Algorithme et santé mentale : comment les algorithmes font de la santé mentale une tendance ?

Mise sur le devant de la scène à la suite des multiples confinements liés à la crise sanitaire, la santé mentale s’est progressivement démocratisée ces dernières années jusqu’à être considérée aujourd’hui comme l’une des priorités du gouvernement Attal. Rapidement, les réseaux sociaux ont été envisagés comme un espace privilégié d’expression qui, du fait de la barrière du virtuel, facilite la prise de parole. Ils se sont emparés du sujet inondant les fils “Pour toi” de contenus autour de l’anxiété et de la dépression, contenus remportant un tel succès qu’ils en sont devenus viraux. La santé mentale devient ainsi un sujet de monétisation, orientant de ce fait, les consommateurs dans leurs choix et habitudes.

Actualité : la santé mentale, une priorité du gouvernement Attal

Selon une enquête menée par Santé Publique France datant du 23 octobre 2023, la santé mentale des Français continuent de se dégrader en 2023 et ce, particulièrement chez les 18-24 ans. Cette dégradation s’inscrit dans la continuité d’une accélération remarquée depuis 2021, année plongée dans une postpandémie lente et violente. Les recours aux soins d’urgence pour pensées et gestes suicidaires ne cessent d’augmenter et il est estimé à 20,8% le taux de personnes concernées par la dépression en 2021 contre 11,7% en 2017 ; nous passons ainsi du simple au double en à peine cinq ans. Ces chiffrent préoccupants sont aujourd’hui la source d’une prise de conscience généralisée sur le sujet, prise de conscience allant jusqu’à Matignon faisant de la santé mentale une des priorités du gouvernement Attal.  

Crise sanitaire : la santé mentale devient un sujet de santé publique 

Les problèmes de santé mentale ont toujours existé mais ont surtout été toujours minimisés par rapport à ceux liés à la santé physique. Comme ces troubles peuvent être, de fait, physiquement invisibles, indétectables à l’œil nu, ils ont l’énorme inconvénient de ne marquer les esprits que de ceux qui en subissent les conséquences directes ou indirectes. De plus, comme la santé mentale est, de ce constat, minimisée voire méprisée par l’opinion publique, l’aborder restait encore tabou. Jusqu’à la crise sanitaire. 

Lorsque le confinement a fait son apparition en France, toutes les habitudes et routines de la population ont changé, soudainement, sans prévenir. Les Français ont dû s’adapter avec les ressources dont ils disposaient, dans l’urgence. La vie sociale a été mise sur pause et des millions de personnes ont très vite fait face à l’isolement. Si la crise sanitaire n’a fait que plonger les personnes souffrantes de maladie mentale dans une bulle encore moins supportable, elle a également été à l’origine d’une diffusion généralisée de l’anxiété, de la dépression et des pensées et gestes suicidaires au sein de l’ensemble de la population. Là où la santé mentale n’apparaissait que comme un cas isolé pour certains, elle est désormais au cœur des préoccupations ; elle concerne une amie, un collègue, une camarade, un professeur ou encore soi-même si bien que nous nous retrouvons tous à une personne d’un individu souffrant de santé mentale. Enfermée chez soi, la population ne pouvait communiquer qu’à travers des écrans, renforçant la dépendance au numérique et aux réseaux sociaux. Sans repère, la population s’accroche à ce seul lien de communication et le quotidien devient de plus en plus guidé par les algorithmes.  

Réseaux sociaux : un espace d’expression privilégié par les jeunes

Protégés par la barrière du virtuel, les créateurs de contenus voient en les réseaux sociaux un espace privilégié d’expression et les utilisateurs, un moyen de réagir à ces contenus de manière anonyme s’ils le souhaitent. Cette mise à distance avec la réalité facilite et encourage la prise de parole faisant des réseaux sociaux, ce qui est souvent nommé de “safe place”. Finalement, ils retrouvent leur sens premier, celui d’interagir avec des personnes avec lesquelles nous sommes liés par des affinités de toute nature qu’elles soient amicales, professionnelles ou de l’ordre d’un sujet commun, ici la santé mentale.  Du fait de cette barrière du virtuel, les utilisateurs ont moins de mal à s’exposer et se crée ainsi une sorte de société parallèle conduite et contrôlée par les réseaux sociaux.  

Une alternative aux freins à la consultation payante de professionnels 

Aujourd’hui, 59,4% de la population mondiale utilisent les médias sociaux au moins une fois par jour. Ce chiffre s’explique notamment par les effets de réseau directs qu’ils procurent mais également par la facilité de se créer un compte. Ces plateformes sont très accessibles, intuitives et addictives. Cette accessibilité va de pair avec la gratuité de son service. Ce dernier point est important pour notre sujet. En effet, l’accès à la guérison de problèmes de santé mentale est souvent pointé du doigt ; cet accès passe généralement par la consultation de psychologues, prestations payantes qui, de fait, filtrent ses patients. Les réseaux sociaux s’imposent dès lors comme une alternative à ces freins liés à la consultation de professionnels qui ne sont, d’ailleurs, pas seulement financiers mais également moraux. En effet, encore aujourd’hui, malgré la démocratisation opérée autour de la santé mentale, aller voir un psychologue n’est pas un acte anodin dans l’esprit des gens. Avec les réseaux sociaux, les personnes souffrantes n’ont plus à faire cet effort de s’exposer et de se confronter au regard pesant de la société et peuvent se cacher derrière une identité virtuelle qui capte les conseils donnés sur ces plateformes pour améliorer leur santé mentale. En effet, les contenus portant sur la santé mentale peuvent prendre plusieurs formes : ce sont à la fois des conseils présentés sous l’angle du développement personnel ou encore des formats vlogs. Ces contenus sont très appréciés car ils vont (en apparence du moins) à l’encontre de la superficialité et de la “génération filtre” guidant les réseaux sociaux depuis plusieurs années. Ils se veulent plus proches du réel et ont pour but de légitimer l’idée d’aller mal, de le comprendre, de l’admettre et de l’assumer. La formulation “c’est ok” revient souvent dans ce sens et sert de mantra auquel s’accrocher et autour duquel les personnes souffrantes peuvent s’unir. Elle permet d’enlever aux réseaux sociaux cet aspect “culpabilisant” qu’ils peuvent initiés en ne montrant que des contenus améliorés, retouchés et mis en scène.  

Algorithme : scroller sur la santé mentale

L’engagement accordé à ces contenus précise le goût de ceux qui les regardent et permet à l’algorithme de personnaliser ses suggestions. Par ce jeu des algorithmes, les consommateurs d’une plateforme comme TikTok, particulièrement connu pour son algorithme puissant, se retrouvent dans des boucles infinies de contenus autour de la santé mentale. En alimentant cette spirale infernale, l’algorithme ne permet pas aux utilisateurs de sortir de cette bulle très cloisonnée dans laquelle ils ont été progressivement enfermés et font face quotidiennement à un contenu exclusivement tourné autour de l’anxiété et de la dépression. 

 « Quand [j’]“aime” une vidéo triste qui [me] parle, tout à coup, toute ma page “Pour toi” est triste. Je me retrouve dans le “TikTok triste”. Ça affecte mon humeur. »

Francis, 18 ans, étudiant aux Philippines.

Témoignage recueilli par Amnesty International lors d’une enquête portant sur l’exposition des jeunes aux contenus autour de la santé mentale sur TikTok.

Avec ces vidéos, les individus souffrants de mauvaise santé mentale se soutiennent, certes, contrant en apparence contre l’isolement, mais alimentent finalement le réseau social de ce sujet, jusqu’à son omniprésence. Avec l’algorithme, ils sont exclusivement et en permanence plongés dans ce contexte et cette atmosphère moroses. 

La capitalisation sur la viralité d’une maladie

Présentée ainsi, la combinaison algorithme/santé mentale ne semble pas alarmante. Pour autant, elle comporte des limites. Si la multiplication des contenus portant sur la santé mentale permet une démocratisation du sujet certes appréciable, elle va de pair avec leur succès, et très vite, leur monétisation. Ce genre de contenus devient une véritable source de revenus pour celles et ceux qui en produisent, incitant certains utilisateurs à en devenir eux aussi les créateurs. Dès lors qu’un contenu devient viral, des utilisateurs capitalisent sur cette viralité pour en tirer profit. Ainsi, le jeu des réseaux sociaux s’instaure de nouveau, plaçant la mise en scène au cœur des contenus et faisant émerger de nouvelles tendances pour maintenir cette viralité. Les contenus sur la santé mentale sont alors banalisés mais surtout idéalisés et souffrir d’un trouble mental signifie « être à la mode ». L’année dernière, une nouvelle tendance maquillage fait son entrée sur Tiktok, celle des cernes. Le principe ? Accentuer voire se créer des cernes pour paraître plus fatiguée et ainsi, en moins bonne santé. 

Si cette tendance avait pour but de démocratiser les “imperfections” qui sont normalement camouflées par le maquillage, des millions de jeunes adolescentes se sont emparées de cette astuce pour prôner une mauvaise hygiène de vie.  L’apparition de cette tendance en dit long sur les proportions qu’a pris le traitement de la santé mentale sur les réseaux sociaux, principalement sur Tik Tok.  

Aujourd’hui, la démocratisation d’un sujet sur les réseaux sociaux va de pair avec les excès de son exploitation. Malheureusement, ces plateformes permettent aujourd’hui de capitaliser sur la viralité de ses excès, les encourageant ainsi grandement. Si ce constat est plutôt commun à l’exposition d’une problématique sur les réseaux sociaux, il est d’autant plus alarmant lorsqu’il s’empare de la santé. Se pose alors la question de la modération sur ces réseaux, notamment sur une plateforme comme Tiktok, qui s’attaque aujourd’hui davantage à des thématiques sensibles pouvant heurter le public (terrorisme, sexualité) qu’à l’engrenage de la viralité et de l’exposition qu’elle implique. Si ces thématiques sont considérées comme « dangereuses » pour son public, quand est-il du principe de viralité ?

Sources :

  • « TikTok : un modèle dangereux pour la santé mentale des jeunes et des enfants », enquête publiée le 10 novembre 2023, Amnesty International
  • « Santé mentale : sur TikTok, une spirale de « contenus qui encouragent les pensées dépressives », interview publiée le 21 novembre 2023, par Jérémy Torres pour Libération
  • « TikTok plombe-t-il la santé mentale des ados ? », publié le 17 février 2023, par Audrey Parmentier pour Konbini

Louise Rialland

Newsjacking ou l’art de surfer sur l’actualité pour gagner en visibilité : méthode efficace de communication ? 

Bernie Sanders, la famille royale, Macron, tous ont été la cible du newsjacking – mais qu’est ce donc ?

Le newsjacking est une méthode marketing qui consiste à diffuser une image, une vidéo ou encore un message en rapport avec un sujet d’actualité. Le but est de provoquer une réaction, un choc chez le spectateur. On parle souvent de publicité “opportuniste”.

Pour cela, la campagne publicitaire doit être déclenchée le plus rapidement possible afin de ne pas perdre cet effet d’émulsion. Sont donc privilégiés les médias permettant une mise en place rapide de cette dernière (presse quotidienne, Internet, réseaux sociaux  …).En effet, cette méthode de marketing perd tout son sens si elle est reçue “trop tard”  par rapport à l’actualité exploitée. Le message perd alors toute sa valeur. La réactivité des équipes marketing de la marque est donc un élément indispensable. 

“Le newsjacking consiste à surfer sur une vague de buzz avant qu’elle ne soit formée totalement.”Frédéric Canevet, spécialiste en marketing B2B. 

La plupart du temps, c’est l’humour et la connivence qui sont mis en avant. Les jeux de mots et images détournées sont utilisés à foison. Au-delà de développer ce lien tacite avec l’audience en profitant de la viralité d’un buzz ou d’un événement, l’idée est également de profiter d’éventuelles retombées de presse ou sociales. 

Le newsjacking n’est pas forcément le fruit d’une immense réflexion, de grandes campagnes publicitaires comprenant des films publicitaires ou encore des emballages spéciaux. Cela peut simplement être un post ou un tweet, simple mais rebondissant instantanément sur l’actualité. Prenons l’exemple de ce tweet marketing de Netflix, en septembre 2020, à la suite d’une explosion dans Paris :

Ce dernier avait atteint la barre des 100 000 likes quelques minutes seulement après sa parution. 

Ou encore ce post de Monoprix en 2014 lors de la coupe du monde :

En quelques secondes seulement, le nombre de partages avait été fulgurant. Et on le comprend, la mise en scène est bien trouvée !

Dans le domaine du marketing traditionnel et digital, le real-time marketing a donc plusieurs objectifs : 

  • Améliorer la notoriété, l’image, l’engagement de la marque auprès du grand public
  • Une croissance rapide du chiffre d’affaires de la marque
  • La promotion d’un nouveau produit ou service grâce à cette méthode innovante
  • Se démarquer par rapport aux concurrents 
  • Créer une relation avec son audience cible et surtout tâcher d’accroître cette dernière

Le newsjacking présente donc divers avantages. Au-delà de rajeunir son image et d’améliorer sa réputation, cette méthode de marketing est un réel moyen pour générer de nouveaux prospects et de nouvelles ventes. En effet, les posts sur les réseaux sociaux relatifs au newsjacking sont les plus relayés par leur caractère ludique et inédit. Grâce au newsjacking, l’entreprise augmente donc sa chance de toucher une audience bien plus large que celle ordinaire.

Renforcer la confiance créée avec l’audience en jouant de cette complicité est également un atout far de l’approche marketing. Le newsjacking relève donc du marketing émotionnel et s’inscrit parfaitement dans cette vision d’amélioration d’image et de réputation. Cette stratégie digitale est également très utilisée afin de relancer la visibilité d’une marque et réveiller une communauté endormie. De nos jours, il est crucial pour une marque d’être présente au sein de la sphère médiatique. Utiliser le newsjacking est donc une manière idéale de se démarquer au sein de cette dernière, sortir son nom du lot. Toutes les entreprises n’osent pas encore se lancer et on les comprend. Faire du newsjacking c’est tout un art. 

Comment surfer (sans couler) sur l’effervescence médiatique ? 

La créativité est le maître mot. Cependant, il est essentiel de veiller à la bonne diffusion du message choisi. Si ce dernier est maladroit ou manque de pertinence,  le newsjacking peut rapidement virer à l’échec total et l’effet inverse de celui escompté : bad buzz, perte de réputation … On pense notamment à la campagne diffusée par les 3Suisses au lendemain de l’attentat à l’encontre du journal Charlie Hebdo début d’année 2015. Une action entraînant du remue-ménage dans le mauvais sens du terme et un bad buzz considérable pour la marque. 

Pour se mettre à l’abri d’un tel fiasco, voici quelques conseils : 

  • Forcer l’activité : Surtout pas ! Le principe même du newsjacking réside dans le fait de  surprendre les internautes. Créer le buzz pour le buzz ou surfer sur la même actualité que tous ne sera en aucun cas bénéfique. 
  • Ne pas trop planifier : Au risque de perdre en spontanéité, tout réside dans la gestion de l’urgence et de la surprise une nouvelle fois !
  • Éviter les sujets sensibles, susceptibles de créer une politique négative ( conflit armés, attaques terroristes …). Ne pas oublier de prendre des pincettes avec l’ironie, tout le monde n’est pas réceptif à cette manière de communiquer.
  • Résister à la récupération : Aucun effet de surprise dans ce cas, voire pire un vieillissement de l’image de la marque, jugée trop arriérée pour être à la page de l’actualité.  

Pour un effet garanti, il est essentiel d’établir un plan rapide – le newsjacking rime avec urgence – mais surtout efficience. Afin de déployer cette stratégie de manière réussie, trois étapes de bases semblent nécessaires : 

  1. Le benchmarking ou la veille marketing : Comme explicité plus haut, il ne faut surtout pas arriver trop tard ou encore pire passer à côté des événements d’actualités. Collecter et organiser les informations auprès d’autres médias spécialisés est donc nécessaire. Effectuer une veille SEO en s’aidant d’outils tels que Google Trends ou Oncrawl est un plus. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le newsjacking permet de toucher aussi bien des audiences B2C que B2B.
  1. être réactif mais attentif : Agir vite, certes, mais en étant  innovant et surtout sûr de ses sources. Le ton, le texte, tout doit être méticuleusement réfléchi.  L’idée est de proposer le contenu le plus pertinent, impactant et surtout plaisant afin de ravir le plus grand nombre.  Connaître sa cible principale est obligatoire afin de savoir la manière la plus judicieuse pour s’y adresser. D’autres part, inclure un aspect émotionnel est vivement recommandé : message de soutien à une cause, storytelling… Enfin quelque soit la nature du contenu, l’utilisation d’hashtags renforce la popularité et donc la vitesse de partage du post. Pour les JO 2024, utiliser #Paris2024 ou encore #OlympicSpirit peut propulser une campagne à l’avant de la scène. 
  1. Miser sur une stratégie multicanale : La campagne doit être vue, entendue, visionnée mais surtout retenue. Les blogs, campagnes d’emailing ou newsletters ne sont pas à négliger. Le format vidéo est également très apprécié. Les canaux de communication les plus exploités restent ceux visuels, permettant un partage immédiat sur les réseaux sociaux. Ces derniers par leur fonctionnalités de likes, commentaires et partages sont le support idéal, favorisant viralité et engagement.

Illustrons quelque peu ces propos.

Les experts en la matière : 

Monoprix : Comment parler newsjacking sans parler de Monoprix. La marque de supermarchés est la référence française dans ce secteur. Ses packagings jouent des temps forts de l’année pour mettre en avant les produits, le recours aux jeux de mots est pratiqué à profusion. Cette manière décalée de promouvoir les produits confère à la marque une réelle valeur ajoutée. 

Campagne célébrant les 45 ans du lancement de la mission spatiale Apollon 11: 

Campagne diffusée lors de la 68e édition du festival de Cannes en 2015 :

Ikea : La branche canadienne a souvent réussi à conquérir le cœur du grand public. Cette dernière mise également sur le newsjacking pour augmenter son capital sympathie. Sa communication digitale mise sur un visuel minimaliste mais efficace qui engendre souvent des milliers d’intéractions à travers le monde et des centaines de partages et reprises média.

Campagne diffusée à l’annonce du mariage du Prince Harry avec  Meghan Markle en 2018 : 

Campagne réagissant à l’image virale du sénateur américain Bernie Sanders :

Burger King : Pour conclure cette série d’exemples, il semblait indispensable d’évoquer le géant du Whopper. Connu pour son retour et ses campagnes de communications originales, c’est sans surprise que BK s’empare, à son tour, du newsjacking. 

Campagne réagissant à l’annonce de l’éclipse solaire au Canada le 8 avril dernier : 

Campagne diffusée lors du confinement de 2020 :

Le newsjacking, pratique déjà bien comprise par un certain nombres de marques semble donc être la technique idéale pour séduire son public sur un air enfantin ! Quoi de mieux que l’humour pour être convaincant et convaincu. Attention tout de même à ne pas se louper au risque d’être mis de côté. 

Originalité et créativité, nous avons hâte de voir ce que nous réserve les marques pour l’Euro et les JO de Paris 2024 !

Sources : 

Marketing, E. (2022, September 15). Newsjacking : qu’est-ce que c’est ? [Définition, marketing et exemples]. E-marketing.fr. 

Dorle, R. (2023, May 20). Stratégies de newsjacking : conquérir l’actualité pour un marketing efficace. Journal du Net

Sitew. (s. d.). Comment développer son entreprise en ligne avec le newsjacking ? Sitew.

Gripich, M. (2019). Newsjacking as a tool of influence on the image of a company in social networks. Zaporizhzhia National University. 

Lily Madura

Quand TikTok redéfinit l’art des concerts

Ces derniers mois, qui n’a pas regardé une vidéo du concert d’Harry Styles, de Beyoncé ou encore de The Weeknd lors de leurs concerts en France sur son téléphone ?

Peut-on se demander si TikTok ne bouleverserait-il pas les codes des concerts ?

Les vidéos de concerts, filmés par les fans, se multiplient sur les réseaux sociaux et deviennent ainsi un atout pour les artistes pendant leurs concerts

C’est à travers cette effervescence des concerts que TikTok a réussi à se faire une place en tant que nouveau moteur de communication et de partage. En n’étant pas réellement dans la salle de concert, un spectateur peut voir des aperçus du spectacle grâce aux nombreuses vidéos des concerts partagées sur les réseaux sociaux. Auparavant, filmer ou diffuser un concert était une pratique illégale ; aujourd’hui, cela devient une norme.

Les vidéos de concerts, filmées par les fans, et partagées sur les réseaux sociaux permettent à ceux non présents d’avoir un aperçu à 360° du concert, de voir la scénographie, mais également d’écouter les chansons phares de l’artiste, et donc de vivre le concert à travers leur écran.

TikTok et Instagram deviennent ainsi un relais live du concert, un moyen pour les fans de faire vivre les shows à travers les écrans, mais également pour les artistes de promouvoir leur spectacle sans réellement dépenser en termes de marketing. Par exemple, le hashtag #loveontour pour le concert d’Harry Styles, cumule près de 7,2 milliards de vues. 

Aujourd’hui, les artistes se sont emparés de cet outil afin de créer des shows qui reprennent des tendances du réseau social, comme Stromae qui reprend sur scène, la danse de sa musique “Alors on danse”. 

D’autres artistes comme Rosalia crée leur show à la façon de TikTok. Elle se filme en vertical avec son téléphone à différents moments de son spectacle, elle réalise les tendances TikTok dans ses concerts. La chanteuse espagnole va même plus loin, puisque pour annoncer son nouvel album, elle fait un concert en direct sur TikTok. Cette performance lui vaudra en 2022 d’avoir remporté conjointement avec TikTok une nomination aux Latin Grammy pour son film musical “Motomami” (Rosalía TikTok Live Performance), un film uniquement tourné sur des iPhones . 

Les concerts se multiplient : la tendance des concerts est au spectaculaire

Actuellement, les concerts se multiplient, que ce soit dans les petites salles ou dans les grandes. En effet, une étude du Centre National de la Musique sur la diffusion des spectacles de musiques actuelles et de variétés en 2022 en France montre qu’avec plus de 62 000 représentations payantes et 32 millions d’entrées, l’année 2022 franchit pour la première fois le milliard d’euros de recettes (1 146 M€ de billetterie). Ce sont les grandes jauges (comme les zéniths, les arenas, etc.) qui génèrent près de la moitié des recettes de billetterie (42% pour 1% de représentations).

Effectivement, on peut constater que les méga-concerts se multiplient. Entre 2019 et 2022, le nombre de représentations dans les salles de plus de 6 000 places a augmenté de 14%. Avec la crise du disque, et la faible redevance du streaming musical qui ne compense pas les ventes “physiques”, il est important pour les artistes de jouer sur scène. En parallèle, après avoir passé deux années à écouter de la musique grâce au streaming pendant le covid, les spectateurs ont désormais envie de voir les musiciens et de partager un moment unique.

De plus, le public demande de grands shows comme celui de Taylor Swift, produit par AEG, capable de déplacer près de 90 camions et pesant environ 9 milliards d’euros. Du côté des artistes, l’important est de se démarquer car la concurrence est forte, les représentations deviennent donc de plus en plus spectaculaires. C’est dans ce contexte que des salles de spectacle importantes telles que le Stade de France reçoivent de plus en plus de concerts. En effet, en 2022, un tiers du chiffre d’affaires annuel de cette salle provient des concerts (soit 78 millions d’euros).

TikTok, au coeur de l’industrie musicale, crée son propre concert : TikTok In the mix

Cependant, l’omniprésence des vidéos de concert n’entache pas l’importance d’y participer. En effet, la performance du direct conserve son pouvoir, comme on peut le voir avec la démultiplication des concerts et des festivals. De plus, dans l’industrie musicale TikTok est devenu un incontournable pour les maisons de disques qui s’efforcent de découvrir le prochain grand succès. Par exemple, Drake avec son titre phare Toosie Slide”, englobe tous les codes de TikTok afin de faire de cette chanson un hit : une rythmique saccadée connue des titres TikTok, une chorégraphie déjà prête avant la sortie du son et les 15 secondes de la chanson permettant la mise en place de challenges. 

Par ailleurs, la plateforme a permis de lancer des nouvelles carrières, de rajeunir les plus anciennes comme avec la chanson “Dreams” de Fleetwood Mac de 1977 qui connaît un regain en 2020. Également, TikTok est parvenu à faire modifier les noms des chansons de certains artistes pour mieux s’aligner dans les tendances de l’application. Ainsi, étant donné l’importance de l’industrie musicale au sein de l’application, il était normal que TikTok produise son premier concert le 10 décembre 2023. 

De plus, depuis quelques années, TikTok joue un rôle particulier dans l’émergence d’artistes ou de nouveautés musicales. La création du festival de musique « In The Mix » est donc organisée dans cette optique : donner vie à la musique, aux tendances, et aux expériences que la communauté du réseau social peut créer chaque jour.

Retransmis en direct sur TikTok, le concert s’est tenu à Sloan Park à Mesa, aux Etats-Unis. La programmation suscite l’enthousiasme des utilisateurs, avec des artistes tels que Niall Horan, Charlie Puth, Cardi B ou encore Anitta. En parallèle des têtes d’affiche, TikTok In The Mix a mis en avant de nouveaux artistes tels que Isabel LaRosa, Kaliii, LU KALA et Sam Barber. Ces artistes font partie de « TikTok Elevate », un programme d’artistes émergents.

L’événement a rapidement affiché complet avec près de 17 000 personnes. TikTok a proposé un tarif oscillant entre 25 et 60$ (soit entre 20 et 55€), afin d’avoir un prix accessible pour sa cible de prédilection, les jeunes. Pour ceux qui se rendent sur place, la plateforme propose aussi différentes séries d’activités inspirées par les tendances les plus en vogue.

@tiktok

Missed #TikTokInTheMix? Relive all the highlights and unforgettable moments from our first ever live music experience NOW on @Disney+ and @hulu ✨

♬ original sound – TikTok

Pour un événement de cette envergure, TikTok a réussi à atteindre des records d’audience sur la plateforme avec plus de 33,5 millions de téléspectateurs au total, profitant de la diffusion originale et des diffusions ultérieures de l’émission, adaptée au format vertical de l’application.

Paul Hourican, responsable mondial des partenariats et de la programmation musicale chez TikTok explique qu’ils sont ravis de «donner vie au fil « Pour toi », bien au-delà du concert Live de Mesa, en proposant cette expérience unique à des millions de fans à travers le monde ». En effet, en plus de la retransmission en direct sur TikTok, Disney+ s’est emparé du phénomène en permettant également de revivre le concert sur la plateforme. 

«Aucune autre plateforme ne réunit aussi bien musique, créativité et communauté que TikTok» explique Paul. En effet, leur vision est de « créer un spectacle réinventé pour l’ère TikTok et la communauté de passionnés de musique du monde entier ». Ainsi, il ne s’agit pas uniquement d’un festival mais d’un évènement culturel révolutionnaire. Grâce à ce concert, le réseau social a donc rassemblé sa communauté ce qui lui a permis de briser cette barrière de l’écran et de pouvoir partager et réunir. Ainsi, cette expérience a mis en exergue comment les plateformes numériques telles que TikTok façonnent non seulement la manière dont nous consommons la musique, mais aussi la manière dont la musique est jouée et vécue en direct.

On peut dire que TikTok influe sur la manière dont les concerts sont appréhendés. En effet, pour les spectacles de grande envergure, le concert ne se perçoit plus uniquement comme un événement artistique que l’on vit en direct, mais plutôt comme un produit à valoriser en ligne, une opportunité de générer du contenu viral pour TikTok.

Ainsi, en plus de modifier la façon dont on consomme les concerts, un show doit être filmable de la réflexion de la tenue, à la préparation, et au jour J. TikTok modifie également  la manière d’assister au concert. En effet, comme l’explique Raphaël Enthoven, aujourd’hui nous sommes dans une ère où il est plus important de filmer sa vie et de la partager plutôt que de la vivre : on va choisir «de sacrifier» le moment pour dire qu’on était là. TikTok sera un des vecteurs de cette philosophie, puisque le concert sera filmé pour se rappeler d’avoir vécu cette expérience, mais également de pouvoir dire «j’étais là ». 

Pour renverser ces codes de la société, l’artiste Dinos interdit de filmer et de prendre des photos lors de sa prochaine tournée Process Tour de 2024. Cette annonce inédite va à l’encontre du phénomène de société de capturer chaque instant avec son téléphone et rejoint la théorie de Raphaël Enthoven : vivre le moment.

Alexandra BECQUET

SOURCE :

Centre national de la musique. (2024, 29 janvier). La diffusion des spectacles de musiques actuelles et de variétés en France

Jack.(2023, 13 novembre). Comment TikTok a changé la façon de vivre les concerts.

Courrier International. (2023, 28 septembre). Comment TikTok change notre rapport aux concerts.

Fromentin, M. (2023, 26 octobre)- Begeek.fr. Le premier événement musical mondial en live de TikTok verra notamment participer Cardi B et Charlie Puth.

Richard, O. (2023, 15 décembre) – Libération. Mylène Farmer, Taylor Swift. . . le concert au stade industriel.

Romano, A. (2023, 3 septembre) – Vox. How concerts have evolved in the age of TikTok and smart phones.

Rosso, S. (2023, 26 octobre) – Siècle Digital. TikTok dévoile les contours de son premier festival de musique.

TikTok. (2023, 25 octobre) – Newsroom | TikTok. TikTok in the Mix : un grand concert live et en direct sur TikTok.

TikTok : future plateforme de référence pour les films et les séries ?

Envie de regarder le nouveau film « Barbie » gratuitement ? C’est possible sur TikTok, à condition d’accepter son découpage en 49 parties.

Sur TikTok, la diversité du contenu est frappante. On y trouve aussi bien des vidéos de danse virales, que des sketches comiques hilarants ou encore des conseils sur les relations amoureuses. En résumé, peu importe ce que vous recherchez ou pas, TikTok saura quelle vidéo vous montrer. 
Depuis quelques mois, un nouveau type de contenu prend de l’ampleur ou du moins, commence à faire parler.

Après avoir bouleversé l’industrie de la musique, TikTok s’attaque à celle de l’audiovisuel

Comme beaucoup de plateforme l’ont été avant elle, TikTok se transforme progressivement en « pirate de l’audiovisuel ». En effet, il est maintenant possible de regarder des films, des séries et des émissions télévisées, découpés en plusieurs parties et diffusés par des comptes TikTok dédiés à ce type de contenus. Ces contenus sont majoritairement mis en ligne de manière illégale. Les enregistrement clandestins, qu’il soient de films projetés au cinéma ou de contenus disponibles sur les plateformes de streaming, tous y passent. En outre, des séries populaires telles que « South Park » ou « Malcolm » sont présentes sur TikTok depuis un certain temps.


tractlljc4t sur TikTok

Ce mode de consommation peut sembler quelque peu déroutant. Cependant, il gagne en popularité au sein de la plateforme, et cela s’explique par plusieurs facteurs. 

Tout d’abord, ces séquences ont une capacité remarquable à capter et retenir l’attention des utilisateurs. En découpant un épisode de série en plusieurs parties, un compte peut publier une vidéo consistant uniquement en une scène riche en suspense, incitant ainsi les spectateurs à vouloir connaître la suite.
De plus, TikTok développe des fonctionnalités qui facilitent la consommation de ce type de contenus comme le « Clear Mode » ou le mode « Plein écran ».

Le rôle fondamental de l’algorithme de recommandation

Image par Katamaheen de Pixabay

Dans le fil d’actualité « Pour toi », les contenus découpés en plusieurs parties sont proposés aux utilisateurs de manière aléatoire,  ce qui contribue à la popularité de ce format. Dans un univers d’hyperchoix où une multitude d’options est constamment disponible, la fatigue décisionnelle se fait ressentir. Exacerbée par les choix infinis sur des plateformes comme Netflix, TikTok évite à l’utilisateur de se trouver dans cette situation d’anxiété en le conduisant directement au contenu. « Je suis déjà là, je suis déjà en train de le regarder, je suis déjà en train de faire défiler sur TikTok. » Voici ce que déclare un utilisateur à propos de TikTok (Wall Street Journal, 2023). Pas besoin d’aller sur une plateforme de streaming ou sur la télévision : TikTok dit à l’utilisateur quoi regarder. En résumé, avec l’algorithme de recommandation, les contenus sont presque servis sur un plateau d’argent.

L’algorithme de recommandation de TikTok contribue à mettre en lumière ces extraits dans les « Pour toi », permettant aux comptes TikTok de toucher un public plus large et d’augmenter leur visibilité. L’algorithme favorisant les vidéos regardées jusqu’à la fin, la plupart des contenus sont découpés par tranches de 3 à 5 minutes, bien que les vidéos peuvent aller jusqu’à 10 minutes. Ces vidéos courtes jouent aussi avec la frustration ressentie par l’utilisateur qui sera pousser à aller regarder d’autres vidéos ou à demander en commentaires quand est-ce que la partie suivante sera disponible. Il est important de noter que les commentaires jouent aussi un rôle important dans la recommandation par l’algorithme. 

Afin de ne pas se faire repérer par les algorithmes de modération, les créateurs ne publient pas les différentes parties d’un même contenu à la suite. Les parties sont souvent « uploadées » sur la plateforme à des heures ou jours d’intervalle, laissant le temps à la publication d’autres contenus. Autre particularité de ces vidéos, il est très rare de voir inscrit dans les descriptions le nom original du film, de la série ou de l’émission en question. Il s’agit d’une autre astuce utilisées pour éviter que la vidéos soient retirées de manière automatique de la plateforme.

Bien que ce type de visionnage puisse paraître atypique, il s’inscrit donc dans une stratégie de captation et de rétention de l’attention tout en exploitant les mécanismes propres à l’algorithme de TikTok pour maximiser la portée et l’impact du contenu publié.

Le cinéma se fait pirater, il prend les devants !

En 2020, Quibi, le service de streaming de vidéos courtes venu tout droit d’Hollywood n’a pas tenu longtemps sur le marché. Bien que ce fut un échec, le potentiel de ce type de contenu paraît aujourd’hui plus important que ce qu’il était il y a quelques années. Comme annoncé lors du festival Médias en Seine à Paris en 2023, l’une des prochaines tendances média qui se dessine est la nécessité de maitriser le format de vidéos verticales (Reuters Institute, 2023).

Neil Shyminsly, expert en Pop culture et professeur d’anglais au Cambrian College, affirme qu’ « il y a une crainte croissante que la programmation télévisuelle devienne de plus en plus courte à mesure que le succès est déterminé par l’algorithme de TikTok. » (CBCNews, 2023). 

Photo de Hannah Wernecke sur Unsplash

Effectivement, certains grands studios se sont déjà lancés dans la publication de contenus en plusieurs parties. Le 3 octobre 2023, à l’occasion du Mean Girls Day, Paramount à rendu disponible le temps d’une journée le film Mean Girls en intégralité, découpé en 23 parties sur son compte TikTok. « Les paramètres semblent évoluer », a déclaré Alex Alben, professeur de droit de l’internet et de la confidentialité à la Faculté de droit de l’UCLA. « Quelqu’un au sein du studio est en train de peser le fait qu’ils bénéficieraient davantage de la diffusion d’un extrait de leur film par des millions de personnes plutôt que de chercher à l’interdire. » (NewYorkTimes, 2023). Un représentant de Paramount a expliqué que la publication de « Mean Girls » sur TikTok visait à accroître la visibilité du film auprès d’un nouveau public potentiel (NewYorkTimes, 2023). Un coup marketing de la part du studio ? Très probable, sachant que le jour même, la sortie du nouveau « Mean Girls » au cinéma début janvier 2024 a été annoncée.

