérées comme « dangereuses » pour son public, quand est-il du principe de viralité ?

Sources :

  • « TikTok : un modèle dangereux pour la santé mentale des jeunes et des enfants », enquête publiée le 10 novembre 2023, Amnesty International
  • « Santé mentale : sur TikTok, une spirale de « contenus qui encouragent les pensées dépressives », interview publiée le 21 novembre 2023, par Jérémy Torres pour Libération
  • « TikTok plombe-t-il la santé mentale des ados ? », publié le 17 février 2023, par Audrey Parmentier pour Konbini

Louise Rialland

Newsjacking ou l’art de surfer sur l’actualité pour gagner en visibilité : méthode efficace de communication ? 

Bernie Sanders, la famille royale, Macron, tous ont été la cible du newsjacking – mais qu’est ce donc ?

Le newsjacking est une méthode marketing qui consiste à diffuser une image, une vidéo ou encore un message en rapport avec un sujet d’actualité. Le but est de provoquer une réaction, un choc chez le spectateur. On parle souvent de publicité “opportuniste”.

Pour cela, la campagne publicitaire doit être déclenchée le plus rapidement possible afin de ne pas perdre cet effet d’émulsion. Sont donc privilégiés les médias permettant une mise en place rapide de cette dernière (presse quotidienne, Internet, réseaux sociaux  …).En effet, cette méthode de marketing perd tout son sens si elle est reçue “trop tard”  par rapport à l’actualité exploitée. Le message perd alors toute sa valeur. La réactivité des équipes marketing de la marque est donc un élément indispensable. 

“Le newsjacking consiste à surfer sur une vague de buzz avant qu’elle ne soit formée totalement.”Frédéric Canevet, spécialiste en marketing B2B. 

La plupart du temps, c’est l’humour et la connivence qui sont mis en avant. Les jeux de mots et images détournées sont utilisés à foison. Au-delà de développer ce lien tacite avec l’audience en profitant de la viralité d’un buzz ou d’un événement, l’idée est également de profiter d’éventuelles retombées de presse ou sociales. 

Le newsjacking n’est pas forcément le fruit d’une immense réflexion, de grandes campagnes publicitaires comprenant des films publicitaires ou encore des emballages spéciaux. Cela peut simplement être un post ou un tweet, simple mais rebondissant instantanément sur l’actualité. Prenons l’exemple de ce tweet marketing de Netflix, en septembre 2020, à la suite d’une explosion dans Paris :

Ce dernier avait atteint la barre des 100 000 likes quelques minutes seulement après sa parution. 

Ou encore ce post de Monoprix en 2014 lors de la coupe du monde :

En quelques secondes seulement, le nombre de partages avait été fulgurant. Et on le comprend, la mise en scène est bien trouvée !

Dans le domaine du marketing traditionnel et digital, le real-time marketing a donc plusieurs objectifs : 

  • Améliorer la notoriété, l’image, l’engagement de la marque auprès du grand public
  • Une croissance rapide du chiffre d’affaires de la marque
  • La promotion d’un nouveau produit ou service grâce à cette méthode innovante
  • Se démarquer par rapport aux concurrents 
  • Créer une relation avec son audience cible et surtout tâcher d’accroître cette dernière

Le newsjacking présente donc divers avantages. Au-delà de rajeunir son image et d’améliorer sa réputation, cette méthode de marketing est un réel moyen pour générer de nouveaux prospects et de nouvelles ventes. En effet, les posts sur les réseaux sociaux relatifs au newsjacking sont les plus relayés par leur caractère ludique et inédit. Grâce au newsjacking, l’entreprise augmente donc sa chance de toucher une audience bien plus large que celle ordinaire.

Renforcer la confiance créée avec l’audience en jouant de cette complicité est également un atout far de l’approche marketing. Le newsjacking relève donc du marketing émotionnel et s’inscrit parfaitement dans cette vision d’amélioration d’image et de réputation. Cette stratégie digitale est également très utilisée afin de relancer la visibilité d’une marque et réveiller une communauté endormie. De nos jours, il est crucial pour une marque d’être présente au sein de la sphère médiatique. Utiliser le newsjacking est donc une manière idéale de se démarquer au sein de cette dernière, sortir son nom du lot. Toutes les entreprises n’osent pas encore se lancer et on les comprend. Faire du newsjacking c’est tout un art. 

Comment surfer (sans couler) sur l’effervescence médiatique ? 

La créativité est le maître mot. Cependant, il est essentiel de veiller à la bonne diffusion du message choisi. Si ce dernier est maladroit ou manque de pertinence,  le newsjacking peut rapidement virer à l’échec total et l’effet inverse de celui escompté : bad buzz, perte de réputation … On pense notamment à la campagne diffusée par les 3Suisses au lendemain de l’attentat à l’encontre du journal Charlie Hebdo début d’année 2015. Une action entraînant du remue-ménage dans le mauvais sens du terme et un bad buzz considérable pour la marque. 

Pour se mettre à l’abri d’un tel fiasco, voici quelques conseils : 

  • Forcer l’activité : Surtout pas ! Le principe même du newsjacking réside dans le fait de  surprendre les internautes. Créer le buzz pour le buzz ou surfer sur la même actualité que tous ne sera en aucun cas bénéfique. 
  • Ne pas trop planifier : Au risque de perdre en spontanéité, tout réside dans la gestion de l’urgence et de la surprise une nouvelle fois !
  • Éviter les sujets sensibles, susceptibles de créer une politique négative ( conflit armés, attaques terroristes …). Ne pas oublier de prendre des pincettes avec l’ironie, tout le monde n’est pas réceptif à cette manière de communiquer.
  • Résister à la récupération : Aucun effet de surprise dans ce cas, voire pire un vieillissement de l’image de la marque, jugée trop arriérée pour être à la page de l’actualité.  

Pour un effet garanti, il est essentiel d’établir un plan rapide – le newsjacking rime avec urgence – mais surtout efficience. Afin de déployer cette stratégie de manière réussie, trois étapes de bases semblent nécessaires : 

  1. Le benchmarking ou la veille marketing : Comme explicité plus haut, il ne faut surtout pas arriver trop tard ou encore pire passer à côté des événements d’actualités. Collecter et organiser les informations auprès d’autres médias spécialisés est donc nécessaire. Effectuer une veille SEO en s’aidant d’outils tels que Google Trends ou Oncrawl est un plus. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le newsjacking permet de toucher aussi bien des audiences B2C que B2B.
  1. être réactif mais attentif : Agir vite, certes, mais en étant  innovant et surtout sûr de ses sources. Le ton, le texte, tout doit être méticuleusement réfléchi.  L’idée est de proposer le contenu le plus pertinent, impactant et surtout plaisant afin de ravir le plus grand nombre.  Connaître sa cible principale est obligatoire afin de savoir la manière la plus judicieuse pour s’y adresser. D’autres part, inclure un aspect émotionnel est vivement recommandé : message de soutien à une cause, storytelling… Enfin quelque soit la nature du contenu, l’utilisation d’hashtags renforce la popularité et donc la vitesse de partage du post. Pour les JO 2024, utiliser #Paris2024 ou encore #OlympicSpirit peut propulser une campagne à l’avant de la scène. 
  1. Miser sur une stratégie multicanale : La campagne doit être vue, entendue, visionnée mais surtout retenue. Les blogs, campagnes d’emailing ou newsletters ne sont pas à négliger. Le format vidéo est également très apprécié. Les canaux de communication les plus exploités restent ceux visuels, permettant un partage immédiat sur les réseaux sociaux. Ces derniers par leur fonctionnalités de likes, commentaires et partages sont le support idéal, favorisant viralité et engagement.

Illustrons quelque peu ces propos.

Les experts en la matière : 

Monoprix : Comment parler newsjacking sans parler de Monoprix. La marque de supermarchés est la référence française dans ce secteur. Ses packagings jouent des temps forts de l’année pour mettre en avant les produits, le recours aux jeux de mots est pratiqué à profusion. Cette manière décalée de promouvoir les produits confère à la marque une réelle valeur ajoutée. 

Campagne célébrant les 45 ans du lancement de la mission spatiale Apollon 11: 

Campagne diffusée lors de la 68e édition du festival de Cannes en 2015 :

Ikea : La branche canadienne a souvent réussi à conquérir le cœur du grand public. Cette dernière mise également sur le newsjacking pour augmenter son capital sympathie. Sa communication digitale mise sur un visuel minimaliste mais efficace qui engendre souvent des milliers d’intéractions à travers le monde et des centaines de partages et reprises média.

Campagne diffusée à l’annonce du mariage du Prince Harry avec  Meghan Markle en 2018 : 

Campagne réagissant à l’image virale du sénateur américain Bernie Sanders :

Burger King : Pour conclure cette série d’exemples, il semblait indispensable d’évoquer le géant du Whopper. Connu pour son retour et ses campagnes de communications originales, c’est sans surprise que BK s’empare, à son tour, du newsjacking. 

Campagne réagissant à l’annonce de l’éclipse solaire au Canada le 8 avril dernier : 

Campagne diffusée lors du confinement de 2020 :

Le newsjacking, pratique déjà bien comprise par un certain nombres de marques semble donc être la technique idéale pour séduire son public sur un air enfantin ! Quoi de mieux que l’humour pour être convaincant et convaincu. Attention tout de même à ne pas se louper au risque d’être mis de côté. 

Originalité et créativité, nous avons hâte de voir ce que nous réserve les marques pour l’Euro et les JO de Paris 2024 !

Sources : 

Marketing, E. (2022, September 15). Newsjacking : qu’est-ce que c’est ? [Définition, marketing et exemples]. E-marketing.fr. 

Dorle, R. (2023, May 20). Stratégies de newsjacking : conquérir l’actualité pour un marketing efficace. Journal du Net

Sitew. (s. d.). Comment développer son entreprise en ligne avec le newsjacking ? Sitew.

Gripich, M. (2019). Newsjacking as a tool of influence on the image of a company in social networks. Zaporizhzhia National University. 

Lily Madura

Le tourisme photographique – Comment Instagram a transformé le voyage et les sites touristiques

Voyage-t-on pour prendre des photos ? Dans une étude de 2011 portant sur l’expression de soi à travers le tourisme et la photographie, Russel Belk et Joyce Yeh font remarquer que la courbe de croissance du tourisme mondial est sensiblement similaire au développement et à la démocratisation des appareils photo. Corrélation rapide, certes, étant donné que ces deux courbes sont liées à une période de développement économique important, mais il n’en est pas moins que l’on place l’appareil photo en bandoulière au même niveau que le guide du routard lorsqu’il s’agit de se représenter les immanquables du touriste, toute destination confondue. Aujourd’hui, les optiques de smartphone n’ont plus rien à envier aux appareils reflex plus encombrants, et il n’y a plus grand monde qui ne s’improvise photographe en tout temps, que ce soit dans la vie de tous les jours ou, et c’est d’autant plus marqué, en voyage.

Faire de la photographie un enjeu de distinction sociale. C’est ainsi que s’est positionné le réseau social Instagram, qui réunit aujourd’hui plus de deux milliards d’utilisateurs mensuels (We Are Social), et ce développement sans précédent (création d’Instagram : 2010) a profondément réformé en moins de 10 ans un certain nombre de secteurs, dont le tourisme. Nous allons explorer dans cet article comment les codes de succès sur ce réseau social et ses mécanismes algorithmiques influencent les comportement des touristes et comment les acteurs du secteur doivent aujourd’hui s’adapter pour devenir, ou rester, « Instagrammables » (mot rentré dans le Larousse).

L’omniprésence de l’egocasting

Concaténation de « ego », le soi, la personnalité, et « cast », diffuser en anglais, la notion d’egocasting désigne le fait de s’exposer, de mettre en avant son image et sa personnalité sur un réseau social, qu’il soit en ligne ou non. Si la télévision a permis de faire apparaître cette notion, dans une mesure limitée du fait de la difficulté d’y apparaître pour le citoyen moyen, c’est bien internet, avec les blogs dans un premier temps mais surtout avec les réseaux sociaux, qui l’a poussé jusqu’à devenir la norme. Dans une étude publiée en novembre 2015 intitulée L’égocasting sur Instagram : la génération Y à la découverte du monde, Geneviève Cassan étudie ce phénomène appliqué au tourisme. Elle montre que le voyage est l’un des facteurs importants d’expression de soi à travers Instagram, c’est l’une des manières les plus efficaces de se mettre en valeur. Si bien que le caractère « instagrammable » d’une destination devient un critère de choix majeur, plus que les avis des agences de voyage ou des guides touristiques réputés. En 2019, 42 % des voyageurs français prenaient cette notion d’« instagrammabilité » comme principale orientation vers une destination (One Poll). Et ce pourcentage est loin de diminuer avec le temps. L’objectif du voyage devient les photos qu’on y prend et qu’on pourra publier. 

Mais que recherchent les utilisateurs en publiant ainsi ? On connaît bien les divers mécanismes psychologiques qui expliquent l’entrain qu’ont les utilisateurs à générer de l’engagement, des commentaires, des likes et à augmenter leur nombre de followers. La photographie de voyage est particulièrement efficace dans cette optique car elle permet de se démarquer. Pour la majorité des utilisateurs, les gens qui les suivent sont des gens qui font partie de près ou de loin de leurs cercles sociaux, et donc qui vivent plus ou moins proche d’eux, qui ont un mode de vie assez similaire. Voyager, c’est sortir de ce quotidien et proposer à ces cercles sociaux des photos qui sortent de l’ordinaire et sur lesquelles les followers vont s’arrêter, liker et commenter. L’un des effets recherchés est de susciter la jalousie, ce qui augmente l’estime de soi. Il n’est pas rare de trouver sous des photos de voyage des  commentaires du style « j’aimerais trop être à ta place » ou « tu as de la chance ».

Montrer que l’on voyage donc, mais en s’y mettant en scène. En tapant « #voyage » sur la barre de recherche d’Instagram, on se rend compte qu’une grande partie des images de voyage publiées sont des photos où les gens se prennent en photo, ce qui a pour effet de rendre l’image plus inédite mais aussi de se mettre en valeur, plutôt que de poster une image avec un paysage vierge.

L’optimisation d’Instagram autour de l’egocasting

En termes de construction algorithmique et d’expérience utilisateur, Instagram est bien en adéquation avec ce phénomène d’egocasting. Les codes de ce réseau social ont convergé vers un modèle où toutes les photos doivent être très qualitatives, travaillées, retouchées pour être mises en avant et likées par un maximum d’utilisateurs. Dans cette optique, Instagram a développé et mis à disposition des filtres et des options de retouche simples d’utilisation et qui n’ont rien à envier à des logiciels de retouche professionnelle.

La construction du mur Instagram exploite également très bien l’objectif des utilisateurs de faire de leur profil une véritable galerie permettant d’afficher publiquement les accomplissements touristiques. Une galerie qui, dans de nombreux cas, pourrait être qualifiée de galerie d’art. Dans Staging tourism : tourists as performers, 2000, Tim Edensor voit dans l’expérience touristique une performance artistique dont le voyageur est le créateur et à travers lequel il cherche à exprimer certaines émotions et aspects de sa personnalité qu’il transmet grâce à la photographie de voyage. Le mur instagram, c’est une expression de sa personnalité, avec travers des photos que l’on cherche à rendre dinstinctives et donc très souvent des photos de voyage. On y retrouve d’ailleurs assez facilement les goûts de l’utlisateur. Casse cou, amateur de sensations fortes ou au contraire de détente devant de beaux paysages. Amateur de cuisine, de culture locale, de rencontres inédites, chacun met en avant ce qu’il considère être valorisant parce que cet élément précis reflète une partie de sa personnalité, ou alors de la personnalité qu’il cherche à se donner, la personnalité de son identité numérique.

En 2003, le magazine britannique Geographical présentait un article affirmant qu’il fallait désormais impérativement prendre les choses en photo pour les rendre vraies et que celles-ci agiraient à titre de témoins de ce que l’individu a vécu. La galerie Instagram fait donc office de centre de stockage de souvenirs, de preuve de ce qu’on a vécu. Il n’est d’ailleurs plus si important d’avoir réellement vécu ces expériences, l’essentiel étant de les avoir en photo. Zeynep Arda en 2014 crée le concept de « non-événement » pour définir ce mécanisme qui consiste à se rendre à un endroit, par exemple un musée, pour s’y prendre en photo et repartir sans l’avoir visité. L’essentiel n’est plus de faire mais que les gens pensent qu’on l’ait fait.

L’adaptation des sites touristiques

Face à ces nouveaux enjeux, avoir une stratégie intagramo-centrée est crucial pour les sites touristiques. En explorant les articles de recommandations faites par des agences de marketing dans le tourisme, toutes citent l’importance de développer ses réseaux sociaux, de publier fréquemment des photos travaillées pour les rendre belles et attirantes. Mais en réalité, ce qui attire les touristes, ce n’est pas la qualité des comptes des destinations en question, mais la qualité du feedback apporté par les visiteurs actifs et influents sur ces réseaux. Pour un musée par exemple, l’enjeu n’est pas tant de travailler le compte propriétaire du musée mais plutôt de travailler le site même pour que les gens aient envie de s’y prendre en photo et de publier ces photos. C’est le positionnement qu’a pris le Manoir de Paris en ouvrant en juin 2020 la « Mad Dimension », un espace aménagé dans le but précis de prendre des photos et de les publier sur Instagram en taguant le lieu.

En faisant cela, les sites touristiques espèrent profiter du phénomène de viralité, bien connu par les utilisateurs des réseaux sociaux. Rendre une photo virale, c’est s’assurer d’un flot important de nouveaux visiteurs pendant un certain temps, qui voudront à leur tour prendre cette même photo pour montrer qu’ils ont été là. La créativité est de mise pour obtenir ce résultat. Par exemple, dans un petit village de pêcheurs quelques kilomètres au sud de Rio de Janeiro au Brésil appelé Guaratiba, une pierre disposée dans un angle particulier permet de prendre une photo qui donne l’impression d’être pendu dans le vide. Cette photo est devenue virale et attire aujourd’hui un grand nombre de touristes vers ce village qui a vu naître nombreux restaurants, hôtels et autres aménagements pour accueillir ces touristes. Ainsi, une simple photo « instagrammable » peut transformer un lieu en véritable destination touristique. C’est un enjeu important qui doit rentrer dans la conception même des lieux touristiques, au même titre que les aménagements d’accueil et de confort. 

Vianney d’Aboville

Lego, Barbie, Ferrari : quand les marques font des films

Dans l’univers du cinéma, une nouvelle tendance captivante émerge, érigeant un pont entre l’art du storytelling cinématographique et le pouvoir des marques emblématiques : les films de marque. Le placement de produit prend aujourd’hui une nouvelle forme saisissante avec l’avènement de ce nouveau genre. Des maisons de couture (House of Gucci, 2021), aux fabricants de jouets (Barbie, 2023), en passant par les géants de l’automobile (Ferrari, 2023), des histoires entières prennent vie sur grand écran, étroitement tissées avec les fils narratifs des marques renommées.

Les marques et leur image : en quête d’émotions

Dans notre société de consommation, où l’individu forme son identité quasi exclusivement par l’absorption de certains biens et services, ce sont les marques qui dominent nos esprits. En plus de vendre un produit, une marque vend un certain type de message, contenant une histoire sur les qualités uniques de ses créations.

La marque agit comme un objet désirable, dont la possession est capable de satisfaire les attentes du consommateur, le rendre heureux, et devient en fait un moyen pour une personne de s’orienter dans la réalité. Ce sont la qualité et la reconnaissabilité d’une marque qui contribuent à susciter des émotions positives chez les cibles et à les fidéliser. Mais dans un contexte de sursaturation du marché, les entreprises sont appelées à rechercher de nouveaux moyens d’atteindre les consommateurs.

L’expérience est un élément incontournable de la fidélisation des clients. C’est pour cela que les marques sont nombreuses à élargir leur activité : elles construisent des parcs d’attraction (Disneyland, Ferrari World, Volkswagen Autostadt), transforment leurs usines en musées (Guinness Storehouse, Heineken Experience) ou encore créent leurs propres hôtels-boutiques (Bulgari, Armani, Versace).

Toutes ces expériences ont pour but de faire vivre aux clients des émotions marquantes et positives, pour que ces émotions s’associent par la suite avec la marque, qui devient ainsi encore plus désirable. Suivant cette logique, il n’est pas surprenant que les marques aient toujours été nombreuses à vouloir se rattacher au cinéma, une attraction offrant une large palette d’émotions susceptible d’être utilisée dans une campagne marketing.

Le placement de produit, une pratique discrète mais influente

Le placement de produit a pris racine dans l’industrie cinématographique dès les premiers balbutiements du septième art. Au cours du 20e siècle, les réalisateurs ont commencé à intégrer subtilement des produits dans leurs films, créant ainsi un lien indirect entre les marques et le public. Souvent utilisé comme source de financement pour les productions cinématographiques, le placement de produit permet de compenser les coûts de réalisation tout en offrant aux annonceurs une visibilité stratégique auprès des spectateurs.

À l’origine, le placement de produit se manifestait principalement par des apparitions éphémères d’objets de consommation dans des scènes, parfois de manière transparente pour le public, mais souvent subtilement pour éviter de rompre l’immersion narrative. Cependant, au fil des décennies, cette pratique s’est développée pour devenir une stratégie marketing plus sophistiquée.

Une nouvelle forme de placement de produit : quand le produit devient l’histoire

Le paysage du placement de produit évolue rapidement depuis sa création, et l’on observe aujourd’hui une transition vers une nouvelle forme : le film de marque. Ces œuvres cinématographiques ne se contentent plus simplement de présenter des produits, mais elles en font le pivot central de l’intrigue; les marques deviennent les acteurs principaux, tissant un récit étroitement lié à leur essence même. 

Ce concept va au-delà de la simple promotion ; il s’efforce de créer une expérience immersive où le public se plonge dans l’univers narratif de la marque. Ce glissement vers une intégration plus profonde des marques dans le récit cinématographique soulève des questions fascinantes sur l’avenir du partenariat entre le monde du cinéma et celui des marques, redéfinissant ainsi la manière dont nous interagissons avec ces dernières à travers l’art cinématographique.

En 2014, LEGO s’est par exemple lancé dans la production de son propre film d’animation en présentant ses jouets emblématiques. Les répercussions ont été très positives pour la marque, avec une augmentation des ventes de jeux LEGO à la suite du succès du film, qui s’explique par une envie des spectateurs d’explorer plus encore l’univers de la marque. Outre les produits de construction traditionnels, le film a ouvert la voie à de nouveaux produits basés sur les personnages et l’univers présentés dans l’intrigue. Cela a permis à LEGO de diversifier sa gamme de produits, y compris les jeux vidéo, les séries animées et les produits dérivés. Une communauté de fans passionnés qui partagent leur amour pour LEGO s’est développée sur les médias sociaux et les forums en ligne, renforçant ainsi l’engagement des consommateurs envers la marque.

Un effet encore plus prononcé a été suscité par le film « Barbie », sorti en 2023. Non seulement le film immerge le public dans l’univers de la poupée en rose, mais il lui présente littéralement l’administration du groupe Mattel qui parle des valeurs de la marque de manière quasi directe. Le film a suscité un gigantesque buzz médiatique, et le public tout de rose vêtu ne s’est pas fait attendre dans les salles de cinéma. De nombreuses marques ont également tenté de s’inscrire dans la tendance en faisant des collaborations avec Mattel (Zara, OPI, Nyx, Gap…). Sans surprise, les ventes des poupées ont augmenté de 20% depuis le lancement des opérations marketing. Mattel a déjà annoncé la production de films sur ses autres gammes de produits, notamment Polly Pocket, Hot Wheels et même UNO.

La maison de luxe Saint Laurent, elle, est allée plus loin. En 2023 la marque diversifie son activité en créant sa propre société de production « Saint Laurent Productions”. A présent, la marque ne se contente plus d’être représentée par des costumes portés par des acteurs, mais prend les rênes artistiques des films, lui permettant de façonner de manière intégrale chaque aspect narratif et visuel. Cette initiative offre à la marque une opportunité unique d’incarner pleinement ses valeurs à travers l’expression cinématographique.

Dans les salles de cinéma… et sur le petit écran ?

Et qu’en est-il des plateformes de streaming? Pour Hugo Orchillers, responsable des placements de produit au sein de l’agence Place To Be, avec qui nous nous sommes entretenus, le travail de placement de produit est sensiblement le même qu’il soit fait pour le cinéma ou pour une plateforme de streaming. À la différence près que les plateformes de streaming se montrent plus réticentes que les producteurs de cinéma : « Les plateformes de SVOD comme Netflix proposent du placement de produit, mais cela reste vraiment infime. Les plateformes ne veulent pas créer une régie publicitaire {…} afin de rester le plus cohérent possible avec leur discours de lancement ».

Cependant, à travers le phénomène des films de marques, il se pourrait que cette volonté soit en train d’être ajustée. En effet, des géants du streaming comme Amazon Prime collaborent eux aussi avec des marques, comme le montre la sortie du film « AIR » (2023), sur la franchise Nike. Ce film réalisé par Ben Affleck dévoile le partenariat révolutionnaire entre un Michael Jordan encore méconnu, et la division de basket chancelante de Nike, qui a changé le monde du sport et de la culture avec la marque Air Jordan.

Ainsi, le phénomène des films de marque nous prouve que le cinéma est devenu un outil marketing incontournable pour forger l’identité d’une marque, immerger le public dans son univers et lui offrir une expérience mémorable tout en stimulant les achats. Qu’ils soient diffusés en salle de cinéma ou en streaming, les films de marques sont à l’origine d’un nouveau type de marché publicitaire qui, malgré sa popularité, entraîne tout de même des vagues de critiques concernant la dénaturation du septième art au profit des annonceurs. Ainsi se crée le débat sur l’avenir du cinéma et s’ouvre la voie de recherche d’une harmonie entre créativité et commerce dans le monde artistique contemporain.

Melina MAGNE et Anna ORLOVA


SOURCES :

Le Point; « Barbie » : les ventes de poupées ont augmenté de 20% depuis la sortie du film; 08/2023

Mattel; Mattel Films and Warner Bros. Pictures Announce J.J. Abrams’ Bad Robot Will Produce Hot Wheels Live-Action Motion Picture; 2022

Europe 1; La marque de luxe Saint Laurent annonce la création d’une société de production de films; 04/2023

Luc Dupont; Placement de produit : quand le cinéma devient un terrain de jeu marketing; 09/2024

Stéphane Debenedetti, Isabelle Fontaine; Le cinémarque : Septième Art, publicité et placement des marques; 2004

Est-ce la fin des moteurs de recherche tels que nous les connaissons ?

En septembre dernier, nous fêtions les 25 ans du moteur de recherche Google. 25 ans d’hégémonie, illustrée par l’entrée du verbe “googliser” dans le Larousse en 2014 ou par les 90% de parts de marché mondiales dans le Search (Statcounter, 2023). Et aujourd’hui si quelqu’un nous demande ce qu’est un moteur de recherche, nous lui présentons Google. Mais si la célèbre entreprise règne depuis des années sur ce secteur, des évolutions récentes semblent remettre en question le monopole du moteur de recherche en offrant des alternatives innovantes et adaptées aux comportements émergents des utilisateurs.

Si l’on compare les moteurs de recherche entre eux, nulle doute que Google n’a aucun souci à se faire.
Mais si l’on regarde d’un peu plus loin, d’autres acteurs pourraient remettre en question sa posture dominante.

AMAZON : LE MOTEUR DE RECHERCHE INCONTOURNABLE POUR LES PRODUITS

En se positionnant comme le « Google des produits », Amazon a transformé la manière dont nous découvrons et achetons des produits. En utilisant des données comportementales détaillées, la plateforme offre à ses utilisateurs des recommandations de produits personnalisés. Son algorithme analyse non seulement les recherches précédentes et les achats des utilisateurs mais aussi les produits qu’ils consultent et ceux qu’ils laissent dans leur panier. Cela permet à Amazon de créer une expérience d’achat hautement personnalisée et intuitive, souvent plus attrayante que les résultats génériques proposés par les moteurs de recherche traditionnels.

Mais Amazon ne se contente pas de répondre aux requêtes des utilisateurs, l’entreprise anticipe leurs besoins. 70 % des Français commencent leur recherche de produits, toutes catégories confondues, sur Amazon plutôt que sur Google (Remazing & Appinio, 2022). En présentant aux consommateurs des suggestions ultra-ciblées, Amazon fait de la découverte de produits une expérience fluide et intuitive.

À travers cette expérience d’achat entièrement intégrée, de la recherche initiale à la transaction finale, Amazon élève les attentes des consommateurs et redéfinit les nouveaux standards de la recherche en ligne.

TIKTOK : UN MOTEUR DE RECHERCHE NOUVELLE GÉNÉRATION

TikTok est de plus en plus utilisé comme un moteur de recherche, notamment par la Gen Z.
Plus de 2 Américains sur 5 utilisent TikTok comme un moteur de recherche et 1 “Gen Zer” sur 10 préfèrera TikTok à Google pour réaliser ses recherches (Adobe Express, n.d.).

La plateforme s’écarte du modèle traditionnel des moteurs de recherche pour offrir une expérience utilisateur qui fusionne divertissement et information. Avec ses vidéos courtes et captivantes, TikTok répond aux particularités des nouvelles générations, caractérisées par des durées d’attention courtes, une préférence pour l’apprentissage visuel et une certaine défiance envers les résultats traditionnels de Google, souvent perçus comme saturés de contenus sponsorisés ou moins authentiques​​.

TikTok a également su capitaliser sur ses atouts en introduisant de nouvelles fonctionnalités, comme les suggestions de recherche en dessous des vidéos, qui exploitent l’engagement des utilisateurs pour les orienter vers des contenus connexes, enrichissant ainsi l’expérience de recherche​​. De plus, le contenu généré par les utilisateurs (User-Generated Content ou UGC) renforce l’authenticité perçue de la plateforme et crée un sentiment de confiance et de communauté parmi les utilisateurs.

Cependant, la popularité croissante de TikTok comme moteur de recherche soulève également des questions sur la qualité et la véracité des informations partagées. Contrairement aux moteurs de recherche traditionnels, qui se basent sur des algorithmes complexes pour le classement des résultats, TikTok repose sur des recommandations algorithmiques qui mettent en avant des vidéos virales ou tendances, ce qui peut parfois conduire à la diffusion d’informations non vérifiées ou biaisées.

LES IA GÉNÉRATIVES : UN NOUVEAU TERRAIN DE JEU POUR LES MOTEURS DE RECHERCHE

Lorsque les Intelligence Artificielles Génératives (IAG) ont fait leur apparition, elles ont redéfinit la notion même de recherche en ligne. Et avec elles, une course à leur intégration a débuté.

Microsoft a rapidement intégré un chatbot d’IAG dans son moteur de recherche Bing, dans le but de prendre un avantage sur Google. Cela a partiellement fonctionné : on a observé un regain d’utilisation de Bing avec plus de 100 millions d’utilisateurs mensuels, mais la part de marché mondiale du moteur de recherche est restée stable à environ 3,4%. Microsoft a donc pris de l’avance en annonçant Bing Chat début 2023. Cependant, Google a rapidement réagi avec Bard, son propre chat basé sur l’IAG.

Si les deux chatbot sont des outils puissants, Bing Chat, qui utilise le modèle de langage GPT-4 d’OpenAI tandis que Bard utilise le modèle de langage PaLM 2 de Google, semble avoir l’avantage en termes de précision, de flexibilité et de disponibilité sur différentes plateformes. Cela ne signifie pas nécessairement que Bing dépassera Google en tant que leader du search, mais cela témoigne d’une concurrence accrue dans l’intégration de l’IAG au sein des moteurs de recherche.

FINALEMENT, QUEL AVENIR POUR LES MOTEURS DE RECHERCHE ?

Si l’on pourrait penser qu’il s’agit de la fin de l’hégémonie de Google, Bing ayant pris de l’avance sur les IAG et les réseaux sociaux constituant des concurrents de taille face aux nouveaux comportements des consommateurs, Google n’a pas dit son dernier mot.
En mai dernier, lors de sa conférence annuelle, Google a présenté une nouvelle version de son moteur de recherche en introduisant la SGE.

Avec la Search Generative Experience (SGE), Google incorpore les capacités de l’intelligence artificielle directement dans son moteur de recherche en proposant un résumé des meilleurs résultats d’une recherche.
C’est une véritable refonte de l’interaction utilisateur qu’entreprend Google, proposant une nouvelle manière de rechercher l’information. Demander à Google « un vélo pour un trajet quotidien de 5 km » n’est plus une simple requête mais une porte ouverte sur une liste personnalisée, avec des descriptions et des avis. L’immense base de données de produits de Google s’érige en rival direct à Amazon, promettant une intégration plus fine entre la recherche et la transaction. Fini le temps des dizaines (voire centaines..) d’onglets, l’ère est à l’efficacité et à la pertinence, un coup porté directement à la nature éparpillée du contenu social.

Si Google n’est pas prêt de quitter sa première place dans le domaine du Search, l’entreprise s’apprête à lancer un raz-de-marée dans le secteur du référencement naturel (SEO). En réduisant potentiellement le besoin des utilisateurs de visiter d’autres sites Web pour s’informer, Google risque de renforcer un potentiel abus de position dominante. Si “SGE” est désormais disponible dans 7 langues et 120 pays, ce n’est toujours pas le cas en Europe. Affaire à suivre…

Laura MARIANI

BIBLIOGRAPHIE

Recherche Google – Découvrez comment fonctionne la recherche. (n.d.). Recherche Google – Découvrez Comment Fonctionne La Recherche. https://www.google.com/search/howsearchworks/

Search engine market share worldwide | StatCounter Global Stats. (n.d.). StatCounter Global Stats. https://gs.statcounter.com/search-engine-market-share#monthly-200901-202401

Sc. (2020, June 23). Amazon, premier moteur de recherche produit pour trois quarts des Français – Stratégies. Stratégies. https://www.strategies.fr/actualites/marques/4045644W/amazon-premier-moteur-de-recherche-produit-pour-trois-quarts-des-francais.html

Adobe Express. (n.d.). Using TikTok as a search engine | Adobe Express. https://www.adobe.com/express/learn/blog/using-tiktok-as-a-search-engine

Perez, S. (2022, July 12). Google exec suggests Instagram and TikTok are eating into Google’s core products, Search and Maps. TechCrunch. https://techcrunch.com/2022/07/12/google-exec-suggests-instagram-and-tiktok-are-eating-into-googles-core-products-search-and-maps/?tpcc=tcplustwitter

Southern, M. G. (2022, June 17). Could TikTok be a search engine? For many users, it already is. Search Engine Journal. https://www.searchenginejournal.com/could-tiktok-be-a-search-engine-for-many-users-it-already-is/452871/

Comarketing-News. (2019, October 18). Amazon est désormais le premier moteur de recherche des acheteurs. https://comarketing-news.fr/amazon-est-desormais-le-premier-moteur-de-recherche-des-acheteurs/

Remazing. Appinio. (2022). Enquête sur les acheteurs Amazon. https://www.appinio.com/fr/blog/insights/comportements-achats-amazon

Cunningham, A. (2024, January 19). Bing Search shows few, if any, signs of market share increase from AI features. Ars Technica. https://arstechnica.com/ai/2024/01/report-microsofts-ai-infusion-hasnt-helped-bing-take-share-from-google/

Google I/O 2023. (n.d.). https://io.google/2023/intl/fr/

Grattepanche, M. (2023, August 11). Le nouveau moteur de recherche Google utilise l’IA générative. Abondance. https://www.abondance.com/20230511-53215-nouveau-moteur-de-recherche-google-ia-generative.html

Comment la TVOD réussit-elle à se démarquer face à l’explosion de la SVOD ?

La vidéo à la demande (VOD) a révolutionné la manière dont nous consommons des contenus audiovisuels, dépassant pour la première fois en 2023 la consommation de contenu de façon linéaire (53% des contenus audiovisuels sont aujourd’hui consommés de manière délinéarisée contre 47% en linéaire*). Ce mode de consommation offre en effet une flexibilité sans précédent dans le choix et l’accès à des films, des séries et autres programmes. Pour rappel la VOD se divise en 2 modèles différents : la VOD à l’acte (TVOD), c’est à dire la location ou l’achat (EST) d’un contenu, permettant de le visionner moyennant un paiement unique, et la VOD par abonnement (SVOD), offrant un accès illimité à une bibliothèque de contenus moyennant un abonnement mensuel. Depuis la crise sanitaire, les plateformes de SVOD n’ont cessé de se développer jusqu’à aujourd’hui représenter plus de 88% du marché de la VOD**. Pour autant, la TVOD n’est pas à négliger puisque dans l’achat de contenu audiovisuel, elle s’est pour la première fois en 2022* imposée face au chiffre d’affaires des ventes de vidéo physique. Ainsi comment la TVOD réussit-elle à se démarquer face à l’explosion de la SVOD ?

Il est important dans un premier temps de préciser qu’au sein de la TVOD, Les dynamiques sont en train d’évoluer, en effet, même si la location représente encore 66,1 % du marché de la TVOD, contre 33,9% pour l’EST**, on assiste petit à petit à un développement de l’EST, puisqu’en 2023, on observe une hausse de 8,3% de ce marché, contrairement à la location qui elle stagne voire est en légère baisse (-0,3%)* 

De plus, lorsque l’on s’intéresse plus précisément aux contenus consommés par les utilisateurs de TVOD, on peut voir que même si les contenus audiovisuels (fictions et animation) représentent la majeure partie des contenus disponibles (69%)**, les contenus les plus consommés sont les films et les DTV (notamment les films américains), qui totalisent 207,4M€ de chiffre d’affaires en 2022**. Ce qui peut sans doute s’expliquer par le côté plus attractif des contenus cinématographiques.

De plus, la TVOD est le catalogue de contenu disponible le plus exhaustif qui existe aujourd’hui. En effet, en 2022, 82 497 références étaient actives en TVOD (location et vente), contre 75 989 en 2021 (+8,6 %)**. Cela prouve que ce catalogue continue de s’étoffer au fil des années avec notamment les films et contenus audiovisuels de l’année en cours mais également des films de patrimoine restaurés par exemple. Cela permet ainsi au consommateur de visionner le film qu’il souhaite immédiatement sans être dépendant des catalogues des plateformes de SVOD qui acquièrent et perdent les droits des contenus très fréquemment. La TVOD a également l’avantage de proposer des contenus dits “frais” (6 premiers mois de l’édition vidéo.)

En effet, grâce à la chronologie des médias, la TVOD est la première façon de voir un film après sa sortie cinéma. Ainsi l’exclusivité incite les consommateurs à acheter le film. Cela a cependant l’inconvénient d’être étroitement lié aux succès des films en salle. En effet, lorsque l’on regarde le top 5 des contenus les plus achetés en VOD en 2022, 4 de ces films faisaient partie du top 5 box office de l’année 2022**. Ainsi il est arrivé que le manque de succès et plus généralement de films en salles engendre une baisse importante de la TVOD, comme ce fut le cas en 2021 lors de la crise sanitaire. Malgré tout, cette exclusivité est un argument de taille qui permet encore aujourd’hui à la TVOD de perdurer face au modèle de la SVOD voire de se développer à petit pas d’année en année  

L’un des derniers avantages de la TVOD est qu’au contraire des plateformes de SVOD, celle si peut plus facilement d’organiser des périodes de promotions (au même titre que la vidéo physique) car il est plus facile pour ce modèle de rogner sur ses marges assez confortables pour générer davantage de ventes, ce qui est plus difficile pour les plateformes de SVOD qui peinent déjà à être à l’équilibre aujourd’hui. 

Ainsi la TVOD tend à se maintenir voire se développer face aux plateformes de SVOD grâce à l’attractivité et l’exclusivité de ses contenus et grâce à un basculement des pratiques des acheteurs de vidéo physique vers toujours plus de digital. Néanmoins, cet équilibre semble fragile et peut vite être déstabilisé par des éléments extérieurs comme l’offre de films en salle mais aussi et surtout par un raccourcissement de la fenêtre d’exclusivité d’exploitation d’un film assuré par la chronologie des médias. Enfin son développement est aujourd’hui malheureusement assez négligeable face au mastodonte qu’est devenu le modèle de la SVOD. 

Sources :

* Observatoire de la Vidéo à la Demande du 23 janvier 2024

** Bilan du CNC 2022

Le futur du Live Shopping : une nouvelle ère animée par des avatars de vente

Live shopping dans le monde entier

Selon un rapport de Global Data, le marché du e-commerce en live devrait atteindre 245,15 milliards de dollars d’ici 2026. Selon les données du ministère chinois du Commerce, au cours des dix premiers mois de 2023, le chiffre d’affaires du live shpping a dépassé 2,2 billions de yuans (environ 2820,51 milliards d’euros), enregistrant une augmentation de 58,9 % en glissement annuel et représentant 18,1 % du chiffre d’affaires du commerce de détail en ligne.

Ces dernières années, le live shopping s’est rapidement développé à l’échelle mondiale, le nombre de professionnels, la diversité des secteurs, la gamme de produits, le nombre de diffusions en direct, et le montant des ventes, démontrant une dynamique puissante. En tant que nouveau modèle commercial de l’ère de l’Internet, le live shopping a émergé avec force, devenant une scène unique dans le développement économique de la Chine même du monde. 

Avatars virtuels et Live shopping

En outre, avec le développement continu du métaverse et de la technologie de l’information, la numérisation a créé une matrice de rôles divers, tels que des idoles virtuelles, des avatars virtuels, des employés numériques et des streamers virtuels. La diffusion virtuelle devient ainsi un point d’entrée et de fusion entre le monde virtuel et le monde réel. Les animateurs, en tant qu’élément essentiel du live shopping, sont-ils sur le point d’être remplacés par des streamers virtuels générés par l’IA ? Cette question suscite actuellement l’attention de divers secteurs. Les avantages indéniables sont les suivants :

  1. Ils n’ont pas besoin de se reposer et peuvent travailler de manière ininterrompue 24 heures sur 24. Les consommateurs peuvent ouvrir le live streaming à tout moment pour obtenir des informations sur les produits.
  2. Les streamers virtuels générés par l’IA n’ont pas de conscience de soi et ne seront jamais impliqués dans des incidents tels que des controverses ou des problèmes de comportement personnels, comme cela s’est produit avec les deux plus grandes stars du live streaming en Chine tels que Li Jiaqi (aussi appelé Austin Li) et Viya.
  3. Avec l’émergence de l’IA générative comme ChatGPT, non seulement le contenu des dialogues homme-machine devient plus riche, mais également les coûts opérationnels de l’apprentissage automatique sont réduits.

L’intérêt pour les avatars virtuels ne cesse de croître, et ils ont connu un énorme succès sur plusieurs plateformes de streaming et de shopping en Chine, telles que Kuaishou, Douyin (Tiktok), Taobao . En mai 2020, la marque de chanteurs virtuels Vsinger, avec des artistes tels que Luo Tianyi, a organisé des événements commerciaux en direct sur Taobao, atteignant un pic de 2,7 millions de spectateurs en ligne, dont 2 millions ont participé aux pourboires. Selon les abonnés ayant regardé le livestream du avatars virtuel la plus populaire en Chine, Luo Tianyi, ils ont exprimé leur préférence pour l’achat d’albums musicaux de Luo Tianyi et de produits correspondant à son image, par rapport aux simples endorsements commerciaux.

Les streamers virtuels présentent un potentiel de développement significatif dans le marketing de marque, contribuant efficacement à accroître la notoriété de la marque. Voici quelques exemples intéressants :

Les avatars virtuels influenceront-ils vos choix de consommation ?

En tant qu’une nouvelle tendance émergente, les avatars virtuels suscitent effectivement un vif intérêt et des discussions dans le domaine du e-shopping. Cependant, nous faisons face actuellement à une lacune dans les recherches, notamment en ce qui concerne l’impact des avatars virtuels sur les choix d’achat des consommateurs et leur ampleur.

Premièrement, nous pouvons nous pencher sur l’influence potentielle des avatars virtuels sur les décisions des consommateurs. Est-ce que l’apparition des avatars virtuels changera la perception des consommateurs des produits, leur processus de prise de décision d’achat et leur comportement d’achat ? Cela concerne l’efficacité réelle des avatars virtuels dans la transmission d’informations sur les produits, la fourniture de conseils d’achat, etc. À travers des études empiriques impliquant un grand nombre de consommateurs, nous pouvons mieux comprendre l’impact réel des avatars virtuels sur le comportement des consommateurs lors du shopping numérique.

Deuxièmement, il est nécessaire d’examiner l’acceptation des avatars virtuels par différents groupes de personnes. Les préférences d’achat et l’état d’esprit des consommateurs varient d’une personne à l’autre, et donc la recherche doit se concentrer sur des facteurs tels que l’âge, le genre, le contexte culturel, etc., qui influent sur l’attitude et le degré d’acceptation des avatars virtuels. Cela contribuera à une compréhension plus globale et permettra des prévisions plus précises de l’impact potentiel des avatars virtuels sur différents marchés.

Troisièmement, une recherche approfondie sur l’impact des avatars virtuels sur le shopping numérique nous permettra de mieux comprendre leur rôle dans l’environnement commercial, fournissant ainsi des recommandations plus scientifiques et pratiques pour le développement futur de l’expérience de shopping numérique.

Le futur : les avatars virtuels de vente remplaceront-ils les live-streamers réels?

C’est une question qui suscite beaucoup d’attention. L’évolution de cette tendance sera influencée par plusieurs facteurs.

Tout d’abord, avec l’avancée continue de la technologie, les capacités des avatars virtuels deviendront plus réalistes, répondant potentiellement aux besoins des consommateurs en matière de divertissement et d’information. Les avatars virtuels ne sont pas limités par le temps et l’espace, et peuvent fournir des services 24 heures sur 24, ce qui peut être attractif pour les consommateurs désireux d’obtenir des informations à tout moment et en tout lieu.

Ensuite, le comportement des consommateurs peut être influencé par des facteurs tels que la personnalité des avatars virtuels, leur interactivité et leur adéquation avec l’image de marque. Si les avatars virtuels parviennent à mieux répondre aux préférences des consommateurs, en offrant une expérience interactive personnalisée, ils pourraient devenir un choix préféré des consommateurs.

Cependant, l’authenticité et la chaleur humaine que possèdent les live-streamers pourraient être des aspects que les avatars virtuels ne pourront pas complètement remplacer. Certains consommateurs préfèrent interagir avec de vraies personnes, et l’expression émotionnelle et la construction de relations interpersonnelles des animateurs en chair et en os pourraient surpasser celles des avatars virtuels.

D’un point de vue industriel, l’attente envers les avatars virtuels alimentés par l’IA est qu’ils amélioreront l’efficacité, réduiront les coûts et créeront davantage de valeur commerciale pour les marques. L’apparition des avatars virtuels pourrait répondre à ces attentes, en particulier dans des contextes nécessitant une diffusion et une promotion à grande échelle.

En résumé, la question de savoir si les avatars virtuels remplaceront les live-streamers dépendra de l’évolution de la technologie, de l’acceptation des consommateurs et des besoins de l’industrie. L’avenir pourrait présenter une coexistence des deux, chacun jouant sur ses propres avantages pour répondre aux attentes et aux besoins diversifiés du public.

Peiyi OUYANG


Références :

Les tendances du live shopping en 2023. (n.d.). https://www.kolsquare.com/fr/blog/tendances-du-shopping-en-live-en-2023

Analyse de live shopping, Xinhua News. (n.d.). http://www.news.cn/tech/20240104/0d7fb92ee9dc49ba94f579d43666069c/c.html

Étude de l’influence des animateurs virtuels sur l’intention d’achat des consommateurs dans le commerce en direct, École de gestion de l’Université de technologie de Shanghai (2023) https://pdf.hanspub.org/ORF20230600000_67334662.pdf

Références en langues étrangères :

俞继红. 元宇宙时代数字虚拟直播的演变与展望[J]. 传媒评论, 2022(11): 79-80. 

梁伟, 石丹. 洛天依“出圈”会和真人爱豆抢饭碗? [J]. 商学院, 2020(9): 56-58. 

木芯. 一夜吸粉百万, 虚拟主播带货会更有优势吗? [J]. 销售与市场(管理版), 2021(12): 20-22.

陆新蕾, 虞雯. 虚拟偶像粉丝群体的消费文化研究——以虚拟歌姬洛天依为例[J]. 当代传播, 2020(6): 75-78+112. 

Plateformes SVOD : quels contenus pour poursuivre la croissance?

S’il y a 10 ans les plateformes SVOD commençaient à faire leur apparition, aujourd’hui elles occupent une place importante sur le marché de l’attention et gagnent du terrain par rapport à la télévision classique et les autres médias traditionnels. Selon une étude d’Ampere Analysis (1), en 2023 la consommation en ligne a représenté 53% de la consommation vidéo, dépassant ainsi la consommation linéaire ( 47%) sur les 18-64 ans. L’écart est encore plus grand chez les 18-24 en France avec 83 % de la consommation en ligne contre 17% en linéaire et sur l’ensemble de la population dans les autres grands pays européens et aux États-Unis. 

Netflix a annoncé la semaine dernière avoir dépassé son objectif pour le dernier trimestre de 2023 avec 13.1 millions d’abonnés supplémentaires et cumule désormais 260 millions d’abonnés à travers le monde. Ses principaux concurrents sont Prime Vidéo avec plus de 200 millions  d’abonnés, Disney + avec 150 millions d’abonnés et Paramount avec 63 millions d’abonnés. Cette barre symbolique de 250 millions d’abonnés a pu être franchie en partie grâce à sa stratégie contre le partage de mots de passe et à la création d’une nouvelle offre moins chère avec publicité, offre avec publicité qui est maintenant disponible chez ses concurrents Prime Vidéo et Disney+. Mais dans le futur ces mesures vont atteindre leurs limites et pour les plateformes de streaming une diversification des contenus sera nécessaire.

Le marché de la vidéo à la demande est un marché très concurrentiel sur lequel de nouveaux entrants font régulièrement leur apparition. Avec une multiplication des offres d’abonnements disponibles et face à l’abondance des contenus, les utilisateurs sont souvent contraints de faire en choix concernant le service choisi. Ce choix se fait non seulement en prenant en compte leur enveloppe “loisirs” disponible qui se voit diminuer à cause de leur baisse de pouvoir d’achat, mais aussi en fonction des contenus disponibles.

Netflix et Prime Vidéo : au delà de la fiction

La fiction et le sport sont les deux types de contenus qui traditionnellement attirent les abonnés et cela semble être une des stratégies de diversification depuis plusieurs années déjà. En effet, nous avons tous vu Amazon gagner une bataille symbolique face à France TV pour la diffusion du quart de finale qui opposait Rafael Nadal à Novak Djokovic lors du tournoi de Roland Garros en 2022. Et le tennis ce n’est pas le seul terrain sur lequel le géant américain est allé afin d’élargir son parc d’abonnés. Depuis 2021, Amazon diffuse un paquet des matchs de la Ligue 1 et a déjà acquis les droits TV pour la période 2024-2029. Selon le baromètre de NPA conseil, le “Pass Ligue 1” est estimé à 1,7 millions d’abonnés et cela ne serait pas un investissement rentable pour la plateforme. En revanche, en Angleterre, au moment de l’acquisition des droits de la Premier League Prime Vidéo a vu une croissance de 35% de son parc d’abonnés (2).

En ce qui concerne Netflix, depuis son lancement la plateforme avait opté pour une stratégie différente concernant les contenus sportifs. Afin d’éviter de payer les droits de diffusion très élevés, Netflix avait opté pour la production des documentaires comme “Break Point” ou encore “Tour de France : au coeur du peloton” qui ont été dans le top des programmes les plus visionnés. De plus, pour se lancer dans le live streaming, la plateforme s’est concentrée sur l’organisation des  événements comme la Netflix Cup durant laquelle des binômes des golfeurs et des pilotes se sont affrontés dans une course à Las Vegas en novembre dernier. Néanmoins, cette stratégie semble évoluer avec l’annonce la semaine dernière d’un accord de 5 milliards de dollars avec World Wrestling Entertainment pour la diffusion des principaux événements (3).

Sur un marché de l’attention sur lequel chaque acteur souhaite capter le plus les utilisateurs, un autre type de contenu est  plébiscité par les plateformes : les jeux vidéo. En effet, les jeux vidéo ont la capacité d’augmenter le temps d’écoute, car à la différence de la fiction et des contenus sportifs, en dans la consommation des jeux vidéos, les abonnés ne sont plus des simples spectateurs et participent activement à leur expérience. Netflix s’est déjà positionné sur le sur ce type de contenus et a annoncé une croissance dans le taux d’engagement sur son offre des jeux vidéo notamment porté par le lancement de la trilogie Grand Theft Auto (4). La compagnie a déjà annoncé le développement des jeux vidéo à partir de ses franchises comme Squid Games, Mercredi ou encore Black Mirror.

Disney+ et Paramount, quant à eux, ne proposent pas actuellement de jeux vidéo. Étant donné que les deux studios possèdent d’importantes IP au vu de leur passé cinématographique, cette possibilité n’est pas à exclure dans les années à venir.

Quels autres contenus et fonctionnalités ?

Dans la poursuite de la croissance, une convergence médiatique pourrait apparaître sur les plateformes de streaming, car afin de garder leur parc d’abonnés et pour en acquérir de nouveaux, les offres devront se distinguer en termes de valeur perçue par les utilisateurs. Ainsi, il n’est pas impossible de voir de nouvelles fonctionnalités et d’autres types de contenus faire leur entrée chez Netflix, Prime ou Disney.

Selon une étude de Insider Intelligence (5), concernant le temps d’utilisation en moyenne, TikTok a dépassé Youtube (58 minutes par jour contre 48,7 minutes) et se rapproche de Netflix (62 minutes par jour). Or, les deux “poursuivants” de Netflix sont basés sur les contenus produits par les utilisateurs (UGC). Même si pour les plateformes de streaming ouvrir la possibilité aux abonnés de publier des contenus viendrait avec des réels enjeux de régularisation, cette hypothèse pourrait permettre d’accroître le temps d’attention. Le développement d’une telle fonctionnalité aurait d’autres avantages. D’un côté pour les plateformes qui sont déjà présentes sur les réseaux sociaux dans leur objectif de promotion et de communication, elles pourraient utiliser les mêmes contenus au sein de la plateforme et créer un engouement autour des programmes disponibles. D’un autre côté, pour les créateurs de contenus cela pourrait être un moyen de favoriser la création autour du service de streaming sur les médias sociaux et une nouvelle manière de monétiser les vidéos crées. 

Aujourd’hui on peut voir des extraits des films ou séries défiler sur nos réseaux sociaux, mais très souvent même si l’on les enregistre, ils tombent dans l’oubli. La possibilité de les avoir au sein du diffuseur originel de la série peut nous permettre de l’ajouter à une liste des contenus que l’on souhaite regarder.

Un autre élément qui manque sur les plateformes de streaming et qui peut faire augmenter l’engagement, c’est le sentiment de communauté. En effet, n’est malheureusement pas possible de regarder ensemble ou d’échanger avec d’autres personnes passionnées par le même contenu au sein d’une plateforme. Or, en ayant la possibilité de le faire, notre temps d’utilisation pourrait augmenter.

