Russie/Ukraine : quand la guerre devient virtuelle

Désinformer. Semer le doute. Décontextualiser. Emouvoir. Propager la haine.

Telles sont les actions rendues possibles par l’intermédiaire des réseaux sociaux dans le cadre de l’invasion agressive menée par la Russie en Ukraine. Cette guerre ne se limite pas aux champs de bataille, mais se caractérise essentiellement par la manière dont elle est propagée et partagée en ligne.

@Source : BFM TV.

Les conflits armés précédents ont également connu l’implication des médias sociaux, mais l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie démontre quotidiennement comment les plateformes en ligne altèrent la manière dont la guerre est rapportée, vécue et comprise. Cela est en grande partie dû à la couverture Internet en constante augmentation et à l’utilisation croissante des réseaux sociaux, avec 79% des Ukrainiens utilisant Internet contre 88% des Russes selon les chiffres de Datareportal de 2023. À titre de comparaison, lorsque la Russie a envahi l’Ukraine en 2014, seulement 4 % des abonnés ukrainiens à la téléphonie mobile avaient accès à des réseaux 3G ou plus rapides, et pendant la guerre en Syrie en 2015, seuls 30 % de la population syrienne étaient en ligne (OECD, 2022). Cette dynamique a également mis en évidence l’ampleur de la menace de la désinformation, qui a toujours été utilisée comme une arme mais dont la portée et la pénétration potentielle ont été multipliées à l’aide des réseaux sociaux.

Un terrain de jeu étendu sur plusieurs canaux

Les réseaux sociaux servent d’outils de propagande via les contenus partagés sur les différentes plateformes et les interactions entre les nombreux utilisateurs. Des conversations sur Whatsapp et Telegram, des vidéos relayées sur Twitter, TikTok ou Instagram ou encore des posts sur VKontakte, le ‘Facebook local’ : tous les canaux de diffusion sont mobilisés, qu’il s’agisse des médias traditionnels, des réseaux sociaux, des sites web d’information, des blogs ou encore des messageries instantanées, dans le but de propager des discours, des images ou des vidéos destinés à influencer l’opinion publique ou à désinformer les citoyens.  

Bien que VKontakte soit la solution de réseau social préférée en Russie (comptant 73% de la part des utilisateurs russes), Instagram – appartenant à la même entreprise mère Meta – reste en tête, utilisé par environ 59% des utilisateurs de réseaux sociaux dans ce pays, soit près de 80 millions de personnes selon une estimation de FranceInfo, se basant sur les données de Statista.

Malgré cela, la Russie a récemment décidé de bloquer Instagram pour protester contre Meta. Ces sanctions à l’encontre du géant américain des réseaux sociaux font suite à la décision de Meta d’autoriser la publication de messages incitant à la violence à l’encontre des dirigeants et du personnel militaire russes dans certains pays, et cela uniquement dans le contexte de la guerre en Ukraine. Dans cette guerre de communication, Meta est devenue « la figure de l’Occident », perçue comme une menace par les autorités russes. Les utilisateurs russes doivent désormais se tourner vers les autres réseaux sociaux ou utiliser un réseau privé virtuel (VPN) pour contourner la censure imposée par les autorités. L’interdiction d’Instagram a d’ailleurs entraîné une hausse de la demande de VPN de plus de 2 000 %, selon TOP10VPN, une société de surveillance numérique. Cela confirme l’importance cruciale des réseaux sociaux dans cette guerre de désinformation où tous les canaux de diffusion sont utilisés pour influencer l’opinion publique.

@Photographie : Chesnot/Getty

« C’est gagné quand le doute est installé »

Les récits de désinformation russes reposent fréquemment sur des demi-vérités et des « whataboutisms » – tentatives de répondre à un problème en le comparant à un autre problème qui n’a rien à voir avec le problème initial-, ou sont simplement faux, obscurcissant ainsi les faits. Ainsi, les acteurs russes utilisent une approche diversifiée pour introduire, amplifier et diffuser des récits faux et déformés à travers le monde. Ils se basent notamment sur une combinaison de faux comptes et de comptes artificiels, de sites web anonymes et de sources médiatiques officielles de l’État pour diffuser et amplifier du contenu qui sert leurs intérêts et décrédibilise les récits concurrents.

« Si la désinformation est une arme de guerre indéniable, les stratégies mises en place, et les raisons de leur utilisation diffèrent âprement dans ce conflit : l’un l’utilise pour justifier l’invasion d’un état souverain, l’autre pour tenter justement de préserver cette souveraineté. »

Arnaud Mercier, professeur en sciences de l’information et de la communication (novembre 2022)

Le nombre d’exemples illustrant la désinformation dans ce champ de batail virtuel est indénombrable et ne cesse d’accroître, voici ci-dessous un rappel des plus marquants:

  • Attaque de Marioupol : la discréditation d’une bloggeuse ukrainienne  
@Source : AP. Cette influenceuse beauté a été accusée de mentir après la publication de cette photo.

En mars dernier, un hôpital pour enfants a été la cible d’un bombardement à Marioupol en Ukraine. La Russie a remis en cause la véracité de ces faits et a accusé cette influenceuse ukrainienne d’avoir joué le rôle d’une femme enceinte lors de cette attaque. Le porte-parole du ministère russe de la Défense a même défendu cette affirmation absurde en justifiant que Marianna Podgourskaïa est une bloggeuse Instagram. En plus de la non-validité de l’argument, cette accusation a été rapidement démentie après qu’une de ses publications antérieures prouve qu’elle était bien enceinte à ce moment. Cet exemple illustre la stratégie russe visant à discréditer les informations ukrainiennes en semant le doute dans l’esprit du public, rendant ainsi difficile la distinction entre la vérité et le mensonge.

@Marianna a posté cette photo sur Instagram fin février, demandant à ses followers de deviner si son bébé serait un garçon ou une fille. Source : Instagram.
  • Avions de combats russes dans le ciel ukrainien

La décontextualisation ne vient pas toujours du camp russe, bien que cette technique reste majoritairement utilisée par les pro-russes.

https://twitter.com/pok4439/status/1496729760340520962?s=49&t=ImOdUOxXv3fUoW4gYBrthA

Une publication, qui a été vue plusieurs milliers de fois, prétendait montrer des avions russes survolant l’Ukraine après l’annonce de l’intervention militaire de Vladimir Poutine dans le pays en 2022. Il est important de noter que cette vidéo partagée ne concernait pas la situation actuelle en Ukraine. En réalité, il s’agit d’un extrait d’une vidéo plus longue qui avait été diffusée en 2020 et montrant la répétition de la parade militaire du « jour de la victoire », célébré chaque 9 mai en Russie pour commémorer la victoire sur l’Allemagne nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette diffusion de fausses informations s’inscrit dans la stratégie russe visant à semer la confusion dans l’opinion publique en décrédibilisant les informations provenant de l’Ukraine.

Susciter l’émotion, parfois avec l’humour

L’utilisation des réseaux sociaux ne se cantonne pas à la propagation de doutes pour discréditer le partie adverse. En effet, les médias sociaux ont évolué pour devenir bien plus qu’un simple canal d’information : ils sont devenus des canaux de mobilisation et d’émotion, notamment en rendant la guerre plus « attrayante ».

De la danse des soldats ukrainiens sur les lignes de front aux visites imperturbables des abris antiatomiques par des citoyens ordinaires, la « première guerre TikTok du monde » a généré un flux constant de reportages d’actualité en direct depuis les zones de combat. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’est pas le seul à utiliser TikTok comme canal de diffusion, de nombreux citoyens utilisent le réseau social quotidiennement pour informer, parfois de manière humoristique, sur la réalité du combat et de la vie sous les bombardements.

@valerisssh

Thanks for supporting ukrainian refugees!

♬ Zou Bisou Bisou – Gillian Hills

Ces vidéos permettent de rendre compte de la réalité vécue par les populations en Ukraine en éliminant les barrières géographiques. Elles ont aussi la particularité de toucher un public plus jeune qui n’aurait peut-être pas été informé de la guerre par d’autres canaux de communication.

« Si c’était une guerre de mèmes, nous serions en train de gagner. »

Cette citation provient d’une source qui s’occupe du compte du ministère ukrainien de la défense, qui a souhaitée rester anonyme. Elle conclue bien sur la situation actuelle de cette guerre hybride se jouant sur le terrain virtuel de la désinformation.

Valentine CAZIN

Références :

  • BBC News. (2022, October 4). Ukraine crisis: Social media users struggle to separate fact from fiction. BBC News. https://www.bbc.com/news/world-europe-63272202
  • BBC News. (2022, October 3). Ukraine war: Russian officials claim government offensive imminent. https://www.bbc.com/news/world-europe-63272202.amp
  • CNET France. (2022, July 22). VPN : le ban d’Instagram en Russie fait encore bondir leur popularité. CNET France. https://www.cnetfrance.fr/news/vpn-le-ban-d-instagram-en-russie-fait-encore-bondir-leur-popularite-39939067.htm
  • Datareportal. (2023). Digital 2023 Ukraine. https://datareportal.com/reports/digital-2023-ukraine
  • Datareportal. (2023). Digital 2023 Russian Federation. https://datareportal.com/reports/digital-2023-russian-federation
  • France Info. (2022, April 28). Vrai ou Fake : la femme enceinte évacuée sur brancard à Marioupol est-elle une actrice ? France Info. https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/vrai-ou-fake-la-femme-enceinte-evacuee-sur-brancard-a-marioupol-est-elle-une-actrice_5014961.html
  • France Info. (2022, February 22). Guerre en Ukraine : un an de propagande et de désinformation. France Info. https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/video-guerre-en-ukraine-un-an-de-propagande-et-de-desinformation_5677757.html
  • L’ADN. (2022, March 11). Ukraine : TikTok, la première guerre « attractive » du monde. L’ADN. https://www.ladn.eu/actualite/ukraine-reseau-sociaux-tiktok-tactique-guerre-attractive/
  • NPR. (2023, February 28). How Russia Is Losing (And Winning) The Information War In Ukraine. NPR. https://www.npr.org/2023/02/28/1159712623/how-russia-is-losing-and-winning-the-information-war-in-ukraine
  • OECD. (2022, March 15). Disinformation and Russia’s war of aggression against Ukraine. OECD Ukraine Hub. https://www.oecd.org/ukraine-hub/policy-responses/disinformation-and-russia-s-war-of-aggression-against-ukraine-37186bde/
  • Polytechnique Insights. (2022, March 10). Ukraine : une guerre hybride sur le terrain de la désinformation. Polytechnique Insights. https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/geopolitique/ukraine-une-guerre-hybride-sur-le-terrain-de-la-desinformation/
  • Statista. (2022, February). Réseaux sociaux les plus utilisés par les Russes en 2021. Statista Infographies. https://fr.statista.com/infographie/26982/reseaux-sociaux-les-plus-utilises-par-les-russes/#:~:text=Les%20r%C3%A9seaux%20sociaux%20du%20groupe,pour%20les%20deux%20derniers%20cit%C3%A9s.
  • TV5MONDE. (2022, March 23). Conflit en Ukraine : les réseaux sociaux influencent-ils la guerre ? TV5MONDE. https://information.tv5monde.com/info/conflit-en-ukraine-les-reseaux-sociaux-influencent-ils-la-guerre-452619
  • Zolan, A. (2023, February 28). How Russia Is Losing (And Winning) The Information War In Ukraine. NPR. https://www.npr.org/2023/02/28/1159712623/how-russia-is-losing-and-winning-the-information-war-in-ukraine

Assaut du Capitole : entre désinformation et incitations à la violence

Quelles responsabilités pour Facebook et Twitter ?

Le 6 janvier 2021, des partisans de Donald Trump envahissent le Capitole, là où siège le Congrès américain. Une seule idée en tête : empêcher la certification de la victoire de Joe Biden à la présidentielle américaine de 2020. 
Retour sur le rôle joué par ces réseaux sociaux lors de cet évènement majeur de l’histoire américaine.

Une préparation pré-élection présidentielle 2020 afin d’éviter le scandale de 2016

Photo de little plant sur Unsplash

Dans le contexte des élections présidentielles américaines de novembre 2020, il était inconcevable pour Facebook de revivre un scandale de la même ampleur que celui de 2016. En 4 ans, la plateforme a œuvré à la mise en place de mesures concrètes ayant pour but de protéger l’intégrité de la nouvelle élection, limiter la diffusion de fausses informations et lutter contre l’incitation à la haine et à la violence.

Mark Zuckerberg avait affirmé en octobre 2020 que le règlement de la plateforme empêcherait tout candidat de «déclaré victoire prématurément» et de «délégitimer les résultats de l’élection». Afin de limiter la désinformation, Facebook a implémenté la «War Room». Cette cellule de vérification analyse en temps réel les abus signalés sur les élections. Dani Lever, responsable des affaires publiques de Meta a affirmé que Facebook avait mis en pause ses campagnes publicitaires politiques et supprimé le groupe StopTheSteal début novembre 2020.  Le groupe qui comptait 360 000 utilisateurs parmi ses rangs, mettait en doute la légitimité de l’élection en diffusant la théorie du «Big Lie».

Pour Twitter, c’est seulement 2 mois après l’attaque que l’ex CEO Jack Dorsey affirma que la plateforme avait effectivement joué un rôle dans la diffusion de fausse informations et dans l’organisation de cette attaque. Twitter avait misé sur des pratiques de marquage de tweets et de déréférencement. 

Lorsqu’un tweet contenait des informations trompeuses au sujet de l’élection, il était étiqueté d’un avertissement. Une autre mesure plus radicale a été mis en place d’octobre 2020 jusqu’à l’élection. Si certains messages de personnalités politiques et/ou influentes contenaient des propos non vérifiés et trompeurs, une bannière contenant un avertissement sur le contenu empêchait de lire le tweet. Les tweets ciblés étaient privés d’interactions (retweet, like, commentaire). En amont de l’élection, Twitter avait décidé début 2020 d’instaurer des messages de fact checking à la fin des tweets contenant du contenu trompeur.

@realDonaldTrump sur Twitter

Des baisses de vigilance sous l’impulsion de la liberté d’expression 

Après l’annonce des résultats, Facebook était soulagé. L’opération s’était déroulée sans encombre. Certaines mesures, temporaires, ont donc été retirées.
Facebook a décidé de démanteler la cellule Civic Integrity Team composée d’experts qui détectaient et combattaient la désinformation et les discours haineux. Ces changements ont commencé à inquiéter plusieurs employés du réseau social. A partir de la fin des élections, certains employés ont remarqué que le nombre de signalements pour des messages contenant de fausses informations augmentaient fortement. 
Des documents internes, révélés par la lanceuse d’alerte Frances Haugen, ont soulignés les manquements de Facebook en termes de lutte contre la désinformation et d’incitation à la violence ayant joué un rôle dans l’attaque du Capitole.
Des pistes d’amélioration du règlement ont été proposées pour contrer la désinformation mais déclinées par la hiérarchie. L’une des raisons avancées par la direction est que cela ne ferait qu’augmenter le nombre de signalements erronés et diminuerait l’engagement sur la plateforme. Comme précisé par Haugen lors de son témoignage au Sénat, Facebook semble vouloir faire passer son « profit avant la sécurité » et « avant la population ».

Image par El Sun de Pixabay

La suppression du groupe StopTheSteal n’a non plus été d’une grande efficacité. Cela donna un boost de popularité aux groupes moins importants contenant des propos #StoptheSteal. Les membres du groupe d’origine se sont juste dispatchés. StopTheSteal était bien plus qu’un groupe Facebook et la plateforme n’a pas vraiment œuvré à contrôler et signaler ces groupes complotistes. 

Sur Facebook, les algorithmes jouent un rôle majeur dans la diffusion de ces fausses informations. Dans les documents révélés, il a été confirmé qu’il n’a fallu que 2 jours pour qu’un utilisateur, suivant quelques personnalités/médias conservateurs, ait des recommandations conspirationnistes et 1 semaine pour que des contenus du groupe QAnon lui soient recommandés.

L’une des révélations majeure des Facebook Files était la mise en place d’une politique de fact-checking XCheck permettant de limiter les faux signalements de comptes. Certaines personnalités politiques et comptes les plus suivis bénéficiaient d’une vérification des signalement à part. Cependant, certaines de ces personnalités soumises à ce système se retrouvaient «whitelisted» et exemptées du règlement de Facebook : «Contrairement au reste de notre communauté, ces personnes peuvent enfreindre nos normes sans aucunes conséquences».

De son côté, Twitter a aussi failli. 
Il n’a pas su prendre en considération les avertissements de ses employés sur les risques de la mauvaise gestion de la désinformation et des incitations à la violence sur la plateforme après les élections de 2020. Malgré les efforts et les signalements reportés par Twitter Safety Policy team, en charge de la rédaction du règlement de la plateforme, aucune mesure supplémentaire n’a été prise. Les dirigeants semblaient plus inquiets de déclencher la colère des supporters du président sortant plutôt que de préserver le discours électoral (Draft Comittee Report, The Washington Post, 2023).

Un règlement proposé par la Twitter Safety Policy team visant les messages qui incitaient indirectement à la violence («coded incitement to violence» CIV) n’a pas été retenu par les dirigeants, considérant que les messages visés pouvaient être interprétés dans un autre contexte. Le supposé règlement portait notamment sur ce message: «stand back and stand by». Il avait été utilisé par le président Trump pour s’adresser plus tôt dans l’année au groupe d’extrême droite Proud Boys connu pour ses idées fortes et ses comportements violents. Peu de temps après, cette expression était devenu le cri de ralliement de groupes de supporters Trump sur Twitter.

Twitter a pris l’initiative d’écouter les signalements déposés par des organisations comme Fair Fights luttant pour des élections justes aux États-Unis. Ces tweets, directement liés à l’incitation à la violence au nom d’une élection truquée, ont reçu des avertissements mais n’ont cependant pas été retirés. Pour Twitter, ces messages restaient dans le cadre de la liberté d’expression et n’avaient en aucun cas dépassé les limites du règlement.
Twitter montre ici des signes de relâchement quant à la gestion des messages haineux et de la désinformation.

Un rapport de la MDPI révéla qu’afin d’éviter les signalements, des hashtags contenants des fautes étaient utilisés massivement. Des tweets relatifs aux suspicions de corruption des Biden utilisaient majoritairement le #bidencrimefamiily plutôt que #bidencrimefamily. Cela devait déjouer les mesures mises en place par le règlement de la plateforme tout en ralliant les supporters autour de théories conspirationnistes.

@realDonaldTrump sur Twitter

Le 19 décembre 2020, Trump écrivait : «Big protest un D.C. on January 6th». Par la suite, le nombre de tweets utilisant les CIV «locked and loaded» et «civil war» ont augmenté de manière exponentielle.

Selon un ancien employé de la plateforme, il a fallu attendre l’attaque du 6 janvier 2021 pour que Twitter demande à la Safety Policy team de mettre en place en urgence la CIV Policy. Cependant, toujours incomplète dû à son blocage quelques mois plus tôt, son application était imparfaite.

Au Capitol, les attaquants documentaient leur avancée sur Twitter, obligeant les responsables de la modération à supprimer/bannir en direct les contenus et hashtags problématiques. D’autres hashtags, remontés dans les tendances, ont dû être déréférencé comme #CivilWar.

Une prise de conscience sur l’importance de la désinformation et de l’incitation à la haine ?

Donald J.Trump sur Facebook

Dani Lever confirme la suppression des contenus ayant comme la mention StoptheSteal dès l’instant de l’attaque ainsi que la suspension du compte de Donald Trump pendant 24 heures. Comme l’a annoncé Facebook, cela fut étendu à 2 semaines puis à une durée indéterminée. 

C’est finalement il y a un peu plus d’un mois, le 17 mars 2023, que l’ancien président fait son retour avec une vidéo et 3 mots : I’M BACK !


Facebook s’est engagé à renforcer l’obligation des administrateurs de groupes de vérifier les messages postés, à désactiver les interactions sur les posts provenant de groupes avec des taux élevés de discours haineux/violents et à déréférencer les contenus qui enfreindraient les règlements.

Après l’attaque, Twitter a suspendu le compte @realDonaldTrump (une première fois pendant 12 heures puis de manière permanente). Fin 2022, après l’arrivée d’Elon Musk à la tête de Twitter, son compte a été à nouveau débloqué. Plus de 70000 comptes ont été bloqués, des mesures ont été ajoutées à la Civic Integrity Policy, les comptes affiliés aux contenus conspirationnistes ont été déréférencés et certains sujets ne pourront plus apparaître dans les tendances.

Bien que les attaquants présents au Capitol ainsi que Donald Trump sont responsables de leurs actions, il est clair que les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur dans la préparation en amont de cet évènement. Même si le January 6th Comittee a décidé de s’attarder sur la responsabilité de Trump, cette affaire aura été l’opportunité pour ces grands réseaux sociaux d’être mis face aux conséquences de leurs décisions.

Margot Brenier


Bibliographie :

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https://www.npr.org/2021/10/22/1048543513/facebook-groups-jan-6-insurrection

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Reporter, G. S. (2021, 25 octobre). Facebook missed weeks of warning signs over Capitol attack, documents suggest. the Guardian. [ref. 30 avril 2023] https://www.theguardian.com/technology/2021/oct/23/facebook-whistleblower-january-6-capitol-attack

Social Media & the January 6th Attack on the U.S. Capitol. (s. d.). [ref. 30 avril 2023] https://www.washingtonpost.com/documents/5bfed332-d350-47c0-8562-0137a4435c68.pdf?itid=lk_inline_manual_3

Conger, K. (2021, 25 mars). Jack Dorsey says Twitter played a role in U.S. Capitol riot. The New York Times. [ref. 30 avril 2023]
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Stanley-Becker, I., & Dwoskin, E. (2020, 1 novembre). Trump allies, largely unconstrained by Facebook’s rules against repeated falsehoods, cement pre-election dominance. Washington Post. [ref. 30 avril 2023]
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Frenkel, S., & Isaac, M. (2018, 19 septembre). Inside Facebook’s Election ‘War Room’. The New York Times. [ref. 30 avril 2023]
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Meta. (2021, 7 janvier). Our Response to the Violence in Washington. Meta. [ref. 30 avril 2023]
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Tran, H. M. (2021). Studying the Community of Trump Supporters on Twitter during the 2020 US Presidential Election via Hashtags # maga and # trump2020. Journalism and media2(4), 709‑731. [ref. 30 avril 2023]
https://doi.org/10.3390/journalmedia2040042

Permanent suspension of @realDonaldTrump. (s. d.). [ref. 30 avril 2023]
https://blog.twitter.com/en_us/topics/company/2020/suspension

Les réseaux sociaux ont-ils amplifié le pouvoir des fans dans l’industrie du divertissement ?