D’autres studios et plateformes de streaming ont très vite suivi. En août 2023, Peacock a publié un épisode de 2023 de la version américaine de « Love Island » ainsi qu’un épisode de « Killing It » divisé en 5 parties. Voici ce qu’Anupam Chander, professeur de droit et technologie à Georgetown, dit à ce propos : « Il peut être utile pour les détenteurs des droits d’auteur de voir leur travail distribué à un public plus large afin de susciter davantage d’intérêt pour ce travail et générer des ventes ultérieures. ». En réalité, certains détenteurs des droits de ces contenus, qu’ils soient publiés légalement ou non, pourraient profiter de cette tendance. Dans les faits, cela peut permettre de remettre au gout du jours d’anciens contenus et de booster la popularité de ceux qui en ont besoin. Il faut reconnaître que la capacité de TikTok à engager son public est forte et va au-delà des jeunes générations (InsiderIntelligence, 2023).

De nouvelles productions uniquement dédiées à TikTok

TikTok a vu émerger de nouvelles productions uniquement dédiées à sa plateforme. Dès 2020, plusieurs séries australiennes ont vu le jour telles que Love Songs, publiée par épisodes de 10 minutes ou Scattered, publiée en 38 épisodes de 1 minute. Récemment, Adam McKay, avec sa société de production Yellow Dot Studios, est devenu le premier producteur hollywoodien à investir dans une série diffusée uniquement sur TikTok. Intitulée « Cobell Energy », elle est diffusée depuis le 14 novembre 2023 sur la plateforme à raison de 2 épisodes par semaine.

cobellenergy sur Tiktok

Et le respect des droits d’auteur dans tout ça ?

Il est évident que la publication illégale de contenus sous droits pose question. Réguler ce type de contenus sur TikTok devient un challenge très complexe en comptant les 34 millions de vidéos postées par jour sur la plateforme. Comment gérer le sentiment de non-respect du travail accompli pour la réalisation d’un film, d’une série etc. ? Publier un contenu en plusieurs parties porte-t-il atteinte à la nature même de celui-ci ? Comment gérer le partage de revenu ? Beaucoup de questions n’ayant pas de réponses encore assez concrètes. 

Pour remédier à ces publications, trop nombreuses, de contenus allant à l’encontre des conditions d’utilisation de la plateforme, TikTok a mis en place un algorithme de détection des contenus sous droits d’auteur. En plus de cela, les détenteurs de ces droits ainsi que les utilisateurs peuvent signaler à la plateforme un contenu qu’ils considèrent comme « piraté ».
Avec l’arrivée du Digital Services Act en Europe, de nombreuses plateformes comme TikTok se sont vues imposées la mise en place de mécanismes de signalement mais aussi de contrôle plus soutenus de ces contenus illicites. En septembre 2023, TikTok a annoncé avoir supprimé plus de 4 millions de contenus jugés comme illicites par l’Union Européenne.

Finalement, il ne reste plus qu’à voir si ce type de consommation et de diffusion dépassera le stade de tendance et réussira à s’installer dans le temps.

Margot Brenier


Bibliographie

Alcántara, A. (2023, 16 septembre). People are streaming pirated movies on TikTok, one short clip at a time. WSJ. https://www.wsj.com/tech/tiktok-pirated-movies-free-2cd9389a

Croquet, P., & Trouvé, P. (2023, 9 octobre). On TikTok, the success of « sliced up » films and TV series. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/en/pixels/article/2023/10/07/on-tiktok-the-success-of-sliced-up-films-and-tv-series_6155629_13.html

Holtermann, C., & Kircher, M. M. (2023, 4 octobre). ‘Mean Girls’ has a One-Day run on TikTok. The New York Times. https://www.nytimes.com/2023/10/04/style/tiktok-movies-mean-girls.html#:~:text=A%20Paramount%20representative%20wrote%20in,companies%20have%20experimented%20with%20TikTok.

Hoover, A. (2023, 14 novembre). TikTok is the new TV. WIRED. https://www.wired.com/story/tiktok-new-show-tv-takeover/

Murray, C. (2023, 24 octobre). Will ‘Don’t Look Up’ director’s new series work on TikTok ? It will need better luck than these social media efforts. Forbes. https://www.forbes.com/sites/conormurray/2023/10/24/will-dont-look-up-directors-new-series-work-on-tiktok-it-will-need-better-luck-than-these-social-media-efforts/?sh=42cf59fc5aa1

Radio-Canada. (2023, 15 juin). La transformation de TikTok en plateforme de diffusion, un clip piraté à la fois. Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1988120/tiktok-contenu-pirate-series-films-cinema-plateforme-diffusion-tendance

Rahmil, D. (2023, 28 septembre). Regarder Barbie par tranches de 3 minutes, c’est la vie de cinéphile que j’ai choisie. L’ADN. https://www.ladn.eu/media-mutants/tendance-tiktok-regarder-films-tranches/

Renaud-Chouraqui, E. (2024, 23 janvier). Quel sera l’impact du DSA dans la lutte contre la contrefaçon en ligne ? https://info.haas-avocats.com/droit-digital/quel-sera-limpact-du-dsa-dans-la-lutte-contre-la-contrefacon-en-ligne

Richards, J. (2021, 14 juin). TikTok TV : Aussie Gen Z drama ‘Scattered’ and the promise of a new platform. NME. https://www.nme.com/en_au/features/tv-interviews/tiktok-tv-aussie-gen-z-drama-scattered-2968680

Six, N. (2020, 8 avril). Quibi, le « Netflix » des vidéos courtes, se lance sur mobile aux Etats-Unis. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/04/07/quibi-le-netflix-des-videos-courtes-se-lance-sur-mobile-aux-etats-unis_6035878_4408996.html

Tingley, A. (2023, 14 novembre). Variety. Variety. https://variety.com/2023/digital/news/adam-mckay-yellow-dot-studios-cobell-energy-tiktok-series-ari-cagan-1235764568/

Comment TikTok influence l’industrie cinématographique ? 

Tiktok prend de plus en plus de place dans l’industrie cinématographique, que ce soit à travers les publicités qui font la promotion de films sur la plateforme, des critiques de films, des courts métrages réalisés par les créateurs de contenus ou encore la rediffusion d’extraits de films.  Le 3 octobre 2023, Paramount est allé encore plus loin et a diffusé sur la plateforme la totalité du film Mean Girls (2004). Le film avait alors été découpé en 23 parties. La date du 3 octobre fait directement référence au film puisqu’il s’agit du « Mean Girls Day » qui est devenu un véritable symbole de la culture populaire (Croquet & Trouvé , 2023). Nous pouvons également supposer que ce coup marketing a été effectué afin de relancer l’engouement pour Mean Girls alors qu’un remake est sorti le 10 janvier 2024. Paramount a alors su s’adapter à une tendance Tiktok qui propose un découpage de différents contenus (afin de s’accorder au format) allant d’un film, une série ou encore un reportage.

La promotion, le point décisif

Lors la sortie d’un film, le marketing est un facteur essentiel et déterminant pour son parcours. D’après Laurent Creton, l’objectif du marketing dans le cinéma « est de satisfaire dans les meilleures conditions les attentes et les besoins de la clientèle afin d’optimiser l’adéquation du produit avec son marché » (Creton, 2020). Si nous reprenons notre exemple Paramount et Mean Girls, c’est exactement ce que le studio a fait. Il a su adapter son format à la cible choisie (une cible jeune 15-24 ans) et au format proposé par Tiktok.

La promotion se crée autour du film et une « image de marque » se crée. L’exemple parfait est le film Barbie, sortie en 2023. Sans un budget colossal de 150 millions de dollars, l’influence du film n’aurait certainement pas été la même (Jouin, 2023). L’été 2023 fut un été en rose. Tout était aux couleurs de la célèbre Barbie, de nombreuses marques se sont également associées pour créer des collections spéciales telles que Crocs, O.P.I, AirBnb, Zara, Maserati ou encore Buger King. Grâce à cette diversité de marques et de représentations, l’influence de Barbie n’a fait que croître. Evidemment, les tendances Tiktok ont également suivi à travers plusieurs hashtags. Nous pouvons citer le #Barbiefoot où les utilisateurs reproduisent une scène du film ou Margot Robbie enlève ses talons ; #Barbieshake qui consiste à boire un milkshake rose avant de se transformer en Barbie ou encore le #Barbiemovie qui rassemble tous types de contenus autour du film. D’autres hashtags tel que #NotMyKen a lui aussi fait réagir avant la sortie du film. Cet hashtag dénonçait le fait que Ryan Gosling soit trop âgé pour jouer le rôle de Ken. Aux vues du succès du film, cet hashtag n’a pas entaché sa réputation. Tiktok, en tant que relayeur de contenu a réellement fait partie du processus de marketing 360 pour le film, a accru sa visibilité et a sans doute poussé de nombreuses personnes à se rendre en salles (1,446 millliards de dollars au box office).

Tiktok se place ainsi comme un outil marketing incontournable pour les films et leur éventuel succès. Pourquoi ? Grâce à son fort taux d’engagement, son format court/créatif et sa viralité.

Insaisissable et imprévisible

En 2023, la sortie du film Le Consentement restera un cas d’école en ce qui concerne l’influence de Tiktok sur le parcours d’un film. Le Consentement relate l’histoire de Vanessa Spingora, 14 ans, alors sous l’emprise de Gabriel Matzneff, célèbre auteur des années 1980. C’est une adaptation du roman Le Consentement de Vanessa Spingora. Lors de la première semaine d’exploitation, le film a cumulé environ 59 000 entrées. Habituellement, après la première semaine, les entrées pour un film sont divisées par deux et particulièrement pour les films d’auteurs. C’est exactement l’inverse qui est arrivé pour Le Consentement, en trois semaines, les entrées ont triplé pour arriver à un pic d’entrées de 142 000 et redescendre. Au total, le film aura comptabilisé 616 000 entrées (AlloCiné , 2023). Ces chiffres records s’expliquent par l’émergence d’une tendance Tiktok qui avait pour but de se filmer avant et après avoir vu le film. La vidéo de « l’après » met en évidence de façon nette le choc ressenti par les utilisateurs.

Le #leconsentementfilm dénombre plus de 7,8 millions de vues sur Tiktok et les vidéos liées au film ont été vues plus de 20 millions de fois (Vasseur, 2023). Marc Missonier, producteur du film avait alors déclaré, « Les ados se sont emparés du film par eux-mêmes. Il faut rester modeste par rapport à ça, c’est impossible à programmer. Mais le film les a touché au cœur, c’est certain ». Il reconnaît « n’avoir pas prévu ce phénomène ». Du fait de la popularité du film sur Tiktok, un public jeune s’est rendu en salle et un réel engouement est né. De plus, par son sujet, le film a certainement raisonné pour de nombreux jeunes qui sont de plus en plus engagés et favorisent la liberté de la parole sur des sujets tels que les violences sexuelles. Ainsi, en plus de donner de l’élan à ce film d’auteur, via la plateforme Tiktok, des sujets sociétaux sont abordés et permet une certaine forme de libération de la parole. Comme nous l’avons précédemment évoqué, Tiktok est un réseau social important dans la promotion d’un film mais cet évènement n’était pas prévu par le distributeur. La plateforme « n’a pas amplifié le succès du Consentement, il l’a créé » (Guerrin, 2023). A l’inverse de l’exemple du film Barbie où le réseau social avait justement été utilisé pour élargir le succès du film. Tiktok se démarque alors par sa viralité insaisissable et imprédictible.

Plus récemment, le film Saltburn a également pu profiter de la viralité de Tiktok et accroitre sa notoriété. Il s’agit d’un cas légèrement différent puisqu’il s’agit d’un film sorti sur Prime Video le 22 décembre 2023 et non en salle. Il est donc plus difficile de quantifier les vues puisque Prime Video ne partage pas ses données. Cependant, nous pouvons tout de même remarquer l’importance du film sur Tiktok. Saltburn, réalisé par Emerald Fennell, raconte l’histoire d’un étudiant de l’Université d’Oxford qui va se plonger dans l’univers aristocratique grâce à son camarade de classe qui l’invite dans son vaste domaine familial. A nouveau, ce film a fait parler de lui sur Tiktok pour ses scènes choquantes, les utilisateurs se filmaient alors en train de réagir. Le #Saltburn dénombre plus de 5,5 milliards de vues. Tiktok a également propulsé la chanson « Murder On The Dancefloor » de Sophie Ellis Bextor qui apparait à la fin du film. Scène durant laquelle Barry Keoghan déambule et danse dans le manoir. Cette scène finale a alors été reproduite par de nombreuses personnes sur Tiktok. La chanson « Murder On The Dancefloor » a été utilisée plus de 226 00 fois et a été écoutée plus de 1,5 millions de fois le soir du nouvel an soit une augmentation de 340% par rapport à l’année dernière (La Dépêche, 2024). Que ce soit en salle ou sur les plateformes, Tiktok offre une certaine accessibilité du cinéma au jeune public.

Quelles perspectives ?

Après avoir bouleversé l’industrie musicale, Tiktok s’en prend au fonctionnement de l’industrie cinématographique. De par un fort taux de complétion et d’engagement, le système de vidéos courtes mis en place influence directement la décision de l’utilisateur : regarder un film ou non. A noter, « 52 % des utilisateurs de TikTok ont découvert un nouvel acteur, un nouveau film ou une nouvelle émission de télévision sur TikTok. Ce taux démontre à nouveau le pouvoir que la plateforme afin de susciter des tendances et une popularité pour les films (Davies, 2023 ). Tiktok place le spectateur au cœur de la dynamique.

Après avoir étudié la façon dont Tiktok s’implante dans le but de créer un engouement et pousser le public à aller au cinéma ou regarder des films, nous pouvons ouvrir notre sujet nous demander si Tiktok ne serait pas finalement un concurrent à l’industrie cinématographique.  La plateforme opère un réel changement dans les habitudes de ses utilisateurs. Comme nous l’avons évoqué, il est possible de regarder des films en plusieurs parties. Au-delà d’être utilisé comme un outil de marketing, un outil propulseur, la plateforme Tiktok pourrait elle-même en être actrice. En 2023, Tiktok, partenaire officiel du Festival de Cannes avait déjà organisé son propre festival de court-métrages. Le « Tiktok Short Film » qui permettait aux cinéphiles du réseau social de soumettre leur création, une vidéo verticale originale de plus d’une minute. Néanmoins, cet élan peut remettre en question la légitimité de Tiktok à se positionner comme acteur du cinéma.

Solène TAGMOUNT

Références

AlloCiné . (2023). Le Consentement . Récupéré sur AlloCiné.

Creton, L. (2020). La marketing cinématographique . Dans L. Creton, Economie du cinéma (p. 157 à 177). Armand Colin .

Croquet , P., & Trouvé , P. (2023, Octobre 5). Sur TikTok, le succès des films et reportages « saucissonnés ». Récupéré sur Le Monde : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/10/05/sur-tiktok-le-succes-des-films-et-reportages-saucissonnes_6192690_4408996.html

Davies, R. (2023 , Avril 21). TikTok is changing the film industry by putting the power back in the hands of fans. Récupéré sur Why Now: https://whynow.co.uk/read/tiktok-is-changing-the-film-industry-by-putting-the-power-back-in-the-hands-of-fans

Guerrin, M. (2023, Novembre 17). « En assurant le succès du film “Le Consentement”, grâce à un public jeune et populaire, TikTok réussit là où des politiques culturelles échouent depuis des décennies ». Récupéré sur Le Monde: https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/17/en-assurant-le-succes-du-film-le-consentement-grace-a-un-public-jeune-et-populaire-tiktok-reussit-la-ou-des-politiques-culturelles-echouent-depuis-des-decennies_6200560_3232.html

Jouin, S. (2023, Octobre 10). Barbie : une campagne marketing aux 150 millions de dollars. Récupéré sur Affect: https://www.afffect.fr/blog/barbie-une-campagne-marketing-aux-150-millions-de-dollars

La Dépêche. (2024, Janvier 2024). « Saltburn », le film tendance sur les réseaux sociaux. Récupéré sur La Dépêche : https://www.ladepeche.fr/2024/01/11/saltburn-le-film-tendance-sur-les-reseaux-sociaux-11691380.php

Vasseur, V. (2023, Octobre 23). « Le consentement » : comment une tendance TikTok a relancé cette adaptation du roman de Vanessa Springora. Récupéré sur France Inter: https://www.radiofrance.fr/franceinter/le-consentement-sur-tiktok-le-film-adapte-du-roman-de-vanessa-springora-plebiscite-par-les-jeunes-1978640

Le chaos informationnel généré par la certification payante sur les réseaux sociaux : étude du cas de X


La prolifération de fausses informations sur les réseaux sociaux est aujourd’hui un problème sociétal et politique majeur. Ceci s’inscrit dans un contexte où les réseaux sociaux se positionnent en tant que principal moyen d’acquisition d’information chez les jeunes. Selon une étude de Médiamétrie datant de 2018, 71 % des individus âgés de 15 à 34 ans déclarent utiliser régulièrement les réseaux sociaux à des fins d’information, surpassant ainsi l’audience des journaux télévisés (49 %), des flashs d’information sur les radios musicales (33 %) et même de la presse quotidienne, incluant sa version en ligne (29 %). 

Cette nouvelle réalité suscite un certain nombre d’inquiétudes largement discutées dans les sphères politiques et médiatiques. L’un des sujets phares concerne le fait que Facebook et X (anciennement Twitter) jouent un rôle central dans la diffusion et la propagation de « fake news », rumeurs et autres formes de désinformation. 

Pourtant, ces géants des médias proposent en majorité un service de vérification de comptes. La vérification, symbolisée par un badge ou une encoche, joue, du moins historiquement, un rôle de confirmation de l’identité du détenteur du compte.

Rapide historique des modèles de certification

Twitter a été le précurseur de la vérification des comptes sur les réseaux sociaux en 2009 après avoir conclu que les suspensions de comptes à posteriori étaient insuffisantes pour faire face aux usurpations d’identité. Au cours des années suivantes, les principales plateformes ont suivi le modèle de Twitter, proposant une vérification de compte avec une terminologie similaire et une iconographie comparable. 

Figure 1 : Historique des programmes de vérification de compte sur les principales plateformes de médias sociaux en janvier 2023 (8.)

La finalité principale de la vérification de compte, point de cohérence au fil du temps et sur différentes plateformes jusqu’aux modifications récentes de X et Meta, a été de remédier à l’usurpation de compte en confirmant l’identité du propriétaire du compte. Cependant, la vérification a rapidement pris une autre signification, notamment en tant que signe de l’importance d’un compte et de la crédibilité de son contenu.

La transition vers un modèle de certification payante

Meta et X, ont récemment entamé une transition majeure dans leurs programmes de certification de compte, évoluant d’un système de confirmation d’identité des utilisateurs à un service premium payant. 

Cette tendance semble principalement motivée par une stratégie visant à accroître les profits et à revitaliser un modèle économique éprouvé. Cependant, ces transformations ne se limitent pas à de simples ajustements de service. Elles entraînent également une refonte significative des modalités d’accès à l’information sur ces plateformes, soulignant ainsi l’impact profond de ces innovations sur la dynamique de partage et de consommation d’informations au sein de ces réseaux sociaux.

Historiquement, Twitter réservait l’attribution des encoches bleues uniquement aux comptes jugés « actifs », « remarquables » et « authentiques ». La démonstration d’authenticité impliquait notamment une preuve d’identité, telle qu’une photo d’un permis de conduire. 

Depuis décembre 2022, X est passé sous un nouveau régime à certification payante, et a assoupli ces critères, notamment en remplaçant « authentique » par « sécurisé » (actif depuis 90 jours, puis encore assoupli à 30 jours, avec un numéro de téléphone confirmé) et « non trompeur ». Il est cohérent de noter que le nouveau processus de vérification pour les coches bleues n’exige ainsi aucune preuve affirmative d’identité. 

La désinformation, enjeu majeur de cette transition ?

Les enjeux liés à ces nouvelles méthodes d’information via les réseaux sociaux se manifestent de manière particulièrement préoccupante chez les jeunes en raison de la nature nouvelle de leur consommation d’information. Un cas interessant concerne les « bulles de filtres », concept popularisé en 2011 par l’essayiste Eli Pariser, qui étend l’idée de la « chambre d’écho » formulée par Sunstein (2001). Cette notion explique un effet inhérent aux médias sociaux et révèle que, par le biais d’algorithmes prédictifs, ces plateformes exposent majoritairement les utilisateurs à des contenus a priori alignés avec leurs préférences et opinions.

En enfermant les internautes dans un univers informationnel qui les isole des citoyens aux opinions divergentes, les réseaux sociaux participent alors à la polarisation et à la fragmentation de l’espace public.

En parallèle, une étude intitulée « Vérification des comptes sur les médias sociaux : Perceptions des utilisateurs et inscription payante », datant de juin 2023 (8), a mis en évidence une méconnaissance des critères de vérification des comptes Twitter. Plus de la moitié des répondants ont démontré une incompréhension sur les critères d’attribution des coches bleues, et plus de 80 % des participants à l’étude a interprété de manière erronée les nouveaux indicateurs de vérification couleur or et gris récemment introduits par X. 

Cette refonte des modalités d’accès à l’information sur les plateformes pose ainsi une question majeure : comment garantir la fiabilité de l’information lorsque le principe même de certification est subvertit, et que cette fonctionnalité ne peut plus être considérée comme un gage de fiabilité ? 

Des conséquences dans le monde réel

L’un des exemples les plus significatifs des risques encourus par la certification payante se manifeste à travers l’exemple du New York Times.  

Seulement quelques heures après avoir déclaré ne pas avoir l’intention de « payer pour maintenir la certification de ses comptes officiels », le prestigieux quotidien américain a vu disparaître le badge bleu du compte du journal, pourtant suivi par une audience de 55 millions d’abonnés. Cet événement a été rapidement suivi d’un tweet du PDG de X, Elon Musk, accusant le média de propagande.

Un internaute possédant déjà un compte vérifié a alors tiré avantage de cette situation en renommant son compte avec le nom du célèbre média américain. Cela a conduit à une situation paradoxale où le véritable compte du New York Times s’est retrouvé non certifié, tandis que le compte frauduleux qui usurpait l’identité du journal conservait sa certification.

D’autres exemples témoignent de conséquences dramatiques de ce nouveau système de certification payante dans le monde réel. Alors que le coût de l’insuline la rend inaccessible à de nombreux citoyen aux États-Unis, un compte vérifié a pris l’identité du géant pharmaceutique Eli Lilly, annonçant faussement que l’entreprise fournirait gratuitement le médicament. En l’espace de quelques heures, le cours des actions d’Eli Lilly a connu une chute de près de 5 %, entraînant des pertes financières évaluées à plusieurs milliards de dollars de capitalisation boursière pour l’entreprise.

Dès lors, comment la certification peut-elle rester synonyme d’authenticité ? L’incapacité à distinguer ceux qui ont payé de ceux qui ne l’ont pas fait pose un défi significatif en terme de crédibilité de l’information, particulièrement au regard du prix extrêmement abordable de ce service, à environ 10 euros par mois.

Les associations tirent la sonnette d’alarme

Le chaos résultant de ces modifications du système de certification soulève des préoccupations sérieuses en matière de droits, qui sont le sujet de divers communiqués d’associations telles que Human Rights Watch ou Reporters sans frontières (RSF). 

Human Rights Watch souligne notamment que les inquiétudes soulevées pointent vers la nécessité de repenser les plateformes sociales en général, tant elles représentent des places publiques numériques et nécessitent une surveillance plus démocratique, y compris des réglementations plus strictes ancrées dans des normes de droits humains. 

« Aucun individu ne devrait détenir le pouvoir que Musk exerce sur une infrastructure d’information aussi cruciale. » Musk chaos raises serious rights concerns over Twitter. – Human Rights Watch (6.)

Reporters sans frontières (RSF) dénonce également cet outil comme dangereux et trompeur, qui instaure un régime à deux vitesses sur l’accès à l’information en ligne et qui ne garantit pas la fiabilité de l’information. RSF appelle donc à retirer cet outil et préconise de mettre en place des règles pour encadrer ces pratiques, en rappelant que les entreprises gérant les réseaux sociaux ont une responsabilité dans le chaos informationnel et que leurs intérêts économiques ne doivent pas passer avant ceux des citoyens. 

Helene Palmer


Bibliographie

  1. Aublanc, M. (2023, 9 avril). Twitter Blue : Comment l’abonnement payant va augmenter le risque de désinformation. www.20minutes.frhttps://www.20minutes.fr/by-the-web/4031545-20230409-twitter-blue-comment-abonnement-payant-va-augmenter-risque-desinformation
  2. Boyadjian, J. (s. d.). Désinformation, non-information ou sur-information ? Cairn.info. https://www.cairn.info/revue-reseaux-2020-4-page-21.htm
  3. Ganesan, A. (2022, 13 novembre). Musk chaos raises serious rights concerns over Twitter. Human Rights Watch. https://www.hrw.org/news/2022/11/12/musk-chaos-raises-serious-rights-concerns-over-twitter
  4. Les jeunes et l’information : Une étude du ministère de la Culture vient éclairer les comportements des jeunes en matière d’accès à l’information. (s. d.). https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Les-jeunes-et-l-information-une-etude-du-ministere-de-la-Culture-vient-eclairer-les-comportements-des-jeunes-en-matiere-d-acces-a-l-information
  5. Legacy Verification Policy. (2023, 5 avril). https://help.twitter.com/en/managing-your-account/legacy-verification-policy
  6. Not playing ball. (s. d.). https://blog.twitter.com/official/en_us/a/2009/not-playing-ball.html
  7. RSF réclame la fin des certifications payantes sur les réseaux sociaux et de leur logique censitaire. (s. d.). RSF. https://rsf.org/fr/rsf-r%C3%A9clame-la-fin-des-certifications-payantes-sur-les-r%C3%A9seaux-sociaux-et-de-leur-logique
  8. Xiao, M., Wang, M., Kulshrestha, A., & Mayer, J. (2023, 28 avril). Account verification on social media : user perceptions and paid enrollment. Princeton University. https://arxiv.org/abs/2304.14939
  9. X Verification requirements – How to get the Blue Check. (2023, 2 octobre). https://help.twitter.com/en/managing-your-account/about-twitter-verified-accounts
  10. York, J. (2022a, novembre 16). « Changer les règles du jeu » : les enjeux de la certification payante sur Twitter. France 24. https://www.france24.com/fr/%C3%A9co-tech/20221116-changer-les-r%C3%A8gles-du-jeu-les-enjeux-de-la-certification-payante-sur-twitter

Fake news sur la guerre en Ukraine : les réseaux sociaux sont-ils plus trompeurs que les médias traditionnels?

Vous avez peut-être déjà vu des passages des émissions télé dans lesquels les réseaux sociaux sont présentés comme les principaux responsables de la propagation des fake news et dans une période dans laquelle de plus en plus de monde, notamment les jeunes, s’informe en ligne et sur les réseaux sociaux il est pertinent de se demander si les réseaux sont plus trompeurs que les médias traditionnels et en particulier la télévision, en se penchant sur un événement qui nous impacte tous depuis plus d’un an maintenant : la guerre en Ukraine.

Historiquement, les chaînes d’information avaient la priorité lorsqu’un événement important se passait, maintenant avec l’émergence des réseaux sociaux un événement qui se passe même très loin de nos frontières peut vite devenir viral et faire le tour du monde. Dans ce contexte, les chaînes d’information perdent leur avantage historique dans ce jeu de concurrence avec les réseaux sociaux, la plupart des événements n’arrivant plus à la télévision en premier, mais sur les réseaux sociaux. 

Étant donné que les chaînes d’information doivent faire preuve d’une réelle réactivité afin de tenir le cap face aux réseaux sociaux et qu’elles ont besoin de contenu en continu, il arrive parfois que les chaînes d’information n’aient pas le temps nécessaire de vérifier la véracité de toutes les informations qu’elles relaient. 

Quant aux réseaux sociaux, cet attribut qui leur permet de connecter facilement le monde est à double tranchant. D’un côté, l’information peut venir de sources diverses et arriver rapidement aux quatre coins du monde. D’un autre côté, ces mêmes sources sont souvent difficilement vérifiables et une fois l’information lancée il est compliqué d’arrêter sa propagation et donc favoriser un environnement propice à l’apparition des fake news. 

En février 2022, Ursula von der Leyen annonce l’interdiction des médias d’État russes au sein de l’Union Européenne : la chaîne de télévision Russia Today et le journal Sputnik lors de l’annonce des sanctions contre la Russie. Dans une publication sur Twitter, Ursula von der Leyen affirme : «[Ils] ne pourront plus diffuser leurs mensonges pour justifier la guerre de Poutine. Nous développons donc des outils pour interdire leur désinformation toxique et nuisible en Europe». La guerre en Ukraine se joue non seulement sur les théâtre de combat, mais dans l’information également.

Les héros de l’île des Serpents

 Une vidéo a fait le tour des réseaux au début de la guerre. Il s’agit d’une vidéo initialement diffusée par le conseiller du ministre de l’intérieur ukrainien sur son compte Telegram et reprise par plusieurs médias en ligne (comme Ukrayinska Pravda). La vidéo montre les échanges entre les soldats russes et les gardes-côtes ukrainiens sur l’île des Serpents et une célèbre phrase est restée dans la mémoire collective : «Navire militaire russe, allez vous faire fou***»  . Volodymyr Zelensky avait déclaré : «Sur notre île de Zmiinyi, en la défendant jusqu’au bout, tous les gardes-frontières sont morts héroïquement. Mais ils n’ont pas renoncé. Ils recevront tous, à titre posthume, le titre de Héros de l’Ukraine. Que la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour l’Ukraine vive à jamais». La vidéo a été reprise également dans les médias français sur des chaînes d’information comme LCI et  BFMTV ou encore le journal Le Point sur son compte Twitter. 

Quelques jours plus tard, les forces armées ukrainiennes reviennent sur cette information  dans une publication Facebook déclarant que les soldats ukrainiens sont en vie et capturés par les soldats russes. Les chaînes de télévision françaises ont également clarifié la situation par la suite.

LCI et BFM ne sont pas les seules chaînes qui relaient des informations sans toujours vérifier leur provenance et leur véracité. En effet, CNEWS, a publié le 28 avril 2023 un article en ligne «VLADIMIR POUTINE : LE PRÉSIDENT RUSSE A-T-IL ÉCHAPPÉ À UN ATTENTAT AU DRONE KAMIKAZE ? » sans que Moscou ou Kiev confirment cette affirmation. Il s’agit donc d’un exemple de clickbait car en lisant le contenu de l’article est loin de démontrer un tel événement. 

Les réseaux sociaux sont eux aussi loin d’être innocents dans la propagation des fake news et la Russie semble bien maîtriser la technique de l’astroturfing en utilisant le partage massif par des faux comptes des informations propagée soit par les officiels russes (des membres du gouvernement ou des institutions russes) soit directement par des comptes dont l’identité est difficilement vérifiable ou à travers les commentaires des diverses publications.

Depuis la création de Twitter Bleu, des faux comptes peuvent maintenant obtenir le badge bleu qui fait gagner la crédibilité du compte le détenant, en payant un abonnement mensuel. Twitter Bleu pose un problème dans la propagation des fake news car certains médias traditionnels ou des journalistes indépendants perdent leur badge en refusant de payer l’abonnement alors que d’autres comptes Twitter risquent de sembler plus véridiques aux yeux des utilisateurs.

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est l’organisme chargé de veiller sur le phénomène des fake news en France. Si pour les chaînes de télévision ce contrôle peut être plus facile étant donné le rôle historique de la CSA et le fait que chaque téléspectateur peut dénoncer des passages problématiques vus à l’antenne, sur les réseaux sociaux il est plus compliqué pour le régulateur d’intervenir directement. Chaque année l’Arcom publie les déclarations des opérateurs de plateformes (Meta, Twitter, Google, etc.) en ligne sur les moyens de lutte contre la manipulation de l’information.

Une des mesures prises par Twitter pour lutter contre les fake news est le lancement de Twitter Birdwatch, un outil qui permet aux utilisateurs d’identifier des publications qu’ils estiment trompeuses et d’écrire des notes qui fournissent un contexte informatif. 

Néanmoins, sur les réseaux sociaux le nombre quotidien de publications reste trop élevé comparé aux moyens de régulation et des fake news passent toujours à travers les mailles du filet.

Bien évidemment, en France il n’y a pas de chaîne de télévision avec un discours pro russe et donc les fake news que l’on trouve dans les médias traditionnels ont peut-être moins d’impact sur l’avis général de  la population concernant la guerre que les publications sur les réseaux où tout le monde est libre de partager ses idées, mais on peut remarquer que tous les fake news sur les réseaux sociaux ne viennent pas de faux comptes et parfois les chaînes de télévision ou les journaux sont à l’origine de celles-ci.

Et en Russie?

Malheureusement les médias indépendants sont rares voire inexistants en Russie, la quasi-totalité des médias étant des médias d’État qui sont contrôlés par le Kremlin. 

Depuis le début de la guerre, les journalistes des médias indépendants ont pour la plupart dû quitter le pays étant considérés comme des “agents étrangers”. En ce qui concerne les médias d’État, afin de maintenir l’opinion et le soutien de la population la guerre est présenté comme une opération de dénazification de l’Ukraine, souvent faisant référence à la Seconde Guerre mondiale (la “Grande Guerre Patriotique » en russe), guerre qui est resté comme une fierté nationale dans la mémoire collective russe. C’est dans ce contexte que les réseaux sociaux deviennent une autre source d’information notamment pour les jeunes génération, car c’est seulement sur les réseaux sociaux qu’ils peuvent avoir un autre discours que celui propagé dans les médias d’État russes, d’où la décision de la Russie d’interdire Facebook et Instagram. 

ARTE Tracks a produit une série des mini-documentaires sur les fake news dans les médias d’État russes.

Pour conclure, il est difficile de dire si les réseaux sociaux sont plus dangereux que les médias traditionnels et parfois il faut bien prendre en compte le contexte différent d’un pays à l’autre. Il est certes important de se rendre compte que les fakes news existent et sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels et le plus important c’est de vérifier chaque information avant de la partager afin d’éviter un effet de chambre d’écho. Finalement, peut-être qu’avec le discours généralisé qui pointe du doigt les réseaux sociaux on fait encore plus attention lorsque l’on s’informe sur ceux-ci et on risque de considérer l’information des médias traditionnels comme véridique et c’est probablement dans ce rapport de confiance que l’on peut être encore plus facilement victimes des fake news.

Sebastian Udriste

Bibliographie :

Donada, E. , de la Roche Saint-André, E. (le 25 février 2022). «Allez vous faire foutre !»: que sait-on des dernières paroles de soldats ukrainiens devenus héros en défendant l’île des Serpents?. Libération (réf le 28 février 2022) :

https://www.liberation.fr/checknews/allez-vous-faire-foutre-que-sait-on-des-dernieres-paroles-de-soldats-ukrainiens-devenus-heros-en-defendant-lile-aux-serpents-20220225_6I3QUB7QMBGX7C3KMRQRAGIGWA/

La rédaction de TF1info ( le 28 février 2022). Ukraine : déclarés morts, les 13 soldats de l’île des Serpents sont en réalité aux mains des Russes. TF1 info :

https://www.tf1info.fr/international/guerre-en-ukraine-declares-morts-les-13-soldats-de-l-ile-des-serpents-sont-en-realite-aux-mains-des-russes-2212148.html

CNEWS (le 28 avril 2023). VLADIMIR POUTINE : LE PRÉSIDENT RUSSE A-T-IL ÉCHAPPÉ À UN ATTENTAT AU DRONE KAMIKAZE ?. CNEWS :

https://www.cnews.fr/monde/2023-04-28/vladimir-poutine-le-president-russe-t-il-echappe-un-attentat-au-drone-kamikaze

La rédaction numérique de France Inter (le 16 mars 2022). Comptes complotistes, fake news, propagande : plongée dans les tweets de l’ambassade russe en France. France Inter :

https://www.radiofrance.fr/franceinter/comptes-complotistes-fake-news-propagande-plongee-dans-les-tweets-de-l-ambassade-russe-en-france-2267509

Arcom. Questionnaire 2021 aux opérateurs de plateformes en ligne soumis au titre III de la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information – Twitter :

https://www.arcom.fr/sites/default/files/2022-07/D%C3%A9claration%20Twitter%20-%20%20Lutte%20contre%20la%20manipulation%20de%20l%27information%202022.pdf

Masha Borzunova, Kobalt Productions (2022). Fake News. ARTE Tracks :

https://www.arte.tv/fr/videos/109809-001-A/fake-news/

Maxime Audinet (le 16 février 2023). Un an après l’invasion de l’Ukraine : que deviennent RT et Sputnik ?. La revue des médias, INA:

https://larevuedesmedias.ina.fr/guerre-information-russie-ukraine-medias-influence-rt-sputnik-afrique-nouveau-rideau-de-fer

SnapChat, Facebook, Twitter, … Avec l’abonnement payant : est-ce la fin de l’ère des réseaux sociaux à 100% gratuits?