Sebastian Udriste

Sources :

(1)

https://www.cnc.fr/documents/36995/2097582/Observatoire+de+la+vid%C3%A9o+%C3%A0+la+demande_vpublication+2.pdf/ff3f2dc7-fd52-8969-ecd1-fb55ab663a8f?t=1706086607452

(2)

https://www.theguardian.com/media/2020/feb/20/amazon-prime-video-outpaces-netflix-growth-after-premier-league-debut

(3)

https://www.sudouest.fr/sport/5-milliards-de-dollars-netflix-s-adjuge-les-droits-pour-diffuser-le-catch-americain-de-la-wwe-18265528.php

(4)

https://www.ign.com/articles/netflix-games-engagement-tripled-in-the-last-year-in-part-thanks-to-gta

(5)

https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/en-temps-passe-tiktok-se-rapproche-de-netflix-aux-etats-unis-953936.html

Quand TikTok redéfinit l’art des concerts

Ces derniers mois, qui n’a pas regardé une vidéo du concert d’Harry Styles, de Beyoncé ou encore de The Weeknd lors de leurs concerts en France sur son téléphone ?

Peut-on se demander si TikTok ne bouleverserait-il pas les codes des concerts ?

Les vidéos de concerts, filmés par les fans, se multiplient sur les réseaux sociaux et deviennent ainsi un atout pour les artistes pendant leurs concerts

C’est à travers cette effervescence des concerts que TikTok a réussi à se faire une place en tant que nouveau moteur de communication et de partage. En n’étant pas réellement dans la salle de concert, un spectateur peut voir des aperçus du spectacle grâce aux nombreuses vidéos des concerts partagées sur les réseaux sociaux. Auparavant, filmer ou diffuser un concert était une pratique illégale ; aujourd’hui, cela devient une norme.

Les vidéos de concerts, filmées par les fans, et partagées sur les réseaux sociaux permettent à ceux non présents d’avoir un aperçu à 360° du concert, de voir la scénographie, mais également d’écouter les chansons phares de l’artiste, et donc de vivre le concert à travers leur écran.

TikTok et Instagram deviennent ainsi un relais live du concert, un moyen pour les fans de faire vivre les shows à travers les écrans, mais également pour les artistes de promouvoir leur spectacle sans réellement dépenser en termes de marketing. Par exemple, le hashtag #loveontour pour le concert d’Harry Styles, cumule près de 7,2 milliards de vues. 

Aujourd’hui, les artistes se sont emparés de cet outil afin de créer des shows qui reprennent des tendances du réseau social, comme Stromae qui reprend sur scène, la danse de sa musique “Alors on danse”. 

D’autres artistes comme Rosalia crée leur show à la façon de TikTok. Elle se filme en vertical avec son téléphone à différents moments de son spectacle, elle réalise les tendances TikTok dans ses concerts. La chanteuse espagnole va même plus loin, puisque pour annoncer son nouvel album, elle fait un concert en direct sur TikTok. Cette performance lui vaudra en 2022 d’avoir remporté conjointement avec TikTok une nomination aux Latin Grammy pour son film musical “Motomami” (Rosalía TikTok Live Performance), un film uniquement tourné sur des iPhones . 

Les concerts se multiplient : la tendance des concerts est au spectaculaire

Actuellement, les concerts se multiplient, que ce soit dans les petites salles ou dans les grandes. En effet, une étude du Centre National de la Musique sur la diffusion des spectacles de musiques actuelles et de variétés en 2022 en France montre qu’avec plus de 62 000 représentations payantes et 32 millions d’entrées, l’année 2022 franchit pour la première fois le milliard d’euros de recettes (1 146 M€ de billetterie). Ce sont les grandes jauges (comme les zéniths, les arenas, etc.) qui génèrent près de la moitié des recettes de billetterie (42% pour 1% de représentations).

Effectivement, on peut constater que les méga-concerts se multiplient. Entre 2019 et 2022, le nombre de représentations dans les salles de plus de 6 000 places a augmenté de 14%. Avec la crise du disque, et la faible redevance du streaming musical qui ne compense pas les ventes “physiques”, il est important pour les artistes de jouer sur scène. En parallèle, après avoir passé deux années à écouter de la musique grâce au streaming pendant le covid, les spectateurs ont désormais envie de voir les musiciens et de partager un moment unique.

De plus, le public demande de grands shows comme celui de Taylor Swift, produit par AEG, capable de déplacer près de 90 camions et pesant environ 9 milliards d’euros. Du côté des artistes, l’important est de se démarquer car la concurrence est forte, les représentations deviennent donc de plus en plus spectaculaires. C’est dans ce contexte que des salles de spectacle importantes telles que le Stade de France reçoivent de plus en plus de concerts. En effet, en 2022, un tiers du chiffre d’affaires annuel de cette salle provient des concerts (soit 78 millions d’euros).

TikTok, au coeur de l’industrie musicale, crée son propre concert : TikTok In the mix

Cependant, l’omniprésence des vidéos de concert n’entache pas l’importance d’y participer. En effet, la performance du direct conserve son pouvoir, comme on peut le voir avec la démultiplication des concerts et des festivals. De plus, dans l’industrie musicale TikTok est devenu un incontournable pour les maisons de disques qui s’efforcent de découvrir le prochain grand succès. Par exemple, Drake avec son titre phare Toosie Slide”, englobe tous les codes de TikTok afin de faire de cette chanson un hit : une rythmique saccadée connue des titres TikTok, une chorégraphie déjà prête avant la sortie du son et les 15 secondes de la chanson permettant la mise en place de challenges. 

Par ailleurs, la plateforme a permis de lancer des nouvelles carrières, de rajeunir les plus anciennes comme avec la chanson “Dreams” de Fleetwood Mac de 1977 qui connaît un regain en 2020. Également, TikTok est parvenu à faire modifier les noms des chansons de certains artistes pour mieux s’aligner dans les tendances de l’application. Ainsi, étant donné l’importance de l’industrie musicale au sein de l’application, il était normal que TikTok produise son premier concert le 10 décembre 2023. 

De plus, depuis quelques années, TikTok joue un rôle particulier dans l’émergence d’artistes ou de nouveautés musicales. La création du festival de musique « In The Mix » est donc organisée dans cette optique : donner vie à la musique, aux tendances, et aux expériences que la communauté du réseau social peut créer chaque jour.

Retransmis en direct sur TikTok, le concert s’est tenu à Sloan Park à Mesa, aux Etats-Unis. La programmation suscite l’enthousiasme des utilisateurs, avec des artistes tels que Niall Horan, Charlie Puth, Cardi B ou encore Anitta. En parallèle des têtes d’affiche, TikTok In The Mix a mis en avant de nouveaux artistes tels que Isabel LaRosa, Kaliii, LU KALA et Sam Barber. Ces artistes font partie de « TikTok Elevate », un programme d’artistes émergents.

L’événement a rapidement affiché complet avec près de 17 000 personnes. TikTok a proposé un tarif oscillant entre 25 et 60$ (soit entre 20 et 55€), afin d’avoir un prix accessible pour sa cible de prédilection, les jeunes. Pour ceux qui se rendent sur place, la plateforme propose aussi différentes séries d’activités inspirées par les tendances les plus en vogue.

@tiktok

Missed #TikTokInTheMix? Relive all the highlights and unforgettable moments from our first ever live music experience NOW on @Disney+ and @hulu ✨

♬ original sound – TikTok

Pour un événement de cette envergure, TikTok a réussi à atteindre des records d’audience sur la plateforme avec plus de 33,5 millions de téléspectateurs au total, profitant de la diffusion originale et des diffusions ultérieures de l’émission, adaptée au format vertical de l’application.

Paul Hourican, responsable mondial des partenariats et de la programmation musicale chez TikTok explique qu’ils sont ravis de «donner vie au fil « Pour toi », bien au-delà du concert Live de Mesa, en proposant cette expérience unique à des millions de fans à travers le monde ». En effet, en plus de la retransmission en direct sur TikTok, Disney+ s’est emparé du phénomène en permettant également de revivre le concert sur la plateforme. 

«Aucune autre plateforme ne réunit aussi bien musique, créativité et communauté que TikTok» explique Paul. En effet, leur vision est de « créer un spectacle réinventé pour l’ère TikTok et la communauté de passionnés de musique du monde entier ». Ainsi, il ne s’agit pas uniquement d’un festival mais d’un évènement culturel révolutionnaire. Grâce à ce concert, le réseau social a donc rassemblé sa communauté ce qui lui a permis de briser cette barrière de l’écran et de pouvoir partager et réunir. Ainsi, cette expérience a mis en exergue comment les plateformes numériques telles que TikTok façonnent non seulement la manière dont nous consommons la musique, mais aussi la manière dont la musique est jouée et vécue en direct.

On peut dire que TikTok influe sur la manière dont les concerts sont appréhendés. En effet, pour les spectacles de grande envergure, le concert ne se perçoit plus uniquement comme un événement artistique que l’on vit en direct, mais plutôt comme un produit à valoriser en ligne, une opportunité de générer du contenu viral pour TikTok.

Ainsi, en plus de modifier la façon dont on consomme les concerts, un show doit être filmable de la réflexion de la tenue, à la préparation, et au jour J. TikTok modifie également  la manière d’assister au concert. En effet, comme l’explique Raphaël Enthoven, aujourd’hui nous sommes dans une ère où il est plus important de filmer sa vie et de la partager plutôt que de la vivre : on va choisir «de sacrifier» le moment pour dire qu’on était là. TikTok sera un des vecteurs de cette philosophie, puisque le concert sera filmé pour se rappeler d’avoir vécu cette expérience, mais également de pouvoir dire «j’étais là ». 

Pour renverser ces codes de la société, l’artiste Dinos interdit de filmer et de prendre des photos lors de sa prochaine tournée Process Tour de 2024. Cette annonce inédite va à l’encontre du phénomène de société de capturer chaque instant avec son téléphone et rejoint la théorie de Raphaël Enthoven : vivre le moment.

Alexandra BECQUET

SOURCE :

Centre national de la musique. (2024, 29 janvier). La diffusion des spectacles de musiques actuelles et de variétés en France

Jack.(2023, 13 novembre). Comment TikTok a changé la façon de vivre les concerts.

Courrier International. (2023, 28 septembre). Comment TikTok change notre rapport aux concerts.

Fromentin, M. (2023, 26 octobre)- Begeek.fr. Le premier événement musical mondial en live de TikTok verra notamment participer Cardi B et Charlie Puth.

Richard, O. (2023, 15 décembre) – Libération. Mylène Farmer, Taylor Swift. . . le concert au stade industriel.

Romano, A. (2023, 3 septembre) – Vox. How concerts have evolved in the age of TikTok and smart phones.

Rosso, S. (2023, 26 octobre) – Siècle Digital. TikTok dévoile les contours de son premier festival de musique.

TikTok. (2023, 25 octobre) – Newsroom | TikTok. TikTok in the Mix : un grand concert live et en direct sur TikTok.

La mesure d’audience TV et streaming : vers une mesure d’audience unique ?

En France les audiences sont historiquement mesurées par Médiamétrie, une entreprise détenue par tous les principaux acteurs du paysage audiovisuel français, des diffuseurs télévision et radio aux annonceurs principaux. Les audiences TV étant la pierre de voûte du financement traditionnelle des chaînes de télévision française, ces données sont extrêmement sensibles et doivent être traitées avec impartialité pour éviter toute ingérence ou influence mal placée.

L’audience à la télévision

Depuis sa création, Médiamétrie recueille ces précieuses informations sur un panel de cinq mille foyers représentatifs de la société française. Avec six chaînes de télévisions la mesure était simple et claire pour tout le monde, le nom du panel, Audimat, rentrera dans le langage courant pour qualifier le nombre de téléspectateurs. Cependant avec le développement des chaînes du câble et plus tard de la TNT gratuite puis du replay, la mesure s’est complexifiée. D’autant plus avec l’avènement des « set top box » dans les foyers français, massivement déployées par les opérateurs de télécoms.

On a également assisté à un affinement spectaculaire de la mesure d’audience, aujourd’hui avec le panel Mediamat. Les informations fournies par Médiamétrie tous les jours à 9h proposent une exhaustivité et une finesse difficilement concevable pour les générations précédentes. Ses informations sont volontairement données par les panélistes et Médiamétrie interprète statistiquement les résultats en les rapportant à la population française totale. Ces données sont mises à la disposition des équipes dédiées de chaque chaîne qui peuvent à travers le logiciel RestitTV façonner la masse de données pour créer leur rapport d’audience en interne.

Longtemps restée hégémonique sur le marché du divertissement, la télévision a vu sa position remise en question par l’irruption des plateformes de streaming, Netflix en tête. Proposant une expérience radicalement différente en laissant au téléspectateur le soin de devenir son propre chargé de programmation, le streaming vient faire vaciller les logiques séculaires de la télévision de papa pour faire rentrer le spectateur dans l’ère de l’ATAWAD (Any Time, Any Where, Any Device).

Cette transfiguration lance un défi de taille, comment mesurer une audience sur de telles plateformes ? Qu’est-ce qu’un succès sur ces plateformes ? Comment comparer un programme Netflix d’un autre diffusé en linéaire ?

L’audience en streaming

La mesure de l’audience TV, en plus de fournir une indication claire sur la popularité d’un programme, permet surtout de valoriser les espaces publicitaires mis à disposition par les chaînes aux annonceurs. Les audiences sont donc d’un intérêt capital pour l’annonceur qui cherchera à faire le plus efficacement de la publicité pour son produit. Les plateformes de streaming étant initialement dépourvues de pub, la mesure d’une audience leur a dès lors paru vaine et se limitait à appuyer des communications marketing sporadiques. Cependant, depuis l’adoption par les plateformes d’un modèle hybride publicité/abonnement (similaire à celui de la télévision payante par câble), la mesure de la valeur d’un espace publicitaire se pose.

Aujourd’hui les plateformes publient les performances de leurs programmes avec des indicateurs de masse comme les heures vues et les « vues ». Autrefois avare en chiffres, Netflix fait montre de bonne volonté depuis quelques années en publiant régulièrement des chiffres de consommation plus ou moins précis. Dernièrement la plateforme s’est engagée à mettre à disposition de tous, deux fois par an, les performances des précédents mois de ses programmes avec plus de 50 000 heures vues. Une mesure globale sans distinction par pays, et fournissant seulement une masse d’heures vues difficilement interprétable.


Concrètement, la nouvelle série Netflix, Griselda, sortie le 25 janvier dernier, comptabilise 20,6M de vues, tout territoire confondue en 4 jours. Ce chiffre ne permet pas, évidemment, de la comparer avec la série française Rivière-perdue qui a rassemblé 4,8M de téléspectateurs sur TF1 jeudi 25 janvier. Ces chiffres mis à disposition publiquement par les deux diffuseurs, divergent fondamentalement et empêche quelconque analyse de fond.

Si un tel geste peut être considéré comme un pas en avant pour la plateforme, ce genre de données d’audience reste sans commune mesure avec celles de la télévision, beaucoup plus exhaustives. Ainsi il faudrait réussir à établir une mesure unique permettant la comparaison des performances d’un programme à la télévision et en streaming.

Quelles technologies pour une mesure unifiée ?

Médiamétrie parvient déjà à mesurer les performances des programmes regardés en non-linéaire disponibles en replay, mais non sans contraintes. En effet l’outil de Médiamétrie peut réaffecter les performances d’un programme en replay seulement si ce dernier a déjà été diffusé en linéaire et est donc doté de son « watermark ». Médiamétrie identifie ce que regarde les panélistes grâce à à la technologie du « watermark », chacun des panélistes du Mediamat est doté d’un boîtier similaire à une box tv qui, à chaque fois que la télévision ou un écran du foyer est allumé, détecte un signal sonore inaudible à l’oreille humaine. Ainsi, si la séquence d’une émission TV, diffusée sur les réseaux sociaux, devient virale, les audiences « replay » remontées par Médiamétrie peuvent être gonflées.

Cette technologie pourrait être théoriquement appliquée aux programmes diffusés sur les plateformes de streaming et permettre une mesure d’audience comparable à celle de la télévision. Mais le watermarking doit être fait à l’initiative du diffuseur et présente des contraintes techniques importantes. Une technologie complémentaire, le « fingerprinting » peut remédier à ces problématiques car elle ne nécessite pas une modification du contenu. Le fingerprinting consiste à prélever un extrait vidéo ou sonore d’un contenu audiovisuel et de le comparer à une base de données préexistante pour identifier le contenu regardé.

Médiamétrie envisage depuis quelques mois de s’affranchir du consentement des plateformes pour mesurer leur audience, on peut donc s’attendre à ce que des technologies comme le watermarking ou le fingerprinting soient celles choisies par l’institut de mesure pour enfin unifier la mesure d’audience de la télévision et du streaming.

Hadrien Pigache


Sources :

Médiamétrie réinvente ses mesures d’audience pour 2024 – Challenges
Médiamétrie veut désormais mesurer les audiences des plateformes de streaming (bfmtv.com)
Comment évoluent les audiences de la télévision à l’heure des plateformes ? (e-marketing.fr)
Top 10 TV Shows on Netflix Right Now
TOP 10 on Netflix in the World on January 31, 2024 • FlixPatrol
Netflix Top 10: ‘Griselda’ Debuts at No. 1 on English TV Chart (variety.com)
Médiamétrie – Le Fingerprinting (mediametrie.fr)
Médiamétrie – Le watermarking, une innovation technologique pour mesurer l’audience de la Télévision et de la radio (mediametrie.fr)

TikTok : future plateforme de référence pour les films et les séries ?

Envie de regarder le nouveau film « Barbie » gratuitement ? C’est possible sur TikTok, à condition d’accepter son découpage en 49 parties.

Sur TikTok, la diversité du contenu est frappante. On y trouve aussi bien des vidéos de danse virales, que des sketches comiques hilarants ou encore des conseils sur les relations amoureuses. En résumé, peu importe ce que vous recherchez ou pas, TikTok saura quelle vidéo vous montrer. 
Depuis quelques mois, un nouveau type de contenu prend de l’ampleur ou du moins, commence à faire parler.

Après avoir bouleversé l’industrie de la musique, TikTok s’attaque à celle de l’audiovisuel

Comme beaucoup de plateforme l’ont été avant elle, TikTok se transforme progressivement en « pirate de l’audiovisuel ». En effet, il est maintenant possible de regarder des films, des séries et des émissions télévisées, découpés en plusieurs parties et diffusés par des comptes TikTok dédiés à ce type de contenus. Ces contenus sont majoritairement mis en ligne de manière illégale. Les enregistrement clandestins, qu’il soient de films projetés au cinéma ou de contenus disponibles sur les plateformes de streaming, tous y passent. En outre, des séries populaires telles que « South Park » ou « Malcolm » sont présentes sur TikTok depuis un certain temps.


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Ce mode de consommation peut sembler quelque peu déroutant. Cependant, il gagne en popularité au sein de la plateforme, et cela s’explique par plusieurs facteurs. 

Tout d’abord, ces séquences ont une capacité remarquable à capter et retenir l’attention des utilisateurs. En découpant un épisode de série en plusieurs parties, un compte peut publier une vidéo consistant uniquement en une scène riche en suspense, incitant ainsi les spectateurs à vouloir connaître la suite.
De plus, TikTok développe des fonctionnalités qui facilitent la consommation de ce type de contenus comme le « Clear Mode » ou le mode « Plein écran ».

Le rôle fondamental de l’algorithme de recommandation

Image par Katamaheen de Pixabay

Dans le fil d’actualité « Pour toi », les contenus découpés en plusieurs parties sont proposés aux utilisateurs de manière aléatoire,  ce qui contribue à la popularité de ce format. Dans un univers d’hyperchoix où une multitude d’options est constamment disponible, la fatigue décisionnelle se fait ressentir. Exacerbée par les choix infinis sur des plateformes comme Netflix, TikTok évite à l’utilisateur de se trouver dans cette situation d’anxiété en le conduisant directement au contenu. « Je suis déjà là, je suis déjà en train de le regarder, je suis déjà en train de faire défiler sur TikTok. » Voici ce que déclare un utilisateur à propos de TikTok (Wall Street Journal, 2023). Pas besoin d’aller sur une plateforme de streaming ou sur la télévision : TikTok dit à l’utilisateur quoi regarder. En résumé, avec l’algorithme de recommandation, les contenus sont presque servis sur un plateau d’argent.

L’algorithme de recommandation de TikTok contribue à mettre en lumière ces extraits dans les « Pour toi », permettant aux comptes TikTok de toucher un public plus large et d’augmenter leur visibilité. L’algorithme favorisant les vidéos regardées jusqu’à la fin, la plupart des contenus sont découpés par tranches de 3 à 5 minutes, bien que les vidéos peuvent aller jusqu’à 10 minutes. Ces vidéos courtes jouent aussi avec la frustration ressentie par l’utilisateur qui sera pousser à aller regarder d’autres vidéos ou à demander en commentaires quand est-ce que la partie suivante sera disponible. Il est important de noter que les commentaires jouent aussi un rôle important dans la recommandation par l’algorithme. 

Afin de ne pas se faire repérer par les algorithmes de modération, les créateurs ne publient pas les différentes parties d’un même contenu à la suite. Les parties sont souvent « uploadées » sur la plateforme à des heures ou jours d’intervalle, laissant le temps à la publication d’autres contenus. Autre particularité de ces vidéos, il est très rare de voir inscrit dans les descriptions le nom original du film, de la série ou de l’émission en question. Il s’agit d’une autre astuce utilisées pour éviter que la vidéos soient retirées de manière automatique de la plateforme.

Bien que ce type de visionnage puisse paraître atypique, il s’inscrit donc dans une stratégie de captation et de rétention de l’attention tout en exploitant les mécanismes propres à l’algorithme de TikTok pour maximiser la portée et l’impact du contenu publié.

Le cinéma se fait pirater, il prend les devants !

En 2020, Quibi, le service de streaming de vidéos courtes venu tout droit d’Hollywood n’a pas tenu longtemps sur le marché. Bien que ce fut un échec, le potentiel de ce type de contenu paraît aujourd’hui plus important que ce qu’il était il y a quelques années. Comme annoncé lors du festival Médias en Seine à Paris en 2023, l’une des prochaines tendances média qui se dessine est la nécessité de maitriser le format de vidéos verticales (Reuters Institute, 2023).

Neil Shyminsly, expert en Pop culture et professeur d’anglais au Cambrian College, affirme qu’ « il y a une crainte croissante que la programmation télévisuelle devienne de plus en plus courte à mesure que le succès est déterminé par l’algorithme de TikTok. » (CBCNews, 2023). 

Photo de Hannah Wernecke sur Unsplash

Effectivement, certains grands studios se sont déjà lancés dans la publication de contenus en plusieurs parties. Le 3 octobre 2023, à l’occasion du Mean Girls Day, Paramount à rendu disponible le temps d’une journée le film Mean Girls en intégralité, découpé en 23 parties sur son compte TikTok. « Les paramètres semblent évoluer », a déclaré Alex Alben, professeur de droit de l’internet et de la confidentialité à la Faculté de droit de l’UCLA. « Quelqu’un au sein du studio est en train de peser le fait qu’ils bénéficieraient davantage de la diffusion d’un extrait de leur film par des millions de personnes plutôt que de chercher à l’interdire. » (NewYorkTimes, 2023). Un représentant de Paramount a expliqué que la publication de « Mean Girls » sur TikTok visait à accroître la visibilité du film auprès d’un nouveau public potentiel (NewYorkTimes, 2023). Un coup marketing de la part du studio ? Très probable, sachant que le jour même, la sortie du nouveau « Mean Girls » au cinéma début janvier 2024 a été annoncée.

D’autres studios et plateformes de streaming ont très vite suivi. En août 2023, Peacock a publié un épisode de 2023 de la version américaine de « Love Island » ainsi qu’un épisode de « Killing It » divisé en 5 parties. Voici ce qu’Anupam Chander, professeur de droit et technologie à Georgetown, dit à ce propos : « Il peut être utile pour les détenteurs des droits d’auteur de voir leur travail distribué à un public plus large afin de susciter davantage d’intérêt pour ce travail et générer des ventes ultérieures. ». En réalité, certains détenteurs des droits de ces contenus, qu’ils soient publiés légalement ou non, pourraient profiter de cette tendance. Dans les faits, cela peut permettre de remettre au gout du jours d’anciens contenus et de booster la popularité de ceux qui en ont besoin. Il faut reconnaître que la capacité de TikTok à engager son public est forte et va au-delà des jeunes générations (InsiderIntelligence, 2023).

De nouvelles productions uniquement dédiées à TikTok

TikTok a vu émerger de nouvelles productions uniquement dédiées à sa plateforme. Dès 2020, plusieurs séries australiennes ont vu le jour telles que Love Songs, publiée par épisodes de 10 minutes ou Scattered, publiée en 38 épisodes de 1 minute. Récemment, Adam McKay, avec sa société de production Yellow Dot Studios, est devenu le premier producteur hollywoodien à investir dans une série diffusée uniquement sur TikTok. Intitulée « Cobell Energy », elle est diffusée depuis le 14 novembre 2023 sur la plateforme à raison de 2 épisodes par semaine.

cobellenergy sur Tiktok

Et le respect des droits d’auteur dans tout ça ?

Il est évident que la publication illégale de contenus sous droits pose question. Réguler ce type de contenus sur TikTok devient un challenge très complexe en comptant les 34 millions de vidéos postées par jour sur la plateforme. Comment gérer le sentiment de non-respect du travail accompli pour la réalisation d’un film, d’une série etc. ? Publier un contenu en plusieurs parties porte-t-il atteinte à la nature même de celui-ci ? Comment gérer le partage de revenu ? Beaucoup de questions n’ayant pas de réponses encore assez concrètes. 

Pour remédier à ces publications, trop nombreuses, de contenus allant à l’encontre des conditions d’utilisation de la plateforme, TikTok a mis en place un algorithme de détection des contenus sous droits d’auteur. En plus de cela, les détenteurs de ces droits ainsi que les utilisateurs peuvent signaler à la plateforme un contenu qu’ils considèrent comme « piraté ».
Avec l’arrivée du Digital Services Act en Europe, de nombreuses plateformes comme TikTok se sont vues imposées la mise en place de mécanismes de signalement mais aussi de contrôle plus soutenus de ces contenus illicites. En septembre 2023, TikTok a annoncé avoir supprimé plus de 4 millions de contenus jugés comme illicites par l’Union Européenne.

Finalement, il ne reste plus qu’à voir si ce type de consommation et de diffusion dépassera le stade de tendance et réussira à s’installer dans le temps.

Margot Brenier


Bibliographie

Alcántara, A. (2023, 16 septembre). People are streaming pirated movies on TikTok, one short clip at a time. WSJ. https://www.wsj.com/tech/tiktok-pirated-movies-free-2cd9389a

Croquet, P., & Trouvé, P. (2023, 9 octobre). On TikTok, the success of « sliced up » films and TV series. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/en/pixels/article/2023/10/07/on-tiktok-the-success-of-sliced-up-films-and-tv-series_6155629_13.html

Holtermann, C., & Kircher, M. M. (2023, 4 octobre). ‘Mean Girls’ has a One-Day run on TikTok. The New York Times. https://www.nytimes.com/2023/10/04/style/tiktok-movies-mean-girls.html#:~:text=A%20Paramount%20representative%20wrote%20in,companies%20have%20experimented%20with%20TikTok.

Hoover, A. (2023, 14 novembre). TikTok is the new TV. WIRED. https://www.wired.com/story/tiktok-new-show-tv-takeover/

Murray, C. (2023, 24 octobre). Will ‘Don’t Look Up’ director’s new series work on TikTok ? It will need better luck than these social media efforts. Forbes. https://www.forbes.com/sites/conormurray/2023/10/24/will-dont-look-up-directors-new-series-work-on-tiktok-it-will-need-better-luck-than-these-social-media-efforts/?sh=42cf59fc5aa1

Radio-Canada. (2023, 15 juin). La transformation de TikTok en plateforme de diffusion, un clip piraté à la fois. Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1988120/tiktok-contenu-pirate-series-films-cinema-plateforme-diffusion-tendance

Rahmil, D. (2023, 28 septembre). Regarder Barbie par tranches de 3 minutes, c’est la vie de cinéphile que j’ai choisie. L’ADN. https://www.ladn.eu/media-mutants/tendance-tiktok-regarder-films-tranches/

Renaud-Chouraqui, E. (2024, 23 janvier). Quel sera l’impact du DSA dans la lutte contre la contrefaçon en ligne ? https://info.haas-avocats.com/droit-digital/quel-sera-limpact-du-dsa-dans-la-lutte-contre-la-contrefacon-en-ligne

Richards, J. (2021, 14 juin). TikTok TV : Aussie Gen Z drama ‘Scattered’ and the promise of a new platform. NME. https://www.nme.com/en_au/features/tv-interviews/tiktok-tv-aussie-gen-z-drama-scattered-2968680

Six, N. (2020, 8 avril). Quibi, le « Netflix » des vidéos courtes, se lance sur mobile aux Etats-Unis. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/04/07/quibi-le-netflix-des-videos-courtes-se-lance-sur-mobile-aux-etats-unis_6035878_4408996.html

Tingley, A. (2023, 14 novembre). Variety. Variety. https://variety.com/2023/digital/news/adam-mckay-yellow-dot-studios-cobell-energy-tiktok-series-ari-cagan-1235764568/

Les plateformes de streaming vidéo OTT en Asie: une concurrence féroce, notamment dans la production et l’acquisition de séries originales

Ces derniers temps, de plus en plus de séries asiatiques diffusées sur des plateformes de streaming internationales ont acquis une renommée et une influence dépassant leur continent d’origine. Cependant, en examinant attentivement le paysage audiovisuel en Asie, on remarque l’émergence d’une multitude d’autres productions exceptionnelles, similaires à une vague récente. Cette tendance est en partie alimentée par la concurrence féroce entre de nombreuses plateformes OTT en Asie, qui investissent de manière croissante dans le contenu, en particulier dans les créations originales ou exclusives. La diversité des plateformes OTT contribue également à cette concurrence de plus en plus intense.

Les plateformes: l’expansion rapide des applications OTT en Asie

Les plateformes OTT connaissent une importance croissante dans le paysage audiovisuel asiatique, marquant une transition significative dans la manière dont le contenu est consommé. Cette évolution est caractérisée par une expansion rapide des plateformes de streaming à travers la région. Lors de la conférence « Future of Media 2024 » en novembre 2023, les données de Nielsen Consumer & Media View (CMV) mettent en lumière l’adoption rapide des plateformes numériques en Asie, où 64 % des téléspectateurs privilégient désormais les services de streaming vidéo. Lors de cette même conférence, Arnaud Frade, président de la division commerciale pour l’Asie, a souligné que le visionnage multi-écrans est désormais la norme et que l’essor des chaînes de streaming est inexorable [1].

La grande et croissante base d’utilisateurs d’Internet en Asie, associée à une forte pénétration des appareils mobiles, offre un terrain propice aux services de OTT. Cela explique pourquoi le marché des plateformes de streaming vidéo en Asie se caractérise par une croissance rapide et une grande diversité [2].

En analysant plus en profondeur les tendances macro comme les raisons de cette expansion, dans sa rubrique « View from Asia » en juin 2023, Unmish Parthasarathi, fondateur de Picture Board Partners, souligne que cette adoption massive est due à trois tendances macro: une population jeune, particulièrement en Asie du Sud et du Sud-Est; une connectivité abordable et accessible; et le manque d’alternatives de divertissement à prix ou commodité. Il a également estimé que l’Asie devrait voir l’ajout d’un milliard de consommateurs en ligne au cours de cette décennie [3].

Un rapport intitulé « Future of TV » de la plateforme adtech The Trade Desk et du cabinet de recherche Kantar, mené en 2020 et axé sur l’Asie du Sud-Est, a révélé qu’OTT est l’un des canaux médiatiques à la croissance la plus rapide dans la région, avec un taux de pénétration de 31%, soit 180 millions de téléspectateurs OTT. Selon leur enquête, 72% des répondants estiment qu’ils maintiendront ou augmenteront leur consommation d’OTT à l’avenir [4].

En raison de son potentiel économique, l’Asie suscite rapidement un investissement important de la part des plateformes internationales qui cherchent à capturer une part de l’audience en pleine croissance. Commentant le rapport intitulé « Distribution vidéo en ligne et à large bande en Asie-Pacifique 2022 » de Media Partners Asia (MPA), le directeur exécutif de MPA, Vivek Couto, a déclaré : « Les investisseurs se concentrent de plus en plus sur une échelle accrue, une monétisation améliorée et une rentabilité réelle à travers les plateformes vidéo en ligne mondiales, locales et régionales. Dans ce contexte, le rôle de l’Asie-Pacifique continue de jouer un rôle crucial dans l’avenir de l’industrie mondiale de la vidéo en ligne. La région reste le plus grand contributeur à la croissance mondiale des clients et des utilisateurs de vidéo en ligne aujourd’hui et émerge comme un contributeur significatif à la croissance des revenus. » [5]

Par conséquent, sur la carte des plateformes OTT en Asie, nous pouvons observer un mélange entre les géants du streaming vidéo aux côtés des plateformes locales, les exemples les plus évidents étant Netflix ou Amazon Prime Video.

Les services OTT populaires dans les pays d’Asie du Sud-Est
Source: https://insight.freakout.net/what-is-ott-and-why-does-it-matter/

Le contenu: la concurrence dans la production et l’acquisition des séries originales

L’ampleur des investissements des plateformes OTT internationales sur le marché asiatique peut facilement s’expliquer par le succès des contenus originaux produits en Asie. Selon MPA, les dramas coréens ont largement dominé la part de marché du visionnage sur la plateforme Netflix en 2022 [6], aux côtés du triomphe de la série coréenne « Squid Game », devenant ainsi le programme le plus regardé sur Netflix à l’échelle mondiale. Cela témoigne de l’intérêt du public pour les contenus originaux asiatiques.


Source: Statista

Début 2023, selon les prévisions de MPA, Netflix a prévu de dépenser 1,9 milliard de dollars pour du contenu local dans la région Asie-Pacifique cette année-là, représentant ainsi 47% de ses revenus. Cette tendance est stimulée par la Corée, le Japon, puis suivie par l’Inde, l’Australie et certaines parties de l’Asie du Sud-Est [7]. Aujourd’hui, 60 % du public mondial de Netflix a regardé du contenu coréen, tandis que 70 % de ses spectateurs se trouvent en dehors des États-Unis [8].

En analysant le cas de Netflix, une compétition intense pour attirer les utilisateurs et sécuriser des contenus exclusifs a été relevée. Cette concurrence entre les plateformes internationales et locales a façonné l’industrie du divertissement en Asie. La grande majorité des bénéfices de Squid Game sont allés à Netflix, ce qui a incité le gouvernement coréen à intervenir, donc il a annoncé en juin 2023 son intention de fournir 500 milliards de wons (390 millions de dollars) pour aider les plateformes de streaming locales à rivaliser avec les concurrents mondiaux [8]. La montée de la concurrence dans la production de séries originales a été un aspect marquant de l’évolution du paysage audiovisuel asiatique. Cette compétition s’intensifie alors que de plus en plus de plateformes de streaming investissent dans la création de contenu exclusif pour attirer et fidéliser les audiences. En conséquence, cette concurrence est devenue un moteur pour les plateformes OTT locales, qui s’efforcent de se démarquer non seulement par la production de contenus exclusifs en interne mais également par l’acquisition de contenus exclusifs, notamment récemment avec les contenus « day and date ».

Le concept de « série day and date » a gagné en popularité en Asie, désignant la sortie simultanée des épisodes d’une série sur plusieurs marchés internationaux. Cette approche permet aux téléspectateurs asiatiques de regarder des séries au même moment que leurs homologues du monde entier, évitant ainsi les spoilers et créant une expérience de visionnage communautaire. Cette stratégie a été largement adoptée par les plateformes de streaming en Asie pour maximiser l’engagement et la portée de leurs séries originales.

Bien qu’il n’y ait pas de définition académique étant donné que c’est un phénomène nouveau, le terme « séries day and date » est couramment utilisé dans l’industrie télévisuelle. Les contenus “day and date” deviennent de plus en plus populaires et sont devenus un enjeu majeur en raison de :

  • La culture de l’idolatrise en Asie, principalement en Chine et en Corée du Sud, où la culture de l’idolatrise est bien établie et où la culture générale est exportée globalement depuis longtemps.
  • La lutte pour la part de marché dans le secteur concurrentiel de l’OTT, ce qui pousse les plateformes à vouloir être les premières, voire les seules, à diffuser ces contenus.
  • Selon les informations internes dans l’industrie, l’acquisition des séries “day and date” est très difficile parce que de nombreuses plateformes sont engagées dans des négociations pour obtenir les séries les plus convoitées et potentiellement rentables.

Parmi les séries “day & date” et les séries originales les plus populaires en Asie, plusieurs ont rencontré un succès remarquable, tant sur le plan critique que commercial. Ces séries originales ont contribué à renforcer la réputation des plateformes de streaming asiatiques sur la scène internationale et ont ouvert de nouvelles opportunités pour la production et la distribution de contenu asiatique à travers le monde.

Taxi Driver 2
Source: https://www.stellarsisters.com/casting-acteurs-taxi-driver-saison-2-confirmes/

La série coréenne « Taxi Driver 2 » est un exemple du succès des contenus “day and date”. Au Vietnam, la série a été diffusée pour la première fois sur l’application K+ (la plateforme OTT de Canal+ au Vietnam) en même temps qu’en Corée du Sud, ce qui a été un grand succès pour K+, en faisant le contenu “day & date” le plus rentable jamais diffusé sur ce plateforme. Cette série a récemment remporté le prix “Best Drama Series” (Meilleure Série) lors de la 28e cérémonie des “Asian Television Awards”, qui s’est tenue à Ho Chi Minh-Ville, Vietnam [9].

Un autre exemple est la série chinoise « Only for Love ». Avant sa diffusion, la série a suscité beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme, comme en témoignent les plus d’un million de notifications de visionnage préalablement enregistrées sur la plateforme Mango TV (la plateforme de diffusion originale de cette série) [10]. Cet intérêt pour la série a conduit à une forte demande au niveau de l’acquisition entre les plateformes OTT en Asie.

Les prospects dans l’avenir des plateformes OTT en Asie

La concurrence intense entre les plateformes OTT en Asie bénéficie aux consommateurs en leur offrant un large éventail d’options de contenu et de forfaits adaptés. Cependant, cette diversité accrue rend les choix plus difficiles, notamment en ce qui concerne les prix, les préférences de contenu et les plateformes préférées. Pour rester pertinentes dans un marché en constante évolution, les plateformes de streaming doivent rester à l’écoute des besoins des consommateurs. L’avenir du paysage audiovisuel asiatique dépendra des stratégies des plateformes OTT pour attirer les créateurs et maintenir la qualité des contenus. Les tendances émergentes comme les coproductions internationales et les formats innovants joueront également un rôle clé.

Thi Xuan Ha Nguyen

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Sitographie:

[1] https://www.nielsen.com/fr/news-center/2023/streaming-and-digital-on-the-rise-in-asia/

[2] https://www.vdocipher.com/blog/2022/01/asia-vod-platforms/

[3] https://www.isportconnect.com/the-view-from-asia-the-rise-and-rise-of-ott-in-asia/ 

[4] https://www.contentgrip.com/report-future-of-tv-ott-southeast-asia/ 

[5] https://www.broadcastprome.com/news/apac-online-video-revenue-to-hit-73bn-by-2027-mpa/ 

[6] https://www.contentasia.tv/news/netflixs-apac-content-spend-may-hit-us19b-2023-apac-revenues-12-us4b-japan-korea-drive-growth

[7] https://variety.com/2023/tv/news/netflix-content-spending-asia-pacific-1235543665/ 

[8] https://time.com/6339351/netflix-squid-game-asia-expansion/ 

[9] https://tuoitrenews.vn/news/ttnewsstyle/20240115/south-korean-netflix-series-wins-asian-emmys-in-vietnam/77845.html

[10] https://bazaarvietnam.com/review-phim-di-ai-vi-doanh-only-for-love/

L’IA, la nouvelle arme pour capturer notre attention

Dans le monde tumultueux du numérique, une vérité demeure inchangée : notre attention est une ressource précieuse, convoitée par les géants de la technologie. 

Aujourd’hui, nous nous interrogeons sur le rôle croissant de l’intelligence artificielle (IA) et de l’analyse prédictive dans l’économie de l’attention, un concept dont l’importance a été cyniquement résumée par Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1, lorsqu’il déclarait en 2004 que la chaîne vendait du « temps de cerveau humain disponible » à des annonceurs comme Coca-Cola. Cette remarque, qui a suscité une polémique en France, résonne avec une pertinence accrue à l’ère du numérique.

Qu’est-ce que l’économie de l’attention ? 

L’économie de l’attention, concept qui a émergé dans les années 90, décrit un monde où l’abondance d’informations dépasse notre capacité à les absorber. Dans cet univers saturé, capter l’attention devient un enjeu majeur. Les entreprises, en exploitant nos tendances à la distraction, s’efforcent de nous maintenir collés à nos écrans pour maximiser l’exposition publicitaire. 

Chaque jour, nous sommes submergés par 720 000 heures de nouvelles vidéos sur YouTube5 milliards de snaps, et 500 millions de stories. Cela se traduit par une capacité réduite à se concentrer, avec une attention moyenne tombant à peine à 9 secondes par sujet. Les entreprises doivent donc se battre pour gagner un peu plus d’attention de chacun.

Quel lien avec l’analyse prédictive et l’IA ? 

L’analyse prédictive, utilisant des techniques comme l’apprentissage automatique, la modélisation statistique, et l’exploration de données, anticipe nos comportements futurs. Elle est employée massivement dans le marketing, notamment à travers le scoring pour prioriser les clients, les modèles d’identification pour acquérir de nouveaux prospects, et la segmentation automatisée pour personnaliser les campagnes publicitaires.

L’IA, en particulier le Machine Learning, est au cœur de cette révolution. Elle permet de créer des modèles sophistiqués capables d’identifier des schémas complexes dans de vastes ensembles de données. Ces modèles, qu’ils soient supervisés ou non supervisés, sont utilisés pour anticiper les tendances et les comportements, offrant aux entreprises un avantage compétitif notable.

À l’ère du numérique, nous assistons donc à une redéfinition de l’économie de l’attention, propulsée par l’IA et l’analyse prédictive. Les entreprises ne se contentent plus de vendre des produits ; elles vendent notre attention, en exploitant nos interactions sur le web. Mais à quel prix pour notre liberté et notre capacité à choisir ?

Comment l’IA et l’analyse prédictive transforment-elles l’économie de l’attention, et quelles sont les implications éthiques, sociales et personnelles de cette nouvelle ère de l’hyper-attention ?

L’Impact de l’IA et de l’Analyse Prédictive sur l’Économie de l’Attention

Une recherche montre que, dans le monde actuel saturé de contenus, les marques réalisent 90% de leurs interactions avec leurs parties prenantes à partir de seulement 5% de leurs contenus. Cela suggère que la majorité des contenus produits suscitent peu ou pas d’engagement. Avec la montée de l’IA générative, les organisations ont le choix entre produire une quantité croissante de contenus de faible qualité ou opter pour une stratégie axée sur la production de contenus de haute qualité. Cette seconde stratégie, qui inclut le ciblage des publics, la pertinence et la créativité des contenus, et l’interactivité, semble être la plus viable. 

L’intelligence artificielle (IA) et l’analyse prédictive transforment radicalement l’économie de l’attention, en particulier dans le domaine du marketing. Ces technologies permettent une approche plus qualitative et personnalisée du contenu, ce qui est crucial dans un monde où une grande partie du contenu produit suscite peu ou pas d’engagement. 

Génération de contenu et analyse de données : L’IA est utilisée pour créer du contenu personnalisé et analyser des données complexes, transformant ces informations en rapports faciles à comprendre et en visualisations captivantes. Selon l’étude de HubSpot, 48 % des entreprises utilisent l’IA générative dans divers aspects de leur stratégie marketing, améliorant ainsi la prise de décision et la création de rapports de performance.

Prédiction du comportement des clients : Grâce à ses immenses bases de données, l’IA identifie des modèles dans les interactions et préférences des consommateurs pour prédire leur comportement. Des outils comme Predict AI by Neuronsutilisent des données de suivi oculaire et de réponse cérébrale pour comprendre comment les clients réagissent aux publicités et à la marque.

Amélioration du processus créatif : L’IA aide les équipes marketing à analyser de grandes quantités de données pour guider le processus créatif. Par exemple, Persado a analysé trois ans de données d’un client de détail pour identifier les concepts et messages les plus puissants, influençant ainsi l’ensemble du processus créatif.

Les Questions Éthiques : Vie Privée et Manipulation

L’utilisation de l’IA et de l’analyse prédictive dans le marketing soulève des inquiétudes éthiques, notamment autour de la vie privée et de la manipulation des comportements. 

L’article de Forbes souligne que le marketing nécessite un équilibre délicat entre l’engagement de technologies prédictives intelligentes, comme l’IA, et le respect des normes éthiques qui construisent la confiance entre les marques et les clients.

Dans cette perspective, la technologie prédictive peut avoir des implications éthiques profondes, en particulier lorsqu’elle est utilisée pour découvrir des vérités non volontaires sur les individus à partir de données existantes. Un article de la Harvard Business Review intitulé « Quand la technologie prédictive devient-elle contraire à l’éthique ? » par Eric Siegel, soulève des questions importantes sur les implications éthiques de la technologie prédictive. Il se concentre sur le dilemme éthique qui se pose lorsque les algorithmes peuvent prédire des informations sensibles sur vous (comme votre orientation sexuelle ou si vous souhaitez quitter votre emploi). Ces prédictions ne sont pas basées sur la manipulation, la fuite ou le vol de données. Au contraire, elles sont générées à partir de nouvelles données – la découverte indirecte de vérités non volontaires sur les individus. L’article soulève la question de savoir s’il y a un inconvénient lorsque les modèles prédictifs fonctionnent trop bien. Nous savons qu’il y a un coût lorsque les modèles prédisent de manière incorrecte, mais y a-t-il aussi un coût lorsqu’ils prédisent correctement ? Il est important de rester vigilant lorsque l’apprentissage automatique sert à renforcer une pratique contraire à l’éthique existante, et également lorsqu’il génère des données qui doivent être manipulées avec soin.

De plus, un article de Forbes, de août 2023, explore comment l’IA transforme la façon dont les entreprises interagissent avec leurs clients, influençant les décisions d’achat et le comportement des consommateurs.

Il souligne que la montée de l’IA et la demande d’hyper-personnalisation des services est une épée à double tranchant. L’IA permet aux entreprises de créer des liens plus forts avec leurs clients grâce à des expériences sur mesure qui répondent aux besoins et aux préférences individuelles, des suggestions de produits personnalisées au service client individualisé. Pourtant, alors que ces services « pratiques » permis par l’IA deviennent la norme, les entreprises devraient-elles toujours chercher à dépasser les attentes des clients ?

Conclusion 

Pour clore, un petit conseil de Sabine Duflo : adoptons la méthode des « 4 pas » pour échapper à l’aspirateur de l’attention que sont nos écrans. Tout simplement : pas d’écrans le matin, ni aux repas, avant de dormir ou dans la chambre. C’est comme un régime, mais pour nos yeux !

L’intégration de l’IA et de l’analyse prédictive dans l’économie de l’attention suggère un futur où la qualité du contenu prime sur la quantité. Néanmoins, cette évolution nécessite une réflexion éthique approfondie, centrée sur la protection de la vie privée et la prévention de la manipulation des consommateurs.

Enfin, un petit mot de Rémi Godeau sur le livre de Bruno Patino, Submersion (2023) : « Désormais, nous explique Bruno Patino, la submersion paralyse et le choix peut devenir une suffocation : « Une concurrence inattendue se présente : l’économie du choix. » ».

Jeanne BOUVARD


Sources 

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Bouissiere, Y. (2024). YouTube™ : statistiques complètes & chiffres clés 2024. Proinfluent.com (https://www.proinfluent.com/youtube-chiffres-cles/)

Dubourg, B. (2022). L’économie de l’attention. Rédaction financière. (https://www.redactionfinanciere.com/l/leconomie-de-lattention/)

Godeau, R. (2024). Economie du choix, intelligence artificielle et médias : le grand carambolage. LinkedIn. (https://www.linkedin.com/pulse/economie-du-choix-intelligence-artificielle-et-médias-rémi-godeau-rv5ge/?originalSubdomain=fr)

Hironde, J-B. (2023). AI’s Impact On The Future Of Consumer Behavior And Expectations. Forbes. (https://www.forbes.com/sites/forbestechcouncil/2023/08/31/ais-impact-on-the-future-of-consumer-behavior-and-expectations/?sh=fee61e47f6db)

Hutchinson, E. (2022). The Role Of Ethics In The Evolving World Of Marketing AI. Forbes. (https://www.forbes.com/sites/forbescommunicationscouncil/2022/08/17/the-role-of-ethics-in-the-evolving-world-of-marketing-ai/?sh=4bc830fc2e97)

Leuenberger, M. (2023). Statistiques Instagram : 10 chiffres pour améliorer sa stratégie social media en 2024. Shopify. (https://www.shopify.com/fr/blog/statistiques-instagram)

Sansonetti, J. (2024). Chiffres Snapchat 2023 : Statistiques, utilisateurs du réseau social et prévisions. WiziShop. (https://www.wizishop.fr/blog/chiffres-snapchat)

Shahid, K. (2023). 11 Artificial Intelligence Examples from Real Brands in 2023. Hubspot Blog. (https://blog.hubspot.com/marketing/11-artificial-intelligence-examples-from-real-brands-in-2024)

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(2023). Comment l’IA transforme le marketing en entreprise. Archimag. (https://www.archimag.com/demat-cloud/2023/10/30/hubspot-enquete-intelligence-artificielle-ia-marketing-entreprises)

Marketing truth or marketing hype? Beckon digs into the latest buzzwords and trends to reveal what’s working and what’s not. Beckon. (https://s39940.pcdn.co/wp-content/uploads/2018/12/Marketing-Truth-or-Marketing-Hype-Beckon-Report.pdf)

La chronologie des médias à l’ère de la SVOD : Quelles problématiques ?

Le « Nouveau Monde de la Distribution »

L’essor du streaming et l’augmentation rapide des contenus audiovisuels en ligne, combinés à l’évolution de nos habitudes de consommation, ont radicalement transformé l’industrie du cinéma traditionnelle. Cette métamorphose a engendré un nouvel écosystème où les films sont diffusés via une multitude de canaux et génèrent des revenus de diverses sources. Selon Peter Broderick (producteur américain), nous sommes en présence d’un « Nouveau Monde de la Distribution« , qui se distingue par des coûts réduits, des stratégies personnalisées, des sources de revenus variées et un accès direct aux spectateurs.

Dans ce cadre, Internet occupe une place centrale dans la désintermédiation de l’industrie cinématographique, affaiblissant les intermédiaires traditionnels tels que les distributeurs et les exploitants, au profit d’une relation directe entre producteurs et consommateurs. Autrefois, la chronologie des médias, qui garantissait plusieurs fenêtres d’exploitation pour les films, permettait de segmenter les sources de revenus, de la sortie en salle à la diffusion en DVD, puis à la télévision payante et gratuite. Cependant, avec l’apparition des services de vidéo à la demande, de plus en plus proches de la sortie en salle, chaque fenêtre d’exploitation se rétrécit.

La chronologie des médias actuelle en France…

Initialement conçue pour protéger les salles de cinéma de la concurrence de la télévision, puis de la vidéo, la chronologie des médias avait pour objectif de garantir un équilibre dans le paysage audiovisuel. La France s’est distinguée en adoptant une approche singulière, tant au niveau européen qu’international, en édictant des textes contraignants. Ces derniers étaient d’abord intégrés aux cahiers des charges des chaînes publiques durant l’ère du monopole dans les années soixante et soixante-dix, puis inscrits dans la loi en 1982. Aujourd’hui, ces principes sont régis par des décrets découlant d’accords interprofessionnels.

En effet, la chronologie des médias est ponctuellement actualisée, pour tenir compte des usages qui émergent, de l’arrivée de nouveaux concurrents et de l’évolution du paysage audiovisuel. Révisée en 2018 puis en 2022, voici les grandes lignes de la chronologie des médias actuelle :

Source : Numerama

… et à l’international ?

Un bref tour d’horizon à l’étranger révèle qu’aucun autre pays au monde ne possède une réglementation aussi rigoureuse et précise que la France en matière de chronologie des médias. La directive européenne SMA accorde aux États membres la liberté d’appliquer des règles plus strictes ou plus détaillées que celles prévues au niveau européen pour les services relevant de leur compétence.

Cependant, la majorité des pays ont choisi de ne pas légiférer sur la question de la chronologie des médias. Certains pays européens, à l’instar de l’Allemagne, ont néanmoins adopté des dispositions législatives, bien que moins contraignantes. En Allemagne, par exemple, l’obtention d’aides publiques est conditionnée au respect de délais de diffusion spécifiques : six mois pour les services à la demande, douze mois pour les chaînes de télévision payantes et dix-huit mois pour les chaînes de télévision gratuites. Le Portugal dispose également d’une réglementation via un décret-loi datant de 2006, mais les dispositions de ce décret peuvent être modifiées dans le cadre d’accords entre les ayants droit et les diffuseurs.

En outre, dans ces pays, une œuvre qui ne sort pas en salle peut être diffusée directement à la télévision ou sous forme de DVD, ce qui n’est pas possible en France actuellement, risquant de perdre une part significative des financements prévus pour une sortie en salles. Cependant, la plupart des autres pays, comme la Grèce, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Danemark, la Roumanie, n’ont tout simplement pas de dispositions sur la chronologie des médias, tout comme aux États-Unis où la question de la diffusion est réglée contractuellement, film par film.

Les « petits films » souffrent-ils de la chronologie des médias ?

En 2013, le Bureau Européen des Unions des Consommateurs (BEUC) a souligné que la chronologie des médias en vigueur ne correspondait pas à la réalité du marché, en particulier en donnant la priorité à l’exploitation en salle malgré l’émergence des nouveaux canaux de distribution comme les services de SVOD1. Selon le BEUC, l’ordre chronologique des fenêtres d’exploitation nuit particulièrement aux films « modestes » dont les budgets de promotion sont limités. Ainsi, rendre les œuvres disponibles rapidement après leur sortie en salle serait plus avantageux sur le plan commercial.

L’ordre traditionnel de sortie des films est de plus en plus remis en question, comme le souligne Xavier Rigault, producteur français et co-président de l’Union des producteurs de cinéma. Selon lui, permettre à un film de sortir directement en vidéo pourrait contribuer à « décongestionner les salles » et à réduire le piratage des œuvres, un problème majeur actuellement au sein de l’industrie du cinéma. Actuellement, lorsqu’un film est retiré rapidement de l’affiche, il doit attendre quatre mois avant de pouvoir être diffusé en vidéo. Cependant, promouvoir cette « deuxième sortie » nécessite un nouvel investissement dans une campagne publicitaire, ce qui pose un réel défi pour de nombreux distributeurs. Cette difficulté est accentuée par le fait que la durée de vie d’un film en salle est courte, généralement entre 10 et 15 jours, en raison du nombre important de films sortant chaque semaine, d’autant plus que les blockbusters américains laissent peu de place à la diversité.

Qu’est-ce qu’une œuvre cinématographique en 2024 ?

La salle de cinéma a longtemps représenté le principal lieu d’exploitation des films, étant même déterminante dans la définition d’une « œuvre cinématographique », qui est officiellement reconnue comme telle une fois qu’elle a obtenu un visa d’exploitation, lequel nécessite une diffusion en salles.