Les réseaux sociaux ont créé une nouvelle ère de fan culture, transformant la manière dont les fans interagissent avec l’industrie du divertissement. Mais comment se traduit concrètement cette montée en pouvoir des fans ? Les stars des réseaux sociaux sont-elles devenues les nouveaux maîtres de l’industrie du divertissement ? Comment les acteurs du divertissement s’adaptent-ils à cette nouvelle ère ? Dans cet article, nous explorons comment les réseaux sociaux ont changé la donne dans l’industrie du divertissement et comment les fans ont pris le contrôle grâce à ces plateformes.

Photo de John Schnobrich sur Unsplash

Game changers : comment les réseaux sociaux ont transformé l’industrie du jeu vidéo

Les communautés de fans ont toujours été très présentes dans l’industrie du jeu vidéo, on pourrait même considérer que cette dernière a été précurseur de la cocréation avec le principe des mods. Les mods, ou modifications, ce sont des contenus créés par les joueurs pour modifier ou ajouter des fonctionnalités à un jeu existant. Ils sont souvent créés par des fans passionnés qui souhaitent partager leur propre vision du jeu avec la communauté de joueurs et peuvent aller de simples ajustements de gameplay à des ajouts massifs de contenu, voire de nouvelles histoires ou de nouveaux univers.

Avec les mods, l’industrie du jeu vidéo a permis aux fans de devenir des créateurs et de contribuer activement au développement du jeu. Par exemple, le jeu Counter Strike, l’un des jeux de tir à la première personne les plus populaires de tous les temps, est en fait un mod crée par deux fans à partir du jeu Half-Life. Counter Strike a ensuite été racheté par Valve Corporation, qui a acquis les droits de propriété intellectuelle du jeu et a collaboré avec les créateurs pour le développer en tant que jeu autonome.

La contribution des fans était donc déjà bien implantée dans l’industrie du jeu vidéo avant l’ère des réseaux sociaux, mais leur arrivée a tout de même accéléré ce phénomène. Avant l’avènement des réseaux sociaux, la création de communautés de joueurs se faisait principalement à travers des forums de discussion, sites web spécialisés, blogs etc…, qui permettaient aux joueurs d’échanger des astuces, des mods et des avis sur les jeux vidéo qu’ils aimaient, mais étaient souvent moins interactifs et limitaient la richesse des échanges. Les réseaux sociaux, eux, permettent une communication plus directe et plus fréquente entre les joueurs et les développeurs, et grâce à ça on a des communautés de fans plus importantes et plus actives autour de leurs jeux préférés. Les réseaux sociaux ont également permis aux développeurs de lancer des campagnes de financement participatif, avec par exemple Kickstarter. Cela permet aux développeurs de recevoir des financements pour des projets qui ne sont ne pas soutenus par les éditeurs traditionnels, tout en créant une communauté de fans qui sont investis dans le développement du jeu. Les développeurs sont de plus en plus à l’écoute des commentaires des joueurs et les prennent en compte pour améliorer et élargir leurs offres.

Un bon exemple est Star Citizen, un jeu de simulation spatiale en cours de développement par Cloud Imperium Games. Les développeurs ont utilisé Kickstarter pour financer le jeu et ont depuis utilisé les réseaux sociaux pour interagir avec la communauté de fans et pour fournir des mises à jour sur le développement du jeu. Les fans ont également pu participer à des tests alpha et beta pour aider à améliorer le jeu. Dans les jeux plus populaires, on peut penser à Minecraft qui utilise fréquemment les réseaux sociaux pour interagir avec la communauté de joueurs et pour obtenir des nouvelles idées.

Finalement, les plateformes de streaming comme Twitch ont révolutionné la manière dont les fans interagissent avec les jeux et les joueurs professionnels. Grâce à ces plateformes, les fans peuvent regarder leurs joueurs préférés en direct, participer à des discussions en temps réel, et même leur apporter un soutien financier. Ces interactions ont renforcé la relation entre les fans et les joueurs, tout en permettant à de petits studios de jeux de bénéficier d’une promotion gratuite et d’un public plus large. Les réseaux sociaux ont également contribué à populariser l’e-sport, qui sont maintenant des événements majeurs, rivalisant avec les tournois sportifs traditionnels en termes de prestige et de financement.

Les réseaux sociaux : la nouvelle scène de l’industrie musicale

Les réseaux sociaux permettent aux artistes de se faire connaître et de promouvoir leur musique sans passer par les canaux traditionnels de l’industrie musicale. De nombreux artistes déjà bien en place, comme Aya Nakamura, délaissent les médias traditionnels comme la télévision pour la promotion de leurs projets, ils préfèrent ainsi les réseaux sociaux pour être moins dépendants des médias traditionnels et contrôler eux-même leur exposition médiatique. Pour ce qui est des artistes émergents, les réseaux sociaux jouent un réel rôle de propulseur de chansons et artistes au sommet des charts grâce à l’engagement des fans. Des titres peuvent devenir viraux grâce aux défis, aux mèmes ou aux vidéos créés par les utilisateurs, influençant ainsi les tendances musicales comment expliquer dans l’article Chanteurs, influenceurs, labels, comment faire de la musique sous le règne de TikTok ?. Par exemple, TikTok a joué un rôle majeur dans le succès de nombreux morceaux et artistes, tels que Lil Nas X et son titre « Old Town Road ».

Plus concrètement, certains artistes ont permis à leur fans de participer activement à la création de projets musicaux. Par exemple, le groupe Coldplay, a lancé un projet appelé « A Head Full of Dreams » en 2016, où les fans étaient invités à soumettre des vidéos d’eux en train de chanter une partie de la chanson « Amazing Day », pour être compilées dans un clip vidéo officiel.

De l’écran à l’écran : comment les réseaux sociaux ont créé une nouvelle ère de participation des fans

Les industries cinématographiques et télévisuelles n’échappent pas au phénomène de pression des fans sur les réseaux sociaux. Les producteurs et les réalisateurs peuvent maintenant utiliser les réseaux sociaux pour tester leurs idées et évaluer leur popularité auprès des fans avant de les mettre en production.

Les fans, eux, utilisent souvent les réseaux sociaux pour exprimer leur soutien ou leur mécontentement concernant le sort de leurs séries préférées. Des hashtags tels que #SaveOurShows ou #RenewOurShows sont fréquemment utilisés sur Twitter pour encourager les chaînes de télévision à renouveler ou annuler des séries en fonction de la mobilisation des fans. Bien que l’impact de ces campagnes puisse être difficile à mesurer, elles montrent que les réseaux sociaux offrent aux fans une plateforme pour exprimer leur passion et potentiellement influencer les décisions des producteurs.

C’est ce qui s’est passé pour la série « Sense8 » de Netflix, qui a été annulée en 2017 après deux saisons. Les fans se sont mobilisés sur les réseaux sociaux, notamment Twitter et Facebook, pour exprimer leur mécontentement et demander le retour de la série. En raison de l’engouement des fans et de la pression exercée sur les réseaux sociaux, Netflix a finalement accepté de produire un épisode spécial de deux heures pour conclure l’histoire.

Entre tendance et créativité : comment les réseaux sociaux affectent l’innovation dans l’industrie du divertissement

Bien que les réseaux sociaux offrent une plateforme pour les fans de s’exprimer, certains craignent que la prise en compte excessive de l’avis des fans ne conduise à une uniformisation du divertissement. En effet, les producteurs et les créateurs peuvent être tentés de suivre les tendances populaires sur les réseaux sociaux au lieu de prendre des risques créatifs ou de proposer des idées originales.

Par exemple, dans l’industrie du cinéma, de nombreux films sont adaptés de franchises populaires ou de livres à succès pour capitaliser sur une base de fans déjà existante. Bien que cela puisse être une stratégie efficace pour attirer un public, cela peut également conduire à une saturation du marché et à un manque de diversité dans les idées et les histoires présentées. De plus, les fans ayant de plus en plus de poids, même un créateur qui souhaite imposer une idée originale aura du mal à se faire entendre. C’est ce qui est arrivé aux créateurs de Game of Thrones : les fans, après avoir critiqué la saison finale, ont lancé une pétition en ligne pour refaire la saison. Cependant, les créateurs de la série, ont défendu leurs choix créatifs et ont déclaré qu’ils n’allaient pas la refaire.

Les réseaux sociaux ont donc définitivement amplifié le pouvoir des fans dans l’industrie du divertissement. Les fans ont maintenant la possibilité de dicter les tendances et de déterminer le succès des productions, créant une nouvelle ère de fan culture qui est là pour rester.

Laura Mariani

Bibliographie :

  • Morgane Brucelle. Fan culture : résistance et mémétique sur les médias sociaux. Littératures. Université Paul Valéry – Montpellier III, 2018. Français. ffNNT : 2018MON30021ff. fftel-02001831f
  • Ravenelle, C. (2021). Les fans qui modifient leurs jeux vidéo : études des communautés de moddings dans les intervalles des séries vidéoludiques de Bethesda. Érudit. https://doi.org/10.7202/1089618ar
  • DUMORTIER SAINT-LAURENT, C. (2021). RAPPORTS DE POUVOIR DANS LE DÉVELOPPEMENT OUVERT DE JEUX VIDÉO : LE CAS DE STAR CITIZEN [Mémoire de maitrise]. UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL.

Les antennes 5G propagent le coronavirus.

Qualifiée par Stephen Powis, directeur du NHS, de “fake news de la pire espèce”, cette théorie du complot a été largement diffusée sur les réseaux sociaux et dans les médias en ligne entraînant des incidents réels et des actes de vandalisme.

Une fake news aux conséquences bien réelles

Le 12 Mars, l’américain Thomas Cowan, qui se présente comme médecin,  publie sur Youtube une vidéo intitulée  “Coronavirus caused by 5G?”. Dans ses propos, il avance que la 5G aurait déstabilisé le champ magnétique terrestre et empoisonné l’espèce humaine. Le coronavirus serait ainsi né d’un être humain contaminé. Avant d’être supprimée sur Youtube, la vidéo est rapidement devenue virale, ayant été partagée quelque 16 000 fois sur Facebook et vue 390 000 fois. Au moins cinq autres chaînes YouTube ont elles aussi publié la même vidéo. Elle a aussi été relayée par une douzaine de pages Facebook, ainsi que sur Instagram et Twitter. Un des arguments phare de Thomas Cowan est que la première ville à être entièrement couverte par la 5G est Wuhan. Le parallèle est rapidement repris sur la toile avec des cartes faisant figurer une corrélation entre la propagation du virus et le déploiement de la 5G. 

Face à cette théorie, la communauté scientifique a fermement soutenu que la technologie 5G n’était pas responsable. Le Dr Simon Clarke, professeur de microbiologie cellulaire à l’université de Reading explique que les ondes radio 5G sont “loin d’être assez fortes pour affecter le système immunitaire”. Malgré un manque de fondements scientifiques, l’idée d’une corrélation entre la pandémie et la 5G s’est répandue dans le monde entier. Google trends, l’outil qui permet de savoir quels sont les mots clés les plus recherchés sur internet, a recensé un pic des mots clés “Coronavirus +5G” à compter du 26 janvier 2020, soit cinq jours après le premier cas identifié de malade du coronavirus aux États-Unis. Le quotidien américain The New York Times a repéré près de 500 groupes Facebook et des dizaines de comptes Twitter et Instagram propageant cette théorie conspirationniste. Certains prennent le parti que la 5G affaiblit nos défenses face au virus, d’autre que la technologie en est directement vectrice. La théorie circule aussi que le virus n’existe pas, il s’agirait d’un stratagème pour cacher les morts causés par la 5G. D’autres vont encore plus loin et affirment que le vaccin serait un moyen d’injecter à l’ensemble de la population des nanopuces 5G. 

En conséquence, plusieurs antennes ont été incendiées à travers le monde. Au Royaume-Uni, une vingtaine d’antennes-relais ont été vandalisées dans plusieurs grandes villes, notamment à Birmingham et Liverpool. Des ingénieurs du haut débit sont menacés et des techniciens en train d’installer des antennes sont même agressés physiquement. Les attaques sur ces relais de la 5G surnommés “tours de la morts” ont imposé une réponse ferme des institutions. Le ministre britannique Michael Gove est monté au créneau pour dénoncer cette « dangereuse ineptie ». Le Department for Digital, Culture, Media and Sport (équivalent des ministères de la Culture et des Sports réunis) a ajouté sur Twitter qu’il n’y avait « aucune preuve crédible » à ces allégations, tandis que l’association des réseaux de téléphonie britanniques, Mobile UK, s’est dite particulièrement « préoccupée » par ces rumeurs associées à la destruction de ces infrastructures utiles.

Le relais sur les réseaux sociaux

Les informations sur le lien entre 5G et Covid se sont diffusées très rapidement sur les réseaux sans passer par des canaux de vérification ou de validation. Selon une analyse de l’ONG britannique Full Fact, qui a examiné plus de 50 publications complotistes sur la 5G et le COVID-19, ces publications ont été partagées plus de 77 000 fois sur les réseaux sociaux, y compris sur Facebook, Twitter et Instagram. Une autre étude menée par l’Université de Technologie de Swinburne en Australie a révélé que les théories du complot sur la 5G et le COVID-19 avaient été partagées plus de 53 000 fois sur Twitter au cours d’une semaine en avril 2020. Ces chiffres ne représentent qu’une partie de la propagation de cette théorie du complot, car elle a également été diffusée par le biais de vidéos, de groupes de discussion en ligne, de messagerie instantanée et d’autres canaux de communication numériques.

Notons que les algorithmes de recommandation des réseaux sociaux suggèrent des contenus similaires à ceux que les utilisateurs ont déjà consultés. Cela peut conduire à la formation de bulles de filtres, où les utilisateurs sont exposés à des contenus qui renforcent leurs croyances et leurs opinions. Si un utilisateur a consulté ou partagé des publications complotistes sur la 5G et le COVID-19, les algorithmes de recommandation peuvent lui suggérer d’autres contenus similaires, ce qui peut amplifier la propagation de la théorie du complot. 

L’essor de cette fake news a été amplifié par des personnalités publiques, célébrités et politiciens, qui ont partagé des publications la soutenant. Par exemple, la chanteuse américaine Keri Hilson a causé la controverse en la relayant à ses 2,3 millions d’abonnés Instagram, avant de la supprimer.

La réponse des plateformes

Face à la propagation de la théorie du complot 5G, différents réseaux sociaux ont pris une série de mesures. Instagram, par exemple, a commencé à étiqueter les publications liées à la 5G qui contiennent des informations fausses ou trompeuses. Lorsque la publication a été identifiée comme étant trompeuse, les utilisateurs voient une alerte en haut de l’écran avec un lien vers des informations fiables pour aider à éclairer le sujet.En parallèle, Facebook, YouTube et Twitter ont tous supprimé des vidéos et des publications qui propageaient activement la théorie du complot selon laquelle le COVID-19 est propagé par la 5G.

En avril 2020, Google a annoncé que les publications qui propagent des théories du complot liées à la 5G et au COVID-19 seraient rétrogradées dans les résultats de recherche. Cette mesure visait à réduire la visibilité de la désinformation. Au même moment, Facebook a qu’il travaillerait avec des organisations de fact-checking pour vérifier les publications liées à la 5G et au COVID-19. Les publications identifiées comme contenant des informations fausses ou trompeuses ont été étiquetées comme telles.

La propagation de la théorie du complot selon laquelle le COVID-19 est propagé par la 5G est un exemple marquant de la puissance des réseaux sociaux pour diffuser des fausses informations à grande échelle. Elle illustre la part de responsabilité des réseaux sociaux, l’importance du fact-checking et les risques liés à la désinformation.

Inès de Rozaven

Apple privacy vs. mobile ad ecosystem

Apple’s ATT is « Privacy by default, abuse by design »

Thomas Hoppner / Philipp Westerhoff – Hausfeld Competition Bulletin, Spring 2021

            La mise à jour d’iOS14.5 introduit pour les détenteurs d’un iPhone : l’Apple Tracking Transparancy (ATT). Cette fonctionnalité est imposée aux développeurs qui veulent voir leur application téléchargeable au sein de l’Apple app store. L’ATT est la fenêtre qui s’ouvre lors de la première ouverture de n’importe laquelle de vos applications mobiles et qui vous demande de choisir :

Apple prompt. Source : Apple Inc.

Elle a, de ce fait, eu des conséquences sur l’écosystème publicitaire mobile en réduisant certaines possibilités de ciblage et d’analyse des campagnes, ce qui s’est traduit en premier lieu par une augmentation des coûts d’acquisition. C’est une mesure qui est d’un côté, saluée et de l’autre critiquée. En effet, la demande, soit les mobinautes et certains acteurs publics en sont contents dans la mesure où elle s’ancre dans une logique grandissante de protection des données personnelles, mais de l’autre côté de ce marché biface se trouvent les annonceurs publicitaires et développeurs qui estiment que la marque à la pomme fait preuve d’hypocrisie, se réservant la data pour ses propres usages. 

Apple possède 18% des parts sur le marché mobile qui est estimé à 5,31 milliards d’utilisateurs en 2022. Même si les systèmes Android sont largement dominant à l’échelle mondiale, les utilisateurs iPhone sont de précieux clients puisqu’ils ont tendance à dépenser plus d’argent (et sont en majorité sur le marché nord-américain). De plus, fin 2021, 89% des utilisateurs d’iPhone auraient fait la mise à jour système (ce chiffre a nécessairement augmenté). Nous sommes ainsi sur une base d’utilisateurs entre 800 millions et 1 milliard dont les données personnelles sont un élément structurant de business modèles basés sur la gratuité financée par la publicité ciblée. Ces derniers possèdent leur propre DSP, gestionnaire publicitaire de mise en relation entre annonceurs et mobinautes et selon certaines estimations auraient connu une perte de revenus total de 16 milliards de dollars. 

Il est difficile de faire un exposé précis et chiffré de l’impact de l’ATT sur ce marché puisqu’un grand nombre de causes peuvent venir perturber les enchères programmatiques, je vais tenter aujourd’hui d’en expliquer les raisons. 

L’impact technique de l’Apple Tracking Transparancy ?

Les utilisateurs d’iPhones pouvaient déjà avant cette mise à jour restreindre le traçage publicitaire de leurs applications téléchargées, ils avaient la possibilité d’activer le Limited Ad Tracking (LAT) dans les réglages. Le grand changement avec iOS 14.5 est qu’ils doivent se prononcer au premier lancement de chacune de leurs applications. Ainsi, si un usager accepte le traçage publicitaire, Apple communiquera au développeur de l’application un identifiant à usage publicitaire IDFA (identifier for advertisers). C’est une chaîne de caractère unique et anonymisée qui est assignée par Apple à votre terminal (nous pouvons la comparer à une version iOS du cookie tiers de Google qui va lui aussi bientôt disparaître). Concrètement, cet identifiant permet retracer le parcours d’un utilisateur, faisant des liens inter-applications ou inter-sites web, depuis son exposition à une publicité à son potentiel succès et ainsi permettre aux annonceurs de faire des analyses de KPI au sein de leur campagne. L’IDFA permet :

  • Le retargeting : pouvoir cibler les internautes qui ont déjà interagis avec un annonceur.
  • De mesurer les conversions et attribuer à un network les évènements recensés. 
  • De cibler d’audiences pertinentes avec contrôle de la fréquence d’exposition.

Ainsi posé, sans IDFA, la prévision, l’optimisation des coûts et budgets devient compliquée. Refuser le traçage publicitaire signifie que le développeur n’a à sa disposition que les données dites first-party. Apple met à disposition des développeurs, et ce sans demande de consentement, l’IDFV (identifier for vendors) qui lui permet de récolter les données des usages dans l’application. Cet identifiant est différent pour chaque application mais unique par développeur (Par exemple : il sera le même pour Facebook et Instagram tous les deux possédés par Meta). Il y ainsi deux catégories d’utilisateurs, ceux qui ont accepté le traçage (opt-in) et ceux qui ont refusé (opt-out). 

Apple propose tout de même une API pour la remontée des données du nom de SKAdNetwork. Tant les ad network, les apps qui diffusent la pub que celles qui cherchent à se promouvoir doivent s’inscrire auprès d’Apple pour pouvoir utiliser le service. Ce dernier ne peut être aussi précis que posséder l’IDFA (puisqu’il était un lien direct entre l’app et son utilisateur) :  

  • Il ne fait pas la distinction entre les opt-in et opt-out (progressivement les annonceurs n’auront pas le choix que de passer par SKAN)
  • Le nombre de campagnes pouvant être lancé est limitée
  • Il n’y a aucune remontée en dessous d’un certain seuil et elles ne sont pas en temps réel (les premiers chiffres mettent 24 à 48h – le temps de perdre pas mal d’argent).

Cette mise à jour a donc provoqué des changements au sein de l’écosystème puisqu’il est plus difficile et moins rentable de tester ses formats publicitaires. Ceci complique l’optimisation des campagnes et implique une réduction des budgets annonceurs. En effet, les dépenses publicitaires pour les apps mobiles ont diminué de 5% en 2022, les grands perdants seraient Meta et Snapchat, mais il est difficile d’attribuer cette baisse uniquement à l’ATT.

Le prompt obligatoire n’est pas si efficace 

Le choix de l’utilisateur est une variable au sein de l’ATT et les taux d’attribution des IDFA ont augmenté depuis le printemps 2021 (la publicité est-elle l’ennemi?), les développeurs adaptent les messages affichés. Certaines projections étaient pessimistes, allaient chercher un taux d’opt-out de 98%, d’autres se positionnaient plus aux alentours des 50%. Cependant, ces taux sont différents en fonction :

  • des applications : les réseaux sociaux et notamment Facebook dont les polémiques liées à l’usage des données personnelles ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières années accuse des taux d’opt-in les plus bas)
  • des pays (en décembre 2021 la France compte un taux d’opt-in à 55% là où les États-Unis sont à 37%). 