Payer l’abonnement à 9,60€ sur Twitter ou 11€ sur Facebook et Instagram permet dès maintenant d’avoir un compte certifié avec un badge bleu et l’accès à d’autres services.

« Nous relançons @TwitterBlue lundi – abonnez-vous sur le web pour 8 dollars par mois ou sur iOS (le système d’exploitation d’Apple utilisé sur les iPhone, NDLR) pour 11 dollars par mois pour avoir accès aux fonctionnalités réservées aux abonnés, notamment la coche bleue.»

Le groupe Twitter a indiqué dans un tweet, publié le 10 décembre 2022.

En novembre 2022, Twitter a lancé une offre payante : « Twitter Blue. » Cet abonnement allant de 9,60€ à 12€ par mois ou 100,8€ par an (tarifs en France) permet d’obtenir le petit badge bleu, c’est-à-dire d’avoir un compte certifié, et donne également accès à d’autres fonctionnalités telles qu’Éditer le Tweet, dépasser les 280 caractères, recevoir 50% de publicités en moins dans les fils, images de profil NFT, … 

En février 2023, le patron de Meta semble de suivre le pas d’Elon Musk en prévoyant une formule similaire à ses plateformes, Facebook et Instagram, en mettant en place un modèle d’abonnement payant nommé « Meta Verified. » Pour un prix oscillant entre 11€ et 14€ par mois, cette offre permet aux utilisateurs de faire vérifier leur compte, d’obtenir des protections contre l’usurpation d’identité, mais aussi de gagner en visibilité. L’abonnement est pour l’instant uniquement disponible en Australie, en Nouvelle Zélande et aux États-Unis. 

Mais, ce ne sont pas les seuls. En effet, Snapchat, Discord, Linkedin, … ont toutes leurs propres offres d’abonnement payant. Le modèle payant s’implante peu à peu dans les réseaux sociaux : est-ce la fin de l’ère des réseaux sociaux 100% gratuit ? Explications

Les réseaux sociaux : des modèles financés par des revenus publicitaires arrivent à maturité.

Selon le rapport « Global Advertising Market : Industry Trends, Share, Size, Growth, Opportunity and Forecast 2023-2028 », en 2022, les revenus publicitaires en ligne mondiaux ont atteint 615,2 milliards de dollars. Selon Statista worldwide, les revenus sur les réseaux sociaux représenteraient environ 36% des revenus publicitaires en ligne mondiaux, soit 207,1 milliards de dollars. Ce nombre est d’autant plus flagrant lorsqu’il s’agit des réseaux sociaux. 

En effet, la publicité génère plus de la moitié des revenus des réseaux sociaux : Facebook a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires publicitaire de 117 milliards de dollars, soit environ 97% de son chiffre d’affaires total (Rapport Annuel 2021, Meta); en 2021, Twitter a généré un revenu total de 5,08 milliards de dollars dont la publicité représentait environ 88%, soit 4,51 milliards de dollars (Rapport annuel 2021, Twitter). 

Mais comment les réseaux sociaux se rémunèrent-ils via la publicité ? « Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit. » 

Pendant près de deux décennies, le modèle économique des réseaux sociaux était 100% gratuits pour les utilisateurs : pas besoin de payer pour poster, pas besoin de payer pour accéder au contenu, pas besoin de payer pour parler à ses amis. Le cœur du modèle économique des réseaux sociaux était les revenus publicitaires dont la publicité ciblée. Ces derniers s’efforcent de cerner les comportements et profils de leurs utilisateurs sur le web en se servant des données collectées. Ainsi, les entreprises qui souhaitent diffuser leurs annonces doivent acheter des espaces d’affichage en ligne, en précisant le profil d’utilisateurs cible souhaité. En fonction de ces critères, les algorithmes des réseaux sociaux diffusent les publicités aux utilisateurs ciblés. 

Mais depuis quelque temps, les réseaux sociaux ont fait face à des problèmes de rentabilité. La publicité ne génère plus autant de revenus qu’auparavant en raison de l’affaiblissement du marché publicitaire, de différents scandales concernant l’usage des données, le renforcement de la législation de la protection des données personnelles. Le groupe Meta (Facebook, Instagram, Whatsapp) a même enregistré une baisse de revenus annuels, en 2022, pour la première fois depuis son entrée en bourse en 2012. L’ère de la gratuité des réseaux sociaux est-elle en train de se clore ? « Nous sommes au commencement de la fin d’une ère. (…) L’économie de l’attention qui a transformé les plateformes sociales en entreprises les plus profitables au monde a fini par se tirer une balle dans le pied. », explique  Clara Lindh Bergendorff dans les colonnes de Forbes.

Le modèle économique des réseaux sociaux est en plein évolution : les offres d’abonnement se multiplient.

Nous assistons à une évolution du modèle économique des réseaux sociaux où l’ère de la gratuité semble de disparaitre au profit de l’abonnement. En effet, le modèle de l’abonnement permet d’assurer des rentrées de revenus récurrents et stables pour faire face à la forte volatilité des revenus liés à la seule publicité.

Linkedin a montré que cela fonctionne et la mise en place de l’abonnement est inévitable : la publicité ne représente que 20% du chiffre d’affaires total de l’entreprise. En effet, les services de recrutement et les abonnements constituent ses principales sources de revenus. Selon le site Kinsta, 39% des utilisateurs de Linkedin payent pour un de ces abonnements. Linkedin a réussi à développer des formules payantes le permettant d’avoir un modèle économique durable. 

« Sur LinkedIn, il y a toute une offre d’abonnements payants et là, ça fonctionne. On les achète parce qu’on veut avoir plus de visibilité ou alors quand on est recruteur. On a besoin de ces offres »

Emmanuel Berne

« C’est payant, mais vous êtes quand même le produit »

Instagram et Tiktok testent actuellement un système d’abonnement premium à certains créateurs. Snapchat a lancé sa formule payante nommée Snapchat+. Twitter a lancé Twitter Blue, Meta avec Meta verified… Ces offres payantes donnent accès à des fonctionnalités exclusives aux abonnées telles que la vérification des comptes, l’accès au service client, plus de visibilité,… afin d’encourager les internautes à rester actifs.

«L’idée est d’améliorer l’authenticité [des profils et donc des échanges] et la sécurité sur nos services.»

Mark Zuckerberg, PDG de Meta

La question se pose alors de savoir si les utilisateurs sont-ils prêts à payer. Les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, Instagram ou Tiktok proposent-ils des offres suffisamment intéressantes pour inciter les usagers à payer l’abonnement ?  

Il semblerait que ce ne serait pas aussi facile de faire payer les utilisateurs parce que les réseaux sociaux ont proposé leurs services gratuitement pendant bien trop longtemps. En effet, la formule « c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit » est ancrée dans la culture populaire. Pour que la formule « c’est payant, mais vous êtes quand même le produit » puisse succéder à la première, il faut une nouveauté qui soit vraiment intéressante pour séduire les utilisateurs et pour faire passer la pilule du payant.  

Sophie Hong Vy Nguyen-Massicot

Bibliographie :

  • Baudot, J. (s. d.). Modèle économique des réseaux sociaux. http://www.jybaudot.fr/Management/reseauxsociaux.html
  • Bergendorff, C. L. (2021, 12 mars). From The Attention Economy To The Creator Economy : A Paradigm Shift. Forbes. https://www.forbes.com/sites/claralindhbergendorff/2021/03/12/from-the-attention-economy-to-the-creator-economy-a-paradigm-shift/?sh=3a183e20faa7
  • Diallo, K., & Diallo, K. (2022). Réseaux sociaux : les utilisateurs sont-ils prêts à payer ? L’Éclaireur Fnac. https://leclaireur.fnac.com/article/107960-reseaux-sociaux-les-utilisateurs-sont-ils-prets-a-payer/
  • Laratte, A. (2022, 6 novembre). Payer pour avoir un badge bleu sur Twitter ? C’est désormais possible dans certains pays. leparisien.fr. https://www.leparisien.fr/high-tech/payer-pour-avoir-un-badge-bleu-sur-twitter-cest-desormais-possible-dans-certains-pays-05-11-2022-W73TOEMLEFFZFOFZKP5OYB2XXI.php
  • Osman, M. (2023). Mind-Blowing LinkedIn Statistics and Facts (2023). Kinsta®. https://kinsta.com/blog/linkedin-statistics/
  • Afp, C. A. (2023, 20 février). A son tour, Meta lance une offre payante. Capital.fr. https://www.capital.fr/entreprises-marches/a-son-tour-meta-lance-une-offre-payante-1460713
  • Laratte, A. (2023, 20 février). Facebook, Twitter, Instagram. . . la fin des réseaux sociaux gratuits ? leparisien.fr. https://www.leparisien.fr/high-tech/facebook-twitter-instagram-la-fin-des-reseaux-sociaux-gratuits-20-02-2023-QAJ3NAJT2BEXTM3KEPQ2UFASXQ.php
  • Wurlod, O. (2023, 20 février). Payer pour Instagram et Facebook : L’ère des réseaux sociaux 100 % gratuits se termine. 24 heures. https://www.24heures.ch/lere-des-reseaux-sociaux-100-gratuits-se-termine-300382518290
  • Statista. (s. d.). Social Media Advertising – Global | Market Forecast. https://www.statista.com/outlook/dmo/digital-advertising/social-media-advertising/worldwide

Balenciaga et les réseaux sociaux : la cancel culture a-t-elle encore frappé ?

Boycott, dénonciations et lynchage, les réseaux sociaux en tant qu’espace public et lieu d’expressions, sont également les théâtres de polémiques et controverses. Au fil des années, ils sont devenus des armes pouvant avoir des impacts positifs comme négatifs considérables.

63.1 milliards. C’est le nombre d’internautes dans le monde entier recencés en avril 2022 et parmi eux, 4.7 milliards sont utilisateurs de réseaux sociaux.

Aujourd’hui incontournables, les réseaux sociaux sont de véritables outils marketing afin de se faire connaître et d’avoir accès à la notoriété. En adoptant certains codes, il est aisé d’être propulsé sur le devant de la scène. C’est pourquoi la plupart des marques et notamment les marques de luxe ont commencé à axer leurs stratégies sur leurs campagnes de communication en ligne. Cependant, cet accès simplifié à la célébrité est également à double tranchant, la moindre erreur pouvant être fatale. Balenciaga en a d’ailleurs fait les frais en novembre dernier avec ses deux campagnes impliquant de la pédopornographie et la mise en scène d’enfants avec des accessoires associés à des pratiques SDM.

Les réseaux sociaux : une nouvelle vitrine des marques de luxe

La communication sur les réseaux sociaux est devenue monnaie courante .

De fait ils offrent une couverture très intéressante afin de pénétrer en profondeur le marché. Les marques ont recours notamment à des stratégies d’influences. En ayant recours à des individus bénéficiant d’une certaine popularité tout en ayant une image en adéquation avec la marque, la visibilité et la crédibilité des enseignes s’en retrouvent d’autant plus affirmées. Il n’est pas rare de retrouver des célébrités égéries de marque de luxe.

Nous pouvons citer en exemple Kim Kardashian égérie de Balenciaga ou encore Lea Seydoux, égérie de Louis Vuitton. La crise du covid19 est également passée par là. Entre les différentes contraintes sanitaires sans oublier les confinements, les réseaux sociaux étaient l’unique moyen de conserver un lien avec les consommateurs, les évènements en présentiels étant bannis et les ouvertures de nouvelles boutiques suspendues.  Très vite, les résultats sont apparus puisque de 2020 à 2022, Louis Vuitton est passé de 35.1 à 52.5 millions de followers et d’autres de ses pairs l’ont suivi dans cette ascension comme Gucci, Dior ou encore Balenciaga.

Selon le classement luxe Digital , parmi les marques les plus populaires en ligne Gucci, Dior et Channel arrivent en tête de la liste. Cependant, d’autres enseignes comme Gucci ou Balenciaga sont très populaires sur les réseaux sociaux. Le 29 avril 2023, Louis Vuitton comptabilise 52.7 millions de followers, Chanel 55.7 millions, Gucci 51.5 millions alors que Dior ne comptabilise que 43.9 millions. Ces données soulignent que bien que certaines marques soient plus recherchées en ligne que d’autres, toutes peuvent bénéficient d’une visibilité médiatique plus importante et donc d’un levier de manœuvre non négligeable afin d’accroître leur influence.

Ce levier est maximisé par un contenu étudié et une logique d’engagement mis en place. Le partage régulier de contenus concernant les nouvelles collections mais également les évènements phares de la marque de type défilés ou soirées mondaines, jusqu’à s’étendre à la publication des interviews de leurs collaborateurs et égéries, ont permis d’impliquer les consommateurs dans le quotidien et l’intimité des enseignes.

Les marques ont également appris à adopter leur contenu en fonction des différentes cibles des différentes plateformes, afin d’apparaître authentiques et accessibles pour tous. Chacun doit pouvoir s’identifier et se projeter au travers de leur histoire et de leurs créations.

Le joyau français de Kering : un habitué des provocations

Balenciaga, maison française de Kering, est connue pour utiliser les réseaux sociaux afin de faire parler d’elle et de ses créations. En effet, la marque fait régulièrement l’objet d’articles et de buzzs sur les réseaux sociaux avec des créations jugées provocantes et parfois à la limite de l’indécence. Nous pouvons penser à la mise en vente de baskets déchirées à plus de 1000 euros en mai 2022. L’objet de cette création était de souligner la durabilité des chaussures et donc que les articles Balenciaga ont pour vocation d’accompagner leurs utilisateurs tout au long de leur vie.

dr

Autre prouesse créative non pas moins épargnée par les critiques, la mise en vente de sacs à main inspirés de sacs poubelles, mais à un prix bien éloigné de ces objets domestiques.

Le directeur artistique de Balenciaga a cependant toujours affirmé sa position et l’a exprimé lors d’une interview suite au défilé de la collection automne-hiver 2022-2023.

« Je ne pouvais vraiment pas rater l’occasion de concevoir le sac-poubelle le plus cher du monde. Qui n’aime pas les scandales dans la mode ? »

Demna Gvasalia Women Wear’s Daily, 6 mars 2022

Ainsi, certaines enseignes vont jouer de leur visibilité et du pouvoir de diffusion des réseaux sociaux afin de faire parler d’elle et de gagner en visibilité. Cependant visibilité n’est pas synonyme de popularité.

Balenciaga : une campagne dévastratrice

En novembre 2022, Balenciaga a connu une véritable descente aux enfers avec une campagne sur les réseaux jugée inadmissible par l’opinion public.

En effet, sur Instagram la marque avait partagé des photos afin de promouvoir de nouveaux objets en vente, la marque souhaitant étendre son domaine d’expertise au-delà du prêt à porter. Jusqu’à là rien à redire, puisqu’il est devenu monnaie courante chez les marques de luxe, d’élargir leur champ d’action comme l’a fait Dior avec l’ouverture de son café à Paris. Cependant Balenciaga a poussé la chose plus loin que ce qu’elle n’aurait dû en mettant en scène des enfants avec des peluches portant des accessoires associés à des pratiques BDSM. L’opinion publique a lynché la marque, l’accusant de sexualiser des enfants et donc d’avoir un comportement absolument intolérable. Après avoir gardé le silence pendant plusieurs jours tandis que la toile se déchainait sur cette campagne, la marque a présenté publiquement ses excuses et a retiré les photos compromettantes.

Cela aurait pu passer pour une simple erreur et l’histoire en serait restée là mais quelque semaine après, le joyau de Kering a de nouveau fait parler de lui avec la promotion d’un sac Balenciaga x-Adidas sur une pile de documents. En zoomant sur ces documents, le public s’est rendu compte qu’il s’agissait d’un compte rendu d’un procès statuant que « la promotion et la publicité de la pornographie infantile relève de la liberté d’expression ».

Encore une fois, la marque a présenté ses excuses publiques et cette fois-ci, elle a remis la faute sur l’équipe chargée de la campagne. Balenciaga a totalement nié être au courant du contenu de la campagne et a même engagé des poursuites judiciaires contre l’équipe concernée.

Malgré cette initiative, le scandale a pris une telle ampleur que rapidement les effets se sont faits ressentir. Le lendemain du premier scandale, les actions du joyau Kering ont connu une chute de 0.02%. Cette chute pourrait impacter au long terme la maison dans sa croissance fulgurante initiée en 2019 . De fait, la firme réalisait un chiffre d’affaire de 927 millions de dollars en 2019 jusqu’à atteindre les 1.189 milliards en 2021. Dans le communiqué officiel des résultats annuels Kering n’a communiqué aucun résultat concernant Balenciaga. « Balenciaga a réalisé une excellente année, en dépit d’un mois de décembre difficile », cette phrase est l’unique information dont nous disposons. Cependant le directeur général délégué de Kering a admis que « la regrettable controverse  » dont Balenciaga avait fait l’objet a fortement impacté les résultats de cette maison. Kering a par ailleurs estimé que « les procédures avaient été correctement suivies mais une erreur de jugement » aurait été la cause de ces deux scandales ayant eu lieu en une seule année. Cela a poussé la maison à revoir ses procédures et à mettre en place de nouvelles mesures .

« Plus que de changer les personnes, il est question de renforcer l’organisation en favorisant davantage de diversité et d’intelligence collective ainsi que la capacité à exprimer une opinion différente dans les jugements »

Jean Marc Duplaix directeur financier de Kering dans Fashion work

Un bad buzz médiatique sur tous les plans

Même si la crise ne semble pas avoir eu d’effets exorbitants sur le résultat , la maison connait une véritable crise concernant son image, jamais vue jusqu’alors.

En raison de la polémique, elle a fait l’objet d’un bad buzz international. Les stars et célébrités se sont rapidement désolidarisées de la marque. L’égérie du moment Kim Kardashian avait notamment annoncé sur Twitter qu’elle reévaluait son partenariat avec Balenciaga.

 

« I have been quiet for the past few days, not because I haven’t been disgusted and outraged by the recent Balenciaga campaigns, but because I wanted an opportunity to speak to their team to understand for myself how this could have happened.« 
Kim Kardashian (@KimKardashian) 27 novembre 2022

D’autres stars ont retiré de leurs réseaux sociaux tout contenu associé à la marque comme Alexa Demie, actrice emblématique de la série Euphoria. Cela s’est même étendu à certains partenaires qui ont enlevé de leurs stands les produits Balenciaga comme la marketplace The Closet à Dubai.

Sur Tiktok, la réaction a été la plus violente. On a pu voir pendant plusieurs semaine des vidéos d’internautes et d’influenceurs déchirants et brûlants leurs articles Balenciaga. Un hashtag #cancelbalenciaga a même été créé pour l’occasion et le 28 novembre il cumulait plus de 25.5 millions de vues et le 30 avril, 310.7 millions de vues. Rappelons que Tiktok cible principalement les jeunes de 13 à 20 ans, avec cette campagne Balenciaga a perdu de son prestige et de son attractivité auprès d’une cible qu’elle avait réussi à conquérir parmi les plus jeunes.

Un calme jusqu’au prochain scandale ?

S’il semble que les choses se soient calmées pour le petit joyau français de Kering, cela n’aura pas été sans conséquences. Bien qu’étant habituée à faire la une en raison de créations provocantes et originales, cette fois-ci le buzz aurait eu un effet plus que négatif et il est probable qu’au prochain scandale, la marque soit « cancel » pour de bon.

Mathilde Delevoye

Références

Bernetel, M. (2022). Sacs incendiés, extrême droite et fétichisme&nbsp ;  : mais que se passe-t-il avec Balenciaga&nbsp ;  ? Madame Figaro. https://madame.lefigaro.fr/style/news/fetichisme-extreme-droite-et-sacs-incendies-mais-que-se-passe-t-il-avec-balenciaga-20221130 (accessed on April, 30th 2023)

CB News. (2020, 24 février). Luxe : comment les marques partent à l& # 039 ; assaut des réseaux sociaux – Image. CB News. https://www.cbnews.fr/etudes/image-kolsquare-propose-decryptage-marques-luxe-reseaux-sociaux-49301(accessed on April, 30th 2023)

Deshayes, A. P. E. A. (2021, 25 novembre). Qu’est-ce que la « cancel culture » , ce mouvement qui appelle au boycott et à la censure de nombreuses œuvres su. France 3 Normandie. https://france3-regions.francetvinfo.fr/normandie/seine-maritime/rouen/qu-est-ce-que-la-cancel-culture-ce-mouvement-qui-appelle-au-boycott-et-a-la-censure-de-nombreuses-uvres-sur-les-reseaux-sociaux-2349319.html (accessed on April, 30th 2023)

Dippa, S. L. (2022, 2 décembre). Balenciaga : sur TikTok, ils mettent le feu aux vêtements de la marque. Le HuffPost. https://www.huffingtonpost.fr/life/video/balenciaga-sur-tiktok-ils-mettent-le-feu-aux-vetements-de-la-marque_210980.html (accessed April, 30th 2023)

FashionNetwork.com FR. (s. d.). Des sneakers Balenciaga usées et trouées vendues à plus de 1.000 euros. FashionNetwork.com. https://fr.fashionnetwork.com/news/Des-sneakers-balenciaga-usees-et-trouees-vendues-a-plus-de-1-000-euros,1404349.html (accessed on April, 30th 2023)

Guyot, O. (s. d.). Balenciaga : la réalité sur les chiffres du joyau de Kering. FashionNetwork.com. https://fr.fashionnetwork.com/news/Balenciaga-la-realite-sur-les-chiffres-du-joyau-de-kering,1441170.html (accessed on April, 30th 2023)

Luxe et réseaux sociaux : les influenceurs sont-ils devenus incontournables ?  (s. d.). Boursier.com. https://www.boursier.com/actualites/economie/luxe-et-reseaux-sociaux-les-influenceurs-sont-ils-devenus-incontournables-48339.html (accessed on April, 30th 2023)

Muret, D. (s. d.-a). Balenciaga revoit sa stratégie après l’affaire des publicités controversées. FashionNetwork.com. https://fr.fashionnetwork.com/news/Balenciaga-revoit-sa-strategie-apres-l-affaire-des-publicites-controversees,1487353.html (accessed on April, 30th 2023)

Muret, D. (s. d.-b). Diversité : face aux polémiques, les maisons de luxe mettent en place des garde-fous. FashionNetwork.com. https://fr.fashionnetwork.com/news/Diversite-face-aux-polemiques-les-maisons-de-luxe-mettent-en-place-des-garde-fous,1081494.html (accessed on April, 30th 2023)

Perrier, M. (2019, 19 mars). Twitter, Instagram. . . les marques de luxe misent gros sur les réseaux sociaux. Capital.fr. https://www.capital.fr/entreprises-marches/twitter-instagram-les-marques-de-luxe-misent-gros-sur-les-reseaux-sociaux-1332060 (accessed on April, 30th 2023)

Pons, S. (2022). Balenciaga lance le « sac-poubelle » le plus cher du monde. Madame Figaro. https://madame.lefigaro.fr/style/news/balenciaga-lance-le-sac-poubelle-le-plus-cher-du-monde-20220808 (accessed on April, 30th 2023)

Socha, M. (2022, 7 mars). WWD. WWD. https://wwd.com/runway/fall-2022/paris/balenciaga/review/ (accessed on April, 30th 2023)

Statista. (2022, 12 décembre). Population numérique mondiale 2022. https://fr.statista.com/statistiques/1350675/nombre-utilisateurs-internet-reseaux-sociaux-monde/ (accessed on April, 30th 2023)

Team, A. (2023). Combien d& # 8217 ; argent a perdu Balenciaga suite au scandale ? ANCRÉ Magazine. https://ancre-magazine.com/balenciaga-scandale-polemique-vente/ (accessed on April, 30th 2023)

 # TF1 – Que se passe-t-il avec les campagnes de pub Balenciaga ?  (2022, 25 novembre). MYTF1. https://www.tf1.fr/tmc/quotidien-avec-yann-barthes/videos/que-se-passe-t-il-avec-les-campagnes-de-pub-balenciaga-12773007.html (accessed on April, 30th 2023)

Thomas, M. (2022, 28 novembre). Pourquoi la nouvelle campagne de Balenciaga avec des enfants et des peluches crée la polémique ? Marie Claire. https://www.marieclaire.fr/polemique-campagne-balenciaga-enfants-ours-peluche,1438013.asp (accessed on April, 30th 2023)

Up, E. D. (2022, 28 novembre). Scandalisés par une campagne Balenciaga, des internautes se filment en train de jeter leurs vêtements de la ma. midilibre.fr. https://www.midilibre.fr/2022/11/28/scandalises-par-une-campagne-balenciaga-des-internautes-se-filment-en-train-de-jeter-leurs-vetements-de-la-marque-10832847.php (accessed on April, 30th 2023)

Wuyard, K. (2023). Quelles sont les marques de luxe les plus populaires en ligne ? Weekend. https://weekend.levif.be/lifestyle/mode/actualite/quelles-sont-les-marques-de-luxe-plus-populaires-en-ligne/ (accessed on April, 30th 2023)

Assaut du Capitole : entre désinformation et incitations à la violence

Quelles responsabilités pour Facebook et Twitter ?

Le 6 janvier 2021, des partisans de Donald Trump envahissent le Capitole, là où siège le Congrès américain. Une seule idée en tête : empêcher la certification de la victoire de Joe Biden à la présidentielle américaine de 2020. 
Retour sur le rôle joué par ces réseaux sociaux lors de cet évènement majeur de l’histoire américaine.

Une préparation pré-élection présidentielle 2020 afin d’éviter le scandale de 2016

Photo de little plant sur Unsplash

Dans le contexte des élections présidentielles américaines de novembre 2020, il était inconcevable pour Facebook de revivre un scandale de la même ampleur que celui de 2016. En 4 ans, la plateforme a œuvré à la mise en place de mesures concrètes ayant pour but de protéger l’intégrité de la nouvelle élection, limiter la diffusion de fausses informations et lutter contre l’incitation à la haine et à la violence.

Mark Zuckerberg avait affirmé en octobre 2020 que le règlement de la plateforme empêcherait tout candidat de «déclaré victoire prématurément» et de «délégitimer les résultats de l’élection». Afin de limiter la désinformation, Facebook a implémenté la «War Room». Cette cellule de vérification analyse en temps réel les abus signalés sur les élections. Dani Lever, responsable des affaires publiques de Meta a affirmé que Facebook avait mis en pause ses campagnes publicitaires politiques et supprimé le groupe StopTheSteal début novembre 2020.  Le groupe qui comptait 360 000 utilisateurs parmi ses rangs, mettait en doute la légitimité de l’élection en diffusant la théorie du «Big Lie».

Pour Twitter, c’est seulement 2 mois après l’attaque que l’ex CEO Jack Dorsey affirma que la plateforme avait effectivement joué un rôle dans la diffusion de fausse informations et dans l’organisation de cette attaque. Twitter avait misé sur des pratiques de marquage de tweets et de déréférencement. 

Lorsqu’un tweet contenait des informations trompeuses au sujet de l’élection, il était étiqueté d’un avertissement. Une autre mesure plus radicale a été mis en place d’octobre 2020 jusqu’à l’élection. Si certains messages de personnalités politiques et/ou influentes contenaient des propos non vérifiés et trompeurs, une bannière contenant un avertissement sur le contenu empêchait de lire le tweet. Les tweets ciblés étaient privés d’interactions (retweet, like, commentaire). En amont de l’élection, Twitter avait décidé début 2020 d’instaurer des messages de fact checking à la fin des tweets contenant du contenu trompeur.

@realDonaldTrump sur Twitter

Des baisses de vigilance sous l’impulsion de la liberté d’expression 

Après l’annonce des résultats, Facebook était soulagé. L’opération s’était déroulée sans encombre. Certaines mesures, temporaires, ont donc été retirées.
Facebook a décidé de démanteler la cellule Civic Integrity Team composée d’experts qui détectaient et combattaient la désinformation et les discours haineux. Ces changements ont commencé à inquiéter plusieurs employés du réseau social. A partir de la fin des élections, certains employés ont remarqué que le nombre de signalements pour des messages contenant de fausses informations augmentaient fortement. 
Des documents internes, révélés par la lanceuse d’alerte Frances Haugen, ont soulignés les manquements de Facebook en termes de lutte contre la désinformation et d’incitation à la violence ayant joué un rôle dans l’attaque du Capitole.
Des pistes d’amélioration du règlement ont été proposées pour contrer la désinformation mais déclinées par la hiérarchie. L’une des raisons avancées par la direction est que cela ne ferait qu’augmenter le nombre de signalements erronés et diminuerait l’engagement sur la plateforme. Comme précisé par Haugen lors de son témoignage au Sénat, Facebook semble vouloir faire passer son « profit avant la sécurité » et « avant la population ».

Image par El Sun de Pixabay

La suppression du groupe StopTheSteal n’a non plus été d’une grande efficacité. Cela donna un boost de popularité aux groupes moins importants contenant des propos #StoptheSteal. Les membres du groupe d’origine se sont juste dispatchés. StopTheSteal était bien plus qu’un groupe Facebook et la plateforme n’a pas vraiment œuvré à contrôler et signaler ces groupes complotistes. 

Sur Facebook, les algorithmes jouent un rôle majeur dans la diffusion de ces fausses informations. Dans les documents révélés, il a été confirmé qu’il n’a fallu que 2 jours pour qu’un utilisateur, suivant quelques personnalités/médias conservateurs, ait des recommandations conspirationnistes et 1 semaine pour que des contenus du groupe QAnon lui soient recommandés.

L’une des révélations majeure des Facebook Files était la mise en place d’une politique de fact-checking XCheck permettant de limiter les faux signalements de comptes. Certaines personnalités politiques et comptes les plus suivis bénéficiaient d’une vérification des signalement à part. Cependant, certaines de ces personnalités soumises à ce système se retrouvaient «whitelisted» et exemptées du règlement de Facebook : «Contrairement au reste de notre communauté, ces personnes peuvent enfreindre nos normes sans aucunes conséquences».

De son côté, Twitter a aussi failli. 
Il n’a pas su prendre en considération les avertissements de ses employés sur les risques de la mauvaise gestion de la désinformation et des incitations à la violence sur la plateforme après les élections de 2020. Malgré les efforts et les signalements reportés par Twitter Safety Policy team, en charge de la rédaction du règlement de la plateforme, aucune mesure supplémentaire n’a été prise. Les dirigeants semblaient plus inquiets de déclencher la colère des supporters du président sortant plutôt que de préserver le discours électoral (Draft Comittee Report, The Washington Post, 2023).

Un règlement proposé par la Twitter Safety Policy team visant les messages qui incitaient indirectement à la violence («coded incitement to violence» CIV) n’a pas été retenu par les dirigeants, considérant que les messages visés pouvaient être interprétés dans un autre contexte. Le supposé règlement portait notamment sur ce message: «stand back and stand by». Il avait été utilisé par le président Trump pour s’adresser plus tôt dans l’année au groupe d’extrême droite Proud Boys connu pour ses idées fortes et ses comportements violents. Peu de temps après, cette expression était devenu le cri de ralliement de groupes de supporters Trump sur Twitter.

Twitter a pris l’initiative d’écouter les signalements déposés par des organisations comme Fair Fights luttant pour des élections justes aux États-Unis. Ces tweets, directement liés à l’incitation à la violence au nom d’une élection truquée, ont reçu des avertissements mais n’ont cependant pas été retirés. Pour Twitter, ces messages restaient dans le cadre de la liberté d’expression et n’avaient en aucun cas dépassé les limites du règlement.
Twitter montre ici des signes de relâchement quant à la gestion des messages haineux et de la désinformation.

Un rapport de la MDPI révéla qu’afin d’éviter les signalements, des hashtags contenants des fautes étaient utilisés massivement. Des tweets relatifs aux suspicions de corruption des Biden utilisaient majoritairement le #bidencrimefamiily plutôt que #bidencrimefamily. Cela devait déjouer les mesures mises en place par le règlement de la plateforme tout en ralliant les supporters autour de théories conspirationnistes.

@realDonaldTrump sur Twitter

Le 19 décembre 2020, Trump écrivait : «Big protest un D.C. on January 6th». Par la suite, le nombre de tweets utilisant les CIV «locked and loaded» et «civil war» ont augmenté de manière exponentielle.

Selon un ancien employé de la plateforme, il a fallu attendre l’attaque du 6 janvier 2021 pour que Twitter demande à la Safety Policy team de mettre en place en urgence la CIV Policy. Cependant, toujours incomplète dû à son blocage quelques mois plus tôt, son application était imparfaite.

Au Capitol, les attaquants documentaient leur avancée sur Twitter, obligeant les responsables de la modération à supprimer/bannir en direct les contenus et hashtags problématiques. D’autres hashtags, remontés dans les tendances, ont dû être déréférencé comme #CivilWar.

Une prise de conscience sur l’importance de la désinformation et de l’incitation à la haine ?

Donald J.Trump sur Facebook

Dani Lever confirme la suppression des contenus ayant comme la mention StoptheSteal dès l’instant de l’attaque ainsi que la suspension du compte de Donald Trump pendant 24 heures. Comme l’a annoncé Facebook, cela fut étendu à 2 semaines puis à une durée indéterminée. 

C’est finalement il y a un peu plus d’un mois, le 17 mars 2023, que l’ancien président fait son retour avec une vidéo et 3 mots : I’M BACK !


Facebook s’est engagé à renforcer l’obligation des administrateurs de groupes de vérifier les messages postés, à désactiver les interactions sur les posts provenant de groupes avec des taux élevés de discours haineux/violents et à déréférencer les contenus qui enfreindraient les règlements.

Après l’attaque, Twitter a suspendu le compte @realDonaldTrump (une première fois pendant 12 heures puis de manière permanente). Fin 2022, après l’arrivée d’Elon Musk à la tête de Twitter, son compte a été à nouveau débloqué. Plus de 70000 comptes ont été bloqués, des mesures ont été ajoutées à la Civic Integrity Policy, les comptes affiliés aux contenus conspirationnistes ont été déréférencés et certains sujets ne pourront plus apparaître dans les tendances.

Bien que les attaquants présents au Capitol ainsi que Donald Trump sont responsables de leurs actions, il est clair que les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur dans la préparation en amont de cet évènement. Même si le January 6th Comittee a décidé de s’attarder sur la responsabilité de Trump, cette affaire aura été l’opportunité pour ces grands réseaux sociaux d’être mis face aux conséquences de leurs décisions.