Cependant, de nos jours, de plus en plus de diffuseurs produisent leurs propres contenus, parfois réalisés par des cinéastes renommés, qui suivent les mêmes codes que les films traditionnels, mais sont diffusés exclusivement sur leurs plateformes de streaming, contournant ainsi le circuit traditionnel des cinémas. Cette évolution soulève la question de savoir si des films tels que « A l’Ouest rien de nouveau » (Edward Berger, 2022), « The Killer » (David Fincher, 2023), « The Power of The Dog » (Jane Campion, 2021), ou encore « The Irishman » (Martin Scorsese, 2019) doivent être considérés comme des œuvres cinématographiques, même si leur première diffusion se fait sur une plateforme de SVOD telle que Netflix. Malgré cela, ces films démontrent une qualité de réalisation, d’écriture et de technique qui les distingue davantage des téléfilms que des œuvres cinématographiques conventionnelles.

The Irishman (Martin Scorsese, Netflix, 2019)

Cette question de classification suscite des débats, notamment lors de festivals de renom comme Cannes, où les films non destinés à sortir en salles en France ne sont pas éligibles à la compétition. En revanche, la Mostra de Venise a décerné le Lion d’Or à une production Netflix (« Roma » d’Alfonso Cuaron, 2018) et les Oscars ont récompensé en 2021 le dernier film de Jane Campion, « The Power of the Dog« .

Cependant, au-delà de cette question de désignation, se pose celle de l’accès aux mécanismes de financement de la production cinématographique. Il est donc crucial de déterminer si de telles œuvres peuvent bénéficier des aides financières du CNC, même si elles ne sortent pas en salles. De nombreuses voix plaident en faveur d’un assouplissement de l’obligation de première diffusion en salles, proposant que les films puissent obtenir leur statut cinématographique en étant diffusés directement en vidéo, ce qui pourrait favoriser une diversification des modes d’exploitation et une évolution du paysage cinématographique français.

Quel avenir pour la chronologie des médias ?

Face à l’évolution rapide des plateformes de SVOD, les autorités pourraient choisir une approche plus flexible en assouplissant les règles de la chronologie des médias, en renonçant à son caractère contraignant au profit de recommandations, éventuellement assorties d’incitations fiscales ou budgétaires. Cette tendance reflète celle observée dans de nombreux pays étrangers, où les ayants droit ont plus de latitude dans la gestion de la chronologie des médias, permettant ainsi une plus grande souplesse dans la diffusion des films. Cette approche favorise l’expérimentation et pourrait permettre de distinguer les approches bénéfiques à long terme de celles moins favorables.

Selon Jean-Yves Mirski, délégué général du Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN), il y a une tendance à réduire les délais entre la sortie en salle et la diffusion sur d’autres supports. La sortie universelle, où un film est lancé simultanément sur tous les supports, est de plus en plus envisagée. Cette pratique n’est plus taboue, notamment depuis la sortie du film de Steven Soderbergh, « Bubble« , en 2006, qui est sorti au cinéma et sur la chaîne coproductrice HDNET, puis en DVD quatre jours plus tard. Des stratégies similaires sont de plus en plus courantes, comme la diffusion en VOD premium avant la sortie en salles de « Melancholia » de Lars von Trier en 2011, ou la mise à disposition gratuite sur YouTube du film « Home » de Yann Arthus-Bertrand dix jours avant sa sortie en salles, à la télévision et en DVD, qui a rencontré un réel succès auprès du public (à noter qu’il s’agit d’un film militant destiné à être vu par l’audience la plus étendue possible).

Cependant, bien que certaines expériences de diffusion simultanée sur plusieurs supports rencontrent un succès réel, elles restent exceptionnelles et résultent souvent d’un financement particulier ou d’une stratégie publicitaire spécifique.

Il est ainsi légitime de remettre en question l’intervention de l’État dans l’établissement de la chronologie des médias. Plutôt que d’imposer des règles, pourquoi ne pas laisser chaque acteur décider de ses propres règles en concluant des contrats avec les détenteurs des droits de films et les différents circuits de distribution ? En d’autres termes, serait-il possible de privilégier les mécanismes du marché, basés sur l’offre et la demande, plutôt que des décisions publiques dans le domaine de la chronologie des médias ? Les professionnels du secteur se verront confrontés à ces questions dans les années à venir, avec une nécessité de révision de la chronologie des médias envisagée d’ici début 2025.

Anne-Lise MAGNIEN


Sources

Pascal Lechevallier, 2020, La Chronologie des médias en Europe

Alex Scoffier, 2019, Repenser l’industrie du cinéma à l’ère du numérique

Alain Le Diberder, 2020, Chronologie des médias : attention danger !

Observatoire européen de l’audiovisuel, 2019, La chronologie des médias : une question de temps


  1. Livre vert : Se préparer à un monde audiovisuel totalement convergent, 2013
    https://www.beuc.eu/sites/default/files/publications/2013-00586-01-e.pdf ↩︎

Comment TikTok influence l’industrie cinématographique ? 

Tiktok prend de plus en plus de place dans l’industrie cinématographique, que ce soit à travers les publicités qui font la promotion de films sur la plateforme, des critiques de films, des courts métrages réalisés par les créateurs de contenus ou encore la rediffusion d’extraits de films.  Le 3 octobre 2023, Paramount est allé encore plus loin et a diffusé sur la plateforme la totalité du film Mean Girls (2004). Le film avait alors été découpé en 23 parties. La date du 3 octobre fait directement référence au film puisqu’il s’agit du « Mean Girls Day » qui est devenu un véritable symbole de la culture populaire (Croquet & Trouvé , 2023). Nous pouvons également supposer que ce coup marketing a été effectué afin de relancer l’engouement pour Mean Girls alors qu’un remake est sorti le 10 janvier 2024. Paramount a alors su s’adapter à une tendance Tiktok qui propose un découpage de différents contenus (afin de s’accorder au format) allant d’un film, une série ou encore un reportage.

La promotion, le point décisif

Lors la sortie d’un film, le marketing est un facteur essentiel et déterminant pour son parcours. D’après Laurent Creton, l’objectif du marketing dans le cinéma « est de satisfaire dans les meilleures conditions les attentes et les besoins de la clientèle afin d’optimiser l’adéquation du produit avec son marché » (Creton, 2020). Si nous reprenons notre exemple Paramount et Mean Girls, c’est exactement ce que le studio a fait. Il a su adapter son format à la cible choisie (une cible jeune 15-24 ans) et au format proposé par Tiktok.

La promotion se crée autour du film et une « image de marque » se crée. L’exemple parfait est le film Barbie, sortie en 2023. Sans un budget colossal de 150 millions de dollars, l’influence du film n’aurait certainement pas été la même (Jouin, 2023). L’été 2023 fut un été en rose. Tout était aux couleurs de la célèbre Barbie, de nombreuses marques se sont également associées pour créer des collections spéciales telles que Crocs, O.P.I, AirBnb, Zara, Maserati ou encore Buger King. Grâce à cette diversité de marques et de représentations, l’influence de Barbie n’a fait que croître. Evidemment, les tendances Tiktok ont également suivi à travers plusieurs hashtags. Nous pouvons citer le #Barbiefoot où les utilisateurs reproduisent une scène du film ou Margot Robbie enlève ses talons ; #Barbieshake qui consiste à boire un milkshake rose avant de se transformer en Barbie ou encore le #Barbiemovie qui rassemble tous types de contenus autour du film. D’autres hashtags tel que #NotMyKen a lui aussi fait réagir avant la sortie du film. Cet hashtag dénonçait le fait que Ryan Gosling soit trop âgé pour jouer le rôle de Ken. Aux vues du succès du film, cet hashtag n’a pas entaché sa réputation. Tiktok, en tant que relayeur de contenu a réellement fait partie du processus de marketing 360 pour le film, a accru sa visibilité et a sans doute poussé de nombreuses personnes à se rendre en salles (1,446 millliards de dollars au box office).

Tiktok se place ainsi comme un outil marketing incontournable pour les films et leur éventuel succès. Pourquoi ? Grâce à son fort taux d’engagement, son format court/créatif et sa viralité.

Insaisissable et imprévisible

En 2023, la sortie du film Le Consentement restera un cas d’école en ce qui concerne l’influence de Tiktok sur le parcours d’un film. Le Consentement relate l’histoire de Vanessa Spingora, 14 ans, alors sous l’emprise de Gabriel Matzneff, célèbre auteur des années 1980. C’est une adaptation du roman Le Consentement de Vanessa Spingora. Lors de la première semaine d’exploitation, le film a cumulé environ 59 000 entrées. Habituellement, après la première semaine, les entrées pour un film sont divisées par deux et particulièrement pour les films d’auteurs. C’est exactement l’inverse qui est arrivé pour Le Consentement, en trois semaines, les entrées ont triplé pour arriver à un pic d’entrées de 142 000 et redescendre. Au total, le film aura comptabilisé 616 000 entrées (AlloCiné , 2023). Ces chiffres records s’expliquent par l’émergence d’une tendance Tiktok qui avait pour but de se filmer avant et après avoir vu le film. La vidéo de « l’après » met en évidence de façon nette le choc ressenti par les utilisateurs.

Le #leconsentementfilm dénombre plus de 7,8 millions de vues sur Tiktok et les vidéos liées au film ont été vues plus de 20 millions de fois (Vasseur, 2023). Marc Missonier, producteur du film avait alors déclaré, « Les ados se sont emparés du film par eux-mêmes. Il faut rester modeste par rapport à ça, c’est impossible à programmer. Mais le film les a touché au cœur, c’est certain ». Il reconnaît « n’avoir pas prévu ce phénomène ». Du fait de la popularité du film sur Tiktok, un public jeune s’est rendu en salle et un réel engouement est né. De plus, par son sujet, le film a certainement raisonné pour de nombreux jeunes qui sont de plus en plus engagés et favorisent la liberté de la parole sur des sujets tels que les violences sexuelles. Ainsi, en plus de donner de l’élan à ce film d’auteur, via la plateforme Tiktok, des sujets sociétaux sont abordés et permet une certaine forme de libération de la parole. Comme nous l’avons précédemment évoqué, Tiktok est un réseau social important dans la promotion d’un film mais cet évènement n’était pas prévu par le distributeur. La plateforme « n’a pas amplifié le succès du Consentement, il l’a créé » (Guerrin, 2023). A l’inverse de l’exemple du film Barbie où le réseau social avait justement été utilisé pour élargir le succès du film. Tiktok se démarque alors par sa viralité insaisissable et imprédictible.

Plus récemment, le film Saltburn a également pu profiter de la viralité de Tiktok et accroitre sa notoriété. Il s’agit d’un cas légèrement différent puisqu’il s’agit d’un film sorti sur Prime Video le 22 décembre 2023 et non en salle. Il est donc plus difficile de quantifier les vues puisque Prime Video ne partage pas ses données. Cependant, nous pouvons tout de même remarquer l’importance du film sur Tiktok. Saltburn, réalisé par Emerald Fennell, raconte l’histoire d’un étudiant de l’Université d’Oxford qui va se plonger dans l’univers aristocratique grâce à son camarade de classe qui l’invite dans son vaste domaine familial. A nouveau, ce film a fait parler de lui sur Tiktok pour ses scènes choquantes, les utilisateurs se filmaient alors en train de réagir. Le #Saltburn dénombre plus de 5,5 milliards de vues. Tiktok a également propulsé la chanson « Murder On The Dancefloor » de Sophie Ellis Bextor qui apparait à la fin du film. Scène durant laquelle Barry Keoghan déambule et danse dans le manoir. Cette scène finale a alors été reproduite par de nombreuses personnes sur Tiktok. La chanson « Murder On The Dancefloor » a été utilisée plus de 226 00 fois et a été écoutée plus de 1,5 millions de fois le soir du nouvel an soit une augmentation de 340% par rapport à l’année dernière (La Dépêche, 2024). Que ce soit en salle ou sur les plateformes, Tiktok offre une certaine accessibilité du cinéma au jeune public.

Quelles perspectives ?

Après avoir bouleversé l’industrie musicale, Tiktok s’en prend au fonctionnement de l’industrie cinématographique. De par un fort taux de complétion et d’engagement, le système de vidéos courtes mis en place influence directement la décision de l’utilisateur : regarder un film ou non. A noter, « 52 % des utilisateurs de TikTok ont découvert un nouvel acteur, un nouveau film ou une nouvelle émission de télévision sur TikTok. Ce taux démontre à nouveau le pouvoir que la plateforme afin de susciter des tendances et une popularité pour les films (Davies, 2023 ). Tiktok place le spectateur au cœur de la dynamique.

Après avoir étudié la façon dont Tiktok s’implante dans le but de créer un engouement et pousser le public à aller au cinéma ou regarder des films, nous pouvons ouvrir notre sujet nous demander si Tiktok ne serait pas finalement un concurrent à l’industrie cinématographique.  La plateforme opère un réel changement dans les habitudes de ses utilisateurs. Comme nous l’avons évoqué, il est possible de regarder des films en plusieurs parties. Au-delà d’être utilisé comme un outil de marketing, un outil propulseur, la plateforme Tiktok pourrait elle-même en être actrice. En 2023, Tiktok, partenaire officiel du Festival de Cannes avait déjà organisé son propre festival de court-métrages. Le « Tiktok Short Film » qui permettait aux cinéphiles du réseau social de soumettre leur création, une vidéo verticale originale de plus d’une minute. Néanmoins, cet élan peut remettre en question la légitimité de Tiktok à se positionner comme acteur du cinéma.

Solène TAGMOUNT

Références

AlloCiné . (2023). Le Consentement . Récupéré sur AlloCiné.

Creton, L. (2020). La marketing cinématographique . Dans L. Creton, Economie du cinéma (p. 157 à 177). Armand Colin .

Croquet , P., & Trouvé , P. (2023, Octobre 5). Sur TikTok, le succès des films et reportages « saucissonnés ». Récupéré sur Le Monde : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/10/05/sur-tiktok-le-succes-des-films-et-reportages-saucissonnes_6192690_4408996.html

Davies, R. (2023 , Avril 21). TikTok is changing the film industry by putting the power back in the hands of fans. Récupéré sur Why Now: https://whynow.co.uk/read/tiktok-is-changing-the-film-industry-by-putting-the-power-back-in-the-hands-of-fans

Guerrin, M. (2023, Novembre 17). « En assurant le succès du film “Le Consentement”, grâce à un public jeune et populaire, TikTok réussit là où des politiques culturelles échouent depuis des décennies ». Récupéré sur Le Monde: https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/17/en-assurant-le-succes-du-film-le-consentement-grace-a-un-public-jeune-et-populaire-tiktok-reussit-la-ou-des-politiques-culturelles-echouent-depuis-des-decennies_6200560_3232.html

Jouin, S. (2023, Octobre 10). Barbie : une campagne marketing aux 150 millions de dollars. Récupéré sur Affect: https://www.afffect.fr/blog/barbie-une-campagne-marketing-aux-150-millions-de-dollars

La Dépêche. (2024, Janvier 2024). « Saltburn », le film tendance sur les réseaux sociaux. Récupéré sur La Dépêche : https://www.ladepeche.fr/2024/01/11/saltburn-le-film-tendance-sur-les-reseaux-sociaux-11691380.php

Vasseur, V. (2023, Octobre 23). « Le consentement » : comment une tendance TikTok a relancé cette adaptation du roman de Vanessa Springora. Récupéré sur France Inter: https://www.radiofrance.fr/franceinter/le-consentement-sur-tiktok-le-film-adapte-du-roman-de-vanessa-springora-plebiscite-par-les-jeunes-1978640

Le chaos informationnel généré par la certification payante sur les réseaux sociaux : étude du cas de X


La prolifération de fausses informations sur les réseaux sociaux est aujourd’hui un problème sociétal et politique majeur. Ceci s’inscrit dans un contexte où les réseaux sociaux se positionnent en tant que principal moyen d’acquisition d’information chez les jeunes. Selon une étude de Médiamétrie datant de 2018, 71 % des individus âgés de 15 à 34 ans déclarent utiliser régulièrement les réseaux sociaux à des fins d’information, surpassant ainsi l’audience des journaux télévisés (49 %), des flashs d’information sur les radios musicales (33 %) et même de la presse quotidienne, incluant sa version en ligne (29 %). 

Cette nouvelle réalité suscite un certain nombre d’inquiétudes largement discutées dans les sphères politiques et médiatiques. L’un des sujets phares concerne le fait que Facebook et X (anciennement Twitter) jouent un rôle central dans la diffusion et la propagation de « fake news », rumeurs et autres formes de désinformation. 

Pourtant, ces géants des médias proposent en majorité un service de vérification de comptes. La vérification, symbolisée par un badge ou une encoche, joue, du moins historiquement, un rôle de confirmation de l’identité du détenteur du compte.

Rapide historique des modèles de certification

Twitter a été le précurseur de la vérification des comptes sur les réseaux sociaux en 2009 après avoir conclu que les suspensions de comptes à posteriori étaient insuffisantes pour faire face aux usurpations d’identité. Au cours des années suivantes, les principales plateformes ont suivi le modèle de Twitter, proposant une vérification de compte avec une terminologie similaire et une iconographie comparable. 

Figure 1 : Historique des programmes de vérification de compte sur les principales plateformes de médias sociaux en janvier 2023 (8.)

La finalité principale de la vérification de compte, point de cohérence au fil du temps et sur différentes plateformes jusqu’aux modifications récentes de X et Meta, a été de remédier à l’usurpation de compte en confirmant l’identité du propriétaire du compte. Cependant, la vérification a rapidement pris une autre signification, notamment en tant que signe de l’importance d’un compte et de la crédibilité de son contenu.

La transition vers un modèle de certification payante

Meta et X, ont récemment entamé une transition majeure dans leurs programmes de certification de compte, évoluant d’un système de confirmation d’identité des utilisateurs à un service premium payant. 

Cette tendance semble principalement motivée par une stratégie visant à accroître les profits et à revitaliser un modèle économique éprouvé. Cependant, ces transformations ne se limitent pas à de simples ajustements de service. Elles entraînent également une refonte significative des modalités d’accès à l’information sur ces plateformes, soulignant ainsi l’impact profond de ces innovations sur la dynamique de partage et de consommation d’informations au sein de ces réseaux sociaux.

Historiquement, Twitter réservait l’attribution des encoches bleues uniquement aux comptes jugés « actifs », « remarquables » et « authentiques ». La démonstration d’authenticité impliquait notamment une preuve d’identité, telle qu’une photo d’un permis de conduire. 

Depuis décembre 2022, X est passé sous un nouveau régime à certification payante, et a assoupli ces critères, notamment en remplaçant « authentique » par « sécurisé » (actif depuis 90 jours, puis encore assoupli à 30 jours, avec un numéro de téléphone confirmé) et « non trompeur ». Il est cohérent de noter que le nouveau processus de vérification pour les coches bleues n’exige ainsi aucune preuve affirmative d’identité. 

La désinformation, enjeu majeur de cette transition ?

Les enjeux liés à ces nouvelles méthodes d’information via les réseaux sociaux se manifestent de manière particulièrement préoccupante chez les jeunes en raison de la nature nouvelle de leur consommation d’information. Un cas interessant concerne les « bulles de filtres », concept popularisé en 2011 par l’essayiste Eli Pariser, qui étend l’idée de la « chambre d’écho » formulée par Sunstein (2001). Cette notion explique un effet inhérent aux médias sociaux et révèle que, par le biais d’algorithmes prédictifs, ces plateformes exposent majoritairement les utilisateurs à des contenus a priori alignés avec leurs préférences et opinions.

En enfermant les internautes dans un univers informationnel qui les isole des citoyens aux opinions divergentes, les réseaux sociaux participent alors à la polarisation et à la fragmentation de l’espace public.

En parallèle, une étude intitulée « Vérification des comptes sur les médias sociaux : Perceptions des utilisateurs et inscription payante », datant de juin 2023 (8), a mis en évidence une méconnaissance des critères de vérification des comptes Twitter. Plus de la moitié des répondants ont démontré une incompréhension sur les critères d’attribution des coches bleues, et plus de 80 % des participants à l’étude a interprété de manière erronée les nouveaux indicateurs de vérification couleur or et gris récemment introduits par X. 

Cette refonte des modalités d’accès à l’information sur les plateformes pose ainsi une question majeure : comment garantir la fiabilité de l’information lorsque le principe même de certification est subvertit, et que cette fonctionnalité ne peut plus être considérée comme un gage de fiabilité ? 

Des conséquences dans le monde réel

L’un des exemples les plus significatifs des risques encourus par la certification payante se manifeste à travers l’exemple du New York Times.  

Seulement quelques heures après avoir déclaré ne pas avoir l’intention de « payer pour maintenir la certification de ses comptes officiels », le prestigieux quotidien américain a vu disparaître le badge bleu du compte du journal, pourtant suivi par une audience de 55 millions d’abonnés. Cet événement a été rapidement suivi d’un tweet du PDG de X, Elon Musk, accusant le média de propagande.

Un internaute possédant déjà un compte vérifié a alors tiré avantage de cette situation en renommant son compte avec le nom du célèbre média américain. Cela a conduit à une situation paradoxale où le véritable compte du New York Times s’est retrouvé non certifié, tandis que le compte frauduleux qui usurpait l’identité du journal conservait sa certification.

D’autres exemples témoignent de conséquences dramatiques de ce nouveau système de certification payante dans le monde réel. Alors que le coût de l’insuline la rend inaccessible à de nombreux citoyen aux États-Unis, un compte vérifié a pris l’identité du géant pharmaceutique Eli Lilly, annonçant faussement que l’entreprise fournirait gratuitement le médicament. En l’espace de quelques heures, le cours des actions d’Eli Lilly a connu une chute de près de 5 %, entraînant des pertes financières évaluées à plusieurs milliards de dollars de capitalisation boursière pour l’entreprise.

Dès lors, comment la certification peut-elle rester synonyme d’authenticité ? L’incapacité à distinguer ceux qui ont payé de ceux qui ne l’ont pas fait pose un défi significatif en terme de crédibilité de l’information, particulièrement au regard du prix extrêmement abordable de ce service, à environ 10 euros par mois.

Les associations tirent la sonnette d’alarme

Le chaos résultant de ces modifications du système de certification soulève des préoccupations sérieuses en matière de droits, qui sont le sujet de divers communiqués d’associations telles que Human Rights Watch ou Reporters sans frontières (RSF). 

Human Rights Watch souligne notamment que les inquiétudes soulevées pointent vers la nécessité de repenser les plateformes sociales en général, tant elles représentent des places publiques numériques et nécessitent une surveillance plus démocratique, y compris des réglementations plus strictes ancrées dans des normes de droits humains. 

« Aucun individu ne devrait détenir le pouvoir que Musk exerce sur une infrastructure d’information aussi cruciale. » Musk chaos raises serious rights concerns over Twitter. – Human Rights Watch (6.)

Reporters sans frontières (RSF) dénonce également cet outil comme dangereux et trompeur, qui instaure un régime à deux vitesses sur l’accès à l’information en ligne et qui ne garantit pas la fiabilité de l’information. RSF appelle donc à retirer cet outil et préconise de mettre en place des règles pour encadrer ces pratiques, en rappelant que les entreprises gérant les réseaux sociaux ont une responsabilité dans le chaos informationnel et que leurs intérêts économiques ne doivent pas passer avant ceux des citoyens. 

Helene Palmer


Bibliographie

  1. Aublanc, M. (2023, 9 avril). Twitter Blue : Comment l’abonnement payant va augmenter le risque de désinformation. www.20minutes.frhttps://www.20minutes.fr/by-the-web/4031545-20230409-twitter-blue-comment-abonnement-payant-va-augmenter-risque-desinformation
  2. Boyadjian, J. (s. d.). Désinformation, non-information ou sur-information ? Cairn.info. https://www.cairn.info/revue-reseaux-2020-4-page-21.htm
  3. Ganesan, A. (2022, 13 novembre). Musk chaos raises serious rights concerns over Twitter. Human Rights Watch. https://www.hrw.org/news/2022/11/12/musk-chaos-raises-serious-rights-concerns-over-twitter
  4. Les jeunes et l’information : Une étude du ministère de la Culture vient éclairer les comportements des jeunes en matière d’accès à l’information. (s. d.). https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Les-jeunes-et-l-information-une-etude-du-ministere-de-la-Culture-vient-eclairer-les-comportements-des-jeunes-en-matiere-d-acces-a-l-information
  5. Legacy Verification Policy. (2023, 5 avril). https://help.twitter.com/en/managing-your-account/legacy-verification-policy
  6. Not playing ball. (s. d.). https://blog.twitter.com/official/en_us/a/2009/not-playing-ball.html
  7. RSF réclame la fin des certifications payantes sur les réseaux sociaux et de leur logique censitaire. (s. d.). RSF. https://rsf.org/fr/rsf-r%C3%A9clame-la-fin-des-certifications-payantes-sur-les-r%C3%A9seaux-sociaux-et-de-leur-logique
  8. Xiao, M., Wang, M., Kulshrestha, A., & Mayer, J. (2023, 28 avril). Account verification on social media : user perceptions and paid enrollment. Princeton University. https://arxiv.org/abs/2304.14939
  9. X Verification requirements – How to get the Blue Check. (2023, 2 octobre). https://help.twitter.com/en/managing-your-account/about-twitter-verified-accounts
  10. York, J. (2022a, novembre 16). « Changer les règles du jeu » : les enjeux de la certification payante sur Twitter. France 24. https://www.france24.com/fr/%C3%A9co-tech/20221116-changer-les-r%C3%A8gles-du-jeu-les-enjeux-de-la-certification-payante-sur-twitter

L’impact des fusions-acquisitions sur le marché de la SVOD

En 2017, Disney secouait l’industrie avec l’acquisition historique de la 21st Century Fox pour 52 milliards de dollars, catapultant Hulu au sommet avec un éventail de contenus diversifiés. Privant Netflix et Amazon de précieuses œuvres Disney, Pixar et Marvel, Disney se retirait audacieusement de Netflix, lançant sa propre plateforme, Disney+, en 2020. Cette stratégie, initiée sous l’administration Trump, pose des défis dans un paysage médiatique en mutation et des régulations anti-trust renforcées. L’année 2023 a marqué une autre étape cruciale avec l’approbation réglementaire de la fusion tant attendue entre Discovery et Warner Media. Dirigée par David Zaslav, cette alliance a fusionné des réseaux emblématiques tels que TNT, CNN, Discovery et HGTV, créant un catalogue de contenus d’importance significative. Le défi majeur réside dans l’unification d’un public jusque-là segmenté entre deux offres distinctes : HBO Max, orienté vers le grand public, et Discovery +, axé sur les contenus non scénarisés à des tarifs relativement abordables. Cette tendance à la réunification vise à réduire la fragmentation des plateformes de SVOD, offrant une expérience plus cohérente pour les utilisateurs en rationalisant droits et ressources. 

En parallèle, les géants du streaming renforce leur stratégie et le succès est au rendez-vous. Disney+ met en avant ses capacités publicitaires comme élément clé de différenciation, annonçant lors du CES 2024 le lancement de Gateway Shop. Il s’agit d’une expérience de commerce électronique transparente intégrée au streaming, permettant aux spectateurs d’acheter directement les produits présentés dans les contenus Disney. Ajay Arora, vice-président principal du commerce, a déclaré que Gateway Shop est « la première expérience publicitaire télévisée transparente et achetable de Disney (…) Il permet au spectateur de passer de l’intérêt à l’action à l’achat sans jamais quitter l’environnement de visualisation. C’est du commerce en streaming sans interruption. » Pendant ce temps, Netflix enregistre une croissance significative avec 13 millions d’abonnés supplémentaires, dépassant les 260 millions au T4 2023. La restriction du partage de compte et le succès de l’offre avec publicité contribuent à cette augmentation. Netflix se diversifie également dans les jeux vidéo et prévoit une expansion dans les événements sportifs en 2024, illustrant une stratégie centrée sur la diversification des services et des contenus quand Disney mise tout sur la publicité. 

Du côté européen, Bertelsmann, cherchant à renforcer sa position audiovisuelle en Europe, a rencontré des échecs dans ses fusions, notamment avec RTL/Talpa Network, M6/TF1, et Simon & Schuster. Ces échecs révèlent une dynamique symptomatique de ce que Thomas Rabe, PDG de Bertelsmann, anticipait dès 2020 : un besoin d’assouplissement des réglementations pour permettre des « coopérations significatives voire des fusions plus importantes afin de créer des champions nationaux ». Canal+ se démarque lui en tant que principal distributeur de films en Europe, et la potentiel acquisition à venir d’OCS renforcerait sa position sur le marché. Ce rachat permettrais à Canal+ de s’imposer comme précurseur de cette vague de fusion-acquisition venu de l’ouest. Le groupe se distinguant déjà grâce à sa stratégie de partenariat qui propose depuis avril 2023 les programmes AppleTV+ dans son offre, ainsi que des packages donnant accès au services Disney+, Netflix, OCS et Paramount+.

Les répercussions des fusions en cours ne se limitent donc pas à la SVOD, et s’étendent à d’autres marchés grâce aux stratégies de diversification adoptées. Ces fusions donnent naissance à de nouveaux conglomérats médiatiques qui contrôlent l’ensemble du processus, de la production à la diffusion, et influencent la course à l’attention. Les changements majeurs dans les dynamiques de l’industrie suscitent également des questions sur l’impact sur la sélection des contenus, les lignes éditoriales et la création artistique, avec des répercussions qui s’étendent à d’autres secteurs économiques. Comment ces mastodontes du divertissement interagiront-ils avec d’autres secteurs économiques ? Comment leur empreinte se fera-t-elle ressentir dans des domaines connexes tels que la technologie, la publicité, voire la politique ? Les réponses à ces questions dessineront le visage d’un paysage médiatique en perpétuelle évolution.

Les conséquences d’une concentration entre géants du secteur

Selon une étude menée par Parrot Analytics, une fusion entre WarnerBros Discovery et Paramount créerait une entité qui deviendrait le leader incontesté de la demande aux États-Unis, surpassant Disney avec 29,1 % de la demande en 2023. Cependant, à l’échelle mondiale, cette fusion ne représenterait que 9,1 % de la demande de contenus originaux, se classant derrière Prime Video (11,3 %) et bien loin de Netflix (34,6 %), mais devant Disney (8,8 %). Si Warner Bros. réussit à acquérir Paramount, il pourrait se positionner en tant que concurrent sérieux, surtout avec le lancement imminent de leur service MAX dans plusieurs grands pays. Une force à plusieurs échelle : au cinema, à la télévision et en streaming. Cette fusion, bénéfique pour les droits sportifs et la diversité des contenus, pourrait rencontrer moins de résistance réglementaire. Mais la gestion de la dette et les défis de cohabitation demeurent des préoccupations. 

Second scénario imaginé par l’étude, celui d’un rachat de Paramount par Comcast, maison-mère de NBC Universal. Cette fusion propulserait ce nouveau géant en tête du podium, dépassant Disney en termes de demande globale de contenus aux États-Unis. Toutefois, au niveau mondial, elle se classerait juste derrière Apple TV+ avec seulement 6,8 % de part de marché. Cette fusion, bien que potentiellement puissante, semble compromise par la législation fédérale, qui n’autorise pas la réunion au sein d’un même groupe de deux réseaux hertziens : CBS et NBC. Pour que la fusion se fasse il faudrait abandonner un des réseaux, mais les deux groupes respectifs sont-ils prêt à un tel sacrifice ? 

Enfin, l’étude révèle un dernier scénario intrigant : David Ellison, le patron de Skydance Media, boite de production américaine, serait prêt à faire une offre pour acquérir la holding qui contrôle Paramount. Un tel rachat pourrait orienter le groupe vers la production, suivant ainsi le modèle de Sony Pictures. Ce dernier avait envisagé une fusion avec le groupe de télévision indien Zee Entertainment pour créer un géant du divertissement capable de rivaliser avec les leaders du streaming. Cependant, le projet a été annulé en janvier 2024, affaiblissant leur position respective en Inde, tandis que la fusion entre Reliance et l’unité indienne de Disney était en négociation. Une fusion menacé elle aussi par la politique anti-trust, les deux groupe posséderait suite à la potentiel fusion un monopole sur les droit du cricket en Inde et une importante part de marché à la télévision. De quoi faire vaciller l’examen réglementaire ! 

Les récentes réformes de la Federal Trade Commission (FTC) et du ministère de la Justice redéfinissent la politique antitrust américaine en mettant l’accent sur la protection du bien-être à long terme des consommateurs et des travailleurs. Traditionnellement guidée par le critère du bien-être du consommateur, la nouvelle approche vise à élargir les objectifs de la législation antitrust en incluant des préoccupations sociales, telles que la préservation de la démocratie et la protection des petits concurrents. Cette réforme s’oppose aux critiques de l’ancienne norme, accusée de ne pas prévenir la concentration du pouvoir économique, en se concentrant sur les actions anticoncurrentielles ayant des conséquences graves à long terme. Une fusion telle que Warner Bros. Discovery-Paramount peut sembler une concurrence à court terme contre Netflix et Disney+, mais à long terme, elle pourrait créer un géant médiatique susceptible de coordonner plutôt que de concurrencer. Cela aurait des répercussions sur les salaires, les licenciements, les prix des contenus, et compliquerait l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché. Ces nouvelles normes examinent les aspects verticaux des fusions, en vérifiant si l’entreprise issue de la fusion contrôle un produit dont les rivaux ont besoin pour être compétitifs. Cela contraste avec l’ancienne norme à court terme, comme l’a montré la fusion AT&T-Time Warner en 2017.

Bénéfices pour les investisseurs ou les consommateurs ?

Le marché médiatique devient alors le théâtre de spéculations intenses sur d’éventuelles transactions de fusion-acquisition, principalement centrées autour du sort de Paramount Global. Paramount Global, dirigé par Shari Redstone, est perçu comme ayant atteint un carrefour entre croissance et vente, potentiellement susceptible de déclencher d’autres transactions, un effet de flipper lorsqu’une entreprise d’envergure affiche un panneau « À Vendre ». (Pour information, ni Paramount Global ni la société mère de Shari Redstone, National Amusements, n’ont commenté publiquement sur le sujet.) Initialement perçu comme une aubaine pour les consommateurs désireux d’échapper à la multiplateformisation et de souscrire à une offre plus complète, les fusions entraînent inévitablement une concentration des contenus, aboutissant à une offre finalement moins diversifiée. L’approche « fourre-tout » adoptée par les stratégies de valorisation à la Netflix, ciblant un large public, risque d’engendrer de la frustration chez les consommateurs cherchant à trouver ce qu’ils veulent réellement regarder. Au cœur de cette réflexion réside la question de la pertinence des plateformes sur-éditorialisées face à l’émergence de ces géants fusionnés. L’avènement de la technologie, porté par l’intelligence artificielle, ouvre-t-elle la voie à une avancée majeure en matière de personnalisation au sein du paysage médiatique en mutation? À l’instar des bulles de filtres sur les réseaux sociaux, l’IA pourrait offrir une personnalisation plus fine, plaçant chaque individu au centre d’une multitude de contenus médiatiques fusionnés. Un exemple probant se dessine avec Amazon, qui, en agrégeant les données récoltées auprès des consommateurs sur divers marchés, pourrait perfectionner sa personnalisation et ainsi approfondir sa connaissance du consommateur. Cet effet boule de neige, résultant en une personnalisation plus pointue, pourrait potentiellement constituer une concurrence redoutable pour des plateformes telles que Mubi. Ces dernières, en misant sur un positionnement spécifique, risquent de voir leur axe de différenciation s’estomper dans cette nouvelle ère de personnalisation médiatique propulsée par l’IA. Mais si le traitement des données est de plus en plus refrénée c’est peut-être ce même axe de différenciation qui permettra à ces plateforme de tirer leur épingle du jeu. Qui sait ! 

Daassiss Chaïma


Sources

Parrot Analytics dresse quatre scénarios de concentration à Hollywood

Retournement de situation, la fusion des plateformes HBO Max et Discovery+ est annulée

Merger Guidelines U.S. Department of Justice and the Federal Trade Commission 

La plateforme de streaming Max, fusion de HBO Max et Discovery+, lancée en France en 2024

Max : Warner annonce sa nouvelle plateforme de streaming, fusion de HBO Max et Discovery+

La SVOD et le Covid-19 ont provoqué une vague de fusions et acquisitions en Europe

Données massives et droit de la concurrence : les fusions-acquisitions des plateformes numériques

Scénarios anticoncurrentiels pour les fusions numériques – Note de référence de l’OCDE

WarnerMedia and Discovery have completed their mega-streaming merger

Une fusion Disney-Reliance en Inde dans le domaine du divertissement risque de se heurter à des problèmes antitrust

Paramount Potential M&A: Warner Bros. Discovery, Skydance, Apollo – Oh My!

As Paramount, WB Discovery and Others Weigh M&A Options, Is More Consolidation Really the Answer to Hollywood’s Profit Problem?

Inde-Sony met fin à son projet de fusion avec le groupe de télévision Zee Entertainment

Le paysage du streaming vidéo en reconstruction

L’année 2023 avait déjà marqué un tournant pour le streaming vidéo. Mais aujourd’hui, de nombreuses restructurations sont en train d’aboutir, entrainant une modification de l’industrie et de ses acteurs. De nouvelles orientations stratégiques émergent et chamboulent profondément les plateformes de streaming. Déjà bien établies, Amazon Prime, Disney+ et Netflix font souffler un vent nouveau sur leurs modèles, et poussent leurs concurrents et nouveaux acteurs à faire de même. Les business modèles sont redéfinis, et innovés pour permettre une rentabilité toujours plus forte, dans un contexte d’hyper saturation des contenus, et d’inflation. 

Avec la « streamflation » (Pour L’Éco), la hausse des prix des abonnements aux services de streaming, il est primordial pour les grands acteurs, comme Netflix et Disney+ et leurs positions dominantes, de retenir leurs abonnés malgré ces hausses. En 2023, Netflix a subi une légère baisse de 3% dans son nombre global d’abonnés par rapport à 2022 (Capital). C’est dans cette dynamique que de nouvelles stratégies se développent. 

La télévision et les télécoms : à la poursuite du streaming

Les chaînes de télévision s’imposent de plus en plus dans le paysage du streaming vidéo. Passant d’un modèle linéaire à un modèle non-linéaire, ils marquent leur présence dans un milieu déjà saturé par divers acteurs. Que ce soit Arte, France Télévisions, TV5 Monde… les chaînes de télévisions optent pour le streaming et s’adaptent à la transformation digitale. Via le replay des programmes ou la production de contenus originaux, ces acteurs traditionnels viennent à la conquête du numérique et proposant pour la plupart, des offres gratuites, reposant ou non sur la publicité : une manière de se différencier des grands acteurs du marché. Le lancement de TF1+, le 8 janvier dernier, apporte un nouvel air dans le streaming proposé par la télévision et repose, selon le PDG Rodolphe Belmer, sur une stratégie à double volet (Satellifacts). D’une part, la filiale de Bouygues vise à renforcer son positionnement dominant dans le secteur du linéaire. D’autre part, TF1 met l’accent sur le développement de son offre de streaming, en se concentrant particulièrement sur le divertissement et l’information, les deux principaux axes éditoriaux du groupe. La plateforme gratuite accessible sans abonnement arrive après la fermeture de Salto en mars dernier (Ibid), et vise à devenir la première plateforme de streaming gratuite en France et en Europe, accessible sur divers écrans et opérateurs à partir de mars 2024 (Le Figaro). TF1+ s’avère déjà être un franc succès pour la chaîne, avec une augmentation significative de son audience et une croissance de 70 % de ses utilisateurs quotidiens et de 80 % du nombre de vidéos visionnées, en comparaison à la même période de l’année précédente sur les mêmes plateformes. De plus, elle souligne le succès de son service TF1+, qui a attiré trois fois plus de nouveaux comptes créés depuis le 8 janvier par rapport à la moyenne de l’année 2023 (Satellifacts).

Les chaînes de télévision ne sont pas les seules à s’attaquer au streaming vidéo. L’opérateur télécom et le fournisseur d’accès à Internet, Free, a créé cette année, en mars 2023, sa nouvelle interface de VOD gratuite financée par la publicité (AVOD), accessible à tous les abonnés Freebox. Avec une offre proposant plus de 300 films et séries, Free tente de s’installer sur le marché du streaming en cannibalisant ses abonnés. Une nouvelle étape pour le monde des télécoms, et un nouveau concurrent pour les plateformes de streaming (CB News).

Dans ce paysage en constante évolution, où les frontières entre télévision traditionnelle et streaming vidéo s’estompent, les acteurs historiques et nouveaux venus se lancent dans une course stratégique pour l’innovation. Cette expansion rapide du marché du streaming, enrichie de modèles diversifiés et de stratégies dynamiques, ouvre la voie à un avenir où la créativité et l’adaptabilité définiront le succès dans un secteur de plus en plus concurrentiel.

Les contenus des plateformes : productions originales ou contenus sous licence ?

Netflix semble asseoir, encore et toujours, sa place de numéro 1 dans l’univers du streaming vidéo, laissant aux autres participants comme Disney et Warner Bros, des difficultés à s’assumer, et devant trouver de nouvelles stratégies pour fonctionner. En effet, bien que Bob Iger de Disney ait précédemment établi une comparaison audacieuse entre le prêt de contenu à Netflix et la distribution de technologies nucléaires à des nations du tiers-monde, il apparaît désormais que Disney trouve une nécessité financière dans les revenus générés par ces échanges de contenu (Variety). Récemment, Disney a conclu un accord avec Netflix, incluant le partage des droits de streaming pour « Grey’s Anatomy » et la licence de 41 autres séries à Netflix. Disney bénéficie ainsi de revenus de licence nécessaires pour ses projets de développement. Netflix, quant à lui, a une stratégie similaire, se concentrant sur le contenu sous licence qui représente une part importante de son temps de visionnage. Disney prévoit de réduire ses dépenses de contenu en 2024, se concentrant davantage sur les sports, tandis que « Grey’s Anatomy » devrait compenser la baisse de l’engagement en streaming (Ibid).

Imitant Warner Bros. Discovery, Disney a accru l’envoi de ses contenus, y compris d’anciennes séries HBO et de films de super-héros, à Netflix. Cette approche a transformé un déficit de trésorerie de 930 millions de dollars en 2021 en un excédent de 2 milliards en 2023. Actuellement, les studios favorisent les licences plutôt que de produire en masse du contenu original, avec 45% du visionnage Netflix basé sur du contenu sous licence en 2023. Disney prévoit de réduire ses dépenses en contenu, se concentrant sur les sports, ce qui limitera la création de nouvelles séries originales (Ibid).

Cependant, le géant américain du streaming aux lettres rouges, crée par Reed Hastings, a annoncé vouloir investir 17 milliards de dollars cette année dans la production originale de contenus, tout en adaptant sa stratégie initiale. Le nouveau but est de réduire la sortie à environ 25 à 30 films chaque année, au lieu de la cinquantaine de films produits dans le passé (L’Echo).

Dans cette ère de transformation stratégique, l’utilisation de contenus sous licence pourrait devenir la norme pour les plateformes de SVOD (Subscription Video On Demand). Cela permettrait non seulement de réduire les coûts, mais aussi d’assurer une rentabilité durable dans un marché de plus en plus concurrentiel.

La fusion des plateformes : une stratégie émergente 

Face à la montée des prix, les plateformes de streaming cherchent à se regrouper pour devenir plus attractives. Un exemple notable est MyCanal, qui intègre divers contenus et plateformes dans ses offres. La cession de OCS, plateforme de SVOD d’Orange, à Canal+, tout juste approuvée par l’Autorité de la Concurrence, appuie le certain intérêt qui existe pour les services de streaming de proposer plusieurs offres dans leurs abonnements. Les fusions entre plateformes gagnent en popularité parmi les géants du streaming. En France, Amazon Prime a rejoint ce mouvement proposant à ses clients le Pass Warner, donnant accès au catalogue HBO, de Warner TV, d’Adult Swim, de Toonami, de Cartoon Network, de Discovery Channel, d’Eurosport ou encore de CNN propriété du studio Warner Bros. Ce principe de « bundler » des offres, regrouper plusieurs services dans une seule interface, croit de plus en plus au sein des stratégies du streaming vidéo. Récemment, Apple TV+ et Paramount+ sont entrés en discussions concernant la possibilité de proposer leurs deux services dans un package (Variety). Cette idée pourrait s’avérer être très bénéfique pour la plateforme de Apple, disposant d’un catalogue de contenus très réduit comparé à Disney+ par exemple. Le fait de proposer deux services en un apporte également une attractivité supplémentaire aux deux produits (Ibid). 

Par ailleurs, la fusion envisagée entre Warner Bros. Discovery et Paramount Global dépasse la simple SVOD, visant un champ d’action plus large. Cette éventuelle fusion a pour but de consolider leurs actifs dans divers domaines comme la télévision, le cinéma, le sport et le streaming, pour se positionner face à des concurrents tels que Netflix et Disney. Une telle fusion permettrait également d’enrichir leur collection de franchises cinématographiques et de réseaux de télévision (Variety).

Dans ce contexte évolutif, il est plausible d’envisager un avenir où un modèle à la MyCanal prédomine, une plateforme unique offrant un accès à diverses options de streaming, là où aujourd’hui, les Français sont abonnés en moyenne à 1,9 plateformes de streaming (L’Opinion). Cette centralisation pourrait répondre à la saturation des plateformes de SVOD actuelles, tout en gardant à l’esprit que d’autres modèles, tels que les FAST(Free Ad-supported Streaming Television) et l’AVOD (Advertising Video On Demand), gagnent également en popularité et diversifient le paysage du streaming.

Le monde du streaming vidéo est entré dans une ère de transformation profonde, avec des acteurs majeurs redéfinissant leurs approches pour s’adapter à un marché en constante évolution. Alors que les fusions et les stratégies de contenu sous licence deviennent des leviers cruciaux pour la compétitivité, l’avenir du streaming pourrait révéler des collaborations et des innovations encore inédites. Cette dynamique laisse entrevoir un paysage du streaming en perpétuelle mutation, où adaptation et créativité seront clés pour captiver un public mondial de plus en plus exigeant.

Emma Bauchet 


Références

“TF1+: devenir «la destination gratuite de référence pour le divertissement familial et l’info »” Satellifacts, 21 dec 2023. 

« TF1+ : 1er bilan à 10 jours « couronné de succès » ; lancement sur la Freebox Pop le 22 janvier », Satellifacts, 19 Jan 2024. 

Aquilina, Tyler. “Apple-Paramount Bundle Would Be Another Hail Mary Streaming Play.” Variety, 5 Dec. 2023, variety.com/vip/apple-paramount-bundle-would-be-hail-mary-streaming-play-1235821129/.

Aquilina, Tyler. “Licensed Content Is the New Currency in Hollywood.” Variety, 14 Dec. 2023, variety.com/vip/licensed-content-is-new-currency-in-hollywood-1235837365/.

Caroline Sallé, « TF1 plonge dans le grand bain du streaming », Le Figaro (Kiosque), 21 dec 2023.

Rouget, Clément. “Streamflation et Élasticité Prix. La Hausse Des Prix de Netflix….” Www.pourleco.com, 29 Aug. 2023,www.pourleco.com/consommation/streamflation-et-elasticite-prix-la-hausse-des-prix-de-netflix-ou-disney-fera-t-elle.

Sacré, Jean-François. “Netflix Veut Produire Moins Mais Mieux.” L’Echo, L’Echo, 16 Jan. 2024, www.lecho.be/entreprises/divertissement/netflix-veut-produire-moins-mais-mieux/10518671.html.

Spangler, Todd, and Jennifer Maas. “Warner Bros. Discovery, Paramount Global in Merger Talks.” Variety, 20 Dec. 2023, variety.com/2023/biz/news/warner-bros-discovery-paramount-merger-talks-1235847958/#recipient_hashed=3d2b11103722dc9ff263af43e494e689460e238c6e598d9223dd6145a16cf98a&recipient_salt=aec34c0ee3694872accbb008cccc984f6e6a7fdb8c418f895ea5e61f1a5f3bd9.

Whelan, Robbie, et al. “Les Plateformes de Streaming Font Le Pari de La Hausse Des Prix.” L’Opinion, 16 Aug. 2023, www.lopinion.fr/wsj-lopinion/les-plateformes-de-streaming-font-le-pari-de-la-hausse-des-prix.

Wojciak, Thierry. “Free Lance Son Application TV : OQEE by Free.” CB News, 24 Jan. 2024, www.cbnews.fr/medias/image-free-lance-son-application-tv-oqee-by-free-81780.

Younan, Sarah. “Lancement de TF1+ : Notre Top 10 Des Meilleures Plateformes de Streaming Gratuites.” Capital.fr, 8 Jan. 2024, www.capital.fr/entreprises-marches/plateformes-de-streaming-tv-ce-que-vous-pouvez-avoir-en-gratuit-1489134

La consolidation du secteur des télécommunications en Europe, est-elle inévitable ? 

« Trop d’acteurs sur un marché pèsent sur les investissements dans les infrastructures de demain ». La directrice générale d’Orange, Christel Heydemann, souligne par cette phrase, la volonté de recomposer le secteur des télécoms en Europe. Nous allons à travers cet article explorer la situation actuelle, examiner les défis et solutions, tout en mettant en lumière la question de la consolidation du secteur comme option privilégiée.

Un marché des télécommunications soumis à d’importantes forces concurrentielles.

Un marché atomisé dans toute l’Europe.

Premièrement, le marché des télécommunications en Europe est caractérisé par une fragmentation notable, avec une intensité concurrentielle extrêmement élevée. Cette situation se manifeste par la présence de nombreux acteurs à travers les différents pays du continent, où l’on observe fréquemment plus de trois opérateurs par pays. En Europe, on compte ainsi une centaine d’opérateurs pour une population totale de 447 millions de citoyens, tandis que les États-Unis ne comptent que trois opérateurs pour 331 millions d’habitants, et la Chine présente un chiffre similaire pour une population de 1,4 milliard de personnes.

Des perspectives de croissances limitées.

Deuxièmement, les opérateurs évoluent dans des secteurs de plus en plus matures, comme le démontre le graphique de l’ARCEP ci-dessous, où la croissance des revenus des opérateurs français sur le marché de détail n’a augmenté que de 1,6 % en un an, au deuxième trimestre 2023. Les opérateurs européens et notamment français n’évoluent pas sur des secteurs en hypercroissance.

Evolution annuelle des revenus des opérateurs en France (en %)

Source : Observatoire des marches des communications électroniques – Les services de communications électroniques en France – 2e trimestre 2023 (05 octobre 2023) (arcep.fr)

Une intensité concurrentielle qui entraine une guerre de prix féroce.

Troisièmement, les prix pratiqués en Europe par les opérateurs restent très compétitifs et significativement inférieurs à ceux proposés outre-Atlantique, comme le démontre le graphique ci-dessous :

Comparaison des offres fixe et mobile d’opérateurs leaders Sélection de pays, septembre 2023, € TTC/mois, ajustements PPA via coefficients de l’OCDE

Source : Fédération Française des Télécoms Plaquette-FFTelecoms-Etude-economique-Telecoms-2023.pdf

Cette concurrence intense oblige les opérateurs à comprimer leurs marges, ce qui limite leur rentabilité et leur capacité d’investissement. Ces tensions sur les prix entraînent des répercussions directes sur la rentabilité des acteurs et donc de facto sur la capitalisation boursière des opérateurs télécoms.

Des investissements futur conséquent dû à la croissance exponentielle du trafic et des usages.

Quatrièmement, les telcos auront dans les années à venir une demande croissante en investissement en raison du déploiement des futures technologies et de l’explosion attendue du trafic. Selon une étude récente de la Fédération Française des Télécoms, le trafic Internet en France pourrait quintupler d’ici à 2030, ce qui nécessiterait d’importants investissements futurs.

Haut Débit fixe – Consommation de données par foyer Go/mois/foyer – France

Fédération Française des Télécoms  Plaquette-FFTelecoms-Etude-economique-Telecoms-2023.pdf

Cependant, cette hausse des investissements entraîne une augmentation de la taille critique à atteindre pour les opérateurs. Jacques Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, estime qu’environ 200 milliards d’euros d’investissements seront nécessaires d’ici à 2030 pour que le continent bénéficie d’infrastructures de télécommunications au plus haut niveau. Actuellement, peu d’acteurs sur le marché ont la capacité financière nécessaire pour supporter de tels investissements.

Un morcellement des réglementations entre pays de l’Union européenne.

Enfin, déjà dès 2015, le PDG d’Orange de l’époque, Stéphane Richard, soulignait une fragmentation dans la réglementation des télécommunications en Europe, déclarant que « l’Europe des télécoms n’existe pas » en raison des 28 marchés, 28 régulateurs et 28 autorités de concurrence différents. Pour rappel, à la fin de 2020, la plupart des États membres n’avaient pas encore transposé la directive du code des communications électroniques européen.

En conclusion, l’état actuel du marché européen des télécommunications présente des défis significatifs, notamment une intensité concurrentielle extrêmement forte due au nombre élevé d’opérateurs dans chaque pays européen. Cette dispersion entrave la coordination nécessaire pour créer des acteurs de premier plan capables de rivaliser à l’échelle mondiale. De plus, les investissements nécessaires dans les années à venir semblent constituer un obstacle insurmontable pour de nombreux opérateurs, à moins qu’une solution de financement ne soit trouvée.

Les solutions envisagées pour répondre aux enjeux de financement et d’investissement des télécoms.

Face aux défis financiers et d’investissement dans le secteur des télécommunications, plusieurs solutions sont envisagées par les opérateurs :

La première réponse des telcos est une approche conjoncturelle axée sur la résilience plutôt que la croissance. Au cours des deux dernières années, les acteurs du marché ont pris des mesures visant à optimiser leurs structures de coûts et à réduire leurs dépenses. Par exemple, le groupe britannique BT a annoncé la suppression de près de 55 000 emplois d’ici 2030, reflétant une tendance générale à l’optimisation des ressources.

La deuxième solution préconisée par les acteurs des télécommunications consiste à rééquilibrer la chaîne de valeur en imposant aux GAFAs de financer les infrastructures dont ils bénéficient. Les géants du net captent une part importante de la valeur créée par ces infrastructures sans en payer le prix. Ainsi, des opérateurs télécoms pressent l’UE pour obtenir une contribution financière juste des Big Tech au financement des réseaux télécoms, citant Netflix, Google, Meta, Amazon et TikTok comme responsables de l’augmentation du trafic internet.

Enfin, la troisième solution privilégiée par les acteurs des télécoms est la consolidation du secteur à l’échelle européenne. Une intégration horizontale des opérateurs permettrait de mutualiser les coûts, d’augmenter les capacités et d’améliorer la couverture géographique, atteignant ainsi une taille critique plus facilement. Cependant, cette approche n’est pas nouvelle et a déjà été confrontée à des obstacles, comme en témoigne la fusion avortée entre Telefónica UK (O2) et Hutchison 3G UK (Three) en 2020 au Royaume-Uni, refusée pour préserver la concurrence.

Sommes-nous à l’aube d’une consolidation du secteur ?

Le secteur des télécoms subit une recomposition majeure depuis quelques années, confronté à des transformations inédites et à des pressions concurrentielles accrues. De nombreux opérateurs, ont recours à des fusions et acquisitions pour renforcer leurs capacités, à l’image de l’acquisition de VOO en Belgique en juin 2023 par Orange. De la même manière, Xavier Niel, fondateur d’Iliad, a étendu également son empreinte en Pologne avec des investissements dans les opérateurs Play et UPC. Enfin, on peut également citer la prise de participation d’Altice, dans l’opérateur britannique BT en mai 2023.