De plus, certaines applications trouvent des moyens pour contourner le système de l’ATT. Nous retrouvons des techniques de suivi de cohorte ou l’identification d’individus de manière probabiliste (technique de fingerprinting : des applications calculent et acceptent un identifiant dérivé de l’empreinte digitale en utilisant un code côté serveur). Nous pouvons penser aussi au studio français Voodoo qui a été condamné par la CNIL en fin d’année dernière pour avoir utilisé l’IDFV à des fins publicitaire ou l’annonce récente de Shopify qui s’allie à Google et Meta dans le cadre d’un partage de leurs données. 

Une conjoncture économique défavorable mais tout de même lucrative

La pandémie a également amené une certaine imprévisibilité dans les dépenses médias. De plus, le gain en popularité de Tiktok met également à mal ces réseaux puisqu’il vient prendre dans le budget marketing des annonceurs. Cependant, les réseaux sociaux mobiles continuent de croître en utilisateurs, ces nouveaux médias prennent leur parts dans les médias traditionnels ainsi que les médias numériques qui ne peuvent que difficilement rester indépendants face aux réglementations sur le respect de la vie privée. 

Toutes les prévisions annonçaient un impact important sur Facebook mais qui en même temps perd en DAU l’année dernière alors qu’il investit massivement dans les technologies liées au métavers. En effet, le manque à gagner de $10 milliard annoncé par le groupe est équivalent aux dépenses qu’il réalise. Cette année, eMarketer prévoit que les annonceurs américains dépenseront 58,11 milliards de dollars en publicités Facebook, soit une hausse de 15 % par rapport à l’année précédente, malgré les modifications apportées à iOS.

L’écosystème publicitaire, terrain de jeu pour les entreprises de la tech ?

Apple qui jusque lors était une entreprise spécialisée dans le hardware, opère – en même temps que la baisse progressive de ses ventes – sa transition vers une entreprises de software et avec son dispositif publicitaire Search Ads au sein de l’Apple Store, vers une part des budgets marketings, précisément gardés par Facebook. Les deux géants de la technologie auraient par ailleurs étés en pourparlers sur un accord de partage des revenus, il était mention d’une éventuelle version de Facebook sans publicité et par abonnement. Apple aurait ainsi considéré les revenus d’abonnements à Facebook comme un achat In-App qui lui aurait rapporté 30% de commission. Quelques temps après le non-aboutissement de ces négociations, Apple propose iOS14.5 et une campagne marketing qui met l’accent sur le respect de la vie privée de ses consommateurs. L’entreprise creuse ainsi son conflit existant avec la coalition d’éditeurs d’applications qui sont contre son pouvoir monopolistique.  

Ainsi, même si le suivi des utilisateurs individuels est plus difficile aujourd’hui, les changements renforcent le pouvoir de marché existant d’Apple (ou d’Amazon qui ne dépend aucunement de données tierces) ayant accès à de grandes quantités de données de première main et motivent un contre-mouvement n’allant pas nécessairement dans le sens du respect des données personnelles.

Alexandra Levigne.

Sources et pour aller plus loin : 

OECD (2013-12-16), “The App Economy”, OECD Digital Economy Papers, No. 230, OECD Publishing, Paris. http://dx.doi.org/10.1787/5k3ttftlv95k-en

APPLEYARD Bryan, « Facebook et Apple : la pomme de discorde », Books, 2021/4 (N° 116), p. 41-45. DOI : 10.3917/books.116.0041. URL : https://www-cairn-info.proxy.bu.dauphine.fr/magazine-books-2021-4-page-41.htm

Konrad Kollnig, Anastasia Shuba, Max Van Kleek, Reuben Binns, Nigel Shadbolt (06-2022), “Goodbye Tracking? Impact of iOS App Tracking Transparency and Privacy Labels". FAccT '22: 2022 ACM Conference on Fairness, Accountability, and TransparencyJune 2022 Pages 508–520https://doi.org/10.1145/3531146.3533116

Rapports sur les opt-in et opt-out : 
Tableau de bord interactif par Appsflyer (consultée le 17/01/23)
Carte interactive des IDFA par remerge (consultée le 24/01/23)
Prévisions des eMarketers (consulté le 24/01/23) 
Prévisions de Flurry (consulté le 24/01/23)
Prévisions par AdAge (consulté le 27/01/23

Prédictions des tendances mobile marketing 2023 par Appsflyer (consulté le 17/01/23)
Rapport par Lotame : IDFA impact on big tech (consulté le 24/01/23)

Condamnations de la CNIl : 
Apple : 
CNIL (04-01-2023), "Identifiant publicitaire : sanction de 8 millions d’euros à l’encontre de APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL"
https://www.cnil.fr/fr/identifiant-publicitaire-sanction-de-8-millions-deuros-lencontre-de-apple-distribution-international (ouvert le 3 Janvier 2023)
Voodoo :
CNIL, (17-01-2023), "Jeux mobiles : la CNIL sanctionne VOODOO à hauteur de 3 millions d’euros"
https://www.cnil.fr/fr/jeux-mobiles-la-cnil-sanctionne-voodoo-hauteur-de-3-millions-deuros (ouvert le 24 Janvier 2023)

Shopify s’allie à Google et Meta : 
Claudia Cohen, (03-01-2023), "Publicité ciblée: Shopify s’allie avec Meta et Google"
https://www.lefigaro.fr/medias/publicite-ciblee-shopify-s-allie-avec-meta-et-google-20230103 (ouvert le 24 Janvier 2023)


Coalition app fairness et France Digitale : 
https://francedigitale.org/combat/france-digitale-rejoint-la-coalition-for-app-fairness/
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Stratégie de communication politique sur les réseaux sociaux.

Jean-Luc Mélenchon : entre homme politique et influenceur.

– écrit par Alexandra levigne

Nous ne présentons plus Jean-Luc Mélenchon (JLM), candidat et fondateur de La France Insoumise (LFI), qui est arrivé troisième à 421 420 voix, derrière Marine LePen, lors du premier tour des élections présidentielles françaises. Sensible aux nouvelles technologies, il capitalise sur la multiplicité des supports numériques dans sa stratégie de communication afin de toucher le plus grand nombre d’électeurs. « Notre but, c’est de parler à tout le monde » s’exprime ainsi Antoine Léaument, responsable de la communication numérique du candidat ainsi que de LFI. Ils semblent cependant avoir été entendus en majorité par les moins de 34 ans et la communication portée par le candidat de l’Union Populaire sur les réseaux sociaux tout au long de la campagne a ainsi nécessairement joué dans les résultats. C’est la raison qui nous pousse aujourd’hui à étudier le comportement de Jean-Luc Mélenchon sur les réseaux sociaux. 

Avant toute chose, il est important de revenir sur le positionnement idéologique du parti qui va évidemment influencer le discours politique tenu par le candidat sur les réseaux. Depuis la disparition de la fédération des forces de gauches alternatives, le mouvement centré autour de la personne de Jean-luc Mélenchon opte depuis 2013 pour une stratégie dite « populiste ». Le mouvement se place en opposition aux « élites » du pays justifiant ainsi le contournement du système journalistique classique au profit de la liberté conférée par les réseaux sociaux. C’est pour cela que Jean-Luc Mélenchon emploie un ton direct et personnel tant, lorsqu’il s’adresse au « peuple », que, comme nous allons le constater, sur ses réseaux.

Pour commencer notre étude, nous allons nous focaliser sur la chaîne YouTube de Jean-Luc Mélenchon, créée le 1er janvier 2012. Il s’investit pleinement sur YouTube à l’approche des élections de 2017 et fait grimper en quelques mois de 20 000 à 100 000 son nombre d’abonnés. 

Cette hausse est attribuée aux nouveaux formats de vidéos proposés par JLM, nous retrouvons ainsi :
– « Pas vu à la télé » : interventions de personnalités peu médiatisées s’exprimant sur des sujets d’actualité. La volonté de rompre avec la couverture médiatique de la télévision est affirmée.
– « Revue de la semaine » : émission toujours phare de la chaîne, celle-ci met en scène JLM ressassant les événements de la semaine qui l’ont intéressé. Cette série, inspirée par différents contenus publiés sur la plateforme, s’ancre parfaitement dans les codes de YouTube. Le candidat s’adresse à la caméra avec un ton direct et personnel. 

Aujourd’hui, sur la chaîne se sont ajouté les formats :

Comme il est fréquent d’en voir YouTube, ce type de contenus permet d’augmenter l’engagement et l’interaction avec l’audience

Rediffusions d’apparition à l’Assemblée nationale (redirection en cliquant en sur le bouton), sur les plateaux télé, ou lors de diverses instances (commissions de travail, discours et meetings…)

En 2022, il s’agit de « Nos pas ouvrent le chemin » faisant en moyenne plus de 50 000 vues sur des sujets diverses, d’actualité politique (la guerre en Ukraine, l’envol d’Ariane 5…) ou couvrant des événements de la campagne (débats, meetings politiques…)

Jean-Luc Mélenchon explique en 2016 que c’est en regardant des vidéos YouTube qu’il a compris ce que c’était d’être YouTubeur et devient ainsi le premier « YouTubeur politicien » à se fondre parfaitement dans le type de contenu visionné sur la plateforme. L’intérêt de cet investissement est d’un côté, l’audience captée par ses contenus et de l’autre, la liberté totale sur les sujets abordés, le style de vidéo et tout simplement la maîtrise de son image. En effet, la narrative employée rend le candidat plus sympathique mais surtout proche de son public. Le pari, gagné, de ses équipes a été de créer une belle image de marque autour de JLM. 

C’est dans cette même optique que le compte TikTok de JLM voit le jour. Ce nouveau réseau au format vidéo vertical qui gagne en popularité auprès des jeunes est une case incontournable de sa campagne. Ayant dépassé les deux millions d’abonnés le 28 avril 2022, le compte reprend également les codes de la plateforme. Sur un ton léger et auto dérisoire, il partage de courtes vidéos humoristiques dans un objectif de viralité, des extraits sous-titrés de ses passages à la télévision ainsi que des vidéos derrière les coulisses afin d’inviter ses abonnés au sein de son intimité. Ces différents formats suscitent de la sympathie envers JLM. C’est ici un personal branding réussit puisqu’il s’agit bien d’une personnalité et non pas d’un programme politique qui est mis en avant.

JLM possède bien évidemment un compte Twitter, réseau social populaire dans le milieu de la politique pour la liberté d’expression qu’il permet. L’enjeu pour le candidat sur cette plateforme est avant tout, d’être présent et visible. C’est ce que nous observons par la forte fréquence de publications, du newsjacking intelligent, les live tweets lors de débats avec la mise en avant d’hashtag pour encourager la discussion et les réactions, et finalement l’usage fréquent du format vidéo (pour rediffuser les interventions médiatiques du candidat) qui est mise en avant par l’algorithme de la plateforme.

Le compte Instagram de JLM, du haut de ses 317 000 abonnés utilise toutes les fonctionnalités de la plateforme. Nous y retrouvons des stories (ainsi que stories a la une), des carrousels, des vidéos (extraits de ses apparitions télévisées sous titrées) et même de la création de filtres. En effet, le « mini-hologramme de poche », filtre en réalité augmentée (disponible également sur Snapchat) permet de retrouver le candidat dans son salon, de sorte à se démarquer des autres candidats, mais également de marquer les esprits avec du earned media. Le candidat fait également de la publicité pour ses autres réseaux : en premier lieu Twitter, proposant des photos de ses tweets sur son profil et en second lieu TikTok, re-postant ses publications en réels. 
Sa page Facebook adopte un format de contenu similaire avec l’usage du même texte pour les descriptions des photos (nous observons cependant plus d’émoticônes sur Facebook, probablement pour attirer l’attention.) Finalement, sur LinkedIn nous avons une stratégie axée sur la curiosité des utilisateurs. Les publications journalières reprennent les actualités « Insoumises » avec des visuels explicatifs et un lien vers un article pour une lecture approfondie du sujet. 

Ainsi dit, Jean-Luc Mélenchon bénéficie aujourd’hui d’une belle notoriété en ligne, propre à sa personne. Cela est dû au fait qu’il est présent sur tous les réseaux, il possède également une chaîne Twitch sur laquelle il interagit fréquemment avec son audience et un serveur Discord pour les partisans du mouvement (il existe aussi un grand nombre de pages privées pour la communauté des Insoumis). En s’appropriant de manière intelligente les codes des réseaux sociaux, il a réussi à s’imposer sur des canaux jusque-là difficiles d’accès pour les hommes politiques. Là où ses concurrents s’en remettent à leurs conseillers qui adaptent le message, Monsieur Mélenchon et son équipe semblent reconnaitre les segments d’utilisateurs, leurs intérêts et leurs appétences pour les réseaux qu’ils consomment. De ce fait, la force de sa communication réside dans la manière dont il est capable d’adapter non pas uniquement son message mais bien sa personne au réseau en question. Comme Arnaud Mercier, journaliste pour France Culture le souligne, il devient sur YouTube « Youtubeur Politique » et sur TikTok « TikTokeur Politique » expliquant ainsi son gain en popularité auprès des audiences majoritairement jeunes de ses réseaux. Il bénéficie également d’un grand soutien de la part de sa communauté d’insoumis qui prennent des initiatives, le soutiennent sur les réseaux et fédèrent ses partisans autour de leur projet commun.

Sources :

  • Les comptes officiels de Jean-Luc Mélenchon sur différents réseaux. Les liens sont mis en description d’images.
  • Bristielle Antoine, « YouTube comme média politique : les différences de contenu entre interviews politiques classiques et émissions en ligne de trois représentants de La France insoumise »

https://www.cairn.info/revue-mots-2020-2-page-103.htm

  • Theviot Anaïs, « Faire campagne sur Youtube : une nouvelle « grammaire » pour contrôler sa communication et influer sur le cadrage médiatique ? »

https://www.cairn.info/revue-politiques-de-communication-2019-2-page-67.htm

  • Klara Durand, « La campagne présidentielle sur les réseaux sociaux : qui remporte le match ? »

https://www.publicsenat.fr/article/politique/la-campagne-presidentielle-sur-les-reseaux-sociaux-qui-remporte-le-match-201682

  • Arnaud Mercier, « 2017-2022 : comment leur communication a évolué d’une présidentielle à l’autre »

https://www.franceculture.fr/politique/2017-2022-comment-leur-communication-a-evolue-dune-presidentielle-a-lautre

  • Pauline Graulle, « Présidentielle : la stratégie gagnante de Mélenchon dans les villes et les quartiers populaires »

https://www.mediapart.fr/journal/france/130422/presidentielle-la-strategie-gagnante-de-melenchon-dans-les-villes-et-les-quartiers-populaires

  • Scores délivrés par l’observatoire politique de Favikon sur la présence médiatique des candidats.

https://www.favikon.com/analyses/bilan-avant-les-presidentielles-2022

  • Ohiab Allal-Cherif, « Comment le numérique a propulsé la campagne de Jean-Luc Mélenchon »

https://www.forbes.fr/business/comment-le-numerique-a-propulse-la-campagne-de-jean-luc-melenchon

Présidentielle 2022 : Les réseaux sociaux ont-ils fait l’élection ?

(Montage AFP)

Il s’est écoulé une semaine depuis le second tour de l’élection présidentielle 2022. Une élection présidentielle très souvent qualifiée d’abstraite ou mise au second plan étant donné l’actualité récente, en particulier la guerre en Ukraine. Une élection présidentielle dont l’équation présentait 3 candidats potentiellement qualifiables pour le second tour. Une élection présidentielle où les réseaux sociaux étaient considérés comme un facteur déterminant, pouvant ainsi faire basculer les résultats. En effet, ces nouveaux moyens de communication sont aujourd’hui omniprésents dans la stratégie politique des candidats. Les réseaux sociaux change la manière de communiquer et sont utilisés comme de précieux procédés pour atteindre directement les électeurs, dans leur vie de tous les jours. Les candidats ont ainsi pour but d’orienter, voire de manipuler, un avis ou une opinion en leur faveur. Il a donc été possible de voir Marine Le Pen chanter sur Tik Tok, Eric Zemmour annoncer sa candidature sur YouTube ou encore Jean-Luc Mélenchon en conférence sur Twitch ! Ceci, afin de toucher un plus large public, en particulier les plus jeunes votants qui se désintéressent de plus en plus des médias classiques. Cependant, on peut se questionner sur l’utilisation des réseaux sociaux et donc de l’emploi du big data pour le compte d’un candidat. L’usage de données récoltées par les militants dans le but de convaincre l’auditoire français indécis est également questionnable aux vues de certaines techniques mises en place, pas toujours très honnêtes et transparentes.

Un ciblage d’électeurs indécis

Depuis certains scandales, il est, en effet, tout à fait normal de se demander comment sont récoltées et utilisées nos données dans le but d’influencer nos futurs choix électoraux. Rappelons l’esclandre du dossier Cambridge Analytica qui en 2015 avait recueilli les données de près de 87 millions d’utilisateurs de Facebook via une application externe (Business Insider, 2019). Des données personnelles ont été récoltées, comme les lieux de vie ou encore les pages que les utilisateurs suivaient, dans l’optique de créer des profils psychologiques, analysant les caractéristiques et les traits de personnalités des utilisateurs concernés. On sait que ces informations ont ensuite été traitées dans le cadre de la présidentielle de 2016 aux Etats-Unis qui a vu Trump se faire élire (Les Echos, 2018). Tout cela, sans le consentement des utilisateurs. Ces pratiques sont aujourd’hui abordées en France de manière précautionneuse par les politiques suite à ce scandale mais aussi aux lois instaurées, en 2018, sur le RGPD et la protection des données. Pour cette campagne 2022, Anaïs Théviot, maîtresse de conférence en sciences politiques, mentionne l’utilisation de logiciels comme Nation Builder qui permet de proposer un ciblage efficace de la communication des campagnes électorales pour influencer et inciter les potentiels électeurs à voter pour le candidat en question. Un ciblage basé sur des données recueillies via les réseaux sociaux et les données de l’INSEE (France Culture, 2022).

Le paysage des candidats suivis sur les réseaux sociaux

Un outil stratégique

Les réseaux sociaux ont joué un rôle primordial dans la campagne présidentielle française 2022 : ils ne sont plus seulement un outil de communication à destination des jeunes générations, mais bien un outil stratégique, tel une porte d’entrée pour susciter les votes envers un candidat en particulier. Véritable moyen de désintermédiation, il permet au candidat de rentrer directement en contact avec un électorat potentiel sans passer par le biais de médias classiques. Les candidats, et en particulier ceux des partis extrêmistes, sont ainsi moins exposés à la censure potentielle ou l’analyse orientée des journalistes politiques. Avec cet outil, les candidats peuvent désormais discuter avec leur électorat et plus seulement communiquer. Fabienne Greffet, maîtresse de conférences en science politique, mentionnait même : « l’espace télévisé n’est plus l’espace naturel où va se déployer la campagne » (Ouest France, 2022). Et pour atteindre le plus grand nombre de personnes, il faut être capable de se déployer rapidement, et ce, peu importe les moyens, comme le soutenait Samuel Lafont chargé de communication et de stratégie numérique pour le compte de la campagne d’Eric Zemmour. Des moyens légaux certes, mais pouvant être qualifiés de peu éthiques. Vincent Bresson, journaliste et auteur de l’enquête en inflitré dans la campagne de Zemmour « Au cœur du Z», dénonce des aspects difficilement avouables des stratégies numériques mises en place via les réseaux sociaux. La réécriture continuelle de la page Wikipédia du candidat Zemmour cherchant ainsi à minimiser ses positions extrémistes, en est un parfait exemple, lorsqu’on sait que sa page Wikipédia était une des pages francophones les plus consultées pendant la campagne présidentielle. Un autre phénomène s’est fortement développé sur les réseaux sociaux pendant cette campagne : l’astroturfing. Pour rappel, l’astroturfing est le fait de donner l’impression qu’il y a une prise de décision ou d’action collective spontanée sur un sujet en particulier, alors que celle-ci a été effectuée de manière coordonnée. Vincent Bresson met en exergue l’utilisation de messagerie cryptée sur lesquelles les équipes de campagne d’Eric Zemmour, et probablement celles des autres candidats, encourageaient les militants à lancer, par exemple, un hashtag, qu’ils devaient poster ou partager sur les réseaux. Les équipes des candidats leur envoient du contenu à copier-coller comme des textes, des photos ou des vidéos, et les incitent à les repartager de manière faussement spontanée, dans le but de se rendre visible. Le hashtag se retrouvera alors placé en top tweet et sera visible, likeable et partageable pour les autres utilisateurs, contribuant ainsi à l’effet astroturfing. Les médias classiques peuvent parfois même s’emparer de l’information sans avoir conscience de la mécanique artificielle, puisque floués par l’effet astroturfing, et ainsi la diffuser sur des médias plus classiques comme la télévision. L’astroturfing est particulièrement observable sur les groupes Facebook dont les intérêts n’ont aucun rapport avec la politique, mais dont les membres sont d’éventuels prospects. Après s’être infiltrés dans ces groupes, les militants partagent du contenu dans le but de voir celui-ci être relayé. Une technique de référencement a également pu être établie : un moteur de recherche appelé « Zemmour pour tous » qui permet de rechercher des vidéos, toutes hébergées sur Youtube, où intervient Eric Zemmour. L’algorithme de référencement de Youtube (SEO) intègre alors les recherches de ces vidéos en associant aux vidéos un mot clé rentré sur le moteur de recherche. Cela permet d’avoir en recommendation sur YouTube des vidéos d’Eric Zemmour, dès lors qu’on rentre le mot clé sur la plateforme.