Margot Brenier


Bibliographie :

Timberg, C., Dwoskin, E., & Albergotti, R. (2021, 22 octobre). Inside Facebook, Jan. 6 violence fueled anger, regret over missed warning signs. Washington Post. [ref. 30 avril 2023] https://www.washingtonpost.com/technology/2021/10/22/jan-6-capitol-riot-facebook/

Zakrzewski, C., Lima, C., & Harwell, D. (2023, 17 janvier). What the Jan. 6 probe found out about social media, but didn’t report. Washington Post. [ref. 30 avril 2023] https://www.washingtonpost.com/technology/2023/01/17/jan6-committee-report-social-media/

Bond, S. (2021, 23 octobre). How the « Stop the Steal » movement outwitted Facebook ahead of the Jan. 6 insurrection. NPR. [ref. 30 avril 2023] 
https://www.npr.org/2021/10/22/1048543513/facebook-groups-jan-6-insurrection

Bond, S. (2020, 9 octobre). Twitter Expands Warning Labels To Slow Spread of Election Misinformation. NPR. [ref. 30 avril 2023]
https://www.npr.org/2020/10/09/922028482/twitter-expands-warning-labels-to-slow-spread-of-election-misinformation

Reporter, G. S. (2021, 25 octobre). Facebook missed weeks of warning signs over Capitol attack, documents suggest. the Guardian. [ref. 30 avril 2023] https://www.theguardian.com/technology/2021/oct/23/facebook-whistleblower-january-6-capitol-attack

Social Media & the January 6th Attack on the U.S. Capitol. (s. d.). [ref. 30 avril 2023] https://www.washingtonpost.com/documents/5bfed332-d350-47c0-8562-0137a4435c68.pdf?itid=lk_inline_manual_3

Conger, K. (2021, 25 mars). Jack Dorsey says Twitter played a role in U.S. Capitol riot. The New York Times. [ref. 30 avril 2023]
https://www.nytimes.com/2021/03/25/business/jack-dorsey-twitter-capitol-riot.html

Stanley-Becker, I., & Dwoskin, E. (2020, 1 novembre). Trump allies, largely unconstrained by Facebook’s rules against repeated falsehoods, cement pre-election dominance. Washington Post. [ref. 30 avril 2023]
https://www.washingtonpost.com/technology/2020/11/01/facebook-election-misinformation/

Frenkel, S., & Isaac, M. (2018, 19 septembre). Inside Facebook’s Election ‘War Room’. The New York Times. [ref. 30 avril 2023]
https://www.nytimes.com/2018/09/19/technology/facebook-election-war-room.html

Perrigo, B. (2021, 7 octobre). How Facebook Forced a Reckoning by Shutting Down the Team That Put People Ahead of Profits. Time. [ref. 30 avril 2023]
https://time.com/6104899/facebook-reckoning-frances-haugen/

Wong, J. C. (2020, 29 septembre). QAnon explained : the antisemitic conspiracy theory gaining traction around the world. the Guardian. [ref. 30 avril 2023]
https://www.theguardian.com/us-news/2020/aug/25/qanon-conspiracy-theory-explained-trump-what-is

Meta. (2021, 7 janvier). Our Response to the Violence in Washington. Meta. [ref. 30 avril 2023]
https://about.fb.com/news/2021/01/responding-to-the-violence-in-washington-dc/

Tran, H. M. (2021). Studying the Community of Trump Supporters on Twitter during the 2020 US Presidential Election via Hashtags # maga and # trump2020. Journalism and media2(4), 709‑731. [ref. 30 avril 2023]
https://doi.org/10.3390/journalmedia2040042

Permanent suspension of @realDonaldTrump. (s. d.). [ref. 30 avril 2023]
https://blog.twitter.com/en_us/topics/company/2020/suspension

Comment les deepfakes peuvent impacter la santé sur les réseaux sociaux ?

Vous avez déjà pu tomber sur la fameuse vidéo de Barack Obama insultant Donald Trump ou encore sur celle de Zelensky diffusée sur une chaîne d’information officielle ukrainienne. Certains adeptes du deepfake, s’amusent à inventer des visages qui n’existent pas, à parler à la place de personnalités publiques…

Cependant, l’usage du deepfake souligne des risques en termes de droits à l’image et désinformation de masse.

Le deepfake consiste en la création de photos, d’audios ou de vidéos utilisant le visage d’une personne existante ou non, rendus crédibles grâce à l’intelligence artificielle. Contraction de Deep Learning et fake, cette technologie repose sur les GANs (Generative Adversarial Networks), produisant un contenu très réaliste.

Le champ des possibles du deepfake s’élargit. Du visage d’une personne sur le corps d’un autre, à la création d’une personne qui n’existe pas ou encore à la possibilité de prendre l’apparence d’une personne sur une vidéo et de « cloner » sa voix, le Deepfake ne cesse de gagner en réalisme.

Cependant, nous pouvons nous interroger quant aux dangers auxquels les internautes sont exposés via l’utilisation de cette technologie. Rappelons que le premier Deepfake a été publié sur Reddit, plateforme sur laquelle un utilisateur mettait en scène des célébrités comme Natalie Portman ou Jessica Alba dans de fausses vidéos pornographiques. Une entrée plutôt fracassante…

Cette technologie est d’autant plus répandue par l’usage des réseaux sociaux et pourrait fortement nuire à la santé de tous.

De ludique à politique, comment peuvent-ils impacter la santé via les réseaux sociaux ?

L’impact sur le secteur de la santé

Commençons par l’aspect négatif :

L’influence des deepfakes sur la santé commence à préoccuper les experts.

Certains deepfakes sont utilisés pour compromettre la confidentialité des données de santé des patients. Les cybercriminels peuvent ainsi publier sur les réseaux des enregistrements vocaux ou des vidéos semblant provenir de professionnels de la santé ou autorité comme l’OMS mais qui sont en réalité des pièges à clics. Les risques sont qu’ils y fassent fuiter les données personnelles des malades.

D’un point de vue purement médical, une vidéo peut, par exemple, être diffusée et faire croire que quelqu’un a été guéri d’une maladie via un traitement spécifique. Un politique peut sembler dire ou agir à l’opposé des recommandations de santé publique…

Ces pratiques peuvent pousser à adopter des comportements préjudiciables, conduisant, qui plus est, à des fraudes à l’assurance maladie et des perturbations des soins de santé.

Par conséquent, il est important que les utilisateurs des réseaux sociaux soient conscients de la possibilité de deepfakes médicaux et qu’ils vérifient toujours l’authenticité des informations avant de les partager.

De surcroît, l’augmentation de deepfakes aux visages « parfaits » sur les réseaux va de pair avec l’accroissement du taux de chirurgie esthétique.

« En moyenne, sur cette tranche d’âge (18-34 ans), la proportion de femmes qui poussent les portes des cabinets de chirurgie esthétique est de l’ordre de 80%. »

Chirurgie esthétique : favorisée par les réseaux sociaux, la tendance explose chez les jeunes (rtl.fr)

Heureusement il n’y a pas que du mauvais au deepfake :

Parfois le trucage de voix peut être utilisée à des fins positives. La voix pouvant être trafiquée, certaines communications du secteur de la santé pourrait mieux « passer » aux yeux des utilisateurs.

« Si l’on prend l’exemple d’une campagne de santé publique, avec 2-3 % de personnes convaincues en plus, les Deepfake peuvent sauver des vies. »

Deepfake, entre réel progrès et enjeux éthiques (bpifrance.fr)

Par ailleurs, la langue des signes n’étant encore que très peu répandue, en particulier sur les réseaux sociaux, les deepfakes pourraient améliorer le quotidien de personnes atteinte de mutisme. Leur message pourrait avoir plus d’impact et entraîner plus d’engagement.

De plus, les deepfakes pourraient contribuer aux progrès de la science. Un des exemples relevés serait leur capacité à repérer des organes malades au travers de la radiographie, aidant ainsi les médecins à effectuer un diagnostic. Les réseaux sociaux pourraient alors y développer la diffusion de ces savoirs (pour les étudiants en médecine par exemple).

Images d’IRN générées grâce aux GANs

L’impact sur la santé mentale

Commençons à nouveau par le négatif :

Les deepfakes peuvent également avoir un impact sur la santé mentale des gens sur les réseaux sociaux.

Une personne peut être victime de cyberharcèlement et voir sa réputation salie par du deepfake utilisant son visage dans un contexte faux et défavorable. Ces risques touchent principalement les femmes pouvant être victimes de Revenge porn. Cependant, certaines victimes doutent de leur statut avançant qu’elles n’étaient pas réellement présentes sur ces vidéos et guérissent difficilement de ce traumatisme.

Par ailleurs, les deepfakes peuvent conduire à une usurpation d’identité de la part de cybercriminels se faisant passer pour d’autres via des notes vocales crédibles. Cette situation provoque une perte de confiance et instaure un climat de « paranoïa » .

D’autre part, il est désormais facile pour les utilisateurs de se créer une « fausse vie » et de « faux attributs physiques », qu’ils partageraient sur les réseaux sociaux. Des biais raciaux, sexistes et des critères de beauté « standards » inatteignables y sont, d’ailleurs, cachés sous la table. En effet, les deepfakes ont souvent tendance à blanchir, rajeunir ou vieillir les utilisateurs, à donner des traits plus fins pour une femme et inversement pour les hommes. Cette théologie de la perfection physique prônant le transhumanisme enferme les users dans un carcan de mensonges, complexes et de frustrations.

Le feed d’un jeune se voit donc de plus en plus lisse : une jeune femme magnifique dans un paysage de rêve alors que tout s’avère souvent truqué (fond vert). Cette surexposition constante au « parfait » pousse certains utilisateurs à ne plus se reconnaitre et à accepter leur faux visage à mesure que leur taux de likes augmente. Ce qui induit des troubles en termes de définition et limites de soi avec la question suivante : « Où s’arrête le vrai Moi, où commence mon faux personnage ». Pas étonnant que le taux de chirurgie esthétique augmente….

« Chaque fois que j’obtenais un “j’aime” sur une photo, je sentais ces endorphines comme si c’était moi, comme si quelqu’un que je connais aimait une photo de moi »

https://leclaireur.fnac.com/article/220141-apres-les-vraies-fausses-vies-sur-les-reseaux-sociaux-place-aux-vies-truquees-grace-a-lia/

Mais l’aspect positif donne un brin d’espoir :

Avez-vous déjà entendu parler de la Deepfake Therapie ? Une étude publiée dans la revue Frontiers in Psychiatry a mis en avant deux victimes d’agressions sexuelles dialoguant sur la plateforme Zoom avec leur faux agresseur, en présence de leur thérapeute. Elle s’est avérée fructueuse puisque l’une des victimes a vu ses stress post-traumatiques diminuer en une semaine. Précisons que l’agresseur s’exprime « avec empathie sans chercher à revictimiser le patient » . Ce type de plateforme existe déjà notamment DeepTherapy.ai, dans laquelle certains endeuillés parlent avec un défunt. Il faut cependant savoir limiter son utilisation car en faussant le vrai, certaines séquelles peuvent subsister. Cette pratique pourrait s’étendre de la médiation pour le divorce au harcèlement des enfants.

Certaines personnes n’arrivent pas à tourner la page concernant une personne étant donnée la visibilité que donnent les réseaux sociaux et cette pratique pourrait fortement les aider.

Conclusions et résolutions qui en découlent

Les deepfakes constituent donc le sujet emblématique des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle. Nous devons ainsi tenir compte de la portée de cette IA afin de protéger la santé de tous.

Heureusement, une réglementation vient encadrer les dérives des deepfakes.

Ainsi, l’utilisation de deepfakes pour tromper les internautes sur l’identité d’une personne peut être punie par la loi.

Aux États-Unis, par exemple, le Congrès a adopté la loi de lutte contre la cybercriminalité (Cybercrime Enforcement Act) en 2019, qui criminalise la production et la distribution de deepfakes dans le but de tromper ou de nuire à une personne. La loi impose des peines allant jusqu’à 10 ans de prison.

En France, les deepfakes peuvent être considérés comme de l’escroquerie ou de l’usurpation d’identité, voire de la diffamation, selon la loi sur la liberté de la presse. Ainsi, un deepfake non mentionné comme tel est illégal. La loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information permet de stopper la diffusion massive de désinformation.

Au niveau européen, le projet de règlement sur les services numériques (« Digital Services Act ») prévoit des mesures pour lutter contre les risques systémiques découlant des plateformes en ligne et moteurs de recherche, en particulier contre tout effet négatif sur le discours civique.

D’autre part, la Commission européenne a publié un code de conduite européen renforcé pour lutter contre la désinformation. Le Conseil de l’Union européenne a adopté une résolution en 2021 appelant à une réglementation renforcée des deepfakes pour lutter contre la désinformation et les menaces pour la sécurité.

Enfin, plusieurs solutions ont été développées par les grands acteurs du numérique pour détecter et lutter contre les deepfakes, comme le Deepfake Detection Challenge de Facebook, AWS, Microsoft et Partnership in AI, ainsi que la plateforme InVID pour aider les journalistes à détecter les vidéos truquées.

Désormais, il est obligatoire de préciser si un contenu est Deepfake ou non.

Cependant, cette réglementation pose également des défis en matière de liberté d’expression et de droits de la personne, la ligne entre manipulation de contenu malveillant et parodie étant souvent floue.

Ce qui importe donc le plus est d’être conscient que les réseaux sociaux ne sont pas la vraie vie…

Chirel Darmouni.

Sources

Les nouvelles sources d’informations sur les réseaux sociaux : l’exemple d’HugoDécrypte

En 2015, alors qu’il est en première année à Sciences Po, Hugo Travers, dit HugoDécrypte, crée sa chaîne YouTube, qu’il présente comme un média qui se veut ouvert aux jeunes et informatif via un traitement journalistique de l’actualité. 6 ans plus tard, il est à la tête d’une entreprise de 25 employés postant quotidiennement des condensés d’actualités sur TikTok, Instagram, Twitch, Snapchat, Twitter et même Spotify sous format audio. Aujourd’hui, son média semble avoir conquis les jeunes audiences sur les réseaux sociaux, alors que de nombreux médias s’interrogent sur la façon dont ils pourraient capter ce public réputé fragile et désintéressé.

De nouvelles formes d’information

A seulement 25 ans, le média HugoDécrypte compte à ce jour 1305 publications sur Instagram pour 2.5 millions de followers, 1400 vidéos sur Youtube pour 1.89 million d’abonnés et 266 millions de likes sur TikTok, pour 4.2 millions de followers. Le média est devenu le media par excellence sur les réseaux sociaux. 

Le média HugoDécrypte s’engage à rendre accessible n’importe quel sujet au plus grand nombre. Ce principe de vulgarisation permet à un jeune de 14 ans de comprendre et de s’intéresser à des sujets d’actualité. Sur le fond, un sujet pourra donc tout autant intéresser un adolescent que quelqu’un qui maitrise déjà le sujet.

Le concept de la chaîne est simple : Hugo décrypte l’actualité et les sujets de société qui intéressent les jeunes, en utilisant des exemples concrets et des images pour illustrer ses propos. Ses vidéos sont courtes, souvent moins de dix minutes, et vont droit au but. Il aborde des sujets variés, allant de la politique aux nouvelles technologies, en passant par les enjeux environnementaux ou encore les phénomènes de société.

La force du média est la compréhension des stratégies et enjeux propres à chaque réseau social. Chaque réseau à ses codes, son public est ses modes d’utilisation. Le média propose une réflexion stratégique sur les contenus qui seront diffusés. Sur Youtube, on retrouve les « Actus du jour » (entre 10 et 15 minutes d’infos par jour) ainsi que des reportages. Le vidéaste détient également une chaine secondaire à 900K abonnés sur lesquels il poste des grands formats, reportages, débats… Sur Instagram, il privilégiera des formats écrits (carrousels) intuitifs et visuels ainsi, que des courts extraits pour les Reels. Sur TikTok, il postera des formats courts et impactants. Le média compte également un compte Twitter et une chaîne Twitch sur laquelle Hugo anime un talk-show tout les mercredis.

Enfin, le fait de passer par ces canaux d’information renforce le degré de transparence entre le média et les consommateurs. Le manque de transparence sur la manière dont les médias traditionnels diffusent les informations leur est souvent reproché. Chez HugoDécrypte, les personnes qui suivent le média peuvent facilement faire un retour sur les contenus. Cela participe au maintien de la confiance envers le média.

Capter un public jeune et défiant par l’horizontalité 

Selon le 35ème baromètre de confiance dans les médias publié en janvier 2022 par Kantar & La Croix, la rupture entre la jeunesse française et les supports de radio, de télévision et de presse écrite s’accroît chaque année. Chez les 18-24 ans, l’intérêt pour l’actualité a chuté de 51 % à 38 % en l’espace d’un an. Cette jeune population estime également que certains sujets qui leur sont chers n’ont pas été assez traités par les médias traditionnels (comme le dérèglement climatique par exemple).

Ainsi, dans un contexte compliqué où l’actualité est négative, les 18-25 ans s’intéressent de moins en moins aux médias dits « traditionnels ». C’est là que les nouveaux médias, tels que HugoDécrypte, prennent de l’importance en s’implantant sur les réseaux sociaux où les jeunes se trouvent déjà. Ce qu’il représente correspond parfaitement à ce que les jeunes recherchent : des informations rapides, concises et expliquées par une personne sympathique de 25 ans. Alors que la fiabilité de l’information sur les réseaux sociaux était la principale source de méfiance, HugoDécrypte change la donne en se présentant comme fiable, transparent et pluraliste. Sa stratégie marketing est efficace; son public ressent une proximité et une spontanéité, alors que tout est en réalité minutieusement préparé. Selon Hugo Travers, le succès de son média repose sur la confiance mutuelle avec les internautes. En somme, cela pourrait être notre « pote ». Un « pote » que l’on peut peut retrouver sur la chaîne de Squeezie le lundi, puis sur sa chaîne le mardi en train d’expliquer le conflit israélo-palestinien.

Cette nouvelle façon de penser les médias, sur les réseaux sociaux, se caractérise par une approche horizontale. Contrairement aux médias traditionnels où l’information est diffusée de manière verticale, avec des experts et des journalistes diffusant l’information vers le public, les médias sur les réseaux sociaux impliquent davantage les utilisateurs dans la production et la diffusion de l’information. Les réseaux sociaux permettent une interaction directe entre les producteurs et les consommateurs, offrant ainsi une approche plus démocratique et collaborative. Cette approche permet aux utilisateurs de partager leur point de vue, de poser des questions, de discuter et d’interagir avec les autres utilisateurs, créant ainsi une communauté d’intérêts autour du média et une nouvelle façon de s’informer. Bien que l’envie de transparence et de dialogue entre un média et sa communauté ait toujours existé, elle s’est longtemps heurtée à un modèle de diffusion descendant où le média transmettait l’information et le public la recevait. Avec l’avènement des réseaux sociaux, il y a davantage d’horizontalité dans les échanges. 

Un virage à emprunter pour les médias traditionnels

Ainsi, si l’on suit le modèle à succès d’HugoDécrypte, la digitalisation des contenus proposés est primordiale à la survie des médias traditionnels. Depuis quelques années, on observe ainsi la transition des médias traditionnels vers les réseaux sociaux. Même si les médias traditionnels ne sont pas voués à disparaître, de plus en plus investissent les réseaux sociaux. Par exemple, le Monde a très rapidement proposé ses contenus sur les réseaux sociaux : Snapchat, Youtube, Facebook Instagram et plus récemment TikTok. Aujourd’hui, Le Monde compte 1.7m de followers sur Instagram, 1.54m d’abonnés sur YouTube et 800k followers sur TikTok. Dès lors, celui-ci s’ancre dans l’esprit des jeunes de 18-25 ans comme un média moderne et dans l’ère du temps.

Les médias traditionnels comme la télévision, la radio et les journaux ont des relations complexes avec l’utilisation du big data et la façon dont l’information est numérisée. Cela est dû aux opportunités de croissance que cela peut apporter mais également au chamboulement de leur business model. Tout cela a un impact sur la façon dont l’information est produite, consommée et payée.

Avec l’avènement des réseaux sociaux, la transition vers une nouvelle façon de fonctionner pour les médias est devenue presque nécessaire. Les médias doivent s’adapter à cette nouvelle réalité pour continuer à être pertinents et atteindre leur public. Cela implique des changements dans la façon dont ils produisent, diffusent et monétisent l’information.

Jean Pisanté


Bibliographie

Léa Iribarnegaray (20 Octobre 2020): « HugoDécrypte » et sa petite entreprise. LeMonde.fr. https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/09/22/hugo-decrypte-et-sa-petite-entreprise_6095649_4401467.html

Astrid-Edda Caux et Rita Faridi (12 Octobre 2018): HugoDécrypte en long, en large, et en Travers. La Péniche. https://www.lapeniche.net/hugodecrypte-en-long-en-large-et-en-travers/

Kati Bremme (20 Janvier 2022): Baromètre Kantar-La Croix : les médias attendus comme acteurs de la démocratie. Méta-Média.fr. https://www.meta-media.fr/2022/01/20/barometre-kantar-la-croix-les-medias-attendus-comme-acteurs-de-la-democratie.html

Léa Iribarnegaray (05 avril 2022): Jean Massiet, HugoDécrypte, « Brut »… Comment de nouveaux producteurs d’infos captent les jeunes sur les réseaux sociaux. LeMonde.fr. https://www.lemonde.fr/campus/article/2022/04/05/jean-massiet-hugodecrypte-brut-comment-de-nouveaux-producteurs-d-infos-captent-les-jeunes-sur-les-reseaux-sociaux_6120599_4401467.html

Randa El Fekih (25 janvier 2023): Hugo Travers : « Seuls les médias qui réussiront leur transition en ligne survivront ». MediaConnect.com. https://mediaconnect.com/hugo-travers-seuls-les-medias-qui-reussiront-leur-transition-en-ligne-survivront/?lang=fr

Olivier Meier (05 juillet 2022): LES MÉDIAS TRADITIONNELS FACE À LA NUMÉRISATION DE L’INFORMATION. Management&datascience. https://management-datascience.org/articles/20406/

Randa El Fekih (25 janvier 2023): Hugo Travers : « Seuls les médias qui réussiront leur transition en ligne survivront ». MediaConnect.com.

Les bulles de filtre : une influence sociale et politique ?

Parmi les nombreuses critiques récentes issues de la presse occidentale du réseau social TikTok, revient souvent l’idée que l’application du géant chinois Byte Dance favoriserait la création de bulles de filtre, et ce bien plus que ses concurrents comme Facebook, Instagram, Twitter ou même LinkedIn.

L’existence des bulles de filtre

Concept souvent répandu au sein des presses presque lobbystes « anti réseaux sociaux » mais finalement assez peu démontré, la bulle de filtre est décrite par Eli Rider comme « l’état dans lequel se trouve un internaute lorsque les informations auxquelles il accède sur Internet sont le résultat d’une personnalisation mise en place à son insu ».

Ainsi, en utilisant diverses données collectées sur les utilisateurs, des algorithmes déterminent les contenus qui leur seront accessibles. L’expression « bulle de filtres » illustre l’isolement résultant de ce mécanisme : chaque utilisateur navigue dans une version unique du web, adaptée à ses préférences et créant donc une « bulle » personnalisée.

Stratégies d’audience et algorithmes

En conséquence de leurs modèles d’affaires centrés sur le contenu et la data, les grandes entreprises d’internet développent des stratégies d’audience reposant sur la hiérarchisation des pages web dictée par l’implémentation d’algorithmes, comme le Page Rank de Google, qui offre plus de visibilité aux pages les plus citées, liées et commentées. Et l’on retrouve également ces mêmes types de stratégies sur les réseaux sociaux.

Dans A quoi rêvent les algorithmes ? , Dominique Cardon explique que « les calculateurs reproduisent l’ordre social ».

Ces algorithmes trient et hiérarchisent les informations, sans que l’on sache précisément leurs composantes techniques. Ces actions ont des visées commerciales, en présentant aux utilisateurs des publicités adaptées à leur profil. On assiste donc à une « personnalisation » de l’information.

De plus, les algorithmes renforcent la culture du « winner takes all » : grâce aux recommandations, plus un contenu est vu, plus il sera suggéré à d’autres utilisateurs. Celui-ci entre alors dans un cercle vertueux (ou vicieux ?), au détriment des autres contenus qui sont complètement négligés. C’est pour cette raison que les algorithmes ont tendance à rendre certaines informations invisibles. Et ces derrière ces deux concepts que se cache celui de la chambre d’écho, au cœur du débat sur les bulles de filtre. Cette notion fait référence à l’idée que les réseaux sociaux, en créant un environnement cognitivement homogène, nous renvoient une image emprisonnant de nous-mêmes, validant ainsi nos opinions et croyances préexistantes et annihilant notre libre arbitre.

Renforcement de l’entre-soi idéologique et fragmentation de la réalité sociale

Ce constat un tant soit peu dramatique est susceptible d’entraîner des conséquences directs sur la politisation des individus. L’entre-soi idéologique serait donc favorisé par Internet et plus particulièrement par les réseaux sociaux. Les forums tels que « jeuxvideo.com » sont connus pour abriter une communauté d’extrême droite ou de droite radicale, créant une chambre d’écho où ces idées sont renforcées. Les utilisateurs opposés à ces idéologies évitent généralement ce site, ce qui explique le faible nombre de signalements. En revanche, Facebook et Twitter rassemblent des communautés et opinions diverses, ce qui peut entraîner des confrontations idéologiques et plus de signalements de contenus discriminatoires. De plus, les algorithmes de recommandation sur des plateformes comme Instagram ou TikTok maintiennent ces bulles en utilisant les traces numériques telles que les likes, les re-visionnages ou les commentaires sur du contenu d’extrême droite par exemple. Le contenu suivant sera alors influencé par ces traces. Cela conduit à une information biaisée, concentrée sur des thématiques réactionnaires, identitaires, racistes ou xénophobes.

En fin de compte, les individus se retrouvent dans une réalité fragmentée, contribuant ainsi à la segmentation de la société. Les groupes sociaux continuent d’exister sur Internet et l’idée d’un internet en dehors du monde est illusoire. Les nouvelles technologies ne modifient pas fondamentalement les rapports sociaux hors ligne. Les conflits et dynamiques sociales existent indépendamment de l’Internet. Les individus ont une existence sociale qui dépasse le contexte en ligne et leur comportement sur Internet est souvent influencé par leur réalité sociale et leur identité en dehors de la sphère numérique. Cependant, cette existence sociale est renforcée par ces réseaux. Pendant les années 2015 et 2016, marquées par une vague d’attentats terroristes en France, le nombre de signalements de contenus haineux en ligne a connu une augmentation significative. Les catégories de contenus les plus signalées étaient celles impliquant des « provocations publiques à la haine et la discrimination raciale, ethnique ou religieuse », des « apologies de crimes de guerre et contre l’humanité », ainsi que des « injures ou diffamations xénophobes ou discriminatoires ».  Cette corrélation entre les événements majeurs tels que les attentats et l’augmentation des signalements démontre en partie que les réseaux sociaux peuvent refléter voire amplifier les phénomènes sociaux qui se produisent à l’extérieur comme en témoigne l’augmentation des rixes mortels entre jeunes dans les quartiers populaires.

Au-delà des limites des bulles de filtre : la démocratisation de l’espace public

Ce constat ne doit cependant pas devenir dogmatique car Internet reste selon Dominique Cardon un des meilleurs moyens de démocratisation  de l’espace public. Dans La démocratie Internet, Internet est décrit comme le moyen d’un élargissement de l’espace public, favorisant sa démocratisation. L’auteur soutient que l’apparition de nouveaux acteurs dans l’espace public a entraîné la levée des obstacles qui bloquaient l’accès à la parole, et a multiplié des formes des expressions publiques plus subjectives, personnelles et privées via les réseaux sociaux.

« Internet pousse les murs de l’espace public, tout en enlevant le plancher ».

Internet a bouleversé la hiérarchie des émetteurs de savoir et de vérité, autrefois presque incontestable dans les médias de masse traditionnels. Aujourd’hui, l’autorité ne repose plus uniquement sur quelques institutions médiatiques établies, telles que les journaux, les chaînes de télévision et les radios. Internet a permis à n’importe qui de devenir un émetteur potentiel de savoir et d’informations. Les plateformes en ligne, comme les blogs, les réseaux sociaux et les sites web indépendants, offrent à chacun la possibilité de partager ses idées, opinions et connaissances avec un public potentiellement mondial. Cette démocratisation de la production de contenu a donné lieu à une multitude de sources d’information accessibles aux individus, renforçant en théorie l’idée de neutralité globale des réseaux. Cela remet en question les médias de masse, les nouveaux médias étant perçus à différents moments comme une avancée, une libération des formes de communication traditionnelles, favorisant une meilleure interconnexion entre les individus et un nouveau lien social.

Fractures informationnelles et polarisation du paysage médiatique

Si le marché de l’information s’est profondément transformé avec l’émergence des réseaux, les médias traditionnels restent assez consommés en particulier en France. Il semble donc intéressant d’analyser la polarisation de l’espace médiatique français pour comprendre les fractures informationnelles auxquelles contribuent les bulles de filtres des nouveaux médias.

Selon un rapport publié par l’Institut Montaigne, Bruno Patino, Dominique Cardon et Théophile Lenoir affirment que le champ médiatique en France est structuré selon un axe vertical, avec d’un côté les médias du centre et de l’autre les médias périphériques, tandis qu’aux États-Unis, il est polarisé selon un axe gauche droite horizontal. Cependant, quel que soit le pays, les réseaux sociaux proches du centre sont utilisés par une population d’individus diplômés de l’enseignement supérieur : « C’est en fait un monde social qui élargit le champ des dominants : hommes politiques, journalistes, urbains, etc. ».

Ainsi, cette polarisation se répercute sur les réseaux sociaux. Dans les médias du centre, les plus institutionnalisés, dont Twitter et Facebook sont relativement proches, la circulation de l’information fonctionne différemment que dans les espaces les plus éloignés de ce centre. Une fraction de la population se voit exclue de l’espace public prédominant où elle forge sa relation avec le monde, en s’opposant aux médias centraux. Les « fake news » résultent alors d’une opposition sociale entre le public central et le public périphérique. Pour qu’une fausse information soit crédible, elle doit être soutenue par une personne ayant une certaine autorité. Ce phénomène, appelé « blanchiment d’information » développé par Dominique Cardon, implique que des personnalités influentes légitiment cette information. Les « fake news » ne peuvent se propager que si des individus y croient, les diffusent, les ciblent et les adaptent pour les intégrer à l’agenda médiatique, souvent en créant une communauté. Les milieux d’extrême droite identitaires utilisent principalement cette tactique en diffusant des informations exagérées, manipulées ou sorties de leur contexte, renforçant ainsi les bulles de filtres et confortant leurs partisans. Et on assiste de plus en plus à un glissement dangereux de certains médias et réseaux sociaux.

Une influence palpable pour qui ?

En conclusion, Internet et les réseaux sociaux reflète nos comportements dans le monde réel en les modifiant légèrement. Si un individu évolue dans un environnement socialement homogène, fermé ou de niche comme les mouvements identitaires, la « bulle » aura une influence significative amplifiante. Nonobstant, beaucoup de progrès techniques offrent désormais la possibilité aux individus même marginalisés de retrouver leur libre arbitre par un contrôle technique des filtres.

Mais pour la majorité de la population, il est compliqué de prouver que les réseaux sociaux via les bulles de filtre emprisonnent les individus. Les réseaux sociaux formeraient en fait une multitude de communautés où les informations circuleraient entre elles via les liens faibles augmentant ainsi la neutralité. En outre, l’irrationalité psychologique des individus est telle qu’il est difficile d’affirmer avec certitude que les propositions de contenu des algorithmes exercent une grande influence sur nos comportement sociaux et politiques, pour une majorité modérée aux sources informationnelles diverses en tout cas…

Bibliographie

  • Dominique Cardon : A quoi rêvent les algorithmes ?
  • Dominique Cardon : La Démocratie d’Internet
  • Institut Montaigne : Bruno Patino, Dominique Cardon et Théophile Lenoir
  • ENS Lyon
  • Wikipédia
  • Le Monde
  • Le Bilan
  • Le Figaro
  • Radio France
  • L’Obs
  • France Culture
  • Libération
  • Le Parisien
  • Le Journal du Net
  • La Gazette des Communes
  • L’internaute

Un article écrit par Jonathan Lévy Guillain

The double-edged sword of medical crowdfunding campaigns on social media

Charlie Gard was born in August 2016 with a form of mitochondrial disease, a condition that causes progressive muscle weakness and brain damage. In order to cover the costs of a nucleoside therapy, Charlie’s parents turned to crowdfunding and opened a GoFundMe page. This campaign appeared to be one of the most successful crowdfunding initiatives online, receiving more than £1.2 million in donations in less than 6 months.

The trend of donation-based campaigns, called medical crowdfunding, is growing rapidly in recent years. It can be defined as the raising of funds from a large pool of donors for medical purposes through an online public appeal. While the earliest popular experiments in crowdfunding were in the music industry, crowdfunding websites such as GoFundMe, Kickstarter, and FundRazr are now mainly utilized for raising funds for medical needs. Due to the absence of geographic restrictions and their low transaction costs, those platforms enable patients in urgent need to set up campaigns and receive financial and emotional support from international contributors. It should be noted that the popularity of social media has become as a means for medical crowdfunding. Facebook, Twitter, WeChat, or TikTok enable crowdfunding projects to spread across as wide a range of people as possible in a faster way. Not only are social media convenient for donation, but a simple click of a button is also all takes to share the campaign to another community. Despite the apparent simplicity, medical crowdfunding on social media is not a risk-free practice.  Even though GoFundMe, the most used platform for medical crowdfunding, reported that all campaigns had raised $9 billion in 2019, the reality is that 90% of medical crowdfunding campaigns fail to reach their goal and most of them do not receive any funds. Therefore, medical crowdfunding on social media raises moral issues and reveals insights into questioning access to the healthcare system, particularly for those who struggle to get financial support.

Health-focused campaigns represent GoFundMe’s largest category of fundraising for personal use (Screenshot from www.gofundme.com)

When patients in need turn into content creators

Patients, who start crowdfunding campaigns,  undoubtedly face the tremendous challenges of the attention economy.  Indeed, content creators represent a minority of users, and most of the content posted online is only watched or not watched at all. When these crowdfunding projects are posted on social media where users are connected somehow, the project information can be extensively disseminated among the online community.

Therefore, reaching new people and enhancing the credibility of campaigns ask for digital skills and the implementation of brand content strategies. In this regard, GoFundMe even recommends fundraisers to start a Facebook business page, in order to reach an audience of potential donators and foster communication around their campaign. As crowdfunding on social media relies heavily on electronic word-of-mouth and the ability of fundraisers to make their posts go viral, campaigns’ success tends to reproduce the same strategies that earned media. Launching a business page on social media also lets them track their key metrics (reach, engagement, share rate, like rate) and get to know their audience.

One can easily understand how managing content and following look-alike marketing strategies is beyond the capability of most people. Studies have shown that media literacy and good storytelling play a major role in communicating deservingness, stimulating donations, or spreading the campaign to personal networks. In the context of China, mentioning traditional Chinese cultural values in family and “filial piety”, is likely to generate engagement among viewers. Thus, the way of communicating and being able to adapt to the audience directly impacts users’ trust in projects. When a project is more relatable, users are more likely to feel empathy and donate more money.

The (unfair) advantage of an extensive network

Even though well-tailored strategies offer valuable insights for the success of a crowdfunding campaign, evidence suggests that patients with preexisting large social networks tend to engage more donators, and most donations typically come from donors of the same socioeconomic class as them. As crowdfunding platforms offer an option to share campaigns through various channels, giving access to a broader audience of potential donors. Notably, different strengths of social relationships can affect people’s attitude and behavior. On the one hand, developing strong relationships with help seekers may generate  more empathy towards the projects, and make the audience be more likely to donate as well as to forward the project to other potential donors. On the other hand, studies argue that people with weak social relationships can help to spread the information factors among different groups of users and attract greater social attention from others.