Prenons le cas d’Orange et Masmovil en Espagne, où la fusion visant à créer le deuxième opérateur du marché est en stand-by depuis 18 mois. La Commission européenne exige des concessions d’Orange pour éviter des augmentations tarifaires impactant les consommateurs et entravant la concurrence. En 2015 déjà, Bruxelles redoutait la fusion entre deux opérateurs dans un pays comptant 4 opérateurs : « Les études montrent qu’une réduction du nombre d’acteurs de quatre à trois dans un pays européen peuvent causer une hausse des prix pour le consommateur… mais pas forcément une augmentation des investissements ». Reste à voir si la position de Bruxelles évoluera dans l’année à venir concernant la fusion d’Orange et Masmovil, ce qui pourrait déclencher une vague de mouvements et ouvrir la voie à une consolidation potentielle du secteur en Europe.

Enfin, concernant la position de la France vis-à-vis de la consolidation, le Pays s’engage activement en faveur d’une consolidation du secteur des télécoms en Europe, rejoignant la Commission européenne dans la création d’un marché unique visant à réduire le nombre d’opérateurs majeurs. L’objectif est de renforcer la compétitivité face aux grandes puissances mondiales ayant trois opérateurs nationaux. La diversité actuelle, avec près d’une centaine d’opérateurs en Europe, entrave les investissements nécessaires pour adopter les dernières technologies. La fragmentation du marché européen complique également le déploiement de nouveaux services en raison des réglementations nationales disparates. Les ministres européens, dont Jean-Noël Barrot, expriment leur soutien à cette initiative, soulignant ses avantages en termes de financements et d’harmonisation réglementaire. Le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, prévoit d’ailleurs un livre blanc sur l’avenir des télécommunications au premier trimestre 2024. Enfin, Jean-Noël Barrot est convaincu qu’un marché européen des télécoms attirerait plus facilement les investisseurs nécessaires aux 200 milliards d’euros d’investissements prévus d’ici 2030 pour les infrastructures de télécommunications.

Pour conclure, au vu de la situation actuelle marquée par une intensité concurrentielle forte et une atomisation du marché, le secteur des télécoms en Europe est confronté à des menaces telles que des investissements massifs requis dans les années à venir. Dans ce contexte, la consolidation du secteur émerge comme une solution cruciale pour les opérateurs, offrant la possibilité de réaliser des effets de synergie, de mutualiser les coûts, et de faciliter l’accès aux financements nécessaires. C’est la voie privilégiée par les acteurs des télécoms, soutenue activement par la France qui plaide pour une harmonisation des règles européennes. Tous les regards sont tournés vers Bruxelles, en attente du feu vert concernant la fusion entre Orange et MasMovil en Espagne, une décision qui s’annonce déterminante pour le futur du secteur dans les mois à venir.

ADRIEN CLAVERO

Sources :

Delphine Cuny, (23/01/2015). Télécoms : dans 10 ans, plus que 3 ou 4 gros opérateurs en Europe ? Télécoms : dans 10 ans, plus que 3 ou 4 gros opérateurs en Europe ? (latribune.fr)

Romain Gueugneau, (05/10/2015). Consolidation dans les télécoms : les réticences de Bruxelles. Consolidation dans les télécoms : les réticences de Bruxelles | Les Echos

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Fabienne Schmitt, (20/10/2022). Fusion O2-Three : la justice à nouveau appelée à trancher. Fusion O2-Three : la justice à nouveau appelée à trancher | Les Echos

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Pierre Manière, (24/10/2023). Fusion d’Orange et MasMovil : Christel Heydemann espère un feu vert en fin d’année. Fusion d’Orange et MasMovil : Christel Heydemann espère un feu vert en fin d’année (latribune.fr)

Raphaël Balenieri ; Fabienne Schmitt, (24/10/2023). Télécoms : la fusion Orange-MasMovil vire au bras de fer avec Bruxelles. Télécoms : la fusion Orange-MasMovil vire au bras de fer avec Bruxelles | Les Echos

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Arnaud, (08/12/2023). Télécoms : la France pousse pour une consolidation européenne. Télécoms : la France pousse pour une consolidation européenne – alloforfait.fr

Lucas Mediavilla, (17/12/2023). Concurrence féroce, réglementations obsolètes… La grande déprime des télécoms européens. Concurrence féroce, réglementations obsolètes… La grande déprime des télécoms européens (lefigaro.fr)

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Olivier Pinaud, (11/01/2024). Les télécoms européennes en pleine recomposition. Les télécoms européennes en pleine recomposition (lemonde.fr)

Les plateformes de streaming à la conquête des droits sportifs en France : où en sommes-nous début 2024 ?

Les plateformes de streaming se sont aujourd’hui imposées en France comme des acteurs majeurs du divertissement. Récemment, elles ont commencé à se tourner vers un nouveau domaine : les droits sportifs. En France, cette tendance prend de l’ampleur. Les géants du streaming cherchent à acquérir les droits de diffusion de divers sports, bouleversant ainsi le paysage traditionnel de la diffusion sportive.

Récemment, la mise en vente des droits de la Ligue 1 (football) par la LFP, par le biais de son président Vincent Labrune, témoigne de l’intérêt croissant des plateformes pour ce marché-là. Actuellement, deux plateformes de streaming pourraient se placer sur ces droits.
La plateforme de streaming britannique DAZN, spécialisée dans le sport en direct, a montré un grand intérêt pour la Ligue.Cependant, ses offres auprès de la LFP ont pour le moment été jugées insuffisantes. Ensuite, Amazon Prime Video, qui diffuse déjà une partie des matchs de Ligue 1 en France, souhaite rester un diffuseur majeur de la compétition et obtenir une partie du lot proposé par la LFP. Mais, les acteurs traditionnels sont encore dans la course : BeinSport pourrait intervenir alors que Canal+ observe pour le moment.

Cet appel d’offre témoigne donc de la place que prennent ces plateformes dans les discussions et chez le consommateur. Dans le football, le tennis et encore le basketball, on sent leur intérêt croissant. Nous allons présenter ici les nouveaux acteurs souhaitant accentuer leur présence dans le paysage sportif en France.

De nouveaux acteurs compétitifs 

Tout d’abord, DAZN est un service OTT lancé en 2016 par Leonard Blavatnik, un milliardaire britanno-américain et actionnaire de Warner Music et Deezer. Cette plateforme, souvent appelée le « Netflix du sport », est maintenant accessible dans plus de 200 pays. À ses débuts, DAZN s’est principalement axée sur la diffusion de la boxe en pay-per-view. Cependant, elle s’est progressivement diversifiée, notamment en acquérant des droits dans le football, cherchant à rivaliser avec les diffuseurs traditionnels européens tels que Movistar (Espagne), Sky Sports (Angleterre et Allemagne) et Canal+ (France). Dans ce sens, DAZN a remporté les droits de diffusion de la Serie A pour la période 2024-2029, proposant 10 matchs par journée, dont trois en exclusivité.

En août 2023, une collaboration a été établie entre Canal+ et DAZN, menant à la création de Canal + Ligue 1, une chaîne numérique OTT. Cette nouvelle offre, intégrée à DAZN, diffuse deux matchs de la Ligue 1 Uber Eats par journée et est disponible via un abonnement combiné DAZN & Canal+ Ligue 1. D’autres nombreuses compétitions, telles que la Ligue des Champions féminine, la D1 Arkema, Jupiler Pro League ou encore  Boxe & le MMA (hors UFC) sont disponibles via cet abonnement. Un autre abonnement disponible est le NFL Game Pass, proposé séparément au tarif de 149€ par an, qui offre la possibilité de regarder tous les matchs de la saison de football américain. Par ailleurs, DAZN a consolidé sa présence en France en établissant des partenariats de distribution avec des opérateurs tels qu’Orange, Bouygues Télécom et SFR.

Ensuite, Prime Video, le service de streaming d’Amazon, a réalisé des investissements stratégiques significatifs dans les droits sportifs en France, marquant un tournant dans son approche du contenu. Parmi les acquisitions les plus notables, on trouve les droits de diffusion d’une partie de la Ligue 1, en chipant notamment l’affiche du dimanche soir à Canal+. Ils ont également acquis les droits de diffusion pour le tournoi de tennis Roland-Garros, un des quatre tournois du Grand Chelem. L’entrée de Prime Video dans le domaine des droits sportifs en France n’est pas seulement une stratégie pour augmenter le nombre d’abonnés, mais aussi un moyen de renforcer la marque Amazon dans le paysage médiatique français.

Un marché difficile d’accès

En somme, le marché des droits sportifs est très compétitif et onéreux, rendant difficile l’émergence de nouveaux acteurs. Amazon a été la première plateforme généraliste à acquérir un large éventail de droits de diffusion sportifs, en France (Roland Garros, Ligue 1) et à l’étranger (NFL aux États-Unis).  Mais, même si ces plateformes ont une structure solide, diffuser des événements sportifs en direct à grande échelle implique des défis techniques et financiers. Il faut une expertise technique considérable et des seuils de rentabilité élevés. L’échec de Mediapro en 2021, qui a acquis les droits de diffusion du championnat français de football mais n’a pas réussi à rentabiliser son investissement, illustre ces difficultés.

Les plateformes SVOD rencontrent des défis pour se spécialiser dans les événements sportifs en raison de la nécessité d’une expertise de diffusion élevée, de seuils de rentabilité exigeants, et du besoin d’une offre diversifiée. DAZN est une exception notable, avec une valorisation en milliards et des droits de diffusion variables selon les territoires. Les plateformes généralistes hésitent à concurrencer les diffuseurs traditionnels en raison des investissements conséquents et des contraintes contractuelles. Les droits les plus importants sont généralement détenus par des chaînes avec une offre riche, augmentant leur attractivité. Cependant, les acteurs de la SVOD commencent à investir dans les droits sportifs, attirés par le potentiel de séduire un nouveau public et de proposer une stratégie localisée. 

Netflix : le choix d’une stratégie inédite

Netflix, quant à lui, arrive avec une stratégie assez différente. Alors que la plateforme est attendue depuis pas mal d’années comme diffuseur du sport en direct, Netflix garde aujourd’hui sa position pour une consommation différente du sport. Avec son savoir-faire et ses réalisations réussies en production, la société américaine s’oriente plutôt vers la création de contenus exclusifs, se tenant ainsi à l’écart de l’achat traditionnel de droits de diffusion pour les compétitions sportives. Plutôt que de dépenser des fortunes dans les droits sportifs, ce qui mettrait en péril son business model, Netflix préfère créer l’événement lui-même avec un tournoi de golf opposant stars du golf et de la Formule 1 : la Netflix Cup, une compétition sportive décalée lors d’un tournoi de golf aux règles revisitées. Il n’est pas impossible de voir Netflix arriver en France avec cette proposition de contenu.

En combinant le sport et le divertissement, Netflix attire un public friand de contenus sportifs en direct tout en contrôlant les coûts d’organisation. Cette stratégie semble offrir un avantage financier plus important, ou du moins plus immédiat, par rapport à celui qu’Amazon pourrait obtenir en acquérant les droits de diffusion de compétitions sportives existantes.

Jean Pisanté

Bibliographie

Après 2 ans d’application, quelles sont les conséquences du décret SMAD sur la production et la diffusion du cinéma français ?

Le 1er juillet 2021, le décret SMAD fixait les règles de contribution à la production d’œuvres cinématographiques appliquées aux services de vidéo à la demande par abonnement, payants à l’acte ou gratuits (SMAD). Le texte s’applique aussi bien aux acteurs français qu’étrangers (Netflix, Disney+, Amazon Prime Vidéo) se substituant ainsi au décret de novembre 2010 qui ciblait seulement les SMAD domestiques. Les services de SVOD américains les plus populaires arrivés en France au milieu de la décennie 2010 n’étaient donc pas concernés par ces obligations au sens de la loi de 1986 sur l’audiovisuel.

Ces plateformes déjà bien implantées dans le paysage audiovisuel français doivent à présent participer aux financements d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, européennes ou d’expression originale française, à hauteur d’au moins 20% du chiffre d’affaires réalisé l’année précédente. Ce taux peut être porté à 25% lorsque la plateforme propose un ou plusieurs films 12 mois après leur sortie en salles. Il est important de rappeler que ces obligations concernent les productions indépendantes et non les créations dites « originales ». Concrètement, cette contribution se décline sous la forme de préachat de droits d’exploitation SVOD et de financements de travaux de développement.

Des premiers signes encourageants

Les conséquences de ces nouveaux entrants dans le financement d’œuvres cinématographiques restent encore difficiles à évaluer. En réalité, 2022 a été la première année entière d’application du décret. Le CNC n’a pas encore livré son rapport sur l’année 2023 même si quelques résultats ponctuels semblent encourageants quant à l’efficacité de ces nouveaux dispositifs. L’arrivée de nouveaux acteurs à la fin 2022 comme Apple TV+ et Paramount+ a du renforcer cette injection de liquidités dans l’industrie cinématographique. On peut noter cependant une baisse en 2022 de 3,4% des dépenses des SMAD et des services de télévision dans la production cinématographique mais qui est principalement due au recul des chaînes et au surinvestissement de Canal+ en 2021.

Les niveaux ont rejoint ceux des années pré-covid ce qui est un signe encourageant pour la filière et les SMAD jouent le jeu : leurs investissements de 58,5 millions d’euros en 2022, en hausse par rapport au 42 millions d’euros en 2021 témoignent de la volonté de ces acteurs de s’intégrer dans le système de financement du cinéma français. Antoine Boilley, membre de l’ARCOM, note que les 22 SMAD en France ont respecté leurs obligations et que certains les ont même dépassées.  

Autre signe encourageant pour l’engagement des SMAD dans leurs obligations d’investissement : après Amazon fin 2022, Netflix a signé un accord avec les organisations d’auteurs et de producteurs en septembre 2023 lors du Festival de La Rochelle pour garantir une contribution plus élevée. Cette tendance d’investissement à la hausse dans le cinéma hexagonal se reflète ensuite dans le catalogue des plateformes : en 2022, 9 600 titres différents étaient proposés avec ¾ de l’offre cinéma disponible trustée par Netflix, Prime Vidéo et MyCanal. Avec un statut hybride de plateforme VàDA et de replay, MyCanal et OCS offrent une part de films français plus importante.

Une tendance qui marque la forte progression des plateformes SVOD dans le paysage cinématographique avec un élargissement de son audience renforcée par la crise sanitaire : l’hétérogénéité des programmes et l’augmentation du temps libre ont participé à la nette progression du nombre d’abonnés. Autre explication dans ce sens et qui renforce la présence des SMAD dans les usages de consommation du cinéma : la généralisation des téléviseurs connectées dans les foyers (45,5% en 2021) qui proposent les plateformes SMAD à portée de télécommande et l’utilisation du mobile de plus en plus présente (+11,7% entre 2018 et 2022).    

Un changement important dans la chronologie des médias

      L’autre changement du décret SMAD concerne la chronologie des médias : avec des obligations de financement plus importantes, les plateformes ont vu leur fenêtre d’exploitation se rapprocher de la sortie salle, passant de 36 mois à 17 mois (15 en cas d’accord avec le cinéma français comme c’est le cas pour Netflix). Les chaînes cinéma payantes restent à 9 mois (sauf Canal+ à 6 mois du fait de son accord professionnel et qui souhaite jouer un rôle de plus en plus important dans le financement du cinéma). Les fenêtres d’exploitation des chaînes gratuites (France Télévisions, TF1, M6) ne changent pas en restant à 22 mois. L’évolution la plus notable est donc le passage des plateformes SVOD avant les chaînes gratuites dans les fenêtres d’exploitation.

Un passage qui pourrait renforcer la désaffection lancinante des audiences pour la télévision au profit des SMAD mais qui répond en partie à la révolution des usages marquée par une consommation fragmentée, des plateformes différenciées et des changements dans les modes de distribution. Il est bon de rappeler que les chaînes linéaires demeurent un pilier du secteur cinématographique avec 78,2% des dépenses des diffuseurs en 2022. Pour Antoine Boilley (ARCOM), “Ces données traduisent la place privilégiée et prépondérante des groupes audiovisuels dans le financement de la création audiovisuelle et cinématographique. […] Il en va de toute la dynamique du financement de notre industrie de programmes dans l’audiovisuel et le cinéma”. D’autant que les chaînes ont obtenu un accord de co-exploitation avec les plateformes : lorsqu’un film est exploité sur une chaîne TV linéaire, il est alors retiré de la plateforme de streaming pour la durée d’exploitation.

Des craintes qui persistent

Le décret SMAD ne semble pas pour autant rassurer l’ensemble du secteur. Certains craignent des déséquilibres de plus en plus forts entre petites et grosses productions. “Les plateformes concentrent leurs investissements sur très peu d’œuvres” regrette Sébastien Borivent, DG de Tetra Media Studio. Selon le CNC, entre 2018 et 2022, la moitié des investissements des plateforme est allée dans le format série. La Présidente du collège audiovisuel du SPI (Syndicat des Producteurs Indépendants), Nora Melhli, s’inquiète : “L’arrivée des plateformes n’a pas irrigué le secteur comme on l’espérait. Les risques sont grands. On est peut-être à la veille de l’effondrement d’une bulle”.

Le producteur de cinéma, Saïd Ben Saïd, dans une interview au journal Le Monde, décrit une stratégie néfaste pour le secteur : “Aujourd’hui, les plateformes envahissent nos marchés. Au lieu d’aider les distributeurs, les producteurs et les exploitants indépendants à y résister, on lance la grande fabrique de l’image pour faire de la France une terre d’accueil pour les plateformes américaines. On ne sauve pas le cinéma français en en faisant un prestataire de services pour Netflix. Ça ne fonctionne pas comme ça.”

Avec les pressions que peuvent faire subir les SMAD, surtout les plus importants, sur le législateur, les tensions entre les différents acteurs n’ont pas disparu. On se souvient de Disney menaçant de sortir ses blockbusters annuels directement sur Disney+ si la chronologie des médias n’était pas révisée à son avantage. Les studios semblent avoir compris depuis qu’une exploitation en salle reste le meilleur moyen pour rentabiliser de tels projets et des stratégies de distribution hybrides commencent à apparaitre.    

Enfin dernier sujet d’interrogation qui plane : le bénéfice des SMAD dans l’exposition du cinéma français. Même si la contribution financière des plateformes au financement des œuvres cinématographiques semble acquise, leur visibilité au sein des plateformes ne suscite pas la même attention. Les 2/3 des films consommés sur les plateformes sont américains alors que la part de marché des films français est de 20%. Une ventilation stable depuis 3 ans mais qui reste déconnectée de l’exploitation salle où les films américains sont en général à 40% de part de marché à égal avec le cinéma français.

En prenant une focale plus large, on peut s’inquiéter de la visibilité des acteurs nationaux lorsque l’écran d’accueil des téléviseurs connectés s’apparente de plus en plus à une grille d’applications avec Google au premier plan. YouTube représenterait 30% du temps d’écran consommé sur ces téléviseurs, éclipsant donc en partie les productions audiovisuelles et cinématographiques françaises.     

Il ne faut pas oublier les autres menaces qui planent sur le secteur cinématographique français : une inflation grimpante qui grignote les budgets, des taux bancaires importants, des grèves qui se multiplient chez les techniciens intermittents, le recul de l’audiovisuel public. Sur ce dernier point, le décret SMAD ne permet pas d’effacer les incertitudes qui planent quant à la trajectoire budgétaire de France Télévisions, premier financeur de la fiction française (288M€ en 2022-2023). Nora Melhi ajoute : “Nous avons besoin d’un audiovisuel public fort. Que France Télévisions et Arte, nos deux premiers partenaires, soient confortés dans leur rôle. Et qu’ils renforcent leurs financements. C’est un enjeu démocratique.”

Au lendemain de la crise sanitaire, le décret SMAD a permis d’injecter de nouvelles liquidités bienvenues dans le système de financement du cinéma français en s’intégrant aux côtés des diffuseurs historiques. Les changements des modes de diffusion et des habitudes de consommation dans les foyers français ont renforcé cette intégration sur laquelle il était nécessaire de légiférer. Mais certains acteurs trouvent que cette intégration délaisse en partie le modèle de protection culturel des organisations indépendantes domestiques. La coexistence avec les diffuseurs doit encore être structurée. Les chiffres de 2023 du CNC devraient permettre de confirmer cette tendance d’investissement à la hausse en positionnant les plateformes comme un acteur important dans le rebond de la production cinématographique.

Sacha Szydywar

Sources :

  • Décret SMAD du 22 juin 2021, Article rédigé par Pierre Abouchahla, DG d’Écran Total pour le magazine Écran Total, publié le 23/06/2021
  • Un investissement en production de 1,6 milliard d’euros en 2022 (+12%) par les chaînes et plateformes, Article d’Isabelle Repiton pour Écran Total, publié le 19/12/2022
  • La Rochelle 2023 : la bonne santé de la fiction française n’efface pas les inquiétudes de la filière, Article d’Isabelle Repiton et Estelle Aubin pour Écran Total, publié le 20/09/2023
  • Saïd Ben Saïd, producteur de cinéma : il y a trop de films et beaucoup se ressemblent”, propos recueillis par Jacques Mandelbaum pour le journal Le Monde, publié le 05/10/2022
  • Observatoire de la vidéo à la demande, Rapport du CNC par Cécile Lacoue, directrice des études, des statistiques et de la prospective du CNC publié le 27/01/2023
  • SVOD et financement : les bêtes noires de la chronologie des médias, entretien avec Pascal Rogard (SACD) et Pascal Lechevallier (What’s Hot Media) pour MediaSchool
  • Nouvelle chronologie des médias : des changements mais pas de bouleversements, Article pour MC2I Experts publié le 23/02/2022
  • Le décret SMAD pourrait générer jusqu’à 1,5 Md€ pour la production française d’ici 2024 selon NPA Conseil, Estimations pour The Media Leader, publié le 20/09/2021

Carrefour et Netflix lancent l’abonnement Carrefour Plus.

Entre distribution alimentaire et distribution de contenu, il n’y a qu’un pas. C’est ce qu’ont prouvé Carrefour, le géant français de la grande distribution et Netflix, la plateforme de streaming à la demande en s’associant au sein de l’offre Carrefour Plus.

Moyennant 5,99€/mois, les clients disposent d’une réduction de 10% sur 6 000 produits de la marque Carrefour dans les magasins de l’enseigne ainsi qu’un abonnement Netflix Standard avec publicité offert. Les souscripteurs ont néanmoins la possibilité de s’abonner à des formules supérieures via Carrefour Plus en payant la différence, soit 7,50€/mois pour Netflix Standard et 14€/mois pour Netflix Premium. Aussi, dans le cas où le client a déjà un compte Netflix, il peut l’associer au Programme Carrefour Plus.

Bien que, l’abonnement inédit ne soit disponible que dans les agglomérations de Rouen et Bordeaux depuis le 16 janvier 2023, son retentissement est général. En effet, si Carrefour et Netflix s’étaient déjà associés pour commercialiser des dérivés de certaines séries (dont Stranger Things), leur partenariat franchi un cap supplémentaire.

Crédits : Carrefour

Un pari gagnant pour Carrefour

Véritable arme marketing, Carrefour Plus semble être un pari gagnant pour l’enseigne. D’une part, Carrefour espère augmenter son nombre d’adhérents. D’après Caroline Dassié, la directrice exécutive marketing et marque propre du groupe, l’objectif serait d’atteindre environ 15 000 clients sur les 108 magasins testés, soit le double des abonnements d’aujourd’hui. Carrefour n’est pas le seul acteur de la grande distribution à s’être tourné vers les programmes d’abonnement payants, plus complets que la simple carte de fidélité gratuite. Par exemple, Casino offre 10% de réduction sur le ticket de caisse des souscripteurs de Casino Max. Monoprix propose la livraison gratuite dans son programme à la consonance familière, Monopflix. Néanmoins, l’unicité de Carrefour Plus en France constitue un point de différenciation important dans un secteur très concurrentiel. Carrefour Plus combine à des avantages traditionnels, l’accès gratuit à une plateforme de streaming populaire. Cela constitue un argument de vente, incitant les consommateurs à choisir ce distributeur par rapport à un autre. Pour autant, les réductions sur les produits de la marque Carrefour proposées par le programme restent une incitation supplémentaire à l’abonnement. En période inflationniste, les français ont été forcés d’effectuer des arbitrages alimentaires. Rappelons également que les marques distributeurs connaissent un pourcentage d’inflation plus élevé que les autres marques, dépassant 14% pour les marques distributeurs contre 12% pour les autres (Capital). Globalement, Carrefour espère conserver le pouvoir d’achat des consommateurs en les aidant à ne pas arbitrer entre consommation alimentaire et divertissement. Ils peuvent avoir accès au deux pour moins de 6€.

D’autre part, Carrefour espère fidéliser et verrouiller la base d’adhérents Carrefour Plus. Les adhérents peuvent être plus enclins à rester abonnés puisque l’accès à Netflix dépend de leur participation continue au programme. De plus, la souscription au programme ne s’étend qu’aux magasins de l’enseigne, ce qui écarte les consommateurs des commerces concurrents.

Une première mondiale pour Netflix

Pour Netflix, le partenariat avec un acteur de la grande distribution est une première. Il faut dire que les acteurs du streaming ont traditionnellement eu un lien étroit avec les opérateurs télécoms. Les fournisseurs d’accès internet ont commencé à commercialiser des abonnements combinant accès aux plateformes de vidéos à la demande au sein de leur offre de téléphonie et internet. Ces bundles sont un canal d’acquisition de clients à bas coût pour les fournisseurs de contenus comme Netflix et une nouvelle source de revenu pour ces opérateurs. Et les chiffres le montrent bien : 20% des abonnements aux services de vidéo à la demande sont commercialisés via les compagnies télécoms (Bango). En France, les opérateurs Orange, Bouygues Télécomou SFR proposent des box internet avec Netflix même si seul Free inclut le forfait Netflix Essentiel dans son tarif d’abonnement.

Quand les retailers surfent sur la tendance du Super Bundling

Au sein du marché de l’abonnement, un paradoxe subsiste. Les consommateurs désirent avoir accès à davantage de contenus très différenciés – musique, divertissement, alimentaire, services financiers, etc… Le nombre de souscriptions par personne devrait doubler  passant de 2.2 à 5.3 entre 2018 et 2026 (Juniper Research). En même temps, ils se sentent submergés par la fragmentation de leurs souscriptions dont la gestion est propre à chacune. En conclusion, les consommateurs désireraient centraliser leurs différents services au sein d’une même plateforme. Le concept de Super Bundling dépasse donc celui de bundling puisqu’il est un hub de multiples souscriptions à des services très différenciés, mais dont le processus d’abonnement et de paiement est centralisé. Bien sûr, les opérateurs télécoms se sont saisis de cette opportunité, mais ils ne sont pas les seuls à être devenus créatifs dans la conception de leurs formules. En effet, les banques et les retailers tentent de s’insérer sur le marché du Super Bundling. Aux États-Unis, le distributeur Walmart inclut le service SVOD Paramount+ dans son abonnement Walmart+ en 2022.

Netflix veut toucher une nouvelle démographie

Crédits : IStock/ Pixels Effect

L’union de Carrefour et Netflix est un moyen pour la plateforme de conquérir de nouveaux abonnés payants. Avec ses milliers de points de vente et ses 14 millions d’adhérents encartés, Carrefour expose Netflix auprès d’une population relativement sous-représentée parmi ses abonnées. Carrefour est une enseigne de milieu de gamme dont les prix sont similaires à ceux pratiqués par Auchan, Système U et Intermarché. Le client type de Carrefour a entre 25 et 34 ans est citadin et gagne plus de 2 000€ par mois (OpinionWay). Netflix a donc l’opportunité de cibler cette nouvelle démographie de CSP- ou du moins de conquérir “ceux qui étaient hésitants à s’abonner” pour reprendre les mots de Laurent Uguen, directeur commercial de Netflix France. 

Le fait que l’offre d’entrée de gamme à 5.99€ soit comprise dans Carrefour Plus n’est pas un hasard. En 2023, la formule avec publicité a grandement participé à la croissance de Netflix : l’abonnement à la formule a augmenté de 70% en Q4 2023 et représente 40% des nouvelles créations de comptes dans les pays où il est actif. Le 23 janvier 2023, le streamer rend public son désir de supprimer la formule “Basic Netflix” à $11.99 à commencer par le Canada et le Royaume-Uni. La priorité de Netflix est donc d’étendre la distribution de sa formule d’entrée-de-gamme avec ses 23 millions d’utilisateurs actifs.

 Netflix espère faciliter l’abonnement à son service en s’immisçant dans le quotidien des consommateurs. Le fait que les clients puissent s’abonner à Carrefour Plus — et donc à Netflix — aux détours de leurs courses est une révolution en soit. Les commerces de proximité sont des antennes relais ancrées dans le quotidien des Français. À la différence, les opérateurs télécoms ont moins cette relation de confiance avec leurs abonnés et le dialogue avec ces derniers est rare (à l’occasion du renouvellement du contrat). La grande distribution profite de la récurrence d’usage de ses clients.

Et si le retail media était la prochaine étape ?

Même si rien n’a été annoncé en termes de données publicitaires, la convergence entre commerce et contenu a de quoi ravir les annonceurs. Carrefour est l’acteur alimentaire le plus important du retail media en France avec ses 14 millions d’encartés. Le géant monétise la donnée collectée auprès de ses consommateurs en magasin et en ligne, c’est-à-dire qu’il vend des espaces publicitaires auprès des marques. Son activité retail media s’est renforcée avec en 2022, la création de Unlimitail avec Publicis qui se veut être le one-stop-shop du retail media en Europe et Amérique Latine. La joint venture regroupe les data shoppers d’autres distributeurs comme Kingfisher France, Groupe Galeries  Lafayette, Rakuten France, Showroomprive Group.

Penser que Carrefour Plus puisse rentrer dans le spectre du retail media n’est pas aberrant. Mettons qu’un adhérent Carrefour Plus regarde un programme Netflix via son abonnement avec publicité. La donnée collectée de son parcours marchand, renseignant sur les habitudes d’achat de ce consommateur, peut servir à personnaliser les annonces publicitaires auxquelles ce même consommateur est exposé sur Netflix. Cela pourrait être une manière pertinente pour Netflix de redonner de la valeur à son seul inventaire d’abonnés. En croisant data shopper et valeur contextuelle des programmes au sein de Unlimitail, les possibilités de ciblages publicitaires granulaires pourraient donc être immenses. Ceci est déjà le cas avec France TV et M6, deux partenaires TV de poids pour Unlimitail sur le volet extension d’audience.

Un modèle à la Amazon Prime

Tout ceci n’est pas sans rappeler les pratiques d’Amazon, le leader mondial de l’e-commerce. Sa formule d’abonnement Amazon Prime combine la livraison d’articles prioritaires à une offre de streaming vidéo Prime à 6,99€/mois. Carrefour Plus est donc un rival direct de la formule Prime qui compte en France 7 millions d’adhérents. À noter que Prime Vidéo s’apprête à vivre un changement radical à partir du 29 janvier, date à laquelle la publicité par défaut arrive sur la plateforme d’abord pour une poignée de pays. Les données d’usage et de transaction récoltées par Amazon pourront très certainement servir à enrichir ses services publicitaires sur Prime Vidéo.

Des doutes subsistent côté consommateurs

L’offre promotionnelle de Carrefour et Netflix suscite des interrogations. Est-elle si avantageuse ? Sur les réseaux sociaux, l’Association des Franchisés Carrefour estime que les détenteurs de la Carte Pass et de la carte de fidélité bénéficient déjà de réductions sur leurs achats. Pourquoi donc souscrire à Carrefour Plus pour bénéficier de l’abonnement Netflix avec publicité s’ils peuvent s’abonner auprès du streamer pour le même prix de 5,99€. Qu’ont-ils réellement à y gagner ?

Le bilan est fixé à décembre 2024, date à laquelle Carrefour Plus pourrait être étendu à la France entière si 3% des clients des zones pilotes y ont souscrit.

Linda Ndiaye

Références

Dilhuit, A. L. (2023, 27 novembre). Étude Bango : La révolution du super bundling dans l’économie de la souscription. SlimPay. https://www.slimpay.com/fr/blog/etude-bango-la-revolution-du-super-bundling-dans-leconomie-de-la-souscription/

Echelard, G. (2024, 15 janvier). En s’alliant avec Netflix, Carrefour chasse sur les terres d’Amazon Prime. Challenges. https://www.challenges.fr/entreprise/grande-conso/en-s-alliant-avec-netflix-carrefour-chasse-sur-les-terres-d-amazon-prime_880125

Harel, C. (2024, 17 janvier). Carrefour : Pourquoi s’allier à Netflix plutôt qu’à Amazon Prime ou Disney+ ? Capital.fr. https://www.capital.fr/conso/carrefour-pourquoi-sallier-a-netflix-plutot-qua-amazon-prime-ou-disney-1490589

Jaimes, N. (2023, 15 juin). Tout ce qu’il faut savoir sur Unlimitail, la joint-venture retail media de Carrefour et Publicis. Mntd. https://www.mntd.fr/retail-media/tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-unlimitail–la-joint-venture-retail-media-de-carrefour-et-publicis-755904

Influentia (2024, 18 janvier). Netflix & Carrefour : L’arbre SVOD et la Forêt Retail Media – Influencia. Influencia. https://www.influencia.net/netflix-carrefour-larbre-svod-et-la-foret-retail-media/

Silvestre, A. (2024, 16 janvier). Netflix et Carrefour s’allient pour une nouvelle formule d’abonnement avec streaming et réduction à la caisse. Le HuffPost. https://www.huffingtonpost.fr/culture/article/netflix-et-carrefour-s-allient-pour-une-nouvelle-formule-d-abonnement-avec-streaming-et-reduction-a-la-caisse_228397.html

Roth, E. (2024, 23 janvier). Netflix is going to take away its cheapest ad-free plan. The Verge. https://www.theverge.com/2024/1/23/24048107/netflix-basic-subscription-ads-earnings-q4-2023

Publicité et live streaming : Netflix confirme sa nouvelle stratégie de diversification défensive

2024 marque l’entrée de Netflix dans l’arène du live streaming. La plateforme a annoncé le 23 janvier 2024 avoir signé un accord de diffusion avec la société TKO – la maison-mère de la WWE, la plus importante fédération américaine de catch – et de l’UFC – l’organisation spécialisée dans les combats de MMA (arts martiaux mixtes). Signe d’investissements colossaux dans la programmation en direct, l’accord de 10 ans évalué à plus de 5 milliards de dollars assure à Netflix de devenir le nouveau foyer de l’émission de catch à succès « Monday Night Raw ». Avec une entrée en vigueur en janvier 2025, l’accord réserve au streamer les droits exclusifs sur l’émission aux États-Unis et ses droits de distribution dans plusieurs pays dont le Canada, l’Amérique latine et le Royaume-Uni. Comme un passage de témoin de la télévision linéaire à la diffusion en continu, la chaîne USA Network qui diffusait jusqu’alors l’émission vieille de 31 ans renonce à trois heures de programmes en direct par semaine tout au long de l’année. Selon la chaîne CNBC, cette annonce représente pour Netflix « son plus grand saut dans le domaine du divertissement en direct » (“its biggest jump into live entertainment[1]”). Plus qu’un saut dans le divertissement en direct, Netflix opère depuis plus d’un an un revirement de stratégie dont l’accord avec la WWE n’est pas l’unique volte-face. Désormais, le cahier des charges de la plateforme affiche comme priorités autant l’élargissement de son offre de divertissement – des événements en direct, des contenus sportifs et des jeux – que le développement de son activité publicitaire.

Une stratégie de diversification portée par le live streaming, les contenus originaux et ceux sous licence

Recette enviée de ses concurrents, la formule du succès de Netflix reposait originellement sur des contenus originaux, l’absence de télévision en direct et de publicité, et une bibliothèque inégalée de films et de séries à diffuser dans le monde. Mais la perte historique d’un million d’abonnés en 2022 a contraint la firme américaine à trouver de nouveaux relais de croissance. Parmi eux, le partenariat avec la WWE permet à Netflix d’accéder aux millions de téléspectateurs annuels de « Raw » lors de rendez-vous hebdomadaires en direct. Netflix n’en est cependant pas à son coup d’essai. En 2023, la société avait annoncé qu’elle organiserait son tout premier événement sportif en direct avec des pilotes de F1 et des golfeurs professionnels s’affrontant lors d’un tournoi de golf. Quelques mois plus tôt, elle s’était déjà essayée à la diffusion en direct avec l’émission de stand-up du comédien américain Chris Rock. Avec la WWE, l’arrivée de Netflix sur le marché du live streaming implique un nouvel usage de la plateforme – la possibilité de regarder plus régulièrement des émissions sur rendez-vous -, et avec lui, de nouvelles recettes – les annonceurs et les abonnés. Pour le Wall Street Journal, cette stratégie « s’inspire des chaînes de télévision que Netflix a commencé à remplacer dans le cadre de ses efforts pour devenir la principale source de divertissement des ménages » (“It takes a page from the TV networks Netflix has started to replace as the streamer works to become the main source of households’ entertainment[1]”). On peut aussi considérer l’accord avec la WWE comme une mesure défensive permettant à Netflix d’égaler l’étendue du contenu sportif en direct disponible sur les services rivaux, tels que Max de Warner Bros Discovery et Peacock de NBCUniversal.

La création de films originaux et d’émissions de téléréalité comme « Too hot to handle » ou « Love is Blind » complète ce nouveau portefeuille de programmes. « La société s’est lancée dans la télé-réalité, les romans à l’eau de rose et les séries internationales, tout en confiant de grosses sommes d’argent à des scénaristes de renom tels que Shonda Rhimes et Ryan Murphy » explique le Financial Times[2]. Netflix prévoit de dépenser jusqu’à 17 milliards de dollars en contenu en 2024[3]. « Aucune société de divertissement n’a jamais essayé de programmer à cette échelle et pour autant de goûts et de cultures[4] », Netflix a-t-il écrit, glorieux, à ses actionnaires le 23 janvier 2024.

La poussée de Netflix dans le domaine du live streaming, ses investissements dans la création originale ainsi que sa décision d’accorder des licences pour davantage de programmes télévisés à ses concurrents interviennent alors que l’entreprise tente de relancer la croissance de son volet publicitaire, son autre cheval de bataille dans la course aux abonnés.

Le pari de la publicité ou le virage stratégique d’un modèle économique qui s’essouffle

Grâce notamment à sa politique plus stricte en termes de partage des mots de passe et à son abonnement moins coûteux avec de la publicité lancé en novembre 2022, Netflix a recruté 13,1 millions d’abonnés au cours du trimestre de décembre 2023[1], ce qui représente la plus forte croissance d’abonnés jamais enregistrée au cours du quatrième trimestre.

L’accord avec la WWE intervient alors que le streaming se rapproche de l’omniprésence de la télévision par câble. Marc DeBevoise, PDG de la société de technologie de diffusion en continu Brightcove, déclare à propos du catch professionnel que « c’est l’une des rares choses qui génère une audience de plus de 10 millions de téléspectateurs, ce qui est nécessaire pour développer une activité publicitaire[1] ». Cette stratégie de contenus s’inscrit donc pleinement dans la lignée des efforts de Netflix pour faire de la publicité une source significative de revenus d’ici à 2025.

Dans sa course aux abonnés, Netflix a engagé une stratégie de diversification tant de ses contenus que de ses revenus, s’inspirant du modèle traditionnel de la télévision câblée. L’arrivée du catch en direct doit permettre de gagner en abonnés ainsi que de contribuer à la nouvelle activité publicitaire du groupe, ce qui offrira probablement une justification supplémentaire pour augmenter les prix des abonnements à l’avenir. Le cahier des charges de Netflix évolue au gré des innovations et des usages, redistribuant sans cesse les cartes de la consommation audiovisuelle en ligne.

Adèle de Crépy

Sources : 

–      « The Netflix Pivot is Complete », Angela Watercutter, Wired, 23 janvier 2024. 

–      « Netflix to stream WWE’s Raw starting next year in its biggest jump into live entertainment », Alex Sherman et Jacob Pramuk, CNBC, 23 janvier 2024. 

–      « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024. 

–      « Netflix profite des fêtes et engrange 13 millions d’abonnés supplémentaires », Capital, 24 janvier 2024. 

–      « Netflix s’inspire de l’ancien modèle de la télévision câblée en ajoutant le sport en direct », Zone Bourse, 24 janvier 2024.

–      « Liens vagabonds : Le modèle de Netflix évolue et rabat les cartes du « old streaming » », Kati Bremme, Alexandra Klinnik et Aude Nevo, Méta-Media, 27 janvier 2024. 


[1] « Netflix s’inspire de l’ancien modèle de la télévision câblée en ajoutant le sport en direct », Zone Bourse, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix profite des fêtes et engrange 13 millions d’abonnés supplémentaires », Capital, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.

[2] « Liens vagabonds : Le modèle de Netflix évolue et rabat les cartes du « old streaming » », Kati Bremme, Alexandra Klinnik et Aude Nevo, Méta-Media, 27 janvier 2024.

[3] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.

[4] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix to stream WWE’s Raw starting next year in its biggest jump into live entertainment » , Alex Sherman et Jacob Pramuk, CNBC, 23 janvier 2024.

Les chaînes gratuites diffuseront-elles encore des évènements sportifs en 2030 ?

La retransmission sportive est devenue de plus en plus prisée des chaînes gratuites et payantes pour réaliser d’importantes audiences, fidéliser les spectateurs et générer de substantielles recettes publicitaires.

Mais ce marché stratégique a aussi suscité l’intérêt des géants technologiques et les GAFA, Amazon et Apple, ont récemment consolidé leur présence sur ce secteur.

Selon une étude de l’ARCOM parue en 2022, l’audience moyenne annuelle des retransmissions sportives, qu’il s’agisse d’événements récurrents ou d’émissions, connaît une légère baisse sur les chaînes TV historiques de la TNT depuis 2014.

Cette tendance concomitante de la montée en puissance des nouveaux arrivants du secteur souligne une évolution du paysage médiatique, marquée par des dynamiques changeantes et des enjeux concurrentiels croissants.

Un marché de la retransmission sportive en mutation 

La multiplication des éditeurs et l’arrivée de plateformes américaines à gros moyens, dont certaines, à l’image d’Amazon Prime Video, sont déjà bien établies sur le marché français de la captation sportive, ne cesse d’ébranler le marché global des droits TV en constante hausse depuis 2012 (+57% entre 2012 et 2019) selon l’ARCOM.

La diffusion des internationaux de tennis français reflète bien les mutations du marché.

Le tournoi, historiquement diffusé uniquement par les chaînes du service publique (France TV) a désormais, depuis 2019, ses sessions de nuit proposées par Amazon sur sa plateforme vidéo. Suite à la renégociation des droits en 2019, la FFT avait ainsi pu se réjouir d’avoir augmenté ses revenus issus des droits TV de « plus de 25% ».

Elle a toutefois suscité de nombreuses critiques sur la méthode utilisée pour atteindre ces recettes « d’environ 25 millions d’euros » avec les droits de diffusion (lot 2+ Co-diffusion ½ finales et finales) cédés à Amazon. On pense par exemple à la polémique autour du quart de finale opposant Novak Djokovic à Rafael Nadal diffusé uniquement sur Prime Video et privant de nombreux fans de tennis de suivre cette rencontre gratuitement.

On pourrait citer également le groupe TF1 qui a perdu au profit de Canal+ les droits de retransmission de la F1 alors qu’il en était le diffuseur historique jusqu’en 2012.

De même, W9, diffusa de 2010 à 2018 des matchs de la ligue Europa jusqu’à ce que le groupe payant RMC en reprennent les droits.

Sur un marché des droits sportifs aux tendances inflationnistes, les chaînes gratuites se font de plus en plus concurrencer sur la diffusion des compétitions majeures.

L’analyse de l’ARCOM, montre aussi une réelle érosion des heures de retransmissions sportives en télévision gratuite (cf. graphique).

Elle constate également une écrasante domination des chaînes payantes, sur le secteur de la captation sportive, en termes d’heures de diffusion malgré une diminution du nombre de chaînes payantes diffusant des programmes sportifs depuis plusieurs années. Ainsi, sur les 145 335 heures de programmes sportifs diffusés en 2019, 95 % sont proposées par des chaînes payantes (137 553 heures), contre 5 % par des chaînes gratuites (7 024 heures).

L’inflation sur ce marché de la diffusion sportive résulte d’une part de l’arrivée de nouveaux éditeurs (Bein en 2012, SFR en 2019). On peut aussi citer désormais Amazon et bientôt peut-être DAZN (positionné sur la ligue 1) ou même Apple et Netflix. D’autre part, une stratégie systématique de maximisation des droits par les ligues professionnelles sportives et les organisateurs contribue à la hausse des prix. On l’a vu récemment avec la polémique sur les enchères de la LFP concernant les droits de ligue 1 et le retrait des négociations de Canal+ (diffuseur historique de la compétition).

Cependant, les chaînes gratuites restent compétitives sur la diffusion sportive, portée par les chaînes du service public

Car, en dépit de la hausse des droits TV et de l’érosion constante des heures de retransmission sportive depuis 2016, les chaînes gratuites conservent les droits de diffusion des courts extraits d’évènements sportifs et bénéficient d’une liste de diffusion d’évènements sportifs d’importance majeur établie par la loi relative à la liberté de communication.

Par ailleurs, hors de ce cadre juridique, elles détiennent toujours des droits de diffusion stratégiques payants comme certains matchs attractifs de coupe du monde de football pour TF1 ou des matchs d’Europa League pour le groupe M6.

La chaîne thématique L’Équipe reste aussi très attractive pour les « fans » de sport avec de nombreux contenus sportifs (émissions, gala du ballon d’or, reportages, extraits de match et résumés) comme certains matchs de coupe du monde en phase éliminatoire, par exemple, ou l’intégralité de la ligue des nations, d’intérêt plus « secondaire ».

Laurent-Éric Le Lay, l’actuel directeur des sports de France Télévisons soulignait dans un entretien au journal Le Point en 2021 qu’au-delà de la loi précitée : « le sport a besoin d’être vu par le plus grand nombre ».

            Même si la tendance globale à la baisse de la diffusion de contenus sportifs audiovisuels en télévision gratuite s’inscrit dans un mouvement plus global de baisse de consommation de contenus sur ces chaînes, les retransmissions sportives atteignent souvent des niveaux d’audience très élevés en télévision gratuite, notamment en « prime time ».

Les chaînes gratuites ont en effet, pour l’instant, une plus grande capacité à toucher une cible large que les chaînes et les plateformes payantes car elles touchent une audience moins spécialisée qui découvre ainsi de nouvelles disciplines sportives.

« …quand vous êtes diffusés sur une chaîne gratuite, vous avez des audiences incroyablement supérieures. Et parmi cette audience se trouvent des gens qui sont moins fans et qui découvrent de nouveaux sportifs et de nouvelles disciplines » (Le Lay, L-E)

Source : article de Rebucci, J. LePoint.fr

Elles se positionnent généralement sur des compétitions « événementielles » et développent un solide « partenariat avec l’organisateur de la compétition » et « les fédérations », pour toucher le plus grand nombre de spectateurs. La qualité de la relation entre les chaînes historiques et les ligues sportives professionnelles compte également dans cette course aux retransmissions sportives, les ligues cherchant les partenariats et les modèles de diffusions les plus adaptés à leurs sports et à leurs besoins.

Laurent Éric Le Lay, rappelle dans l’entretien mentionné ci-dessus que la valorisation d’événements « passe … aussi par la capacité des chaînes gratuites à réaliser divers reportages et émissions autour du sport et des athlètes concernés ».

Les chaînes payantes, visent ainsi plus fréquemment des compétitions à dimension « feuilletonnante » (ligue 1, Top 14) et une programmation régulière avec un objectif de fidélisation de leur audience.

Les chaînes gratuites restent compétitives sur la retransmission sportive mais à quel prix et pour combien de temps ?

La compétitivité des chaînes gratuites sur le marché de captation sportive reste cependant très liée à leurs capacités d’investissements et d’acquisitions de droits TV d’évènements sportifs qu’ils soient « secondaires » ou « premium ».

Mais les chaînes gratuites enregistrent des taux de croissance de leurs CA globalement peu dynamiques. Le groupe FTV enregistre une baisse de 9% sur la période 2012-2022, en raison de la baisse des dotations de l’État et des recettes publicitaires. Le taux de croissance des chaînes privées gratuites est en baisse de -2% depuis 2006. Les chaînes historiques TF1 et M6, ont vu leurs CA baisser constamment sur cette période. Cela s’explique, en partie, par une baisse du chiffre d’affaires publicitaire pour la grande majorité des groupes TV. Les chaînes historiques privées TF1 et M6 ont ainsi constatées une baisse de 23% de leurs recettes publicitaires depuis 2006 (-518 M €). Moins impacté, car dépendant à 80% des recettes publiques, le groupe France TV constate tout de même une diminution de 4% de ses recettes liées à la publicité sur la période (-137 M €).

Cette situation, surtout quand on sait que les chaînes privées dépendent à plus de 50% des investissements des annonceurs, (cf. Bilan financier des chaînes gratuites – 2022 – Arcom), si elle devait perdurer ou s’accentuer questionne la capacité future des chaines gratuites à investir encore sur du contenu sportif « premium » et pas seulement « secondaire » et dont la rentabilité n’est pas immédiate lors de sa diffusion.

D’autant que les plateformes GAFA comme Amazon deviennent de plus en plus attractives pour les annonceurs et acquièrent de nouveaux droits TV sportifs au détriment des chaînes gratuites françaises (mais aussi des chaînes à péage).

Valorisés à plusieurs centaines de milliards de dollars, les éditeurs numériques américains s’intéressent de plus en plus aux retransmissions sportives.

On les voit arriver sur ce marché, y compris en France, avec Amazon en tête de peloton.

Plus récemment Apple, un temps évoquée pour l’acquisition des droits de ligue 1 sur la période 2024-2027, a racheté, pour 2,5 milliards de dollars sur 10 ans, les droits de la MLS (Major League soccer) pour en être le diffuseur exclusif dans le monde.

La plateforme Netflix investit massivement dans les séries documentaires sportives et, preuve d’un intérêt croissant sur ce segment de contenus, l’entreprise a récemment annoncé la diffusion de son premier événement sportif en direct : un match amical qui opposera Rafael Nadal à Carlos Alcazar.

Dès lors, l’effet de ciseau crée par la contraction des chiffres d’affaires des chaines gratuites suite notamment à la réduction des revenus publicitaires et la force de frappe économique des plateformes pourrait bien fragiliser à terme les chaines gratuites sur le segment de la captation des événements sportifs.

ANTOINE BARRET

Bibliographie :

LE DECLIN DE LA TÉLÉVISION PAYANTE AUX ÉTATS-UNIS 

Selon une étude d’Ampere Analysis couvrant 96 marchés (1), la télévision payante traditionnelle, autrefois dominante, connaît un déclin sans précédent au niveau mondial : pour la première fois, la pénétration mondiale de la télévision payante devrait diminuer. En effet, alors que la SVOD gagne du terrain et que de nouveaux acteurs émergent dans le secteur de la télévision, les offres historiques se voient confrontées à des défis considérables. Cette transition est alimentée par divers facteurs, allant de la hausse des coûts à l’évolution des modes de consommation, et marque un changement de paradigme dans la manière dont les téléspectateurs accèdent à leurs contenus préférés.

Le marché nord-américain est grande partie responsable de cette baisse : aux États-Unis, la pénétration de la télévision payante est passée de 84% en 2009 à seulement 45% en 2023. Ce marché était pourtant réputé comme solide et semblait traverser les années sans grande difficulté. Les américains sont effectivement connus pour leur propension à rester de longues heures devant leur postes de télévision et à allouer une partie importante de leur budget mensuel à des abonnements à des bouquet de chaînes de télévision payante : environ 100 dollars sont dépensés chaque mois en cable tv (2)  . Ces derniers sont commercialisés par des opérateurs de réseaux câblés tels que Comcast, Charter, AT&T, Dish, Altice USA, Verizon, Cox… En 2012, 85% des foyers américains étaient concernés par l’abonnement à ces bouquets, en 2022, cela ne représente plus que 55% des foyers.
Soyons ici clairs : cela ne signifie pas pour autant que le temps de visionnage moyen a diminué, les américains regardent toujours autant la télévision qu’avant, voire plus, depuis l’arrivée de nouveaux acteurs. Cela signifie juste qu’ils la regardent autrement : on assiste ainsi plutôt à une reconfiguration du marché du payant, qu’à une véritable disparition de celui-ci. 

L’arrivée de nouveaux acteurs, et donc de nouvelles offres 

Contrairement au reste du monde, la crise sanitaire de 2020 aux Etats-Unis ne s’est pas accompagnée d’un regain d’intérêt pour le petit écran. La raison ? De nombreux foyers américains avaient déjà franchi le cap de l’abonnement à des services de vidéo à la demande, ce que l’Europe avait déjà commencé à faire mais dans une moindre mesure.
« En l’espace de quelques mois, plusieurs services nouveaux sont apparus fin 2019-début 2020 (…). Fin 2020, 72 % des foyers utilisaient au moins un service de SVoD, contre 66 % en 2018. Et les téléspectateurs ont été encore plus adeptes du streaming durant la pandémie », selon Vincent Létang, directeur d’études médias (4).
Ces nouveaux services répondent aux noms de Disney+, Netflix, Prime Video, etc. Ils ont été principalement consommés sur tablette, téléphone mais également sur Smart TV, directement connectées à internet, pendant le confinement. Ces tv connectées permettent de consommer directement des programmes audiovisuels, sans forcément passer par un abonnement au câble. Ainsi, elles offrent aux services de SVoD, une voie d’accès évidente vers téléspectateurs et potentiels abonnés, sans que ces services n’aient à passer par les acteurs historiques des télécommunications (AT&T, Altice, Charter…).
=> En 2021, près d’un téléviseur sur deux installé dans les foyers américains proposait un accès direct à internet, ce qui participe à une reconfiguration évidente du marché du payant (5)

Les services de SVOD n’ont pas été les seuls à profiter de l’ouverture de la population nord-américaine à d’autres modes de consommation audiovisuelle. Un acteur comme Youtube TV fait également figure d’autorité dans l’établissement de ces nouvelles pratiques.
Peu connu en Europe, ce service, mis en place depuis début 2017, diffuse les principaux réseaux américains et permet d’accéder à plus de 100 chaînes TV linéaires premium directement sur YouTube, dont ABC, Fox, CBS, NBC et ESPN. L’abonnement, qui coûte 72,99 dollars par mois, permet donc lui aussi de contourner le réseau classique de télécommunications pour proposer un accès direct aux chaînes payantes. Toutefois, le gros du visionnage selon « The Information » provient du service principal de Youtube, c’est-à-dire la consommation de vidéos en streaming, plutôt que des chaînes qu’il agrège, comme le fait un distributeur traditionnel (6). En 2023, Youtube TV représentait 8,1% du visionnage sur les téléviseurs connectés aux Etats-Unis, contre 6,9 % six mois auparavant et contre 6,9 % pour Netflix, selon Nielsen (6). Les formats des publicités sur Youtube TV adoptent également un format très télévisuel puisque la plateforme propose aux annonceurs des publicités de 30 secondes, sans possibilité pour le téléspectateur de les couper. 