Une croissance particulièrement forte chez Eric Zemmour

Une question d’adhésion

Toutes ces techniques constituent la première étape du déroulé d’une élection sur les réseaux sociaux, l’objectif étant de susciter la curiosité et l’intérêt des potentiels électeurs et des indécis. Le principal but de cette étape est de faire connaître le candidat en question et que les français en parlent. Ce qui a été le cas pour tous les protagonistes au moment de leur annonce de candidature. L’attrait des utilisateurs peut être mesurable en regardant les statistiques des réseaux sociaux, comme le nombre de followers, de likes ou de partages. Une mesure qui a démontré que les moyens déployés par l’équipe de campagne d’Eric Zemmour ont été efficaces, puisqu’il a multiplié par quatre sa base d’abonnés depuis septembre 2021 (Les Echos, 2022). Cependant, il faut garder en mémoire que des faux comptes peuvent être créés, dupliqués ou que des faux followers peuvent être achetés, pour influer sur les chiffres. Plus l’échéance de l’élection approche, plus les candidats doivent transformer cet intérêt en adhésion et donc en vote, ce qui constitue la seconde étape. L’adhésion se gagne avec une communication positive du candidat, en lui donnant une stature présidentiable grâce à deux ou trois points stratégiquement forts de son programme. Un très bon moyen de savoir si la stratégie arrive à établir une logique d’adhésion est, d’après Véronique Reille Soult spécialiste en communication et e-réputation, de regarder si la communauté adepte du candidat commence à pénétrer d’autres communautés en faisant passer ses messages (Ouest France, 2022). Les faux comptes et autres comptes fantômes n’auront donc aucun impact dans cette logique puisqu’ils seront inutiles pour communiquer envers d’autres communautés. Toujours dans cette logique d’adhésion, les réseaux sociaux peuvent aussi être employés pour décrédibiliser un candidat concurrent, à l’image des « Macron Leaks » en 2017 qui constituaient le piratage d’origine inconnue de plus de 20000 documents électroniques reliés à la campagne du futur président qui ont été rendus public quelques jours avant le vote du second tour (France Culture, 2022). Les réseaux sociaux se sont donc emparés très rapidement de l’information et ont amplifié sa propagation.

Les réseaux sociaux ne servent pas uniquement à suciter l’intérêt, ils s’inscrivent également dans une logique d’adhésion des électeurs pour un candidat.

Pour conclure, les réseaux sociaux ont eu une place importante dans l’élection présidentielle puisque la grande majorité de la population française se renseigne aujourd’hui via internet et notamment les réseaux sociaux. Tout l’enjeu de la stratégie d’une campagne numérique est d’être présent là où les électeurs se trouvent pour tenter de récolter le plus de voix possible. Néanmoins, cela n’aura pas forcément renversé la tendance pour cette élection car certains candidats n’ont pas réussi à transformer l’intérêt suscité en adhésion, puis en vote. Dans des situations de choix complexes, on ne se rapporte pas forcément à des choses de l’ordre du rationnel mais de l’ordre de l’affect (jeune, sympa, cool…), comme sur Instagram ou TikTok avec Macron se prenant en selfie vidéo ou Marine le Pen chantant du Dalida. Qu’on le veuille ou non, cela à un impact sur notre vote (Hugo Decrypte, 2022). Certains processus, passant souvent inaperçus, sont employés par les équipes de campagne pour influencer et de manipuler les choix des votants. Des techniques comme l’astroturfing encouragent le repartage d’une information, sans vérification de source, pour la rendre spontanée et ainsi renforcer sa crédibilité. Cette propagande via les réseaux sociaux sera une menace grandissante pour les futures élections, si nous n’éveillons pas la conscience des votants à l’égard des pratiques employées et si nous n’éduquons pas les électeurs sur les données qu’ils partagent, qu’ils likent ou qu’ils suivent. On constate que le débat ne porte plus principalement sur le fond mais sur la forme et que, entre punchlines et fake news, les réseaux sociaux sont adaptés à ce nouveau genre de communication. Une tendance qui va certainement s’accélérer sur les prochaines élections.

Chloé Sangiorgio

Références

AFP, (2022) . [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-comment-les-reseaux-sociaux-bousculent-la-campagne-31-10-2021-3OVRHGGXUFANNI6IWXWXXBZHX4.php [Accedé le 1 Mai 2022].

Bresson, V., 2022. Au cœur du Z. ed. Goutte d’or.

Corsan, O., (2022) . [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-comment-les-reseaux-sociaux-bousculent-la-campagne-31-10-2021-3OVRHGGXUFANNI6IWXWXXBZHX4 [Accedé le 1 Mai 2022].

Grandin, J., 2022. La présidentielle se joue aussi sur les réseaux sociaux. Les Echos, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle/la-presidentielle-se-joue-aussi-sur-les-reseaux-sociaux-1399033 [Accédé le 27 April 2022].

Hasson-Fauré, N., 2022. Présidentielle 2022. « Comment les candidats à l’élection présidentielle utilisent-ils les réseaux sociaux ? ». Ouest France, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-02-14/comment-les-candidats-a-lelection-presidentielle-utilisent-ils-les-reseaux-sociaux-65a2c6dd-dd8f-4d5e-bc28-5d305cf758ad [Accédé le 25 Avril 2022].

Hugo Decrypte, (2022). Le Master SIREN invite Hugo Decrypte. Université Paris-Dauphine, 26 Avril 2022.

Ma, A. et Gilbert, B., 2019. Facebook understood how dangerous the Trump-linked data firm Cambridge Analytica could be much earlier than it previously said. Here’s everything that’s happened up until now.. Business Insider, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.businessinsider.com/cambridge-analytica-a-guide-to-the-trump-linked-data-firm-that-harvested-50-million-facebook-profiles-2018-3?r=US&IR=T [Accédé le 25 Avril 2022].

Philipps, G., 2022. Les réseaux peuvent-ils destabiliser l’élection ?. France Culture, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.franceculture.fr/politique/presidentielle-2022-les-reseaux-peuvent-ils-destabiliser-lelection [Accédé le 27 April 2022].

Rousset, A., 2018. Comment Cambridge Analytica a repéré les électeurs de Trump grâce à leurs vêtements. Les Echos, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle/la-presidentielle-se-joue-aussi-sur-les-reseaux-sociaux-1399033 [Accédé le 27 April 2022].

Saltiel, F et Théviot, A,. 2022. Les réseaux sociaux peuvent-ils faire basculer une élection ?. Le meilleur des mondes. [Podcast]. [Accédé le 22 April 2022]. Available from: https://www.franceculture.fr/emissions/le-meilleur-des-mondes/les-reseaux-sociaux-peuvent-ils-faire-basculer-une-election.

Tran, S., 2022. Présidentielle 2022. « L’espace télévisé n’est plus l’espace naturel où va se déployer la campagne ». Ouest France, [EN LIGNE]. /, /. Disponible via : https://www.ouest-france.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-l-espace-televise-n-est-plus-l-espace-naturel-ou-va-se-deployer-la-campagne-e1300368-7308-11ec-b5e2-f1d665483d2a [Accédé le 25 Avril 2022].

Une marque inspirante sur les réseaux sociaux : GoPro.

Quelle stratégie pour GoPro sur les réseaux sociaux ?

On ne la nomme plus, elle nous accompagne de partout dans notre quotidien mais surtout en vacances : la Gopro, cette petite caméra que l’on peut emporter de partout et par toutes les conditions, fait l’objet aujourd’hui d’une attention toute particulière. En effet, elle est considérée comme l’une des marques les plus inspirantes sur les réseaux sociaux. Quelle est donc cette fameuse stratégie qui place GoPro comme leader sur les réseaux sociaux ? 

GoPro est une marque de caméra fondée en 2005, originellement créée par Nick Woodman, un surfeur californien souhaitant optimiser ses sessions et prendre en photo sa passion. Il raconte : « À l’époque, les seules options étaient d’utiliser un appareil jetable étanche […]. Mais 9 fois sur 10, soit vous loupiez la photo, ou vous vous blessiez et souvent, vous perdiez l’appareil dans l’eau. J’avais l’impression d’être en train d’inventer la plus importante création du monde du surf ».

Créée par un passionné, pour des passionnés, les amateurs de sensations fortes adoptent peu à peu la petite caméra et la placent au cœur de leurs sessions sportives. Sous l’eau, dans la neige, dans le vide ou encore en parachute, la GoPro permet à ses utilisateurs d’immortaliser leurs meilleurs moments et de partager leur passion à leur communauté sur les réseaux sociaux. 

GoPro, ou les maîtres de l’User Generated Content.

Le premier volet du succès de GoPro sur les réseaux sociaux, et le plus efficace, concerne l’usage de User Generated Content. En effet, la grande majorité du contenu posté sur les réseaux, que ce soit Facebook, Twitter, Instagram ou encore Youtube, est créé directement par les consommateurs de GoPro, aka les passionnés. 

Originellement créée pour les surfeurs, GoPro s’est étendue progressivement vers tous les amateurs de sensations fortes, professionnels ou non, et s’est même inscrite dans le quotidien de personnes lambdas souhaitant immortaliser des instants spéciaux. La cible étant plutôt jeune (16-35 ans), ces personnes sont les acteurs principaux des réseaux sociaux car ce sont des générations qui sont nées et/ou ont grandies avec les réseaux. Ainsi, le partage et la publication de contenus est presque évidente pour ces derniers qui vont ainsi générer beaucoup de UGC.

Cela donne ainsi à GoPro la chance d’avoir accès à une source inépuisable de contenus originaux, pour laquelle les utilisateurs n’attendent presque uniquement que de la reconnaissance en retour : avoir leur photo / vidéo postée sur l’une des pages de GoPro.

L’approche de GoPro par rapport à cet UGC est unique, car le produit en lui-même – la caméra – est rarement montré. Les utilisateurs les plus importants font exactement ce qu’ils sont censés faire avec la caméra : immortaliser leurs instants de vie, leur sport et leur passion. 

Cette manière de promouvoir la marque offre la possibilité d’un fort engagement de la part des utilisateurs sur les réseaux, qui se reconnaissent dans le UGC.

Pour faciliter ce flux continu de User Generated Content, GoPro a anticipé et a même créé un canal de partage directement sur son produit. Grâce à l’application GoPro, les utilisateurs peuvent éditer et partager leurs photos et vidéos directement sur Instagram, Facebook ou encore Youtube. GoPro devient donc un outil central dans le partage des activités sur les réseaux et oriente clairement sa stratégie sur le UGC.

Ces contenus permettent ainsi aux nouveaux utilisateurs d’avoir accès à une multitude de retour d’expérience plus que convaincants : les images sont magnifiques, traduisent des passions communes et des expériences sensationnelles. Tout « fait envie » et pousse les nouveaux utilisateurs de GoPro à participer et à intégrer la communauté.

Capture d’écran du compte Instagram de Gopro @gopro.

Afin de pousser les utilisateurs à créer du UGC, GoPro gamifie son fonctionnement en lançant de nombreux challenges et autres concours. En effet, la marque lance les GoPro Awards qui sont des concours où les utilisateurs sont invités à capturer leurs plus beaux instants et à les soumettre à GoPro. Les gagnants des différents challenges gagnent des lots, de l’argent, mais surtout une couverture médiatique sur les réseaux de GoPro. Divers challenges existent sur différents thèmes, comme « the photo of the day » ou encore « be a hero challenge ». 

Des images sensationnelles promues par des célébrités portant les valeurs du sport de haut niveau. 

La stratégie de GoPro repose également sur un contenu digital sensationnel. L’expérience GoPro fait rêver, et pour cela la marque a très bien compris quels moyens utiliser. 

Tout d’abord, le UGC créé et repartagé par GoPro ne montre que des photos et vidéos fabuleuses. Entre paysages, hautes sensations ou encore vues du ciel, le contenu fait rêver et associe l’expérience sensationnelle directement à l’utilisation de GoPro. En voyant cela, le consommateur se projette (car les photos et vidéos viennent d’un utilisateur comme lui) et se dit qu’en utilisant la GoPro il aura accès aux mêmes expériences. 

Pour accentuer cette expérience, GoPro s’inscrit dans une stratégie de marketing d’influence en promouvant sa marque par des stars et autres sportifs de haut niveau connus et réputés dans leur domaine. 

Par exemple, GoPro a publié une vidéo sur la skieuse alpine Lindsay Vonn qui bat un record du monde sous l’objectif attentif de la GoPro. GoPro a aussi par exemple décidé de suivre la fin de carrière du pilote de vitesse moto Valentino Rossi, attirant tous ses fans pour une dernière vidéo phénoménale en son honneur. 

La marque possède 10,6 millions d’abonnés sur Youtube et attire ainsi beaucoup d’audience grâce à ce genre de vidéos.

Ces célébrités du sport qui utilisent la GoPro dans des conditions extrêmes et professionnelles jouent donc quelque part le rôle de Key Opinion Leader car leur opinion compte : leur professionnalisme leur confère de la crédibilité, et montre que la GoPro peut s’utiliser même par les plus grands. 

Ici, les logiques du celebrity endorsement sont rencontrées de bout en bout : les sportifs de haut niveau sont crédibles car professionnels ; ils sont beaux et jeunes et renvoient une image saine et ambitieuse ; leurs caractéristiques collent entièrement avec les caractéristiques de GoPro qui promeut les sensations fortes et les images spectaculaires ; enfin, les sportifs de haut niveau représentent des valeurs importantes dont la communauté va s’imprégner, véhiculées par la simple phrase qui est maintenant leur slogan : « Be a hero ». D’ailleurs, chaque modèle de caméra porte ce nom : Hero.

Pour renforcer cette image de héro, GoPro est maintenant en partenariat avec la boisson énergisante Redbull qui promeut les mêmes valeurs et ambitions. En effet, Redbull organise de nombreux événements dédiés aux sports à sensations fortes de haut niveau (cliff diving, porsche race, formula one). GoPro couvre ainsi la totalité des événements Redbull. Redbull associe son image à la création de tels événements et GoPro associe son expertise audiovisuelle et ses images spectaculaires. Combinées, les deux marques comptent près de 40 millions d’abonnés rien que sur Instagram, ce qui promet un partenariat ambitieux et procréateur. 

Adobo magazine

« L’envergure et les capacités d’exécutions mondiales de Redbull sont impressionnantes, ce qui rend ce partenariat très stratégique pour GoPro. Nous partageons la même ambition d’être une source d’inspiration dans le monde entier, afin d’inciter le public à vivre intensément. » Nicholas Woodman, CEO de GoPro.

Une communauté très forte.

GoPro repose sur un fort esprit de communauté.

D’une part, GoPro organise sa propre communauté grâce au site community.gopro.com sur lequel on y retrouve des forums de discussion où les utilisateurs expérimentés peuvent aider les nouveaux dans la prise en main de leur appareil. Des ingénieurs et autres professionnels de GoPro sont également présents sur les forums pour promouvoir des messages important et aussi aider les utilisateurs.

Depuis peu, un nouvel espace de la communauté existe, appelé les GoPro Labs, où les ingénieurs proposent de nouvelles fonctionnalités à tester par les utilisateurs expérimentés. Ces derniers laissent leurs avis et permettent aux équipes de développement de savoir si cette nouvelle fonctionnalité en question vaut le coup ou non. 

“GoPro Labs is an initiative to deliver new, experimental features to our GoPro community. Many of these features originated from internal hackatons […]. We don’t promise any of these will make it to a production camera, but they’re cool enough and cooked to give you a taste. Why hold back anymore?”

Capture d’écran de la page GoPro Labs

GoPro va plus loin en proposant également la plateforme Open GoPro où l’utilisateur peut développer lui-même des fonctionnalités personnalisées à intégrer à sa caméra. Par le biais de la communauté, l’utilisateur peut atteindre un degré de personnalisation précis.

Par la multitude de UGC, on se rend donc compte que c’est la communauté de GoPro qui promeut l’objectif principal : être un héros. De nombreux groupes informels sont créés sur les différents réseaux (groupes Facebook, pages Instagram etc…), gérés par des utilisateurs expérimentés qui souhaitent uniquement partager la passion GoPro.

Chaque membre de la communauté est un ambassadeur pour GoPro.

Mathilde Comte

Gopro.com. GoPro Awards | Défis vidéo et photo. [online] Available at: <https://gopro.com/fr/fr/awards>

Instagram – GoPro. [online] Available at: <https://www.instagram.com/gopro/>

Sport Stratégies. Red Bull donne des ailes à GoPro. [online] Available at: <https://www.sportstrategies.com/red-bull-donne-des-ailes-a-gopro/>

DigiSchool commerce. GoPro : Etudes, Analyses Marketing et Communication de GoPro. [online] Available at: <https://www.marketing-etudiant.fr/marques/gopro-marketing.html>

Comment GoPro stimule la fidélité à la marque avec l’UGC |. [online] Available at: <https://clarksbarandrestaurant.com/social-spotlight-how-gopro-fuels-brand-loyalty-with-ugc>

Guerre du contenu : le marché du jeu vidéo, nouveau champ de bataille des géants du numérique et du divertissement

Valorisation boursières en hausse, acquisitions records, nouveaux entrants ;  la guerre de contenu opérée par les géants du numérique et du divertissement dans le marché de la SVOD depuis quelques années, tend à s’étendre vers un nouveau marché, celui du jeu vidéo.

source : https://lesplayersdudimanche.com/netflix-cinema-series-et-jeux-video-gratuis/

Le 10 janvier 2022, l’éditeur Take-two (GTA, Red Dead Redemption) rachète Zinga un des leaders dans l’édition de jeu pour mobile, pour un montant record de 12,7 milliards de dollars. Dans la foulée, le 19 janvier, Microsoft frappe fort et rachète Activision, le plus gros éditeur du marché à l’origine des franchises Call of duty et World of Warcraft pour un montant de 68,7 Milliards de dollars. Par ce rachat, Microsoft solidifie sa place de troisième acteur mondial du secteur derrière Tencent et Sony, et promet de rabattre les cartes d’un marché en forte consolidation. En parallèle, les géants du numérique et du divertissement placent leurs pions. Certains multiplient les acquisitions stratégiques pour chercher des compétences qu’ils ne possèdent pas, d’autres tentent de s’imposer dans un marché qui se dessine de plus en plus comme étant l’avenir du divertissement.

L’industrie des jeux vidéo, la plus grande forme de divertissement et celle qui se développe le plus vite.

Le jeu vidéo est aujourd’hui un des principaux modes de divertissement, loin devant le cinéma. En 2021, la vente de jeu dans le monde a dépassé les 180 millions de dollars pour un volume de gamers se rapprochant des 3 milliards de joueurs. Les prévisions pour 2030 parlent d’un volume de 4,5 milliards d’utilisateurs (tous supports confondus).

« C’est un secteur beaucoup moins risqué qu’il y a vingt ans. Grâce au back catalogue [les anciens titres qui continuent à se vendre en ligne, NDLR], les éditeurs peuvent continuer à gagner de l’argent et à être rentable sans sortir de jeux »

Charles Louis Planade

C’est un secteur qui se développe énormément et qui a su profiter pleinement de la numérisation. Les éditeurs et les créateurs de jeux récupèrent davantage de revenus (70%) que sur les ventes physiques (55%), étant donné qu’il n’y a pas d’intermédiaires (consoliers, magasin physiques, plateformes en ligne) qui prélèvent leurs ponctions. En parallèle, les contenus téléchargeables payants et micro-transactions intégrées sont devenues de réelles machines à cash pour certains titres dont les versions multi-joueurs en ligne sont continuellement mises à jour (Call of Duty, GTA, Fortnite)

La croissance d’un secteur tirée par le jeu mobile

En 2021, ce segment du marché valorisé à 93,2 Milliard de dollar est le seul ayant enregistré une croissance sur l’année, soit une hausse de 7,3% par rapport à l’année 2020. La performance est d’autant plus notable que les autres segments du marché (console de salon, PC, jeux sur navigateur) ont tous enregistrés sur la même période une baisse de leurs chiffres après une année 2020 exceptionnelle pour l’ensemble de l’industrie. Par ailleurs, le segment du jeu mobile est a l’origine de plus de la moitié des revenus générés par les ventes de jeux (52%) sur cette même année.

Les GAFAM veulent leur part du gateau

Les résultats croissants et les perspectives de développement du secteur font de ce dernier une des industries du divertissement les plus prometteuses tant en termes de chiffres qu’en terme d’innovations. Cette tendance s’accompagne naturellement par l’introduction agressive des géants numérique dans son marché.

source : https://www.frandroid.com/marques/amazon/772395_amazon-luna-cloud-gaming
  • Microsoft :

Acteur déjà bien installé dans l’industrie avec la franchise Xbox et son Game Pass, l’introduction dans les années 2000 de Microsoft dans le marché des consoles suscitait pourtant des doutes.  Aujourd’hui, l’entreprise assoie sa présence dans le secteur avec la très récente acquisitions du studio Activition, pour un montant record de 69,7 milliards de dollars.  Cette acquisition représente non seulement la plus importante jamais opérée dans l’industrie, mais également la plus importante réalisée par Microsoft (loin devant l’acquisition du réseau Linkedin pour plus de 26 milliards de dollars en 2016). Via ce rachat l’entreprise s’empare des 400 millions de joueurs actifs mensuels de la franchise, de ses 10 000 salariés, mais vise également une cible autrement plus élevée avec des franchises historiques tel que Call of Duty ou World of Warcraft. Elle se diversifie également vers un segment qu’elle n’avait pratiquement pas développé jusqu’ici, celui des jeux mobiles. En effet, elle détiendra désormais à travers Activision le studio King (Candy Crush), qui facilitera la déclinaison de ses licences sur smartphones.

  • Amazon :

Amazon, travail depuis plusieurs années sa présence sur le marché des jeux vidéo. Elle possède Twitch (plateforme de diffusion en live de partie de jeux vidéo), Luna (Cloud gaming) et Lumberyard (moteur de jeu). Selon Bloomberg, il dépenserait près de 500 millions de dollars par an dans le développement de nouveau titres.

« Amazon a l’ambition de devenir un acteur totalement intégré du secteur, à l’instar de Microsoft avec qui l’affrontement sera frontal dans le ‘cloud gaming’ quand la technologie sera mature et le marché en vraie phase d’accélération »

Charles Louis Planade
  • Google :

Google avait également lancé en 2019 Stadia Games, son service de cloud gaming. Faute de posséder des titres et des éditeurs, leur abonnement était couplé de nombreux contenus additionnels payants. Le service peine à convaincre les utilisateurs et la firme décide début 2021 de revoir sa stratégie et de se retirer.

  • Facebook :

L’entreprise lance fin 2020 sa plateforme gratuite de cloud computing. Les débuts sont modeste et ne comptent pas d’acquisitions records ou d’investissements massifs, mais la firme met ainsi un premier pas dans le secteur et affirme ses positions.

L’entrée de Netflix dans l’industrie 

Les Gafam ne sont pas les seuls à se diversifier dans le secteur des jeux vidéo. Netflix, la plateforme reine de SVOD, exprime depuis deux ans son ambition de représenter à terme un des acteurs majeurs sur le marché.