Thus, “celebrity endorsement” could be another effective strategy for medical crowdfunding campaigns on social media. The influence of celebrities’ social capital facilitates peer-to-peer fundraising and the unleashing of “Star Power” to benefit the campaign. For instance, the success of Charlie’s Gard campaign on GoFundMe is partially attributable to significant media attention, not to mention the public support of prominent figures, such as D. Trump and Pope Francis, who drove a high rate of donation to this crowdfunding campaign.

While social media may appear to make raising funds online an easy task, it actually requires know-how, dexterity with technology, and access to a large social network. This ultimately reinforces the gap between people who are more likely to raise funds and those who are not.

Medical crowdfunding and its ethical implications

Accordingly,  the use of social media for crowdfunding presents ethical challenges as human rights can be undermined during those online fundraising campaigns.

Countries with significant socio-economic inequality, typically accentuated by a digital divide, further perpetuate injustices regarding raising funds online. Fundraisers with social privileges like high income, home ownership, and high educational attainment, are more likely to succeed in medical crowdfunding on social media, widening the existent social gap between fundraisers. Additionally, the voluntariness of patients is at stake, especially when they feel indebted, burdensome, or dependent on a caregiver. Indeed, most of them are either too young or too sick to start these campaigns, thus placing them in a vulnerable position. Decisions are made on their behalf by caregivers or family members who decide on the extent of the information to be shared to raise funding. In order to endorse the credibility of a campaign and stimulate donations, crowdfunding platforms encourage the disclosure of sensitive information, as well as the share of pictures and videos, on social media. Families may feel forced by this extensive online sharing strategy, leaving permanent footprints that could impact patients’ lives after recovery. While clinicians are accountable for respecting patients’ wishes and their privacy, it raises the question of whether it is acceptable to harm the family finances for the sole reason of preserving an individual’s autonomy.  Indeed, the rapid spread of information on social media could lead health professionals to face new dilemmas. One wonders whether doctors should be accountable for the accuracy of information posted online by the fundraisers since it can lead to conflicting ethical obligations towards what may be the best for the patient versus the expectations of a pool of donors.

Healthcare system is dead … long live to crowdfunding !

In addition to structural inequities among patients and these ethical issues, sharing medical crowdfunding campaigns on social media reflects serious flaws in the healthcare system, forcing people to turn to donation-based sources of funding.  Indeed, medical crowdfunding first arose in the United States, the United Kingdom, and Canada, where universal health insurance is limited to essential medical services, causing a high uninsurance rate. For instance, in 2009, 62.1% of all bankruptcies in the U.S. were caused by medical debt. Crowdfunding platforms grew rapidly in China as well, due to limited medical resources and disparities between urban and rural public healthcare systems.  Patients resort to crowdfunding for direct health care expenses because of shortfalls in medical insurance coverage, inadequate public health funding, and desperation caused by financial strain from life-threatening medical conditions. In this regard, many people try to convince donators to help them by tweeting their out-of-control medical bills on social media.

« We should not be the solution to a complex set of systemic problems »

Rob Solomon, former GoFundMe CEO

Considering crowdfunding platforms as an “ad-hoc safety net” may detract decision-makers’ attention from structural problems related to healthcare funding. Executives of those platforms are quick to point out that they are not built as a healthcare company: “We should not be the solution to a complex set of systemic problems”, recalled the former GoFundMe CEO in January 2019.  Indeed, they are for-profit. The relationship between them and the campaigners is transactional and may promote commodification of healthcare. In the past, those platforms have even demonstrated bias in donating to some while denying fee waivers to other charitable appeals, thereby enlarging the gap between successful campaigns. To some extent, crowdfunding on social media tends to reflect neoliberal values in which campaign success, virality, and even forms of care become the responsibility of individuals and their personal networks. By reproducing a competitive market environment, social media shift resource allocation according to medical needs toward distribution according to merit. In this sense, there is an urgent need for policymakers to monitor the use of online medical crowdfunding to identify unmet needs and prevent the diversion of attention from policy failures.

Laura Landrein


References:

Twitch : un nouveau média concurrent de la télévision ?

Le samedi 8 octobre 2022, le GP Explorer, événement organisé par Squeezie, démarre à 17h sur la plateforme Twitch. On décompte environ 500 000 personnes qui regardent l’événement dès les premières minutes, puis 750 000 au bout de quelques minutes, jusqu’à atteindre et dépasser la barre du million de spectateurs, record pour un streamer français. Ce nombre de viewer dépasse certaines chaînes de télévision lors du prime time comme TMC ou W9. Le GP Explorer a fait plus de vue que l’émission de 50’ Inside de la chaîne TF1, à la même heure, le week-end d’avant.

Alors, on peut se demander pourquoi cette plateforme parvient-elle à séduire la jeune population, qui délaisse la télévision ?

Un bref retour sur Twitch

Racheté par Amazon en 2014, Twitch est aujourd’hui la plateforme de streaming de jeux vidéo la plus importante. En effet, au début, elle offrait uniquement du contenu autour des jeux vidéo ou des compétitions E-sport, mais rapidement, cette dernière s’est diversifiée pour proposer des contenus plus divers comme sur le « lifestyle », la « musique », ou le « Just Chatting ».

Aujourd’hui, Twitch est utilisé par plus de 7,21 millions de streamers, c’est-à-dire des personnes proposant du contenu en live sur Twitch. Cette plateforme décompte environ 15 millions d’utilisateurs d’actif journaliers, qui passent environ 733 millions d’heures par mois à visionner du contenu sur cette plateforme. Cela représente donc 72.2% des heures mensuellement visionnées en streaming sur l’ensemble du web.

Le contenu autour des jeux vidéo est central sur la plateforme et ces créateurs réalisent la majorité des vues dans cette catégorie. Cependant, on remarque que la catégorie du « just chatting » commence à prendre de plus en plus de valeurs dans l’univers du streaming.

Le « Just Chatting » permet aux streamers de discuter avec les auditeurs en direct sans forcément avoir besoin de jouer à des jeux vidéo spécifiques. En effet, en mars 2022, elle était la catégorie la plus regardée. On peut donc penser qu’elle pourrait prendre de plus en plus d’ampleur dans l’avenir. Il est possible de retrouver des contenus diversifiés comme des talks show, par exemple : le Zen ou PopCorn, des revues de presse quotidienne avec LaMatinéeEstTienne ou encore des événements sportifs comme le GP explorer ou l’Eleven All Star.

L’atout de Twitch : la combinaison du direct et du chat

La principale différence entre le cinéma et les chaînes de télévision est le direct. Pendant l’après-guerre, l’apparition du « direct », comme l’évoque Virginie Spies, sémiologue et analyste des médias audiovisuels, permet aux chaînes de télévision déjà existantes de se démarquer face au cinéma. Ainsi, le direct est utilisé par les des chaînes de télévision pour les JT ou certaines émissions, mais dans la globalité il s’agit de programmes préenregistrés.

C’est le format du live qui progresse le plus en une année. En effet, les Français ont besoin d’une proximité, d’échanger et donner leurs avis en temps réel, c’est pour cela que Twitch est une plateforme qui répond à leurs attentes.

Ainsi, pour Twitch, le live est son ADN. En effet, lorsqu’un streamer prend le créneau d’un autre streamer, comme ça a été le cas par exemple entre Squeezie et Laink, Terracid et Wankil Studio : c’est à la popularité de ce dernier, que les spectateurs décident quel live regarder.

Une des différences entre Twitch et les chaines de télévision, c’est l’interactivité. Twitch parvient à séduire la jeune génération grâce à cette fonctionnalité et à l’inclusion du public dans les contenus grâce à l’intermédiaire du chat.

Aujourd’hui, avec la multiplication des réseaux sociaux, les utilisateurs sont habitués à l’interactivité et à l’échange puisque qu’ils ne consomment plus uniquement les contenus, mais ils peuvent également liker, commenter, critiquer. Cette fonctionnalité du chat permet donc de rassembler sur une même plateforme les interactions entre les viewers, les communautés, les streamers créant ainsi une interaction sociale directement intégrée à la vidéo.

Il y a donc des communautés qui se créent autour de divers centres d’intérêts mis en avant sur la plateforme. En revanche, en étant un modèle linéaire, les chaînes de télévision n’ont pas cette voie de retour, et peuvent seulement suivre les commentaires sur les différents réseaux sociaux comme Twitter ou Instagram, perdant l’interactivité direct que Twitch propose.

Ainsi proposer des contenus sur la télévision à sens unique comme les journaux télévisés n’attirent pas les jeunes, même si on constate une limite à l’interactivité. En effet, pour des millions de spectateurs, comme sur le JT, où il est difficile de mettre ces fonctionnalités au goût du jour.

Une nouvelle façon de consommer des contenus audiovisuels

Selon Michèle Benzeno, directrice générale de Webedia, « il y a un pari sur Twitch dans la bataille de l’attention, mais Twitch ne serait pas en combat avec la télévision linéaire mais en complémentarité ». Cependant, on peut questionner cette remarque.

Souvent, on peut entendre que les jeunes ne regardent plus la télévision. Il s’agit seulement d’un switch, puisque ces derniers consomment du contenu audiovisuel, mais seulement sous une autre forme. Aujourd’hui, on constate que les chaînes de télévision sont de plus en plus vieillissantes. Selon Médiamétrie, en 2021, l’âge moyen des téléspectateurs est de 52 ans. Comme la manière de consommer des contenus audiovisuels évoluent dans le temps, on peut voir que les jeunes regardent plus de contenus en ligne, et que la télévision ne parvient donc pas à conquérir la jeune population.

C’est pourquoi, certaines d’entre elles testent d’être présent sur cette plateforme, comme c’est le cas pour France Télévision.  En effet, France Télévision a lancé une chaîne Twitch en 2021 afin de toucher un public plus jeune mais également la communauté des gamers. En effet, elle est axée sur les jeux vidéo, mais propose aussi des programmes d’actualités, des émissions de divertissement et des documentaires.

Cependant, il reste tout de même difficile pour la plupart des chaînes de télévision de s’adapter au format de cette plateforme. Virginie Spies explique qu’il est compliqué pour une chaîne comme TF1 de « faire du TF1 sur Twitch ou sur TikTok », alors que la réciproque n’est pas tout à fait exacte. Des streamers reprennent des concepts, des programmes en les adaptant sur la plateforme comme l’émission organisée par Squeezie « La grosse soirée de la fortune ! », jeu reprenant l’émission de « Qui veut gagner des millions ».

Comme l’explique la chercheuse, on constate aujourd’hui un « glissement de plateforme et de génération. » En effet, elle remarque que « là où les parents regardaient Dechavanne à 19h, les plus jeunes se branchent sur Twitch pour regarder les streamers les plus en vue ». Le rassemblement familial ne se fait donc plus vraiment autour de la télévision.

On peut voir d’ailleurs voir ce glissement lors du débat de l’entre-deux-tours organisé par TF1 et France Télévisions. Des streamers ont pu acheter les droits de diffusion du programme, pour la somme de 1 500 euros, comme HugoDécrypte, Samuel Etienne, Sardoche et encore Jean Massiet puisqu’ils avaient une audience importante et fidèle. Ainsi, sur leur chaîne Twitch, chacun des streamers a pu diffuser, commenter, chatter sur le débat. La diffusion a pu être suivie par près de 250 000 personnes sur leurs chaînes.

Le modèle économique, une différence majeure

Si le modèle économique pour les chaînes de télévisions est en grande partie basée sur la publicité interrompant les programmes. Sur Twitch, le modèle est complètement différent. La plateforme gagne de l’argent avec la publicité et les frais d’abonnement à une chaine selon différent montant, un modèle premium, les partenariats, le sponsoring, les bits – monnaie sur Twitch, etc

Comme Twitch parvient à séduire la jeune génération, il est intéressant pour les annonceurs de s’intéresser à cette plateforme, puisqu’elle parvient à atteindre une population que la télévision ne touche pas. Par exemple, selon Metrics factory, le « direct bénéficie directement aux marques et aux annonceurs ». En 2022, sur le top 100 des streamers Twitch, 1 317 sont des contenus sponsorisés par une marque.

Ainsi, le modèle Twitch fait fureur chez les jeunes avec des contenus de plus en plus diversifiés en live et son interactivité. Cependant, de gros pics d’audience montre une des limites de Twitch. En effet, le pic d’audience du GP Explorer a entrainé des complications sur l’interactivité de l’événement puisque le chat était saturé, entrainant une nécessité de faire appel au modérateur pour privilégier l’accès aux abonnés de Squeezie. Pour info, le GP Eplorer était de base programmer sur TMC.

Twitch n’est donc plus seulement une plateforme pour les gamers, mais comme elle se diversifie de plus en plus, elle devient « une plateforme de divertissement » comme la télévision.

Alexandra Becquet


Sources

Bercault, E. (2021, September 9). Comment twitch pourrait Devenir La télévision de demain. Journaldunet.com. Retrieved April 30, 2023, from https://www.journaldunet.com/media/publishers/1505195-comment-twitch-pourrait-devenir-la-television-de-demain/

Cebo, V. (2022, October 10). Avec Le Gp Explorer, Twitch n’a jamais été aussi proche de la télévision. Numerama. Retrieved April 30, 2023, from https://www.numerama.com/pop-culture/1140758-avec-le-gp-explorer-twitch-na-jamais-ete-aussi-proche-de-la-television.html

Cuofano, G. (2023, March 14). Comment Twitch Gagne-t-il de l’argent ? Modèle commercial twitch. FourWeekMBA. Retrieved April 30, 2023, from https://fourweekmba.com/fr/comment-twitch-gagne-de-l%27argent/

Gamaury, L., & Twitter. (2022, September 28). Twitch n’est-il qu’une pâle copie de la  » télé de papa  » ? www.20minutes.fr. Retrieved April 30, 2023, from https://www.20minutes.fr/by-the-web/4002433-20220928-si-twitch-finalement-pale-copie-tele-papa

Kerkour, T. (2022, April 29). Dans les coulisses de l’accord entre twitch et La Télévision. LEFIGARO. Retrieved April 30, 2023, from https://www.lefigaro.fr/medias/dans-les-coulisses-de-l-accord-entre-twitch-et-la-television-20220429

Patri, A. (2021, February 24). « ils ne regardent plus La Télé » : Les Chaînes investissent Twitch Pour attirer Les Jeunes. Europe 1. Retrieved April 30, 2023, from https://www.europe1.fr/medias-tele/ils-ne-regardent-plus-la-tele-les-chaines-investissent-twitch-pour-attirer-les-jeunes-4027387

Quairel, F. (2023, April 13). La plateforme Twitch Peut-Elle remplacer La Télévision ? 100Media. Retrieved April 30, 2023, from https://100media.themedialeader.fr/la-plateforme-twitch-peut-elle-remplacer-la-television

Les réseaux sociaux ont-ils amplifié le pouvoir des fans dans l’industrie du divertissement ?

Les réseaux sociaux ont créé une nouvelle ère de fan culture, transformant la manière dont les fans interagissent avec l’industrie du divertissement. Mais comment se traduit concrètement cette montée en pouvoir des fans ? Les stars des réseaux sociaux sont-elles devenues les nouveaux maîtres de l’industrie du divertissement ? Comment les acteurs du divertissement s’adaptent-ils à cette nouvelle ère ? Dans cet article, nous explorons comment les réseaux sociaux ont changé la donne dans l’industrie du divertissement et comment les fans ont pris le contrôle grâce à ces plateformes.

Photo de John Schnobrich sur Unsplash

Game changers : comment les réseaux sociaux ont transformé l’industrie du jeu vidéo

Les communautés de fans ont toujours été très présentes dans l’industrie du jeu vidéo, on pourrait même considérer que cette dernière a été précurseur de la cocréation avec le principe des mods. Les mods, ou modifications, ce sont des contenus créés par les joueurs pour modifier ou ajouter des fonctionnalités à un jeu existant. Ils sont souvent créés par des fans passionnés qui souhaitent partager leur propre vision du jeu avec la communauté de joueurs et peuvent aller de simples ajustements de gameplay à des ajouts massifs de contenu, voire de nouvelles histoires ou de nouveaux univers.

Avec les mods, l’industrie du jeu vidéo a permis aux fans de devenir des créateurs et de contribuer activement au développement du jeu. Par exemple, le jeu Counter Strike, l’un des jeux de tir à la première personne les plus populaires de tous les temps, est en fait un mod crée par deux fans à partir du jeu Half-Life. Counter Strike a ensuite été racheté par Valve Corporation, qui a acquis les droits de propriété intellectuelle du jeu et a collaboré avec les créateurs pour le développer en tant que jeu autonome.

La contribution des fans était donc déjà bien implantée dans l’industrie du jeu vidéo avant l’ère des réseaux sociaux, mais leur arrivée a tout de même accéléré ce phénomène. Avant l’avènement des réseaux sociaux, la création de communautés de joueurs se faisait principalement à travers des forums de discussion, sites web spécialisés, blogs etc…, qui permettaient aux joueurs d’échanger des astuces, des mods et des avis sur les jeux vidéo qu’ils aimaient, mais étaient souvent moins interactifs et limitaient la richesse des échanges. Les réseaux sociaux, eux, permettent une communication plus directe et plus fréquente entre les joueurs et les développeurs, et grâce à ça on a des communautés de fans plus importantes et plus actives autour de leurs jeux préférés. Les réseaux sociaux ont également permis aux développeurs de lancer des campagnes de financement participatif, avec par exemple Kickstarter. Cela permet aux développeurs de recevoir des financements pour des projets qui ne sont ne pas soutenus par les éditeurs traditionnels, tout en créant une communauté de fans qui sont investis dans le développement du jeu. Les développeurs sont de plus en plus à l’écoute des commentaires des joueurs et les prennent en compte pour améliorer et élargir leurs offres.

Un bon exemple est Star Citizen, un jeu de simulation spatiale en cours de développement par Cloud Imperium Games. Les développeurs ont utilisé Kickstarter pour financer le jeu et ont depuis utilisé les réseaux sociaux pour interagir avec la communauté de fans et pour fournir des mises à jour sur le développement du jeu. Les fans ont également pu participer à des tests alpha et beta pour aider à améliorer le jeu. Dans les jeux plus populaires, on peut penser à Minecraft qui utilise fréquemment les réseaux sociaux pour interagir avec la communauté de joueurs et pour obtenir des nouvelles idées.

Finalement, les plateformes de streaming comme Twitch ont révolutionné la manière dont les fans interagissent avec les jeux et les joueurs professionnels. Grâce à ces plateformes, les fans peuvent regarder leurs joueurs préférés en direct, participer à des discussions en temps réel, et même leur apporter un soutien financier. Ces interactions ont renforcé la relation entre les fans et les joueurs, tout en permettant à de petits studios de jeux de bénéficier d’une promotion gratuite et d’un public plus large. Les réseaux sociaux ont également contribué à populariser l’e-sport, qui sont maintenant des événements majeurs, rivalisant avec les tournois sportifs traditionnels en termes de prestige et de financement.

Les réseaux sociaux : la nouvelle scène de l’industrie musicale

Les réseaux sociaux permettent aux artistes de se faire connaître et de promouvoir leur musique sans passer par les canaux traditionnels de l’industrie musicale. De nombreux artistes déjà bien en place, comme Aya Nakamura, délaissent les médias traditionnels comme la télévision pour la promotion de leurs projets, ils préfèrent ainsi les réseaux sociaux pour être moins dépendants des médias traditionnels et contrôler eux-même leur exposition médiatique. Pour ce qui est des artistes émergents, les réseaux sociaux jouent un réel rôle de propulseur de chansons et artistes au sommet des charts grâce à l’engagement des fans. Des titres peuvent devenir viraux grâce aux défis, aux mèmes ou aux vidéos créés par les utilisateurs, influençant ainsi les tendances musicales comment expliquer dans l’article Chanteurs, influenceurs, labels, comment faire de la musique sous le règne de TikTok ?. Par exemple, TikTok a joué un rôle majeur dans le succès de nombreux morceaux et artistes, tels que Lil Nas X et son titre « Old Town Road ».

Plus concrètement, certains artistes ont permis à leur fans de participer activement à la création de projets musicaux. Par exemple, le groupe Coldplay, a lancé un projet appelé « A Head Full of Dreams » en 2016, où les fans étaient invités à soumettre des vidéos d’eux en train de chanter une partie de la chanson « Amazing Day », pour être compilées dans un clip vidéo officiel.

De l’écran à l’écran : comment les réseaux sociaux ont créé une nouvelle ère de participation des fans

Les industries cinématographiques et télévisuelles n’échappent pas au phénomène de pression des fans sur les réseaux sociaux. Les producteurs et les réalisateurs peuvent maintenant utiliser les réseaux sociaux pour tester leurs idées et évaluer leur popularité auprès des fans avant de les mettre en production.

Les fans, eux, utilisent souvent les réseaux sociaux pour exprimer leur soutien ou leur mécontentement concernant le sort de leurs séries préférées. Des hashtags tels que #SaveOurShows ou #RenewOurShows sont fréquemment utilisés sur Twitter pour encourager les chaînes de télévision à renouveler ou annuler des séries en fonction de la mobilisation des fans. Bien que l’impact de ces campagnes puisse être difficile à mesurer, elles montrent que les réseaux sociaux offrent aux fans une plateforme pour exprimer leur passion et potentiellement influencer les décisions des producteurs.

C’est ce qui s’est passé pour la série « Sense8 » de Netflix, qui a été annulée en 2017 après deux saisons. Les fans se sont mobilisés sur les réseaux sociaux, notamment Twitter et Facebook, pour exprimer leur mécontentement et demander le retour de la série. En raison de l’engouement des fans et de la pression exercée sur les réseaux sociaux, Netflix a finalement accepté de produire un épisode spécial de deux heures pour conclure l’histoire.

Entre tendance et créativité : comment les réseaux sociaux affectent l’innovation dans l’industrie du divertissement

Bien que les réseaux sociaux offrent une plateforme pour les fans de s’exprimer, certains craignent que la prise en compte excessive de l’avis des fans ne conduise à une uniformisation du divertissement. En effet, les producteurs et les créateurs peuvent être tentés de suivre les tendances populaires sur les réseaux sociaux au lieu de prendre des risques créatifs ou de proposer des idées originales.

Par exemple, dans l’industrie du cinéma, de nombreux films sont adaptés de franchises populaires ou de livres à succès pour capitaliser sur une base de fans déjà existante. Bien que cela puisse être une stratégie efficace pour attirer un public, cela peut également conduire à une saturation du marché et à un manque de diversité dans les idées et les histoires présentées. De plus, les fans ayant de plus en plus de poids, même un créateur qui souhaite imposer une idée originale aura du mal à se faire entendre. C’est ce qui est arrivé aux créateurs de Game of Thrones : les fans, après avoir critiqué la saison finale, ont lancé une pétition en ligne pour refaire la saison. Cependant, les créateurs de la série, ont défendu leurs choix créatifs et ont déclaré qu’ils n’allaient pas la refaire.

Les réseaux sociaux ont donc définitivement amplifié le pouvoir des fans dans l’industrie du divertissement. Les fans ont maintenant la possibilité de dicter les tendances et de déterminer le succès des productions, créant une nouvelle ère de fan culture qui est là pour rester.

Laura Mariani

Bibliographie :

  • Morgane Brucelle. Fan culture : résistance et mémétique sur les médias sociaux. Littératures. Université Paul Valéry – Montpellier III, 2018. Français. ffNNT : 2018MON30021ff. fftel-02001831f
  • Ravenelle, C. (2021). Les fans qui modifient leurs jeux vidéo : études des communautés de moddings dans les intervalles des séries vidéoludiques de Bethesda. Érudit. https://doi.org/10.7202/1089618ar
  • DUMORTIER SAINT-LAURENT, C. (2021). RAPPORTS DE POUVOIR DANS LE DÉVELOPPEMENT OUVERT DE JEUX VIDÉO : LE CAS DE STAR CITIZEN [Mémoire de maitrise]. UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL.

La réglementation des influenceurs, quel état des lieux ?

Au cours des dernières années, le nombre de plaintes et accusations d’escroquerie s’est multiplié, devenant ainsi un problème majeur pour les réseaux sociaux.

Les arnaques et escroqueries mises en place par certains influenceurs sont devenues monnaie courante, mettant en danger les utilisateurs des réseaux sociaux et obligeant les plateformes à trouver des moyens pour limiter ces pratiques frauduleuses et protéger leurs utilisateurs. La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes s’est exprimée sur le sujet dans un communiqué fin 2021, confirmant l’augmentation inquiétante des pratiques commerciales trompeuses en ligne, en grande partie de la part d’influenceurs.

« Plusieurs dossiers traités récemment par la DGCCRF confirment la montée inquiétante des pratiques commerciales trompeuses en ligne dans le domaine des services financiers, notamment de la part d’influenceurs. »

Un nouveau terme, les « Influvoleurs », a même été créé pour dénoncer les influenceurs qui ont promu les investissements dans des produits financiers, souvent de manière irresponsable, incitant leurs abonnés à prendre des décisions financières risquées basées sur des recommandations peu scrupuleuses.

Alors que le métier d’influenceur continue de se développer et d’attirer de plus en plus de jeunes, le manque de contrôle et d’encadrement se fait de plus en plus ressentir. Bien que le marketing d’influence soit en grande partie autorégulé, il y a un besoin croissant de réglementation par des autorités compétentes.

C’est dans ce contexte que Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, a présenté le 24 mars 2023 une nouvelle réglementation visant à encadrer les plateformes et les influenceurs. Mais dans quel cadre de réglementation sur les acteurs du marketing d’influence cette proposition s’ajoute ?

Quelles dispositions sont déjà existantes ?

Si le marketing d’influence n’est pas encadré par des codes spécifiques, il n’en reste pas moins encadré par des dispositions plus larges. 

La Chambre de Commerce Internationale, présente depuis 1937, révise régulièrement ses articles pour une meilleure identification des contenus commerciaux, et sur toute question traitant des influenceurs et des algorithmes. Ces décisions vont influencer les structures nationales d’autorégulation de la publicité, telles que l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) en France ou encore la Federal Trade Commission (FTC) aux États-Unis, qui est chargée de surveiller le droit de la concurrence déloyale et le droit de la consommation depuis 1914. En Italie, c’est l’Institut d’Autodiscipline Publicitaire italien (IAP) qui est en charge de ces questions. Les décisions prises par la Chambre de Commerce Internationale permettent ainsi d’obtenir une certaine unité dans le contrôle de ces acteurs.

En Europe, la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales des entreprises s’adresse également aux influenceurs. Ces derniers doivent désormais spécifier si leur publication présente un caractère promotionnel, permettant ainsi une meilleure transparence envers les consommateurs.

Quel contrôle est mis en place ?

Un certain nombre d’autorités sont également déployées pour contrôler le respect des décisions.

En France, de nombreuses autorités administratives indépendantes (AAI) mais également des autorités extrajudiciaires comme la DGCCRF (qui dépend du ministre de l’Economie) veillent au respect du droit de la consommation. Celles-ci ont permis d’établir plusieurs constats, comme celui fait depuis 2021 sur 60 influenceurs ayant un nombre significatif d’abonnées ou ayant fait l’objet de signalement, qui montre que 60% des créateurs de contenus ne respectent pas la réglementation en vigueur. En faisant notamment la promotion de produits et/ou services risqués ou encore étant accusés de tromperie sur les propriétés des produits vendus. Les enquêtes ont conduits à des avertissements et des transmission de procès-verbaux d’infraction au procureur de la République, mais ces autorités administratives n’ont pas de moyen direct de sanctionner.  L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP), association indépendante des pouvoirs publics, elle aussi sensibilise, émets des rapports sur la publicité déguisée, et définit des plans d’action pour favoriser les bonnes pratiques, notamment avec la mise en place de deux plateformes spécialisées pour détecter les cas litigieux. 

La proposition de loi par Bruno Le Maire, en consultation avec différents acteurs, dont l’ARPP a pour but de protéger davantage l’exposition des jeunes, car l’appropriation des règles par les plateformes et les influenceurs en activité dessus est encore insuffisante. De nombreuses interdictions y sont ajoutées, tel que celles de la promotion de la crypto monnaie et de la chirurgie esthétique mais également des obligations, comme celle de mentionner l’utilisation de filtres sur la base de la réglementation des photographies publicitaires, avec la mention obligatoire si la photo a été retouchée. Une brigade de l’influence commerciale sera également créée au sein de la Répression des Fraudes afin d’assurer un meilleur suivi des activités. Pour autant, protéger les influenceurs et les accompagner pour qu’ils ne soient pas victimes de partenariats frauduleux n’est pas écarté de la proposition avec la volonté de mettre en place un meilleur accompagnement. La protection des influenceurs mineurs, et plus spécialement de ceux de moins de 16 ans, est étudiée avec la création d’un agrément obligatoire auprès des services de l’État. 

Une question à intérêt international

La France n’est pas le seul pays à prendre ses dispositions. Le Royaume Uni développe son cadre réglementaire pour les plateformes numériques au sein de l’Autorité de la Concurrence (CMA), publiées en fin 2020. 

D’autres pays étendent le champ des pratiques considérées comme commerciales, ainsi dans le cas d’un compte associé à de la chirurgie esthétique un « like » a été considéré par la FTC à caractère promotionnel. 

La cour de Berlin, elle, a émis l’hypothèse de considérer directement les post d’influenceurs en tant que publicités pour éviter toute confusion, voulant ainsi appliquer aux influenceurs la présomption de commercialité. Certains pays comme la Belgique, a contrario, se basent uniquement sur la présence d’une contrepartie monétaire pour déterminer si une publication est commerciale ou non, sans prendre en compte le contenu du post.

Il est intéressant de noter que les mesures prises par la France servent également d’exemple à d’autres pays à l’international. C’est le cas de l’Inde qui suit exemple de la France en créant Advertising Standards Council of India (ASCI), qui permet la mise en place d’une surveillance automatique pour relever les dérives sur les réseaux sociaux. On note ainsi que les dispositions prises par chaque pays ont une influence sur les autres pays à l’échelle mondiale, témoignant de l’intérêt international croissant pour la régulation des activités des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Quel futur pour la réglementation ?

Même si aujourd’hui il n’existe pas de règlementation européenne sur le marketing d’influence, nous ne sommes pas en présence d’un vide juridique pour autant. Les autorités nationales ont su s’adapter et transposer des dispositions législatives spécifiques à certains secteurs. Des projets européens sont également en cours de préparation afin d’harmoniser la réglementation entre les pays tels que le Digital Service Act qui va faire peser une plus grande part de responsabilité sur les influenceurs par rapport au caractère non trompeur et légal du contenu qu’ils publient mais également sur les plateformes, qui devront mettre en place des moyens facilités et plus efficaces de signalements.

Si le marketing d’audience a toujours été compliqué à contrôler, c’est une thématique de plus en plus importante, notamment avec l’intérêt grandissant pour le marketing d’influence visible par la hausse conséquente des post sponsorisés sur les réseaux sociaux. Désormais le marketing d’influence concerne tous les types d’influenceurs puisqu’il est également mis en œuvre par des influenceurs avec des audiences plus modestes, ce qui rend la surveillance plus complexe, dû au nombre d’acteurs plus important. Et cette dynamique n’est qu’au démarrage, avec la reconnaissance de ce nouveau métier et le développement des formations spécialisées et des écoles d’influenceurs.

Emma Levesque

Références :
[Vidéo] Influenceurs et créateurs de contenu : les mesures d’accompagnement et de protection. (s. d.). economie.gouv.fr. https://www.economie.gouv.fr/influenceur-createur-contenu-mesures-encadrement
 
DI MAGGIO Alexandra, « Contrôle des influenceurs aux frontières : petit tour d’horizon de quelques réglementations nationales », Légipresse, 2021/HS2 (N° 66), p. 64-80. DOI : 10.3917/legip.hs66.0064.  https://www.cairn.info/revue-legipresse-2021-HS2-page-64.htm
 
Marketing d’influence : 60 % des influenceurs ciblés par la DGCCRF en anomalie. (s. d.). economie.gouv.fr. https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/marketing-dinfluence-60-des-influenceurs-cibles-par-la-dgccrf-en-anomalie
 
Les influenceurs : obligations et responsabilité en Europe. (2022, 7 novembre). https://www.europe-consommateurs.eu/achats-internet/les-influenceurs.html
 
Mansoura, S. (2023, 23 janvier). “Influvoleurs” : cinq questions sur les plaintes pour escroquerie déposées contre des influenceurs français. France Inter. https://www.radiofrance.fr/franceinter/influvoleurs-cinq-questions-sur-les-plaintes-pour-escroquerie-deposees-contre-des-influenceurs-francais-7190836

Apple privacy vs. mobile ad ecosystem

Apple’s ATT is « Privacy by default, abuse by design »

Thomas Hoppner / Philipp Westerhoff – Hausfeld Competition Bulletin, Spring 2021

            La mise à jour d’iOS14.5 introduit pour les détenteurs d’un iPhone : l’Apple Tracking Transparancy (ATT). Cette fonctionnalité est imposée aux développeurs qui veulent voir leur application téléchargeable au sein de l’Apple app store. L’ATT est la fenêtre qui s’ouvre lors de la première ouverture de n’importe laquelle de vos applications mobiles et qui vous demande de choisir :

Apple prompt. Source : Apple Inc.

Elle a, de ce fait, eu des conséquences sur l’écosystème publicitaire mobile en réduisant certaines possibilités de ciblage et d’analyse des campagnes, ce qui s’est traduit en premier lieu par une augmentation des coûts d’acquisition. C’est une mesure qui est d’un côté, saluée et de l’autre critiquée. En effet, la demande, soit les mobinautes et certains acteurs publics en sont contents dans la mesure où elle s’ancre dans une logique grandissante de protection des données personnelles, mais de l’autre côté de ce marché biface se trouvent les annonceurs publicitaires et développeurs qui estiment que la marque à la pomme fait preuve d’hypocrisie, se réservant la data pour ses propres usages. 

Apple possède 18% des parts sur le marché mobile qui est estimé à 5,31 milliards d’utilisateurs en 2022. Même si les systèmes Android sont largement dominant à l’échelle mondiale, les utilisateurs iPhone sont de précieux clients puisqu’ils ont tendance à dépenser plus d’argent (et sont en majorité sur le marché nord-américain). De plus, fin 2021, 89% des utilisateurs d’iPhone auraient fait la mise à jour système (ce chiffre a nécessairement augmenté). Nous sommes ainsi sur une base d’utilisateurs entre 800 millions et 1 milliard dont les données personnelles sont un élément structurant de business modèles basés sur la gratuité financée par la publicité ciblée. Ces derniers possèdent leur propre DSP, gestionnaire publicitaire de mise en relation entre annonceurs et mobinautes et selon certaines estimations auraient connu une perte de revenus total de 16 milliards de dollars. 

Il est difficile de faire un exposé précis et chiffré de l’impact de l’ATT sur ce marché puisqu’un grand nombre de causes peuvent venir perturber les enchères programmatiques, je vais tenter aujourd’hui d’en expliquer les raisons. 

L’impact technique de l’Apple Tracking Transparancy ?

Les utilisateurs d’iPhones pouvaient déjà avant cette mise à jour restreindre le traçage publicitaire de leurs applications téléchargées, ils avaient la possibilité d’activer le Limited Ad Tracking (LAT) dans les réglages. Le grand changement avec iOS 14.5 est qu’ils doivent se prononcer au premier lancement de chacune de leurs applications. Ainsi, si un usager accepte le traçage publicitaire, Apple communiquera au développeur de l’application un identifiant à usage publicitaire IDFA (identifier for advertisers). C’est une chaîne de caractère unique et anonymisée qui est assignée par Apple à votre terminal (nous pouvons la comparer à une version iOS du cookie tiers de Google qui va lui aussi bientôt disparaître). Concrètement, cet identifiant permet retracer le parcours d’un utilisateur, faisant des liens inter-applications ou inter-sites web, depuis son exposition à une publicité à son potentiel succès et ainsi permettre aux annonceurs de faire des analyses de KPI au sein de leur campagne. L’IDFA permet :

  • Le retargeting : pouvoir cibler les internautes qui ont déjà interagis avec un annonceur.
  • De mesurer les conversions et attribuer à un network les évènements recensés. 
  • De cibler d’audiences pertinentes avec contrôle de la fréquence d’exposition.