Les foyers américains se retrouvent donc face à un choix de diffuseurs et de contenus audiovisuels pléthoriques. Aux offres payantes sans publicité, se sont aussi ajoutées des offres payantes avec pub, à la manière de Netflix, Disney+ ou Prime Vidéo, qui séduisent de plus en plus. Ces offres, plus alternatives et flexibles, sont en grande partie responsable du départ massif des abonnés aux traditionnels bouquets TV, vers les plateformes de streaming. 

Quelles répercussions pour les acteurs de la télévision payantes ? 

Face à cette fuite d’abonnés, les acteurs de la télévision payante se sont vus contraints d’augmenter leurs tarifs, alors que ces derniers étaient déjà très élevés. Conséquence : ces bouquets de chaîne séduisent moins, du fait de leurs prix élevés d’une part, et d’autre part, les contenus proposés ne sont désormais plus les plus attractifs du marché. Les investissement colossaux des plateformes de streaming en matière de contenus et de marketing visent justement à attirer le plus grand nombre d’abonnés. Ces derniers, séduits par ces nouvelles offres, se détournent ainsi progressivement de la télévision traditionnelle payante. « Pour le consommateur, il n’y a plus de dépendance vis-à-vis d’un fournisseur de câble et de bouquets de télévision classiques », explique un professionnel de l’industrie audiovisuelle (7). Le fait est que la majorité des consommateurs américains ont désormais une offre suffisamment variée pour pouvoir se passer d’un abonnement cable tv. 

Quelles stratégies adopter face à cette perte d’abonnés ?

L’augmentation des prix des abonnements de ces bouquets survient en réaction à l’arrivée de ces nouveaux acteurs, mais elle se justifie aussi et surtout par le fait, que les acteurs de la télévision payante souhaitent rendre leurs offres plus premium et qualitative qu’elles ne l’étaient auparavant. Ils savent qu’ils ne peuvent empêcher le départ inévitable d’un certain nombre de clients vers ces nouvelles offres, mais ils font également le pari que certains téléspectateurs ne pourront pas se passer de leur abonnement. La raison ? Les fans de sport par exemple, n’auront aucun autre moyen de regarder leurs compétitions favorites ailleurs que sur le câble ou le satellite (ESPN, Fox Sports, NBC Sports et des chaînes locales). En effet, même si le sport est en train de basculer en streaming (Amazon Prime Video, Peacock…), il reste difficile, pour les plateformes de streaming, de disposer de droits sportifs aussi étoffés que ceux détenus par les acteurs de la télévision payante. 

Si le sport peut être une des cartes à jouer dans la rétention des abonnés, brouiller les limites entre télévision par câble et télévision non linéaire est aussi une stratégie adoptée par tout un ensemble d’acteurs de la télévision traditionnelle. Comcast par exemple, a annoncé en 2021 le lancement de son téléviseur connecté. L’objectif ? Permettre d’accéder à la fois à de la télévision linéaire classique (via câble ou signal hertzien) mais également, à des applications de vidéo à la demande. Grâce à ces télévisions connectées installées directement chez les foyers américains, l’opérateur a la possibilité de contrôler l’interface de visionnage de ses clients. 

On assiste ainsi à une reconfiguration du marché du payant aux États-Unis. Les nouveaux acteurs ont réussi à s’imposer sur un marché qui n’était finalement pas si saturé. Le mode de diffusion n’est désormais plus ce qui importe le plus : les acteurs s’affrontent désormais sur le terrain du contenu

Emma Pajot

Sitographie

  1. https://the-media-leader.fr/la-penetration-de-la-television-payante-en-baisse-en-2024-selon-ampere-analysis/
  2. https://medium.com/@ultimatemedia2023/how-much-does-the-average-american-household-spend-on-cable-and-or-streaming-services-per-year-ab97ba994cb9#:~:text=According%20to%20a%20survey%20conducted,package%20and%20provider%20you%20choose.
  3. https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/aux-usa-le-long-declin-de-la-television-payante-20220126
  4. https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/television-la-pandemie-a-dope-le-petit-ecran-partout-dans-le-monde-sauf-aux-etats-unis-1306022
  5. https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/aux-etats-unis-les-televiseurs-connectes-simposent-dans-les-foyers-1306186
  6. https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/publicite-youtube-un-vrai-concurrent-sur-la-television-du-salon-1944993
  7. https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/le-cablo-operateur-americain-comcast-lance-sa-smart-tv-1356774

Sur petits et grands écrans, l’animation française à la conquête du monde : les raisons stratégiques d’une success story tricolore

Le point commun entre les films Super Mario Bros, Ninja Turtles : Teenage Years, Miraculous et Migration ? Ce sont des productions Made in France ET de véritables hits à l’international. Depuis plusieurs décennies, la France est parvenue à développer une véritable expertise dans le secteur de l’animation, attirant l’attention de l’industrie cinématographique mondiale, y compris les géants d’Hollywood et du marché de l’animation japonaise. On parle aujourd’hui « d’âge d’or » de l’animation française, appréciée non seulement pour sa créativité et sa qualité technique, mais aussi pour sa capacité à toucher un public très diversifié. De nos jours, les plus grands studios américains et japonais s’arrachent les talents français, tandis que les sociétés d’animation tricolores sont sollicitées sur des licences d’envergure internationale (entre autres, Star Wars, League Of Legends, Super Mario, Les Tortues Ninja…). Focus sur les atouts stratégiques contribuant à la réussite de cette « exception culturelle française. »

UN SOCLE ÉDUCATIF UNIQUE 

La France dispose d’un terreau particulièrement fertile d’écoles renommées spécialisées dans l’animation ; Les Gobelins, l’ESMA, Rubika, ARTFX et MoPA figurent parmi les meilleures formations d’animation au monde d’après le classement établi par l’Animation Career Review. Ces écoles fournissent aux étudiants toutes les compétences nécessaires pour exceller dans le secteur, elles sont notamment réputées pour leur capacité à enseigner toutes les techniques d’animation, 2D comme 3D, là où les écoles américaines ont par exemple fait le choix de pleinement se focaliser sur la 3D au tournant des années 2000, délaissant les techniques d’animation traditionnelles. À l’inverse, le Japon a longtemps manifesté sa réticence à l’égard de la 3D, accusant aujourd’hui un lourd retard technologique et artistique sur ses pays concurrents. La diversité des techniques et des influences artistiques est au coeur des formations françaises. Elles sont en lien étroit avec l’industrie, car ce sont généralement des professionnels en activité qui enseignent dans ces écoles. La France offre ainsi aux jeunes des formations d’une grande qualité, perpétuellement alimentées par les meilleurs professionnels du secteur. 

Contrairement à ses voisins anglo-saxons, ces formations s’étalent sur plusieurs années et sont généralement peu coûteuses. Face à l’explosion de la demande internationale, ces écoles, autrefois peu connues et relativement « niches », font désormais face à une explosion de leurs effectifs. D’après une étude du CNC, le nombre d’étudiants spécialisés en animation devrait doubler d’ici 2030. Ces écoles sont regroupées au sein du RECA, un réseau d’intérêt général qui vise à « favoriser la lisibilité de l’offre en formation dans le secteur de l’animation » et « faciliter le dialogue entre les écoles et avec les professionnels dans le respect d’une déontologie commune » selon ses fondateurs. Les écoles françaises bénéficient ainsi d’une visibilité internationale, convoitées par les jeunes talents du monde entier. 

UN SOUTIEN INSTITUTIONNEL INDÉFECTIBLE

L’animation en France bénéficie du soutien des institutions culturelles et gouvernementales. Le CNC soutient financièrement la production d’œuvres animées françaises : en 2022, les aides du CNC couvraient 18% des devis en animation. Pour la télévision, 50 programmes français ont été aidés en 2022, soit plus de 1600 épisodes. À noter que France Télévisions demeure depuis plus de 10 ans le premier groupe européen commanditaire de programmes d’animation français. Au cinéma, 13 productions animées d’initiative française ont été aidées par le CNC en 2022, c’est un record. 

Le CNC vise également à instaurer un cadre réglementaire favorable au développement de cette industrie à l’international. Particulièrement depuis plusieurs années, encourager l’animation Made in France est devenu un véritable enjeu pour faire face à la compétitivité accrue des autres pays. Depuis 2016, le crédit d’impôt international (C2I) favorise les collaborations internationales. Les entreprises étrangères sont davantage enclines à travailler avec des studios d’animation français, car en plus de leur précieux savoir-faire, les dispositifs fiscaux mis en place sont très avantageux. En 2022, 52 œuvres d’animation agréées au C2I ont généré près de 190M€ de dépenses en France ; c’est deux fois plus qu’en 2019. Dans le contexte du plan d’investissement national France 2030 et de l’appel à projet La grande fabrique de l’image (sous la supervision du CNC), le soutien envers la filière devrait se consolider. L’objectif est d’abord de soutenir de manière durable les projets portés par des acteurs majeurs comme Illumination MacGuff (Moi Moche et Méchant, les Minions, SuperMario Bros), Xilam (Oggy et les cafards, J’ai perdu mon corps), Blue Spirit (Ma vie de Courgette, Blue Eye Samurai) ou Mikros Images (Bob L’éponge, Pat’Patrouille, Asterix) ; tout en favorisant le développement de studios créatifs en croissance, comme MIAM ! (Edmond et Lucy) et Fortiche (Arcane, Rocket & Groot).  

UNE « FRENCH TOUCH » DÉSIRÉE

La France est reconnue pour son cinéma d’auteur, et cela s’applique également à l’animation. Les créateurs français ont souvent la liberté artistique nécessaire pour développer des projets originaux et innovants, contribuant ainsi à l’émergence de films d’animation uniques. Chez son voisin outre-atlantique, il est d’usage de constituer des pools d’auteurs et de réaliser une multitude d’études de marché afin de déceler le plus précisément possible les attentes du public, dans une logique de rentabilité et de minimisation des risques. En France, le modèle est beaucoup plus léger, la vision de « l’auteur » demeure au coeur des processus de création : d’une certaine façon, chaque œuvre est un prototype. La diversité de techniques utilisées, des influences et des scénarios déployés ont façonné ce style d’animation unique, une « french touch » reconnue mondialement pour son exigence, sa qualité, son design et sa sensibilité. Les oeuvres sont si éclectiques qu’elles parviennent à capter les publics du monde entier : en 2023, nos salles obscures ont accueilli l’ambitieux polar de SF Mars Express, le somptueux conte onirique Sirocco ou encore la comédie haut en couleur Linda veut du poulet ! Ces films, bien que très différents, ont pour facteur commun leur succès, critique comme commercial. 

Leur carrière est boostée par l’international avec souvent la moitié du chiffre d’affaires réalisé à l’étranger, à l’instar du film français Le Petit Prince (2015) qui a enregistré 18 millions d’entrées sur 65 territoires. Pour Marc du Pontavice, PDG des studios Xilam, la réussite de l’exportation française s’explique par la qualité unique de l’animation : « Les Européens et particulièrement les Français ont appris le métier dans un creuset d’influences très variées et ont créé leur propre identité graphique qui du coup s’exporte très bien. Elle est très universelle, moins américano-centrée ou japono-centrée que nos concurrents. » La FRanime s’exporte si bien à l’international que certains auteurs français se retrouvent propulsés aux manettes de superproductions françaises d’initiative étrangères, à l’instar de Benjamin Renner (Ernest et Célestine, Le Grand Méchant Renard), réalisateur sur Migration (Universal, Illumination). 

DES COLLABORATIONS INTERNATIONALES

La France a su établir des collaborations fructueuses avec des studios étrangers, européens, américains et japonais. En 2022, 7 films d’animation sur 10 étaient des coproductions internationales. Les producteurs se tournent vers leurs voisins européens et internationaux pour trouver des fonds et veiller à l’adéquation entre le produit final et les publics internationaux. Selon le CNC, entre 2012 et 2021, le financement international représentait 25% du financement global des films d’animation d’initiative française. Aujourd’hui, le taux approche les 30%. La production d’animation française se veut donc par principe international, avec 80% à 90% de coproductions européennes.

Notons le rôle croissant des plateformes dans la production française. Les quelque 120 studios d’animations français collaborent de plus en plus régulièrement avec les plateformes de streaming : en 2020, Xilam réalisait plus de 50% de son chiffre d’affaires avec Netflix et Disney+.  « Il y a 5 ans, l’essentiel de notre chiffre d’affaires provenait des chaînes françaises et des réseaux de chaînes étrangères » relève Marc du Pontavice. Ces plateformes ont tendance à privilégier l’animation destinée à un public adulte, là où les chaînes de télévision publiques et européennes se focalisent davantage sur l’animation pour enfants. Cependant, l’animation pour adulte progresse partout, chaînes comme plateformes sont conscientes des vastes poches de marché sur ce segment. Les récentes séries Netflix à succès Arcane et Blue Eye Samurai en sont les parfaits exemples. Arcane, produite par le jeune studio français Fortiche, est l’une des séries animées les plus chères de l’histoire, avec un budget avoisinant les 80M$, soit dix fois le budget d’une série d’animation classique. Blue Eye Samurai, produite par Blue Spirit, a été renouvelée par Netflix moins d’une semaine après sa sortie, preuve de son incontestable succès. Ce type de séries, largement saluées par la critique pour la singularité et la beauté de leurs graphismes, a le vent en poupe sur les plateformes.

PERSPECTIVES DE MARCHÉ

Ainsi, la haute qualité d’animation demeure l’avantage concurrentiel principal de la FRanime, c’est un atout stratégique puissant mais fragile, challengé par de multiples enjeux. Pensons notamment aux avancées technologiques majeures que connait ce secteur actuellement, particulièrement sur le terrain de l’intelligence artificielle : Jeffrey Katzenberg, le co-fondateur de DreamWorks, estime que 90 % des artistes pourraient être remplacés par l’IA dans les années à venir. Les besoins en main d’oeuvre pourraient structurellement diminuer, créant davantage de compétition entre les animateurs…

Benjamin Attia

SOURCES

Sébastien Denis, « De Toy Story à J’ai perdu mon corps : III. L’animation industrielle et ses alternatives, NECTART, 17, 84-93

« Le marché de l’animation en 2022 », CNC, 13/06/2023

Jérôme Lachasse, « Pourquoi le cinéma d’animation français est le plus envié au monde », BFM, 16/06/2023

« Cinéma d’animation : les écoles françaises s’imposent à l’international », CNC, 01/09/2022

« Le cinéma d’animation français brille dans les salles obscures du monde entier », Gouvernement, 16/01/2024

Maxime Delcourt, « Le cinéma d’animation, grand fleuron de la France à l’étranger », Slate FR, 21/08/2023

Jérôme Lachasse, « Pourquoi l’animation pour adultes est si difficile à produire », BFM, 17/06/2023

Miotisoa Randrianarisoa & J. Paiano, « 90 % des artistes des studios de films d’animation risqueraient d’être remplacés par l’IA », 11/01/2024. 

Le Fake Out Of Home, la nouvelle tendance marketing ?

Le Fake Digital Out of Home est une nouvelle tendance de street marketing avec la particularité… de ne pas vraiment exister. Il s’agit d’incruster un objet 3D animé et photoréaliste dans le monde réel et qui va interagir avec ce monde. Les contenus FOOH sont générés dans l’objectif de repousser les limites du réel et de créer des campagnes ultra réalistes et immersives. Une tendance qui connaît un réel essor et  profite des formats “snack” que ce soit sur TikTok, Instagram, Facebook ou encore Youtube.

Le Faux fait le Vrai buzz

L’un des premier Fake Out of Home a été imaginé par le vidéaste Ian Padgham pour la promotion des produits Maybellin. Il s’agit un métro londoniens parés de cils géants puis maquillés par une brosse de mascara « Sky High » grandeur nature de la marque de cosmétique.

Il ne s’est pas arrêté là et a notamment imaginé une campagne publicitaire pour Jacquemus mettant en scène le fameux sac de la marque Bambino. Le 5 avril, la marque a publié une vidéo sur laquelle plusieurs sacs ont été transformés en bus hybrides qui circulent dans les rues de la capitale française.

Le 6 septembre, c’est au tour de l’Oréal de dévoiler sa nouvelle campagne : un rouge à lèvre géant sur le dos d’une 2CV sillonne Paris et laisse une jolie trace rouge sur sa route vers l’opéra Garnier. Réalisée en animation 3D, la vidéo est rapidement devenue virale, générant plus de 11,2 millions de vues sur Instagram et plus de 4,9 millions de vues sur TikTok.

https://www.tiktok.com/@lorealparis/video/7274925932127800608?embed_source=121374463%2C121351166%2C121331973%2C120811592%2C120810756%3Bnull%3Bembed_share&refer=embed&referer_url=blstk.art%2Floreal-paris-repeint-la-ville-en-rouge%2F&referer_video_id=7274925932127800608

Une tendance qui séduit tous les secteurs

Le FOOH ne s’arrête pas aux univers des cosmétiques et de la mode. Pour la sortie du film Napoléon, c’est Sony et l’agence de Busterwood qui en ont fait l’usage avec une mise en scène spectaculaire en déroulant une affiche XXL du film sur l’Arc de Triomphe.

La volonté du Distributeur Sony Pictures était de propager la campagne sur des emblèmes iconiques de la France et de Napoléon. Édifié sous l’impulsion de l’empereur et de renommée internationale, l’Arc de Triomphe s’imposait comme une évidence pour ce film” a déclaré Sébastien Wullems, le managing director de Busterwood.

@sonypictures.fr

Napoléon s’empare de l’Arc de Triomphe ! ⚔️ Découvrez Napoléon, le film événement de Ridley Scott avec Joaquin Phoenix, le 22 novembre au cinéma. #NapoléonLeFilm

♬ son original – Sony Pictures France

Du côté des annonceurs, La Philharmonie a été le pionnier au Luxembourg en novembre dernier en mettant en avant ses « Music Box » grâce au Studio Polenta et à FOREAL. La vidéo présente d’imposantes boîtes cadeaux chutant en cascade, telles des dominos, sur le parvis de la Philharmonie.

Ces derniers mois, les exemples de FOOH se sont multipliés. Ainsi pour livre show 2023, ETAM a ressuscité en vidéo le mythique club Le Palace ; Xiamo a mis en scène ses galeries photos sur un arrêt de bus et Playstation a dévoilé sur son Instagram une transformation ambitieuse de la Tour Montparnasse prenant l’apparence d’une console géante.

Des campagnes qui rebattent les cartes

Cette nouvelle tendance vient bousculer les codes du street marketing à l’heure où les expériences en ligne se multiplient. L’engouement autour des FOOH s’explique par l’interaction qu’ils génèrent. L’essence même de ces campagnes réside dans leur capacité à semer le doute, incitant les spectateurs à interagir activement avec le contenu sur les réseaux sociaux. La création d’un lien émotionnel avec le public séduit tant les internautes que les algorithmes des réseaux sociaux favorisent naturellement ces contenus.

Aussi, le FOOH présente une série d’avantages sur les plans logistiques et économiques. Il n’implique pas les coûts liés à la location d’emplacements physiques, à la gestion de la production ou aux permis de construction. Les créateurs de ces publicités fonctionnent selon les mêmes règles que les photographes et vidéographes en ce qui concerne les autorisations et les droits d’utilisation.

L’avenir de la publicité ?

Mode passagère ou tendance pérenne ? La publicité FOOH offre des opportunités illimitées, allant des voyages virtuels aux démos interactives. Cette fusion de réalité et d’imagination permet aux marques de se connecter de manière innovante avec leur public. Les FOOH repensent intégralement la manière dont les marques communiquent car cela oblige à penser avec un storytelling omniprésent et non un focus produit.

Cependant, si grâce aux FOOH les marques sont libres d’imaginer des expériences publicitaires uniques et mémorables, cette tendance soulève aussi des inquiétudes. Certains FOOH suscitent des interrogations éthiques, notamment en ce qui concerne l’ambiguïté entre la réalité et la fiction. Ces publicités virtuelles peuvent tromper les consommateurs en les induisant en erreur visuellement. Une préoccupation d’autant plus légitime dans un contexte où les fake news et la désinformation sont devenues monnaie courante.

Il est encore trop tôt pour savoir si cette pratique est vouée à se banaliser mais s’il ne remplace pas les méthodes existantes, le Fake Out Of Home semble être un complément des plus efficaces aux formes traditionnelles de marketing.

De Rozaven Inès

Alain Chabat : Un Maître de l’Adaptation dans l’Écosystème Audiovisuel Français

Photo Credit : Pascal Le Segretain/Getty Images Entertainment

Au sein de l’écosystème audiovisuel français, un nom se détache par son talent polyvalent et sa capacité à évoluer avec les tendances médiatiques : Alain Chabat. Né en Algérie et élevé en France métropolitaine, sa passion précoce pour les bandes dessinées, le cinéma et la comédie a pavé la voie d’une carrière remarquable. À l’âge de 22 ans, il fait ses débuts sur les ondes de RMC, une rencontre qui marquera un tournant décisif avec Pierre Lescure. Ensemble, ils tracent le chemin vers Canal+, où Chabat façonne les hilarants sketches des Nuls, en compagnie de Chantal Lauby, Bruno Carette et Dominique Farrugia.

La Cité de la Peur : Une Marque Indélébile

Les Nuls conquièrent le petit écran et se lancent dans l’écriture de leur première œuvre cinématographique : La Cité de la Peur. Cette comédie, devenue une référence incontournable de l’humour français, séduit par son ton décalé, son casting de talent et ses nombreuses références culturelles. Tant et si bien qu’à l’occasion du 25e anniversaire du film, une pétition signée par 37 000 personnes appelle Alain Chabat et Gérard Darmon à réenchanter la scène culte de la Carioca », lors du Festival de Cannes.

La Magie de la Réalisation…

La transition vers la réalisation marque un nouveau sommet dans la carrière d’Alain Chabat. Didier, où il brille dans le rôle-titre, lui vaut un César de la meilleure première œuvre, confirmant son génie comique. Puis, il signe le mémorable Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, élevant la comédie à un niveau inédit, inscrivant le film dans l’histoire cinématographique pour plusieurs générations. Récemment ressorti au cinéma, il cumule aujourd’hui près de 25 millions d’entrées à travers le monde. Chabat y dévoile son aptitude à diriger une production d’envergure, s’affirmant brillamment derrière la caméra.

Acteur, réalisateur… et producteur

En parallèle de ses succès en tant qu’acteur et réalisateur, Alain Chabat se lance dans la production, quelques mois après le triomphe de La Cité de la Peur. La création de sa propre société, Chez Wam, marque un virage majeur dans sa trajectoire professionnelle. En tant que producteur, Chabat soutient les jeunes talents et les projets novateurs, offrant une vitrine aux voix créatives encore méconnues du grand public. Chez Wam se distingue par la diversité des projets et la pluralité des genres, témoignant de l’éclectisme artistique d’Alain Chabat. Parmi la quinzaine de films produits se trouvent aussi bien Prête-moi ta Main, une comédie légère, que Un Monde à Nous, un film plus audacieux et engagé, et même un documentaire et des programmes pour la télévision.

Pas toujours si magique…

Alors que tout ne fut pas toujours une réussite, Chabat a su rebondir après des revers. Le film RRRrrrr!!!!, bien que critiqué par certains médias, a attiré pas moins de 1,7 million de spectateurs, un chiffre qui ferait bien envie aujourd’hui…

Une tentative à l’international

Toujours en quête de nouvelles aventures, Alain Chabat a exploré le marché américain en partageant l’affiche avec Ben Stiller et Amy Adams dans La Nuit au Musée 2, sorti en 2009. Cette incursion internationale souligne sa volonté d’élargir les horizons artistiques et d’enrichir sa palette d’expériences.

Vers de Nouveaux Horizons : L’Animation et Bien Plus Encore

Mais Alain Chabat ne s’arrête pas là. Il prête sa voix à l’emblématique Shrek, ajoutant sa touche d’humour et de profondeur à ce personnage chéri du grand écran. Plus récemment, il incarne René Goscinny dans le film d’animation Le Petit Nicolas : Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?

Toujours présent sur le petit écran, il anime et produit le jeu télévisé comique Burger Quizz, vingt ans après son lancement initial. Toujours en quête de défis, il a initié l’année précédente son propre late-show sur TF1, démontrant ainsi sa parfaite compréhension des médias contemporains.

En s’engageant également sur la plateforme Twitch pour l’événement caritatif Z Event, avec l’émission Questions pour un streamer, Alain Chabat témoigne de sa volonté de se renouveler et de toucher un public toujours plus vaste. 

Dernière actualité : la réalisation de la première série animée Netflix basée sur la célèbre bande dessinée « Astérix ».

À travers cette épopée médiatique, de la radio au streaming, Alain Chabat éclipse par sa capacité à s’adapter dans un univers en constante mutation. Toujours prêt à se réinventer, il a su conquérir de nouveaux publics, faisant de lui un maître incontesté de l’adaptation dans le monde des médias français.

Jeanne Bouvard

Anne-Lise Magnien

Mélina Magne


Sources 

Ferrari P. (2022) ZEvent 2022 : Alain Chabat, mix technos, dessins sur Paint… Retour sur une édition bienveillante, www.20minutes.fr/. 20 Minutes. Disponible sur : https://www.20minutes.fr/arts-stars/web/3348791-20220912-alain-chabat-mix-technos-dessins-paint-retour-z-event-2022-tout-bienveillance-edition-loin-flop-craignaient-certains (Dernier accès : 1 octobre 22023)

Lecoutere A. (2022) Le Late avec Alain Chabat : votre nouveau rendez-vous sur TF1, https://tf1-et-vous.tf1.fr/. TF1 et Vous. Disponible sur : https://tf1-et-vous.tf1.fr/tf1-vous-donne-rendez-vous-avec-le-late-avec-alain-chabat (Dernier accès : 1 octobre 22023)

Rezo A. (2010) Alain Chabat – Interview, www.artistikrezo.com. Artistik Rezo. Disponible sur  : https://www.artistikrezo.com/cinema/alain-chabat-interview.html (Dernier accès : 30 septembre 2023)

Tuil J. (2021) Alain Chabat renoue avec l’emblématique Astérix dans une série animée Netflix totalement inédite, https://about.netflix.com/fr/newsroom. About Netflix. Disponible sur :  https://about.netflix.com/fr/news/asterix-the-gaul-to-star-in-netflix-animated-series (Dernier accès : 1 octobre 22023)

(2023) Alain Chabat, https://www.wikiwand.com/. Wikiwand. Disponible sur : https://www.wikiwand.com/fr/Burger_Quiz (Dernier accès : 30 septembre 2023)

(2023) Alain Chabat, https://fr.wikipedia.org. Wikipedia. Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Chabat (Dernier accès : 1 octobre 22023)

Fake news sur la guerre en Ukraine : les réseaux sociaux sont-ils plus trompeurs que les médias traditionnels?

Vous avez peut-être déjà vu des passages des émissions télé dans lesquels les réseaux sociaux sont présentés comme les principaux responsables de la propagation des fake news et dans une période dans laquelle de plus en plus de monde, notamment les jeunes, s’informe en ligne et sur les réseaux sociaux il est pertinent de se demander si les réseaux sont plus trompeurs que les médias traditionnels et en particulier la télévision, en se penchant sur un événement qui nous impacte tous depuis plus d’un an maintenant : la guerre en Ukraine.

Historiquement, les chaînes d’information avaient la priorité lorsqu’un événement important se passait, maintenant avec l’émergence des réseaux sociaux un événement qui se passe même très loin de nos frontières peut vite devenir viral et faire le tour du monde. Dans ce contexte, les chaînes d’information perdent leur avantage historique dans ce jeu de concurrence avec les réseaux sociaux, la plupart des événements n’arrivant plus à la télévision en premier, mais sur les réseaux sociaux. 

Étant donné que les chaînes d’information doivent faire preuve d’une réelle réactivité afin de tenir le cap face aux réseaux sociaux et qu’elles ont besoin de contenu en continu, il arrive parfois que les chaînes d’information n’aient pas le temps nécessaire de vérifier la véracité de toutes les informations qu’elles relaient. 

Quant aux réseaux sociaux, cet attribut qui leur permet de connecter facilement le monde est à double tranchant. D’un côté, l’information peut venir de sources diverses et arriver rapidement aux quatre coins du monde. D’un autre côté, ces mêmes sources sont souvent difficilement vérifiables et une fois l’information lancée il est compliqué d’arrêter sa propagation et donc favoriser un environnement propice à l’apparition des fake news. 

En février 2022, Ursula von der Leyen annonce l’interdiction des médias d’État russes au sein de l’Union Européenne : la chaîne de télévision Russia Today et le journal Sputnik lors de l’annonce des sanctions contre la Russie. Dans une publication sur Twitter, Ursula von der Leyen affirme : «[Ils] ne pourront plus diffuser leurs mensonges pour justifier la guerre de Poutine. Nous développons donc des outils pour interdire leur désinformation toxique et nuisible en Europe». La guerre en Ukraine se joue non seulement sur les théâtre de combat, mais dans l’information également.

Les héros de l’île des Serpents

 Une vidéo a fait le tour des réseaux au début de la guerre. Il s’agit d’une vidéo initialement diffusée par le conseiller du ministre de l’intérieur ukrainien sur son compte Telegram et reprise par plusieurs médias en ligne (comme Ukrayinska Pravda). La vidéo montre les échanges entre les soldats russes et les gardes-côtes ukrainiens sur l’île des Serpents et une célèbre phrase est restée dans la mémoire collective : «Navire militaire russe, allez vous faire fou***»  . Volodymyr Zelensky avait déclaré : «Sur notre île de Zmiinyi, en la défendant jusqu’au bout, tous les gardes-frontières sont morts héroïquement. Mais ils n’ont pas renoncé. Ils recevront tous, à titre posthume, le titre de Héros de l’Ukraine. Que la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour l’Ukraine vive à jamais». La vidéo a été reprise également dans les médias français sur des chaînes d’information comme LCI et  BFMTV ou encore le journal Le Point sur son compte Twitter. 

Quelques jours plus tard, les forces armées ukrainiennes reviennent sur cette information  dans une publication Facebook déclarant que les soldats ukrainiens sont en vie et capturés par les soldats russes. Les chaînes de télévision françaises ont également clarifié la situation par la suite.

LCI et BFM ne sont pas les seules chaînes qui relaient des informations sans toujours vérifier leur provenance et leur véracité. En effet, CNEWS, a publié le 28 avril 2023 un article en ligne «VLADIMIR POUTINE : LE PRÉSIDENT RUSSE A-T-IL ÉCHAPPÉ À UN ATTENTAT AU DRONE KAMIKAZE ? » sans que Moscou ou Kiev confirment cette affirmation. Il s’agit donc d’un exemple de clickbait car en lisant le contenu de l’article est loin de démontrer un tel événement. 

Les réseaux sociaux sont eux aussi loin d’être innocents dans la propagation des fake news et la Russie semble bien maîtriser la technique de l’astroturfing en utilisant le partage massif par des faux comptes des informations propagée soit par les officiels russes (des membres du gouvernement ou des institutions russes) soit directement par des comptes dont l’identité est difficilement vérifiable ou à travers les commentaires des diverses publications.

Depuis la création de Twitter Bleu, des faux comptes peuvent maintenant obtenir le badge bleu qui fait gagner la crédibilité du compte le détenant, en payant un abonnement mensuel. Twitter Bleu pose un problème dans la propagation des fake news car certains médias traditionnels ou des journalistes indépendants perdent leur badge en refusant de payer l’abonnement alors que d’autres comptes Twitter risquent de sembler plus véridiques aux yeux des utilisateurs.

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est l’organisme chargé de veiller sur le phénomène des fake news en France. Si pour les chaînes de télévision ce contrôle peut être plus facile étant donné le rôle historique de la CSA et le fait que chaque téléspectateur peut dénoncer des passages problématiques vus à l’antenne, sur les réseaux sociaux il est plus compliqué pour le régulateur d’intervenir directement. Chaque année l’Arcom publie les déclarations des opérateurs de plateformes (Meta, Twitter, Google, etc.) en ligne sur les moyens de lutte contre la manipulation de l’information.

Une des mesures prises par Twitter pour lutter contre les fake news est le lancement de Twitter Birdwatch, un outil qui permet aux utilisateurs d’identifier des publications qu’ils estiment trompeuses et d’écrire des notes qui fournissent un contexte informatif. 

Néanmoins, sur les réseaux sociaux le nombre quotidien de publications reste trop élevé comparé aux moyens de régulation et des fake news passent toujours à travers les mailles du filet.

Bien évidemment, en France il n’y a pas de chaîne de télévision avec un discours pro russe et donc les fake news que l’on trouve dans les médias traditionnels ont peut-être moins d’impact sur l’avis général de  la population concernant la guerre que les publications sur les réseaux où tout le monde est libre de partager ses idées, mais on peut remarquer que tous les fake news sur les réseaux sociaux ne viennent pas de faux comptes et parfois les chaînes de télévision ou les journaux sont à l’origine de celles-ci.

Et en Russie?

Malheureusement les médias indépendants sont rares voire inexistants en Russie, la quasi-totalité des médias étant des médias d’État qui sont contrôlés par le Kremlin. 

Depuis le début de la guerre, les journalistes des médias indépendants ont pour la plupart dû quitter le pays étant considérés comme des “agents étrangers”. En ce qui concerne les médias d’État, afin de maintenir l’opinion et le soutien de la population la guerre est présenté comme une opération de dénazification de l’Ukraine, souvent faisant référence à la Seconde Guerre mondiale (la “Grande Guerre Patriotique » en russe), guerre qui est resté comme une fierté nationale dans la mémoire collective russe. C’est dans ce contexte que les réseaux sociaux deviennent une autre source d’information notamment pour les jeunes génération, car c’est seulement sur les réseaux sociaux qu’ils peuvent avoir un autre discours que celui propagé dans les médias d’État russes, d’où la décision de la Russie d’interdire Facebook et Instagram. 

ARTE Tracks a produit une série des mini-documentaires sur les fake news dans les médias d’État russes.

Pour conclure, il est difficile de dire si les réseaux sociaux sont plus dangereux que les médias traditionnels et parfois il faut bien prendre en compte le contexte différent d’un pays à l’autre. Il est certes important de se rendre compte que les fakes news existent et sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels et le plus important c’est de vérifier chaque information avant de la partager afin d’éviter un effet de chambre d’écho. Finalement, peut-être qu’avec le discours généralisé qui pointe du doigt les réseaux sociaux on fait encore plus attention lorsque l’on s’informe sur ceux-ci et on risque de considérer l’information des médias traditionnels comme véridique et c’est probablement dans ce rapport de confiance que l’on peut être encore plus facilement victimes des fake news.

Sebastian Udriste

Bibliographie :

Donada, E. , de la Roche Saint-André, E. (le 25 février 2022). «Allez vous faire foutre !»: que sait-on des dernières paroles de soldats ukrainiens devenus héros en défendant l’île des Serpents?. Libération (réf le 28 février 2022) :

https://www.liberation.fr/checknews/allez-vous-faire-foutre-que-sait-on-des-dernieres-paroles-de-soldats-ukrainiens-devenus-heros-en-defendant-lile-aux-serpents-20220225_6I3QUB7QMBGX7C3KMRQRAGIGWA/

La rédaction de TF1info ( le 28 février 2022). Ukraine : déclarés morts, les 13 soldats de l’île des Serpents sont en réalité aux mains des Russes. TF1 info :

https://www.tf1info.fr/international/guerre-en-ukraine-declares-morts-les-13-soldats-de-l-ile-des-serpents-sont-en-realite-aux-mains-des-russes-2212148.html

CNEWS (le 28 avril 2023). VLADIMIR POUTINE : LE PRÉSIDENT RUSSE A-T-IL ÉCHAPPÉ À UN ATTENTAT AU DRONE KAMIKAZE ?. CNEWS :

https://www.cnews.fr/monde/2023-04-28/vladimir-poutine-le-president-russe-t-il-echappe-un-attentat-au-drone-kamikaze

La rédaction numérique de France Inter (le 16 mars 2022). Comptes complotistes, fake news, propagande : plongée dans les tweets de l’ambassade russe en France. France Inter :

https://www.radiofrance.fr/franceinter/comptes-complotistes-fake-news-propagande-plongee-dans-les-tweets-de-l-ambassade-russe-en-france-2267509

Arcom. Questionnaire 2021 aux opérateurs de plateformes en ligne soumis au titre III de la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information – Twitter :

https://www.arcom.fr/sites/default/files/2022-07/D%C3%A9claration%20Twitter%20-%20%20Lutte%20contre%20la%20manipulation%20de%20l%27information%202022.pdf

Masha Borzunova, Kobalt Productions (2022). Fake News. ARTE Tracks :

https://www.arte.tv/fr/videos/109809-001-A/fake-news/

Maxime Audinet (le 16 février 2023). Un an après l’invasion de l’Ukraine : que deviennent RT et Sputnik ?. La revue des médias, INA:

https://larevuedesmedias.ina.fr/guerre-information-russie-ukraine-medias-influence-rt-sputnik-afrique-nouveau-rideau-de-fer

Evangelical Church And Celebrity Culture Are A Match Made In Heaven

Ex- Hillsong preacher Carl Lentz is on the verge of hitting 600K followers on Instagram. He and other pastors such as Chad Veach (Zoe Church in Los Angeles), Judah Smith (Churchome in Seattle) or Rich Wilkerson Jr. (Vous Church in Miami) are used to sharing the gospel on social media. They also appear in paparazzi photos, surrounding themselves with the likes of Justin Bieber and Kanye West all the while living lavish lifestyles.

Reverend Billy Graham speaks to the crowds – Tallahassee, Florida (1943)

This trend of inspiring supporters through communication technology has been around since seventeenth-century England, and famous evangelists like Billy Graham has used secular media as a tool for their ministry. In 1989, he began a series of Crusades via satellite extending his preaching to live audiences in more than 185 countries and territories.

Although incorporating celebrity culture in religion is not new, the social media exposure of spiritual leaders is slowly closing the gap between celebrity pastor and regular celebrity.

What don’t you like about church ?

Evangelical Protestants are the largest religious group in the U.S. and are accounting for 25.4% of the population in 2023. Nonetheless, this proportion has been in decline for a long time since grapes of American adults are starting to describe themselves as atheist, agnostic, or nothing in particular.

Megachurches (i.e., Protestant congregation having 2 000 or more people in average weekend attendance) have been trying to offer something different from traditional evangelicalism. Pioneering pastor Rober H. Schuller and his disciple Bill Hybels popularized the idea that churches should heavily focus on reaching seekers, the ones who distanced themselves from God but are still seeking for meaning in their lives. He believed that leaders could use marketing strategies to find out what they didn’t like about church and tailor its service according to their answers.

 The Australian Hillsong congregation has churches in 30 countries and an average global attendance of 150 000 believers weekly. As a seeker sensitive church, Hillsong tries reaching out to the unsaved person by making the church experience more inviting, comfortable and entertaining. Hillsong managed to curate a brand image promoting a more progressive form of Christianity involving theatrics and musical skits, fashion.

Indeed, megachurches offices are using technology and celebrities guests appearance to offer a high end religious experience to the audience. The goal is to create an emotionally highly charged atmosphere designed to foster the worshipper’s connection to God. As soon as you walk into the venue, you are blinded by the lights and cannot help but notice the massive LED screens along with the multiple cameras. 

According to Kelly Bollman who has been involved on the volunteer creative team of Hillsong New York, Hillsong “off-platform” identity is has important has the “on-platform” one. The off-platform identity is curated on social media and in the persona of media-trained pastors that transcend what it means to be Christian.

Relatables narratives of Christianity

Hillsong offers a message even seekers can digest by preaching what is relevant to daily life : dating, confidence, grief and so on. Since relatability appeals to younger worshipers, pastors passionately share the ups and downs of their spiritual journey. Vox explained how evangelical church was turning into “a gathering place for the cool kids, the kids who might have had too much to drink the night before but know they’re welcome no matter what on Sunday morning”. Pastors are using the language and rhetoric of the social media-savvy Millennials and Generation Z. Services available for streaming on Hillsong’s Website display titles such as “Relevance: Hole-y Jeans or Holy Life?”.

Megachurches are also adding a dose of prosperity gospel theology to their narrative, teaching the mass that God will reward believers with material benefit and success for their faithfulness. Evangelical celebrities feed this belief with their posts showcasing lavish luxury lifestyle and A-list friends. Moreover, megachurches often cultivate the image of culturally, diverse and young communities.

Media-friendly pastors

Megachurches are producing a new generation of Celebrities for Jesus, a term coined by Katelyn Beaty in her book Celebrities for Jesus: How Personas, Platforms, and Profits Are Hurting the Church. She explores the way celebrity culture has shaped the American Church. She distinguishes fame, the attention arising from an act of virtue from celebrity that relies on the tool of mass media to project an image of ourselves. Celebrity pastors are key opinion leaders and are using different tactics to make themselves appealing to their followers.

Pastors cautiously curate their Instagram feeds with selfies, inspirational messages of self-care , promotional posts urging their followers to buy their books or the latest footage of the Sunday service. About the latter, behind-the-scenes of the worships provide leaders with an aura of importance. Ferris and Harris explain that the asymmetry of knowledge between pastors and audience is a common indicator of religious celebrity. Pastor rarely interacts off-stage with the congregation but knows that his physical absence is more than  compensated by his media presence. A media-trained spiritual leader carefully balances between privacy and publicity while shaping his persona as a celebrity.

Youth Pastor Matt Davis on stage (2020)

However, scandals can still occur, as seen in the case of Carl Lentz, the former lead pastor at Hillsong Church in New York City, who was dismissed in 2020 a moral failure. He was caught having an extramarital affair and held accountable for not upholding the values he so convincingly preached.

Rich in faith and dollars

The line between pastors and their fellow celebrities starts to be blurred when the spiritual leaders engage in a transactional relationship with their followers.

Megachurches often expose their communities to paid services, and lead pastors can make significant profits from book sales and merchandising. Both online followers and Sunday attendees serve as potential customers.

 Pastor Rich Wilkerson Jr. achieved a new level of stardom when he starred in his own TV show Rich in Faith along with his wife DawnCheré Wilkerson, also a lead pastor. The Christian couple  have their own Youtube Channel called  Official Rich & DC. Thanks to their content creation activity, their net work oscillates between 1$ to 4$ million dollars as of 2023.

Beliebers turned Believers : when celebrity become religious brand ambassadors

Selena Gomez, Kendall Jenner or Chris Pratt have been vocal about their faith online. However, Justin Bieber and Hillsong have taken their spiritual partnership to a new level.   Back in 2014, the singer was a PR disaster, regularly making headlines wherever he was illegally importing a pet monkey or spending a night in jail for underage drag racing.

Mugshot of Justin Bieber taken by Miami Beach Police – Miami, Florida (2014)

At his lowest, he got baptized in an NBA player’s bathtub by none other than Pastor Lentz. Since then, his relationship with Hillsong is an essential part of his social media brand. On Instagram, Bieber is a vocal Christian and more importantly a vocal Hillsong supporter, appearing at Hillsong events alongside Lentz and speaking in tongues on his posts.

Justin Bieber posting about Easter on Instagram (2018)

In 2017, he even posted an Instagram Live of him praising God to a heartfelt piano melody. Bieber was performing a song written by the Christian rock band Hillsong United followed by 2.5 million souls on Instagram. Hillsong is known for its focus on Christian pop songs that are not solemn hymns, still in a move to attract seekers. This led them to produce millions of dollars’ worth of albums and singles, all available on regular music streaming services. 

Bieber is a perfect representative for Hillsong as he provides media attention for the megachurch, while benefiting from their redemption narrative.

Also, Bieber is Christian, but not too Christian. His Christianity is seen through the lyrics of some of his songs but is tamed so that non-believers are under the impression they are listening to a conventional love song. His fans love it and so does the church, benefiting from the pop stars’ following, the Beliebers.

A fairly conservative theology

Credits : rawpixel.com

Various articles criticize how Hillsong’s curated forward-thinking and youthful brand clashes with its underlying conservative evangelical theology. One issue is that the church leaders do not endorse homosexual lifestyles, as noted in a 2015 blog post by Hillsong’s founder, Brian Houston.

Moreover, only 3% of evangelical churches in America have a female lead pastor, according to the latest National Congregations Study from Duke University. Even when women are co-pastors, their male partners are still seen as the primary preachers.

As a result, they successfully invest in social media for self-expression purposes. Like their male counterparts, they are white, charismatic and good-looking individual. Holly Furtick married to Steven Furtick, lead pastor of Elevation Church has half a million followers on Instagram, runs an online book club and hosts a Youtube Channel with 78 000 subscribers. She also has a website showcasing her favorite recipe and a shop where customers can buy worship merchandise. While evangelical digital culture offers female leaders a space of influence, this authority is not transgressive enough to challenge the patriarchal structure within churches. Female microcelebrities serve as visual examples of a good Christian woman devoted to marriage and motherhood, but they don’t fundamentally challenge traditional gender roles.

It is evident that megachurches are conflicted  between modernity and traditionalism. Their seeker sensitive model is consumer oriented, catering to fill the desire with the bored unchurched. Megachurches design an entertaining and immersive religious experience in which pastors and celebs play a pivotal role. Religious content creators are appealing to the believers and non-believers because they are inspiring and trendy. But for Christian celebrities, social media are not the place of Biblical transgression but rather a showcase of the ideal concept of the Christian Life. And they sometimes struggle to live up to that.

Linda Ndiaye


References

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Biography – Billy Graham Memorial. (2023, 15 février). Billy Graham Memorial. https://memorial.billygraham.org/biography/

Burton, T. I. (2018, 1 octobre). Justin Bieber, Hillsong Church, and the celebrity redemption narrative. Vox. https://www.vox.com/identities/2018/10/1/17596502/justin-bieber-hillsong-carl-lentz-married

Frishberg, H. (2022, 29 décembre). Inside disgraced, disheveled ex-Hillsong pastor Carl Lentz’s downgraded house. New York Post. https://nypost.com/2022/03/09/pics-emerge-of-disgraced-disheveled-ex-hillsong-pastor-carl-lentzs-house/

Gaddini, K., & Gaddini, K. (2022). The Rise and Fall of Evangelical Influencers | Religion & Politics. Religion & Politics. https://religionandpolitics.org/2022/03/15/the-rise-and-fall-of-evangelical-influencers/

GotQuestions.org. (2022, 4 janvier). GotQuestions.org. https://www.gotquestions.org/seeker-sensitive-church.html

Hillsong Church. (2022, 22 novembre). Fact Sheet – Hillsong. Hillsong. https://hillsong.com/fact-sheet/

Kidwell, J., & Borer, M. I. (2021). The Sanctuary of the Spectacle : Megachurches and the Production of Christian Celebrities and Consumers. Journal of Media and Religion, 20(2), 53‑64. https://doi.org/10.1080/15348423.2021.1925463

Nadeem, R. (2022, 13 septembre). Modeling the Future of Religion in America. Pew Research Center’s Religion & Public Life Project. https://www.pewresearch.org/religion/2022/09/13/modeling-the-future-of-religion-in-america/

Ostling, R. (2022). Is Celebrity Culture Eroding American Evangelicalism ? This Publishing Insider Says Yes. Religion Unplugged. https://religionunplugged.com/news/2022/9/13/is-celebrity-culture-eroding-american-evangelicalism-this-publishing-insider-says-yes

Religion in America : U.S. Religious Data, Demographics and Statistics | Pew Research Center. (2022, 13 juin). Pew Research Center’s Religion & Public Life Project. https://www.pewresearch.org/religion/religious-landscape-study/

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The Cult of Celebrity in the Church of Christ. (2023, 25 janvier). Acton Institute. https://www.acton.org/religion-liberty/volume-33-number-1/cult-celebrity-church-christ

Turner, L. (2019, 6 février). Chris Pratt, Justin Bieber, and the rise of the “cool” Christian celebrity. Vox. https://www.vox.com/culture/2019/2/6/18205355/church-chris-pratt-justin-bieber-zoe-hillsong

Williams, G. (2022, août 17). Katelyn Beaty Explores the Underbelly of Christian Celebrity Culture. Sojourners. https://sojo.net/articles/katelyn-beaty-explores-underbelly-christian-celebrity-culture

Russie/Ukraine : quand la guerre devient virtuelle

Désinformer. Semer le doute. Décontextualiser. Emouvoir. Propager la haine.

Telles sont les actions rendues possibles par l’intermédiaire des réseaux sociaux dans le cadre de l’invasion agressive menée par la Russie en Ukraine. Cette guerre ne se limite pas aux champs de bataille, mais se caractérise essentiellement par la manière dont elle est propagée et partagée en ligne.

@Source : BFM TV.

Les conflits armés précédents ont également connu l’implication des médias sociaux, mais l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie démontre quotidiennement comment les plateformes en ligne altèrent la manière dont la guerre est rapportée, vécue et comprise. Cela est en grande partie dû à la couverture Internet en constante augmentation et à l’utilisation croissante des réseaux sociaux, avec 79% des Ukrainiens utilisant Internet contre 88% des Russes selon les chiffres de Datareportal de 2023. À titre de comparaison, lorsque la Russie a envahi l’Ukraine en 2014, seulement 4 % des abonnés ukrainiens à la téléphonie mobile avaient accès à des réseaux 3G ou plus rapides, et pendant la guerre en Syrie en 2015, seuls 30 % de la population syrienne étaient en ligne (OECD, 2022). Cette dynamique a également mis en évidence l’ampleur de la menace de la désinformation, qui a toujours été utilisée comme une arme mais dont la portée et la pénétration potentielle ont été multipliées à l’aide des réseaux sociaux.

Un terrain de jeu étendu sur plusieurs canaux

Les réseaux sociaux servent d’outils de propagande via les contenus partagés sur les différentes plateformes et les interactions entre les nombreux utilisateurs. Des conversations sur Whatsapp et Telegram, des vidéos relayées sur Twitter, TikTok ou Instagram ou encore des posts sur VKontakte, le ‘Facebook local’ : tous les canaux de diffusion sont mobilisés, qu’il s’agisse des médias traditionnels, des réseaux sociaux, des sites web d’information, des blogs ou encore des messageries instantanées, dans le but de propager des discours, des images ou des vidéos destinés à influencer l’opinion publique ou à désinformer les citoyens.  

Bien que VKontakte soit la solution de réseau social préférée en Russie (comptant 73% de la part des utilisateurs russes), Instagram – appartenant à la même entreprise mère Meta – reste en tête, utilisé par environ 59% des utilisateurs de réseaux sociaux dans ce pays, soit près de 80 millions de personnes selon une estimation de FranceInfo, se basant sur les données de Statista.

Malgré cela, la Russie a récemment décidé de bloquer Instagram pour protester contre Meta. Ces sanctions à l’encontre du géant américain des réseaux sociaux font suite à la décision de Meta d’autoriser la publication de messages incitant à la violence à l’encontre des dirigeants et du personnel militaire russes dans certains pays, et cela uniquement dans le contexte de la guerre en Ukraine. Dans cette guerre de communication, Meta est devenue « la figure de l’Occident », perçue comme une menace par les autorités russes. Les utilisateurs russes doivent désormais se tourner vers les autres réseaux sociaux ou utiliser un réseau privé virtuel (VPN) pour contourner la censure imposée par les autorités. L’interdiction d’Instagram a d’ailleurs entraîné une hausse de la demande de VPN de plus de 2 000 %, selon TOP10VPN, une société de surveillance numérique. Cela confirme l’importance cruciale des réseaux sociaux dans cette guerre de désinformation où tous les canaux de diffusion sont utilisés pour influencer l’opinion publique.

@Photographie : Chesnot/Getty

« C’est gagné quand le doute est installé »

Les récits de désinformation russes reposent fréquemment sur des demi-vérités et des « whataboutisms » – tentatives de répondre à un problème en le comparant à un autre problème qui n’a rien à voir avec le problème initial-, ou sont simplement faux, obscurcissant ainsi les faits. Ainsi, les acteurs russes utilisent une approche diversifiée pour introduire, amplifier et diffuser des récits faux et déformés à travers le monde. Ils se basent notamment sur une combinaison de faux comptes et de comptes artificiels, de sites web anonymes et de sources médiatiques officielles de l’État pour diffuser et amplifier du contenu qui sert leurs intérêts et décrédibilise les récits concurrents.

« Si la désinformation est une arme de guerre indéniable, les stratégies mises en place, et les raisons de leur utilisation diffèrent âprement dans ce conflit : l’un l’utilise pour justifier l’invasion d’un état souverain, l’autre pour tenter justement de préserver cette souveraineté. »

Arnaud Mercier, professeur en sciences de l’information et de la communication (novembre 2022)

Le nombre d’exemples illustrant la désinformation dans ce champ de batail virtuel est indénombrable et ne cesse d’accroître, voici ci-dessous un rappel des plus marquants:

  • Attaque de Marioupol : la discréditation d’une bloggeuse ukrainienne  
@Source : AP. Cette influenceuse beauté a été accusée de mentir après la publication de cette photo.

En mars dernier, un hôpital pour enfants a été la cible d’un bombardement à Marioupol en Ukraine. La Russie a remis en cause la véracité de ces faits et a accusé cette influenceuse ukrainienne d’avoir joué le rôle d’une femme enceinte lors de cette attaque. Le porte-parole du ministère russe de la Défense a même défendu cette affirmation absurde en justifiant que Marianna Podgourskaïa est une bloggeuse Instagram. En plus de la non-validité de l’argument, cette accusation a été rapidement démentie après qu’une de ses publications antérieures prouve qu’elle était bien enceinte à ce moment. Cet exemple illustre la stratégie russe visant à discréditer les informations ukrainiennes en semant le doute dans l’esprit du public, rendant ainsi difficile la distinction entre la vérité et le mensonge.

@Marianna a posté cette photo sur Instagram fin février, demandant à ses followers de deviner si son bébé serait un garçon ou une fille. Source : Instagram.
  • Avions de combats russes dans le ciel ukrainien

La décontextualisation ne vient pas toujours du camp russe, bien que cette technique reste majoritairement utilisée par les pro-russes.

https://twitter.com/pok4439/status/1496729760340520962?s=49&t=ImOdUOxXv3fUoW4gYBrthA

Une publication, qui a été vue plusieurs milliers de fois, prétendait montrer des avions russes survolant l’Ukraine après l’annonce de l’intervention militaire de Vladimir Poutine dans le pays en 2022. Il est important de noter que cette vidéo partagée ne concernait pas la situation actuelle en Ukraine. En réalité, il s’agit d’un extrait d’une vidéo plus longue qui avait été diffusée en 2020 et montrant la répétition de la parade militaire du « jour de la victoire », célébré chaque 9 mai en Russie pour commémorer la victoire sur l’Allemagne nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette diffusion de fausses informations s’inscrit dans la stratégie russe visant à semer la confusion dans l’opinion publique en décrédibilisant les informations provenant de l’Ukraine.

Susciter l’émotion, parfois avec l’humour

L’utilisation des réseaux sociaux ne se cantonne pas à la propagation de doutes pour discréditer le partie adverse. En effet, les médias sociaux ont évolué pour devenir bien plus qu’un simple canal d’information : ils sont devenus des canaux de mobilisation et d’émotion, notamment en rendant la guerre plus « attrayante ».

De la danse des soldats ukrainiens sur les lignes de front aux visites imperturbables des abris antiatomiques par des citoyens ordinaires, la « première guerre TikTok du monde » a généré un flux constant de reportages d’actualité en direct depuis les zones de combat. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’est pas le seul à utiliser TikTok comme canal de diffusion, de nombreux citoyens utilisent le réseau social quotidiennement pour informer, parfois de manière humoristique, sur la réalité du combat et de la vie sous les bombardements.