« Le groupe ne va pas débarquer dans le jeu vidéo pour faire de la figuration en se contentant de titres ‘casuals’ pour smartphones et tablettes. Leur objectif est de répéter leur succès dans la SVoD et cela suppose du contenu assez poussé »

Charles Louis Planade

En effet, depuis 2020, Netflix affiche un ralentissement de sa croissance générée lors de la crise sanitaire. La concurrence de plus en plus féroce sur le marché pousse l’entreprise à innover et à se différencier pour rester le leader sur le marché. En juillet 2021, Netflix envoie un message fort en embauchant Mike Verdu, vétéran des jeux vidéo, passé chez Zinga, EA, et Facebook. L’idée est de lancer une offre de jeux vidéo intégrée à leur plateforme courant 2022.

Reproduction du modèle de Netflix, guerre de contenu et course aux exclusivités 

Maintenant que les leaders du numérique et du divertissement ont tous plus ou moins mis un pied dans l’univers du jeu vidéo, l’enjeu se fera désormais sur le contenu. Tous cherchent à reproduire le modèle de Netflix transposé sur le marché des jeux vidéo. Il leurs appartient maintenant de proposer du contenu exclusif et alléchant pour attirer un maximum d’utilisateurs.

par Adrian Planells


Sources

Microsoft, avec le rachat record d’Activision, rebat les cartes dans le jeu vidéo – Le Monde

Comment Microsoft a construit un empire du jeu vidéo – Le Monde

Vingt ans après le lancement de la Xbox, Microsoft accélère pour devenir le « Netflix du jeu vidéo » – Les Echos

Zynga, l’ex-étoile filante qui a su se renouveler – Les Echos

Rachat de Zynga par Take-Two pour 12,7 milliards de dollars : pourquoi le jeu vidéo vaut-il aussi cher ? – Les Echos

Les contours du débarquement de Netflix dans le jeu vidéo se dessinent – Les Echos

Netflix anticipe une croissance limitée de ses abonnés – Les Echos

Netflix déçoit en recrutant moins d’abonnés que prévu au premier trimestre – Les Echos

Netflix réalise sa première acquisition dans le jeu vidéo – Les Echos

Google ferme son studio de jeux vidéo destinés à son offre de « cloud gaming » Stadia – Les Echos

Facebook met à son tour un pied dans le cloud gaming – Les Echos

Jeux vidéo : Take-Two (GTA) rachète Zynga (Farmville), une méga-acquisition à 12,7 milliards de dollars – Les Echos

Ubisoft, EA… : les résultats du « big four » des éditeurs de jeux vidéo en quatre points – Les Echos

Jeux vidéo : Amazon lance sa première méga-production avec « New World » – Les Echos

Amazon Can Make Just About Anything—Except a Good Video Game – Bloomberg

Modération : à quand la fin de l’impunité sur les réseaux sociaux ?

Le phénomène d’émiettement identitaire, en corrélation avec l’utilisation grandissante des réseaux sociaux, s’aggrave ces dernières années entre l’espace physique et l’espace numérique. L’idée commune selon laquelle l’identité définie dans l’espace public disparaît au profit d’une autre identité sur Internet favorise le sentiment d’impunité et l’augmentation des contenus toxiques sur les espaces d’expression en ligne. Les tentatives de régulation ont été nombreuses, tant par les autorités publiques que par les plateformes elles-mêmes.

L’heure est au bilan sur l’état actuel de la modération des contenus en ligne.

Responsabilisation progressive des plateformes

Le 20 janvier 2022, le Parlement européen procédait à un vote sur la législation des services numériques, plus connue sous le nom de Digital Services Act (DSA). Ce texte vise notamment à obliger les géants du numérique à s’attaquer aux contenus illicites en ligne, tels que ceux favorisant l’incitation à la haine ou la désinformation. En effet, l’expression sur l’espace public numérique est structurée autour d’un marché oligopolistique (Facebook, Twitter, Google). C’est donc naturellement que l’attention politique et juridique s’est concentrée sur cette poignée d’acteurs en mettant en lumière leurs dérives et en alertant sur la présence grandissante des contenus haineux. Ces plateformes ont été contraintes d’accepter que leur rôle dépassait celui de simple hébergeur de contenus et ont pris leurs responsabilités en termes de modération et de régulation sur leurs interfaces.

Pour respecter ces nouveaux engagements, de nombreux outils ont été développés par les plateformes afin d’identifier les contenus toxiques. Une modération algorithmique automatisée et des équipes très conséquentes de modérateurs sont devenus deux piliers quasi-indispensables pour traiter une quantité aussi importante de contenus. Ces outils technologiques permettent notamment une modération ex ante, c’est-à-dire avant même que le contenu soit publié et donc visible par les utilisateurs. On parle alors d’une modération « industrielle », qui se différencie d’une modération dite « artisanale » effectuée par des équipes plus restreintes, avec une approche plus manuelle et une importance forte donnée à la contextualisation du contenu. La modération 100% automatisée n’est pas la solution parfaite puisqu’elle comprend son lot de risques, notamment en identifiant des contenus dits « faux positifs », c’est-à-dire modérés alors qu’ils n’auraient pas dû l’être, ou en incitant à une modération excessive, dite « modération préventive » des plateformes pour éviter des sanctions.

La modération ne se limite pas à l’identification des contenus problématiques, il faut ensuite savoir réagir au mieux pour limiter leur propagation ce qui ne passe pas nécessairement par la suppression. En effet, la modération par retrait du contenu peut avoir des effets néfastes comme l’augmentation des réactions toxiques en réponse à la suppression ou la légitimation du contenu supprimé aux yeux de certaines communautés. Les plateformes ont donc développé des méthodes alternatives, dites « graduelles », afin de limiter la visibilité du contenu sans avoir à le supprimer, tels que le déclassement ou le déréférencement du contenu ou sa mise en quarantaine. La propagation de ces contenus toxiques est en constante évolution, forçant les modérateurs à se renouveler et à innover régulièrement dans ce domaine.

Mythe de l’anonymat sur Internet

Malheureusement, la modération ne suffit pas toujours. Si les algorithmes des plateformes leurs permettent d’identifier la quasi-totalité des contenus à caractère illégal (Facebook déclare que « 99,5% des contenus terroristes ou pédopornographiques sont bloqués a priori, et automatiquement, avant même qu’un utilisateur ne puisse le voir. »), il leur est plus difficile de repérer d’autres comportements tels que le harcèlement en meute ou la diffusion de désinformations. 

Dans les cas où des enquêtes de police sont ouvertes, notamment lorsqu’une victime porte plainte, l’une des premières étapes consiste à identifier les responsables potentiels, généralement cachés derrière des pseudonymes qui sont à distinguer de l’anonymat. En effet, la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de 2004 impose aux hébergeurs et opérateurs de conserver toutes les données de connexion (adresse postale, coordonnées bancaires, n° de téléphone, adresse IP, etc.) afin de pouvoir identifier la personne cachée derrière un pseudo. Ces données sont soumises au secret professionnel mais peuvent être communiquées à la justice en cas de demande. Ainsi, la levée d’un pseudonyme n’est jamais impossible en soi, au contraire, mais elle demande parfois énormément de temps et de moyens à la justice pour y parvenir.

Collaboration avec les services policiers et judiciaires

Lors d’une investigation sur les réseaux sociaux, les services de police tentent de corroborer les pistes en récupérant des traces numériques. Dans certains cas, les contenus en question sont partagés publiquement ce qui permet de répertorier rapidement des preuves. Cependant, lorsque les comptes sont cadenassés, cela doit passer par une réquisition invitant la plateforme à transmettre les données d’identification des comptes concernés. De nombreuses affaires de cyber-harcèlement, telles que l’affaire Mila ou la récente condamnation du Youtubeur Marvel Fitness, ont pu être portées en justice et aboutir à des condamnations grâce à cette collaboration entre les plateformes et les autorités publiques. 

Cependant, d’après Matthieu Audibert, commandement de la gendarmerie dans le cyber-espace, alors que les opérateurs français sont très réactifs et répondent en moyenne à ces demandes en 15 min, les hébergeurs américains s’avèrent généralement moins collaboratifs. Pour leurs exiger le transfert des données, il faut envoyer une réquisition directement à la société mère. Cela peut parfois nécessiter préalablement une demande d’enquête pénale internationale, suivi de l’envoi de la réquisition via le ministère de la justice français auprès d’un magistrat de liaison à Washington, qui transmettra ensuite au procureur de l’État américain de domiciliation de la plateforme. Cela va sans dire, ces cas de figure correspondent à des délais d’action de plusieurs mois, voir n’aboutissent parfois à aucun retour de la part de la plateforme concernée.

Le réseau Twitter est connu pour être le mauvais élève des réseaux sociaux en matière de collaboration avec la justice. L’avocat Éric Morain rappelle : « c’est une obligation dans le code de procédure pénale de déférer à ces réquisitions, et il ne viendrait pas à l’idée de la BNP, Orange ou Free de ne pas le faire. Les autorités adressent de la même façon régulièrement des réquisitions à Facebook ou à Twitter. […] Sauf que, si Facebook collabore depuis deux ou trois ans, en ce qui concerne Twitter, on reçoit des classements sans suite du parquet faute de collaboration. ». En janvier 2022, Twitter France et son DG Damien Viel ont été jugés pour « refus de répondre à une réquisition » et la Cour d’appel de Paris a confirmé une décision de juillet ordonnant à Twitter de détailler ses moyens de lutte contre la haine en ligne, jugés insuffisants.

Moins de lois, plus de moyens !

Une impunité importante persiste sur les réseaux sociaux et l’une des causes principales réside dans le manque de moyens accordés aux services de police et aux régulateurs. Avec plus de moyens, la justice pourrait réagir et condamner rapidement, ce qui refroidirait progressivement l’essor des contenus toxiques et ferait office de modération par incitation. La lenteur actuelle des décisions de condamnations est responsable du sentiment d’impunité récurrent sur Internet. Le mal français voudrait créer de nouvelles lois, épuiser les plateformes sous de nouvelles obligations, alors que la vraie solution serait de donner à la justice (l’un des ministères les moins bien financé) les moyens humains et financiers d’agir efficacement.

Actuellement, la plateforme Pharos en charge de la surveillance des contenus illicites sur Internet est sous-financée et sous-équipée, avec une vingtaine de cyber-gendarmes quand Facebook a plus de 15 000 personnes en charge de sa modération. Les missions sont éparpillées, les cyber-gendarmes n’ont accès qu’à ce qui est visible au public sur les plateformes et c’est les commissariats qui ont la charge d’examiner les conversations et groupes privés.

Par ailleurs, pour forcer ces super plateformes à respecter leurs obligations, l’échelle nationale ne semble pas la plus efficace puisque nos régulateurs semblent aujourd’hui incapables de faire respecter leurs propres mesures. Il est nécessaire d’engager les régulateurs à échelle européenne et de simplifier la définition des infractions en ligne afin de condamner régulièrement et jusqu’à l’épuisement les plateformes, plutôt que de sanctionner une fois par an ces géants du numérique, impassibles face aux montants de leurs condamnations précédentes.

Par Estelle Berdah


Sources

Lois et approches de la régulation

Modération des contenus : renouveler l’approche de la régulation, Renaissance numérique, Juin 2020

La haine en ligne, de nouvelles lois, pour quoi faire ?, Jean-Marie Portal, Mars 2021

Règlement européen : les plateformes en ligne ont désormais une heure pour retirer le contenu terroriste, Mathieu Pollet, Avril 2021

Haine en ligne : le Conseil constitutionnel censure le dispositif-clé de la loi Avia, Raphaël Balenieri, Juin 2020

Anonymat en ligne

« Renforcement de l’anonymat sur Internet », Arnaud Dimeglio, Août 2021

Il est temps d’arrêter de nous bassiner avec l’anonymat en ligne, Julien Lausson, Juillet 2020

Tout comprendre au débat sur l’anonymat sur Internet, Cécile Bertrand, Juillet 2020

Collaboration des plateformes

Twitter France et son directeur jugés pour ne pas avoir aidé la justice, Le Figaro, Janvier 2022

Twitter loses appeal in French case over online hate speech, Business Standard, Janvier 2022

Haine en ligne : Twitter, mauvais élève des réseaux sociaux, Raphaël Balenieri, Juillet 2020

VIDÉO – PODCAST

Tremblez les trolls : la fin de l’impunité sur les réseaux sociaux ?, Médias en Seine 2021

Le numérique, une zone de non-droit ? avec Simon Puech & Alexandre Archambault, Juin 2021

Facebook se lance dans le métavers : quel avenir pour nos données personnelles ?

Le 28 octobre dernier, Mark Zuckerberg – le fondateur et PDG de Facebook – a annoncé dans une vidéo que le groupe, qui comprend aussi les réseaux sociaux Instagram et WhatsApp, changeait de nom pour devenir Meta. Une façon pour le géant numérique d’introduire son intention de se diriger ces prochaines années vers un nouveau monde, celui du métavers.

Qu’est-ce que le métavers ?

Le métavers est un univers virtuel, parallèle au monde réel.

Ce concept a été théorisé pour la première fois par Neal Stephenson dans son ouvrage Snow Crash, publié en 1992. Le mot métavers est une contraction des mots « meta » et « univers ».

Ce terme est également utilisé pour décrire un internet 3.0 dans lequel les espaces virtuels, persistants et partagés seront accessibles via interaction 3D.

Pour l’instant, les métavers s’appliquent principalement aux jeux vidéo, le plus connu étant Fortnite, mais les champs d’applications se diversifient.
Fortnite a par exemple organisé plusieurs événements culturels sur sa plateforme. En avril 2020, 12,3 millions de personnes ont ainsi assisté virtuellement à un concert de Travis Scott.
Au vu de l’ampleur que prend cette nouvelle réalité virtuelle et les opportunités qu’elle offre, le PDG du jeu – Tim Sweeney – avait d’ailleurs déclaré en 2019 que Fortnite allait progressivement évoluer pour devenir une plateforme et non plus seulement un jeu vidéo.

La rebaptisation de Facebook en Meta s’inscrit dans la lignée de sa stratégie de conquête de ce nouveau monde. Le groupe avait déjà acquis en 2014 la marque de casques de réalité virtuelle Oculus. Son prochain objectif est de développer des métavers dédiés aux entreprises, appelés « Workrooms », pour recréer l’expérience d’une salle de réunion virtuelle. Le groupe a annoncé son intention d’embaucher 10 000 personnes dans l’Union Européenne pour construire son métavers, une version de l’internet en réalité virtuelle que le géant technologique considère comme l’avenir.

(c) Facebook Technologies

Facebook : un passif compliqué en matière de protection des données

L’ambition de Mark Zuckerberg de transformer Facebook en une « entreprise de métavers » dans les cinq prochaines années pose de nombreuses questions concernant la protection de nos données personnelles.

En effet, l’entreprise a beaucoup fait parler d’elle ces dernières années à ce sujet, au travers des nombreux scandales qu’elle a dû essuyer. En 2018, le scandale Cambridge Analytica révélait la fuite des données personnelles de 87 millions d’utilisateurs du réseau social depuis 2014. Ces informations ont servi à influencer les intentions de vote en faveur d’hommes politiques qui ont retenu les services de Cambridge Analytica, par le biais de messages les ciblant spécifiquement, en fonction de leur profil psychologique sur les réseaux sociaux. Selon plusieurs analystes, l’élection de Donald Trump en 2016 et le Brexit sont en partie dû à ces manipulations.

Après trois ans et des milliards de dollars d’amendes pour ne pas avoir protégé les données de ses utilisateurs, Facebook n’a semble-t-il pas retenu la leçon, puisque depuis, plusieurs coups d’éclats ont entaché l’image de marque du groupe et la confiance des utilisateurs en la plateforme. En 2019, plusieurs millions de numéros de téléphone de personnes ont été récupérés sur les serveurs de Facebook, en violation de ses conditions de service. Facebook a déclaré que cette vulnérabilité avait été corrigée en août 2019. Cependant, un nouveau vol de données s’est produit en avril 2021. Cette fois-ci, les données de 533 millions d’utilisateurs comprenaient leur date de naissance, leur numéro de téléphone, leur adresse électronique et leur nom complet. Les pirates ont ensuite mis ces données en ligne pour que les gens puissent les voir et les utiliser gratuitement.

Mark Zuckerberg s’efforce de convaincre les autorités que la data privacy est un enjeu majeur pour le groupe, qui met tout en place pour sécuriser au mieux les données personnelles de ses utilisateurs, mais force est de constater que ce n’est pas le cas. De plus, malgré leurs efforts, les autorités nationales et internationales peinent à condamner ce géant du numérique car les réglementations concernant le monde numérique sont encore ténues.

Ainsi, comment aborder les questions de protection de la vie privée dans le monde virtuel du métavers, alors même que les choses ne sont pas définitivement réglées dans le monde réel ?

Le métavers et les enjeux de data privacy

Lors de l’introduction de Meta, Mark Zuckerberg a abordé ce sujet en insistant sur le fait que la data privacy était au cœur de leurs préoccupations dans la construction du métavers et qu’ils collaboreront avec les régulateurs et des experts afin d’assurer que le métavers « will be built responsibly », en minimisant la quantité de données collectées. Il a également précisé que les données seraient transparentes vis-à-vis des utilisateurs, qui pourront donc y avoir accès et les contrôler.

Cependant, cela pourrait ne pas être aussi évident que ce que le chef d’entreprise laisse entendre. En effet, le métavers donnera un accès privilégié à Facebook/Meta à une quantité de données sans précédent (biométrie, localisation, informations financières…), qui seront également extrêmement qualifiées : notamment les réponses physiologiques, les mouvements du corps, les expressions faciales… Il sera même possible d’interpréter les processus de pensée inconscients, révélés par ces expressions faciales. De plus, le métavers exige l’installation de nombreux capteurs dans les maisons et sur les lieux de travail, Meta souhaitant dans un premier temps s’implanter dans les entreprises. Ce dernier aspect est intéressant du point de vue de la protection de la vie privée : si votre entreprise a décidé qu’elle allait utiliser la solution de métavers de Facebook – par exemple pour des meetings professionnels – vous n’aurez pas d’autre choix que de céder une grande quantité de vos données. Quid du consentement ? Il faudra revoir toutes ces notions.

La grande question qui se pose concernant le métavers et l’utilisation des données est celle de la régulation. Les règles et lois qui régissent notre monde réel seront-elles encore valables dans le monde virtuel ?
Faut-il créer un méta-tribunal pour rendre les décisions de justice ? Ou alors ce nouveau monde sera-t-il modéré par Facebook ?

Plusieurs régulateurs ont déjà fait part de leurs inquiétudes concernant le développement de ces nouvelles technologies. Ainsi, la Commission de protection des données irlandaise (DPC) et le régulateur italien chargé de la protection des données personnelles, craignent que le métavers permettent à Facebook/Meta de violer le Règlement Général de la Protection des Données (RGPD), que Facebook a déjà tenté de contourner à plusieurs reprises.

La collaboration récente du groupe avec la marque Ray-Ban, qui a sorti ses premières lunettes connectées en septembre dernier en est un exemple.

En effet, le RGPD oblige les gadgets de réalité virtuelle à afficher un indicateur de confidentialité pour informer les utilisateurs que leurs actions sont enregistrées. Ainsi, une lumière s’affichait sur les lunettes lorsque l’utilisateur actionnait la caméra afin de prévenir les personnes aux alentours qu’elles étaient filmées. Malgré tout, beaucoup de voix se sont levées pour critiquer cette mesure, considérée comme trop faible. Facebook n’a pas pu prouver que cette lumière suffisait à protéger les données personnelles non seulement de ceux qui portent les lunettes, mais également de ceux dans leur champ de vision, dont les données peuvent être enregistrées sans qu’ils le sachent.

L’enjeu est le même dans le cas du métavers. Il s’agit de savoir précisément quelles données sont prélevées et à quel moment, et comment en informer efficacement les utilisateurs.

Sommes-nous prêts à renoncer à notre vie privée ?

Enfin, une dernière question que pose ce sujet est l’acceptabilité sociale de ce nouveau monde virtuel. Plusieurs études montrent que la confiance des utilisateurs en Facebook concernant la protection de leur vie privée diminue, notamment dû à tous les scandales que nous avons évoqués dans cet article. Ainsi, alors qu’à sa création, Facebook était le réseau social favori des jeunes, aujourd’hui, la moyenne d’âge des utilisateurs est de 41 ans et augmente chaque année. Le métavers est aussi une manière pour le géant numérique d’attirer de nouveau les jeunes générations. Cependant, il n’est pas certain que cela fonctionne au vu des récentes informations révélées par la lanceuse d’alerte Frances Haugen – ancienne salariée du groupe – qui a publié des documents prouvant que le groupe avait connaissance des effets néfastes de ses réseaux sociaux, en particulier Instagram, sur la santé mentale des enfants et adolescents, et qu’il a délibérément choisi de les ignorer.

Des études ont déjà montré que le métavers pouvait également être nocif pour les plus jeunes, premièrement par la rapide addiction qu’il peut engendrer, d’autre part parce que la frontière entre la réalité et le virtuel s’amincit chez certains enfants, qui ne distinguent plus leurs actions dans le monde réel ou dans le jeu.  

Tous ces enjeux sont autant de questions auxquelles le groupe Meta devra répondre s’il espère convaincre les autorités, ainsi que le public de basculer dans son nouveau monde, celui qu’il appelle l’Internet 3.0.

Maël GONNOT

Bibliographie

  • « Why Facebook’s Metaverse Is A Privacy Nightmare », Kate O’Flaherty – Forbes (13/11/2021)
    https://www.forbes.com/sites/kateoflahertyuk/2021/11/13/why-facebooks-metaverse-is-a-privacy-nightmare/?sh=18bf31d26db8&fbclid=IwAR0QuvsIu9FKlGX97oopJlRhKKU5dHDJIpyMRz5NBDhP3pa3HNN84S8sXbE
  • « Facebook’s metaverse aspirations tied to privacy, antitrust regulation », Mike Swift (01/11/2021)
    https://mlexmarketinsight.com/news-hub/editors-picks/area-of-expertise/antitrust/facebooks-metaverse-aspirations-tied-to-privacy-antitrust-regulation?fbclid=IwAR0EbCujuatetpqVYLK3qMf3LqYlMnGRDqbXPDD1etFJmriBHy3JLBKCvFc
  • « Data privacy: A block in the road for Facebook’s metaverse ambitions », GlobalData Thematic Research (28/09/2021)
    https://www.verdict.co.uk/facebook-ray-ban-stories-metaverse/?fbclid=IwAR1czJ_O6uTlCpuhOcEFb_7PBwcF1bVET-oguKb-M95zgwaoz_kliiNa6_U
  • « Introducing Meta », Mark Zuckerberg – Youtube (29/10/2021)
    https://www.youtube.com/watch?v=pjNI9K1D_xo

« Jedi Blue » ou comment Google et Facebook s’assure main dans la main de la pérennité de leur duopole ?