Ainsi posé, sans IDFA, la prévision, l’optimisation des coûts et budgets devient compliquée. Refuser le traçage publicitaire signifie que le développeur n’a à sa disposition que les données dites first-party. Apple met à disposition des développeurs, et ce sans demande de consentement, l’IDFV (identifier for vendors) qui lui permet de récolter les données des usages dans l’application. Cet identifiant est différent pour chaque application mais unique par développeur (Par exemple : il sera le même pour Facebook et Instagram tous les deux possédés par Meta). Il y ainsi deux catégories d’utilisateurs, ceux qui ont accepté le traçage (opt-in) et ceux qui ont refusé (opt-out). 

Apple propose tout de même une API pour la remontée des données du nom de SKAdNetwork. Tant les ad network, les apps qui diffusent la pub que celles qui cherchent à se promouvoir doivent s’inscrire auprès d’Apple pour pouvoir utiliser le service. Ce dernier ne peut être aussi précis que posséder l’IDFA (puisqu’il était un lien direct entre l’app et son utilisateur) :  

  • Il ne fait pas la distinction entre les opt-in et opt-out (progressivement les annonceurs n’auront pas le choix que de passer par SKAN)
  • Le nombre de campagnes pouvant être lancé est limitée
  • Il n’y a aucune remontée en dessous d’un certain seuil et elles ne sont pas en temps réel (les premiers chiffres mettent 24 à 48h – le temps de perdre pas mal d’argent).

Cette mise à jour a donc provoqué des changements au sein de l’écosystème puisqu’il est plus difficile et moins rentable de tester ses formats publicitaires. Ceci complique l’optimisation des campagnes et implique une réduction des budgets annonceurs. En effet, les dépenses publicitaires pour les apps mobiles ont diminué de 5% en 2022, les grands perdants seraient Meta et Snapchat, mais il est difficile d’attribuer cette baisse uniquement à l’ATT.

Le prompt obligatoire n’est pas si efficace 

Le choix de l’utilisateur est une variable au sein de l’ATT et les taux d’attribution des IDFA ont augmenté depuis le printemps 2021 (la publicité est-elle l’ennemi?), les développeurs adaptent les messages affichés. Certaines projections étaient pessimistes, allaient chercher un taux d’opt-out de 98%, d’autres se positionnaient plus aux alentours des 50%. Cependant, ces taux sont différents en fonction :

  • des applications : les réseaux sociaux et notamment Facebook dont les polémiques liées à l’usage des données personnelles ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières années accuse des taux d’opt-in les plus bas)
  • des pays (en décembre 2021 la France compte un taux d’opt-in à 55% là où les États-Unis sont à 37%). 

De plus, certaines applications trouvent des moyens pour contourner le système de l’ATT. Nous retrouvons des techniques de suivi de cohorte ou l’identification d’individus de manière probabiliste (technique de fingerprinting : des applications calculent et acceptent un identifiant dérivé de l’empreinte digitale en utilisant un code côté serveur). Nous pouvons penser aussi au studio français Voodoo qui a été condamné par la CNIL en fin d’année dernière pour avoir utilisé l’IDFV à des fins publicitaire ou l’annonce récente de Shopify qui s’allie à Google et Meta dans le cadre d’un partage de leurs données. 

Une conjoncture économique défavorable mais tout de même lucrative

La pandémie a également amené une certaine imprévisibilité dans les dépenses médias. De plus, le gain en popularité de Tiktok met également à mal ces réseaux puisqu’il vient prendre dans le budget marketing des annonceurs. Cependant, les réseaux sociaux mobiles continuent de croître en utilisateurs, ces nouveaux médias prennent leur parts dans les médias traditionnels ainsi que les médias numériques qui ne peuvent que difficilement rester indépendants face aux réglementations sur le respect de la vie privée. 

Toutes les prévisions annonçaient un impact important sur Facebook mais qui en même temps perd en DAU l’année dernière alors qu’il investit massivement dans les technologies liées au métavers. En effet, le manque à gagner de $10 milliard annoncé par le groupe est équivalent aux dépenses qu’il réalise. Cette année, eMarketer prévoit que les annonceurs américains dépenseront 58,11 milliards de dollars en publicités Facebook, soit une hausse de 15 % par rapport à l’année précédente, malgré les modifications apportées à iOS.

L’écosystème publicitaire, terrain de jeu pour les entreprises de la tech ?

Apple qui jusque lors était une entreprise spécialisée dans le hardware, opère – en même temps que la baisse progressive de ses ventes – sa transition vers une entreprises de software et avec son dispositif publicitaire Search Ads au sein de l’Apple Store, vers une part des budgets marketings, précisément gardés par Facebook. Les deux géants de la technologie auraient par ailleurs étés en pourparlers sur un accord de partage des revenus, il était mention d’une éventuelle version de Facebook sans publicité et par abonnement. Apple aurait ainsi considéré les revenus d’abonnements à Facebook comme un achat In-App qui lui aurait rapporté 30% de commission. Quelques temps après le non-aboutissement de ces négociations, Apple propose iOS14.5 et une campagne marketing qui met l’accent sur le respect de la vie privée de ses consommateurs. L’entreprise creuse ainsi son conflit existant avec la coalition d’éditeurs d’applications qui sont contre son pouvoir monopolistique.  

Ainsi, même si le suivi des utilisateurs individuels est plus difficile aujourd’hui, les changements renforcent le pouvoir de marché existant d’Apple (ou d’Amazon qui ne dépend aucunement de données tierces) ayant accès à de grandes quantités de données de première main et motivent un contre-mouvement n’allant pas nécessairement dans le sens du respect des données personnelles.

Alexandra Levigne.

Sources et pour aller plus loin : 

OECD (2013-12-16), “The App Economy”, OECD Digital Economy Papers, No. 230, OECD Publishing, Paris. http://dx.doi.org/10.1787/5k3ttftlv95k-en

APPLEYARD Bryan, « Facebook et Apple : la pomme de discorde », Books, 2021/4 (N° 116), p. 41-45. DOI : 10.3917/books.116.0041. URL : https://www-cairn-info.proxy.bu.dauphine.fr/magazine-books-2021-4-page-41.htm

Konrad Kollnig, Anastasia Shuba, Max Van Kleek, Reuben Binns, Nigel Shadbolt (06-2022), “Goodbye Tracking? Impact of iOS App Tracking Transparency and Privacy Labels". FAccT '22: 2022 ACM Conference on Fairness, Accountability, and TransparencyJune 2022 Pages 508–520https://doi.org/10.1145/3531146.3533116

Rapports sur les opt-in et opt-out : 
Tableau de bord interactif par Appsflyer (consultée le 17/01/23)
Carte interactive des IDFA par remerge (consultée le 24/01/23)
Prévisions des eMarketers (consulté le 24/01/23) 
Prévisions de Flurry (consulté le 24/01/23)
Prévisions par AdAge (consulté le 27/01/23

Prédictions des tendances mobile marketing 2023 par Appsflyer (consulté le 17/01/23)
Rapport par Lotame : IDFA impact on big tech (consulté le 24/01/23)

Condamnations de la CNIl : 
Apple : 
CNIL (04-01-2023), "Identifiant publicitaire : sanction de 8 millions d’euros à l’encontre de APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL"
https://www.cnil.fr/fr/identifiant-publicitaire-sanction-de-8-millions-deuros-lencontre-de-apple-distribution-international (ouvert le 3 Janvier 2023)
Voodoo :
CNIL, (17-01-2023), "Jeux mobiles : la CNIL sanctionne VOODOO à hauteur de 3 millions d’euros"
https://www.cnil.fr/fr/jeux-mobiles-la-cnil-sanctionne-voodoo-hauteur-de-3-millions-deuros (ouvert le 24 Janvier 2023)

Shopify s’allie à Google et Meta : 
Claudia Cohen, (03-01-2023), "Publicité ciblée: Shopify s’allie avec Meta et Google"
https://www.lefigaro.fr/medias/publicite-ciblee-shopify-s-allie-avec-meta-et-google-20230103 (ouvert le 24 Janvier 2023)


Coalition app fairness et France Digitale : 
https://francedigitale.org/combat/france-digitale-rejoint-la-coalition-for-app-fairness/
Home
Glossaire mobile ad marketing by Adjust

La fin de l’utilisation des cookies tiers par Google

Y-a t’il des alternatives aux cookies tiers dans le cadre de la publicité en ligne?

Introduction

Les cookies sont des outils de collecte de données largement utilisés par Google. Ils sont des petits fichiers stockés sur l’ordinateur de l’utilisateur lorsqu’il visite un site web et ont différentes fonctions comme stocker l’ID client d’un site de commerce électronique, le contenu actuel du panier, la langue d’affichage de la page web, un ID pour suivre la navigation à des fins de statistiques ou de publicité. (Cnil, 2021)

Il existe deux types de cookies, les interne et les tiers. Les cookies internes ne permettent de suivre l’utilisateur que sur le site web qui les a déposés, tandis que les cookies tiers permettent de suivre le comportement de l’utilisateur sur tous les sites web qui les intègrent. (Cnil, 2021)

Les cookies tiers sont utilisés par les acteurs de la publicité en ligne pour suivre les utilisateurs, collecter ou déduire des informations personnelles et créer des profils détaillés pour cibler des publicités. Ces cookies sont utilisés pour générer des revenus pour les sites web. Cependant, les utilisateurs sont de plus en plus soucieux de leur vie privée. Google a annoncé en 2020 qu’il arrêterait l’utilisation de ces cookies d’ici 2022, mais cette date a été repoussée jusqu’à la fin de 2024. Cela pourrait impacter significativement la façon dont les entreprises ciblent et atteignent leurs publics et pourrait les amener à se tourner vers des méthodes publicitaires traditionnelles plus coûteuses et moins efficaces (AFP, 2022). Google est cependant en train de développer de nouvelles solutions innovantes qui pourraient venir pallier à la fin de l’utilisation des cookies tiers. 

Les cookies tiers ont l’air voués à disparaître, laissant un certain sentiment d’incertitude et d’instabilité chez les spécialistes du marketing digital au sujet du suivi et du ciblage publicitaire. Dès lors on peut se demander comment la fin des cookies tiers va venir impacter le marché de la publicité ? Quelles solutions sont en train d’être développées ?

  1. L’utilisation des cookies tiers dans le secteur de la publicité 

Les données de tiers sont généralement utilisées dans le secteur de la publicité et du marketing pour la publicité ciblée et la segmentation de l’audience. Ces données sont recueillies par des sociétés spécialisées dans la collecte et l’analyse de données et peuvent inclure des informations telles que des données démographiques, des habitudes d’achat et des comportements en ligne. (Cnil) 

Les sociétés de publicité et les spécialistes du marketing utilisent ces données pour mieux connaître leur public cible et créer des campagnes publicitaires plus efficaces et plus ciblées. Par exemple, ils peuvent utiliser ces données pour segmenter leur public en fonction de facteurs tels que l’âge, le sexe, le lieu, le revenu et les intérêts. Cela leur permet de créer des publicités ciblées qui ont plus de chances d’être vues et utilisées par les bonnes personnes. Les données de tiers peuvent être utilisées pour suivre les performances des publicités, surveiller l’engagement du public et optimiser les campagnes. Les données provenant de tiers jouent donc un rôle crucial dans le secteur de la publicité et du marketing en permettant aux entreprises de mieux comprendre leur public cible et de créer des campagnes publicitaires plus efficaces et efficientes.

  1. La fin de l’utilisation des cookies tiers sur google 

La décision de Google de mettre fin à l’utilisation de cookies tiers est motivée par la demande croissante des utilisateurs pour la protection de leurs données personnelles ainsi qu’un contrôle individuel sur la data générée. De plus en plus, les utilisateurs sont sceptiques quant au respect de la vie privée par Google et Facebook. Les premiers signes de changement ont été observés avec la mise en œuvre du règlement général sur la protection des données (RGPD) en 2018 et du règlement ePrivacy 2021, qui imposent des règles de transparence aux entreprises. L’objectif est désormais de donner aux utilisateurs le choix de partager ou non leurs données et de savoir comment elles seront utilisées. Le problème des cookies tiers est qu’ils permettent de récupérer les données des utilisateurs pour les vendre à des fins de publicité ciblée, créant ainsi des profils très ciblés. Ces données sont utilisées massivement et de manière opaque, suscitant la méfiance des utilisateurs. (Raffin, 2022)

Outre les problèmes de confidentialité, les cookies tiers présentent également d’autres problèmes pour les annonceurs, comme des données générales et moins précises accessibles à toutes les entreprises, ainsi que des problèmes de fiabilité des informations. Les annonceurs ne peuvent pas vérifier l’origine, l’ancienneté ou l’exactitude des données, ce qui rend difficile la garantie de la pertinence des campagnes publicitaires pour les utilisateurs. 

  1. Les alternatives développées par google 

Il existe plusieurs technologies différentes qui sont proposées ou en cours de développement pour remplacer les des cookies tiers. Google a annoncé la fin de l’utilisation des cookies tiers en 2024, afin de respecter la vie privée des utilisateurs. Toutefois, cela ne signifie pas la fin de la publicité ciblée. Pour remplacer les cookies tiers, Google a lancé son programme Privacy Sandbox (Raffin, 2022), qui vise à créer des technologies de ciblage alternatives respectant la vie privée des utilisateurs. L’objectif est de collecter les données des utilisateurs de manière sécurisée, puis de les partager avec les annonceurs via une API sécurisée. Les entreprises n’auront donc pas accès aux données trop personnelles. Parmi les alternatives proposées par Google, il y a FLoC (Federated Learning of Cohorts). Il s’agit d’un nouveau mécanisme qui regroupe les utilisateurs ayant des historiques de navigation similaires en segments d’audience, afin que les annonceurs ne puissent pas suivre individuellement la navigation des utilisateurs (Marc Langheinrich, 2021). Cette alternative soulève toutefois des questions quant à la dépendance accrue des annonceurs vis-à-vis de Google et de Facebook, qui détiennent déjà 75 % du marché de la publicité en ligne. FLoC a également été critiqué par les défenseurs de la vie privée, les régulateurs et même d’autres entreprises. Il analyse l’historique complet de navigation des utilisateurs, ce qui représente un volume de données plus important que les cookies tiers qui ne reçoivent que les informations des sites effectivement visités. Il est également intéressant de noter que Google n’a pas déployé de tests FLoC dans l’Union européenne en raison du risque de non-conformité avec le RGPD.

Une autre solution qui pourrait venir remplacer l’utilisation des cookies tiers telle qu’on la connait aujourd’hui serait le Privacy Pass. Ce protocole vise à anonymiser les transactions en ligne tout en protégeant la vie privée de l’utilisateur. Il fonctionne en créant des jetons cryptographiques qui peuvent être utilisés pour vérifier l’identité sans révéler d’informations personnelles sensibles. Les jetons sont stockés sur l’appareil de l’utilisateur et peuvent être utilisés pour remplacer les informations d’identification directe telles que les adresses IP lors de l’accès aux services en ligne. Il vise donc à fournir une méthode sécurisée et privée qui permettrait aux utilisateurs de se connecter à des services en ligne sans révéler leur identité ou leur historique de navigation. (Calme S,2017)

Enfin, une technique qui permet aux sites de suivre l’activité des utilisateurs est l’empreinte de navigateur. Le fonctionnement des sites web modernes nécessite l’exécution de scripts, qui sont des ensembles d’instructions indiquant à notre navigateur ce qu’il doit faire. Ils s’exécutent discrètement en arrière-plan et peuvent détecter toutes sortes d’informations sur votre appareil et votre navigateur (Latto, 2022). L’ensemble de ces informations constitue votre « empreinte digitale ». Cette empreinte digitale peut être utilisée pour vous retrouver sur l’internet et à travers différentes sessions de navigation. Les scripts sont capables de déterminer de nombreuses informations sur l’appareil utilisé : le système d’exploitation, le navigateur, les logiciels installés, le fuseau horaire, la langue utilisée, toutes les extensions de navigateur installées, de nombreux détails techniques sur la carte graphique, les pilotes, etc. L’empreinte digitale du navigateur fournit suffisamment d’informations sur un appareil et ses paramètres pour identifier un utilisateur parmi des millions et des milliards d’appareils sur Internet. En fait, l’empreinte du périphérique peut identifier les utilisateurs avec un taux de précision de 90 à 99 %. (Latto, 2022)

Si google  a repoussé une nouvelle fois l’abolition des cookies tiers à 2024, de nouvelles solutions vont être amenées à emerger pour permettre un ciblage publicitaire pertinent pour les utilisateurs et les annonceurs. Les solutions évoquées sont encore en cours de développement ou ne substituent pas encore les cookies tiers. Dès lors, il est impossible de savoir si ces solutions seront celles qui s’imposeront ou si d’autres solutions feront leur apparition dans les mois à venir. Cependant, il est clair que les entreprises vont devoir se plier à la volonté du grand public d’avoir le contrôle sur la donnée générée. Il y a un réel besoin de transparence et de pédagogie pour trouver des systèmes qui satisferont les besoins de chaque parti. 

Bibliographie 

AFP, L.M.avec (2022) Google présente son Nouveau système destiné à mettre fin aux cookies publicitaires, Le Monde.fr. Le Monde. Available at: https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/01/26/google-presente-son-nouveau-systeme-destine-a-mettre-fin-aux-cookies-publicitaires_6111053_4408996.html (Accessed: January 25, 2023). 

Alternatives Aux Cookies Tiers : Quelles conséquences en matière de consentement ? (2021) Fil d ariane. Available at: https://www.cnil.fr/fr/cookies-et-autres-traceurs/regles/alternatives-aux-cookies-tiers (Accessed: January 26, 2023).

Calme, S (2017) Privacy pass promet de vous permettre de vous authentifier sur un site sans Compromettre Votre Vie Priv, Developpez.com. Available at: https://www.developpez.com/actu/173648/Privacy-Pass-promet-de-vous-permettre-de-vous-authentifier-sur-un-site-sans-compromettre-votre-vie-privee-vers-une-alternative-aux-cookies/#:~:text=L’extension%2C%20Privacy%20Pass%20est,’authentification%20de%20l’utilisateur. (Accessed: January 26, 2023). 

Cnil, cookies et autres traceurs (no date) Fil d ariane. Available at: https://www.cnil.fr/fr/cookies-et-autres-traceurs (Accessed: January 25, 2023). 

Google Présente son nouveau dispositif pour remplacer Les Cookies publicitaires (no date) SudOuest.fr. Available at: https://www.sudouest.fr/culture/medias/google-presente-son-nouveau-dispositif-pour-remplacer-les-cookies-publicitaires-8010668.php (Accessed: January 26, 2023). 

Latto, N. (2022) Qu’est-ce que l’empreinte de navigateur, comment se protéger ? Avast. Available at: https://www.avast.com/fr-fr/c-what-is-browser-fingerprinting (Accessed: January 27, 2023). 

Madern, C. (2022) Penser la publicité Digitale Sans cookies : Un changement Législatif Majeur, plusieurs alternatives et une seule solution ?, Journaldunet.com. JDN. Available at: https://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1512827-penser-la-publicite-digitale-sans-cookies-un-changement-legislatif-majeur-plusieurs-alternatives-et-une-seule-solution/ (Accessed: January 26, 2023). 

Marc Langheinrich ,(2021), To FLoC or Not?. Available at : https://ieeexplore.ieee.org/stamp/stamp.jsp?arnumber=9442736 (Accessed: January 27, 2023).

Raffin, E. (2022) Google repousse la fin des cookies tiers à 2024 : CE qu’il faut savoir, BDM. Available at: https://www.blogdumoderateur.com/google-repousse-fin-cookies-tiers-2024/ (Accessed: January 27, 2023). 

Vallaeys, F. (2022) Floc and the future of audiences: Understanding the limits and capabilities of Floc, Fledge and Turtledove, Search Engine Land. Available at: https://searchengineland.com/floc-and-the-future-of-audiences-understanding-the-limits-and-capabilities-of-floc-fledge-and-turtledove-350420 (Accessed: January 27, 2023). 

Tom Bourgeois

L’influence de TikTok sur l’intention d’achat de la génération Z dans l’industrie de la fast-fashion

Source : ITP Live

Les réseaux sociaux sont devenus l’une des plateformes médiatiques les plus populaires au monde. Ils sont définis comme des applications basées sur Internet qui permettent de créer et d’échanger du contenu (Kaplan et Haenleman, 2010). Ainsi, en tant que plateforme de communication marketing, ils sont devenus un élément clé de la stratégie globale de marketing des entreprises, car ils permettent non seulement d’accroître la notoriété d’un produit ou d’un service grâce au contenu promotionnel de la marque, aux influenceurs ou aux utilisateurs, mais ils sont aussi un moyen de vendre directement aux consommateurs grâce à des fonctions d’achat intégrées (Br Sagala et Rachmawati CH, 2016). D’après Neher (2013), le contenu visuel est le meilleur moyen d’attirer l’engagement des consommateurs grâce à des fonctionnalités telles que les clics, les vues et les commentaires, signifiant que TikTok est donc un moyen idéal pour les entreprises d’interagir avec les clients potentiels et de créer des relations durables.

De nos jours, les réseaux sociaux évoluent rapidement pour offrir aux consommateurs de nouvelles façons de découvrir des marques et d’acheter des produits ou des services par le biais d’un parcours d’achat raccourci et non-linéaire, ce qui conduit à un nombre croissant d’achats non planifiés (63 %) et d’achats impulsifs (23 %) (WARC, 2021). Les consommateurs cherchent de nouvelles façons de se divertir et de créer du contenu sur les médias sociaux. Le nombre d’individus présents sur TikTok ne cesse d’augmenter, la génération Z étant les utilisateurs les plus importants et les plus actifs de la plateforme. Il s’agit donc d’une opportunité énorme pour les marques et les particuliers de profiter de ce phénomène mondial afin de gagner en visibilité et, ainsi, de potentiellement faire grimper leurs ventes.

Au Royaume-Uni, 82 % des personnes déclarent avoir effectué un achat après avoir vu un produit présenté sur les réseaux sociaux et 80% des consommateurs déclarent que TikTok les a aidés à découvrir une nouvelle marque ou un nouveau produit. La génération Z consomme le plus de contenu sur TikTok puisque 60% des utilisateurs mondiaux font partie de cette génération (Doyle, 2022). Il serait donc intéressant de comprendre dans quelle mesure ceci s’applique au secteur de la fast-fashion en ligne.

Qu’est-ce que la génération Z et comment est-elle liée à l’état actuel de l’industrie de la fast-fashion en ligne ?

Source : Luc Alvarez

La génération Z désigne les personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, après l’apparition d’Internet. Ils ont donc été exposés à la technologie dès leur plus jeune âge et ont rapidement adopté les nouvelles technologies, telles que les smartphones ou les réseaux sociaux (Francis et Hoefel, 2018).

L’une des principales caractéristiques de cette génération est son besoin de s’évader (Wood, 2013). Les réseaux sociaux permettant aux utilisateurs d’interagir avec du contenu 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, les marques ont une excellente occasion de gagner des consommateurs (Leland, 2016) qui cherchent un contact avec les marques (McWilliams, 2021) sur des plateformes telles que TikTok. De même, aux yeux des consommateurs de la génération Z, les influenceurs sont généralement perçus comme dignes de confiance et sont donc plus susceptibles d’influencer le comportement d’achat sur ces plateformes (Lim, Mohd Radzol, Cheah et Wong, 2017). De même, les micro-influenceurs ont également démontré qu’ils avaient un impact positif sur l’intention d’achat des jeunes (Gupta et Mahajan, 2019).

En prenant le cas du Royaume-Uni, les dépenses des consommateurs en ligne pour les produits de mode ont fortement augmenté depuis la pandémie de Covid-19, avec une croissance de 26% en 2020 pour atteindre un total de plus de 28 milliards de livres (Sender Ceron, 2020), les achats de vêtements en ligne représentant 56 % des ventes globales de ce secteur. Cela signifie que les consommateurs achètent plus de vêtements en ligne qu’en magasin.

En outre, la pandémie combinée à l’augmentation du temps moyen passé sur Internet ainsi que sur les réseaux sociaux a poussé davantage d’utilisateurs à faire des achats en ligne, 27 % des consommateurs passent plus de temps à rechercher des produits en ligne qu’auparavant. Parallèlement, la génération Z est celle qui recherche le plus de produits de mode en ligne avec 43% d’entre eux qui passent plus de temps à rechercher des vêtements (Sender Ceron, 2020).

L’augmentation du temps consacré à la recherche d’articles de mode a entraîné une augmentation des achats en ligne avec 41 % des consommateurs de la génération Z qui achètent davantage de vêtements et d’accessoires en ligne depuis janvier 2020. Parmi ces consommateurs favorables à l’achat en ligne, 42 % des consommateurs de la génération Z ont acheté directement des articles de mode sur les réseaux sociaux (Sender Ceron, 2020).

La fast-fashion, en particulier, a connu une augmentation de la demande, car les consommateurs cherchent à consommer davantage et plus rapidement (Sender Ceron, 2021). Ce phénomène est particulièrement visible chez les jeunes consommateurs qui cherchent à partager leurs aventures en ligne sur les réseaux sociaux à l’aide de leurs smartphones (Sender Ceron, 2021). En conséquence, les marques de fast-fashion comme Boohoo, ASOS, Misguided ou SHEIN investissent de plus en plus dans le e-commerce, car elles cherchent à personnaliser leur contenu marketing. Avec plus de 47 % des femmes âgées de 16 à 24 ans (Sender Ceron, 2021) qui utilisent leur smartphone pour acheter des produits de fast-fashion, le e-commerce est en train de devenir la priorité des principaux acteurs du secteur.

Comment TikTok influence ces achats ?

Un cadre conceptuel développé par Zhang et al. (2021) utilise en partie la théorie Stimulus-Organisme-Réponse (SOR) développée par Mehrabian et Russell (1974) pour comprendre l’impact de contenu sur l’intention d’achat. Selon la théorie SOR, il existe un stimulus (S) susceptible d’avoir un effet sur l’organisme, qui agit comme un médiateur (O) et conduit à un comportement de réponse (R). Par conséquent, en utilisant le modèle SOR, ceci peut expliquer comment la valeur perçue du contenu de TikTok (stimulus) affecte directement et indirectement l’intention d’achat (réponse) à travers le niveau de confiance perçue (organisme).

Source : Zhang et al.

Tout d’abord, la valeur hédonique s’avère être un prédicteur positif et significatif, mais relativement variable de l’intention d’achat. Cela pourrait être dû à la nature de la plateforme. Sur TikTok, les utilisateurs s’attendent à un divertissement rapide et efficace grâce au contenu recommandé sur leur For You Page (Yang et Ha, 2021). Ce résultat est conforme aux recherches antérieures menées sur le contenu vidéo court sur Instagram par le biais de la fonction stories (Santiago, Magueta et Dias, 2020) et des publicités vidéo sur TikTok (Dwinanda, Syaripuddin, Hudaifi et Hendriana 2022), qui soutiennent l’idée que le divertissement par le contenu vidéo court a finalement un impact positif sur l’intention d’achat.

Ensuite, la recherche menée par Zhang et al. (2021) a montré que la valeur utilitaire perçue dans les vidéos TikTok était le principal prédicteur de l’intention d’achat.

De plus, la confiance perçue s’est avérée être un prédicteur de plus en plus positif de l’intention d’achat. Cela signifie que les messages liés à certains produits et partagés par un influenceur spécifique doivent être cohérents pour conduire à une éventuelle intention d’achat (Kamins et Gupta 1994). En outre, la génération Z est 1,3 fois plus susceptible d’acheter des produits qui lui sont recommandés par un influenceur crédible (Brooks, 2019). Cette affirmation est cohérente avec plusieurs recherches indiquant que la confiance perçue affecte positivement le comportement d’achat des utilisateurs, ceci sur Instagram (Santiago, Magueta et Dias, 2020 ; Astuti et Putri, 2018).

Enfin, Mosunmola, Omotayo et Mayowa (2018), avance une théorie selon laquelle il existe une relation significative entre les valeurs perçues et la confiance perçue envers l’achat en ligne, ce qui entraîne une intention d’achat plus accrue (Kim et Stoel, 2004). En conclusion, ceci révèle que la confiance perçue sert de médiateur à la relation entre valeurs perçues et l’intention d’achat sur les réseaux sociaux, et plus particulièrement sur TikTok, pour les consommateurs qui cherchent à acheter des produits en ligne.

Conclusion

Avant de développer du contenu vidéo court promotionnel pour TikTok, les marques doivent chercher à comprendre les facteurs qui influencent l’intention d’achat en comprenant les besoins et les désirs des consommateurs sur cette plateforme de réseaux sociaux unique. Yang et Ha, (2021), ont révélé que pour les utilisateurs, leur principale motivation d’utiliser TikTok est de passer le temps et de se divertir. Par conséquent, lors du partage de vidéos, les spécialistes du marketing devraient s’efforcer de créer un contenu amusant qui met en avant la valeur utilitaire de leurs produits avec des messages de marketing axés sur la confiance des consommateurs dans l’espoir d’augmenter les intentions d’achat et les ventes globales. Cela confirme l’idée qu’il est possible d’atteindre les jeunes consommateurs dans le domaine de la fast-fashion en ligne en satisfaisant leurs besoins d’évasion et en immergeant inconsciemment les messages publicitaires dans des contenus divertissants plutôt que de simplement promouvoir ces produits. Cela souligne l’importance d’étudier les motivations des intentions d’achat sur la plateforme qui offre la plus grande opportunité d’atteindre la génération Z.

Chloé Sangiorgio



Références

Astuti, B. and Putri, A. P. (2018) Analysis on the Effect of Instagram Use on Consumer Purchase Intensity, [en ligne] Disponible via: http://buscompress.com/journal-home.html (Accédé le 25 janvier 2023)

Br Sagala, O. and Rachmawati CH, E. (2016) Instagram Content Towards Customers’ Purchase Intention for Start-up Culinary Company, In Proceedings of the 2016 Global Conference on Business, Management and Entrepreneurship, Paris, France, Atlantis Press.

Brooks, A. (2019) How Brands Can Connect with Gen Z through Social Media Marketing | Social Media Today, [en ligne] Disponible via : https://www.socialmediatoday.com/news/how-brands-can-connect-with-gen-z-through-social-media-marketing/552161/ (Accédé le 26 Janvier 2023).

Doyle, B. (2022) TikTok Statistics – Everything You Need to Know [Mar 2022Update], [en ligne] Disponible via: https://wallaroomedia.com/blog/social-media/tiktok-statistics/ (Accédé le 24 janvier 2023).

Dwinanda, B., Syaripuddin, F. A., Hudaifi, ​ and Hendriana, E. (2022) Examining the Extended Advertising Value Model: A Case of TikTok Short Video Ads, Mediterranean Journal of Social & Behavioral Research, 6(2), pp. 35–44.

Francis, T. and Hoefel, F. (2018) Generation Z characteristics and its implications for companies | McKinsey, [en ligne] Disponible via: https://www.mckinsey.com/industries/consumer-packaged-goods/our-insights/true-gen-generation-z-and-its-implications-for-companies (Accédé le 26 janvier 2023).

Gupta, S. and Mahajan, R. (2019) Role of Micro-Influencers in Affecting Behavioural Intentions, International Journal of Recent Technology and Engineering, 8(4S5), pp.189–192.

Kamins, M. A. and Gupta, K. (1994) Congruence between spokesperson and product type: A matchup hypothesis perspective, Psychology and Marketing, 11(6), pp. 569–586.

Kaplan, A. M. and Haenlein, M. (2010) Users of the world, unite! The challenges andopportunities of Social Media, Business Horizons, 53(1), pp. 59–68.

Kim, S. and Stoel, L. (2004) Apparel retailers: website quality dimensions and satisfaction, Journal of Retailing and Consumer Services, 11(2), pp. 109–117.

Leland, K. (2016) The Brand Mapping Strategy: Design, Build, and Accelerate Your Brand, Entrepreneur Press.

Lim, X. J., Mohd Radzol, A. R. bt, Cheah, J.-H. (Jacky) and Wong, M. W. (2017) The Impact of Social Media Influencers on Purchase Intention and the Mediation Effect of Customer Attitude, Asian Journal of Business Research, 7(2).

McWilliams, L. (2021) EY Releases Gen Z Survey Revealing Businesses Must Rethink Their “Plan Z” | EY – US, [en igne] Disponible via: https://www.ey.com/en_us/news/2021/11/ey-releases-gen-z-survey-revealing-businesses-must-rethink-their-plan-z (Accédé le 27 janvier 2023).

Mehrabian, A. and Russell, J. A. (1974) An approach to environmental psychology, MIT Press.

Mosunmola, A., Omotayo, A. and Mayowa, A. (2018) Assessing the influence of consumer perceived value, trust and attitude on purchase intention of online shopping, In Proceedings of the 9th International Conference on E-Education, E-Business, E-Management and E-Learning – IC4E ’18, New York, New York, USA, ACM Press, pp. 40–47.

Neher, K. (2013) Visual Social Media Marketing: Harnessing Images, Instagram,Infographics and Pinterest to Grow Your Business Online, Neher, Kr. (ed.), 1st ed, Cincinnati, Boot Camp Publishing.

Santiago, J. K., Magueta, D. and Dias, C. (2020) CONSUMER ATTITUDES TOWARDS FASHION INFLUENCERS ON INSTAGRAM: IMPACT OF PERCEPTIONS AND ONLINE TRUST ON PURCHASE INTENTION, Issues In Information Systems.

Sender Ceron, T. (2021) Clothing Retailing – UK – 2021 – Market Research Report, [en ligne] Disponible via: https://reports.mintel.com/display/1049069/?highlight (Accédé le 25 janvier 2023).

Sender Ceron, T. (2020) Fashion Online: Inc Impact of COVID-19 – UK – November 2020 – Market Research Report, [en ligne] Disponible via: https://reports.mintel.com/display/990090/ (Accédé le 24 janvier 2023).

TikTok (2021) About TikTok | TikTok, [en ligne] Disponible via: https://www.tiktok.com/about?lang=en  (Accédé le 24 janvier 2023).

WARC (2021) From discovery to purchase, [en ligne] Disponible via: https://www.tiktok.com/business/library/TikTok_Publicis_WARC_WhitePaper.pdf (Accédé le 25 janvier 2023).

Wood, S. (2013) Generation Z as consumers: trends and innovation., Institute for Emerging Issues: NC State University, 119(9), pp. 7767–7779.

Yang, Y. and Ha, L. (2021) Why People Use TikTok (Douyin) and How Their Purchase Intentions Are Affected by Social Media Influencers in China: A Uses and Gratifications and Parasocial Relationship Perspective, Journal of Interactive Advertising, 21(3), pp. 297–305.

Zhang, Wenyao, Daim, T. and Zhang, Wei (2021) Investigating Consumer Purchase Intention in Online Social Media Marketing: A Case Study of Tiktok, SSRN Electronic Journal.

BeReal : quel avenir pour le réseau social français ?

Your friends for real, telle est la promesse de l’application française BeReal. Créée en 2020 par Alexis Barreyat et Kevin Perreau, deux anciens étudiants de l’école 42, ce réseau social est régulièrement appelé « l’anti-Instagram ».