@valerisssh

Thanks for supporting ukrainian refugees!

♬ Zou Bisou Bisou – Gillian Hills

Ces vidéos permettent de rendre compte de la réalité vécue par les populations en Ukraine en éliminant les barrières géographiques. Elles ont aussi la particularité de toucher un public plus jeune qui n’aurait peut-être pas été informé de la guerre par d’autres canaux de communication.

« Si c’était une guerre de mèmes, nous serions en train de gagner. »

Cette citation provient d’une source qui s’occupe du compte du ministère ukrainien de la défense, qui a souhaitée rester anonyme. Elle conclue bien sur la situation actuelle de cette guerre hybride se jouant sur le terrain virtuel de la désinformation.

Valentine CAZIN

Références :

  • BBC News. (2022, October 4). Ukraine crisis: Social media users struggle to separate fact from fiction. BBC News. https://www.bbc.com/news/world-europe-63272202
  • BBC News. (2022, October 3). Ukraine war: Russian officials claim government offensive imminent. https://www.bbc.com/news/world-europe-63272202.amp
  • CNET France. (2022, July 22). VPN : le ban d’Instagram en Russie fait encore bondir leur popularité. CNET France. https://www.cnetfrance.fr/news/vpn-le-ban-d-instagram-en-russie-fait-encore-bondir-leur-popularite-39939067.htm
  • Datareportal. (2023). Digital 2023 Ukraine. https://datareportal.com/reports/digital-2023-ukraine
  • Datareportal. (2023). Digital 2023 Russian Federation. https://datareportal.com/reports/digital-2023-russian-federation
  • France Info. (2022, April 28). Vrai ou Fake : la femme enceinte évacuée sur brancard à Marioupol est-elle une actrice ? France Info. https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/vrai-ou-fake-la-femme-enceinte-evacuee-sur-brancard-a-marioupol-est-elle-une-actrice_5014961.html
  • France Info. (2022, February 22). Guerre en Ukraine : un an de propagande et de désinformation. France Info. https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/video-guerre-en-ukraine-un-an-de-propagande-et-de-desinformation_5677757.html
  • L’ADN. (2022, March 11). Ukraine : TikTok, la première guerre « attractive » du monde. L’ADN. https://www.ladn.eu/actualite/ukraine-reseau-sociaux-tiktok-tactique-guerre-attractive/
  • NPR. (2023, February 28). How Russia Is Losing (And Winning) The Information War In Ukraine. NPR. https://www.npr.org/2023/02/28/1159712623/how-russia-is-losing-and-winning-the-information-war-in-ukraine
  • OECD. (2022, March 15). Disinformation and Russia’s war of aggression against Ukraine. OECD Ukraine Hub. https://www.oecd.org/ukraine-hub/policy-responses/disinformation-and-russia-s-war-of-aggression-against-ukraine-37186bde/
  • Polytechnique Insights. (2022, March 10). Ukraine : une guerre hybride sur le terrain de la désinformation. Polytechnique Insights. https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/geopolitique/ukraine-une-guerre-hybride-sur-le-terrain-de-la-desinformation/
  • Statista. (2022, February). Réseaux sociaux les plus utilisés par les Russes en 2021. Statista Infographies. https://fr.statista.com/infographie/26982/reseaux-sociaux-les-plus-utilises-par-les-russes/#:~:text=Les%20r%C3%A9seaux%20sociaux%20du%20groupe,pour%20les%20deux%20derniers%20cit%C3%A9s.
  • TV5MONDE. (2022, March 23). Conflit en Ukraine : les réseaux sociaux influencent-ils la guerre ? TV5MONDE. https://information.tv5monde.com/info/conflit-en-ukraine-les-reseaux-sociaux-influencent-ils-la-guerre-452619
  • Zolan, A. (2023, February 28). How Russia Is Losing (And Winning) The Information War In Ukraine. NPR. https://www.npr.org/2023/02/28/1159712623/how-russia-is-losing-and-winning-the-information-war-in-ukraine

E-SPORT : Comment les plateformes ont aidé à faire de l’E-sport un divertissement grand public ?

Le Championnat du monde 2022 de League of Legends bat un nouveau record d’audience en enregistrant un pic de 5,1 millions de spectateurs lors de sa finale. Selon la société de données Esports Charts, il s’agit d’une augmentation de 1,1 million par rapport à l’édition 2021. L’une des réussites les plus emblématiques de la compétition organisée par Riot Games est d’avoir renoué avec son pic d’audience sur la plateforme de streaming en ligne Twitch en atteignant près de 3,1 millions de spectateurs simultanés lors du match décisif.

En devenant le tournoi League of Legends le plus regardé de l’histoire, ce record traduit une réalité bien plus significative : les compétitions rendues de plus en plus accessibles par les plateformes contribuent à faire de l’E-sport un divertissement grand public indétournable.

La montée en puissance de l’E-sport : un divertissement à l’ère du numérique

Le sport électronique, plus communément appelé E-sport désigne la pratique de jeux vidéo en compétition organisée sous forme de tournois et réunissant les plus grands joueurs professionnels de la planète.

Bien que numérique, la discipline reprend tous les codes d’un sport traditionnel. En effet, les compétitions se déroulent dans des arènes accueillant des milliers de spectateurs et dont la scénographie est travaillée pour rendre le tournoi divertissant et impressionnant. Tout comme la diffusion d’une coupe du monde de football ou d’une finale de NBA, les compétitions sont rythmées par les interventions animées de commentateurs du monde entier. Enfin, les joueurs exercent à un niveau professionnel d’excellence et sont accompagnés de leurs coach. L’atteinte de ce niveau exige, comme tout sport, un entraînement quotidien intensif.

Unique en son genre, la discipline offre aux fans de jeux vidéo une nouvelle expérience de divertissement.

Lors de la cérémonie d’ouverture des Championnats du monde 2022 de League of Legends, de nombreux artistes internationaux étaient présents comme Lil Nas X ou encore Jackson Wang. Les visuels et la scénographie mise en place prouvent encore une fois à quel point les compétitions sont divertissantes pour le public.

Ainsi, les plus grands champions de League of Legends, DOTA 2, Call of Duty ou encore Counter-Strike : Global Offensive sont parfois presque autant adulés que les plus grandes stars du football et rassemblent alors une communauté de fan conséquente et ce, notamment sur les plateformes digitales telles que Twitch, YouTube, Twitter ou encore Instagram.

Cette croissance rapide connue par l’E-sport ces dernières années est tout sauf anodine : les médias sociaux ont joué un rôle déterminant dans la démocratisation de la discipline en attirant un public de plus en plus important et diversifié.  

Une opportunité de connexion avec les fans du monde entier

Twitch est certainement l’un des principaux acteurs des médias sociaux dans l’Esport. Classée première plateforme de streaming de jeu vidéo, Twitch comptabilise environ 31 millions de visiteurs en ligne chaque jour et offre ainsi l’accès à une audience large et variée.

En diffusant l’intégralité des compétitions E-sport régionales, nationales et internationales qui se déroulent à travers le monde, la plateforme rend la discipline plus accessible non seulement aux communautés de fans des différentes franchises mais également aux fans de jeux vidéo qui ne sont pas encore familiers avec cet univers niche du gaming.

L’argument de la masse est évidemment décisif sur la plateforme : plus il y a de monde, plus le stream remonte dans les classements et est donc exposé à une plus large audience. C’est notamment en permettant à certains streamers comme Ibai de couvrir la finale des Championnats du monde 2022 de League of Legends que la compétition a établi de nouveaux records d’audience. Le streamer espagnol a rassemblé à lui seul plus de 481 000 spectateurs simultanés lors de l’événement, preuve que la force des communautés fait la différence.  

L’argument du divertissement l’est alors encore plus. Ce qui fait l’attractivité de Twitch, c’est son expérience de visionnage interactive avec la mise à disposition d’un chat de discussion. Les fans du monde entier peuvent alors se connecter entre eux en réagissant et interagissant en temps réel. Mais dans le cadre des compétitions e-sport, la plateforme pousse l’expérience immersive encore plus loin en intégrant de nombreux mini-jeux. Par exemple, Chat Clash permet aux fans de voter pour l’équipe qu’ils soutiennent en utilisant des émoticônes spécifiques dans la discussion en direct. Ceux-ci sont ensuite affichés à l’écran lors de la diffusion de la compétition. Des jeux de pronostics et des quiz interactifs sont également intégrés afin de tester les connaissances des fans et leur permettre de gagner des récompenses.

Ces fonctionnalités permettent d’immerger et d’engager l’audience de manière forte, ce qui renforce la culture du divertissement de l’e-sport.

Twitter joue également un rôle majeur dans la popularisation de l’E-sport. Le réseau social constitue le canal principal utilisé par les fans afin de rester à jour sur les dernières actualités du secteur. La viralité particulière de la plateforme permet de diffuser rapidement des informations mais aussi d’atteindre une audience conséquente. Twitter parvient à réunir les fans grâce à l’utilisation massive de hashtags qui permettent de facilement regrouper les publications autour d’un sujet commun et d’ainsi rassembler les communautés. Par exemple, le joueur de Call of Duty, Scump, utilise régulièrement le #GreenWalI afin de rassembler sa communauté de fans sur les réseaux sociaux.

https://twitter.com/OpTic/status/1650304863224430593?s=20

L’influence étendue à l’E-sport

Comme les plus grands athlètes, les joueurs professionnels d’E-sport ont une portée immense sur les médias sociaux : sur Twitch et Youtube les plus grandes stars touchent des millions de personnes chaque jour dans des livestreams. Ainsi, on retrouve de plus en plus la logique d’influence appliquée aux gamers notamment sur Instagram.

Des joueurs, comme le professionnel coréen Faker (de son vrai nom, Lee Sang-hyeok), partagent les coulisses des compétitions (entrainements, gameplay, vie personnelle en dehors des entraînements). Leur apparition avec d’autres stars influentes, comme ici le célèbre joueur de foot coréen Son Heung-min, accroit son influence auprès d’une autre audience.

D’autres partagent du contenu exclusif afin de se rapprocher et de fidéliser leur communauté. Par exemple, l’équipe américaine TSM (Team SoloMid) diffuse depuis 8 ans sur YouTube sa série documentaire « TSM Legends » dans laquelle ils révèlent les coulisses des compétitions.

Ces initiatives permettent de rapprocher la communauté de fans de ses « héros » en apportant un regard plus humain à leur profession et en cultivant leur influence via différents canaux.

Gentle Mates ou l’E-sport pour tous

En avril 2023, les streamers et Youtubeurs Squeezie, Gotaga et Brawks ont lancé leur première structure E-sport « Gentle Mates » sur le jeu Valorant.

Cette association n’est pas anodine pour l’avenir du E-sport français car elle s’appuie sur des communautés de fans très diversifiées et promet de participer à la popularisation de la discipline du fait de leur notoriété respective. On y retrouve Gotaga et Brawks, deux acteurs majeurs dans le domaine de l’E-sport puisqu’ils sont les co-créateurs de la Team Vitality (équipe française d’E-sport). Le duo s’associe à Squeezie, premier Youtubeur français aux 18 millions d’abonnés. Ce dernier touche un large public sur YouTube, plateforme où il offre du contenu divertissant et varié. Il possède également une solide communauté sur Twitch où il a dernièrement battu des records d’audience avec la diffusion du Grand Prix Explorer.

Ce qui rend ainsi cette structure unique, c’est qu’elle ne s’adresse pas qu’aux adeptes de l’E-sport. Gentle Mates utilise ainsi les médias sociaux pour promouvoir sa structure et ses joueurs à une large audience. Par exemple, la diffusion du trailer de promotion a notamment contribué à toucher un public nombreux et a suscité un fort engagement sur les réseaux sociaux au-delà des fans d’E-sport traditionnels.

Sur tous les gens qui jouent aux jeux vidéo, la moitié ne connaissent pas l’E-sport. Plus on est nombreux à suivre cette discipline, plus la discipline a du potentiel et plus il va se passer de choses autour de celle-ci. Dans l’intérêt de tout le monde, c’est cool de faire des ponts pour rendre ça accessible aux gens.

Squeezie

L’engagement d’une communauté variée de fans sur les réseaux sociaux répond ainsi à la volonté de Gentle Mates de réussir à décloisonner le milieu niche que peut constituer l’E-sport, divertissement encore en expansion.

Par l’influence de ces personnalités et l’engagement de leur communauté sur les différentes plateformes, la structure promet de populariser encore un peu plus l’E-sport au sein du paysage français.

Évolutions en perspective

L’avenir de l’E-sport est plus que prometteur et travaille sur de nombreuses perspectives pour son développement. Les technologies émergentes, comme la réalité virtuelle et augmentée peuvent offrir de nouvelles opportunités pour les joueurs et les fans de se connecter entre eux, en créant des expériences de jeu encore plus immersives et en augmentant la qualité des tournois.

Les plateformes vont-elles réussir à s’adapter à ces nouveaux enjeux ?

Emmanuelle YOG


SOURCES

Flamm. (2022, 6 novembre). League of Legends : Un pic à plus de 5 millions de personnes pendant la finale des Worlds 2022 de League of Legends, un nouveau record. Team aAa. https://www.team-aaa.com/fr/actualite/un-pic-a-plus-de-5-millions-de-personnes-pendant-la-finale-des-worlds-2022-de-league-of-legends-un-nouveau-record_127688#:~:text=C’est%20au%20cours%20de,l’histoire%20de%20League%20of

GOTAGA. (2023, 16 avril). JE LANCE MA STRUCTURE ESPORT (avec Squeezie et Brawks) [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=kego3hlrVUc

Marchandet, W., & Marchandet, W. (2022). Worlds 2022 : une audience globale en demi-teinte. Trente Trois Degrés : Le média de toute une génération. https://trentetroisdegres.fr/worlds-2022-une-audience-globale-en-demi-teinte/

News_13052021_eSports_ISPO_Netzwerk. (s. d.). ISPO.com. https://www.ispo.com/fr/theme/esports

Reisacher, A. (2023, 22 février). Chiffres Twitch & # 8211 ; 2023. BDM. https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-twitch/

SnapChat, Facebook, Twitter, … Avec l’abonnement payant : est-ce la fin de l’ère des réseaux sociaux à 100% gratuits?

Payer l’abonnement à 9,60€ sur Twitter ou 11€ sur Facebook et Instagram permet dès maintenant d’avoir un compte certifié avec un badge bleu et l’accès à d’autres services.

« Nous relançons @TwitterBlue lundi – abonnez-vous sur le web pour 8 dollars par mois ou sur iOS (le système d’exploitation d’Apple utilisé sur les iPhone, NDLR) pour 11 dollars par mois pour avoir accès aux fonctionnalités réservées aux abonnés, notamment la coche bleue.»

Le groupe Twitter a indiqué dans un tweet, publié le 10 décembre 2022.

En novembre 2022, Twitter a lancé une offre payante : « Twitter Blue. » Cet abonnement allant de 9,60€ à 12€ par mois ou 100,8€ par an (tarifs en France) permet d’obtenir le petit badge bleu, c’est-à-dire d’avoir un compte certifié, et donne également accès à d’autres fonctionnalités telles qu’Éditer le Tweet, dépasser les 280 caractères, recevoir 50% de publicités en moins dans les fils, images de profil NFT, … 

En février 2023, le patron de Meta semble de suivre le pas d’Elon Musk en prévoyant une formule similaire à ses plateformes, Facebook et Instagram, en mettant en place un modèle d’abonnement payant nommé « Meta Verified. » Pour un prix oscillant entre 11€ et 14€ par mois, cette offre permet aux utilisateurs de faire vérifier leur compte, d’obtenir des protections contre l’usurpation d’identité, mais aussi de gagner en visibilité. L’abonnement est pour l’instant uniquement disponible en Australie, en Nouvelle Zélande et aux États-Unis. 

Mais, ce ne sont pas les seuls. En effet, Snapchat, Discord, Linkedin, … ont toutes leurs propres offres d’abonnement payant. Le modèle payant s’implante peu à peu dans les réseaux sociaux : est-ce la fin de l’ère des réseaux sociaux 100% gratuit ? Explications

Les réseaux sociaux : des modèles financés par des revenus publicitaires arrivent à maturité.

Selon le rapport « Global Advertising Market : Industry Trends, Share, Size, Growth, Opportunity and Forecast 2023-2028 », en 2022, les revenus publicitaires en ligne mondiaux ont atteint 615,2 milliards de dollars. Selon Statista worldwide, les revenus sur les réseaux sociaux représenteraient environ 36% des revenus publicitaires en ligne mondiaux, soit 207,1 milliards de dollars. Ce nombre est d’autant plus flagrant lorsqu’il s’agit des réseaux sociaux. 

En effet, la publicité génère plus de la moitié des revenus des réseaux sociaux : Facebook a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires publicitaire de 117 milliards de dollars, soit environ 97% de son chiffre d’affaires total (Rapport Annuel 2021, Meta); en 2021, Twitter a généré un revenu total de 5,08 milliards de dollars dont la publicité représentait environ 88%, soit 4,51 milliards de dollars (Rapport annuel 2021, Twitter). 

Mais comment les réseaux sociaux se rémunèrent-ils via la publicité ? « Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit. » 

Pendant près de deux décennies, le modèle économique des réseaux sociaux était 100% gratuits pour les utilisateurs : pas besoin de payer pour poster, pas besoin de payer pour accéder au contenu, pas besoin de payer pour parler à ses amis. Le cœur du modèle économique des réseaux sociaux était les revenus publicitaires dont la publicité ciblée. Ces derniers s’efforcent de cerner les comportements et profils de leurs utilisateurs sur le web en se servant des données collectées. Ainsi, les entreprises qui souhaitent diffuser leurs annonces doivent acheter des espaces d’affichage en ligne, en précisant le profil d’utilisateurs cible souhaité. En fonction de ces critères, les algorithmes des réseaux sociaux diffusent les publicités aux utilisateurs ciblés. 

Mais depuis quelque temps, les réseaux sociaux ont fait face à des problèmes de rentabilité. La publicité ne génère plus autant de revenus qu’auparavant en raison de l’affaiblissement du marché publicitaire, de différents scandales concernant l’usage des données, le renforcement de la législation de la protection des données personnelles. Le groupe Meta (Facebook, Instagram, Whatsapp) a même enregistré une baisse de revenus annuels, en 2022, pour la première fois depuis son entrée en bourse en 2012. L’ère de la gratuité des réseaux sociaux est-elle en train de se clore ? « Nous sommes au commencement de la fin d’une ère. (…) L’économie de l’attention qui a transformé les plateformes sociales en entreprises les plus profitables au monde a fini par se tirer une balle dans le pied. », explique  Clara Lindh Bergendorff dans les colonnes de Forbes.

Le modèle économique des réseaux sociaux est en plein évolution : les offres d’abonnement se multiplient.

Nous assistons à une évolution du modèle économique des réseaux sociaux où l’ère de la gratuité semble de disparaitre au profit de l’abonnement. En effet, le modèle de l’abonnement permet d’assurer des rentrées de revenus récurrents et stables pour faire face à la forte volatilité des revenus liés à la seule publicité.

Linkedin a montré que cela fonctionne et la mise en place de l’abonnement est inévitable : la publicité ne représente que 20% du chiffre d’affaires total de l’entreprise. En effet, les services de recrutement et les abonnements constituent ses principales sources de revenus. Selon le site Kinsta, 39% des utilisateurs de Linkedin payent pour un de ces abonnements. Linkedin a réussi à développer des formules payantes le permettant d’avoir un modèle économique durable. 

« Sur LinkedIn, il y a toute une offre d’abonnements payants et là, ça fonctionne. On les achète parce qu’on veut avoir plus de visibilité ou alors quand on est recruteur. On a besoin de ces offres »

Emmanuel Berne

« C’est payant, mais vous êtes quand même le produit »

Instagram et Tiktok testent actuellement un système d’abonnement premium à certains créateurs. Snapchat a lancé sa formule payante nommée Snapchat+. Twitter a lancé Twitter Blue, Meta avec Meta verified… Ces offres payantes donnent accès à des fonctionnalités exclusives aux abonnées telles que la vérification des comptes, l’accès au service client, plus de visibilité,… afin d’encourager les internautes à rester actifs.

«L’idée est d’améliorer l’authenticité [des profils et donc des échanges] et la sécurité sur nos services.»

Mark Zuckerberg, PDG de Meta

La question se pose alors de savoir si les utilisateurs sont-ils prêts à payer. Les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, Instagram ou Tiktok proposent-ils des offres suffisamment intéressantes pour inciter les usagers à payer l’abonnement ?  

Il semblerait que ce ne serait pas aussi facile de faire payer les utilisateurs parce que les réseaux sociaux ont proposé leurs services gratuitement pendant bien trop longtemps. En effet, la formule « c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit » est ancrée dans la culture populaire. Pour que la formule « c’est payant, mais vous êtes quand même le produit » puisse succéder à la première, il faut une nouveauté qui soit vraiment intéressante pour séduire les utilisateurs et pour faire passer la pilule du payant.  

Sophie Hong Vy Nguyen-Massicot

Bibliographie :

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  • Bergendorff, C. L. (2021, 12 mars). From The Attention Economy To The Creator Economy : A Paradigm Shift. Forbes. https://www.forbes.com/sites/claralindhbergendorff/2021/03/12/from-the-attention-economy-to-the-creator-economy-a-paradigm-shift/?sh=3a183e20faa7
  • Diallo, K., & Diallo, K. (2022). Réseaux sociaux : les utilisateurs sont-ils prêts à payer ? L’Éclaireur Fnac. https://leclaireur.fnac.com/article/107960-reseaux-sociaux-les-utilisateurs-sont-ils-prets-a-payer/
  • Laratte, A. (2022, 6 novembre). Payer pour avoir un badge bleu sur Twitter ? C’est désormais possible dans certains pays. leparisien.fr. https://www.leparisien.fr/high-tech/payer-pour-avoir-un-badge-bleu-sur-twitter-cest-desormais-possible-dans-certains-pays-05-11-2022-W73TOEMLEFFZFOFZKP5OYB2XXI.php
  • Osman, M. (2023). Mind-Blowing LinkedIn Statistics and Facts (2023). Kinsta®. https://kinsta.com/blog/linkedin-statistics/
  • Afp, C. A. (2023, 20 février). A son tour, Meta lance une offre payante. Capital.fr. https://www.capital.fr/entreprises-marches/a-son-tour-meta-lance-une-offre-payante-1460713
  • Laratte, A. (2023, 20 février). Facebook, Twitter, Instagram. . . la fin des réseaux sociaux gratuits ? leparisien.fr. https://www.leparisien.fr/high-tech/facebook-twitter-instagram-la-fin-des-reseaux-sociaux-gratuits-20-02-2023-QAJ3NAJT2BEXTM3KEPQ2UFASXQ.php
  • Wurlod, O. (2023, 20 février). Payer pour Instagram et Facebook : L’ère des réseaux sociaux 100 % gratuits se termine. 24 heures. https://www.24heures.ch/lere-des-reseaux-sociaux-100-gratuits-se-termine-300382518290
  • Statista. (s. d.). Social Media Advertising – Global | Market Forecast. https://www.statista.com/outlook/dmo/digital-advertising/social-media-advertising/worldwide

Balenciaga et les réseaux sociaux : la cancel culture a-t-elle encore frappé ?

Boycott, dénonciations et lynchage, les réseaux sociaux en tant qu’espace public et lieu d’expressions, sont également les théâtres de polémiques et controverses. Au fil des années, ils sont devenus des armes pouvant avoir des impacts positifs comme négatifs considérables.

63.1 milliards. C’est le nombre d’internautes dans le monde entier recencés en avril 2022 et parmi eux, 4.7 milliards sont utilisateurs de réseaux sociaux.

Aujourd’hui incontournables, les réseaux sociaux sont de véritables outils marketing afin de se faire connaître et d’avoir accès à la notoriété. En adoptant certains codes, il est aisé d’être propulsé sur le devant de la scène. C’est pourquoi la plupart des marques et notamment les marques de luxe ont commencé à axer leurs stratégies sur leurs campagnes de communication en ligne. Cependant, cet accès simplifié à la célébrité est également à double tranchant, la moindre erreur pouvant être fatale. Balenciaga en a d’ailleurs fait les frais en novembre dernier avec ses deux campagnes impliquant de la pédopornographie et la mise en scène d’enfants avec des accessoires associés à des pratiques SDM.

Les réseaux sociaux : une nouvelle vitrine des marques de luxe

La communication sur les réseaux sociaux est devenue monnaie courante .

De fait ils offrent une couverture très intéressante afin de pénétrer en profondeur le marché. Les marques ont recours notamment à des stratégies d’influences. En ayant recours à des individus bénéficiant d’une certaine popularité tout en ayant une image en adéquation avec la marque, la visibilité et la crédibilité des enseignes s’en retrouvent d’autant plus affirmées. Il n’est pas rare de retrouver des célébrités égéries de marque de luxe.

Nous pouvons citer en exemple Kim Kardashian égérie de Balenciaga ou encore Lea Seydoux, égérie de Louis Vuitton. La crise du covid19 est également passée par là. Entre les différentes contraintes sanitaires sans oublier les confinements, les réseaux sociaux étaient l’unique moyen de conserver un lien avec les consommateurs, les évènements en présentiels étant bannis et les ouvertures de nouvelles boutiques suspendues.  Très vite, les résultats sont apparus puisque de 2020 à 2022, Louis Vuitton est passé de 35.1 à 52.5 millions de followers et d’autres de ses pairs l’ont suivi dans cette ascension comme Gucci, Dior ou encore Balenciaga.

Selon le classement luxe Digital , parmi les marques les plus populaires en ligne Gucci, Dior et Channel arrivent en tête de la liste. Cependant, d’autres enseignes comme Gucci ou Balenciaga sont très populaires sur les réseaux sociaux. Le 29 avril 2023, Louis Vuitton comptabilise 52.7 millions de followers, Chanel 55.7 millions, Gucci 51.5 millions alors que Dior ne comptabilise que 43.9 millions. Ces données soulignent que bien que certaines marques soient plus recherchées en ligne que d’autres, toutes peuvent bénéficient d’une visibilité médiatique plus importante et donc d’un levier de manœuvre non négligeable afin d’accroître leur influence.

Ce levier est maximisé par un contenu étudié et une logique d’engagement mis en place. Le partage régulier de contenus concernant les nouvelles collections mais également les évènements phares de la marque de type défilés ou soirées mondaines, jusqu’à s’étendre à la publication des interviews de leurs collaborateurs et égéries, ont permis d’impliquer les consommateurs dans le quotidien et l’intimité des enseignes.

Les marques ont également appris à adopter leur contenu en fonction des différentes cibles des différentes plateformes, afin d’apparaître authentiques et accessibles pour tous. Chacun doit pouvoir s’identifier et se projeter au travers de leur histoire et de leurs créations.

Le joyau français de Kering : un habitué des provocations

Balenciaga, maison française de Kering, est connue pour utiliser les réseaux sociaux afin de faire parler d’elle et de ses créations. En effet, la marque fait régulièrement l’objet d’articles et de buzzs sur les réseaux sociaux avec des créations jugées provocantes et parfois à la limite de l’indécence. Nous pouvons penser à la mise en vente de baskets déchirées à plus de 1000 euros en mai 2022. L’objet de cette création était de souligner la durabilité des chaussures et donc que les articles Balenciaga ont pour vocation d’accompagner leurs utilisateurs tout au long de leur vie.

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Autre prouesse créative non pas moins épargnée par les critiques, la mise en vente de sacs à main inspirés de sacs poubelles, mais à un prix bien éloigné de ces objets domestiques.

Le directeur artistique de Balenciaga a cependant toujours affirmé sa position et l’a exprimé lors d’une interview suite au défilé de la collection automne-hiver 2022-2023.

« Je ne pouvais vraiment pas rater l’occasion de concevoir le sac-poubelle le plus cher du monde. Qui n’aime pas les scandales dans la mode ? »

Demna Gvasalia Women Wear’s Daily, 6 mars 2022

Ainsi, certaines enseignes vont jouer de leur visibilité et du pouvoir de diffusion des réseaux sociaux afin de faire parler d’elle et de gagner en visibilité. Cependant visibilité n’est pas synonyme de popularité.

Balenciaga : une campagne dévastratrice

En novembre 2022, Balenciaga a connu une véritable descente aux enfers avec une campagne sur les réseaux jugée inadmissible par l’opinion public.

En effet, sur Instagram la marque avait partagé des photos afin de promouvoir de nouveaux objets en vente, la marque souhaitant étendre son domaine d’expertise au-delà du prêt à porter. Jusqu’à là rien à redire, puisqu’il est devenu monnaie courante chez les marques de luxe, d’élargir leur champ d’action comme l’a fait Dior avec l’ouverture de son café à Paris. Cependant Balenciaga a poussé la chose plus loin que ce qu’elle n’aurait dû en mettant en scène des enfants avec des peluches portant des accessoires associés à des pratiques BDSM. L’opinion publique a lynché la marque, l’accusant de sexualiser des enfants et donc d’avoir un comportement absolument intolérable. Après avoir gardé le silence pendant plusieurs jours tandis que la toile se déchainait sur cette campagne, la marque a présenté publiquement ses excuses et a retiré les photos compromettantes.

Cela aurait pu passer pour une simple erreur et l’histoire en serait restée là mais quelque semaine après, le joyau de Kering a de nouveau fait parler de lui avec la promotion d’un sac Balenciaga x-Adidas sur une pile de documents. En zoomant sur ces documents, le public s’est rendu compte qu’il s’agissait d’un compte rendu d’un procès statuant que « la promotion et la publicité de la pornographie infantile relève de la liberté d’expression ».

Encore une fois, la marque a présenté ses excuses publiques et cette fois-ci, elle a remis la faute sur l’équipe chargée de la campagne. Balenciaga a totalement nié être au courant du contenu de la campagne et a même engagé des poursuites judiciaires contre l’équipe concernée.

Malgré cette initiative, le scandale a pris une telle ampleur que rapidement les effets se sont faits ressentir. Le lendemain du premier scandale, les actions du joyau Kering ont connu une chute de 0.02%. Cette chute pourrait impacter au long terme la maison dans sa croissance fulgurante initiée en 2019 . De fait, la firme réalisait un chiffre d’affaire de 927 millions de dollars en 2019 jusqu’à atteindre les 1.189 milliards en 2021. Dans le communiqué officiel des résultats annuels Kering n’a communiqué aucun résultat concernant Balenciaga. « Balenciaga a réalisé une excellente année, en dépit d’un mois de décembre difficile », cette phrase est l’unique information dont nous disposons. Cependant le directeur général délégué de Kering a admis que « la regrettable controverse  » dont Balenciaga avait fait l’objet a fortement impacté les résultats de cette maison. Kering a par ailleurs estimé que « les procédures avaient été correctement suivies mais une erreur de jugement » aurait été la cause de ces deux scandales ayant eu lieu en une seule année. Cela a poussé la maison à revoir ses procédures et à mettre en place de nouvelles mesures .

« Plus que de changer les personnes, il est question de renforcer l’organisation en favorisant davantage de diversité et d’intelligence collective ainsi que la capacité à exprimer une opinion différente dans les jugements »

Jean Marc Duplaix directeur financier de Kering dans Fashion work

Un bad buzz médiatique sur tous les plans

Même si la crise ne semble pas avoir eu d’effets exorbitants sur le résultat , la maison connait une véritable crise concernant son image, jamais vue jusqu’alors.

En raison de la polémique, elle a fait l’objet d’un bad buzz international. Les stars et célébrités se sont rapidement désolidarisées de la marque. L’égérie du moment Kim Kardashian avait notamment annoncé sur Twitter qu’elle reévaluait son partenariat avec Balenciaga.

 

« I have been quiet for the past few days, not because I haven’t been disgusted and outraged by the recent Balenciaga campaigns, but because I wanted an opportunity to speak to their team to understand for myself how this could have happened.« 
Kim Kardashian (@KimKardashian) 27 novembre 2022

D’autres stars ont retiré de leurs réseaux sociaux tout contenu associé à la marque comme Alexa Demie, actrice emblématique de la série Euphoria. Cela s’est même étendu à certains partenaires qui ont enlevé de leurs stands les produits Balenciaga comme la marketplace The Closet à Dubai.

Sur Tiktok, la réaction a été la plus violente. On a pu voir pendant plusieurs semaine des vidéos d’internautes et d’influenceurs déchirants et brûlants leurs articles Balenciaga. Un hashtag #cancelbalenciaga a même été créé pour l’occasion et le 28 novembre il cumulait plus de 25.5 millions de vues et le 30 avril, 310.7 millions de vues. Rappelons que Tiktok cible principalement les jeunes de 13 à 20 ans, avec cette campagne Balenciaga a perdu de son prestige et de son attractivité auprès d’une cible qu’elle avait réussi à conquérir parmi les plus jeunes.

Un calme jusqu’au prochain scandale ?

S’il semble que les choses se soient calmées pour le petit joyau français de Kering, cela n’aura pas été sans conséquences. Bien qu’étant habituée à faire la une en raison de créations provocantes et originales, cette fois-ci le buzz aurait eu un effet plus que négatif et il est probable qu’au prochain scandale, la marque soit « cancel » pour de bon.

Mathilde Delevoye

Références

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Assaut du Capitole : entre désinformation et incitations à la violence

Quelles responsabilités pour Facebook et Twitter ?

Le 6 janvier 2021, des partisans de Donald Trump envahissent le Capitole, là où siège le Congrès américain. Une seule idée en tête : empêcher la certification de la victoire de Joe Biden à la présidentielle américaine de 2020. 
Retour sur le rôle joué par ces réseaux sociaux lors de cet évènement majeur de l’histoire américaine.

Une préparation pré-élection présidentielle 2020 afin d’éviter le scandale de 2016

Photo de little plant sur Unsplash

Dans le contexte des élections présidentielles américaines de novembre 2020, il était inconcevable pour Facebook de revivre un scandale de la même ampleur que celui de 2016. En 4 ans, la plateforme a œuvré à la mise en place de mesures concrètes ayant pour but de protéger l’intégrité de la nouvelle élection, limiter la diffusion de fausses informations et lutter contre l’incitation à la haine et à la violence.

Mark Zuckerberg avait affirmé en octobre 2020 que le règlement de la plateforme empêcherait tout candidat de «déclaré victoire prématurément» et de «délégitimer les résultats de l’élection». Afin de limiter la désinformation, Facebook a implémenté la «War Room». Cette cellule de vérification analyse en temps réel les abus signalés sur les élections. Dani Lever, responsable des affaires publiques de Meta a affirmé que Facebook avait mis en pause ses campagnes publicitaires politiques et supprimé le groupe StopTheSteal début novembre 2020.  Le groupe qui comptait 360 000 utilisateurs parmi ses rangs, mettait en doute la légitimité de l’élection en diffusant la théorie du «Big Lie».

Pour Twitter, c’est seulement 2 mois après l’attaque que l’ex CEO Jack Dorsey affirma que la plateforme avait effectivement joué un rôle dans la diffusion de fausse informations et dans l’organisation de cette attaque. Twitter avait misé sur des pratiques de marquage de tweets et de déréférencement. 

Lorsqu’un tweet contenait des informations trompeuses au sujet de l’élection, il était étiqueté d’un avertissement. Une autre mesure plus radicale a été mis en place d’octobre 2020 jusqu’à l’élection. Si certains messages de personnalités politiques et/ou influentes contenaient des propos non vérifiés et trompeurs, une bannière contenant un avertissement sur le contenu empêchait de lire le tweet. Les tweets ciblés étaient privés d’interactions (retweet, like, commentaire). En amont de l’élection, Twitter avait décidé début 2020 d’instaurer des messages de fact checking à la fin des tweets contenant du contenu trompeur.

@realDonaldTrump sur Twitter

Des baisses de vigilance sous l’impulsion de la liberté d’expression 

Après l’annonce des résultats, Facebook était soulagé. L’opération s’était déroulée sans encombre. Certaines mesures, temporaires, ont donc été retirées.
Facebook a décidé de démanteler la cellule Civic Integrity Team composée d’experts qui détectaient et combattaient la désinformation et les discours haineux. Ces changements ont commencé à inquiéter plusieurs employés du réseau social. A partir de la fin des élections, certains employés ont remarqué que le nombre de signalements pour des messages contenant de fausses informations augmentaient fortement. 
Des documents internes, révélés par la lanceuse d’alerte Frances Haugen, ont soulignés les manquements de Facebook en termes de lutte contre la désinformation et d’incitation à la violence ayant joué un rôle dans l’attaque du Capitole.
Des pistes d’amélioration du règlement ont été proposées pour contrer la désinformation mais déclinées par la hiérarchie. L’une des raisons avancées par la direction est que cela ne ferait qu’augmenter le nombre de signalements erronés et diminuerait l’engagement sur la plateforme. Comme précisé par Haugen lors de son témoignage au Sénat, Facebook semble vouloir faire passer son « profit avant la sécurité » et « avant la population ».

Image par El Sun de Pixabay

La suppression du groupe StopTheSteal n’a non plus été d’une grande efficacité. Cela donna un boost de popularité aux groupes moins importants contenant des propos #StoptheSteal. Les membres du groupe d’origine se sont juste dispatchés. StopTheSteal était bien plus qu’un groupe Facebook et la plateforme n’a pas vraiment œuvré à contrôler et signaler ces groupes complotistes. 

Sur Facebook, les algorithmes jouent un rôle majeur dans la diffusion de ces fausses informations. Dans les documents révélés, il a été confirmé qu’il n’a fallu que 2 jours pour qu’un utilisateur, suivant quelques personnalités/médias conservateurs, ait des recommandations conspirationnistes et 1 semaine pour que des contenus du groupe QAnon lui soient recommandés.

L’une des révélations majeure des Facebook Files était la mise en place d’une politique de fact-checking XCheck permettant de limiter les faux signalements de comptes. Certaines personnalités politiques et comptes les plus suivis bénéficiaient d’une vérification des signalement à part. Cependant, certaines de ces personnalités soumises à ce système se retrouvaient «whitelisted» et exemptées du règlement de Facebook : «Contrairement au reste de notre communauté, ces personnes peuvent enfreindre nos normes sans aucunes conséquences».

De son côté, Twitter a aussi failli. 
Il n’a pas su prendre en considération les avertissements de ses employés sur les risques de la mauvaise gestion de la désinformation et des incitations à la violence sur la plateforme après les élections de 2020. Malgré les efforts et les signalements reportés par Twitter Safety Policy team, en charge de la rédaction du règlement de la plateforme, aucune mesure supplémentaire n’a été prise. Les dirigeants semblaient plus inquiets de déclencher la colère des supporters du président sortant plutôt que de préserver le discours électoral (Draft Comittee Report, The Washington Post, 2023).

Un règlement proposé par la Twitter Safety Policy team visant les messages qui incitaient indirectement à la violence («coded incitement to violence» CIV) n’a pas été retenu par les dirigeants, considérant que les messages visés pouvaient être interprétés dans un autre contexte. Le supposé règlement portait notamment sur ce message: «stand back and stand by». Il avait été utilisé par le président Trump pour s’adresser plus tôt dans l’année au groupe d’extrême droite Proud Boys connu pour ses idées fortes et ses comportements violents. Peu de temps après, cette expression était devenu le cri de ralliement de groupes de supporters Trump sur Twitter.

Twitter a pris l’initiative d’écouter les signalements déposés par des organisations comme Fair Fights luttant pour des élections justes aux États-Unis. Ces tweets, directement liés à l’incitation à la violence au nom d’une élection truquée, ont reçu des avertissements mais n’ont cependant pas été retirés. Pour Twitter, ces messages restaient dans le cadre de la liberté d’expression et n’avaient en aucun cas dépassé les limites du règlement.
Twitter montre ici des signes de relâchement quant à la gestion des messages haineux et de la désinformation.

Un rapport de la MDPI révéla qu’afin d’éviter les signalements, des hashtags contenants des fautes étaient utilisés massivement. Des tweets relatifs aux suspicions de corruption des Biden utilisaient majoritairement le #bidencrimefamiily plutôt que #bidencrimefamily. Cela devait déjouer les mesures mises en place par le règlement de la plateforme tout en ralliant les supporters autour de théories conspirationnistes.

@realDonaldTrump sur Twitter

Le 19 décembre 2020, Trump écrivait : «Big protest un D.C. on January 6th». Par la suite, le nombre de tweets utilisant les CIV «locked and loaded» et «civil war» ont augmenté de manière exponentielle.

Selon un ancien employé de la plateforme, il a fallu attendre l’attaque du 6 janvier 2021 pour que Twitter demande à la Safety Policy team de mettre en place en urgence la CIV Policy. Cependant, toujours incomplète dû à son blocage quelques mois plus tôt, son application était imparfaite.

Au Capitol, les attaquants documentaient leur avancée sur Twitter, obligeant les responsables de la modération à supprimer/bannir en direct les contenus et hashtags problématiques. D’autres hashtags, remontés dans les tendances, ont dû être déréférencé comme #CivilWar.

Une prise de conscience sur l’importance de la désinformation et de l’incitation à la haine ?

Donald J.Trump sur Facebook

Dani Lever confirme la suppression des contenus ayant comme la mention StoptheSteal dès l’instant de l’attaque ainsi que la suspension du compte de Donald Trump pendant 24 heures. Comme l’a annoncé Facebook, cela fut étendu à 2 semaines puis à une durée indéterminée. 

C’est finalement il y a un peu plus d’un mois, le 17 mars 2023, que l’ancien président fait son retour avec une vidéo et 3 mots : I’M BACK !


Facebook s’est engagé à renforcer l’obligation des administrateurs de groupes de vérifier les messages postés, à désactiver les interactions sur les posts provenant de groupes avec des taux élevés de discours haineux/violents et à déréférencer les contenus qui enfreindraient les règlements.

Après l’attaque, Twitter a suspendu le compte @realDonaldTrump (une première fois pendant 12 heures puis de manière permanente). Fin 2022, après l’arrivée d’Elon Musk à la tête de Twitter, son compte a été à nouveau débloqué. Plus de 70000 comptes ont été bloqués, des mesures ont été ajoutées à la Civic Integrity Policy, les comptes affiliés aux contenus conspirationnistes ont été déréférencés et certains sujets ne pourront plus apparaître dans les tendances.

Bien que les attaquants présents au Capitol ainsi que Donald Trump sont responsables de leurs actions, il est clair que les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur dans la préparation en amont de cet évènement. Même si le January 6th Comittee a décidé de s’attarder sur la responsabilité de Trump, cette affaire aura été l’opportunité pour ces grands réseaux sociaux d’être mis face aux conséquences de leurs décisions.

Margot Brenier


Bibliographie :

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https://doi.org/10.3390/journalmedia2040042

Permanent suspension of @realDonaldTrump. (s. d.). [ref. 30 avril 2023]
https://blog.twitter.com/en_us/topics/company/2020/suspension

L’économie de la célébrité à l’ère des réseaux sociaux : impacts et nouvelles tendances dans l’industrie du la K-Pop

Source : Alexander Shatov

Si vous utilisez des réseaux sociaux, vous avez probablement déjà entendu parler de la K-pop. En effet ce genre musical né en Corée du Sud dans les années 90 est extrêmement présent sur toutes les plateformes sociales, notamment grâce aux fans de ces chanteurs de pop coréenne que l’on appelle « idoles ».

La K-Pop et sa fulgurante montée en popularité

Caractérisée par des vidéos extravagantes aux grands budgets, des chorégraphies détaillées et des productions musicales uniques et variées, la K-Pop a su séduire un bon nombre de fans, et ce depuis des décennies. Néanmoins, durant ces dernières années, le genre a franchi un nouveau seuil de popularité en devenant une industrie internationale faisant succomber toutes les barrières géographiques : 89 millions de fans dans 113 pays, des tournées mondiales, des apparitions dans les plus grands festivals de musique (Coachella, Lollapalooza), de nombreux prix (Grammys, BBMAs, VMAs…), etc.

Et l’une des explications derrière cette montée rapide en popularité réside dans les réseaux sociaux. Mais comment les réseaux sociaux ont-ils transformé l’industrie du divertissement sud-coréenne, notamment dans des logiques d’économie de la célébrité ?

Une économie de la célébrité déjà présente…

« La célébrité, c’est l’avantage d’être connu de ceux qui ne vous connaissent pas »

Nicolas de Chamfort, poète et journaliste français.

Les célébrités sont dotées d’une influence parasociale, qui est un type de relation sociale à sens unique dont une personne peut faire l’expérience vis-à-vis d’une personnalité publique ou d’un personnage de fiction. Le fan peut ainsi développer des sentiments d’amitié, même sans existence de réelle interaction directe.

En Corée du Sud, cette influence était déjà assez forte avant les réseaux sociaux, avec une industrie de K-Pop prônant une apparente proximité entre les fans et les artistes en multipliant les apparitions de ces derniers : émissions de variété, séances de dédicace, téléréalités, publicités télévisées… Les artistes deviennent des professionnels du divertissement pour leurs fans, et sont ainsi déjà au centre d’une économie de la célébrité dans laquelle le fan est prêt à consommer toute sorte de contenu dès lors qu’elle est en lien avec sa star favorite, faisant tourner une économie.

… mais renforcée par les réseaux sociaux

Les médias sociaux introduisent de nouvelles opportunités de relations parasociales, car ils tendent à jouer sur des interactions fréquentes, plus personnelles et parfois réciproques entre les célébrités et leurs fans. En profitant de cette nouvelle opportunité, l’industrie de la K-Pop s’est approprié l’usage de ces réseaux (TikTok, Instagram, Twitter, Youtube) et est parvenue à en faire profit grâce à des stratégies inédites et créatives pour gagner en exposition et entretenir des relations solides avec leurs fans, notamment en postant régulièrement du contenu donnant aux fans un sentiment de proximité : vlogs, lives, challenges, sketchs, documentaires, multiplication des shows de variété et émissions de téléréalité…

L’objectif est rempli : partager leur quotidien et se positionner comme un ami pour des fans de plus en plus fidèles, grâce à des contenus viraux produits en parallèle de leur carrière musicale ; chose qui était auparavant compliquée alors que la promotion des artistes reposait essentiellement sur des méthodes traditionnelles telles que les apparitions télévisées ou les interviews à la radio.

Les fans, fidèles à leurs idoles vont alors les soutenir quoiqu’il arrive, en achetant leurs albums, places de concert, en votant, etc.

Les différentes agences et leurs stars, en maîtrisant parfaitement leurs contenus et leur viralité, sont ainsi devenus expertes dans ce domaine de la présence en ligne, et ont su s’imposer comme des personnalités à la réputation extrêmement solide : en date du 30 avril 2023, Lisa des Blackpink est l’idole de K-Pop la plus suivie et la 38e célébrité la plus suivie au monde sur Instagram, avec 92.9 millions d’abonnés. Elle est suivie par V des BTS, deuxième star coréenne et 82e mondialement avec 58.6 millions d’abonnés.

Les réseaux sociaux, un moyen de rassembler les communautés de fans

Ces très larges bases d’abonnés sont principalement constituées de fans, qui vont s’organiser en communautés – ou « fandoms » – sur les réseaux sociaux afin de pouvoir soutenir au mieux leurs artistes qu’ils considèrent et tiennent en estime. Ils vont ainsi agir à leur échelle comme des promoteurs de leurs idoles favorites sur les réseaux sociaux : discussions entre fans, hashtags hissés dans les tendances, comptes fans écrivant sur l’actualité d’un groupe… En 2020, Twitter a enregistré 6.7 milliards de tweets liés à la K-Pop.

Les agences, quant à elles, ont su déceler le potentiel de ces communautés de fans motivés et ont alors décidé d’investir dans de nouveaux moyens pour faire tourner cette économie de la célébrité, en les réunissant autour de contenus exclusifs. C’est ainsi qu’ont été créés Vlive puis Weverse, deux réseaux sociaux dédiés exclusivement aux interactions entre artistes et fans, qui leur permettent d’échanger dans des cadres plus intimistes et donc de préserver ce sentiment de proximité. Les artistes peuvent y poster des messages courts, répondre aux posts des fans, faire des lives pour parler de leur quotidien avec leurs fans. Sur chacune de ces plateformes, chaque artiste a un compte auquel le fan peut s’abonner, et ce dernier peut même profiter de plus d’avantages en payant, notamment en achetant une adhésion au fanclub de leur artiste favori.

De nouvelles opportunités pour les artistes

Les réseaux sociaux représentent aussi des opportunités inédites pour les artistes. Tout d’abord la nature même des réseaux, reliant les quatre coins du monde, a permis aux artistes de gagner en renommée grâce à la musique, en accédant à des marchés qui n’auraient pas été envisageables sans une présence physique lors de tournées ou autres évènements.

Les stars sont aussi devenues des marques à part entière dans cette économie de la célébrité, et peuvent générer des revenus grâce des activités annexes, car leurs fans seront prêts à soutenir tous leurs projets et produits (G-Dragon et sa marque de mode, IU et sa marque de cosmétiques…).

Cette logique est aussi valable pour les partenariats de plus en plus communs, à une ère où les marques sont de plus en plus disposées à digitaliser leur marketing en collaborant avec des célébrités aux grandes bases d’abonnés. Les idoles de K-Pop sont ainsi en haut de leur liste grâce à leur popularité sans précédent auprès des fans, qui peut faire augmenter considérablement les ventes de n’importe quel produit. Cela passe par des posts sponsorisés, ou même des contrats d’endorsement de plus en plus nombreux et prestigieux : Jungkook (BTS) pour Calvin Klein, Hanni (New Jeans) pour Gucci, Lisa (Blackpink) pour Céline, Cha Eun Woo (Astro) pour Dior, etc.

Les célébrités coréennes ont également la possibilité d’utiliser leur plateforme en tant que leader d’opinion pour sensibiliser à des causes sociales et des campagnes de bienfaisance, créant un impact positif dans la société. Par exemple, à la suite d’un don d’un million de dollars du groupe BTS au mouvement Black Lives Matter, leur fandom ARMY s’est organisé sur les réseaux sociaux grâce à l’hashtag #MatchAMillion, et a réussi à doubler la donation pour le mouvement par ses propres moyens.

Une exposition plus grande aux dérivés liées à la réputation et à l’économie de la célébrité

Néanmoins l’impact des réseaux sur l’industrie du divertissement coréen n’est pas que positif. En effet ils introduisent une plus grande pression pour les idoles quant à le gestion de leur statut de célébrité.

Les scandales et controverses, notamment, sont beaucoup plus visibles et impactantes en raison des réseaux sociaux, poussant les stars doivent à faire très attention à chacun de leurs gestes au quotidien, car ils sont observés.

Cela est dû en partie au fait qu’avec de cette logique d’interaction extrême, les fans peuvent développer un sentiment de droit sur la vie privée et les actes de leurs idoles : ils sentent que ces derniers ont besoin d’eux et leur doivent beaucoup au vu de leur implication incomparable, et vont donc se servir des réseaux sociaux pour exprimer leur possessivité ou leur mécontentement sur chacun de leurs actes, mêmes anodins ; allant parfois à critiquer l’apparence d’idoles s’écartant des standards de beauté. Des fans extrêmes vont même aller jusqu’à les suivre, à leur envoyer des lettres de menace, ce qui peut détériorer les relations.

Beaucoup vont les considérer comme des marchandises qui ne peuvent pas s’écarter d’une vision idéalisée que les fans ont d’eux. Cette pression est telle que l’industrie a connu plusieurs cas de suicides, alors que les idoles supportent de moins en moins la pression et les critiques du milieu, et que certains commencent à exprimer leur mécontentement.

Il est donc clair que les réseaux sociaux ont énormément apporté au milieu de la K-Pop en renforçant l’impact des artistes et leur proximité avec les fans ; néanmoins cela peut se faire à leurs dépens car ils peuvent souffrir de cette ouverture au monde, qui introduit plus de pression et les prive de certaines libertés. Il est donc nécessaire que les agences fassent le nécessaire afin d’assurer leur bien-être, en imposant des limites et en adaptant leur comportement à cette nouvelle ère connectée.

Article de Wendy Mbango.

Sources

  • Black lives Matter : après le don de BTS à 1 million de dollars, les fans du groupe font la même chose, Le Parisien.
  • #KpopTwitter achieves new record of 6.7 billion Tweets globally in 2020, Twitter Blog.
  • List of Most-Followed Instagram Handle in World, Sacnilk.com.
  • K-Pop 2023: A Look at the Statistics Behind the Music, Gitnux.

Cinéma et jeu vidéo : deux arts irréconciliables ? 

Tomb Raider, Silent Hill, Assassin’s Creed, Uncharted…depuis la sortie de Super Mario Bros dans les années 90, les jeux vidéo sont régulièrement adaptés pour le grand écran. Une source d’inspiration inépuisable  pour l’industrie du cinéma, comme en témoigne la sortie d’un nouveau film – un dessin animé cette fois – consacré au petit bonhomme à casquette rouge. Bien que ces aventures épiques soient souvent controversées, elles témoignent de la popularité croissante des jeux vidéo en tant que source d’inspiration pour l’industrie cinématographique.
En 1998, les frères Le Diberder déploraient déjà les « résultats lamentables » des adaptations cinématographiques de jeux vidéo, à l’instar de  Final Fantasy: The Spirits Within, fustigé à la fois par  la critique et les fans du jeu. Beaucoup justifient  ces échecs par les faiblesses des jeux d’origine. Néanmoins,  il serait pertinent de s’interroger davantage sur les différences fondamentales entre ces deux médias qui les rendent incompatibles.

Le risque de vouloir faire plaisir à tout le monde

Les franchises de jeux vidéo sont devenues de véritables phénomènes de société, avec des communautés de joueurs actives et passionnées. De nombreux cinéastes y voient donc  une opportunité de « surfer » sur la notoriété déjà bien installée de certains univers, tout en attirant un nouveau public par le cinéma, un média plus accessible. Ainsi, si des films comme Resident Evil ou Assassin’s Creed ont connu un certain succès au box-office, c’est notamment parce que ces deux licences étaient  déjà bien connues du grand public. Elles ont ainsi pu compter sur un public de curieux, non initié, mais aussi sur  leurs  fans, présents pour  s’assurer de la fidélité du film au jeu d’origine.
Par ailleurs, adapter une licence au cinéma permet de démocratiser le jeu vidéo auprès du  grand public. Mais ce double ciblage, qui espère transformer les cinéphiles en gamers et inversement,  pose problème. En voulant faire plaisir à tout le monde, bon nombre de réalisateurs et scénaristes se sont perdus concernant la direction à donner à leur adaptation, donnant lieu à des maladresses mémorables. C’est notamment ce qui a été reproché à la première adaptation de Super Mario Bros au cinéma, en 1993 : en voulant constamment rappeler l’œuvre originale tout en le rendant accessible, beaucoup de références se sont retrouvées placées aléatoirement dans le film et sans vraiment de réflexion. Dans leurs critiques, de nombreux  fans de la franchise ont été même jusqu’à les  juger « ridicules ».

L’art subtile d’adapter avec succès les jeux vidéo au cinéma 

La narrativité

Dans l’un de ses écrits, l’universitaire américain spécialisé dans les médias, Henry Jenkins, explique que l’adaptation cinématographique des jeux vidéo est un exercice complexe car certaines caractéristiques propres à ce médium ne sont pas facilement transposables à l’écran. En effet, contrairement au cinéma, où la narrativité est au cœur de chaque construction, les jeux vidéo offrent une grande liberté au joueur qui peut influencer le déroulement de l’histoire. Cette spécificité particulièrement importante pour les joueurs, est difficile à reproduire dans un film où la narration est prédéterminée.

