Ces dernières années, la manière d’aborder et de diffuser l’information a radicalement changé : en 10 ans, les réseaux sociaux, comme Facebook ou plus récemment Snapchat, se sont imposés sur le marché des médias comme des intermédiaires incontournables. Ce changement vient d’abord du fait que la présence des Français sur les réseaux sociaux s’est généralisée : Facebook compte plus de 30 millions d’inscrits (et 23 millions d’utilisateurs quotidiens en 2016), Twitter aurait près de 10 millions d’utilisateurs actifs et Snapchat aurait 8 millions d’actifs par jour en 2016. La présence est donc massive, le contenu peut être vu et partagé par le plus grand nombre.
Les médias traditionnels se sont rendus compte que plus ils publiaient de contenu sur les réseaux sociaux, plus le trafic de leurs sites augmentait. Laurent Solly, directeur de Facebook Europe du Sud, explique : « Le paradigme a changé : auparavant, les individus devaient aller vers les médias pour s’informer, désormais les médias doivent aller informer les personnes ». Face à ce constat, nous pouvons nous interroger : les réseaux sociaux sont-ils devenus des médias à part entière ?
Médias et réseaux sociaux : des partenaires avant tout
Ce qui est certain, c’est que réseaux sociaux et médias traditionnels sont avant tout des partenaires. En amenant directement l’information aux internautes, ces derniers sont directement redirigés des réseaux sociaux vers le site internet des médias traditionnels. De plus, avec l’apparition en France de nouveautés telles que Snapchat Discover, des médias de presse, comme le Monde ou encore L’équipe, peuvent inciter un public plus jeune (15-24 ans) à acheter des journaux papiers en les “teasant” avec des contenus interactifs, adaptés à leur génération. En utilisant la vidéo ou des contenus de ce type, la presse cherche donc à conquérir une nouvelle audience, et ainsi la pousser à un premier achat de leur titre de presse. Les réseaux sociaux sont donc de véritables leviers d’audience pour les médias traditionnels.
Cependant, sans les médias traditionnels, les réseaux sociaux perdent une grande partie de leur valeur, puisque selon une étude effectuée par le Reuters Institute, il est estimé que plus de quatre personnes sur dix présentes sur internet dans le monde utilisent les réseaux sociaux pour s’informer de l’actualité, mais aussi la partager et la commenter. C’est en cela qu’ils entretiennent vraiment un rapport de partenaires.
Les réseaux sociaux ont également eu un impact sur le mode de consommation de la télévision : si au départ les acteurs du milieu y ont vu un espace de promotion des programmes, ces derniers ont fini par comprendre qu’il s’agissait en réalité d’un outil incontournable, les réseaux sociaux étant un véritable lieu conversationnel pour les téléspectateurs qui y donnent leur avis en temps réel. Depuis, les programmes ne peuvent être imaginés sans la mise en place d’un dispositif social. Désormais, la quasi-totalité des programmes comportent un hashtag, et les tweets ont remplacé les questions par téléphone ou autres SMS. Cet outil apporte aux chaînes la possibilité d’avoir un retour direct des téléspectateurs sur leurs programmes. Elles communiquent d’ailleurs de plus en plus sur ces audiences de “social TV”, ces dernières compensant parfois des audiences réelles bien moins bonnes. C’est notamment le cas des programmes de télé-réalité, qui génère une forte audience sociale. Les chaînes se fixent d’ailleurs désormais des objectifs en la matière.
Les réseaux sociaux et les médias entretiennent donc un rapport “gagnant-gagnant”, leur utilisation étant complémentaire et indissociable l’une de l’autre de nos jours.
Réseaux sociaux : l’eldorado de la data… et donc des annonceurs publicitaires
Mais les réseaux sociaux et les médias peuvent être considérés comme rivaux en ce qui concerne la course au marché publicitaire. Il faut dire que les réseaux sociaux disposent d’arguments convaincants en matière de séduction pour les annonceurs. Tout d’abord, ils ont une audience incomparable : comme expliqué au début de cet article, Facebook reçoit la visite de 23 millions d’utilisateurs français chaque jour en moyenne sur l’année 2016. En comparaison avec cette statistique, 20 Minutes, le quotidien de presse le plus lu en France, ne recueille que 4,2 millions de lecteurs. NRJ, la radio la plus écoutée de France, a quant à elle 6,8 millions d’auditeurs en moyenne chaque jour. Seule la télévision arrive parfois à rivaliser, mais uniquement lors d’évènements à grande ampleur (exemple : la finale de l’Euro 2016 a réuni 20,8 millions de téléspectateurs).