BeReal sur l’app Store – Photo by Jakub Porzycki / NurPhoto via Getty Images

Alors que l’application mobile n’a que trois ans, elle s’est retrouvée propulsée à la première place des téléchargements App Store aux Etats-Unis en juillet 2022. Selon le cabinet Sensor Tower, BeReal a atteint récemment les 50 millions de téléchargements sur l’App Store et le Play Store. Ces téléchargements permettent ainsi à l’app d’avoir une base d’utilisateurs actifs solide, environ 20 millions. Selon les fiches de postes disponibles, BeReal ambitionne désormais de dépasser les 100 millions d’utilisateurs actifs d’ici quelques années. Bien qu’encore loin derrière les statistiques des réseaux sociaux des GAFAM, sa forte croissance a tout de même retenue l’attention des géants du web et les a fait réfléchir autour du concept proposé par la start-up française.

BeReal, le réseau social spontané

BeReal connaît un fort succès cette année… mais en quoi diffère-t-il des autres réseaux sociaux ? Quelles sont les raisons qui poussent les utilisateurs à télécharger une application supplémentaire ? Le fonctionnement de BeReal est en réalité assez simple : tous les utilisateurs reçoivent une seule notification dans la journée, à une heure aléatoire, et ont deux minutes pour prendre en photo ce qu’ils sont en train de faire. Pour prendre un BeReal, les caméras avant et arrière s’activent prennent le cliché simultanément. Pour l’application française, seulement une des deux vues est disponible lors de la prise de vue, un coup de main à prendre pour ne pas avoir des photos floues ou des angles de son visage pas très flatteurs.

En réalité, ces prises de vues disgracieuses représentent un positionnement affirmé de BeReal : inciter les utilisateurs à montrer à leurs amis qui ils sont vraiment, sans mises en scènes, sans artifices. Ainsi, aucun filtre n’est disponible sur le réseau social, et l’aspect aléatoire de la réception de la notification permet d’obtenir des clichés et des publications plus spontanés, et de, selon les fondateurs de l’application, « de découvrir la vraie vie de ses amis et de se sentir plus proches d’eux ». 

Concernant le feed de l’application, seules les BeReal du jour de tes amis sont disponibles. Cela est d’ailleurs un point essentiel de l’application qui permet un engagement efficace des utilisateurs : pour pouvoir voir les BeReal de ses amis, il faut d’abord poster le sien. Les BeReal s’affichent ainsi par ordre chronologique de publication, ne nécessitant pas un algorithme de recommandation que l’on connaît d’Instagram ou de Facebook par exemple.

Si l’utilisateur a raté la notification, il a la possibilité de poster un Late (avec toujours deux minutes pour prendre la pose), et son cliché apparaîtra dans le feed avec le temps de retard du post. Cet aspect est assez critiqué car bien qu’il ait été mis en place pour ne pas perdre des utilisateurs par indisponibilité, il peut également dévier en perte d’authenticité. Par exemple, un utilisateur pourrait se dire : “la notification arrive lorsque je suis encore dans mon lit, je vais attendre ce soir d’être au restaurant et entouré d’amis pour le prendre”.

Priorité à l’engagement et non à la viralité

Contrairement à la plupart des autres réseaux sociaux, pas de followers, seulement des amis. Il n’est possible de voir les BeReal d’un utilisateur que si celui-ci nous a ajouté en retour. Ainsi, ce réseau social ne met pas au centre de ses ambitions la viralité ou la large portée, mais plutôt l’engagement individuel de chaque utilisateur au sein de son réseau. De la même façon, aucuns likes sur l’app, seulement un espace commentaires et la possibilité de réagir avec des selfies représentant des emojis, appelé les RealMoji :

  • 👍 Pouce en l’air
  • 😃 Heureux
  • 😲 Choqué
  • 😍 Coeur
  • 😂 Rire
  • ⚡️ Selfie de la réaction prise sur le moment

Grâce à ces différentes options, l’application est certaine que ses utilisateurs sont des utilisateurs réellement engagés. En effet, il n’y a aucun intérêt d’aller sur l’application pour scroller sans rien interagir, car rien n’est accessible sans poster son cliché. Le réseau social français se différencie par sa volonté de lutter contre les publications fake que l’on peut trouver sur les réseaux sociaux, accompagnées d’une vie radieuse et parfaite que personne ne possède réellement. Les voyages, le sport, les restaurants à gogo… BeReal permet ainsi de rompre le syndrome FOMO (Fear Of Missing Out) et de rationaliser son quotidien en démontrant à chaque utilisateur que tout le monde ne possède pas une vie d’influenceur. 

Une application qui vit au-dessus de ses moyens

A ce jour, BeReal ne dégage aucun revenu et fonctionne seulement grâce aux levées de fonds réalisées avec des investisseurs externes. Le fond d’investissement Andreessen Horowitz a ainsi été séduit en 2021 et a apporté à BeReal 30 millions de dollars. De plus, en 2022, l’application prometteuse a levé près de 85 millions de dollars supplémentaires au printemps dernier grâce à Yuri Milner, un des premiers investisseurs de Facebook. Ainsi, la firme revendique actuellement une valorisation à 600 millions de dollars. 

Malgré cette valorisation, BeReal n’a pas encore trouvé de business model leur permettant d’être rentable, ou même de trouver un modèle de rémunération fiable. En outre, l’application gratuite ne contient aucune publicité, et ne propose ni d’achats in-app, ni d’abonnement. Dans ses perspectives de développement, les fondateurs de BeReal restent assez silencieux. Dans l’onglet “presse” de leur site internet, ils indiquent ainsi : “Vous vous demandez peut-être si nous aurons des publicités ou comment nous envisageons de monétiser l’application […] mais travailler avec des marques n’est pas notre priorité”.

La publicité sur BeReal, la fausse bonne idée

Bien que la plupart des applications mobiles gratuites (et des réseaux sociaux) se rémunèrent grâce à la publicité, celle-ci ne semble pas être le moyen le plus favorable pour la proposition commerciale de BeReal. En effet, en considérant le peu de temps passé sur l’appli par les utilisateurs, ainsi que le concept même de ne poster qu’un post par jour et de ne pouvoir voir que les publications de ses amis, peu d’espaces publicitaires pourraient être envisagés. Le reach généré par les utilisateurs actifs sera assez limité, et devra être divisé entre les annonceurs potentiels. La publicité display semble ainsi être compliquée, et les formats in-read et natifs seraient un très gros challenge pour les marques. 

Si des marques souhaitent se lancer sur BeReal, elles seront soumises au même fonctionnement que les utilisateurs. Les contenus natifs venant des marques demanderaient alors une forte flexibilité des équipes de communication des annonceurs. En effet, ils seraient obligés d’être disponibles dans les 2 minutes de la notification, et ceci à n’importe quelle heure de la journée. De plus, la contrainte technique consistant de la capture des deux caméras, et l’impossibilité d’ajouter du texte, du son ou du contenu vidéo sur l’image obligerait les marques à faire passer leur message à travers une mise en scène sur le plan avant et arrière pour faire passer leur message, ce qui est totalement à l’opposé de l’essence même de l’application. Des marques ont pourtant essayé, à l’instar d’ELF, une marque de maquillage et cosmétiques, qui se sont lancés sur BeReal en partageant des codes de promotion, poussant ainsi les utilisateurs à devoir s’abonner à la marque pour voir apparaître le code. 

Extraits du BeReal d’ELF (organique) – © BeReal

Un avenir incertain sans fonctionnalités supplémentaires

Pour perdurer, BeReal va devoir innover. Afin de ne pas finir comme des applications comme ClubHouse, BeReal doit trouver des moyens de se financer, mais aussi de stimuler et fidéliser ses utilisateurs actifs. L’application subit non seulement celle de ses investisseurs, mais également celle des GAFAM qui ont vu les formats BeReal être adoptés par les internautes. Ainsi, TikTok a très vite lancé ses Tiktok Now et Instagram s’est joint à la fête en développant Candid Challege, invitant les utilisateurs de la plateforme à se prendre en double-caméra sans filtres et à le partager dans leurs stories. Ainsi, BeReal perd peu à peu son avantage concurrentiel.

Et si BeReal se finançait par l’abonnement ? En effet, le réseau social pourrait être amené à proposer un abonnement à ses utilisateurs, mais ceci entraîne le développement de fonctionnalités et d’avantages assez significatifs pour déclencher la transaction. Pour conserver l’UX (User Experience), il pourrait être nécessaire pour le réseau social de développer des contenus bonus accessibles pour les abonnés, comme des RealMoji supplémentaires pour réagir aux BeReal de ses amis, ou encore la possibilité de voir ceux des autres sans poster le sien. Il est également envisageable qu’à l’instar d’Onlyfans, une célébrité puisse rendre l’accès à son BeReal payant, et ainsi partager davantage sa vie privée à ses fans. BeReal devra être capable de développer d’autres concepts dans le même esprit pour faire face aux concurrents directs imposés par les géants des réseaux sociaux, et ce sans tarder pour ne pas tomber dans l’oubli quelques mois après leur succès.

Alice Joie


Sources : 

Le boom de l’industrie du jeu vidéo en Chine : le développement ou la restriction ?

L’état des lieux de l’industrie du jeu vidéo en Chine

Au cours des dix dernières années, grâce au développement rapide des techniques numériques et des innovations digitales en Chine, l’industrie du jeu vidéo chinoise n’a cessé de croître et constitue aujourd’hui le plus grand marché du jeu vidéo au monde : il existe actuellement près de 700 millions de joueurs, et le chiffre d’affaires total du marché de l’industrie du jeu vidéo en 2021 est d’environ 296,5 milliards de yuans (40,6 milliards d’euros). Surtout, les jeux mobiles bénéficient de leur large audience et de leurs caractéristiques de divertissement fragmentées, associées aux avantages de la combinaison avec la technologie de 5G qui est largement construite en Chine, la taille du marché est bien en avance sur toute autre catégorie de plateforme de jeux.

L’une des raisons du succès de la Chine dans le domaine des jeux vidéo est due à la présence de nombreuses entreprises de qualité, telles que Tencent et NetEase, ainsi que des sociétés de jeux compétitives émergeant progressivement comme 37games et MiHoYo. Le jeu « Honor of Kings » de Tencent et « Fantasy Westward Journey » de NetEase ont aidé ces deux sociétés à conquérir environ 60% du marché chinois des jeux vidéo.

De plus, le marché de l’e-sport continue de se développer et l’échelle des téléspectateurs des événements d’e-sport continue de croître en Chine. En 2021, le nombre de téléspectateurs de l’e-sport en Chine a atteint 489 millions et le chiffre d’affaires réel du marché de l’e-sport a atteint 140,2 milliards de yuans (environ 19,2 milliards d’euros). Aujourd’hui, l’industrie chinoise du jeu vidéo n’est pas seulement un énorme marché, mais aussi une riche chaîne industrielle composée d’un système d’emploi complexe. Le nombre total de personnes actuellement directement ou indirectement engagées dans l’industrie dépasse le million.

Continuer à développer vigoureusement l’industrie du jeu vidéo ?

Étant donné que les revenus de l’industrie du jeu vidéo sont devenus une partie importante du revenu économique de la Chine et que cette industrie offre de nombreuses opportunités d’emploi, le gouvernement chinois a introduit des pratiques pertinentes pour encourager et soutenir le développement de l’industrie du jeu vidéo, telles que la classification officielle de l’e-sport comme une compétition sportive et  l’ajout d’une majeure de « Économie et Management de l’e-sport » dans les écoles professionnelles supérieures pour promouvoir le développement de l’industrie des e-sports.

Une élève en cours d’eSport à Sichuan, en Chine. SOURCE: site officiel de Sichuan film and television university

L’État chinois a également investi beaucoup de ressources pour construire des centres de R&D de pointe pour les jeux de haute qualité, soutenir la production de contenu métavers dans les jeux vidéo, et créer un sous-fonds spécial pour le développement de l’industrie du jeu vidéo dans le Fonds de développement culturel de Pékin, etc.

Dans le même temps, le développement de la technologie numérique, y compris la mise en œuvre de politiques telles que le développement de la campagne numérique et la vulgarisation de l’Internet mobile, offre également des opportunités pour le rayonnement et la promotion de l’industrie du jeu vidéo dans certaines nouvelles régions.

Et la Chine espère que le jeu vidéo pourra devenir un outil innovant pour l’héritage culturel chinois, et jouer un rôle plus important dans le renforcement de l’influence de la culture chinoise dans le monde. Par conséquent, le gouvernement chinois encourage la conception et la promotion de jeux contenant des éléments culturels chinois. Par exemple, le jeu « Honor of Kings » de Tencent, en tant que jeu conçu avec des personnages et des éléments de la culture traditionnelle chinoise, a récemment lancé une version étrangère dans l’espoir de promouvoir l’exportation de la culture chinoise dans le monde entier.

Le jeu « Honor of Kings » incorpore des éléments de festivals traditionnels chinois dans les costumes des personnages du jeu. SOURCE: Honor of kings de Tencent

Mais en revanche, mettre en pratique des règles strictes de restriction sur l’usage des jeux vidéo ?

En fait, la relation entre la Chine et le jeu vidéo est compliquée. Les jeux sont devenus non seulement une forme de divertissement pour des jeunes Chinois, mais aussi un nouvel outil de réseaux sociaux. Cependant, de plus en plus de jeunes sont dépendants du jeu et ne peuvent s’en détacher. En raison de la numérisation de la Chine, de nombreux jeunes enfants ont accès à des appareils électroniques, et ils sont plus susceptibles de devenir dépendants des appareils électroniques si les règles ne sont pas assez strictes.

Donc, en raison de préoccupations concernant l’addiction aux jeux vidéo et l’impact négatif sur la jeunesse chinoise, le gouvernement chinois a officiellement mis en place des mesures de protection strictes pour les mineurs le 1er septembre 2021.  L’Administration nationale chinoise de la presse et des publications a publié un avis qui limite strictement le temps d’utilisation des jeux par les mineurs : toutes les entreprises de jeux en ligne ne peuvent fournir aux mineurs leurs services de jeux que de 20 heures à 21 heures les vendredis, samedis, dimanches et jours fériés, sans exception. Et tous les jeux en ligne doivent être connectés au système national d’authentification du nom réel, en exigeant des mineurs qu’ils s’enregistrent et se connectent aux jeux avec leurs véritables informations d’identité.

Au cours du premier semestre 2022, divers départements chinois continueront d’introduire des réglementations et des politiques visant à endiguer des phénomènes d’addiction aux jeux vidéo. Le 15 avril, le Département de la gestion des programmes audiovisuels en réseau a publié un avis sur le renforcement de la réglementation des diffusions de jeux en Live sur tous les plateformes audiovisuels, qui exige d’interdire strictement la diffusion de jeux illégaux, et de renforcer la gestion des contenus des émissions de jeux vidéo en Live, ainsi que les orientations du code de conduite pour les présentateurs de jeux vidéo.

Le gouvernement chinois encourage activement la mise en œuvre des formes diversifiées de protection des mineurs, par exemple : l’utilisation de la reconnaissance faciale, du Big Data, de l’intelligence artificielle et d’autres moyens techniques pour empêcher les mineurs d’utiliser à tort leur identité parentale ou de louer les comptes d’autres personnes, et aussi la mise en place d’une plateforme de surveillance parentale, etc.

En conséquence, des données telles que le temps de jeu total des mineurs, le nombre d’utilisateurs actifs mensuels et le chiffre d’affaires de la consommation ont tous diminué de manière significative par rapport à l’année précédente. Au 4ème trimestre en 2021, les cours des actions de grandes sociétés du jeu telles que Tencent et NetEase ont chuté. Aussi au premier semestre 2022, les revenus de l’industrie chinoise du jeu vidéo ont diminué par rapport à la même période en 2021. De janvier à juin 2022, le chiffre d’affaires réel du marché chinois du jeu était de 147,8 milliards de yuans, soit une baisse de 1,8 % par rapport à l’année précédente.

Et s’il y a un secteur qui pourrait être sévèrement impactée par ces nouvelles restrictions, c’est bien l’e-sport. Ces dernières années, le gouvernement chinois a fortement soutenu le secteur de l’e-sport. Mais avec la mise en place de nouvelles mesures anti-addictions, les mineurs n’auront droit qu’à trois heures d’entraînement par semaine, ce qui est tout à fait insuffisant pour les joueurs professionnels E-sport qui veulent devenir des champions mondiaux. Ces interdictions semblent trop radicales et restrictives pour que l’industrie de l’e-sport se développe en Chine.

Alors, les pratiques de développement et de restriction sont-elles donc contradictoires ?

En fait, pas forcément.

Avec la mise en œuvre et l’amélioration de réglementations anti-addictions du jeu vidéo, l’industrie chinoise du jeu quittera progressivement sa « croissance barbare ». Les normes de comportement des sociétés de jeux vidéo aident les grandes entreprises comme Tencent et NetEase à assumer leurs responsabilités sociales et à promouvoir le développement plus stable et meilleur de l’ensemble de l’industrie chinoise du jeu. Mais maintenant, tout est insuffisant, le gouvernement chinois devrait continuer à réfléchir à la manière d’équilibrer le développement et la restriction afin de maintenir la croissance continue du secteur des jeux vidéo qui génère des revenus énormes.

Keyi CHEN

Sources:

Un aperçu de Bluesky, le réseau social décentralisé dirigé par Jack Dorsey, fondateur de Twitter.

Bluesky est une initiative à but non lucratif crée en 2019 et en phase de recherche depuis 2022. Ce projet a été créé et financé par sa société mère, Twitter. Suivant l’annonce de son lancement le 18 octobre 2022, plus de 30 000 inscriptions ont été enregistrées dans les 48 heures. Les utilisateurs peuvent encore s’inscrire à l’application beta avant que la plateforme ne soit disponible publiquement.

Mais alors, pour quelles raisons Bluesky suscite-t-il un tel intérêt ? Est-elle une alternative à Twitter ou à toute autre plateforme de réseaux sociaux ?

Logo de Bluesky

Bluesky, un protocole de réseaux sociaux

Jack Dorsey, le fondateur de Twitter et désormais de Bluesky, souhaite proposer un système de réseau social ouvert et décentralisé. En clair, il vise à interconnecter les plateformes de réseaux sociaux actuelles et à venir. Ce nouveau protocole permet aux utilisateurs de se connecter aux différentes plateformes de leur choix, via un identifiant global. Cela signifie que chaque utilisateur de Facebook, Instagram ou Twitter, sera en mesure d’interagir avec tous les autres utilisateurs de la plateforme.

Bluesky est construit avec un logiciel open source, ce qui signifie qu’aucune entreprise n’en sera propriétaire. Ainsi, chacun pourra développer son propre réseau avec ses propres règles de modération et son propre algorithme.

La décentralisation, le cœur du projet

Le cœur de la vision de Bluesky réside dans l’idée que les utilisateurs doivent avoir le contrôle sur les algorithmes. Pour ce faire, en mai 2022, la société a dévoilé son premier protocole, l’Authenticated Data Experiment ou ADX, rebaptisé depuis en Authenticated Transfer Protocol ou AT Protocol. En résumé, cette technologie veut offrir à ses utilisateurs une portabilité de leurs comptes, le choix dans les algorithmes et l’interopérabilité entre différents réseaux sociaux.

Le contrôle est le moteur du discours de Bluesky et un bon moyen de le distinguer des réseaux sociaux actuels. Le projet permettra à un utilisateur de gérer ses données et de les stocker où il le souhaite : « L’identité en ligne d’une personne ne devrait pas être détenue par des sociétés qui n’ont aucune responsabilité envers leurs utilisateurs. Avec le protocole AT, vous pouvez déplacer votre compte d’un fournisseur à un autre sans perdre aucune de vos données », expliquent les fondateurs du projet.

Un CEO venant de l’univers blockchain

Le 16 août 2021, le projet prend une nouvelle tournure avec l’arrivée à sa tête de Jay Graber, anciennement développeur de Zcash, une crypto-monnaie décentralisée et open source offrant confidentialité et sécurité à ses détenteurs.

Jay Graber publiera cette nouvelle sur Twitter : « Je suis heureuse d’annoncer que je vais diriger Bluesky, une initiative lancée par Twitter pour décentraliser les réseaux sociaux. Ma prochaine tâche sera d’embaucher pour compléter l’équipe Bluesky. Je suis impatiente d’établir un partenariat étroit avec Twitter et d’autres entreprises, alors que nous nous lançons dans cette aventure. »

Compte Twitter de Jay Graber @arcalinea

Dans quel contexte est-il né ?

Phase 1 : l’idée – 11 février 2020

Le projet Bluesky a démarré par un tweet de Jack Dorsey annonçant l’intention de Twitter de financer le développement d’un protocole ouvert pour les réseaux sociaux décentralisés. Par la suite, Twitter a réuni une douzaine d’utilisateurs dans un salon de discussion Matrix, et ce fut le début des premières discussions sur ce que devait être Bluesky.

Phase 2 : questions à la communauté – milieu d’année 2020

En 2020, Twitter a lancé une demande de proposition aux groupes communautaires. Plusieurs utilisateurs ont rédigé des propositions techniques sur la façon dont un nouveau protocole social décentralisé pourrait fonctionner, soit en s’appuyant sur des protocoles existants, soit en le construisant. Jack Dorsey, prévoit alors d’engager une équipe de 5 codeurs pour construire la plateforme tout en créant des algorithmes qui sélectionneront le contenu proposé aux utilisateurs.

Phase 3 : la critique de la centralisation des réseaux sociaux – début 2021

Le 9 janvier 2021, trois jours après les émeutes du Capitole orchestrées par des militants pro-Trump, Twitter a décidé de bannir le compte du président américain. Cela a entrainé de lourdes critiques quant à sa forte centralisation et l’opinion publique s’est alors interrogée sur la légitimité des réseaux sociaux à censurer des personnalités.

Phase 4 : la création de la société – fin 2021

Le 13 avril 2021, Bluesky est financée à hauteur de 13 millions de dollars par Twitter, sans condition ni engagement, si ce n’est celui de poursuivre les recherches. Selon Jack Dorsey : « Twitter finance une petite équipe indépendante composée d’un maximum de cinq architectes, ingénieurs et concepteurs de logiciels libres afin de développer une norme ouverte et décentralisée pour les médias sociaux. L’objectif est que Twitter devienne à terme un client de cette norme. »

Compte Twitter de Bluesky le 25 avril 2022

Le 4 octobre 2021, la société Bluesky PBLLC est créé. Parmi les membres du conseil d’administration figurent Jack Dorsey, fondateur de Twitter, Jeremie Miller, inventeur de Jabber/XMPP, et Jay Graber, PDG de la société Bluesky.

Quel type de modération pour un protocole open source ?

Alors que la plateforme sera décentralisée, Bluesky souligne qu’il n’est pas possible d’avoir un réseau social utilisable sans modération et a ainsi l’intention d’ajouter une couche nommée « Reach », décidant de mettre en avant ou non un contenu.

Compte Twitter de Bluesky le 4 mai 2022

Ces algorithmes seraient préprogrammés pour éloigner les utilisateurs des contenus polarisants et pour masquer tout contenu considéré comme un discours de haine. Ainsi, la charge de la modération du contenu ne serait plus assumée par les plateformes de réseaux sociaux elles-mêmes mais par le programme. Bluesky a également souligné que les fournisseurs d’hébergement seront toujours légalement tenus de retirer le contenu illégal conformément à leurs lois locales.

Quel avenir pour les réseaux sociaux ?

Une autre réseau social appelé Mastodon créé en 2016, profite du rachat de Twitter pour attirer de nouveaux utilisateurs. Ce réseau social prend le modèle de Twitter où l’on poste des messages de 500 caractères appelés des « Pouets ». Selon le fondateur Eugen Rochko, Mastodon séduit car « il est décentralisé et open source, il ne peut pas être vendu et ne fera pas faillite. Il respecte votre vie privée et donne le contrôle du réseau aux personnes. C’est un produit au-dessus d’un protocole, comme Twitter aurait dû l’être ». Depuis le 27 octobre, date de confirmation du rachat de Twitter par Elon MuskMastodon compte 3 millions d’utilisateurs.

À mesure que la technologie évolue et que la transition s’effectue des applications dites Web2 (l’internet centralisé tel que nous le connaissons aujourd’hui) aux applications Web3 (un internet décentralisé), les plateformes décentralisées deviendront probablement la norme.

En se concentrant sur l’intéropérabilité, la portabilité et la gestion algorithmique, Bluesky explore un nouvel environnement dans l’histoire des réseaux sociaux. Que ce soit pour s’assurer du droit à la liberté d’expression de chacun, ou pour éviter de réitérer la question sur la légitimité des réseaux sociaux à censurer, un acteur décentralisé tel que Bluesky est en mesure de répondre à un véritable besoin.

Alina Viatkina

Sources :

https://medium.com/bitcoin-news-today-gambling-news/twitter-bluesky-what-is-bluesky-social-media-78d6624ea07a

https://www.theverge.com/2021/8/16/22627435/twitter-bluesky-lead-jay-graber-decentralized-social-web

https://www.nasdaq.com/articles/is-bluesky-the-ultimate-solution-for-social-media-platforms

https://blueskyweb.org/blog/2-7-2022-overview

https://cointelegraph.com/news/decentralized-twitter-bluesky-releases-code-outlines-content-moderation

https://journalducoin.com/ethereum/le-prochain-twitter-killer-naitra-t-il-sur-ethereum/

Liens hypertextes :

  1. https://blueskyweb.xyz/blog/10-18-2022-the-at-protocol
  2. https://atproto.com/
  3. https://www.cnbc.com/2021/08/16/twitter-funded-bluesky-names-jay-graber-as-leader.html
  4. https://www.20minutes.fr/high-tech/2948775-20210109-trump-banni-twitter-reseaux-sociaux-legitimes-censurer-president-americain
  5. https://www.bizapedia.com/pro-search.aspx?id=b

Médias sociaux et changement climatique : meilleurs-ennemis ?

Le 15 mars 2019, plus d’un million d’étudiants se sont mobilisés dans le monde pour protester contre l’inaction politique face au changement climatique.  Comment cela a-t-il été possible ? Un hashtag #FridaysforFuture créé par la jeune militante Greta Thunberg devenu viral. Aujourd’hui c’est une communauté qui rassemble 14 millions de jeunes pour interpeller les gouvernements afin qu’ils prennent des mesures conséquentes pour limiter le réchauffement climatique à 2 degrés, comme établis lors de l’Accord de Paris de 2015.

C’est le parfait exemple qui illustre le rôle clé que peuvent avoir les médias sociaux dans la lutte contre le changement climatique et pourtant il ne s’agit là que de la face visible de l’iceberg. En effet, d’après le Shift Project, le numérique serait responsable de 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Et cela ne risque pas de s’améliorer au vu de la place croissante qu’occupe le numérique dans nos vies.

Alors les médias sociaux font-ils partie de la solution ou du problème ?

Médias sociaux : un puissant vecteur de diffusion de l’information

Quel est le constat ?

Les médias sociaux connus pour abolir les frontières du temps et de l’espace, réunissent 58% de la population mondiale qui au quotidien partagent des idées et échangent leurs points de vue. Une étude réalisée par Médiamétrie et le ministère de la culture a révélé que les médias sociaux sont le moyen le plus utilisé pour s’informer chez les 15-34 ans. En effet, 71% l’utilisent quotidiennement. Les comités scientifiques, les associations ainsi que d’autres acteurs impliqués pour l’environnement l’ont compris et s’en servent désormais comme canal de communication pour sensibiliser la population et changer les mentalités.

Cela prend de l’ampleur au vu des nombreuses trends écologiques qui se développent mêlant sensibilisation et action. Nous pouvons par exemple citer l’explosion de la visibilité du film Blue Planet II de David Attenborough grâce à Twitter , l’organisation des Clean Walk ou encore les campagnes de récolte de fond comme celle de MR Beast’s pour planter 20 millions d’arbres (#teamtrees).

Cependant, des études démontrent qu’il y a une limite quant à la visibilité de ce type de post. D’après Hywel Williams, l’espace est polarisé en deux groupes, « activistes et sceptiques ». Les individus communiquent alors avec des personnes avec qui ils s’identifient, phénomène qualifié d’homophilie par McPherson. Dans cette même communauté les messages sont souvent positifs alors que lorsque des individus aux opinions divergentes échangent le ton devient agressif. Cette agressivité peut freiner l’objectif principal de sensibiliser aux enjeux écologiques ceux qui ne le sont pas.

Et les influenceurs dans tout ça ?

Hyperconsommation, jet privé, Dubaï :  vie de rêve pour certains mais cauchemar pour la planète. Leurs rôles d’influence des communautés et des modes de vie est clé dans la lutte contre le changement climatique. On observe alors une logique d’interpellation, humour ou commentaire de postes de marque, qui a pour but de sensibiliser sur l’impact négatif de posts à plusieurs milliers de like. On peut citer par exemple BonPote qui a fait supprimer une vidéo de FastGoodCuisine « livrer un mcdo en jet privé.

Ou encore ce post réalisé par le master développement durable de Dauphine  afin de dénoncer la promotion d’un mode de vie dérisoire en période d’urgence climatique.

D’autres influenceurs ont compris que les réseaux sociaux sont une arme redoutable pour faire changer les mentalités et s’en servent pour informer, faire passer des messages et mobiliser. Pour cela je vous invite à lire cet article qui cite ces «influenceurs écolos ».

Lutter contre la désinformation

En faisant face chaque jour à tout type de contenu sur l’urgence climatique, il faut développer une certaine méfiance et vérifier les sources. Au vu du débat que sollicite ce sujet tout le monde s’est déjà retrouvé face à un contenu négationniste, de lobbies, greenwahsing, propagande et même fake-news.

Rapport du GIEC qualifié de « canulars » ou encore de nombreuses études que nous allons citer confirment ce phénomène. Brandwatch démontre qu’en 2020 « le contenu sur le changement climatique qui a obtenu le plus d’engagements provient d’un site de conspiration connu appelé Natural News ». Euronews a également publié un rapport accusant l’algorithme du géant YouTube de faire apparaître du contenu négationniste. Avec 21 % des pages de résultats de la recherche par mot clé « changement climatique » étant des informations fausses qui nient la contribution du CO2 au changement climatique.  Cependant les fakes news sur les réseaux sociaux sont parfois difficiles à cerner de part la quantité de contenu humoristique.

Miller l’a théorisé : les messages sur le climat sont souvent porteurs de mauvaises nouvelles donc pour certains, les histoires de fake news sont plus faciles à accepter que la vraie histoire. 😉

Du virtuel au réel : l’impact de l’usage des médias sociaux sur l’environnement

L’enfer numérique : Voyage au bout d’un Like par Guillaume Pitron illustre l’impact de l’usage du numérique sur l’environnement. Les fonctionnalités (like,share,comment), développées par les réseaux sociaux pour capter en permanence notre attention et générer des données sur les individus ont un coût réel.  Un like passerait par environ 7 couches physiques, comme les câbles terrestres et sous-marins avant d’être reçu.

Tout est dématérialisé mais la pollution elle est bien présente. Une étude de Greenspector affirme que par an notre utilisations des réseaux sociaux reviendrait à 102 kgEqCO2 à l’année, soit l’équivalent de 914 km en voiture. De plus, le stockage de nos données dans des data center consomme certes en électricité, comme Greenpeace l’a montré notamment en fonction des sources d’énergies qui alimentent les serveurs, mais surtout en eau douce pour les refroidir.

Voyons alors comment se placent les médias sociaux.

Pour les data centers : Youtube, Facebook et Instagram sont les plus écolos car alimentés à environ 60% par les énergies renouvelables contrairement à Linkedin et Twitter qui en utilisent 10%.

D’après Greenspector TikTok est considéré comme le réseau social le plus polluant avec juste derrière Reddit et Pinterest.

L’essentiel des émissions lié à l’usage du numérique est dû au streaming vidéo qui représente à lui seul 60 % des flux de données sur internet notamment par le poids des fichiers. De plus, les réseaux sociaux et leur modèle économique fondé sur la captation de l’attention y contribue aussi grandement. Le fil d’actualité Tiktok par exemple, en déclenchant directement une vidéo a impact carbone de 7,4 fois plus important que celui de Youtube qui ne propose qu’un apperçu.

Comment s’engagent alors les médias sociaux ? Comment agir ?

On peut certes recommander un usage responsable des médias sociaux (regarder une vidéo un niveau de qualité en dessous, résister à l’envie d’engagement de tous les pop-up auxquels on est confrontés ou encore se connecter le plus possible en wifi plutôt qu’en 4G) mais qu’est-ce qui garantit que les médias sociaux s’engagent à leur tour pour réduire leurs émissions ?

Si nous nous rendons sur le site web de la plateforme TikTok et du groupe Metaverse la différence dans leur rapport à l’environnement est frappante.

Pour TikTok …

tiktok.com

L’unique article en lien avec l’environnement est celui sur le contenu de leurs utilisateurs lors du EarthDay de 2022 mais rien sur leu engagement en interne.

tiktok.com

Le groupe Metaverse (Facebook, Instagram, Messenger, Whatsapp..) a un site dédié à ses engagements. Il affirme avoir inséré des nouvelles fonctionnalités pour sensibiliser au changement climatique grâce à son climate science information center ou encore investi dans plus d’un millions d’euros dans un programme de fact checking pour lutter contre la désinformation. De plus le groupe s’engage à être « water positive » d’ici 2030 et continue également d’innover pour rendre les data centers plus durables.

sustainability.fb.com

De plus le groupe Google et donc Youtube était en avance en étant neutre en carbone depuis 2007 avec des mécanismes de compensation carbone.

Cependant rien ne semble concerner les fonctionnalités elles-mêmes des différentes plateformes qui poussent à la consommation de contenu. Oui, il est possible d’intégrer l’aspect environnemental dès la phase de conception de ces services numériques. Beaucoup d’ingénieurs affirment qu’alléger le code informatique est faisable pour que l’impact des sites soit réduit mais les plateformes ne semblent pas souhaiter s’engager sur ce très gros chantier. Il serait également possible d’intégrer certaines règles d’éco-conception comme dans ce rapport publié par notamment l’Ademe et Green IT , même de façon facultative en option pour les utilisateurs qui le souhaitent.


Il existe donc un fort lien entre médias sociaux et lutte contre le réchauffement climatique. Ils représentent en effet un moyen efficace de sensibiliser les individus à ce sujet mais leur modèle économique basé sur la captation de l’attention contribue négativement à leur impact environnemental. Un usage du numérique responsable (mais qui ne s’est jamais perdu des heures sur les fils d’actualités interminables ?) ainsi qu’un engagement en interne des plateformes permettrait de réduire considérablement l’empreinte carbone des médias sociaux.

Nina-Lou Fresnil – Master Siren


 Sources supplémentaires

https://www.cairn.info/revue-reseaux-2009-5-page-157.htm

https://accept.aseanenergy.org/the-power-of-social-media-to-fight-climate-change/

https://www.euronews.com/my-europe/2020/01/16/youtube-algorithms-are-promoting-climate-denial-videos-to-millions-new-report

https://www.mdpi.com/2225-1154/7/10/122/htm

https://medium.com/swlh/can-social-media-save-our-planet-from-climate-change-b3b1e81f64f7

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378015000369?via%3Dihub

https://www.theguardian.com/environment/2021/mar/21/climate-fight-is-undermined-by-social-medias-toxic-reports

https://www.nrdc.org/stories/climate-misinformation-social-media-undermining-climate-action

https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-des-reseaux-sociaux/changement-climatique-les-reseaux-sociaux-font-ils-partie-de-la-solution-ou-du-probleme

https://www.linfodurable.fr/technomedias/quels-sont-les-reseaux-sociaux-les-plus-polluants-31783#:~:text=La%20fameuse%20application%20de%20vid%C3%A9o,%2C30%20g%20EqCO2%2Fmin.

https://www.greenqueen.com.hk/browser-extension-carbonanalyser-visualises-emissions-from-internet-activity-co2-social-media/

https://www.bbc.com/future/article/20200305-why-your-internet-habits-are-not-as-clean-as-you-think

https://screenrant.com/social-media-climate-change-website-calculates-carbon-emissions/

https://www.euronews.com/green/2021/05/24/scrolling-doesn-t-just-waste-your-energy-it-wastes-the-planet-s-too

https://www.globalcitizen.org/fr/content/social-media-emissions-carbon-footprint/

https://www.socialmediatoday.com/news/facebook-announces-new-initiatives-to-raise-awareness-of-climate-change-an/606738/

Activisme numérique. L’exemple #BalanceTonPorc sur Twitter

Girl writing « #metoo » on a mirror with a red lipstick. Sexual harassment.