Au cinéma, le récit est essentiellement séquentiel ou linéaire et influence donc la façon dont le film est perçu et compris, ainsi que les choix esthétiques du réalisateur. Les films utilisent des techniques cinématographiques telles que les dialogues et les cinématiques pour raconter l’histoire de manière cohérente. Le public est ainsi un observateur passif, qui suit le déroulement du récit sans avoir de prise sur son issue.

Dans les jeux vidéo, en revanche, la narration est souvent non-linéaire, le joueur est un participant actif à la construction de l’histoire. Cela crée une différence majeure dans la construction du scénario par rapport au cinéma, où la narration est essentiellement linéaire et le public est un observateur passif. En outre, le temps de jeu d’un jeu vidéo, qui peut s’étendre sur 15 à 30 heures, contraste avec la durée d’un film, qui est généralement comprise entre 1h30 et 3h, limitant ainsi la possibilité de développer des personnages et des émotions complexes.

Pour les frères Le Diberder, auteurs de « Qui a peur des jeux vidéo », ce sont ces différences en termes de structure narrative qui créent un fossé entre cinéma et jeux vidéo.

L’interactivité

Ce fossé est renforcé par la présence (ou l’absence) d’interactivité. En effet, bien que la dimension narrative existe au sein des jeux vidéo, elle se retrouve éclipsée par ce que l’on peut appeler « l’interaction narrative » qui correspond à la notion de « jouabilité ». 

Et pour cause, le gameplay des jeux vidéo, qu’Alexis Blanchet (enseignant et chercheur français en cinéma et nouveaux médias) définit comme « l’agencement des règles imposées par le jeu et les possibilités d’appropriation de ces règles par le joueur » dans son ouvrage « Des pixels à Hollywood : cinéma et jeu vidéo, une histoire culturelle et économique » est difficilement imitable pour le cinéma. En effet, des mécanismes tels que le choix des dialogues et les embranchements narratifs ne peuvent pas facilement être reproduits au cinéma.

Dans son article consacré aux relations entre cinéma et jeu vidéo, Sandy Baczkowski conclut simplement que « On ne regarde pas un jeu, on y joue. On ne joue pas à un film, on le regarde » : devant un film, nous sommes des spectateurs, tandis que devant un jeu vidéo nous sommes de véritables joueurs. Ainsi, un jeu vidéo pourra, par exemple, offrir plusieurs histoires ou fins différentes selon les interventions du joueur, tandis que les films ont une fin unique pour tous les spectateurs.

L’immersion dans l’espace-temps

Au niveau de l’espace-temps, là aussi les deux médias diffèrent : lorsque le cinéma se caractérise par une proposition d’un récit en image, le jeu vidéo, quant à lui, est un univers numérique dans lequel les joueurs sont amenés à plonger, s’immerger voire s’enfermer pour vivre des aventures hors du temps et de l’espace. En effet, ils se déplacent au sein de l’espace et ainsi du temps, libérant le présent du jeu pour répondre à une logique de mémoire virtuelle. Le cinéma sollicite donc principalement le regard, la vue, tandis que le jeu vidéo correspond également à une dimension tactile et corporelle.

Des convergences indéniables :  le cinéma transludique

Ainsi, il paraît évident que le cinéma et le jeu vidéo répondent à des logiques qui sont, par essence, différentes à plusieurs niveaux, rendant impossible l’adaptation d’un jeu vidéo en film. 

Néanmoins, on observe ces dernières années que des convergences entre le cinéma et la vidéoludique apparaissent et se renforcent. Au cinéma, les expériences sont de plus en plus immersives : on parle alors de « remédiatisation », que Jay David Bolter et Richard Gursin définissent dans leur ouvrage « Remediation : Understanding New Media », comme la reprise des formes et techniques d’un média par un autre. On constate qu’au cinéma apparaissent des stratégies de remédiatisation pour créer davantage d’immersion pour le spectateur. Les réalisateurs utilisent des techniques de narration spécifiques pour immerger le public dans l’histoire, grâce au montage, à la mise en scène, etc… Ces techniques sont accompagnées par les avancées technologiques de ces dernières années, telles que la 3D, la 4D, les effets spéciaux, le son spatialisé, la technologie Dolby Atmos, la VR, etc… Par exemple, le film de Christopher Nolan, Dunkerque, transporte les spectateurs directement dans l’action des événements de la Seconde Guerre mondiale grâce à sa narration non linéaire, combinée à une cinématographie immersive et à une bande sonore stressante. 

A partir de ce phénomène, Martin Picard théorise l’idée de « cinéma transludique » dans sa thèse intitulée « Pour une esthétique du cinéma transludique : Figures du jeu vidéo et de l’animation dans le cinéma d’effets visuels du tournant du XXIe siècle ». Il définit ce concept comme une forme de cinéma qui aurait plus à voir avec l’esthétique des jeux vidéo et des nouveaux médias en général qu’avec les codes cinématographiques classiques du cinéma. Un film transludique reste un film « traditionnel » du fait qu’il comporte un récit avec un début, un milieu, une fin, axé sur la progression d’un ou plusieurs personnages. Les spectateurs ne peuvent donc pas intervenir dans l’action et avoir un impact sur son déroulement. Néanmoins, il intègre des éléments vidéoludiques dans sa narration et sa mise en scène et s’impose donc comme le résultat de la convergence de différentes influences, notamment à travers l’attitude ludique qui permet d’impliquer davantage le spectateur sans pour autant lui donner la maîtrise du récit, tout en conservant des conceptions et des idées qui existent depuis toujours au cinéma.

Anne-Lise Magnien

Sources

Picard M. (2009), Pour une esthétique du cinéma transludique

Marti Marc (2012), Jeux vidéo et logiques narratives

Maison des Sciences de l’Homme (2019), Culture vidéoludique !

Alix Odorico (2021), Ces raisons qui expliquent pourquoi les adaptations des jeux vidéo en film sont souvent ratées

Di Crosta Marida (2009), Entre cinéma et jeux vidéo : l’interface-film

Comment les deepfakes peuvent impacter la santé sur les réseaux sociaux ?

Vous avez déjà pu tomber sur la fameuse vidéo de Barack Obama insultant Donald Trump ou encore sur celle de Zelensky diffusée sur une chaîne d’information officielle ukrainienne. Certains adeptes du deepfake, s’amusent à inventer des visages qui n’existent pas, à parler à la place de personnalités publiques…

Cependant, l’usage du deepfake souligne des risques en termes de droits à l’image et désinformation de masse.

https://youtu.be/cQ54GDm1eL0?t=23

Le deepfake consiste en la création de photos, d’audios ou de vidéos utilisant le visage d’une personne existante ou non, rendus crédibles grâce à l’intelligence artificielle. Contraction de Deep Learning et fake, cette technologie repose sur les GANs (Generative Adversarial Networks), produisant un contenu très réaliste.

Le champ des possibles du deepfake s’élargit. Du visage d’une personne sur le corps d’un autre, à la création d’une personne qui n’existe pas ou encore à la possibilité de prendre l’apparence d’une personne sur une vidéo et de « cloner » sa voix, le Deepfake ne cesse de gagner en réalisme.

Cependant, nous pouvons nous interroger quant aux dangers auxquels les internautes sont exposés via l’utilisation de cette technologie. Rappelons que le premier Deepfake a été publié sur Reddit, plateforme sur laquelle un utilisateur mettait en scène des célébrités comme Natalie Portman ou Jessica Alba dans de fausses vidéos pornographiques. Une entrée plutôt fracassante…

Cette technologie est d’autant plus répandue par l’usage des réseaux sociaux et pourrait fortement nuire à la santé de tous.

De ludique à politique, comment peuvent-ils impacter la santé via les réseaux sociaux ?

L’impact sur le secteur de la santé

Commençons par l’aspect négatif :

L’influence des deepfakes sur la santé commence à préoccuper les experts.

Certains deepfakes sont utilisés pour compromettre la confidentialité des données de santé des patients. Les cybercriminels peuvent ainsi publier sur les réseaux des enregistrements vocaux ou des vidéos semblant provenir de professionnels de la santé ou autorité comme l’OMS mais qui sont en réalité des pièges à clics. Les risques sont qu’ils y fassent fuiter les données personnelles des malades.

D’un point de vue purement médical, une vidéo peut, par exemple, être diffusée et faire croire que quelqu’un a été guéri d’une maladie via un traitement spécifique. Un politique peut sembler dire ou agir à l’opposé des recommandations de santé publique…

Ces pratiques peuvent pousser à adopter des comportements préjudiciables, conduisant, qui plus est, à des fraudes à l’assurance maladie et des perturbations des soins de santé.

Par conséquent, il est important que les utilisateurs des réseaux sociaux soient conscients de la possibilité de deepfakes médicaux et qu’ils vérifient toujours l’authenticité des informations avant de les partager.

De surcroît, l’augmentation de deepfakes aux visages « parfaits » sur les réseaux va de pair avec l’accroissement du taux de chirurgie esthétique.

« En moyenne, sur cette tranche d’âge (18-34 ans), la proportion de femmes qui poussent les portes des cabinets de chirurgie esthétique est de l’ordre de 80%. »

Chirurgie esthétique : favorisée par les réseaux sociaux, la tendance explose chez les jeunes (rtl.fr)

Heureusement il n’y a pas que du mauvais au deepfake :

Parfois le trucage de voix peut être utilisée à des fins positives. La voix pouvant être trafiquée, certaines communications du secteur de la santé pourrait mieux « passer » aux yeux des utilisateurs.

« Si l’on prend l’exemple d’une campagne de santé publique, avec 2-3 % de personnes convaincues en plus, les Deepfake peuvent sauver des vies. »

Deepfake, entre réel progrès et enjeux éthiques (bpifrance.fr)

Par ailleurs, la langue des signes n’étant encore que très peu répandue, en particulier sur les réseaux sociaux, les deepfakes pourraient améliorer le quotidien de personnes atteinte de mutisme. Leur message pourrait avoir plus d’impact et entraîner plus d’engagement.

De plus, les deepfakes pourraient contribuer aux progrès de la science. Un des exemples relevés serait leur capacité à repérer des organes malades au travers de la radiographie, aidant ainsi les médecins à effectuer un diagnostic. Les réseaux sociaux pourraient alors y développer la diffusion de ces savoirs (pour les étudiants en médecine par exemple).

Images d’IRN générées grâce aux GANs

L’impact sur la santé mentale

Commençons à nouveau par le négatif :

Les deepfakes peuvent également avoir un impact sur la santé mentale des gens sur les réseaux sociaux.

Une personne peut être victime de cyberharcèlement et voir sa réputation salie par du deepfake utilisant son visage dans un contexte faux et défavorable. Ces risques touchent principalement les femmes pouvant être victimes de Revenge porn. Cependant, certaines victimes doutent de leur statut avançant qu’elles n’étaient pas réellement présentes sur ces vidéos et guérissent difficilement de ce traumatisme.

Par ailleurs, les deepfakes peuvent conduire à une usurpation d’identité de la part de cybercriminels se faisant passer pour d’autres via des notes vocales crédibles. Cette situation provoque une perte de confiance et instaure un climat de « paranoïa » .

D’autre part, il est désormais facile pour les utilisateurs de se créer une « fausse vie » et de « faux attributs physiques », qu’ils partageraient sur les réseaux sociaux. Des biais raciaux, sexistes et des critères de beauté « standards » inatteignables y sont, d’ailleurs, cachés sous la table. En effet, les deepfakes ont souvent tendance à blanchir, rajeunir ou vieillir les utilisateurs, à donner des traits plus fins pour une femme et inversement pour les hommes. Cette théologie de la perfection physique prônant le transhumanisme enferme les users dans un carcan de mensonges, complexes et de frustrations.

Le feed d’un jeune se voit donc de plus en plus lisse : une jeune femme magnifique dans un paysage de rêve alors que tout s’avère souvent truqué (fond vert). Cette surexposition constante au « parfait » pousse certains utilisateurs à ne plus se reconnaitre et à accepter leur faux visage à mesure que leur taux de likes augmente. Ce qui induit des troubles en termes de définition et limites de soi avec la question suivante : « Où s’arrête le vrai Moi, où commence mon faux personnage ». Pas étonnant que le taux de chirurgie esthétique augmente….

« Chaque fois que j’obtenais un “j’aime” sur une photo, je sentais ces endorphines comme si c’était moi, comme si quelqu’un que je connais aimait une photo de moi »

https://leclaireur.fnac.com/article/220141-apres-les-vraies-fausses-vies-sur-les-reseaux-sociaux-place-aux-vies-truquees-grace-a-lia/

Mais l’aspect positif donne un brin d’espoir :

Avez-vous déjà entendu parler de la Deepfake Therapie ? Une étude publiée dans la revue Frontiers in Psychiatry a mis en avant deux victimes d’agressions sexuelles dialoguant sur la plateforme Zoom avec leur faux agresseur, en présence de leur thérapeute. Elle s’est avérée fructueuse puisque l’une des victimes a vu ses stress post-traumatiques diminuer en une semaine. Précisons que l’agresseur s’exprime « avec empathie sans chercher à revictimiser le patient » . Ce type de plateforme existe déjà notamment DeepTherapy.ai, dans laquelle certains endeuillés parlent avec un défunt. Il faut cependant savoir limiter son utilisation car en faussant le vrai, certaines séquelles peuvent subsister. Cette pratique pourrait s’étendre de la médiation pour le divorce au harcèlement des enfants.

Certaines personnes n’arrivent pas à tourner la page concernant une personne étant donnée la visibilité que donnent les réseaux sociaux et cette pratique pourrait fortement les aider.

Conclusions et résolutions qui en découlent

Les deepfakes constituent donc le sujet emblématique des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle. Nous devons ainsi tenir compte de la portée de cette IA afin de protéger la santé de tous.

Heureusement, une réglementation vient encadrer les dérives des deepfakes.

Ainsi, l’utilisation de deepfakes pour tromper les internautes sur l’identité d’une personne peut être punie par la loi.

Aux États-Unis, par exemple, le Congrès a adopté la loi de lutte contre la cybercriminalité (Cybercrime Enforcement Act) en 2019, qui criminalise la production et la distribution de deepfakes dans le but de tromper ou de nuire à une personne. La loi impose des peines allant jusqu’à 10 ans de prison.

En France, les deepfakes peuvent être considérés comme de l’escroquerie ou de l’usurpation d’identité, voire de la diffamation, selon la loi sur la liberté de la presse. Ainsi, un deepfake non mentionné comme tel est illégal. La loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information permet de stopper la diffusion massive de désinformation.

Au niveau européen, le projet de règlement sur les services numériques (« Digital Services Act ») prévoit des mesures pour lutter contre les risques systémiques découlant des plateformes en ligne et moteurs de recherche, en particulier contre tout effet négatif sur le discours civique.

D’autre part, la Commission européenne a publié un code de conduite européen renforcé pour lutter contre la désinformation. Le Conseil de l’Union européenne a adopté une résolution en 2021 appelant à une réglementation renforcée des deepfakes pour lutter contre la désinformation et les menaces pour la sécurité.

Enfin, plusieurs solutions ont été développées par les grands acteurs du numérique pour détecter et lutter contre les deepfakes, comme le Deepfake Detection Challenge de Facebook, AWS, Microsoft et Partnership in AI, ainsi que la plateforme InVID pour aider les journalistes à détecter les vidéos truquées.

Désormais, il est obligatoire de préciser si un contenu est Deepfake ou non.

Cependant, cette réglementation pose également des défis en matière de liberté d’expression et de droits de la personne, la ligne entre manipulation de contenu malveillant et parodie étant souvent floue.

Ce qui importe donc le plus est d’être conscient que les réseaux sociaux ne sont pas la vraie vie…

Chirel Darmouni.

Sources

WeChat, l’application totale

En 2022, 1,3 milliards de personnes utilisent l’application de messagerie WeChat. Parmi ces utilisateurs, deux tiers sont localisés en Chine0. Sur l’App Store, l’application se présente comme représentant un véritable « style de vie » à part entière.

Créée en janvier 2011, WeChat est à l’origine une application mobile de messagerie textuelle et vocale. Le groupe Tencent, son créateur, est qualifiable de « géant chinois du numérique ». Dès 1998, le groupe lance la messagerie instantanée qui deviendra la plus populaire de Chine : OICQ, un clone d’ICQ (une messagerie développée en 1996 par Mirabilis, une entreprise israélienne), renommé par la suite QQ pour prévenir d’une déconvenue juridique. Les services en ligne gérés par Tecent s’étendent des réseaux sociaux aux jeux-vidéos, en passant par les services bancaires, du streaming vidéo, et aujourd’hui le cloud et l’intelligence artificielle. Avec Alibaba et Baidu, Tencent est l’une des plus grandes entreprises chinoise travaillant dans le numérique. Elle est la plus valorisée du pays en 2022, à 375 milliards d’euros1.

WeChat tient son nom de Weixin, qui signifie « micro-message » en chinois2. L’objectif de sa création est de créer un concurrent de Whatsapp, déployable en Chine. Avec le temps, des fonctionnalités ont été ajoutées, et l’application est désormais irréductible à un système de messagerie. On pourrait imaginer une comparaison avec Line pour le Japon, Kakao Talk pour la Corée du Sud, Facebook ou Instagram pour l’Europe et l’Amérique. Mais l’application développée par Tencent s’étend au-delà de ces utilisations. Aujourd’hui, WeChat est indispensable au fonctionnement de la société chinoise. Si WeChat peut apparaître grossièrement comme une pâle copie de différents médias sociaux majoritairement utilisés en occident, c’est que l’on sous-estime le modèle pris peu à peu par l’application, entre complexité, omniprésence et presque-monopole sur le territoire chinois.

Lorsque Tencent développe QQ, elle ne prévoit pas immédiatement son adaptation mobile. Similaire à MSN, la messagerie commercialisée par Microsoft à partir de 19953, QQ s’utilise sur PC. Il a donc fallu adapter QQ aux services de téléphonie et aux mobiles, et lancer WeChat.

Mais alors, pourquoi WeChat s’est-elle immédiatement positionnée comme une messagerie mobile idéale pour les citoyens chinois ? Elle est le précurseur d’une technologie répondant parfaitement à un certain besoin des Chinois au moment de son déploiement : la messagerie vocale. En effet, les répondeurs n’existent alors pas chez les opérateurs chinois, ce qui obligent systématiquement les citoyens à appeler directement ou à écrire. Or, le mandarin permet difficilement une communication écrite, de par l’utilisation d’idéogrammes. L’adapter sous forme de clavier est difficile4, car la prononciation et le ton a un impact sur la signification d’un mot. Alors, les messages vocaux intégrés à la messagerie instantanée répondent à cette problématique, et permettent à WeChat de s’implanter rapidement dans le quotidien des Chinois, et ce dès 2011.

En 2012, WeChat met en place la possibilité de s’identifier via un QR Code, qui devient un identifiant numérique à scanner. L’application décide également de développer l’aspect social : elle lance la fonctionnalité « moments », qui permet aux utilisateurs de de partager des images, des liens ou des mises à jour avec des légendes. On peut ensuite y réagir, les liker, les commenter, et même partager des moments vidéo éphémères comme via les storys Instagram dès 2018. Mais WeChat ne met pas en place ces fonctionnalités de façons à étendre au maximum les réseaux humains (et donc sociaux) de ses utilisateurs : on ne peut ajouter une personne sur WeChat que si le contact nous a été transféré par un ami commun. L’autre possibilité est celle de scanner le QR Code affilié au compte d’un utilisateur directement sur son téléphone, et pour cela il faut être à proximité directe. On comprend donc la volonté de créer un réseau social dont les liens sont étroits, recréant en ligne une forme de sphère privée5.

La fonctionnalité official account, elle-aussi instaurée en 2012, permet à WeChat d’obtenir une dimension informative : des acteurs journalistiques, institutionnels, commerciaux, touristiques, scolaires, peuvent envoyer des messages push aux utilisateurs, et ainsi communiquer sur leurs actualités, informer, mais aussi transmettre des messages publicitaires. WeChat devient un média d’information, qui s’impose comme le 1er de Chine dès 2016, d’après « The 39th China Statistical Report on Internet Development »6, publié par le China Internet Network Information Center en 2017. Cependant, les acteurs privés ne sont pas les seuls à pouvoir utiliser la fonctionnalité official account. Les utilisateurs influents deviennent alors eux aussi producteurs de contenu médiatique.

WeChat Pay est instauré en 2013, et constitue un porte-monnaie électronique. Le fait d’instaurer un service de paiement déploie un nouvel aspect de l’application : elle inclut désormais l’acte marchand. Son but est de se diffuser dans tous les aspects quotidiens de Chine. Ceux qui ne trouvaient pas d’intérêt à utiliser un média social ou informationnel se voient contraints d’utiliser eux-aussi l’application, afin de pouvoir payer dans certaines circonstances. WeChat Pay est accepté dans toutes les boutiques de Chine, et même dans de grands magasins à l’étranger (tels que le BHV Marais ou les Galeries Lafayette à Paris). Le système des « enveloppes rouges » permetd’envoyer de l’argent virtuellement, dans le cadre de la tradition chinoise des hongbao, les étrennes échangées lors du nouvel an chinois. Désormais, ces enveloppes circulent toute l’année, pour faire circuler des sommes d’argent. Certains espaces de consommation ou lieux n’acceptent plus les paiements en espèces, le paiement dématérialisé via WeChat s’impose petit à petit, même chez les plus âgés qui se doivent alors d’être présents sur l’application. Seule AliPay, le système de paiement développé par Alibaba Group en 2004, tente de concurrencer WeChat Pay, mais il n’a pas la force qu’à WeChat en étant déjà intégré à une application complète.

Média social, d’information, service de paiement et d’identification, WeChat ne cesse de se déployer au sein de la société chinoise et est devenu un écosystème construit et structuré. Au-delà de sa propre structuration, WeChat est lui-même structurant pour les citoyens chinois, car c’est par lui que la quasi intégralité des actions numériques effectuées dans la journée vont passer. On peut désormais, via l’application, faire presque tout ce que l’on peut retrouver sous forme de service numérisé dans la vie quotidienne : effectuer des démarches administratives, acheter un billet de train ou un ticket de cinéma, commander un repas ou un taxi ou encore envoyer des mails professionnels à l’étranger. L’application constitue une aujourd’hui une agrégation des services7 : elle contient des « mini-programmes », des applications dans l’application elle-même8. Les entreprises externes à WeChat peuvent donc s’y retrouver pratiquement intégrées.

L’agrégation des services mis en place par WeChat crée une forte dépendance. Regroupant toutes les interactions sociales, les informations mais également les paiements et les aspects administratifs, WeChat se positionne comme une plateforme « totale ». En Chine, elle est utilisée pour tout, et par tous. Cette omniprésence centralise l’entièreté des données collectées sur les utilisateurs, et donc sur les citoyens chinois : ce qu’ils font et comment ils le font, qui ils fréquentent, ce qu’ils mangent, leurs habitudes de consommation, de déplacement, et de paiement. Or, dans sa chartre d’utilisation9, WeChat précise qu’il ne chiffre pas toutes les données collectées : l’application souhaite être en mesure de les « collecteur, utiliser, stocker et partager ».

Le réseau unique et structuré constitué par Tencent permet au gouvernement chinois de maîtriser l’organisation sociétale. S’il est un besoin de censure, de régulation, ou de transmission d’information, le Parti Communiste Chinois est en mesure d’agir directement sur tous ses citoyens par le biais de WeChat10. En plus d’avoir, par son intermédiaires, accès aux habitudes et aux pratiques de chacun. Toutes les applications mobiles et les mises à jour effectuées par le groupe sont soumises à l’État chinois avant leur mise en service, et ce depuis 202111. Depuis 2015, le géant chinois du numérique Tencent est autorisé par le gouvernement à développer un système de notation des citoyens, donc de crédit social12. L’entièreté des données fournies par WeChat constitue une base extrêmement précise d’informations sur les comportements, et donc d’évaluation potentielle. 

Le contrôle social exercé par le gouvernement chinois s’effectue tant via WeChat que dans la vie réelle. En d’autres termes, ce qui se passe sur WeChat en Chine affecte immédiatement les conditions de vie d’un de ses utilisateurs. Si l’État considère qu’un individu est problématique, il peut par exemple agir en supprimant son compte WeChat. Et, avec celui-ci, les sommes d’argents présentes sur le compte bancaire en ligne relié à WeBank, ou reçues lors des transitions WeChat Pay13. Cette suppression de compte peut également couper le citoyen de ses communications professionnelles, médicales et administratives. De la même façon, enlever de son propre cercle WeChat quelqu’un de problématique aux yeux du gouvernement ou s’étant simplement mal comporté, est désormais valorisé via le crédit social. Par tous les temps et en tous lieux chinois, WeChat est ainsi devenu le lien quasi-direct entre ceux qui contrôlent et surveillent la population chinoise, et ceux qui doivent se contenter de la constituer.

David Butow/Corbis via Getty Image

De MySpace à TikTok : les réseaux sociaux comme un eldorado de la promotion musicale

À l’ère du numérique, les médias sociaux font désormais partie intégrante de l’industrie musicale. Ce n’est plus un secret que les réseaux sociaux sont devenues un élément essentiel du marketing pour la promotion de la musique des artistes. Le premier réseau social lancé en 2003, MySpace, a d’ailleurs été construit sur la musique: de nombreux artistes ont utilisé cette plateforme pour promouvoir leur musique, partager des clips audio et vidéo, ou pour se connecter avec des fans et d’autres artistes. Le réseau est même devenu un élément clé de la promotion musicale à l’époque, avec des artistes tels que Arctic Monkeys, Adele, ou encore Lily Allen, qui ont été découverts grâce à la plateforme.Cependant, à mesure que les réseaux sociaux ont évolué, MySpace a été supplanté par des plateformes plus modernes, comme Facebook, Youtube, Instagram ou bien Twitter, qui permettent aux artistes d’atteindre de nouveaux publics et promouvoir leur musique plus efficacement que jamais. Aujourd’hui, c’est TikTok, qui reprend la place de l’outil de marketing puissant pour l’industrie musicale. Dans cet article, nous allons ainsi explorer la façon dont le secteur de la musique s’appuie sur les réseaux sociaux pour la promotion. 

Se faire connaître et développer la fanbase

La première chose à considérer est la façon dont ils peuvent être utilisés comme outil de communication pour les artistes. Les médias sociaux leur permettent de partager leur travail avec des fans potentiels en temps réel: ils peuvent obtenir un retour immédiat de la part de ceux qui écoutent ou regardent leur contenu en ligne. Les artistes nouent ainsi des relations avec les auditeurs, ce qui peut se traduire par une augmentation des ventes à terme – un élément clé de toute campagne de promotion réussie. De nombreuses fonctionnalités existent aujourd’hui sur les réseaux sociaux pour développer une communauté, comme les streamings en direct sur Instagram, Tiktok ou Twitch, où les fans peuvent s’impliquer directement en interagissant via des fonctions de chat. Par exemple, Adele a organisé son tout premier live “Q&A” sur Instagram, ou elle répond aux questions de ses fans pour la sortie de son album “30” en 2021: certains extraits font encore du bruit aujourd’hui!

Avant une sortie de projet, il est quasiment indispensable de “teaser” ce dernier sur les réseaux sociaux. En effet, de nombreux artistes publient des courts extraits sur les plateformes pour susciter l’intérêt; ces clips donnent juste assez d’informations sur le matériel à venir pour que les auditeurs soient intrigués – créant ainsi une anticipation autour des futurs projets. Par exemple, en 2020, le rappeur français Laylow sortait Trinity, un album qui a été vendu à plus de 10 000 exemplaires en première semaine: un résultat spectaculaire pour un artiste encore émergent à l’époque. Cette ascension fulgurante dans l’industrie musicale peut être expliquée par sa musique novatrice mais également par sa stratégie de marketing efficace. Celle-ci reposait sur la création d’une image forte et cohérente sur les réseaux sociaux qui se décline à travers sa musique, ses visuels, et ses collaborations artistiques. Ses clips recherchés publiés sur Youtube étaient l’un de ses principaux moyens de communication, qu’ils mettaient en avant sur ses réseaux sociaux via de courts extraits. Pour Trinity, il a procédé à un séquençage de la sortie des clips qui suit la logique de l’album. 

Trinityville – Laylow

Les médias sur les plateformes de réseaux sociaux  jouent également un rôle important dans la promotion de la musique, qui délivre des courts interviews d’artistes, ou promeut tout simplement la sortie d’un projet. On peut citer des médias digitaux, sur Instagram et Twitter comme Antidote, les Inrocks, Camino TV ou bien Raplume. 

En outre, les services de streaming tels qu’Apple Music et SoundCloud ont permis aux labels indépendants ou aux groupes non signés qui ne bénéficient pas du soutien d’une grande maison de disques, d’accéder à une exposition sans précédent grâce à des algorithmes spécialement conçus pour découvrir de nouveaux talents (ce qui n’était pas le cas il y a encore peu de temps). Les artistes émergents ont maintenant des opportunités disponibles sans coût, autre que le temps investi dans la création d’un contenu de qualité – leur permettant d’avoir un plus grand espace dans ce marché compétitif. On peut citer de nombreux talents connus grâce à Soundcloud, comme Jorja Smith, en passant par Billie Eilish ou bien Lil Uzi Vert. 

TikTok ou bien la nouvelle star de la promotion musicale

TikTok est une plateforme de médias sociaux permettant aux utilisateurs de créer et partager de courtes vidéos courtes. Lancée en 2016, l’application a connu une croissance exponentielle pour atteindre plus d’un milliard d’utilisateurs actifs mensuels dans le monde entier. Les utilisateurs de TikTok se prêtent à des vidéos de danse, lip sync ou bien des challenges, avec un audio souvent tiré de chansons tendances. Pour l’industrie musicale, TikTok est devenu un moyen puissant de promouvoir la musique et de lancer des artistes. Les chansons qui deviennent virales sur TikTok sont souvent propulsées au sommet des classements des charts musicaux, grâce à l’énorme audience de la plateforme. De nombreux artistes américains tels que Doja Cat ou bien Megan Thee Stallion ont tous connu une croissance rapide de leur popularité grâce à des musiques qui sont devenues populaires sur TikTok, notamment pendant la période de Covid. Des challenge de danse autour de sa chanson « Savage” de Megan Thee Stallion ou « Say So » de Doja Cat ont été crée et repris par de nombreux fans.

Say So – Doja Cat

Les maisons de disques et les promoteurs peuvent utiliser TikTok pour lancer des campagnes de marketing ciblées. L’application propose des services spécialisés tels que le suivi analytique, la conception de profils personnalisés, des campagnes promotionnelles ou bien des conseils en matière d’image de marque. Les artistes peuvent faire appel à des influenceurs ou à des célébrités très suivies sur diverses plateformes afin de faire connaître les prochaines sorties ou les événements liés à l’œuvre d’un artiste particulier. Cette méthode peut s’avérer très efficace, car elle permet à ceux qui n’ont peut-être pas eu l’occasion d’écouter la musique de l’artiste de découvrir ce qu’il crée de manière organique, tout en augmentant sa visibilité auprès des fans qui le connaissent déjà bien ! 

En conclusion

Les réseaux sociaux sont ainsi le nouvel eldorado de la promotion musicale pour les artistes. Tout bien considéré, il est clair que les plateformes jouent un rôle vital dans les stratégies de promotion modernes, et le fait d’avoir des profils actifs sur plusieurs réseaux est aujourd’hui presque incontournable pour  promouvoir votre musique. Si vous ne l’avez pas encore fait, c’est le moment idéal pour commencer à construire votre présence en ligne aujourd’hui.

Artemia S.

Les nouvelles sources d’informations sur les réseaux sociaux : l’exemple d’HugoDécrypte

En 2015, alors qu’il est en première année à Sciences Po, Hugo Travers, dit HugoDécrypte, crée sa chaîne YouTube, qu’il présente comme un média qui se veut ouvert aux jeunes et informatif via un traitement journalistique de l’actualité. 6 ans plus tard, il est à la tête d’une entreprise de 25 employés postant quotidiennement des condensés d’actualités sur TikTok, Instagram, Twitch, Snapchat, Twitter et même Spotify sous format audio. Aujourd’hui, son média semble avoir conquis les jeunes audiences sur les réseaux sociaux, alors que de nombreux médias s’interrogent sur la façon dont ils pourraient capter ce public réputé fragile et désintéressé.

De nouvelles formes d’information

A seulement 25 ans, le média HugoDécrypte compte à ce jour 1305 publications sur Instagram pour 2.5 millions de followers, 1400 vidéos sur Youtube pour 1.89 million d’abonnés et 266 millions de likes sur TikTok, pour 4.2 millions de followers. Le média est devenu le media par excellence sur les réseaux sociaux. 

Le média HugoDécrypte s’engage à rendre accessible n’importe quel sujet au plus grand nombre. Ce principe de vulgarisation permet à un jeune de 14 ans de comprendre et de s’intéresser à des sujets d’actualité. Sur le fond, un sujet pourra donc tout autant intéresser un adolescent que quelqu’un qui maitrise déjà le sujet.

Le concept de la chaîne est simple : Hugo décrypte l’actualité et les sujets de société qui intéressent les jeunes, en utilisant des exemples concrets et des images pour illustrer ses propos. Ses vidéos sont courtes, souvent moins de dix minutes, et vont droit au but. Il aborde des sujets variés, allant de la politique aux nouvelles technologies, en passant par les enjeux environnementaux ou encore les phénomènes de société.

La force du média est la compréhension des stratégies et enjeux propres à chaque réseau social. Chaque réseau à ses codes, son public est ses modes d’utilisation. Le média propose une réflexion stratégique sur les contenus qui seront diffusés. Sur Youtube, on retrouve les « Actus du jour » (entre 10 et 15 minutes d’infos par jour) ainsi que des reportages. Le vidéaste détient également une chaine secondaire à 900K abonnés sur lesquels il poste des grands formats, reportages, débats… Sur Instagram, il privilégiera des formats écrits (carrousels) intuitifs et visuels ainsi, que des courts extraits pour les Reels. Sur TikTok, il postera des formats courts et impactants. Le média compte également un compte Twitter et une chaîne Twitch sur laquelle Hugo anime un talk-show tout les mercredis.

Enfin, le fait de passer par ces canaux d’information renforce le degré de transparence entre le média et les consommateurs. Le manque de transparence sur la manière dont les médias traditionnels diffusent les informations leur est souvent reproché. Chez HugoDécrypte, les personnes qui suivent le média peuvent facilement faire un retour sur les contenus. Cela participe au maintien de la confiance envers le média.

Capter un public jeune et défiant par l’horizontalité 

Selon le 35ème baromètre de confiance dans les médias publié en janvier 2022 par Kantar & La Croix, la rupture entre la jeunesse française et les supports de radio, de télévision et de presse écrite s’accroît chaque année. Chez les 18-24 ans, l’intérêt pour l’actualité a chuté de 51 % à 38 % en l’espace d’un an. Cette jeune population estime également que certains sujets qui leur sont chers n’ont pas été assez traités par les médias traditionnels (comme le dérèglement climatique par exemple).

Ainsi, dans un contexte compliqué où l’actualité est négative, les 18-25 ans s’intéressent de moins en moins aux médias dits « traditionnels ». C’est là que les nouveaux médias, tels que HugoDécrypte, prennent de l’importance en s’implantant sur les réseaux sociaux où les jeunes se trouvent déjà. Ce qu’il représente correspond parfaitement à ce que les jeunes recherchent : des informations rapides, concises et expliquées par une personne sympathique de 25 ans. Alors que la fiabilité de l’information sur les réseaux sociaux était la principale source de méfiance, HugoDécrypte change la donne en se présentant comme fiable, transparent et pluraliste. Sa stratégie marketing est efficace; son public ressent une proximité et une spontanéité, alors que tout est en réalité minutieusement préparé. Selon Hugo Travers, le succès de son média repose sur la confiance mutuelle avec les internautes. En somme, cela pourrait être notre « pote ». Un « pote » que l’on peut peut retrouver sur la chaîne de Squeezie le lundi, puis sur sa chaîne le mardi en train d’expliquer le conflit israélo-palestinien.

Cette nouvelle façon de penser les médias, sur les réseaux sociaux, se caractérise par une approche horizontale. Contrairement aux médias traditionnels où l’information est diffusée de manière verticale, avec des experts et des journalistes diffusant l’information vers le public, les médias sur les réseaux sociaux impliquent davantage les utilisateurs dans la production et la diffusion de l’information. Les réseaux sociaux permettent une interaction directe entre les producteurs et les consommateurs, offrant ainsi une approche plus démocratique et collaborative. Cette approche permet aux utilisateurs de partager leur point de vue, de poser des questions, de discuter et d’interagir avec les autres utilisateurs, créant ainsi une communauté d’intérêts autour du média et une nouvelle façon de s’informer. Bien que l’envie de transparence et de dialogue entre un média et sa communauté ait toujours existé, elle s’est longtemps heurtée à un modèle de diffusion descendant où le média transmettait l’information et le public la recevait. Avec l’avènement des réseaux sociaux, il y a davantage d’horizontalité dans les échanges. 

Un virage à emprunter pour les médias traditionnels

Ainsi, si l’on suit le modèle à succès d’HugoDécrypte, la digitalisation des contenus proposés est primordiale à la survie des médias traditionnels. Depuis quelques années, on observe ainsi la transition des médias traditionnels vers les réseaux sociaux. Même si les médias traditionnels ne sont pas voués à disparaître, de plus en plus investissent les réseaux sociaux. Par exemple, le Monde a très rapidement proposé ses contenus sur les réseaux sociaux : Snapchat, Youtube, Facebook Instagram et plus récemment TikTok. Aujourd’hui, Le Monde compte 1.7m de followers sur Instagram, 1.54m d’abonnés sur YouTube et 800k followers sur TikTok. Dès lors, celui-ci s’ancre dans l’esprit des jeunes de 18-25 ans comme un média moderne et dans l’ère du temps.

Les médias traditionnels comme la télévision, la radio et les journaux ont des relations complexes avec l’utilisation du big data et la façon dont l’information est numérisée. Cela est dû aux opportunités de croissance que cela peut apporter mais également au chamboulement de leur business model. Tout cela a un impact sur la façon dont l’information est produite, consommée et payée.

Avec l’avènement des réseaux sociaux, la transition vers une nouvelle façon de fonctionner pour les médias est devenue presque nécessaire. Les médias doivent s’adapter à cette nouvelle réalité pour continuer à être pertinents et atteindre leur public. Cela implique des changements dans la façon dont ils produisent, diffusent et monétisent l’information.

Jean Pisanté


Bibliographie

Léa Iribarnegaray (20 Octobre 2020): « HugoDécrypte » et sa petite entreprise. LeMonde.fr. https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/09/22/hugo-decrypte-et-sa-petite-entreprise_6095649_4401467.html

Astrid-Edda Caux et Rita Faridi (12 Octobre 2018): HugoDécrypte en long, en large, et en Travers. La Péniche. https://www.lapeniche.net/hugodecrypte-en-long-en-large-et-en-travers/

Kati Bremme (20 Janvier 2022): Baromètre Kantar-La Croix : les médias attendus comme acteurs de la démocratie. Méta-Média.fr. https://www.meta-media.fr/2022/01/20/barometre-kantar-la-croix-les-medias-attendus-comme-acteurs-de-la-democratie.html

Léa Iribarnegaray (05 avril 2022): Jean Massiet, HugoDécrypte, « Brut »… Comment de nouveaux producteurs d’infos captent les jeunes sur les réseaux sociaux. LeMonde.fr. https://www.lemonde.fr/campus/article/2022/04/05/jean-massiet-hugodecrypte-brut-comment-de-nouveaux-producteurs-d-infos-captent-les-jeunes-sur-les-reseaux-sociaux_6120599_4401467.html

Randa El Fekih (25 janvier 2023): Hugo Travers : « Seuls les médias qui réussiront leur transition en ligne survivront ». MediaConnect.com. https://mediaconnect.com/hugo-travers-seuls-les-medias-qui-reussiront-leur-transition-en-ligne-survivront/?lang=fr

Olivier Meier (05 juillet 2022): LES MÉDIAS TRADITIONNELS FACE À LA NUMÉRISATION DE L’INFORMATION. Management&datascience. https://management-datascience.org/articles/20406/

Randa El Fekih (25 janvier 2023): Hugo Travers : « Seuls les médias qui réussiront leur transition en ligne survivront ». MediaConnect.com.

Les bulles de filtre : une influence sociale et politique ?

Parmi les nombreuses critiques récentes issues de la presse occidentale du réseau social TikTok, revient souvent l’idée que l’application du géant chinois Byte Dance favoriserait la création de bulles de filtre, et ce bien plus que ses concurrents comme Facebook, Instagram, Twitter ou même LinkedIn.

L’existence des bulles de filtre

Concept souvent répandu au sein des presses presque lobbystes « anti réseaux sociaux » mais finalement assez peu démontré, la bulle de filtre est décrite par Eli Rider comme « l’état dans lequel se trouve un internaute lorsque les informations auxquelles il accède sur Internet sont le résultat d’une personnalisation mise en place à son insu ».

Ainsi, en utilisant diverses données collectées sur les utilisateurs, des algorithmes déterminent les contenus qui leur seront accessibles. L’expression « bulle de filtres » illustre l’isolement résultant de ce mécanisme : chaque utilisateur navigue dans une version unique du web, adaptée à ses préférences et créant donc une « bulle » personnalisée.

Stratégies d’audience et algorithmes

En conséquence de leurs modèles d’affaires centrés sur le contenu et la data, les grandes entreprises d’internet développent des stratégies d’audience reposant sur la hiérarchisation des pages web dictée par l’implémentation d’algorithmes, comme le Page Rank de Google, qui offre plus de visibilité aux pages les plus citées, liées et commentées. Et l’on retrouve également ces mêmes types de stratégies sur les réseaux sociaux.

Dans A quoi rêvent les algorithmes ? , Dominique Cardon explique que « les calculateurs reproduisent l’ordre social ».

Ces algorithmes trient et hiérarchisent les informations, sans que l’on sache précisément leurs composantes techniques. Ces actions ont des visées commerciales, en présentant aux utilisateurs des publicités adaptées à leur profil. On assiste donc à une « personnalisation » de l’information.

De plus, les algorithmes renforcent la culture du « winner takes all » : grâce aux recommandations, plus un contenu est vu, plus il sera suggéré à d’autres utilisateurs. Celui-ci entre alors dans un cercle vertueux (ou vicieux ?), au détriment des autres contenus qui sont complètement négligés. C’est pour cette raison que les algorithmes ont tendance à rendre certaines informations invisibles. Et ces derrière ces deux concepts que se cache celui de la chambre d’écho, au cœur du débat sur les bulles de filtre. Cette notion fait référence à l’idée que les réseaux sociaux, en créant un environnement cognitivement homogène, nous renvoient une image emprisonnant de nous-mêmes, validant ainsi nos opinions et croyances préexistantes et annihilant notre libre arbitre.

Renforcement de l’entre-soi idéologique et fragmentation de la réalité sociale

Ce constat un tant soit peu dramatique est susceptible d’entraîner des conséquences directs sur la politisation des individus. L’entre-soi idéologique serait donc favorisé par Internet et plus particulièrement par les réseaux sociaux. Les forums tels que « jeuxvideo.com » sont connus pour abriter une communauté d’extrême droite ou de droite radicale, créant une chambre d’écho où ces idées sont renforcées. Les utilisateurs opposés à ces idéologies évitent généralement ce site, ce qui explique le faible nombre de signalements. En revanche, Facebook et Twitter rassemblent des communautés et opinions diverses, ce qui peut entraîner des confrontations idéologiques et plus de signalements de contenus discriminatoires. De plus, les algorithmes de recommandation sur des plateformes comme Instagram ou TikTok maintiennent ces bulles en utilisant les traces numériques telles que les likes, les re-visionnages ou les commentaires sur du contenu d’extrême droite par exemple. Le contenu suivant sera alors influencé par ces traces. Cela conduit à une information biaisée, concentrée sur des thématiques réactionnaires, identitaires, racistes ou xénophobes.

En fin de compte, les individus se retrouvent dans une réalité fragmentée, contribuant ainsi à la segmentation de la société. Les groupes sociaux continuent d’exister sur Internet et l’idée d’un internet en dehors du monde est illusoire. Les nouvelles technologies ne modifient pas fondamentalement les rapports sociaux hors ligne. Les conflits et dynamiques sociales existent indépendamment de l’Internet. Les individus ont une existence sociale qui dépasse le contexte en ligne et leur comportement sur Internet est souvent influencé par leur réalité sociale et leur identité en dehors de la sphère numérique. Cependant, cette existence sociale est renforcée par ces réseaux. Pendant les années 2015 et 2016, marquées par une vague d’attentats terroristes en France, le nombre de signalements de contenus haineux en ligne a connu une augmentation significative. Les catégories de contenus les plus signalées étaient celles impliquant des « provocations publiques à la haine et la discrimination raciale, ethnique ou religieuse », des « apologies de crimes de guerre et contre l’humanité », ainsi que des « injures ou diffamations xénophobes ou discriminatoires ».  Cette corrélation entre les événements majeurs tels que les attentats et l’augmentation des signalements démontre en partie que les réseaux sociaux peuvent refléter voire amplifier les phénomènes sociaux qui se produisent à l’extérieur comme en témoigne l’augmentation des rixes mortels entre jeunes dans les quartiers populaires.

Au-delà des limites des bulles de filtre : la démocratisation de l’espace public

Ce constat ne doit cependant pas devenir dogmatique car Internet reste selon Dominique Cardon un des meilleurs moyens de démocratisation  de l’espace public. Dans La démocratie Internet, Internet est décrit comme le moyen d’un élargissement de l’espace public, favorisant sa démocratisation. L’auteur soutient que l’apparition de nouveaux acteurs dans l’espace public a entraîné la levée des obstacles qui bloquaient l’accès à la parole, et a multiplié des formes des expressions publiques plus subjectives, personnelles et privées via les réseaux sociaux.

« Internet pousse les murs de l’espace public, tout en enlevant le plancher ».

Internet a bouleversé la hiérarchie des émetteurs de savoir et de vérité, autrefois presque incontestable dans les médias de masse traditionnels. Aujourd’hui, l’autorité ne repose plus uniquement sur quelques institutions médiatiques établies, telles que les journaux, les chaînes de télévision et les radios. Internet a permis à n’importe qui de devenir un émetteur potentiel de savoir et d’informations. Les plateformes en ligne, comme les blogs, les réseaux sociaux et les sites web indépendants, offrent à chacun la possibilité de partager ses idées, opinions et connaissances avec un public potentiellement mondial. Cette démocratisation de la production de contenu a donné lieu à une multitude de sources d’information accessibles aux individus, renforçant en théorie l’idée de neutralité globale des réseaux. Cela remet en question les médias de masse, les nouveaux médias étant perçus à différents moments comme une avancée, une libération des formes de communication traditionnelles, favorisant une meilleure interconnexion entre les individus et un nouveau lien social.

Fractures informationnelles et polarisation du paysage médiatique

Si le marché de l’information s’est profondément transformé avec l’émergence des réseaux, les médias traditionnels restent assez consommés en particulier en France. Il semble donc intéressant d’analyser la polarisation de l’espace médiatique français pour comprendre les fractures informationnelles auxquelles contribuent les bulles de filtres des nouveaux médias.

Selon un rapport publié par l’Institut Montaigne, Bruno Patino, Dominique Cardon et Théophile Lenoir affirment que le champ médiatique en France est structuré selon un axe vertical, avec d’un côté les médias du centre et de l’autre les médias périphériques, tandis qu’aux États-Unis, il est polarisé selon un axe gauche droite horizontal. Cependant, quel que soit le pays, les réseaux sociaux proches du centre sont utilisés par une population d’individus diplômés de l’enseignement supérieur : « C’est en fait un monde social qui élargit le champ des dominants : hommes politiques, journalistes, urbains, etc. ».

Ainsi, cette polarisation se répercute sur les réseaux sociaux. Dans les médias du centre, les plus institutionnalisés, dont Twitter et Facebook sont relativement proches, la circulation de l’information fonctionne différemment que dans les espaces les plus éloignés de ce centre. Une fraction de la population se voit exclue de l’espace public prédominant où elle forge sa relation avec le monde, en s’opposant aux médias centraux. Les « fake news » résultent alors d’une opposition sociale entre le public central et le public périphérique. Pour qu’une fausse information soit crédible, elle doit être soutenue par une personne ayant une certaine autorité. Ce phénomène, appelé « blanchiment d’information » développé par Dominique Cardon, implique que des personnalités influentes légitiment cette information. Les « fake news » ne peuvent se propager que si des individus y croient, les diffusent, les ciblent et les adaptent pour les intégrer à l’agenda médiatique, souvent en créant une communauté. Les milieux d’extrême droite identitaires utilisent principalement cette tactique en diffusant des informations exagérées, manipulées ou sorties de leur contexte, renforçant ainsi les bulles de filtres et confortant leurs partisans. Et on assiste de plus en plus à un glissement dangereux de certains médias et réseaux sociaux.

Une influence palpable pour qui ?

En conclusion, Internet et les réseaux sociaux reflète nos comportements dans le monde réel en les modifiant légèrement. Si un individu évolue dans un environnement socialement homogène, fermé ou de niche comme les mouvements identitaires, la « bulle » aura une influence significative amplifiante. Nonobstant, beaucoup de progrès techniques offrent désormais la possibilité aux individus même marginalisés de retrouver leur libre arbitre par un contrôle technique des filtres.

Mais pour la majorité de la population, il est compliqué de prouver que les réseaux sociaux via les bulles de filtre emprisonnent les individus. Les réseaux sociaux formeraient en fait une multitude de communautés où les informations circuleraient entre elles via les liens faibles augmentant ainsi la neutralité. En outre, l’irrationalité psychologique des individus est telle qu’il est difficile d’affirmer avec certitude que les propositions de contenu des algorithmes exercent une grande influence sur nos comportement sociaux et politiques, pour une majorité modérée aux sources informationnelles diverses en tout cas…

Bibliographie

  • Dominique Cardon : A quoi rêvent les algorithmes ?
  • Dominique Cardon : La Démocratie d’Internet
  • Institut Montaigne : Bruno Patino, Dominique Cardon et Théophile Lenoir
  • ENS Lyon
  • Wikipédia
  • Le Monde
  • Le Bilan
  • Le Figaro
  • Radio France
  • L’Obs
  • France Culture
  • Libération
  • Le Parisien
  • Le Journal du Net
  • La Gazette des Communes
  • L’internaute

Un article écrit par Jonathan Lévy Guillain

The double-edged sword of medical crowdfunding campaigns on social media

Charlie Gard was born in August 2016 with a form of mitochondrial disease, a condition that causes progressive muscle weakness and brain damage. In order to cover the costs of a nucleoside therapy, Charlie’s parents turned to crowdfunding and opened a GoFundMe page. This campaign appeared to be one of the most successful crowdfunding initiatives online, receiving more than £1.2 million in donations in less than 6 months.

The trend of donation-based campaigns, called medical crowdfunding, is growing rapidly in recent years. It can be defined as the raising of funds from a large pool of donors for medical purposes through an online public appeal. While the earliest popular experiments in crowdfunding were in the music industry, crowdfunding websites such as GoFundMe, Kickstarter, and FundRazr are now mainly utilized for raising funds for medical needs. Due to the absence of geographic restrictions and their low transaction costs, those platforms enable patients in urgent need to set up campaigns and receive financial and emotional support from international contributors. It should be noted that the popularity of social media has become as a means for medical crowdfunding. Facebook, Twitter, WeChat, or TikTok enable crowdfunding projects to spread across as wide a range of people as possible in a faster way. Not only are social media convenient for donation, but a simple click of a button is also all takes to share the campaign to another community. Despite the apparent simplicity, medical crowdfunding on social media is not a risk-free practice.  Even though GoFundMe, the most used platform for medical crowdfunding, reported that all campaigns had raised $9 billion in 2019, the reality is that 90% of medical crowdfunding campaigns fail to reach their goal and most of them do not receive any funds. Therefore, medical crowdfunding on social media raises moral issues and reveals insights into questioning access to the healthcare system, particularly for those who struggle to get financial support.

Health-focused campaigns represent GoFundMe’s largest category of fundraising for personal use (Screenshot from www.gofundme.com)

When patients in need turn into content creators

Patients, who start crowdfunding campaigns,  undoubtedly face the tremendous challenges of the attention economy.  Indeed, content creators represent a minority of users, and most of the content posted online is only watched or not watched at all. When these crowdfunding projects are posted on social media where users are connected somehow, the project information can be extensively disseminated among the online community.

Therefore, reaching new people and enhancing the credibility of campaigns ask for digital skills and the implementation of brand content strategies. In this regard, GoFundMe even recommends fundraisers to start a Facebook business page, in order to reach an audience of potential donators and foster communication around their campaign. As crowdfunding on social media relies heavily on electronic word-of-mouth and the ability of fundraisers to make their posts go viral, campaigns’ success tends to reproduce the same strategies that earned media. Launching a business page on social media also lets them track their key metrics (reach, engagement, share rate, like rate) and get to know their audience.

One can easily understand how managing content and following look-alike marketing strategies is beyond the capability of most people. Studies have shown that media literacy and good storytelling play a major role in communicating deservingness, stimulating donations, or spreading the campaign to personal networks. In the context of China, mentioning traditional Chinese cultural values in family and “filial piety”, is likely to generate engagement among viewers. Thus, the way of communicating and being able to adapt to the audience directly impacts users’ trust in projects. When a project is more relatable, users are more likely to feel empathy and donate more money.

The (unfair) advantage of an extensive network

Even though well-tailored strategies offer valuable insights for the success of a crowdfunding campaign, evidence suggests that patients with preexisting large social networks tend to engage more donators, and most donations typically come from donors of the same socioeconomic class as them. As crowdfunding platforms offer an option to share campaigns through various channels, giving access to a broader audience of potential donors. Notably, different strengths of social relationships can affect people’s attitude and behavior. On the one hand, developing strong relationships with help seekers may generate  more empathy towards the projects, and make the audience be more likely to donate as well as to forward the project to other potential donors. On the other hand, studies argue that people with weak social relationships can help to spread the information factors among different groups of users and attract greater social attention from others.

Thus, “celebrity endorsement” could be another effective strategy for medical crowdfunding campaigns on social media. The influence of celebrities’ social capital facilitates peer-to-peer fundraising and the unleashing of “Star Power” to benefit the campaign. For instance, the success of Charlie’s Gard campaign on GoFundMe is partially attributable to significant media attention, not to mention the public support of prominent figures, such as D. Trump and Pope Francis, who drove a high rate of donation to this crowdfunding campaign.

While social media may appear to make raising funds online an easy task, it actually requires know-how, dexterity with technology, and access to a large social network. This ultimately reinforces the gap between people who are more likely to raise funds and those who are not.

Medical crowdfunding and its ethical implications

Accordingly,  the use of social media for crowdfunding presents ethical challenges as human rights can be undermined during those online fundraising campaigns.