En plus de cette importante audience, il ne faut pas négliger le fait que les réseaux sociaux fournissent des outils de mesure incontournables pour le marché publicitaire. Ils permettent d’utiliser des indicateurs traditionnels du web comme le nombre de vues, mais aussi des indicateurs sociaux qui permettent de mesurer l’engagement du public.
Pour les annonceurs, les réseaux sociaux représentent donc un atout de taille, car ils permettent de créer des publicités mieux ciblées que sur les médias traditionnels, et donc de mieux monétiser les espaces publicitaires. La data est la clé de cet univers social, elle permet une meilleure connaissance des utilisations et des profils, et donc de fidéliser en quelques sortes les individus.
Des éditeurs réticents à céder au chant des sirènes des réseaux sociaux
Mais les relations entre les éditeurs de presse et les réseaux sociaux ne sont pas toujours cordiales, les premiers reprochant aux seconds de tirer profit des contenus qu’ils publient sans aucune contrepartie financière. Selon eux, cela engendrerait même une baisse significative de leur chiffre d’affaire, notamment à cause d’une chute des revenus publicitaires. Facebook a été le premier à proposer des partenariats aux éditeurs en lançant un module leur permettant de mettre en avant leurs articles. Méfiants, les sites médias ont pour la plupart refusé de s’allier à Facebook, estimant que ce partenariat n’était pas à leur avantage.
C’est pour cela que la firme américaine a lancé Facebook Instant Article en 2015, ce procédé permettant aux utilisateurs de lire les articles des sites médias en restant sur l’application du réseau social. Afin de satisfaire l’éditeur et de palier à la perte de trafic et de ventes d’espaces publicitaires, Facebook promettait même à l’éditeur de récupérer 100% des revenus des espaces qu’il commercialisait lui-même, et 70% de l’inventaire vendu directement par le réseau Facebook Audience Network. Mais le principal frein des éditeurs, c’est la peur de la perte de lien avec le lecteur, c’est pourquoi ils ont pour la plupart choisi de ne poster que quelques articles sur Instant Article. Ils cherchent ainsi à rester maîtres de leurs contenus.
Les “médias sociaux” : le modèle de demain
Selon le dictionnaire Larousse, les médias sont “un procédé permettant la distribution, la diffusion ou la communication d’œuvres, de documents, ou de messages sonores ou audiovisuels”. Si l’on suit cette définition, alors oui, les réseaux sociaux, à commencer par Facebook, sont bien des médias. Car oui, il permet la diffusion et la communication de documents et de messages audiovisuels en tout genre, ainsi que d’informer le public.
Pourtant, son PDG Mark Zuckerberg s’en défend : pour lui, Facebook n’est qu’une plateforme technique permettant de mettre des gens en relation. C’est pour cette raison que son entreprise fait appel à des algorithmes pour modérer le contenu du site, et non à des éditeurs humains : employer des rédacteurs en chef reviendrait à avouer être un média. Néanmoins, il est indéniable que l’influence de Facebook est devenue énorme. Pour la plupart de ses utilisateurs, le réseau social est bel et bien un média d’information, qui plus est un “média social”. Il s’agit d’un outil de communication qui permet un partage massif de l’information dans le monde entier.
Aujourd’hui, la réponse à la question du “Facebook : média/pas média ?” est plus d’ordre éthique : en effet, si le réseau social ne créé pas de contenu, comment peut-il être qualifié de média ? Il n’est pas dans l’intérêt économique de Facebook de créer son propre contenu, la monétisation des espaces publicitaires aux médias traditionnels lui rapportant certainement plus gros (vente au plus offrant) que s’il devait payer des équipes entières de journalistes et de rédacteurs en chef et monétiser son propre contenu.
Est-il légitime de considérer qu’une entreprise qui ne fait que relayer des contenus et des informations soit considérée comme un média à part entière ? Jusqu’ici, tous les médias, que ce soit la presse, les chaînes de TV, la radio… étaient les propres créateurs de leurs contenus. Ce débat rejoint d’autres questions de notre époque, comme par exemple “peut-on considérer que Airbnb est le plus gros géant de l’immobilier, alors qu’il n’a à son actif aucune agence immobilière ni jamais construit la moindre résidence” ? A l’ère où la dématérialisation de tous nos services devenant de plus en plus commune, se poser ce genre de question est tout à fait d’actualité.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Les réseaux sociaux, et notamment Facebook, sont-ils des médias à part entière ?