Source : New York Times

« C’est une très grosse affaire sur le plan stratégique »

Voilà ce qu’aurait envoyé en 2018 Sheryl Sandberg, Chief Operating Officer chez Facebook, aux dirigeants de la firme, en désignant un certain accord passé entre Facebook et Google. Accord qui fait aujourd’hui l’objet d’une enquête.

En effet, le 22 décembre 2020, le Wall Street Journal révèle que dix états américains ont décidé de déposer plainte contre Google, enquête menée notamment par le procureur général du Texas, Ken Paxton. Le 17 janvier 2021, le New York Times complète les informations données par leurs confrères. Le média affirme alors avoir mis la main sur des documents utilisés dans le cadre de la procédure en cours. Ces documents révèlent qu’un accord « secret » aurait été passé entre Google et Facebook qui viserait alors à éviter la concurrence sur le marché de la publicité digitale et ainsi pérenniser leur duopole. Dix états américains, dont le Texas, accusent le géant du numérique de collaborer avec Facebook et d’enfreindre alors la fameuse loi antitrust. En 1890 est votée aux USA la loi Sherman ou « antitrust » qui « reconnaît coupable toute personne qui monopolise une partie quelconque du trafic ou du commerce entre les divers États ».

Facebook et Google ont-ils travaillé main dans la main dans le but d’évincer la concurrence sur le marché de la publicité digitale, marché qu’ils dominent déjà ?

La publicité digitale mondiale – un marché dominé par deux acteurs

« Si vous êtes aujourd’hui un jeune marketeur, il n’y aura probablement pas de meilleur endroit pour passer les dix prochaines années que chez Facebook ou Google.  Sauf si vous avez une appétence pour la prise de risque et le développement de nouvelles aventures… »

Mark Ritson – Professeur de marketing

Depuis 2016, le digital est passé devant la télévision pour les dépenses publicitaires. En effet, la publicité en ligne apporte de nombreux avantages aux entreprises qui peuvent désormais contrairement à la publicité TV (pour le moment) toucher un segment d’audience plus spécifique.

En 2018, 590,4 milliards de dollars ont été dépensés en publicité, dont 24,5% captés par Google et Facebook. Ce sont les acteurs incontournables du domaine de la publicité et plus particulièrement de la publicité digitale. Ils détenaient en 2019 environ 61% de la part du marché.

Source : Statista

Durant la crise sanitaire, deux secteurs de l’e-pub ont particulièrement bien surmonté cette épreuve : le search et le « social media ». En effet pour une grande majorité des annonceurs ce sont les deux moyens les plus efficaces en publicité digitale (cela représente 70% des dépenses publicitaires). Ils sont portés principalement par Google (qui détient 91,38% du marché mondial des moteurs de recherche) et Facebook (68,39% du marché mondial des réseaux sociaux). Difficile donc de faire sans eux…

Face à l’apparition de règlementation visant à protéger les données personnelles, Google et Facebook ont développé ces dernières années ce qu’on appelle des « walled garden » : des écosystèmes qui leur permettent d’assurer leur position sur le marché de la publicité digitale, et évincer la concurrence. Ainsi, Google a annoncé la fin des cookies tiers d’ici 2022, empêchant ainsi la collecte de « la third party data ». La firme impose également à certains de ses appareils Android le moteur de recherche Google et comme Facebook met en place le « single sign on » s’assurant ainsi de collecter de la « first party data ».

Conséquences de cette hégémonie ? Les éditeurs souffrent tout particulièrement de ce duopole et se voient alors dans l’obligation de licencier, l’argent disponible pour ces derniers étant à la baisse depuis quelques années.

Que contient le contrat Jedi Blue ?

Source : Digital Information World

Concernant l’origine de l’appellation de ce contrat, la référence à Star Wars est encore incertaine, ou du moins non fondée. Certains acteurs s’accordent pour dire que le Blue ferait notamment référence au bleu de la couleur du logo Facebook et que le Jedi serait synonyme de force. Ceci laisserait sous-entendre que la force est avec Facebook, que les deux géants du numérique travaillent donc ensemble.

Tentant dans un premier temps de condamner Google pour la concurrence déloyale qu’ils effectuent sur le moteur de recherche (la firme mettrait en avant ses propres produits au détriment d’autres acteurs) les procureurs des dix états, loin d’imaginer que les deux rivaux puissent collaborer, découvrent le contrat « Jedi Blue ».

Tout débute en 2017 lorsque Facebook décide de concurrencer Google en créant le Facebook Audience Network. Ainsi grâce à FAN, la firme de Mark Zuckerberg aurait permis aux annonceurs de s’afficher en dehors de Facebook ou Instagram. Plusieurs accords sont ainsi signés notamment avec The Washington Post, Forbes et le Daily Mail. C’est alors que Google s’affole. Son principal concurrent, juste derrière lui sur le marché mondial de la publicité, empiète sur ses plates-bandes. Une bonne partie de ses revenus découlant des enchères publicitaires, Google décide de faire de Facebook son allié plutôt que son concurrent et lui propose alors un « deal » qui avantagerait les deux compagnies. Fin 2018, la firme de Mark Zuckerberg annonce que le Facebook Audience Network fait désormais partie de l’Open Biding de Google. Facebook passe alors de menace à revendeur privilégié du network. En effet, plutôt que de dépenser des milliards en essayant de concurrencer son rival, Facebook décide suite à la proposition de Google de pactiser avec l’ennemi. Nous vous expliquons pourquoi.

Les termes de cet accord ?

Le contrat « Jedi Blue » concerne plus particulièrement le domaine du « header bidding ». Dans ce processus de gestion publicitaire, les éditeurs ont la possibilité d’offrir aux enchères des impressions publicitaires digitales à des supply side-plateforms (SSD), des Ad Exchange. Ces derniers sont donc en concurrence : celui qui propose le plus l’emporte.

Dans un premier temps, la firme de Mountain View s’est engagée à donner à Facebook des données, lui offrant ainsi une meilleure analyse. Ayant davantage d’informations sur les internautes exposés aux publicités il est alors plus facile pour Facebook de choisir les sites pour lesquels ils participeraient aux enchères. Le contrat mentionne également qu’un délai supérieur (300 millisecondes) est accordé à Facebook quand bien même les enchères s’arrêtent pour les autres annonceurs (160 millisecondes).

En contrepartie, Facebook s’est engagé à participer à 90% des négociations et à investir à hauteur de 500 millions de dollars par an chez Google.

De plus, afin de garantir à Facebook de remplir son FAN, Google truquait les enchères afin que son allié en remporte certaines quand bien même la mise était inférieure. Le prix de commission a aussi été négocié. Alors que les autres acteurs du marché publicitaire ont des frais fixés à 20%, les frais de transaction de Facebook et Google se trouveraient entre 5% et 10% en fonction du montant publicitaire investi.

Ken Paxton, procureur général du Texas a plutôt bien résumé en quelques mots le « Jedi Blue »  : « Si le marché était une partie de baseball : Google serait à la fois le lanceur, le batteur et l’arbitre. L’entente favorise tellement Facebook, c’est comme si ce dernier démarrait chaque tournoi à la finale. »

Les réponses aux accusations

Suite aux accusations des dix états, les violons ne semblent pas s’accorder.

Google assure de son côté qu’aucune entente de la sorte n’a été conclue entre la compagnie et celle de Mark Zuckerberg, revendiquant que cette dernière fait simplement partie des vingt-cinq entreprises de l’Open Bidding, et qu’en aucun cas elle ne reçoit des informations supplémentaires. Adam Cohen, directeur de la politique économique de Google, affirme même : « Notre accord avec le Facebook Audience Network (FAN) leur permet simplement (ainsi que les annonceurs qu’ils représentent) de participer à notre système d’enchères publicitaires programmatiques. […] Pas de falsification du tout, le FAN doit payer l’offre la plus élevée s’il veut apparaître. »

Facebook de son côté laisse entendre qu’une entente a effectivement été signée, mais qu’elle a pour but de renforcer la concurrence.

Pour les vingt-quatre autres entreprises de l’Open Bidding la peur prend le dessus : c’est l’omertà. Seulement six ont témoigné sous couvert d’anonymat dans l’article du New York Times. Les contrats sont-ils les mêmes pour les vingt-quatre autres compagnies du programme ? C’est ce qu’il reste à découvrir. Pour l’heure, pour les autres participants, parler reviendrait à perdre les avantages (qu’ils ont peut-être) ou bien même à se faire exclure du programme. 

En 2020, Google a fait l’objet de trois plaintes antitrust. Preuve irréfutable que les autorités peinent à réguler le marché de la publicité digitale et que rien n’effraie le géant Google. Suite à cette enquête, la force sera-t-elle avec eux ou le colosse s’avérera -t-il aux pieds d’argile ?

Victoire Boissont

Sources :

Facebook joue avec le cloud

Facebook annonce le lancement de son offre de cloud gaming 

Le 26 octobre 2020, Facebook a annoncé le lancement de son offre de cloud gaming. Le lancement de cette offre fait suite à une phase de test grandeur nature, regroupant près de 200 000 personnes par semaine dans certaines régions. L’offre est accessible sur Android ainsi que directement sur le web. La fonctionnalité n’est pour le moment pas disponible sur iOS, Apple et sa politique de traitement des jeux ralentissant le processus. Les premiers jeux proposés sont : Asphalt 9 : Legends, Mobile Legends Adventure, PGA TOUR Golf Shootout et Soliraire : Arthur’s Tale.

Qu’est-ce que le cloud gaming ?

Avant de poursuivre, il est important de comprendre ce qu’est le cloud gaming, ou jeu à la demande en français. Cette technologie permet de jouer aux jeux vidéo en streaming. Traditionnellement, lorsqu’on lance un jeu sur un PC ou une console, ce jeu est exécuté grâce aux processeurs de la machine. Avec le cloud gaming, le jeu est désormais exécuté sur les serveurs du fournisseur de service et l’image est transmise en temps réel sur l’écran de l’utilisateur.

Les acteurs en puissance 

Facebook n’est certainement pas le premier acteur à se lancer dans ce secteur. De nombreuses entreprises se sont lancés dans le cloud gaming, qu’il s’agisse d’acteurs du jeu vidéo ou de nouveaux entrants dans ce secteur.

L’un des pionniers en la matière est l’entreprise française Shadow. Créée en 2015, cette entreprise est précurseur en matière de cloud gaming. L’offre de cette entreprise est l’accès à un ordinateur haut de gamme et puissant pour 12,99 euros par mois. L’utilisation de Shadow ne se limite cependant pas aux jeux vidéo puisqu’avec l’accès à cet ordinateur, les utilisateurs peuvent également exécuter des logiciels. On note aussi que, contrairement aux offres suivantes, Shadow ne propose pas de jeux et que les utilisateurs doivent être propriétaires des différents jeux et applications qu’ils lancent.

Parmi les autres concurrents en lice, on note deux éditeurs de jeux et fabricants de consoles : Sony et Microsoft. L’offre Playsation Now de Sony permet un accès à un catalogue de jeux sortis sur les différentes générations de consoles de l’entreprise. Ainsi, pour un abonnement mensuel de 9,99 euros, les joueurs peuvent avoir accès, depuis une PS4 ou un PC, à plus de 600 jeux en streaming. Sortie en septembre 2020, l’offre de cloud de Microsoft, nommé Xbox Game Pass, est fondée sur le même modèle que l’offre de Sony. Pour 12,99 euros par mois, les joueurs ont accès un catalogue de jeux comprenant les licences phares de Microsoft, telles que Halo et Gears of Wars, mais aussi des jeux de studios tiers ou encore de studios indépendants. L’offre est accessible depuis un ordinateur, un IPhone ou un IPad.

Autre acteur du jeu vidéo, Nvidia a lancé son service GeForce Now en février 2020. Leader sur les cartes graphiques, l’entreprise propose dans son offre une sélection de jeux compatibles issus de distributeurs de jeux tels que Steam, Uplay ou encore Battle.net. 2 abonnements sont possibles : un gratuit qui permet des sessions de 1 heure maximum, et un abonnement à 5,49 euros par mois qui permet un accès prioritaire et une durée de session étendue. L’affichage est pour le moment limité à 1080p et 60 images par seconde.

Le cloud gaming marque aussi l’incursion de deux entreprises majeures dans le monde du jeu vidéo : Google et Amazon. Avec Google Stadia,  Google met le pied dans l’industrie du jeu vidéo. Ce service de cloud gaming permet, via un abonnement de 9,99 euros par mois, un accès à un large catalogue de jeux et propose un également une qualité d’affiche en 4K. De son côté, Amazon a lancé en Early Access aux Etats-Unis son service Amazon Luna. L’abonnement est fixé pour le moment à 5,99 dollars par mois et permet également de jouer à tout un catalogue de jeux.

D’autres concurrents sont encore à venir. On note notamment la volonté de l’éditeur de jeux vidéo Electronic Arts de se lancer dans le cloud gaming. Depuis l’annonce lors de l’E3 2018, très peu d’informations circulent sur le sujet cependant. 

La stratégie de Facebook

Les offres concurrentes de cloud gaming reposent, à quelques détails près, sur le même modèle : en contrepartie d’un abonnement, les utilisateurs ont accès un catalogue de jeux. La concurrence cherche également à se démarquer sur des questions de performance (affiche 4K, 60 FPS, etc …) et d’accessibilité.

Facebook base son offre sur un modèle totalement différent. Ici, l’offre est gratuite et les jeux proposés aux joueurs sont plutôt modestes en termes techniques et sont également disponibles gratuitement.

Pourquoi une telle différence dans l’approche de Facebook, tant en termes de modèle économique que de performance technologique ? Les ambitions ne sont pas les mêmes. Contrairement à ses concurrents, Facebook cherche, non pas à vendre un abonnement ou encore des jeux, mais à garder l’utilisateur sur le réseau social.

Pourtant, il est bien possible que Facebook change sa stratégie avec le temps. En effet, depuis le rachat de la start-up espagnole PlayGiga fin 2019 , Facebook a montré son ambition de se diversifier et d’offrir un service de cloud gaming à ses utilisateurs. Bien que pour le moment, elle ne propose pas de jeux payants utilisant toutes les possibilités techniques du cloud gaming, elle reste ouverte à cette possibilité. Comme l’a exprimé Jason Rubin, VP du pôle Gaming de Facebook, l’offre d’un jeu « premium » fera sens un jour, mais le lancement de ce service était surtout l’occasion de mettre un pied dans ce secteur, quitte à monter en gamme plus tard.

Le cloud gaming, futur du jeu vidéo ?

Le cloud gaming démarre à peine et pourtant, la concurrence est déjà rude. Le jeu à la demande est-il le futur de l’industrie du jeu vidéo ? Il n’est, pour le moment, pas possible de répondre catégoriquement à cette question. Le jeu à la demande est trop dépendant des connexions internet des utilisateurs et une connexion puissante n’empêche pas les temps de latence. Cette technologie prometteuse est encore à développer et il y a donc fort à parier que les machines de jeux ont encore quelques beaux jours devant elle.

Léo Aksas


Sources :

Denn, A. L. (2019, 19 décembre). Facebook rachète la start-up espagnole PlayGiga, spécialiste du cloud gaming. usine-digitale.fr.

https://www.usine-digitale.fr/article/facebook-rachete-la-start-up-espagnole-playgiga-specialiste-du-cloud-gaming.N914664

Gianoli, J. (2020, 2 décembre). Carte graphique, la part de marché d’AMD s’effondre de 16% en une année. GinjFo.

https://www.ginjfo.com/actualites/politique-et-economie/carte-graphique-la-part-de-marche-damd-seffondre-de-16-en-une-annee-20201202

Huvelin, G. (2020, 27 octobre). Facebook part à l’assaut du cloud gaming avec une offre totalement gratuite. Frandroid.

https://www.frandroid.com/marques/facebook/790913_facebook-part-a-lassaut-du-cloud-gaming-avec-une-offre-totalement-gratuite

Ketfi, C. (2020, 24 décembre). Stadia, Shadow, Xbox Game Pass, GeForce Now, Luna… quelle est la meilleure offre de cloud gaming ? Frandroid.

https://www.frandroid.com/produits-android/console/575680_cloud-gaming-tout-savoir-sur-le-futur-du-jeu-video-et-les-differents-services-disponibles

Shadow – Le PC gamer basé sur la technologie du Cloud Gaming. (2020). Shadow.tech.

https://shadow.tech/fr

Webster, A. (2020, 26 octobre). Facebook takes its first small steps into the world of cloud gaming. The Verge.

https://www.theverge.com/2020/10/26/21528438/facebook-cloud-gaming-beta-android-web-jason-rubin-interview

Wikipedia contributors. (2020a, novembre 19). Blade (entreprise). Wikipédia.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Blade_(entreprise)

Wikipedia contributors. (2020, 21 décembre). Jeu à la demande. Wikipédia.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_%C3%A0_la_demande

Retour sur l’émergence de théories complotistes sur les réseaux sociaux en 2020 : le mouvement QAnon

Nul n’a pu échapper dans son expérience sur les réseaux sociaux et dans sa quête d’information, à ces fameuses « théories complotistes » qui émergent sur internet. Entre les personnes croyant que la terre serait plate, celles qui pensent que la Norvège n’existerait pas, que les Américains n’ont jamais été sur la Lune, qu’une société secrète impliquant des personnes de pouvoirs régirait le monde dans l’ombre ou encore que le coronavirus ne serait qu’une machination, nous ne comptons plus les théories conspirationnistes relayées sur les réseaux sociaux. Les trois plateformes sociales particulièrement touchées par ce flot d’informations sont Facebook, Twitter et Youtube, qui peinent à supprimer ou du moins modérer ces théories. Mais comment des milliers de personnes peuvent se réunir autour de sujets aussi saugrenus ? Comment alimentent-ils leur croyance ? Quel rôle jouent les réseaux sociaux dans cette affaire ? Quel impact cela a-t-il sur notre société ? Retour sur une théorie qui s’est enraciné dans les élections présidentielles américaines de 2016 à aujourd’hui : le mouvement QAnon, pour lutter contre la désinformation et l’émergence de nids du complot.

Bien qu’il existe depuis toujours des groupes d’individus prônant des théories conspirationnistes, cette mouvance s’est accélérée avec l’apparition des réseaux sociaux et de façon massive en cette année 2020. Permettant à des groupes assez marginaux de diffuser leurs théories à leur guise sur la toile et d’avoir de plus en plus d’adeptes. Ces « fake théories » quelque peu déroutantes sont marquées au fond par une perte de confiance dans les médias traditionnels puisque de nombreuses personnes ne s’informent à présent que sur des sites dont l’information n’est pas vérifiée ou sur les réseaux sociaux. Et bien que certaines de ces théories puissent prêter à rire sans devenir un réel danger pour notre société, d’autres théories du complot sont de vraies menaces qui ont de plus en plus de poids dans certaines élections présidentielles, ou touchent à des sujets sensibles telles que le réchauffement climatique ou la santé (les anti-vaccins par exemple).

Source : L’Observatoire Mesdatas&moi

Retour sur le mouvement « QAnon » 

La rumeur du « Pizzagate » naît sur internet en 2016 ; s’ensuit une fusillade dans une pizzeria se voulant être un haut lieu de trafic d’enfants orchestré par Hillary Clinton et la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle. L’histoire prend vie et est relayée sur de nombreux réseaux sociaux complotistes : le mouvement QAnon est né. Porté par un certain internaute nommé « Q » qui dénonce un Etat dans l’Etat, affirmant qu’il existerait un réseau de pédophilie souterrain aux Etats-Unis, étroitement lié au parti démocrate, à certains milliardaires ou personnalités influentes (telles que Hillary Clinton ou encore Bill Gates). Ce mouvement a déjà conquis des milliers voire des millions d’Américains du plus crédule au plus averti. Il est né dans une « bulle » qu’est internet, les adeptes de ce mouvement sont désormais partout, à tous les meetings de Donald Trump aux Etats-Unis, brandissant des affiches avec la fameuse lettre Q, symbole du mouvement. Il règne d’ailleurs une ambiguïté sur la proximité du président Trump avec la théorie conspirationniste QAnon dont les fidèles en ont fait leur figure de proue. Fervents soutiens à ce dernier, cela soulève de nombreuses questions sur son implication ou non dans ce mouvement, soutien auquel il a répondu par je cite « D’après ce que j’ai compris, ils m’aiment beaucoup, ce que j’apprécie. Je ne sais pas grand-chose de ce mouvement, mais j’ai entendu dire qu’ils gagnaient en popularité ». 

Mais ce qui est le plus étonnant, c’est l’ampleur qu’a pris cette théorie, le nombre d’adeptes que comprend le mouvement et la force de leur visibilité sur internet, en particulier sur Facebook depuis le début de l’épidémie de la covid-19. Certaines études ont montré que depuis le début de l’épidémie, l’audience de la page du mouvement QAnon aurait augmenté de plus de 600% sur Facebook.

Le rôle joué par les réseaux sociaux 

Dans une société où les réseaux sociaux jouent un rôle crucial dans le partage d’informations, ils se doivent également de lutter contre tout contenu haineux, le relais de fausses informations ou la montée en puissance de groupes radicaux sur leurs plateformes. Dans ce cas précis, il s’agit de supprimer les contenus de la mouvance conspirationniste QAnon. A l’approche de l’élection présidentielle, la société dénonce les inactions des réseaux et de la propagation des théories du complot liées à l’extrême droite ultra-conservatrice. Facebook décide alors de supprimer les comptes liés au mouvement QAnon et d’endiguer leurs audiences sur sa plateforme ainsi que sur son autre réseau social Instagram. C’est ensuite au tour de YouTube d’interdire les contenus violents de ce mouvement et de ceux faisant la promotion de cette théorie. YouTube a également annoncé que ces mesures viennent compléter celles déjà prises sur la modification de ses règles d’utilisation, en voulant « interdire tout contenu qui vise un groupe ou des individus en s’appuyant sur des théories conspirationnistes qui ont déjà motivé des actions violentes ». Quant à Twitter, le réseau social avait déjà pris comme mesure en Juillet dernier de supprimer plus de 7 000 comptes appartenant au mouvement Q.