Countries with significant socio-economic inequality, typically accentuated by a digital divide, further perpetuate injustices regarding raising funds online. Fundraisers with social privileges like high income, home ownership, and high educational attainment, are more likely to succeed in medical crowdfunding on social media, widening the existent social gap between fundraisers. Additionally, the voluntariness of patients is at stake, especially when they feel indebted, burdensome, or dependent on a caregiver. Indeed, most of them are either too young or too sick to start these campaigns, thus placing them in a vulnerable position. Decisions are made on their behalf by caregivers or family members who decide on the extent of the information to be shared to raise funding. In order to endorse the credibility of a campaign and stimulate donations, crowdfunding platforms encourage the disclosure of sensitive information, as well as the share of pictures and videos, on social media. Families may feel forced by this extensive online sharing strategy, leaving permanent footprints that could impact patients’ lives after recovery. While clinicians are accountable for respecting patients’ wishes and their privacy, it raises the question of whether it is acceptable to harm the family finances for the sole reason of preserving an individual’s autonomy.  Indeed, the rapid spread of information on social media could lead health professionals to face new dilemmas. One wonders whether doctors should be accountable for the accuracy of information posted online by the fundraisers since it can lead to conflicting ethical obligations towards what may be the best for the patient versus the expectations of a pool of donors.

Healthcare system is dead … long live to crowdfunding !

In addition to structural inequities among patients and these ethical issues, sharing medical crowdfunding campaigns on social media reflects serious flaws in the healthcare system, forcing people to turn to donation-based sources of funding.  Indeed, medical crowdfunding first arose in the United States, the United Kingdom, and Canada, where universal health insurance is limited to essential medical services, causing a high uninsurance rate. For instance, in 2009, 62.1% of all bankruptcies in the U.S. were caused by medical debt. Crowdfunding platforms grew rapidly in China as well, due to limited medical resources and disparities between urban and rural public healthcare systems.  Patients resort to crowdfunding for direct health care expenses because of shortfalls in medical insurance coverage, inadequate public health funding, and desperation caused by financial strain from life-threatening medical conditions. In this regard, many people try to convince donators to help them by tweeting their out-of-control medical bills on social media.

« We should not be the solution to a complex set of systemic problems »

Rob Solomon, former GoFundMe CEO

Considering crowdfunding platforms as an “ad-hoc safety net” may detract decision-makers’ attention from structural problems related to healthcare funding. Executives of those platforms are quick to point out that they are not built as a healthcare company: “We should not be the solution to a complex set of systemic problems”, recalled the former GoFundMe CEO in January 2019.  Indeed, they are for-profit. The relationship between them and the campaigners is transactional and may promote commodification of healthcare. In the past, those platforms have even demonstrated bias in donating to some while denying fee waivers to other charitable appeals, thereby enlarging the gap between successful campaigns. To some extent, crowdfunding on social media tends to reflect neoliberal values in which campaign success, virality, and even forms of care become the responsibility of individuals and their personal networks. By reproducing a competitive market environment, social media shift resource allocation according to medical needs toward distribution according to merit. In this sense, there is an urgent need for policymakers to monitor the use of online medical crowdfunding to identify unmet needs and prevent the diversion of attention from policy failures.

Laura Landrein


References:

Le scrolling infini : 200 000 vies par jour.

En 2020, Aza Raskin affirme lors d’une interview avec France info qu’il a calculé le temps que le scrolling infini avait perdre aux utilisateurs : « En durée, c’est l’équivalent de 200 000 vies par jour ! ». 

Depuis sa création en 2006 par ce dernier, le scrolling infini – ou déroulement infini – est devenu l’une des interfaces utilisateurs les plus courantes sur les réseaux sociaux. Contrairement à la pagination, elle permet aux utilisateurs de faire défiler du contenu sans interruption, à mesure qu’ils parcourent la page.

Une interface utilisateur particulièrement adaptée aux réseaux sociaux et aux smartphones

Les smartphones sont l’un des principaux moyens d’accéder à des sites Web et des applications utilisant le scrolling infini. En effet, ils sont souvent utilisés en mode portrait, ce qui permet un défilement plus naturel ; et leurs petits écrans, qui rendent la pagination plus difficile pour les utilisateurs, sont adaptés au scrolling infini.

En outre, le scrolling infini s’accorde particulièrement bien avec les réseaux sociaux. En effet, une limite du scrolling infini est de ne pas apporter de repère à l’utilisateur lors de sa recherche comme le fait la pagination. Les repères apportés par celle-ci, tels que le numéro de la page, sont utiles aux utilisateurs notamment dans le cadre des sites de e-commerce (pour retourner à un article précis par exemple). Sur les réseaux sociaux, l’utilisateur est en quête de divertissement, et ne recherche pas de contenu particulier : le contenu qui lui est proposé a été sélectionné par l’algorithme pour son potentiel à être apprécié par l’utilisateur en question.

Les réseaux sociaux contournent donc cette limite, et font du scrolling infini leur force, puisque celui-ci permet à l’utilisateur de se divertir sans conscience du temps passé sur une page.

Ainsi, le scrolling infini est devenu une caractéristique courante de nombreuses applications, notamment auprès des réseaux sociaux, tels que Tik Tok, dont le caractère addictif s’explique également par cette interface utilisateur.

Expérience utilisateur, engagement, et difficulté de conception

Le scrolling infini a d’abord comme effet d’améliorer l’expérience utilisateur et d’augmenter leur engagement. En effet, ce type d’interface, visant à éliminer l’action de cliquer sur la seconde page et d’en attendre le chargement, ne fait pas prendre conscience à l’utilisateur du temps passé sur le site ou de son avancement sur celui-ci.

Une étude de Chartbeat révèle la mesure dans laquelle le scrolling infini affecte l’engagement des visiteurs sur les sites Web en 2013 : l’analyse de 2 milliards de visites sur plus de 50 sites de médias en ligne a permis d’établir que les utilisateurs ont passé 70% de leur temps en plus sur les sites utilisant le scrolling infini que sur les autres.

Cette augmentation du temps passé en ligne est lourde d’enjeux.

D’abord, celle-ci peut s’avérer bénéfique pour les utilisateurs, puisque ce temps leur permet d’être contact avec plus de contenus : selon la précédente étude, les utilisateurs exposés à cette interface ont lu 50% d’articles en plus par visite que ceux qui n’y étaient pas exposés. En outre, l’article « Scrolling vs. Pagination: Which One Wins for Your Web Content? » publié par HubSpot en 2016, montre que les pages avec scrolling infini ont un taux d’engagement plus élevé que celles avec pagination.

Elle s’avère donc également bénéfique pour le site en lui-même puisque l’engagement de l’utilisateur permet d’accroître la valeur d’un site par rapport aux annonceurs, puisque celui-ci serait exposé à de nombreux utilisateurs, et aurait un meilleur référencement naturel par exemple.  

 Cependant, le scrolling infini peut rendre la conception d’un site Web ou d’une application plus complexe, et peut également affecter sa performance. Sa conception doit prendre en compte les différents appareils utilisés par les utilisateurs, car le scrolling infini peut ne pas fonctionner de manière optimale sur tous. Les développeurs doivent également s’assurer que le contenu se charge correctement et que les utilisateurs puissent trouver facilement les contenus qu’ils cherchent.

Comment expliquer cette augmentation de temps passé en ligne ?

Celle-ci en ligne s’explique d’abord par le fait que sans les repères que fournit pagination, l’utilisateur perd la notion du temps car il n’a pas à changer de page, mais également car les barres de scrolling ne donnent pas de repère fiable quant au parcours restant à l’utilisateur sur une page : elle ne reste en bas de page de quelques secondes avant de charger le contenu suivant et de se replacer au milieu : cela donne à l’utilisateur l’impression de n’avoir parcouru qu’une demie page.

Mais elle s’explique également par les mécanismes psychologiques auxquels fait appel le scrolling infini, tels que l’effet Zeigarnik. Celui-ci se réfère au fait que les humains ont tendance à se souvenir des tâches inachevées. Le scrolling infini s’appuie donc sur cet effet, en encourageant les utilisateurs à continuer de scroller pour voir ce qui se trouve plus bas sur la page. Ils peuvent ainsi être poussés à rester plus longtemps sur une page.

Le scrolling infini utilise également le mécanisme de gratification immédiate. Celui-ci se produit lorsque les utilisateurs sont récompensés pour leur comportement, et dans ce cas, pour chaque nouvel élément qui apparaît lors du scrolling.

Quelles conséquences sur l’utilisateur ?

S’il a déjà été mentionné que ce temps supplémentaire est synonyme avec une augmentation du divertissement de l’utilisateur, il peut également renforcer une addiction aux réseaux sociaux, tout comme générer chez l’utilisateur de la « social media fatigue ».

Il s’agit d’un phénomène psychologique qui peut se manifester chez les personnes qui utilisent les réseaux sociaux de manière excessive, et se caractérise par un sentiment d’épuisement émotionnel, d’anxiété et de lassitude face aux interactions en ligne. Il peut également entraîner une diminution de l’attention et une perte d’intérêt pour les contenus.

Les études désignant les conséquences du scrolling infini, et plus généralement de l’excès de temps passé sur les médias sociaux, sur les capacités cognitive des utilisateurs se multiplient.

Parmi elles, « Scrolling and Attention » menée Nielsen Norman Group, révèle les effets du scrolling infini sur l’attention et la mémoire à court terme des utilisateurs : les résultats ont montré que les utilisateurs passent plus de temps sur les sites avec scrolling infini et qu’ils se souviennent moins de leur contenu que de celui des sites sans scrolling infini. Les auteurs ont conclu que le scrolling infini peut encourager les utilisateurs à scanner le contenu plutôt que de le lire attentivement, ce qui peut entraîner une baisse de la qualité de l’attention.

Le scrolling infini peut aussi mener à une surcharge cognitive, et à une diminution la mémoire à court terme, des capacités de traitement de l’information en continu et des capacités de concentration.

Le risque du Doomscrolling

Les risques précédemment évoqués se joignent au risque de tomber dans la pratique doomscrolling, c’est-à-dire à l’obsession de scroller une page contenant des informations négatives. Selon le Docteur Fabian Almeida dans l’article “Doomscrolling: Know its health effects and ways to keep it in check” publié par l’Idian Express en mai 2022 : »Cette habitude a un impact négatif sur la santé mentale, déclenchant et aggravant l’anxiété, le stress, la dépression, la panique et affectant également rapidement la santé neurologique ».

Or, les médias sociaux utilisant le scrolling infini sont justement conçus pour favoriser ce genre d’utilisation : en cliquant sur un contenu négatif, l’algorithme du média social va s’ajuster et proposer à sa suite une infinité de contenus semblables.

Quelle régulation pour le scrolling infini ?

Le scrolling infini peut cependant être régulé. En effet, les plateformes peuvent prendre des mesures pour limiter la propagation de contenus négatifs en utilisant des algorithmes capables de détecter les contenus anxiogènes et de les limiter. Certaines proposent également des outils pour permettre aux utilisateurs de limiter leur temps en ligne.

En outre, dans l’interview qu’il a donné à France info, Aza Raskin a affirmé travailler sur un « anti infinite scroll », permettant de ralentir de flux de contenu au fur et à mesure de son défilement.

Le scrolling infini reste au cœur de l’actualité, notamment pour sa responsabilité dans le caractère addictif du réseau social Tik Tok.

En effet, les 4-18 ans passeraient en moyenne 1h47 par jour sur le réseau social. Pour pallier à cela, l’entreprise a pris des mesures : un avertissement au bout d’une heure consécutive d’utilisation, suivi d’un message d’avertissement après lequel un mot de passe devra être saisi pour débloquer l’application ; et la possibilité d’un contrôle parental permettant aux parents d’inscrire un temps maximal d’utilisation par jour à leurs enfants. Cette dernière mesure continue de faire débat car elle dépend de l’entrée manuelle de l’âge de l’utilisateur lors de son inscription.

Amélie Reignier


Bibliographie :

Twitch : un nouveau média concurrent de la télévision ?

Le samedi 8 octobre 2022, le GP Explorer, événement organisé par Squeezie, démarre à 17h sur la plateforme Twitch. On décompte environ 500 000 personnes qui regardent l’événement dès les premières minutes, puis 750 000 au bout de quelques minutes, jusqu’à atteindre et dépasser la barre du million de spectateurs, record pour un streamer français. Ce nombre de viewer dépasse certaines chaînes de télévision lors du prime time comme TMC ou W9. Le GP Explorer a fait plus de vue que l’émission de 50’ Inside de la chaîne TF1, à la même heure, le week-end d’avant.

Alors, on peut se demander pourquoi cette plateforme parvient-elle à séduire la jeune population, qui délaisse la télévision ?

Un bref retour sur Twitch

Racheté par Amazon en 2014, Twitch est aujourd’hui la plateforme de streaming de jeux vidéo la plus importante. En effet, au début, elle offrait uniquement du contenu autour des jeux vidéo ou des compétitions E-sport, mais rapidement, cette dernière s’est diversifiée pour proposer des contenus plus divers comme sur le « lifestyle », la « musique », ou le « Just Chatting ».

Aujourd’hui, Twitch est utilisé par plus de 7,21 millions de streamers, c’est-à-dire des personnes proposant du contenu en live sur Twitch. Cette plateforme décompte environ 15 millions d’utilisateurs d’actif journaliers, qui passent environ 733 millions d’heures par mois à visionner du contenu sur cette plateforme. Cela représente donc 72.2% des heures mensuellement visionnées en streaming sur l’ensemble du web.

Le contenu autour des jeux vidéo est central sur la plateforme et ces créateurs réalisent la majorité des vues dans cette catégorie. Cependant, on remarque que la catégorie du « just chatting » commence à prendre de plus en plus de valeurs dans l’univers du streaming.

Le « Just Chatting » permet aux streamers de discuter avec les auditeurs en direct sans forcément avoir besoin de jouer à des jeux vidéo spécifiques. En effet, en mars 2022, elle était la catégorie la plus regardée. On peut donc penser qu’elle pourrait prendre de plus en plus d’ampleur dans l’avenir. Il est possible de retrouver des contenus diversifiés comme des talks show, par exemple : le Zen ou PopCorn, des revues de presse quotidienne avec LaMatinéeEstTienne ou encore des événements sportifs comme le GP explorer ou l’Eleven All Star.

L’atout de Twitch : la combinaison du direct et du chat

La principale différence entre le cinéma et les chaînes de télévision est le direct. Pendant l’après-guerre, l’apparition du « direct », comme l’évoque Virginie Spies, sémiologue et analyste des médias audiovisuels, permet aux chaînes de télévision déjà existantes de se démarquer face au cinéma. Ainsi, le direct est utilisé par les des chaînes de télévision pour les JT ou certaines émissions, mais dans la globalité il s’agit de programmes préenregistrés.

C’est le format du live qui progresse le plus en une année. En effet, les Français ont besoin d’une proximité, d’échanger et donner leurs avis en temps réel, c’est pour cela que Twitch est une plateforme qui répond à leurs attentes.

Ainsi, pour Twitch, le live est son ADN. En effet, lorsqu’un streamer prend le créneau d’un autre streamer, comme ça a été le cas par exemple entre Squeezie et Laink, Terracid et Wankil Studio : c’est à la popularité de ce dernier, que les spectateurs décident quel live regarder.

Une des différences entre Twitch et les chaines de télévision, c’est l’interactivité. Twitch parvient à séduire la jeune génération grâce à cette fonctionnalité et à l’inclusion du public dans les contenus grâce à l’intermédiaire du chat.

Aujourd’hui, avec la multiplication des réseaux sociaux, les utilisateurs sont habitués à l’interactivité et à l’échange puisque qu’ils ne consomment plus uniquement les contenus, mais ils peuvent également liker, commenter, critiquer. Cette fonctionnalité du chat permet donc de rassembler sur une même plateforme les interactions entre les viewers, les communautés, les streamers créant ainsi une interaction sociale directement intégrée à la vidéo.

Il y a donc des communautés qui se créent autour de divers centres d’intérêts mis en avant sur la plateforme. En revanche, en étant un modèle linéaire, les chaînes de télévision n’ont pas cette voie de retour, et peuvent seulement suivre les commentaires sur les différents réseaux sociaux comme Twitter ou Instagram, perdant l’interactivité direct que Twitch propose.

Ainsi proposer des contenus sur la télévision à sens unique comme les journaux télévisés n’attirent pas les jeunes, même si on constate une limite à l’interactivité. En effet, pour des millions de spectateurs, comme sur le JT, où il est difficile de mettre ces fonctionnalités au goût du jour.

Une nouvelle façon de consommer des contenus audiovisuels

Selon Michèle Benzeno, directrice générale de Webedia, « il y a un pari sur Twitch dans la bataille de l’attention, mais Twitch ne serait pas en combat avec la télévision linéaire mais en complémentarité ». Cependant, on peut questionner cette remarque.

Souvent, on peut entendre que les jeunes ne regardent plus la télévision. Il s’agit seulement d’un switch, puisque ces derniers consomment du contenu audiovisuel, mais seulement sous une autre forme. Aujourd’hui, on constate que les chaînes de télévision sont de plus en plus vieillissantes. Selon Médiamétrie, en 2021, l’âge moyen des téléspectateurs est de 52 ans. Comme la manière de consommer des contenus audiovisuels évoluent dans le temps, on peut voir que les jeunes regardent plus de contenus en ligne, et que la télévision ne parvient donc pas à conquérir la jeune population.

C’est pourquoi, certaines d’entre elles testent d’être présent sur cette plateforme, comme c’est le cas pour France Télévision.  En effet, France Télévision a lancé une chaîne Twitch en 2021 afin de toucher un public plus jeune mais également la communauté des gamers. En effet, elle est axée sur les jeux vidéo, mais propose aussi des programmes d’actualités, des émissions de divertissement et des documentaires.

Cependant, il reste tout de même difficile pour la plupart des chaînes de télévision de s’adapter au format de cette plateforme. Virginie Spies explique qu’il est compliqué pour une chaîne comme TF1 de « faire du TF1 sur Twitch ou sur TikTok », alors que la réciproque n’est pas tout à fait exacte. Des streamers reprennent des concepts, des programmes en les adaptant sur la plateforme comme l’émission organisée par Squeezie « La grosse soirée de la fortune ! », jeu reprenant l’émission de « Qui veut gagner des millions ».

Comme l’explique la chercheuse, on constate aujourd’hui un « glissement de plateforme et de génération. » En effet, elle remarque que « là où les parents regardaient Dechavanne à 19h, les plus jeunes se branchent sur Twitch pour regarder les streamers les plus en vue ». Le rassemblement familial ne se fait donc plus vraiment autour de la télévision.

On peut voir d’ailleurs voir ce glissement lors du débat de l’entre-deux-tours organisé par TF1 et France Télévisions. Des streamers ont pu acheter les droits de diffusion du programme, pour la somme de 1 500 euros, comme HugoDécrypte, Samuel Etienne, Sardoche et encore Jean Massiet puisqu’ils avaient une audience importante et fidèle. Ainsi, sur leur chaîne Twitch, chacun des streamers a pu diffuser, commenter, chatter sur le débat. La diffusion a pu être suivie par près de 250 000 personnes sur leurs chaînes.

Le modèle économique, une différence majeure

Si le modèle économique pour les chaînes de télévisions est en grande partie basée sur la publicité interrompant les programmes. Sur Twitch, le modèle est complètement différent. La plateforme gagne de l’argent avec la publicité et les frais d’abonnement à une chaine selon différent montant, un modèle premium, les partenariats, le sponsoring, les bits – monnaie sur Twitch, etc

Comme Twitch parvient à séduire la jeune génération, il est intéressant pour les annonceurs de s’intéresser à cette plateforme, puisqu’elle parvient à atteindre une population que la télévision ne touche pas. Par exemple, selon Metrics factory, le « direct bénéficie directement aux marques et aux annonceurs ». En 2022, sur le top 100 des streamers Twitch, 1 317 sont des contenus sponsorisés par une marque.

Ainsi, le modèle Twitch fait fureur chez les jeunes avec des contenus de plus en plus diversifiés en live et son interactivité. Cependant, de gros pics d’audience montre une des limites de Twitch. En effet, le pic d’audience du GP Explorer a entrainé des complications sur l’interactivité de l’événement puisque le chat était saturé, entrainant une nécessité de faire appel au modérateur pour privilégier l’accès aux abonnés de Squeezie. Pour info, le GP Eplorer était de base programmer sur TMC.

Twitch n’est donc plus seulement une plateforme pour les gamers, mais comme elle se diversifie de plus en plus, elle devient « une plateforme de divertissement » comme la télévision.

Alexandra Becquet


Sources

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Les réseaux sociaux ont-ils amplifié le pouvoir des fans dans l’industrie du divertissement ?

Les réseaux sociaux ont créé une nouvelle ère de fan culture, transformant la manière dont les fans interagissent avec l’industrie du divertissement. Mais comment se traduit concrètement cette montée en pouvoir des fans ? Les stars des réseaux sociaux sont-elles devenues les nouveaux maîtres de l’industrie du divertissement ? Comment les acteurs du divertissement s’adaptent-ils à cette nouvelle ère ? Dans cet article, nous explorons comment les réseaux sociaux ont changé la donne dans l’industrie du divertissement et comment les fans ont pris le contrôle grâce à ces plateformes.

Photo de John Schnobrich sur Unsplash

Game changers : comment les réseaux sociaux ont transformé l’industrie du jeu vidéo

Les communautés de fans ont toujours été très présentes dans l’industrie du jeu vidéo, on pourrait même considérer que cette dernière a été précurseur de la cocréation avec le principe des mods. Les mods, ou modifications, ce sont des contenus créés par les joueurs pour modifier ou ajouter des fonctionnalités à un jeu existant. Ils sont souvent créés par des fans passionnés qui souhaitent partager leur propre vision du jeu avec la communauté de joueurs et peuvent aller de simples ajustements de gameplay à des ajouts massifs de contenu, voire de nouvelles histoires ou de nouveaux univers.

Avec les mods, l’industrie du jeu vidéo a permis aux fans de devenir des créateurs et de contribuer activement au développement du jeu. Par exemple, le jeu Counter Strike, l’un des jeux de tir à la première personne les plus populaires de tous les temps, est en fait un mod crée par deux fans à partir du jeu Half-Life. Counter Strike a ensuite été racheté par Valve Corporation, qui a acquis les droits de propriété intellectuelle du jeu et a collaboré avec les créateurs pour le développer en tant que jeu autonome.

La contribution des fans était donc déjà bien implantée dans l’industrie du jeu vidéo avant l’ère des réseaux sociaux, mais leur arrivée a tout de même accéléré ce phénomène. Avant l’avènement des réseaux sociaux, la création de communautés de joueurs se faisait principalement à travers des forums de discussion, sites web spécialisés, blogs etc…, qui permettaient aux joueurs d’échanger des astuces, des mods et des avis sur les jeux vidéo qu’ils aimaient, mais étaient souvent moins interactifs et limitaient la richesse des échanges. Les réseaux sociaux, eux, permettent une communication plus directe et plus fréquente entre les joueurs et les développeurs, et grâce à ça on a des communautés de fans plus importantes et plus actives autour de leurs jeux préférés. Les réseaux sociaux ont également permis aux développeurs de lancer des campagnes de financement participatif, avec par exemple Kickstarter. Cela permet aux développeurs de recevoir des financements pour des projets qui ne sont ne pas soutenus par les éditeurs traditionnels, tout en créant une communauté de fans qui sont investis dans le développement du jeu. Les développeurs sont de plus en plus à l’écoute des commentaires des joueurs et les prennent en compte pour améliorer et élargir leurs offres.

Un bon exemple est Star Citizen, un jeu de simulation spatiale en cours de développement par Cloud Imperium Games. Les développeurs ont utilisé Kickstarter pour financer le jeu et ont depuis utilisé les réseaux sociaux pour interagir avec la communauté de fans et pour fournir des mises à jour sur le développement du jeu. Les fans ont également pu participer à des tests alpha et beta pour aider à améliorer le jeu. Dans les jeux plus populaires, on peut penser à Minecraft qui utilise fréquemment les réseaux sociaux pour interagir avec la communauté de joueurs et pour obtenir des nouvelles idées.

Finalement, les plateformes de streaming comme Twitch ont révolutionné la manière dont les fans interagissent avec les jeux et les joueurs professionnels. Grâce à ces plateformes, les fans peuvent regarder leurs joueurs préférés en direct, participer à des discussions en temps réel, et même leur apporter un soutien financier. Ces interactions ont renforcé la relation entre les fans et les joueurs, tout en permettant à de petits studios de jeux de bénéficier d’une promotion gratuite et d’un public plus large. Les réseaux sociaux ont également contribué à populariser l’e-sport, qui sont maintenant des événements majeurs, rivalisant avec les tournois sportifs traditionnels en termes de prestige et de financement.

Les réseaux sociaux : la nouvelle scène de l’industrie musicale

Les réseaux sociaux permettent aux artistes de se faire connaître et de promouvoir leur musique sans passer par les canaux traditionnels de l’industrie musicale. De nombreux artistes déjà bien en place, comme Aya Nakamura, délaissent les médias traditionnels comme la télévision pour la promotion de leurs projets, ils préfèrent ainsi les réseaux sociaux pour être moins dépendants des médias traditionnels et contrôler eux-même leur exposition médiatique. Pour ce qui est des artistes émergents, les réseaux sociaux jouent un réel rôle de propulseur de chansons et artistes au sommet des charts grâce à l’engagement des fans. Des titres peuvent devenir viraux grâce aux défis, aux mèmes ou aux vidéos créés par les utilisateurs, influençant ainsi les tendances musicales comment expliquer dans l’article Chanteurs, influenceurs, labels, comment faire de la musique sous le règne de TikTok ?. Par exemple, TikTok a joué un rôle majeur dans le succès de nombreux morceaux et artistes, tels que Lil Nas X et son titre « Old Town Road ».

Plus concrètement, certains artistes ont permis à leur fans de participer activement à la création de projets musicaux. Par exemple, le groupe Coldplay, a lancé un projet appelé « A Head Full of Dreams » en 2016, où les fans étaient invités à soumettre des vidéos d’eux en train de chanter une partie de la chanson « Amazing Day », pour être compilées dans un clip vidéo officiel.

De l’écran à l’écran : comment les réseaux sociaux ont créé une nouvelle ère de participation des fans

Les industries cinématographiques et télévisuelles n’échappent pas au phénomène de pression des fans sur les réseaux sociaux. Les producteurs et les réalisateurs peuvent maintenant utiliser les réseaux sociaux pour tester leurs idées et évaluer leur popularité auprès des fans avant de les mettre en production.

Les fans, eux, utilisent souvent les réseaux sociaux pour exprimer leur soutien ou leur mécontentement concernant le sort de leurs séries préférées. Des hashtags tels que #SaveOurShows ou #RenewOurShows sont fréquemment utilisés sur Twitter pour encourager les chaînes de télévision à renouveler ou annuler des séries en fonction de la mobilisation des fans. Bien que l’impact de ces campagnes puisse être difficile à mesurer, elles montrent que les réseaux sociaux offrent aux fans une plateforme pour exprimer leur passion et potentiellement influencer les décisions des producteurs.

C’est ce qui s’est passé pour la série « Sense8 » de Netflix, qui a été annulée en 2017 après deux saisons. Les fans se sont mobilisés sur les réseaux sociaux, notamment Twitter et Facebook, pour exprimer leur mécontentement et demander le retour de la série. En raison de l’engouement des fans et de la pression exercée sur les réseaux sociaux, Netflix a finalement accepté de produire un épisode spécial de deux heures pour conclure l’histoire.

Entre tendance et créativité : comment les réseaux sociaux affectent l’innovation dans l’industrie du divertissement

Bien que les réseaux sociaux offrent une plateforme pour les fans de s’exprimer, certains craignent que la prise en compte excessive de l’avis des fans ne conduise à une uniformisation du divertissement. En effet, les producteurs et les créateurs peuvent être tentés de suivre les tendances populaires sur les réseaux sociaux au lieu de prendre des risques créatifs ou de proposer des idées originales.

Par exemple, dans l’industrie du cinéma, de nombreux films sont adaptés de franchises populaires ou de livres à succès pour capitaliser sur une base de fans déjà existante. Bien que cela puisse être une stratégie efficace pour attirer un public, cela peut également conduire à une saturation du marché et à un manque de diversité dans les idées et les histoires présentées. De plus, les fans ayant de plus en plus de poids, même un créateur qui souhaite imposer une idée originale aura du mal à se faire entendre. C’est ce qui est arrivé aux créateurs de Game of Thrones : les fans, après avoir critiqué la saison finale, ont lancé une pétition en ligne pour refaire la saison. Cependant, les créateurs de la série, ont défendu leurs choix créatifs et ont déclaré qu’ils n’allaient pas la refaire.

Les réseaux sociaux ont donc définitivement amplifié le pouvoir des fans dans l’industrie du divertissement. Les fans ont maintenant la possibilité de dicter les tendances et de déterminer le succès des productions, créant une nouvelle ère de fan culture qui est là pour rester.

Laura Mariani

Bibliographie :

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Quel est l’impact socio-économique que les réseaux sociaux ont dans les transmissions d’un procès de célébrités ?

L’année 2022 a commencé sous les projecteurs, avec l’intense bataille juridique entre les célèbres Johnny Depp et Amber Heard, suivie par le monde entier. Cette querelle enflammée n’était pas une simple affaire de salle d’audience, elle s’est propagée sur les réseaux sociaux, conduisant à une guerre totale entre célébrités, influenceurs et fans. Chacun avait son opinion et était impatient de la défendre au fur et à mesure que le procès avançait. Cette confrontation à enjeux élevés a tenu en haleine le monde entier. Plongez dans le monde dramatique d’Amber Heard et Johnny Depp, où une relation apparemment parfaite a pris une tournure sombre.

CULVER CITY, CA, USA – JANUARY 09, 2016: Amber Heard and Johnny Depp at the Art Of Elysium’s 9th Annual Heaven Gala held at the 3LABS — Photo by PopularImages

Tout a commencé en 2012, lorsque le couple a commencé à se fréquenter, ce qui a finalement conduit à leur mariage en 2015. Cependant, des problèmes ont commencé à se manifester au paradis lorsque Heard a été accusée de plusieurs infractions, notamment l’importation illégale de Pistol and Boo en Australie. Leur relation a touché le fond en mai 2016, lorsque Heard a demandé le divorce et a obtenu une ordonnance d’interdiction temporaire contre Depp, l’accusant d’être physiquement et verbalement violent envers elle. Une déclaration sous serment de Heard a confirmé son expérience déchirante de la violence domestique tout au long de leur relation. 

En 2019, Depp poursuit Heard pour diffamation après qu’elle ait écrit un article pour le « Washington Post » détaillant son expérience en tant que survivante de violence domestique. Depp a affirmé que c’était un stratagème de Heard pour se faire de la publicité positive. La situation s’est encore aggravée en 2020, lorsque Depp poursuit le journal britannique « The Sun » pour l’avoir qualifié de « batteur de femme ». Malgré ses efforts, le juge a statué en faveur de « The Sun », entraînant le retrait de Depp de la franchise « Fantastic Beasts ».

Les batailles juridiques ne se sont pas arrêtées là. Depp s’est retrouvé dans un autre procès de diffamation dans le comté de Fairfax, en Virginie. Le dernier procès orchestré par Depp et son équipe juridique en Virginie fut un mouvement stratégique. La raison derrière le choix d’un tribunal dans le comté de Fairfax était de capitaliser sur la loi anti-SLAPP de l’État, qui n’est pas aussi complète que celle de la Californie. Pour information, SLAPP signifie poursuite stratégique contre la participation publique, et c’est une tactique souvent utilisée pour faire taire les critiques d’entités puissantes par le biais de batailles juridiques prolongées et coûteuses.

Pour empêcher de telles tactiques d’intimidation, 31 États ont adopté des lois pour protéger les accusés de telles poursuites et pour encourager la liberté d’expression. Grâce à cela, le procès a été retransmis en direct et a attiré l’attention de millions de téléspectateurs. Ce fut un moment captivant et historique où la justice l’a emporté sur l’abus de pouvoir, et qui a maintenu les gens scotchés devant leur écran.

Effets des médias sociaux sur l’image des célébrités.

Les célébrités savent que leur image publique est primordiale. Le procès de Depp, rendu public, fut une épée à double tranchant pour lui et son équipe : il a commencé par se focaliser sur la diffamation, mais est rapidement devenu plus axé sur les allégations entourant sa relation avec Heard. La puissance des médias sociaux a été pleinement exposée pendant le procès, avec des hashtags comme #justiceforjohnnydepp et #amberheardisguilty qui ont gagné en popularité. #justiceforjohnnydepp a même recueilli près de 20 milliards de vues rien que sur TikTok !

Il est clair que les gens avaient des opinions bien arrêtées sur le procès, avec une pétition Change.org pour retirer Amber Heard du casting de « Aquaman 2 », atteignant plus de 4,5 millions de signatures. Le sujet était si populaire qu’il a été mentionné dans plus de 16 millions de Tweets entre le 11 avril et le 1er juin 2022.

Malgré le drame, la popularité de Johnny Depp est montée en flèche pendant le procès, gagnant 9,56 millions de nouveaux abonnés sur les réseaux sociaux. En comparaison, il n’avait gagné que 284 582 abonnés au cours de la période précédente du 18 février au 10 avril 2022. Le jour du verdict, il a gagné 2 millions de nouveaux abonnés rien que sur Instagram ! Pendant ce temps, Heard n’a gagné que 91 511 nouveaux abonnés sur les réseaux sociaux pendant le procès, contre 1 281 au cours de la période précédente.

Dans l’ensemble, le procès a peut-être été un cauchemar de relations publiques, mais il a certainement permis aux gens de parler et de suivre leurs célébrités préférées.

La perception que le public a des acteurs a été fortement influencée par les événements récents. Fait intéressant, le sentiment négatif envers Amber Heard avait déjà atteint son apogée avant même le début du procès. Au cours du procès, les utilisateurs de Twitter ont exprimé une opinion négative de 31% de Heard, avec seulement 13% montrant une positivité et un stupéfiant 18% exprimant de la colère. Cependant, à l’approche du procès (du 18 février au 10 avril 2022), le sentiment de Twitter envers Heard était encore plus hostile, avec 32 % de négativité, 18 % de positivité et 24 % de tweets exprimant de la colère.

D’un autre côté, Johnny Depp a connu un virage vers la négativité pendant le procès. Le sentiment Twitter autour de Depp était de 27% négatif, 17% positif et 15% exprimant sa colère entre le 11 avril et le 1er juin 2022. En revanche, la période précédant le procès a vu une vision beaucoup plus positive de Depp sur Twitter, avec seulement 14% négativité, 29 % de positivité et à peine 9 % de tweets exprimant de la colère. Ces changements dans la perception du public montrent à quel point cela peut changer dans un laps de temps relativement court.

Imaginez ceci : une salle d’audience remplie de journalistes, d’avocats et du public, tous attendant avec impatience le verdict d’une affaire très médiatisée. La tension est palpable lorsque le juge lit la décision. Mais que se passe-t-il lorsqu’il n’y a pas de gagnant ou de perdant clair dans un tel cas, en particulier lorsqu’il s’agit de quelque chose d’aussi grave que des abus ? Il s’avère que dans de telles situations, le tribunal de l’opinion publique sur les médias sociaux est celui qui décide en dernier ressort qui l’emporte.

Effets des médias sociaux sur l’image et les bénéfices de l’entreprise.

L’affaire très médiatisée de Johnny Depp contre son ex-femme Amber Heard lui a non seulement rendu justice, mais elle a également renforcé la commercialisation de son image. Et qui en a le plus profité ? Nul autre que la maison de couture de luxe, Dior.

Au fur et à mesure que la base de fans de Depp se renforçait, la demande pour le parfum Sauvage de Dior dont l’acteur est le visage augmentait également. Selon l’étude de Hey Discount, les recherches Google pour le parfum ont grimpé en flèche de 48 %, passant de 823 000 en mars 2022 à 1,2 million en avril 2022, lorsque la procédure judiciaire a commencé. Et comme si cela ne suffisait pas, les vues TikTok pour Sauvage ont également augmenté de 63 % au cours de la même période. 

Après avoir remporté son procès en diffamation contre Amber Heard, Johnny Depp a maintenant obtenu un contrat lucratif avec Dior qui reflète un accord à sept chiffres. Une source liée à l’accord a révélé que la marque de luxe française avait « renouvelé son contrat » avec l’acteur de 59 ans pour continuer à être l’égérie du parfum masculin Sauvage de Dior. C’est une situation gagnant-gagnant pour Depp et Dior.

Sur Twitter, les fidèles fans de Johnny Depp demandent des excuses aux grandes sociétés cinématographiques telles que Warner Bros. et Disney pour ne pas l’avoir soutenu lors de la tumultueuse saga Amber Heard. Plus précisément, Warner Bros. avait choisi Depp dans le rôle du puissant sorcier noir Gellert Grindelwald dans « Les animaux fantastiques et où les trouver », pour le remplacer par Mads Mikkelsen après que des allégations aient fait surface concernant son implication dans la violence domestique.

Les fans étaient ravis de voir Depp se transformer en Grindelwald dans la suite, « Les crimes de Grindelwald », mais Warner Bros. a pris la décision controversée de l’effacer de la franchise. Dès la sortie du premier regard de Mikkelsen sur Grindelwald, suivi de la bande-annonce, les fans se sont déchaînés sur les réseaux sociaux, appelant au boycott du film et accusant Warner Bros. d’essayer d’effacer Depp de leur histoire cinématographique.

La bataille juridique entre Depp et Heard en 2022 a été un événement très médiatisé et dramatique qui a captivé le monde. Le procès ne s’est pas seulement limité à la salle d’audience, mais s’est également déroulé sur les réseaux sociaux, le public exprimant ses opinions et prenant parti. Il a sensibilisé à la violence domestique et à l’utilisation de poursuites en diffamation pour faire taire les critiques, tout en démontrant le pouvoir des médias sociaux. Malgré la fin ambigüe du procès, Depp a gagné en popularité sur les réseaux sociaux tandis que Heard a fait l’objet de critiques, montrant ainsi l’impact de l’opinion publique.

Blanca FERNANDEZ RIVAS

Références

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La spirale du Doomscrolling : pourquoi nous devons prendre conscience de nos habitudes en ligne ?

Selon une récente étude de l’université texane de technologie, 74 % des personnes interrogées étant les plus sujettes au Doomscrolling ont des problèmes de santé mentale.

Si le lien entre cette pratique et des problèmes mentaux est peut-être difficile à établir, un tel pourcentage ne laisse cependant pas la place au doute. L’un des chercheurs de cette enquête conclut en expliquant que si « être stressé et anxieux est une réaction légitime quand on regarde le monde qui nous entoure, il faut que les gens apprennent à reconnaître à quel moment la consommation d’informations devient problématique ».

Le Doomscrolling, qu’est-ce que c’est ?

Le Doomscrolling (ou doomsurffing) est décrit comme une habitude où les utilisateurs des médias sociaux font défiler de manière obsessionnelle des informations négatives sur leurs fils d’actualité. Pamela Rutledge, directrice du Media Psychology Research Center, basé en Californie, le décrit simplement comme « le besoin compulsif d’essayer d’obtenir des réponses lorsque nous avons peur ».

Le terme est apparu pour la première fois en 2018 et a pris de l’ampleur pendant la pandémie de coronavirus (COVID-19).

Lors de situations d’urgence telles que les pandémies, une grande variété de sources produisent et diffusent des informations sur le sujet, dont la plupart sont essentiellement négatives. Dans ce contexte, les smartphones et les fils d’actualité des médias sociaux, qui sont conçus pour encourager un engagement fréquent et prolongé, peuvent accroître le besoin de rester informé et renforcer l’attention sur la consultation d’informations négatives.

En 2020, le terme « Doomscrolling » a d’ailleurs été nommé l’un des mots de l’année par l’Oxford English Dictionary.

D’où vient cette nouvelle pratique ?

Le Doomscrolling est initié par des facteurs qui motivent généralement la recherche de nouvelles négatives, mais qui peuvent être amplifiés par des facteurs individuels, technologiques et contextuels.

Premièrement, les fils d’actualité des médias sociaux ne présentent pas de point final naturel, ce qui favorise donc la pratique de Doomscrolling.

De plus, le phénomène est causé par l’anxiété, l’incertitude, une faible auto-efficacité politique, un intérêt politique élevé et les contraintes de la distanciation sociale. 

Cette pratique est aussi étroitement liée à la vigilance en ligne, à l’utilisation problématique des médias sociaux, à la peur de manquer quelque chose (FOMO, Fear Of Missing Out), et à une faible maîtrise de soi.

Ce drôle de mot nous touche en réalité tous, indépendamment de l’âge, du sexe, de la classe, de la religion et des frontières nationales. Sciemment ou inconsciemment, le Doomscrolling est entré dans nos vies.

Ken Yeager, psychiatre à l’Ohio State University Wexner Medical Center, informe que notre cerveau aime, par nature, les choses négatives. Selon lui, « nous sommes tous programmés pour voir le négatif et être attirés par le négatif, parce qu’il peut nous nuire physiquement ». Ils ajoutent que les individus sont attirés par le Doomscrolling car ils ont l’impression d’être en mesure de contrôler n’importe laquelle de ces mauvaises nouvelles.

Quelles conséquences du Doomscrolling ?

Le Docteur Fabian Almeida, psychiatre consultant à l’hôpital Fortis de Kalyan, a déclaré dans un article publié dans l’Indian Express en mai 2022 que «  l’habitude du Doomscrolling a eu un impact négatif sur la santé mentale, déclenchant et aggravant l’anxiété, le stress, la dépression et la panique ».

Le fait de se concentrer sur des informations négatives peut être préjudiciable au bien-être physique et mental, mais peut être recherché en raison d’un état de bien-être faible ou menacé.

Une étude publiée par Preshita Neha Tudu dans l’International Journal of Disaster Risk Reduction a révélé que le risque d’anxiété et de stress augmentait pendant le confinement en raison des médias et notamment du Doomscrolling.

De plus, dans un article publié en ligne, Sharon Goldman indique que le comportement de Doomscrolling peut gravement perturber le sommeil et la santé en général. Ce mur de mauvaises nouvelles peut entraîner des difficultés d’endormissement et, à terme, des insomnies. Par conséquent, un mauvais sommeil peut provoquer des symptômes de dépression chez certains individus, entraînant un cycle négatif entre la dépression et le sommeil qu’il peut être difficile de rompre. L’auteur souligne également que le Doomscrolling peut augmenter les niveaux de cortisol et d’adrénaline, qui sont des hormones de stress. Des recherches ont montré que des niveaux chroniques d’hormones de stress élevés sont associés à de nombreux problèmes de santé physique, notamment les maladies cardiaques, le diabète et l’obésité.

Dans cette même perspective, Cassidy Caitlin, dans un article en ligne, fait référence à l’étude réalisée et publiée dans la revue Health Communication, qui a révélé que 16,5 % des quelque 1 100 personnes interrogées présentaient des signes de consommation d’informations « gravement problématique », entraînant des niveaux plus élevés de stress, d’anxiété et de mauvaise santé.

En outre, les jeunes adultes de la génération Z, qui ont grandi avec une technologie omniprésente, sont plus sujets à l’isolement social et ont de grandes difficultés à gérer leur stress. Cette génération a été la première à grandir avec une technologie omniprésente. Les recherches de Jean Twenge montrent que l’influence des technologies mobiles affecte la génération Z dans tous les milieux socio-économiques, ethniques et démographiques. De nombreux facteurs de stress comme la santé, les fusillades de masse, la politique et l’actualité, soient amplifiés par une utilisation excessive de la technologie. Le défilement infini des fils d’actualité a rendu plus facile que jamais le fait d’être aspiré dans une spirale sans fin de Doomscrolling.

Comment sortir de cette habitude de Doomscrolling ?

Il n’est pas facile de se défaire de cette habitude de Doomscrolling, surtout si l’on a l’habitude de consommer des informations tout au long de la journée par l’intermédiaire d’applications mobiles.

Une meilleure connaissance du phénomène de Doomscrolling pourrait profiter aux utilisateurs en les sensibilisant aux stratégies d’autorégulation ou à d’autres moyens d’atténuer l’utilisation excessive de médias. Comprendre ses habitudes médiatiques peut aider les gens à mieux gérer leur santé mentale et leur bien-être général.

Heureusement, il existe des moyens de remplacer rapidement cette habitude toxique par une autre qui peut améliorer l’état d’esprit.

Elizabeth Victor Rodrigues propose une liste non exhaustive de tips qui peuvent être utilisés pour éviter le Doomscrolling :

  1. Désactiver les notifications des applications d’actualités et des médias sociaux
  2. Régler une minuterie sur le smartphone avant de commencer à scroller
  3. Suivre l’utilisation du temps d’écran
  4. Essayer de lire des fils d’actualité positifs
  5. Essayer de passer plus de temps avec ses proches et ses amis
  6. Pratiquer une passion
  7. Faire de l’exercice physique 
  8. Pratiquer la méditation

Quel avenir avec le Doomscrolling ?

Bien que des études aient été menées pour comprendre les effets du Doomscrolling sur la santé mentale et physique, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur les conséquences à long terme du Doomscrolling. 

De plus, du fait du caractère récent de ce terme, et du peu d’études réalisées, ou à minima sur de petits échantillons, il reste encore complexe de mesurer véritablement l’ampleur de ce phénomène dans la société. 

Pour finir sur le Doomscrolling, il est important de rappeler qu’il faut d’abord prendre conscience de cette habitude et ensuite travailler à la remplacer par des activités plus positives et productives. En limitant notre temps sur les médias sociaux et en établissant des limites claires pour notre utilisation des appareils électroniques, nous pouvons réduire notre exposition à l’information négative et améliorer notre qualité de vie.

Jeanne Bouvard


Sources

Caitlin C. (2022) Doomscrolling linked to poor physical and mental health, study finds, www.theguardian.com. The Guardian. Disponible sur : https://www.theguardian.com/society/2022/sep/06/doomscrolling-linked-to-poor-physical-and-mental-health-study-finds (Dernier accès : 28 avril 2023)

Chisholm A., Hartman-Caverly S. (2022) From Doomscrolling to Digital Wellness. Disponible sur :  https://muse.jhu.edu/pub/1/article/843036/pdf (Dernier accès : 28 avril 2023)

Goldman S. (2020) Doomscrolling its Affecting Your Sleep Health. https://comprehensivesleepcare.com. Comprehensive Sleep Care Center. Disponible sur : https:// comprehensivesleepcare.com/2020/10/21/doomscrolling-affectingsleep-health (Dernier accès : 28 avril 2023)

Gotlieb M., McLaughlin B., Mills D. (2022) Caught in a Dangerous World: Problematic News Consumption and Its Relationship to Mental and Physical Ill-Being, www.tandfonline.com. Taylor&Francis Online. Disponible sur : https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10410236.2022.2106086?scroll=top&needAccess=true&role=tab&aria-labelledby=full-article (Dernier accès : 28 avril 2023)

Jöckel, S., Wilhelm, C. (2018) Everything under control? The role of habit strength, deficient self-regulation and media literacy for the use of social network sites among children and adolescents, www.semanticscholar.org. Semantic Scholar. Disponible sur : https://www.semanticscholar.org/paper/Everything-Under-Control-The-Role-of-Habit-and-for-J%C3%B6ckel-Wilhelm/fbd90a0f622fbe8ba5882494ee06801541ac83b0 (Dernier accès : 28 avril 2023)

Klein J., Rutledge P. (2021) The Darkly Soothing Compulsion of Doomscrolling, www.bbc.com. BBC. Disponible sur : https://www.bbc.com/worklife/article/20210226-the-darkly-soothing-compulsion-of-doomscrolling (Dernier accès : 28 avril 2023)

Lee S., Johnson B., Sharma B. (2022) The Dark at the End of the Tunnel: Doomscrolling on Social Media Newsfeeds. Disponible sur : https://assets.pubpub.org/v4fk4vax/21646154347755.pdf (Dernier accès : 28 avril 2023)

Lifestyle Desk News Agency (2022) Doomscrolling: Know its health effects and ways to keep it in check, https://indianexpress.com/. The Indian Express. Disponible sur :  https://indianexpress.com/article/lifestyle/life-style/doomscrolling-phone-what-an-expert-says-about-it-how-to-keep-it-in-check-7893079/ (Dernier accès : 28 avril 2023)

Miller K., Yeager K., Gallaghar T. (2020) What is Doomsrcooling? Experts Explain Why we Do it-and How to Stop, www.health.com. Health. Disponible sur : https:// www.health.com/mind-body/what-is-doomscrolling (Dernier accès : 28 avril 2023)

Neha Tudu P. (2022) The Danger in Danger – A study on the psychological impact of COVID-19 lockdown on people in the Indian context, www.sciencedirect.com. ScienceDirect. Disponible sur : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212420922002461#cebib0010 (Dernier accès : 28 avril 2023)

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Rodrigues E. (2022) Doomscrolling – threat to Mental Health and Well-being: A Review. Disponible sur : http://www.innovationalpublishers.com/Content/uploads/PDF/380780168_02_IJNR_08-OD-2022-50.pdf (Dernier accès : 28 avril 2023)

Twenge J. (2017), Have Smartphones Destroyed a Generation?, www.theatlantic.com. The Atlantic. Disponible sur : https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2017/09/has-the-smartphone-destroyed-a-generation/534198/ (Dernier accès : 28 avril 2023)

Les antennes 5G propagent le coronavirus.

Qualifiée par Stephen Powis, directeur du NHS, de “fake news de la pire espèce”, cette théorie du complot a été largement diffusée sur les réseaux sociaux et dans les médias en ligne entraînant des incidents réels et des actes de vandalisme.

Une fake news aux conséquences bien réelles

Le 12 Mars, l’américain Thomas Cowan, qui se présente comme médecin,  publie sur Youtube une vidéo intitulée  “Coronavirus caused by 5G?”. Dans ses propos, il avance que la 5G aurait déstabilisé le champ magnétique terrestre et empoisonné l’espèce humaine. Le coronavirus serait ainsi né d’un être humain contaminé. Avant d’être supprimée sur Youtube, la vidéo est rapidement devenue virale, ayant été partagée quelque 16 000 fois sur Facebook et vue 390 000 fois. Au moins cinq autres chaînes YouTube ont elles aussi publié la même vidéo. Elle a aussi été relayée par une douzaine de pages Facebook, ainsi que sur Instagram et Twitter. Un des arguments phare de Thomas Cowan est que la première ville à être entièrement couverte par la 5G est Wuhan. Le parallèle est rapidement repris sur la toile avec des cartes faisant figurer une corrélation entre la propagation du virus et le déploiement de la 5G. 

Face à cette théorie, la communauté scientifique a fermement soutenu que la technologie 5G n’était pas responsable. Le Dr Simon Clarke, professeur de microbiologie cellulaire à l’université de Reading explique que les ondes radio 5G sont “loin d’être assez fortes pour affecter le système immunitaire”. Malgré un manque de fondements scientifiques, l’idée d’une corrélation entre la pandémie et la 5G s’est répandue dans le monde entier. Google trends, l’outil qui permet de savoir quels sont les mots clés les plus recherchés sur internet, a recensé un pic des mots clés “Coronavirus +5G” à compter du 26 janvier 2020, soit cinq jours après le premier cas identifié de malade du coronavirus aux États-Unis. Le quotidien américain The New York Times a repéré près de 500 groupes Facebook et des dizaines de comptes Twitter et Instagram propageant cette théorie conspirationniste. Certains prennent le parti que la 5G affaiblit nos défenses face au virus, d’autre que la technologie en est directement vectrice. La théorie circule aussi que le virus n’existe pas, il s’agirait d’un stratagème pour cacher les morts causés par la 5G. D’autres vont encore plus loin et affirment que le vaccin serait un moyen d’injecter à l’ensemble de la population des nanopuces 5G. 

En conséquence, plusieurs antennes ont été incendiées à travers le monde. Au Royaume-Uni, une vingtaine d’antennes-relais ont été vandalisées dans plusieurs grandes villes, notamment à Birmingham et Liverpool. Des ingénieurs du haut débit sont menacés et des techniciens en train d’installer des antennes sont même agressés physiquement. Les attaques sur ces relais de la 5G surnommés “tours de la morts” ont imposé une réponse ferme des institutions. Le ministre britannique Michael Gove est monté au créneau pour dénoncer cette « dangereuse ineptie ». Le Department for Digital, Culture, Media and Sport (équivalent des ministères de la Culture et des Sports réunis) a ajouté sur Twitter qu’il n’y avait « aucune preuve crédible » à ces allégations, tandis que l’association des réseaux de téléphonie britanniques, Mobile UK, s’est dite particulièrement « préoccupée » par ces rumeurs associées à la destruction de ces infrastructures utiles.

Le relais sur les réseaux sociaux

Les informations sur le lien entre 5G et Covid se sont diffusées très rapidement sur les réseaux sans passer par des canaux de vérification ou de validation. Selon une analyse de l’ONG britannique Full Fact, qui a examiné plus de 50 publications complotistes sur la 5G et le COVID-19, ces publications ont été partagées plus de 77 000 fois sur les réseaux sociaux, y compris sur Facebook, Twitter et Instagram. Une autre étude menée par l’Université de Technologie de Swinburne en Australie a révélé que les théories du complot sur la 5G et le COVID-19 avaient été partagées plus de 53 000 fois sur Twitter au cours d’une semaine en avril 2020. Ces chiffres ne représentent qu’une partie de la propagation de cette théorie du complot, car elle a également été diffusée par le biais de vidéos, de groupes de discussion en ligne, de messagerie instantanée et d’autres canaux de communication numériques.

Notons que les algorithmes de recommandation des réseaux sociaux suggèrent des contenus similaires à ceux que les utilisateurs ont déjà consultés. Cela peut conduire à la formation de bulles de filtres, où les utilisateurs sont exposés à des contenus qui renforcent leurs croyances et leurs opinions. Si un utilisateur a consulté ou partagé des publications complotistes sur la 5G et le COVID-19, les algorithmes de recommandation peuvent lui suggérer d’autres contenus similaires, ce qui peut amplifier la propagation de la théorie du complot. 

L’essor de cette fake news a été amplifié par des personnalités publiques, célébrités et politiciens, qui ont partagé des publications la soutenant. Par exemple, la chanteuse américaine Keri Hilson a causé la controverse en la relayant à ses 2,3 millions d’abonnés Instagram, avant de la supprimer.

La réponse des plateformes

Face à la propagation de la théorie du complot 5G, différents réseaux sociaux ont pris une série de mesures. Instagram, par exemple, a commencé à étiqueter les publications liées à la 5G qui contiennent des informations fausses ou trompeuses. Lorsque la publication a été identifiée comme étant trompeuse, les utilisateurs voient une alerte en haut de l’écran avec un lien vers des informations fiables pour aider à éclairer le sujet.En parallèle, Facebook, YouTube et Twitter ont tous supprimé des vidéos et des publications qui propageaient activement la théorie du complot selon laquelle le COVID-19 est propagé par la 5G.

En avril 2020, Google a annoncé que les publications qui propagent des théories du complot liées à la 5G et au COVID-19 seraient rétrogradées dans les résultats de recherche. Cette mesure visait à réduire la visibilité de la désinformation. Au même moment, Facebook a qu’il travaillerait avec des organisations de fact-checking pour vérifier les publications liées à la 5G et au COVID-19. Les publications identifiées comme contenant des informations fausses ou trompeuses ont été étiquetées comme telles.

La propagation de la théorie du complot selon laquelle le COVID-19 est propagé par la 5G est un exemple marquant de la puissance des réseaux sociaux pour diffuser des fausses informations à grande échelle. Elle illustre la part de responsabilité des réseaux sociaux, l’importance du fact-checking et les risques liés à la désinformation.

Inès de Rozaven

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