Même si la prise de position des réseaux sociaux montre une volonté d’endiguer les phénomènes conspirationnistes, nous sommes loin d’avoir régler tous les problèmes liés aux groupes extrémistes qui agissent sur les réseaux. Cela est en parti lié à l’algorithme utilisé par les réseaux sociaux qui par nature recommandent ce type de contenu aux personnes déjà enclin à les apprécier, ce qui crée une réaction en chaine importante. Par exemple, sur Youtube, plus de 70% des vidéos qui sont regardées quotidiennement sont directement recommandées par l’algorithme, en Automne 2018 YouTube avait massivement recommandé des vidéos QAnon avant de modérer quelques mois plus tard ces contenus. Du côté de Facebook plus de 64% des comptes qui ont rejoint des groupes complotistes ou extrémistes l’ont fait car l’algorithme de Facebook leur avait recommandé ces groupes au préalable. De plus, en 2018, Facebook a décidé de modifier sa stratégie en promouvant davantage les contenus produits par les groupes et les profils d’utilisateurs et de restreindre la visibilité algorithmique des pages (souvent utilisées par les médias). Cela a permis à des groupes conspirationnistes comme QAnon d’émerger à travers les groupes Facebook. On ne peut donc pas nier l’effet qu’ont les algorithmes dans la propagation des théories conspirationnistes et le rôle d’accélérateur qu’ont les réseaux sociaux. Une formule utilisée par les américains représente très bien cette pensée dont l’objectif n’est en rien de réduire le « freedom of speech » mais plutôt le « freedom of reach ». Le rôle des algorithmes finit par réduire notre horizon informationnel puisque les contenus recommandés convergent tous dans la même direction. Cela est encore plus flagrant avec les contenus radicaux ou complotistes, ce procédé étrique notre façon de penser avec une vision clivante du monde.

Source : Le Monde, ADRIA FRUITOS

Une menace pour nos démocraties 

Enfin, le groupe QAnon qui a pris beaucoup d’ampleur ces derniers mois ne s’arrête pas aux frontières des Etats-Unis puisqu’elle gagnerait en popularité Outre-Atlantique et s’immiscerait au sein d’autres mouvements contestataires partout en Europe, tel que celui des Gilets Jaunes en France. Pour appréhender le développement fulgurant de ces théories en 2020, il faut également comprendre le contexte dans lequel il a été permis. La crise du coronavirus qui a touché le monde entier, a soulevé de nombreuses questions au sein de nos démocraties. Certains questionnent même l’existence du virus, ne « croient » plus en l’Etat et pensent être manipulés constamment par les médias. Le film documentaire « Hold-up » sorti en Novembre en est la preuve, leurs propos : tout ne serait que complot pour anéantir la population mondiale dont l’outil numéro un serait la covid-19. En donnant de la lumière aux théories complotistes et en essayant de les justifier, ce documentaire octroie une crédibilité aux groupes conspirationnistes et sème le trouble dans la société. Une fois de plus pointées du doigt pour leur manque de rapidité dans la modération de contenu, les plateformes apparaissent comme des acteurs puissants dans le relais de l’information.

Bien que la modération sur les lieux où naissent et se propagent les théories soit essentielle, elle reste insuffisante. Les croyances de ces groupes sont enracinées dans une défiance envers les institutions politiques et médiatiques. Pour tenter d’inverser la tendance et de gagner de nouveau la confiance, il faut nécessairement en comprendre les causes profondes. La confiance dans les médias et les institutions politiques a besoin d’être restaurée, la lutte contre les fake news approfondie et la régulation des contenus haineux et complotistes intensifiée si nous voulons faire cesser l’émergence de théories conspirationnistes qui divisent notre société et met à mal nos démocraties.

Louise Varnusson

Sources :

Les deepfakes joueront-ils les trouble-fêtes dans les élections américaines ?

L’émergence et le perfectionnement des deepfakes suscitent de vives inquiétudes dans les sphères politico-médiatiques sans qu’aucune mesure concrète n’ait encore été prise. La déclaration de Monika Bickert, vice-présidente de la gestion des politiques mondiales chez Facebook, pourrait marquer un tournant décisif dans l’appréhension de ce phénomène, une menace réelle pour le groupe lui-même.

Donald Trump annonçant l’éradication du sida, Barack Obama insultant l’actuel président américain… Des messages étonnants, suspects et dangereux appelés deepfakes.

Pour la première fois, le géant américain se positionne réellement et annonce des mesures concrètes pour encadrer ce qui pourrait être une réelle bombe à retardement à l’approche des élections présidentielles américaines.

Une technologie demain à la portée de tous

Apparu à l’automne 2017, le terme de deepfake désigne des vidéos truquées grâce à l’intelligence artificielle permettant d’animer des images au bon gré de l’internaute, en appliquant à n’importe quel visage un comportement humain pour le faire parler et bouger selon son souhait. Contraction de « fake » et de « deep learning », ces trucages se développent grâce aux techniques des GAN, comprenez les Generative Adversarial Networks.

Le principe est simple : deux algorithmes s’entrainent mutuellement. Le premier crée des imitations les plus crédibles possibles, le second tente de détecter le faux dans l’exécution du premier. Les répétitions du programme entraînent l’algorithme et permettent d’améliorer la technique pour obtenir des résultats de plus en plus proches de la réalité. La machine se perfectionne toute seule et les résultats obtenus peuvent être stupéfiants : Donald Trump annonçant l’éradication du sida, Barack Obama insultant l’actuel président américain… Ces vidéos sont rapidement devenues virales, si bien que l’envie de rendre cette technique accessible à tous s’est imposée.

De nombreuses entreprises se lancent alors à l’assaut d’un marché qui pourrait leur rapporter gros. Des acteurs chinois ont très vite pris les devants dans cette course technologique : l’application Zao par exemple propose d’incruster votre visage dans des films célèbres. Doublicat se spécialise dans l’incrustation de visage dans des GIF. Snapchat et TikTok  comptent bien être de la partie et ont déjà annoncé le développement de fonctionnalités similaires. Parallèlement, le nombre de deepfakes explose : de 8 000 à 14 700 entre fin 2018 et automne 2019. Et ce n’est qu’un début. Cette technique devrait être réellement accessible à tous d’ici 6 mois et cela avec une qualité très satisfaisante.

Une menace bien réelle pour les démocraties

Si pour l’instant, on estime à 96% la part de deepfakes relevant du divertissement et de l’humour, la menace pourrait grandir très vite, notamment s’ils sont utilisés à des fins de communication politique.  Alors que l’élection américaine approche à grand pas, l’affaire Cambridge Analytica reste dans tous les esprits et démontre que les réseaux sociaux sont aujourd’hui un nouveau terrain stratégique pour la propagation voire la manipulation d’idées, supportée par l’accès à des données numériques permettant d’identifier des profils d’utilisateurs. Les réseaux sociaux ont révolutionné la diffusion de l’information, dans sa forme et sa vélocité. Ils impactent notre vision de l’actualité et donc parfois nos opinions personnelles. Le sensationnel dépasse bien souvent le rationnel et les algorithmes de ces machines sociales permettent la mise en avant d’informations peu fiables qui alimentent pourtant nos perceptions de la réalité.  

La menace réside dans le fait que les limites actuelles des deepfakes, technologiques, ne pèsent pas lourd face à cette nouvelle forme de diffusion.  En prêtant attention, un internaute n’aurait pas de mal à distinguer un deepfake d’une vidéo non trafiquée. Pourtant, les utilisateurs des réseaux sociaux se caractérisent par une attention souvent courte. Ils sont désireux de trouver des contenus synthétisés, percutants, consommables partout et instantanément. Pour preuve, le deepfake annonçant l’éradication du sida par Trump, pourtant une campagne de prévention contre le sida, n’a majoritairement pas été visionnée jusqu’à la fin, alors que le démenti apparaissait en conclusion de la vidéo. La fausse information est partagée en un clic, commentée, et l’information se propage. Le démenti aura ainsi beaucoup moins de visibilité et d’impact que la première vague de diffusion.

L’enjeu majeur n’est donc pas de détecter ces vidéos pour les signaler, mais bien d’être capable de les stopper ou de les identifier avant qu’elles ne soient publiées.

Ces craintes pourraient paraître trop alarmistes si les deepfakes n’avaient pas déjà été utilisés de manières fallacieuses dans un contexte politique. En effet, durant les élections législatives britanniques  de 2019, et donc dans un contexte politique tendu, deux faux enregistrements vidéos ont été diffusés sur les réseaux sociaux dans le but de déstabiliser les électeurs. Ces vidéos mettaient en scène les candidats vantant les mérites de leurs opposants. Lorsqu’on connaît l’impact qu’ont eu les fake news dans certains suffrages, tels celui du Brexit,  la réelle menace pour nos démocratie ne relève plus de la science-fiction.  

Des niveaux de sanction très variables selon les pays

Alors, nos gouvernements sont-ils parés pour lutter contre ces dérives ? Alors que la Chine applique depuis le 1 janvier 2020 une loi permettant d’appréhender les créateurs de deepfakes au même titre que des criminels, les instances politiques françaises semblent moins enclines à légiférer sur le sujet.

Le 15 octobre 2019, le secrétariat d’État au numérique publie une réponse officielle aux débats sur la nécessité de s’armer contre l’auteur d’un deepfake fallacieux. Il affirme que le droit français possède déjà le recours permettant de lutter efficacement contre cette menace : la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information, en vigueur depuis le 22 décembre 2018. Elle permet la création d’un référé habilité à stopper en urgence la diffusion d’une fausse information, l’obligation d’une plus grande transparence des sites en période électorale sur l’origine des informations, d’accorder des pouvoirs de régulation accrus au CSA. Ces mesures ne semblent cependant pas suffisantes à la CNIL qui recommande en novembre 2019 un cadre législatif et réglementaire spécifique à la reconnaissance faciale, et donc à la conception de deepfakes : « L’informatique doit être au service de chaque citoyen. […] Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ».

Les faiblesses du cadre législatif ne sont pas dénoncées uniquement en France. Aux États-Unis, le groupe de réflexion Future Advocacy, qui réunit de nombreux professionnels, pointe du doigt la préoccupation d’ordre public et la désinvolture de la sphère politique face à ces dangers.

Si la piste interventionniste est abandonnée du côté législatif, l’autre voie, cette fois-ci libéraliste, consisterait à laisser aux plateformes le soin de résoudre le problème. Jusqu’à maintenant, Facebook et les autres acteurs sont protégés par leur statut d’hébergeur, et non d’éditeur, qui les déresponsabilise sur leur contenu.

Cependant, Twitter, Pornhub, Gfycat appliquent déjà depuis peu une politique de modération drastique avec la suppression systématique des deepfakes. L’action de ces acteurs, notamment Pornhub, n’est pas anecdotique lorsqu’on connaît la création répétitive des deepfakes calquant le visage d’actrices renommées sur des vidéos pornographiques pour ensuite diffuser ces vidéos.

En revanche de son côté, Facebook a toujours été extrêmement réticent à sortir de sa neutralité et donc de sa non responsabilité légale. Cependant, la stratégie de communication du géant américain pourrait bien changer, pour éviter un nouveau scandale qui finirait de ternir son image.

Enfin des mesures plus concrètes mais pas forcément suffisantes

Les annonces ont débuté en septembre. Avec le lancement du Deepfake Detection Challenge, Facebook jetait un premier pavé dans la mare et proposait à des entreprises du secteur et à des universitaires de se rassembler le temps du challenge afin de stimuler la recherche et la production d’outils en open source. Le projet a notamment réuni Microsoft, Amazon, le MIT et l’Université de Californie.  Le réseau social avait pour cela investi 10 millions de dollars dans le projet et poursuivi ses investissements dans le laboratoire FAIR. Ce dernier a pour mission de travailler à l’avancement du projet de « désidentification » et l’utilisation de l’IA dans le but d’appliquer un filtre vidéo invisible afin d’empêcher leur exploitation par des logiciels de reconnaissance faciale qui peuvent générer des deepfakes

En décembre 2019, Facebook annonçait avoir supprimé “un réseau utilisant des photos générées par l’IA pour dissimuler leurs faux comptes. Nos équipes continuent à rechercher de manière proactive les faux comptes et autres comportements inauthentiques coordonnés[1].

Lundi 6 janvier 2020, la lutte du géant américain contre les deepfakes prend une tournure plus concrète avec l’annonce de mesures. En plus d’un partenariat avec le média international Reuters, qui aurait pour objectif d’accompagner les rédactions du monde entier en leur apprenant à identifier les deepfakes grâce à des outils et des formations en ligne, Facebook souhaite agir directement sur les publications.

Le géant propose cette fois-ci de sanctionner les contenus en empêchant la monétisation et en labellisant la vidéo comme une fakenews. Les vidéos concernées devront répondre à ces deux conditions :

  • La vidéo a été modifiée sans que le trucage soit facilement détectable par une personne lambda.
  • La vidéo a employé des techniques d’Intelligence artificielle ou du machine learning.

Cette déclaration n’est pas inopportune puisqu’elle arrive juste avant une nouvelle audition par la chambre des représentants des États-Unis, dans laquelle le réseau social, après son premier passage critiqué, devra se montrer plus convaincant s’il veut parvenir à rassurer l’opinion publique.

Mais alors, quels sont les risques à laisser Facebook comme seul modérateur ? Facebook affirme que cette modération ne s’appliquera pas aux contenus parodiques ou satiriques. Le géant américain devra donc juger le caractère humoristique d’un contenu,  un exercice très subjectif et qui, utilisé à mauvais escient, pourrait s’apparenter à de la censure.  Cependant, ces acteurs puissants semblent être les seuls réellement capables aujourd’hui de développer des techniques et des outils permettant de lutter contre les deepfakes, qui constituent une prouesse technologique indéniable, mais qui, sans encadrement pour en limiter les dérives, pourraient nuire à nos démocraties.

Louise DANIEL

https://www.lci.fr/high-tech/video-deepfake-la-menace-devient-reelle-2143709.html

https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/deepfake-la-nouvelle-bete-noire-de-facebook-836553.html

https://portail-ie.fr/analysis/2253/intelligence-artificielle-et-deepfakes-la-naissance-de-nouveaux-risques-strategiques

https://www.actuia.com/actualite/comment-facebook-compte-lutter-contre-les-deepfakes/

www.numerama.com/politique/561713-le-gouvernement-considere-que-la-loi-permet-deja-de-lutter-efficacement-contre-les-deepfakes.html

www.journaldugeek.com/2020/01/14/deepfake-application-devenir-meme/



Le nouveau business des micro-influenceurs

Avec son lancement en 2010, Instagram a rapidement su s’imposer comme levier marketing incontournable pour les annonceurs, notamment grâce à l’amplification du phénomène des influenceurs. En effet, avec la remise en cause des systèmes de publicités actuels, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à se tourner vers un marketing d’influence.

Les micro-influenceurs s’imposent comme un levier de communication à ne pas négliger. Ces derniers proposent une communauté de niche et très réactive.

Il s’agit ici de comprendre le phénomène récent des micro-influenceurs et pourquoi ces derniers sont devenus indispensables aux marques.

Qu’est-ce qu’un « Micro-influenceur » et pourquoi les marques se les arrachent ?

Même s’il n’existe pas réellement de définition exacte, le micro-influenceur est déterminé comme un individu comptant seulement une dizaine de milliers d’abonnés dans sa communauté. Il se situe dans la hiérarchie d’influence entre le nano et le macro-influenceur.

Mais pourquoi ces nouvelles « stars » se sont imposées comme un levier incontournable du marketing d’influence courant 2019 ?

Le premier point est que le micro-influenceur est souvent plus « influent » envers ses abonnés de par la taille de sa communauté, et devient donc plus intéressant pour les marques. Ces derniers sont souvent plus spécialisés, ont une proximité plus importante avec leurs abonnés et propose une cible de niche pour les annonceurs, et mécaniquement, l’engagement sera plus important. Pour mieux comprendre cette mécanique, rendez-vous sur l’étude Tank effectuée sur 300 000 comptes Instagram et qui semble mettre en avant la relation inverse existant entre le nombre d’abonné et le taux d’engagement

Ce dernier point est un point essentiel pour bien comprendre le phénomène du micro-influenceur. Plusieurs études récentes ont montré que l’engagement sur les publications des micro-influenceurs étaient largement supérieur à la moyenne sur les réseaux sociaux et ceci grâce à trois aspects :

  • Forte proximité avec sa communauté

Un micro-influenceur se doit d’entretenir une relation authentique avec son audience, de cultiver et diffuser une image de proximité. C’est exactement ce que recherchent les marques aujourd’hui. Grâce à lui, ces dernières peuvent s’immiscer dans l’espace privée des gens sans forcément passer par la publicité agressive classique.   

  • Spécialisation du domaine d’activité

Les micro-influenceurs, de par la fréquence de leur publication, ont la particularité d’avoir un capital confiance très important face à leur communauté. Le jugement du consommateur sera très fortement indexé sur celui de l’influenceur. Ainsi, les marque s’approprient aisément cette crédibilité à travers des partenariats et la promotion directe de leur produit par le micro-influenceur.

  • Une valeur bon marché

Les micro-influenceurs s’avèrent être plus abordables et moins exigeants que les influenceurs classiques. Là ou un gros influenceur peut prendre plusieurs milliers d’euros pour une publication, le micro-influenceur est généralement récompensé de petits cachés bien plus abordables pour les marques.

L’explosion du phénomène

En 2018, les marques ont commencé à revoir leur stratégie marketing d’influence en se tournant vers ces nouveaux acteurs. Très vite, les collaborations se sont avérées concluantes et c’est en 2019 que le véritable boom du micro-influenceur est apparu.

De nombreuses marques se lancent dans les collaborations. Un exemple de campagne a succès est Rimmel. Cette fameuse marque de cosmétique voulait à tout prix se démarquer de la concurrence. Elle a alors trouvé l’ingénieuse idée de contacter des micro-influenceur beauté sur Instagram et leur demander de poster une photo de leur nouveau produit avec le visage a l’envers. Pourquoi ? Tout simplement pour mieux capter l’attention de l’internaute.

Le résultat est immédiat :

  • 3 millions d’audience cumulée sur les réseaux sociaux
  • 75 000 favoris
  • Plus de 1000 commentaires
  • 200 tweets et partages

Quelques chiffres clefs sur les micro-influenceurs:

Une étude de Klear a estimé le prix moyen d’un post instagram (chiffres 2019) :

  • 172$ pour un micro-influenceur
  • 507$ pour un macro-influenceur (de 30 000 a 500 000 abonnés)
  • 2058$ pour une célébrité (plus de 500 000 $)

En 2018 :

  • Les micro-influenceurs ont publiés 84% des messages sponsorisés
  • 80% recommandent des produits ou services au moins une fois par semaine
  • 70% des micro-influenceurs travaillent sur moins de 5 campagnes marketing par an

Limites légales et transparence

Face à cette montée en puissance, de nombreuses limites au système sont apparues. Par exemple, certains micro-influenceurs n’hésites pas à ne pas mentionner lorsqu’il s’agit de partenariats, alors que c’est une obligation. De nombreux problèmes se posent alors : Comment réguler et assurer la transparence de ce système ? De nombreuses tentatives ont émergées mais en vain.

En France, contrairement aux États-Unis, il n’existe pas de loi spécifique pour les collaborations entre marques et influenceurs. L’ARPP (l’autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) a mis en place un certain nombre de règles pour encadrer ces partenariats ainsi qu’un jury déontologique destiné à intervenir en cas de dépôt de plainte d’un consommateur envers un influenceur qui ne respecterait pas les règles de transparence (en cas de partenariat, l’influenceur se doit de le préciser lors de la publication de son post).

Cependant, l’ARPP ne dispose d’aucun pouvoir de sanction et ne se base que sur le principe de dénonciation du « name and shame ».

Aujourd’hui, si une marque ou un influenceur ne respecte pas les règles fixées par l’ARPP, oubliant ainsi le principe de transparence, de lourdes sanctions peuvent être applicables : jusqu’à 300 000 € d’amende et deux ans d’emprisonnement.

EN 2016, la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) a lancé une série d’enquêtes afin de s’assurer du respect de ces règles de transparence.

Romain Keime

https://siecledigital.fr/2019/12/16/marques-influenceurs-quel-cadre-legal/
https://www.strategies.fr/blogs-opinions/idees-tribunes/4026389W/le-nouveau-business-des-micro-influenceurs.html
https://weekend.lesechos.fr/mode-et-beaute/actualites/0600890144855-pourquoi-les-marques-parient-sur-les-micro-influenceurs-2253296.php
https://start.lesechos.fr/societe/culture-tendances/a-qui-profite-le-business-des-influenceurs-13367.php
https://www.journalducm.com/micro-influenceurs-levier-indispensable-aux-marques
https://www.definitions-marketing.com/definition/micro-influenceur/
https://www.meltwater.com/fr/blog/chiffres-marketing-influence/
https://www.meltwater.com/fr/blog/comment-gagner-en-impact-grace-aux-micro-influenceurs/
https://blog.klear.com/influencer-pricing-2019/

Pour Facebook, « l’avenir est privé »

Le groupe Facebook souhaite mettre fin à la morosité de ses dernières années et compte progresser vers un modèle beaucoup centralisé.

FACEBOOK, UNE PLATEFORME EN MAUVAISE POSTURE

Ces deux dernières années auront été particulièrement difficiles pour la firme Facebook, passées à essuyer les retombées entraînées par le scandale des data leaks, lors duquel les informations de 87 millions de comptes ont été piratées. Cette très mauvaise presse met depuis deux ans la firme et son PDG sous pression face à une forte détérioration de leur image et de la confiance accordée par leurs utilisateurs. À tel point que le cours de l’action a diminué de 30% depuis mars dernier.

Par ailleurs, de nouveaux entrants sur le marché des plateformes sociales viennent ajouter de l’incertitude à ses horizons stratégiques. Ce sont de nouveaux noms qui apportent un vent de fraîcheur auquel les générations les plus jeunes sont particulièrement réceptives : TikTok en est la manifestation la plus parlante avec ses 1,7 milliards d’utilisateurs mensuels. Par opposition, Facebook apparaît plus vieillissant et se retrouve une nouvelle fois confronté à un concurrent, très populaire auprès de la Gen Z et peut-être plus difficile à tenir à distance que Snapchat.

LES ÉCHANGES PRIVÉS, UN MARCHÉ PROMETTEUR

Mais en dehors de ces difficultés, d’autres signaux indiquent assez clairement des évolutions de marché auxquelles il convient de répondre pour rester en adéquation avec les utilisateurs et leurs modes de consommation. Comme l’a très justement remarqué Mark Zuckerberg, « l’avenir est privé » (Conférence F8, avril 2019). 

Et pour cause, les échanges privés ont pris une part grandissante dans les interactions des individus sur les réseaux sociaux. En effet, ce qu’on appelle le « dark social » constitue une majorité des contenus partagés : il s’élève en 2019 à 63% des flux d’informations échangées, du moins aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Il y a donc un désengagement avéré des échanges sur les supports publics, qui traduit un intérêt assez généralisé pour le respect de la vie privée. 

Cette tendance assez marquée pointe un manque à gagner du côté des marques dans leurs stratégie marketing : une grande partie des échanges entre utilisateurs leur échappent manifestement, échanges qui peuvent potentiellement concerner leurs goûts et comportements de consommateurs, comme le précise Chase Buckle, responsable des tendances pour GobalWebIndex : « Alors que les plateformes de médias sociaux publiques remplissent de plus en plus le rôle de sources de consommation de contenu, les plateformes de messagerie privée sont maintenant le lieu où des conversations et des recommandations significatives ont lieu entre pairs qui s’engagent activement les uns avec les autres. Le partage de contenu avec un grand réseau d’amis accumulé au fil des ans peut avoir une portée impressionnante, mais n’est rien comparé à l’environnement des messageries privées, qui est beaucoup plus propice à la confiance dans les recommandations ».

Il y aurait donc un intérêt non négligeable pour les marques qui communiquent via Facebook pour mieux affiner leur stratégie et s’adresser plus directement au consommateur, par des conversations et chatbots par exemple. Logiquement, c’est aussi une occasion pour une plateforme telle que Facebook de s’octroyer une place d’autant plus centrale dans son écosystème vis-à-vis de ces entreprises tierces.

D’UN CHANGEMENT DE PARADIGME À L’INTÉGRATION DES PLATEFORMES

C’est dans cette perspective que Mark Zuckerberg pousse pour un virage stratégique majeur, qui vient remettre en question l’identité même de Facebook. Le 6 mars 2019, il annonçait officiellement vouloir faire progresser Facebook vers l’interaction privée ou en groupes avec deux conséquences majeures : le regroupement de ses trois plateformes principales et le cryptage des conversations privées. Ce revirement s’inscrit dans une dynamique qui se rapproche du modèle de WeChat, la super-application du groupe Tencent qui rassemble une part colossale des achats en ligne et de la vie sociale digitale sur le marché chinois. Il s’agirait donc d’opérer une intégration de ses trois fleurons : Messenger, Instagram et WhatsApp. Bien entendu, ce rapprochement ne vise pas à fondre les trois applications en une seule : Facebook s’oriente vers une centralisation de la vie numérique de ses utilisateurs, certes, mais moins appuyée que dans le cas de WeChat. Les plateformes resteront en effet distinctes les unes des autres dans leur utilisation, en revanche le rapprochement se jouera sur leurs infrastructures respectives qui seront unifiées, ce qui implique de revoir entièrement tout un pan de leurs fonctionnements différents.

L’intérêt d’une telle entreprise réside dans l’agrégation de 2,7 milliards d’individus, qui pourront interagir entre eux d’une application à l’autre, grâce à la mise en place de passerelles pour faciliter la navigation sur l’ensemble des services du groupe. C’est pour le géant des réseaux sociaux un moyen de capter leur engagement dans un écosystème davantage verrouillé, à l’abri de ses concurrents. De cette manière, le groupe pourrait du même coup renforcer le contrôle sur ses filiales, tout en consolidant son emprise sur l’essentiel de la vie sociale digitale de ses utilisateurs. On pourrait y voir une volonté de s’enraciner un peu plus dans leur vie quotidienne à l’instar du Chinois WeChat. Favoriser les interactions privées, c’est-à-dire le trafic sur ses applications, est un terrain d’opportunité crucial pour augmenter ses revenus, notamment avec la publicité. Mais de surcroît, c’est un tremplin pour se diversifier avec le renforcement de services complémentaires et donc de nouveaux revenus (avec une nouvelle forme de e-commerce ou de transaction par exemple).

Les ambitions de Facebook vont-elles donc réellement se concrétiser ? Pas si sûr ! Les relations de Facebook avec ses deux plus grosses filiales s’étaient avérées assez houleuses ces dernières années. WhatsApp et Instagram y voient le danger d’une perte de leur autonomie qui leur était promise lors de leur acquisition, à tel point que leurs fondateurs respectifs ont claqué la porte en 2018. Mais les résistances proviennent également et plus récemment des pouvoirs publics. Le projet ne semble pas être du goût la FTC (Federal Trade Commission), un organe faisant autorité sur la régulation de la concurrence américaine. Celle-ci a émit de sérieuses réserves ces derniers mois quant à ce projet qu’elle perçoit comme anticoncurrentiel.

LA PROMESSE DU CRYPTAGE FACE À LA RÉALITÉ

La deuxième promesse du PDG de Facebook, le cryptage end-to-end, manifeste plutôt sa volonté de tourner la page du scandale des data leaks et assurer le respect de la vie privée dans l’infrastructure de ses services. Le but du cryptage end-to-end, qui consiste à rendre accessible les conversations privées uniquement aux interlocuteurs, serait de garantir un espace sécurisé par défaut et non de manière optionnelle (comme c’est le cas aujourd’hui). C’est bien le principe de privacy by design déjà présent dans l’architecture de WhatsApp qui serait appliqué à Facebook Messenger. Si l’accès aux échanges se réduit aux personnes impliquées dans une conversation, cela signifierait donc que Facebook lui-même n’aurait pas de droit de regard sur ces données, contrairement aux publications publiques. Se pose alors la question de son modèle économique, qui s’est jusqu’ici largement basé sur la collecte et la monétisation de données, et qui s’en trouverait inévitablement bouleversé. Pour l’instant, la firme ne semble pas avoir apporté plus de précisions à ce sujet…

Par ailleurs, le cryptage des échanges privés se heurte encore une fois aux pouvoirs publics (notamment américains) sur le plan de la sécurité, cette fois. De manière assez logique, rendre les conversations totalement hermétiques à toute tentative extérieure expose notre société à un certain nombre de menaces. La désinformation, tout d’abord, qui a marqué l’actualité politique de ces dernières années ne pourrait vraisemblablement plus être modérée et efficacement combattue, puisqu’elle passerait sous les radars. Mais d’autres menaces au moins aussi dangereuses sont à redouter : les contenus haineux ou violents, la propagande terroriste, la pédophilie et plus généralement les activités illicites. Ce sont tous ces comportements qui seraient encouragés à proliférer sur la plateforme, puisque bien moins exposés que sur un fil d’actualité public. Mais pour Facebook, l’enjeu de sécurité concerne aussi les citoyens face à des États, qui pourraient se montrer trop intrusifs, menaçant la liberté d’expression, sous prétexte de lutter contre la criminalité.

Enfin, cette éthique de privacy semble également peu cohérente avec les fortes inquiétudes de la part d’une de ses filiales quant à l’anonymat de ses utilisateurs. En effet, si le cryptage de Messenger permet plus de sécurité sur l’application elle-même, la relier avec WhatsApp fragiliserait lourdement les garanties de cette dernière en la matière. Ses utilisateurs, pour créer un compte, n’ont qu’à fournir un numéro, rien de plus, ni leur adresse, ni même leur nom. À l’inverse, Facebook regroupe de nombreuses informations sur l’identité des personnes y possédant un compte. Si des liens sont établis entre les comptes personnels des utilisateurs sur les deux applications, la garantie d’anonymat sur WhatsApp risque bien d’en être impactée. 

Il apparaît donc clair que passer d’un modèle d’interactions publiques à un environnement privé, ça ne va pas de soi. C’est tout une identité, une infrastructure, un cadré légal et une relation groupe-filiales qui est à revoir. Le parcours de la firme vers cet horizon présente encore de nombreux obstacles venant des pouvoirs publics américains, de son écosystème et plus profondément d’une vraie rupture stratégique, qui viennent apporter beaucoup d’incertitude quant au succès de la démarche.

Hugo Salameh

Références

Wall Street Journal : https://www.wsj.com/articles/ftc-weighs-seeking-injunction-against-facebook-over-how-its-apps-interact-11576178055

New York Times : https://www.nytimes.com/2019/01/25/technology/facebook-instagram-whatsapp-messenger.html

Washington Post : https://www.washingtonpost.com/technology/2019/03/06/facebooks-mark-zuckerberg-says-hell-reorient-company-towards-encryption-privacy/

Forbes : https://www.forbes.com/sites/zakdoffman/2019/10/06/is-facebooks-new-encryption-fight-hiding-a-ruthless-secret-agenda/#268770c75699

Les Échos : https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/facebook-envisage-un-messenger-100-crypte-1145953

La Réclame : https://lareclame.fr/tendances-digitales-2020-224558

La Réclame : https://lareclame.fr/wearesocial-globalwebindex-darksocial-216777

Slate : https://korii.slate.fr/tech/place-publique-salon-prive-recentrage-zuckerberg-revolution-facebook

Amazon to Instagram: Deja vu? The Reality of Retargeting and the Future of Privacy

Amazon to Instagram: Deja vu? The Reality of Retargeting and the Future of Privacy

Now: Have you ever been scrolling through your news feed on Instagram and you found an advertisement that looked eerily familiar? In the spring of 2017, I was taking part in a group project for my marketing class at the University of Richmond in Richmond, Virginia, United States. Our assignment was to come up with a product and develop an original marketing plan. We decided on an electronic door key called “Keyless”. Anyways, while conducting research for our pricing strategy, I searched the prices of similar products on Amazon. Long behold, I was scrolling through my Instagram a few hours later and voila! There was an Amazon advertisement on Instagram for the very product I previously looked up. At first, I was dumbfounded and naive, thinking that this was some crazy coincidence. For a few moments, I thought to myself “what are the chances that the products I looked at on Amazon would be advertised to me on Instagram?” However, I quickly realized that this couldn’t be a coincidence. I concluded that my Instagram and Amazon accounts must be linked in some capacity. This was an “Aha moment” that reminded me of the digital world that we live in, where so much of our personal information is shared between various networks. This scenario was the perfect example of how my information could be used by different sources to profit. The following marketing class, I mentioned this occurrence to my professor who told me that this happens even more often via the Amazon Echo. Moreover, there have been situations in which a product that someone has recently discussed out loud appears on his or her device in the form of an advertisement. This phenomenon is known as “retargeting”, which is when online advertisements are targeted to someone according to the target person’s online activity. Retargeting is not exclusive to Amazon and Instagram as it appears on many other platforms including Facebook. This implies that our devices are not only tracking our every search or click, but also that our devices are listening to what we are saying.


With advancements in online technology comes increased capabilities for many people, especially advertisers. Not only do online advertisers have a whole new way to reach their audience, but they can reach them with products that have been of interest to Instagram users. From Instagram’s perspective, there is a critical advantage and disadvantage of allowing advertisers to retarget to Instagram users. While retargeting could be highly lucrative as advertisers pay Instagram for ad space, it could also carries the risk of making Instagram users uncomfortable. Furthermore, when seeing a recently searched Amazon item in an Instagram advertisement, Instagram users could feel that their privacy has been invaded. As the platform for individuals to share pictures of their life with one another, Instagram has a brand image to maintain. Individuals, who only use Instagram to view pictures posted by their loved ones, could be turned off by precisely retargeted advertisements. These people want to feel safe when they are viewing these pictures and not as if they are being spied on. For Instagram, the question becomes, do the benefits of advertisement dollars outweigh the potential costs of upset users? In order to effectively understand the reasons for retargeting on Instagram, it is essential to look at the numbers provided by Facebook, which acquired Instagram in 2012 for $1billion. According to Facebook, when presented with a product post on the app, 60% of Instagram users see new products while 75% of users take action. Although the 60% figure was in regards to finding new products in advertisements, this could still be seen as retargeting. For example, an individual might have been browsing Nike.com for a specific Nike Lebron James basketball sneaker, but decided to not purchase the product due to its high price. In turn, Nike chooses to retarget a similar, yet more affordable basketball sneaker to the same consumer. Nike pays Instagram to display the advertisement and Nike could profit if the consumer makes the purchase. Additionally, Nike is able to see that their customer pays attention to social media ads and that the customer prefers cheaper purchases.
Instagram provides companies with so much information that could be valuable for effective advertising. If a company has an Instagram page, it could potentially monitor the accounts and topics that its own followers are interested in. For example, Nike might monitor its followers and see that many of them are also following Neymar Jr., the elite soccer player. In turn, Nike could pay Neymar Jr. to appear in a Nike advertisement that will be directly targeted to those mutual followers. Combining this data with retargeting, Neymar could appear in Nike advertisements for a product that those mutual followers displayed interest in online but never purchased.

The near future: If Instagram users feel that their privacy is already being invaded, they might feel even more uncomfortable in the near future. Apple recently introduced the iPhone X, featuring Facial Expression Recognition Software, which is marketed as a security measure. However, it would only make sense that the data provided by this software ultimately becomes a valuable item that Apple could sell to marketing researchers. Furthermore, this software could enable marketing researchers to actually observe user facial expression and therefore analyze how consumers felt when presented with a specific advertisement for a product or service. Specifically, advertisers could purchase the data containing the facial expression of Instagram users when presented with a specific advertisement. This would help companies’ marketing teams determine how consumers truly feel about their products, pricing, promotion, and even place. This would be much more effective than having biased consumers tell you how they feel. For example, if Apple has data showing that a Facebook user smiled when viewing an iPhone X advertisement, Apple knows that the person is interested in the promotion and potentially the product. In turn, Apple could retarget the iPhone X to the same individual by showing the same exact promotion on that user’s Instagram account. All the while, Instagram is paid for the advertisement. Since Facebook owns Instagram, it profits from advertising on both platforms.
The last thing an advertiser wants to do is upset consumers. Although Facial Expression Recognition Software could enable advertisers to better target consumers with material that is more relevant, it could also make consumers extremely uncomfortable. Ultimately, social media platforms like Facebook and Instagram are free because we provide value in our personal data. Therefore, if users become increasingly paranoid about their privacy being jeopardized, social media companies could face an uphill battle. However, it would be very interesting if platforms like Facebook or Instagram estimated the value of each user’s data. In turn, Facebook could introduce an option for users to pay a fee for privacy equal to the value of forgone personal data that could no longer be sold by the company.
Personally, I believe our data has been available to social media platforms and big companies for many years now and that we will only become more exposed. As someone who has nothing to hide and thinks before making a purchase, I do not feel threatened by enhanced methods of retargeting. From my perspective, we get to use these platforms for free and companies are therefore able to profit off of the information that we make available. That seems reasonable. Moreover, both sides benefit as users enjoy these free platforms, which profit off of our tendencies. Ultimately, I think there is a fragile boundary that advertisers must not cross. In other words, there is a fine line between retargeting consumers with the perfect, most relevant products and intrusion of privacy. However, some consumers will feel these two things simultaneously occurring.
Consumers could one day find themselves living in a world where companies are omniscient. On the other hand, it is possible that we are already living in such a world.

Samuel Altman

Les formats courts : une nouvelle lubie pour les producteurs de contenus

Les formats courts : une nouvelle lubie pour les producteurs de contenus

 

Investissement dans les formats courts

 

Dans une société dominée par le culte de l’urgence, prendre un moment pour regarder un épisode de 50 minutes est devenu difficile. En effet, si les séries de format 50 minutes comme Game of Throne ou Stranger Things séduisent encore le public, la production de séries de format courts (20-30 minutes maximum) et adaptées aux smartphones/ tablettes, est exploitée et de plus en plus privilégiée.

 

En 2016, le groupe Vivendi annonce la création de Studio +, filiale de Canal + offrant des séries premium de format 10×10’. Parmi les séries phares, T.A.N.K ou encore Crime Time nommées au Luchon festival cette année.

 

 

Lancé un an plus tard par le cofondateur du site de musique en ligne Deezer et par le cofondateur d’Allociné, Blackpills est également un service de vidéo à la demande en streaming qui produit et distribue des contenus de formats courts destinés en priorité aux mobiles.

 

L’émergence de ce nouveau mode de consommation de séries a pour objectif de s’adapter à la génération Z, née avec internet et les réseaux sociaux et donc ultra connectée.

Outre Studio + et Blackpills dont les contenus sont essentiellement de courte durée, de plus grands acteurs commencent à investir dans ce type de format et parmi eux : les redoutables GAFA.

Amazon, le géant du net le plus avancé dans ce secteur avec son offre Amazon Prime Vidéo, cartonne avec deux séries : Transparent et Mozart in the Jungle. Les épisodes de ces séries durent entre 20 et 30 minutes, et le renouvellement de saisons témoigne de l’appétence des abonnés aux formats courts.

 

Apple se lance également dans la production de séries, et coopère actuellement avec Hello Sunshine, la société de production de Reese Witherspoon afin développer une comédie dirigée par Colleen McGuinness (30 Rock et Friend from College), dont les épisodes dureront approximativement une demi-heure.

 

Suivant la tendance, Facebook a annoncé courant 2017 vouloir faire son entrée sur le marché de la Vidéo à la Demande et souhaite privilégier deux types de formats pour sa plateforme « Watch » :

  • Les séries de 10 minutes
  • Les séries de 30 minutes

 

Facebook privilégie la cible des Millennials, à savoir pour les jeunes entre 14 et 35 ans.

Sacred Lies, adaptation d’un conte des frères Grimm est développée par le géant qui travaille en collaboration avec des membre de l’équipe de True Blood (HBO). La série sera composées de 10 épisodes, et chacun aura une durée de 30 minutes.

L’acquisition de Youtube par Google en 2006 témoigne de la volonté de l’entreprise d’investir dans les contenus. Mais plus récemment, Google est allé encore plus loin en annonçant en 2015, le lancement de la plateforme YouTube Red qui a pour objectif d’offrir une meilleure expérience aux internautes qui le souhaitent en fournissant des vidéos sans publicité.

YouTube Red produit aujourd’hui de nombreuses séries originales et qui ont pour particularité de durer au maximum 30 minutes, à l’exception du drame « Step Up : High Water ».

YouTube Red mise donc entièrement sur des contenus à formats courts et vise, à l’instar de Facebook, une cible très jeune située entre 14 et 35 ans. Une dizaine de séries originales de court format sont attendues en 2018.

 

Enfin, considéré comme le « N » de GAFAN, Netflix investit également de plus en plus dans la production de contenus courts. Début 2018, l’entreprise référente en matière de Vidéo à la Demande a lancé deux nouvelles séries avec des épisodes de courte durée, à savoir 25 minutes : The End of a Fucking World et Everything Sucks !

 

L’intérêt pour ce type contenu est également illustré par la restructuration des studios de cinéma témoignant de l’appétence pour ce nouveau format. En effet, les grandes Majors américaines développent des entités au sein de leur structure, entièrement dédiées au digital et a fortiori a des contenus de durée plus courte.

En octobre 2014, la Warner Bros créé Blue Ribbon Content une filiale entièrement consacrée aux contenus digitaux.

Lancée en décembre 2015, Super Deluxe est l’entité digitale de la société Turner Broadcasting system, et produit essentiellement des contenus courts. A l’instar de ces concurrents, la Fox, récemment rachetée par Disney, produit des séries de courts formats avec sa filiale la Fox Digital Studio.

Enfin, notons également que les agences de talent situées à Los Angeles, comme WME ou CAA, incitent leurs talents vers la création de formats courts.

 

Si l’investissement grandissant dans les programmes courts est indéniable, s’agit-il d’une réponse à la demande des spectateurs ou d’un besoin des entreprises ? Probablement un peu des deux.

 

La production de contenus de courte durée est nettement moins cher que la production de séries dont les épisodes durent 50 minutes. Les « mini séries » sont donc perçues comme un moyen de produire des contenus à couts moins importants. Par ailleurs, si les couts de production sont réduits, alors ils peuvent être réinvestis pour produire d’autres contenus et ainsi de suite : la rentabilité est à son maximum. La production devient donc massive, mais reste-t-elle qualitative ? La question reste entière. Les séries de 50 minutes par épisode sont encore celles qui connaissent le plus de succès, probablement car elles permettent une profondeur tant dans les personnages que dans l’histoire qu’une série courte n’offre pas.

 

En outre, la production de contenus n’est pas le cœur de métier des GAFA. Effrayés par l’émergence et l’importance grandissante de Netflix, ceux-ci investissent dans un secteur qui leur est étranger, avec des moyens démesurés (Apple mise environ 1 milliard de dollars sur la production de contenus). S’ils peuvent se permettre de mettre le prix et de s’entourer pour cette nouvelle activité, ils risquent de se retrouver dépasser. Ne s’improvise pas producteur qui veut !

L’appétence pour les formats de courte durée est la conséquence de plusieurs réalités : le culte de l’urgence, une adaptation aux nouveaux supports (smartphones et tablettes), et la rentabilité des programmes courts par rapport aux séries 50 minutes.

 

 

Quand les séries digitales sont adaptées par la télévision

 

Et si la solution n’était pas de mettre ces deux types de format en compétition mais de les rendre complémentaires ?

En effet, en adaptant des séries de court format, ou des Web séries, les chaines ou service de VOD s’assurent d’une base solide de fans, et d’une notoriété préexistante de la série.

C’est la stratégie adoptée notamment par Netflix qui adopte Osmosis, une série française diffusée durant l’été 2015 sur le site d’Arte. Il s’agira de la seconde série française de Netflix. De la même façon, le network américain CBS vient d’annoncer la commande de « I Mom So Hard », un projet basé sur la websérie portant le même nom. La production a été confiée à Rob Thomas (Véronica Mars).

Suivant cette tendance, HBO n’a pas dérogé à cette quasi-règle et a décidé d’adopter Brown Girls, l’histoire d’une amitié entre deux femmes de couleur ayant grandi dans des milieux très différents.

 

De compétition serions-nous en train de passer à collaboration ?

 

Mathilde Potier

 

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