Les réseaux sociaux se sont progressivement imposés comme de nouveaux acteurs dans la structuration du débat public et la mise à l’agenda des questions sociétales. Utilisés par de nombreux jeunes, ils sont à l’origine d’une nouvelle forme d’activisme : l’activisme numérique. A travers l’exemple de #BalanceTonPorc, nous verrons comment s’organise ce nouveau type de militantisme.

Mise à l’agenda politique et réseaux sociaux

A partir des années 1970, la science politique commence à s’intéresser au processus de mise à l’agenda politique des questions sociétales. Ils questionnent les mécanismes en amont et en aval d’une décision politique et définissent les différentes étapes et acteurs en charge de son ascension dans les institutions. Il est intéressant de comprendre à quelles étapes de ce processus les réseaux sociaux peuvent jouer un rôle important.

La notion d’agenda, définie par Garraud en 1990, peut se comprendre comme « l’ensemble des problèmes faisant l’objet d’un traitement, sous quelque forme que ce soit, de la part des autorités publiques et donc susceptibles de faire l’objet d’une ou plusieurs décisions ». Dans toute révolution, c’est un passage obligatoire pour accéder au changement de manière pérenne. Selon Stephen Hilgartner et Charles Bosk (1988), la mise à l’agenda d’un problème est le résultat de plusieurs dynamiques, souvent combinées entre elles.

La première de ces dynamiques est la mobilisation. Elle a pour objectif d’acquérir l’opinion publique en sa faveur pour faire pression sur l’État et légitimer la revendication. Cela passe par différentes actions : manifestations, grèves, symboles, … Les réseaux sociaux peuvent jouer un rôle important à cette étape de la mise à l’agenda. Grâce à la force des liens faibles, ils permettent la diffusion massive d’un message, et donc d’une revendication. Quand le message parvient à s’emparer des fils d’actualité, l’opinion publique est sensibilisée et les médias plus traditionnels peuvent relayer l’information dans le débat public.

Cela nous mène à la deuxième dynamique : la médiatisation. Fortement liée à la première, la médiatisation permet d’affirmer une revendication comme une priorité dans le débat public. C’est une étape quasi-indispensable pour l’accès aux institutions étatiques.

La troisième dynamique est la politisation du problème. Une fois qu’il est médiatisé, il doit encore être traité par les politiques. Cela dépend de plusieurs facteurs : bénéfices politiques (électoraux, symboliques, stratégiques), faisabilité technique des solutions proposées, autres questions à l’ordre du jour, etc.

Toute lutte sociale passe de manière plus ou moins explicite par ces dynamiques qui conditionnent sa réussite ou son échec. Les réseaux sociaux peuvent être un levier d’action important, notamment pour la dynamique de mobilisation.  Pour certains auteurs, l’intervention des réseaux sociaux dans ce processus, et plus largement l’activisme numérique, doit être remis en cause.  

Activisme numérique et activisme réel

Dans l’article polémique Small Change : Why revolution will not be twitted, publié en 2010 dans The New Yorker, Malcolm Gladwell dresse le tableau d’un nouveau type d’activisme : l’activisme numérique. Avec un regarde critique, il défend l’idée selon laquelle les réseaux sociaux ne peuvent pas être le siège des révolutions et luttes sociales à venir. Pour mener cette réflexion, il s’appuie sur l’exemple d’une mobilisation étudiante qui commence le lundi 1er février 1960 en Caroline du Nord. Quatre étudiants noirs décident d’occuper un restaurant après s’être fait refuser le service d’un café pour leur couleur de peau. Le sit-in prend de l’ampleur et sera rejoint pas d’autres étudiants. Un mois plus tard, c’est tout le Sud des États-Unis, soit près de 70 000 étudiants, qui participent au mouvement social. Il utilise cet exemple pour comparer l’activisme dit « réel » et l’activisme numérique autour de deux points principaux :

  • Les liens sociaux qui unissent les mobilisés

Dans l’exemple de 1960, les liens sociaux entre personnes mobilisées sont très forts. Chacun est uni à l’autre par un sentiment de devoir et de communauté. Selon l’auteur, une mobilisation pareille n’aurait pas été possible si elle avait eu lieu sur les réseaux sociaux. Ces derniers s’appuient, s’organisent et capitalisent autour de liens sociaux faibles. D’après Gladwell, ils permettent bien d’étendre la portée d’un message, ou du moins sa vitesse de propagation, mais pas de mobiliser davantage. Si le message est viral, ce n’est pas grâce au réseau social en question, mais au faible coût d’engagement que son partage requiert. Autrement dit, les réseaux sociaux baissent le coût de l’engagement et ainsi augmentent le nombre de mobilisés. Cette mobilisation, cette « fièvre », se repend rapidement mais n’assure pas l’engagement « risqué » nécessaire aux révolutions sociales.

  • Le cadre au sein duquel prend forme l’activisme

L’activisme traditionnel est structuré, hiérarchisé et organisé de sorte à pérenniser la fièvre en mobilisation et la mobilisation en actions. Dans le cas du militantisme numérique, il est beaucoup plus décousu. Les réseaux sociaux fournissent les outils pour construire un réseau et propager la fièvre mais pas pour organiser une lutte sociale solide et pérenne. Le sit-in des années 1960 a donné lieu à des organisations quasi-militaires (NAACP, CORE), qui mettaient en place des plans d’action, formations, etc.

Pour beaucoup, la tribune de Gladwell est excessive et parfois de mauvaise foi. Pour Léo Mirani, journaliste à The Guardian, le point de vue de Gladwell réduit l’activisme à une protestation physique. Ce point de vue occulte le pouvoir des réseaux sociaux sur l’évolution des mentalités, l’influence d’opinion et la mise en place d’un débat public. Jillian C. Work du Berkman Center for Internet and Society pense que l’activisme numérique ne doit pas être dissocié de l’activisme physique, ils sont complémentaires.

#BalanceTonPorc

La première campagne Me Too est lancée en 2007 par Tarana Burke pour dénoncer les violences sexuelles et sexistes à l’égard des minorités. Entre 2007 et 2017, le mouvement ne prend pas particulièrement d’ampleur sur les réseaux sociaux et reste peu connu du grand public. C’est à partir d’octobre 2017, à la suite de l’affaire Harvey Weinstein qui l’accuse de 80 agressions sexuelles, que l’actrice Alyssa Milano propose de partager des témoignages sur les réseaux sociaux sous l’hashtag #MeToo. Du harcèlement au viol, des milliers de femmes et hommes de tous les milieux prennent la parole sur Twitter, Instagram, Facebook, etc pour raconter leur expérience. La fièvre se repend dans 85 pays au total et #MeToo est décliné en plusieurs langues. Le 14 octobre 2017, la journaliste Sandra Muller propose d’inclure la France avec le #BalanceTonPorc.

Le mouvement est d’ampleur et de nature inédites dans la lutte féministe. Analysons cette « révolution twittée » à la lumière des théories expliquées plus haut pour comprendre le phénomène.

En premier lieu, il est intéressant de mentionner le fait que la médiatisation est intervenue avant la mobilisation. C’est une réaction directe à la publication de l’affaire Weinstein par le New York Times. L’activisme numérique n’est donc pas à l’origine même de la mise à l’agenda politique. C’est juste une étape du processus, d’abord initié par les médias traditionnels. Cela peut s’expliquer par le fait que la lutte contre le harcèlement sexuel fait partie du débat public depuis longtemps. Le phénomène BalanceTonPorc entend surtout libérer la parole sur ce sujet, briser l’omerta en place et faire ouvrir les yeux à la population sur la fréquence de ce type de délit.

En second lieu, il est important d’introduire le contexte dans lequel cette révolution émerge. Aux États Unis, Donald Trump vient de gagner les élections présidentielles face à Hilary Clinton. Les droits des femmes sont davantage mentionnés dans le débat public. Au lendemain des élections, une des plus grandes marches pour les femmes est organisée aux Etats-Unis. En off-line de ce phénomène numérique, le contexte encourage ce mouvement et assure son prolongement dans la réalité. On retrouve donc une certaine complémentarité entre l’online et l’offline.

En troisième lieu, il est vrai que ce phénomène n’est pas organisé ou hiérarchisé. La revendication est claire mais l’objectif ne l’est pas. Comme Gladwell le disait, il est difficile de structurer ce mouvement, ce réseau, en lutte pérenne. C’est le premier mouvement féministe d’une ampleur pareille qui n’est pas initié par une organisation militante. Une personnalité publique, actrice hollywoodienne aux États Unis et journaliste en France, lance l’hashtag mais ne se charge pas de la suite. Chacun y va de son tweet mais aucune action concrète n’est lancée collectivement. La dynamique de politisation de la question peine à aboutir.

Un an après le premier tweet de Sandra Muller, la plateforme Visibrain révèle l’ampleur du phénomène on-line. Au total, 931 240 tweets sont postés avec l’hashtag #BalanceTonPorc, 292 946 personnes témoignent, dont 47% d’hommes. En off line, les chiffres révèlent autre chose. Au dernier trimestre de 2017, le ministère de l’intérieur affiche une hausse de 30% des plaintes pour agression sexuelle. Cependant, entre 2007 et 2017, le nombre de condamnations a chuté de 40%. Elles étaient de 1652 en 2007 contre 1003 en 2017.

Bibliographie

SMALL CHANGE : Why revolution will not be twitted – Malcolm –The New Yorker – 2010

L’effet Dragonfly : des moyens rapides, efficaces et puissants pour utiliser les médias sociaux pour conduire le changement social (blog) – Andy Smith et Jennifer Aaker – 2010

Les processus de mise sur agenda : sélection et construction des problèmes publics – Patrick Hassenteufel – 2010

#MeToo : le rôle des réseaux sociaux dans la mise à l’agenda du harcèlement sexuel au RoyaumeUni – Sous la direction de Dephine DULONG, soutenu par James William RAPLEY CIL Promotion Georges Clemenceau (2017-2018)

Affaire Weinstein, comment est né #balancetonporc, le hashtag contre le harcélement sexuel – Nouvel Obs – 2017

Sorry, Malcolm Gladwell, the revolution may well be tweeted – Leo Mirani (2010)

Yale, 2017, « Twitter et gaz lacrymogène : le pouvoir et la fragilité de la protestation en réseau », non traduit

Garraud P., 1990, « Politiques nationales : l’élaboration de l’agenda », L’Année sociologique, p. 17-41.

Hilgartner S. et Bosk C., 1988, « The Rise and Fall of Social Problems : A Public Arena Model », American Journal of Sociology, vol. 94, n° 1, p. 53-76.

« Insécurité et délinquance 2017 – Premier bilan statistique » – Ministère de l’intérieur

Léa Fournier

Régulation des réseaux sociaux : étude comparative France / États-Unis / Chine

Les tentatives internationales de régulation des mastodontes que sont les réseaux sociaux ont été nombreuses. Ces géants sont régulièrement au coeur des débats, suscitant la peur face à tant d’hégémonie et souvent qualifiés de « plus puissants que les États ».

L’heure est au bilan sur l’état actuel de cette régulation, avec une étude comparative de 3 visions : européenne, américaine et chinoise.

© Source : https://www.lebigdata.fr/dsa-digital-services-act-ue-censure

Digital Service Act (DSA) : l’Europe se met d’accord

Le 23 avril dernier a été marqué par la conclusion tant attendue d’un accord provisoire entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen sur le projet de loi Digital Service Act (DSA). Emboitant le pas au Digital Market Act (DMA) dont l’accord provisoire a été obtenu en mars 2022, ce texte européen cible la régulation des contenus illicites en ligne et la modernisation du cadre légal déjà en vigueur. En complément de la régulation économique des plateforme « gatekeepers » proposée par le DMA, cette règlementation a pour but de rendre « ce qui est illégal hors ligne (…) illégal en ligne dans l’UE« , comme l’a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Il vise de nombreuses entreprises et plateformes, telles que les opérateurs, les marketplaces, les services de cloud et les réseaux sociaux, et instaure des obligations spécifiques aux plateformes dites « very large » (NDLR : les plateformes comptant plus de 45 millions d’utilisateurs actifs ) dans une optique de responsabilisation de ces dernières.

Au-delà des enjeux de traçabilité liés aux marketplaces et l’interdiction de la publicité ciblée à destination d’enfants auxquels s’attaque le DSA, de nombreuses obligations visent directement les réseaux sociaux et les pratiques en ligne telles que les discours haineux, la discrimination, le revenge porn et la publication de contenu illicite dans son ensemble. En pratique, ces mesures devraient permettrede lutter contre ces agissements et de signaler plus facilement lesdits contenus. On peut notamment noter l’obligation de retrait immédiat dans le cas de partage de contenus intimes non consentis par les victimes de cyber-violence. Les algorithmes, ingrédient secret des plateformes les plus performantes, ne sont pas épargnés : le texte exige plus de transparence quant à leur fonctionnement, obligeant les géants de la tech à fournir un accès à leur algorithme à la Commission européenne et aux États membres. Dès le 1 janvier 2024, date provisoire d’entrée en vigueur du texte, les entreprises en faute pourront risquer des amendes allant jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires mondial ainsi qu’une exclusion du marché européen.

Les États-unis tentent de rattraper leur retard

À travers ces initiatives de régulation, les lois européenne pourraient bien s’établir comme un modèle à l’international, comme s’en ai notamment réjouit la lanceuse d’alerte Francis Haugens « Allez les Etats-Unis, maintenant c’est notre tour » en faisant référence au projet du DSA.

En effet, bien que les travaux de parlementaires américains aient contribué à l’inspiration du projet DMA (NDLR : rapport de la sous-commission du droit antitrust, commercial et administratif de la commission judiciaire de la Chambre des représentants des États-Unis sur la concurrence sur les marchés numériques), le droit sur internet aux Etats-Unis est assez pauvre. Il se résume grossièrement à deux lois adoptées à la fin des années 90 : la section 230 du Communications Decency Act (CDA) qui garantit la liberté d’expression en ligne et le Children’s Online Privacy Protection Act (COPPA), qui vise la protection en ligne des enfants de moins de 13 ans. Cependant, les Etats-Unis semblent vouloir rattraper leur retard dans ce domaine. Joe Biden a déjà exprimé la nécessité de reformer la section 230 du CDA et plusieurs projets de loi ont récemment été introduits. Parmi eux, on retrouve le Kids Online Safety Act (KOSA) datant de février 2022, qui imposerait de nouvelles garanties, de nouveaux outils et de nouvelles exigences de transparence pour les mineurs en ligne de moins de 17 ans. Enfin, on peut également noter le Earn It Act (EIA), réintroduit en février dernier puis adopté, qui met en avant la lutte contre la diffusion de contenus pédopornographiques sur Internet.

En ce qui concerne spécifiquement les réseaux sociaux, la sénatrice Amy Klobuchar a introduit à la Commission fédérale du commerce le 10 février 2022 le projet de loi Social Media NUDGE Act (Nudging Users to Drive Good Experiences on Social Media). Ce projet doit permettre à la National Science Foundation (NSF) et à la National Academy of Sciences, Engineering, and Medicine (NASEM) de réaliser une étude sur les plateformes de médias sociaux et les questions d’addiction, de désinformation et de mise en avant de contenus dangereux en lien avec les algorithmes existants. Les enjeux de transparence sont également au cœur du projet, avec par exemple un rapport de transparence public requis tous les 6 mois pour les grandes entreprises des médias sociaux, tout comme les informations concernant la finalité des contenus signalés. Des enjeux sensiblement similaires à ceux portés par le DSA

En Chine, une régulation gouvernementale unique en son genre

Passé relativement inaperçu en Europe, le Règlement sur l’administration de la recommandation sur les algorithmes des services d’information sur Internet a été mis en application en Chine le 1er mars 2022.

© Source : https://ruedesconfines.com/pendant-la-crise-les-chinois-jouent-avec-les-reseaux-sociaux/

Cet ensemble de recommandations vise très spécifiquement les algorithmes, leur transparence et leur utilisation avec des mesures telles que la possibilité pour les utilisateurs de désactiver leur profil ou qu’il soit pas pris en compte, la conservation par les entreprises des traces du fonctionnement de leur algorithme pendant six mois ou encore la nécessité pour les entreprise capables de mobiliser l’opinion publique de s’enregistrer auprès des autorités. 

Bien que la transparence liée aux algorithmes soit là aussi le noyau du projet, l’esprit général du règlement s’éloigne des projets européen et américain. En effet, les projets occidentaux se distinguent à moindre échelle par des mesures visant la protection des droits humains (Europe) et des droits consommateurs (États-Unis). De son côté, le projet chinois met avant tout l’accent sur la protection du pays, de sa sécurité et de ses valeurs (celles promues par le régime) et ne masque pas la volonté du parti d’incarner le monopole étatique du contrôle, s’accaparant les nouvelles richesses générées par les géants de la tech : les données.

Le danger d’un contrôle d’état sous couvert de régulation

Dans une logique similaire, l’administration du cyberespace de Chine (CAC) a également annoncé début avril le lancement de la campagne QingLang d’ici la fin de l’année 2022, poursuivant l’objectif de création d’un espace en ligne sain. Déjà évoquées l’année passée, ces opérations se définissent littéralement comme « nettoyé et non contaminé ». Ce qui s’illustre notamment à travers les suppressions et les fermetures engendrées par les régulateurs chinois. En 2021, plus de 22 millions d’informations illégales ont été supprimés et plus d’un milliard de comptes illégaux ont été fermé afin de lutter contre le « chaos ». Ce grand nettoyage de l’internet chinois s’est notamment déroulé avant les JO de Pékin. Cette tendance à la censure s’est également confirmée fin 2021 avec l’interdiction de LinkedIn en Chine, la dernière plateforme américaine encore présente dans le pays.

Si la  critique officielle n’est pas monnaie courante en Chine, la situation est différente aux États-Unis où les projets de régulation ne font pas toujours l’unanimité. Le NUDGE Act est notamment critiqué comme un projet remettant en cause la liberté d’expression promue par la section 230 et si chère à la culture américaine. Certains projet sont également critiqué pour leur contenu, comme le Earn It Act. Ici, bien que la lutte contre la diffusion de contenu pédopornographique ne soit pas remise en cause en soit, c’est les moyens proposés (suppression du chiffrement de bout en bout) et leurs conséquences sur les données privées qui sont questionnés. En effet, si les États-Unis semblent aspirer à égaler le cadre législatif européen en matière de numérique, les enjeux relatifs à la protection des données semblent encore pêcher, comme l’illustrait déjà l’arrêt Schrems II quelques années auparavant.

Ce décalage entre projet théorique et application technique s’illustre avec des questionnements similaires en Europe. On peut noter par exemple les débats autour de l’obligation d’inter-opérabilité imposée aux médias sociaux et les limites technologiques s’y afférant.

L’intelligence artificielle, prochaine course à la règlementation ?

L’intelligence artificielle est devenue le fer de lance des algorithmes qui font fonctionner les réseaux sociaux. En Europe, la Commission Européenne a proposée l’Artificial Intelligence Act en avril 2021, avec une dynamique similaire aux projets de DMA, DSA et Data Governance Act (DGA).  Des initiatives fédérales similaires ont également émergé depuis aux Etats-Unis, notamment en Alabama, au Colorado, dans l’Illinois et dans le Mississippi avec des lois comme l’Artificial Intelligence Interview Act et l’Alabama Council on Advanced Technology and Artificial Intelligence. Plus spécifiquement un projet de régulation des algorithmes d’IA à l’échelle fédérale a même été introduit au Sénat américain en février dernier. Cet Algorithmic Accountability Act témoigne de l’influence de l’Europe sur les États-Unis en matière de régulation numérique ainsi que de la volonté de convergence de ces deux modèles.

La percée de l’IA dans tous les secteurs, des réseaux sociaux au transport ou à la santé est déjà prémonitoire sur la complexité de la création d’un cadre juridique réglementaire approprié.

 

Par Hannah Roux-Brion


SOURCES

DSA

DSA : l’Europe trouve un accord « historique », France Culture, Baptiste Muckensturm, 26 avril 2022
https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-des-reseaux-sociaux/dsa-l-europe-trouve-un-accord-historique

DSA : les institutions européennes ont trouvé un accord !, Siècle digital,  Grégoire Levy, 25 avril 2022
https://siecledigital.fr/2022/04/25/dsa-les-institutions-europeennes-ont-trouve-un-accord/

L’Europe valide le DSA : les 10 mesures clés pour réguler les géants de la tech, Le blog du modérateur, Appoline Reisacher, 25 avril 2022
https://www.blogdumoderateur.com/europe-valide-dsa-mesures-reguler-geants-tech/

USA

Un projet de loi vise à obliger les réseaux sociaux à modifier le fonctionnement du fil d’actualité, Siècle digital, Valentin Cimino ,14 février 2022
https://siecledigital.fr/2022/02/14/un-projet-de-loi-pourrait-obliger-les-reseaux-sociaux-a-modifier-le-fonctionnement-des-algorithmes/

Senator Klobuchar “nudges” social media companies to improve content moderation, Brookings, Mark MacCarthy Wednesday, February 23, 2022
https://www.brookings.edu/blog/techtank/2022/02/23/senator-klobuchar-nudges-social-media-companies-to-improve-content-moderation/

Tech Trojan Horse: How the Senate is poised to codify censorship of social media, The Hill, JONATHAN TURLEY, 03/05/22
https://thehill.com/opinion/technology/596913-tech-trojan-horse-how-the-senate-is-poised-to-codify-censorship-of-social/

New bill would force social media giants to embrace friction — or else. Protocol Issie Lapowsky, February 10, 2022
https://www.protocol.com/bulletins/social-media-nudge-act

U.S. Congress Introduces Kids Online Safety Act. Covington, Lindsey Tonsager & Madeline Salinas, February 23, 2022
https://www.insideprivacy.com/childrens-privacy/u-s-congress-introduces-kids-online-safety-act/

Quel est l’état des droits sur internet aux États-Unis ? Siècle digital,  Clémence Maquet, 19 avril 2021
https://siecledigital.fr/2021/04/19/quel-est-letat-des-droits-sur-internet-aux-etats-unis/

CHINE

Les autorités chinoises veulent réguler les algorithmes de recommandation, qui font le quotidien d’Internet, Le Monde, 8 février 2022
https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/02/08/les-autorites-chinoises-veulent-reguler-les-algorithmes-de-recommandation-qui-font-le-quotidien-d-internet_6112738_3232

La Chine recadre les algorithmes des agrégateurs d’actualités, Siècle digital, Antoine Messina , 13 avril 2022
https://siecledigital.fr/2022/04/13/la-chine-recadre-les-algorithmes-des-agregateurs-dactualites/

QingLang Regulations, More of Them—and More Control on Chinese Social Media, Bitterwinter, Tan Liwei, 03/23/2022
https://bitterwinter.org/qinglang-regulations-more-control-on-social-media/

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Quelles limites donner à l’IA pour protéger les droits fondamentaux ? Siècle digital, r Maxime Mohr, 25 avril 2022
https://siecledigital.fr/2022/04/25/quelles-limites-donner-a-lia-pour-proteger-les-droits-fondamentaux/

Quelle réglementation pour l’intelligence artificielle en Europe ? Siècle digital, Clémence Maquet, 23 avril 2021
https://siecledigital.fr/2021/04/23/cadre-juridique-intelligence-artificielle-europe/

Introduction d’un projet de régulation des algorithmes d’IA à l’échelle fédérale, Jean-Baptiste Bordes & Margherita Ceccagnoli, mars 3, 2022
https://france-science.com/introduction-dun-projet-de-regulation-des-algorithmes-dia-a-lechelle-federale/

Ressources humaines : l’impact des réseaux sociaux sur les processus de recrutement

Les réseaux sociaux comme outil de recrutement.

Les pratiques de recrutement sont devenues de plus en plus dépendantes des outils numériques au cours des 20 dernières années et, au cours de la dernière décennie, des réseaux sociaux. L’utilisation de la technologie sur le lieu de travail a eu un impact sur tous les domaines de l’emploi, la technologie offrant des moyens importants et avantageux pour améliorer les pratiques de recrutement des organisations. Les réseaux sociaux peuvent également être utilisés dans la gestion des ressources humaines, pour le recrutement et la sélection. L’adoption de la technologie dans les processus de recrutement devient donc une nécessité pour les employeurs qui souhaitent avoir un avantage concurrentiel sur le marché du travail, et attirer des talents (Deloitte Consulting LLP, 2014).

L’utilisation des réseaux sociaux comme outil de recrutement des employés, comprend différentes pratiques et offre plusieurs avantages. Les recruteurs utilisent des plateformes telles que LinkedIn, Viadéo, Facebook et Twitter pour publier des offres d’emploi, attirer, recruter et présélectionner les candidats. Aujourd’hui, la concurrence est intense pour attirer les meilleurs talents. Dès lors, lorsqu’un employé à fort potentiel se renseigne sur une entreprise, les premiers endroits où il va sont les réseaux sociaux comme Linkedin ou Viadéo. L’utilisation des réseaux sociaux comme outil de recrutement présente donc des opportunités et des défis pour les employeurs. En effet, les réseaux sociaux offrent de la rapidité, de l’efficacité, la possibilité de cibler et d’attirer des candidats spécifiques. Ils peuvent constituer une source supplémentaire d’informations sur les candidats potentiels. Pour les candidats, ils offrent de multiples sources d’information sur l’employeur ainsi que la possibilité de rentrer en contact directement avec les entreprises et les recruteurs. Certains recruteurs utilisent les principaux réseaux sociaux pour effectuer des recherches et faire de la publicité, tandis que d’autres élaborent des stratégies à plus long terme, notamment en investissant pour faire de la promotion et rendre leurs offres visibles à un maximum de candidats potentiels.

Les réseaux sociaux permettent de renforcer la « marque employeur »

Tout d’abord, les réseaux sociaux peuvent être utilisés afin de faire la promotion de l’entreprise ou de mettre en avant la réputation de l’employeur. En effet, les organisations s’efforcent d’être des employeurs attrayants, dans le but d’embaucher des employés compétents. L’utilisation des réseaux sociaux facilite le processus de recrutement, tant pour la personne à la recherche d’un emploi que pour l’organisation. Les demandeurs d’emploi considèrent souvent plusieurs organisations lorsqu’ils vont postuler à un emploi, et ils peuvent utiliser la réputation des entreprises comme source d’information sur les conditions de travail dans différentes organisations. Afin de contribuer à soigner la réputation et à accroître l’attractivité de l’entreprise, les employeurs cherchent donc à renforcer le nom de l’entreprise en tant que marque, ce que l’on appelle la marque employeur. Les organisations ont constaté qu’une image de marque efficace de l’employeur entraîne certains avantages concurrentiels, ce qui permet d’attirer et de retenir plus facilement les employés. L’image de marque de l’employeur est une stratégie ciblée à long terme visant à gérer la sensibilisation et les perceptions des employés, des employés potentiels et des parties prenantes connexes à l’égard d’une entreprise particulière ». Cone (2008) a suggéré que 93% des entreprises sont convaincues de l’importance d’une présence sur les réseaux sociaux et que 85% d’entre elles considèrent que c’est le moyen le plus efficace d’atteindre leurs clients. Kaplan et Haenlien (2010) suggèrent que la plupart des entreprises utilisent les réseaux sociaux pour promouvoir leur marque et créer des communautés de marque. Il a été constaté que l’utilisation des réseaux sociaux pour les fonctions de ressources humaines contribue à la création d’une image de marque de l’employeur et permet d’attirer les bons talents pour les entreprises (Davison et al., 2011). Une étude récente menée dans 18 pays par Tallulah (2014) a conclu que les réseaux sociaux sont le canal le plus efficace et le plus privilégié pour promouvoir et améliorer l’image de marque des employeurs. 79% des entreprises ont répondu qu’elles préfèreront les réseaux sociaux pour diffuser leur marque employeur, suivis par les sites web de carrière (64%) et les références (39%).

Les réseaux sociaux permettent un recrutement moins couteux et plus efficace

Tout d’abord, la recherche de candidats via les réseaux sociaux est très rentable par rapport aux méthodes traditionnelles de recrutement. En effet, la création d’un compte sur les réseaux sociaux est gratuite ainsi que la publication d’une offre, contrairement aux méthodes de recrutement traditionnelles qui exigent qu’une entreprise paie pour faire de la publicité par le biais des canaux médiatiques traditionnels (télévision, panneau d’affichage, journal ou magazine). Par conséquent, la publication d’emplois est devenue plus rentable, plus rapide et permet aux organisations d’atteindre un public plus large (Hull, 2011).

De plus, les employeurs ont la possibilité d’utiliser les réseaux sociaux pour filtrer toutes les personnes qui ne correspondent pas à certains facteurs prédéfinis par l’employeur, comme l’école que les candidats ont fréquentée ou leur expérience professionnelle. Les réseaux sociaux sont donc un outil de sourcing efficace. Les employeurs utilisent ces réseaux afin d’étudier les antécédents des candidats et utilisent ces informations pour prendre des décisions d’embauche. En effet, les réseaux sociaux représentent une riche source d’informations qui, dans la plupart des cas, ne sont disponibles d’aucune autre manière. Souvent, ces informations concernent des questions relatives aux anciens employés et aux anciens employeurs (par exemple : la raison de la rupture d’un contrat, les attitudes et les opinions concernant l’ancien employeur ou l’ancien employé).  Il s’agit d’informations qu’il est souvent impossible d’obtenir par le biais du processus de sélection traditionnel (Gatewood, 2008). L’information peut être obtenue via Google, mais aussi via les réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter, basés sur la mise en réseau des individus, où ils placent des informations sur eux-mêmes, leurs intérêts, leurs loisirs et d’autres informations personnelles et professionnelles

Enfin, les réseaux sociaux permettent aux recruteurs d’atteindre un nombre beaucoup plus important de personnes. La vaste portée d’Internet signifie qu’un effort stratégique de recrutement sur les réseaux sociaux peut atteindre, presque instantanément, des millions de personnes. Les réseaux sociaux permettent aux recruteurs de diffuser des informations sur les offres d’emploi et sur l’organisation afin que les candidats passifs et actifs reçoivent ces messages. Les méthodes de recrutement traditionnelles, telles que les sites d’offres d’emploi en ligne ou les annonces, n’attirent le plus souvent que les candidats actifs qui recherchent ces informations (Alexia Minne, 2016). En atteignant un plus grand nombre de profils, à la fois actifs et passifs, les entreprises ont un plus grand pool de candidats parmi lesquels faire un choix. Cela permet aux entreprises de choisir des candidats plus compétents et plus adéquats pour le poste vacant.

Risques légaux

Les preuves de validité soutenant l’utilisation des réseaux sociaux pour la sélection étant limitées, les implications juridiques potentielles deviennent importantes. Les profils contiennent souvent des caractéristiques protégées telles que l’origine, la religion, l’âge et le sexe. Même si les organisations n’utilisent pas officiellement ces informations spécifiques lorsqu’elles examinent les réseaux sociaux des candidats, il peut être difficile de le prouver devant un tribunal. Retirer des candidats du processus d’embauche en se basant uniquement sur des informations trouvées sur un profil de réseau social peut être risqué, comme le prouve l’affaire Gaskell c. Université du Kentucky. Dans cette affaire, le Dr Martin Gaskell postulait pour un poste de professeur à l’université du Kentucky. Il était l’un des meilleurs candidats pour le poste avant que quelqu’un ne consulte ses réseaux sociaux, où il a trouvé des informations sur ses croyances religieuses. Il a alors été écarté du processus de sélection (Oppenheimer, 2010). En fin de compte, l’Université du Kentucky a dû payer 125 000 $ à Gaskell et à ses avocats, mais n’a jamais admis avoir fait quoi que ce soit de mal. Avec l’utilisation accrue des réseaux sociaux pour la sélection, des affaires comme celle-ci pourraient devenir plus fréquentes.

Sources

Alexia MINNE, 2016, RECRUTEMENT ET MÉDIAS SOCIAUX Evolution des pratiques et des comportements dans les entreprises, les cabinets de recrutement et les agences interim en Belgique, Université de Liège

BENRAïSS-NOAILLES Laïla, LHAJJI Dhiba, BENRAïSS Amina et al., « Impact de la réputation classique et de l’e-réputation sur l’attractivité des entreprises en tant qu’employeurs », Question(s) de management, 2016/4 (n° 15), p. 71-80. DOI : 10.3917/qdm.164.0071. URL : https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2016-4-page-71.htm

BENRAïSS-NOAILLES Laïla, VIOT Catherine, « Les médias sociaux dans les stratégies de recrutement. Quelle compatibilité avec la vie privée ? », Revue française de gestion, 2012/5 (N° 224), p. 125-138. URL : https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2012-5-page-125.htm

Deloitte Consulting, L. L. P., 2014. Global human capital trends 2014: Engaging the 21st-century
workforce. Deloitte University Press.

El Ouirdi, M., El Ouirdi, A., Segers, J. Pais, I., 2016. Technology adoption in employee recruitment.
Computers in Human Behavior,

Kaplan, A. M., & Haenlein, M., 2010. Users of the world, unite! The challenges and opportunities of
social media. Business Horizons

Karen Isaacson and Sarah Peacey, Human Ressources and social media, KPMG, URL: https://assets.kpmg/content/dam/kpmg/pdf/2012/08/human-resources-and-social-media.pdf

Lamia HAMMADI, Hadjar BENHACINE, 2021, COOPTATION ET RESEAUX SOCIAUX : OUTILS D’OPTIMISATION, DES STRATEGIES DE RECRUTEMENT, REVUE MAGHREBINE MANAGEMENT DES ORGANISATIONS

Bourgeois Tom

Comment réseaux sociaux et télé-réalité sont-ils devenus indissociables ? 

Il y a 20 ans, pour ne pas retomber dans l’oubli, les stars de télé-réalité espéraient faire carrière à la télévision, comme Ayem, devenue présentatrice et chroniqueuse sur la chaîne NRJ12. Aujourd’hui, les programmes de divertissement représentent un tremplin pour les candidats qui profitent de la visibilité que leur offre la télévision pour débuter des carrières « d’influenceurs » sur les réseaux sociaux. En d’autres termes, ils capitalisent sur la notoriété acquise pendant la diffusion de l’émission.

150 000 euros par mois, c’est ainsi le montant faramineux que gagne la star de téléréalité Maeva Ghennam, à l’aube de ses 25 ans. Ce n’est pas grâce au salaire qu’elle touche dans le programme auquel elle participe, « Les Marseillais », sur la chaîne de télévision généraliste W9. D’après la productrice de l’émission, Florence Fayard, les candidats seraient payés entre 7000 et 13 000 euros pour quatre semaines de tournage et selon leur ancienneté. Si le montant est impressionnant, il est loin des centaines de milliers d’euros empochés tous les mois par les candidats. 

C’est donc grâce à ses 3,3 millions d’abonnés sur Instagram que Maeva construit un empire financier considérable. Les placements de produits qu’elle publie en « story » ou sur son « feed » plusieurs fois par jour sont grassement rémunérés. Pour les marques, le retour sur investissement est colossal puisque le public visé, jeune et adulant ces stars du petit écran, achète en masse les produits proposés. En gagnant en notoriété, les candidats s’émancipent : à terme, leur popularité sur les réseaux sociaux est telle qu’ils n’ont plus besoin de s’exposer à la télévision pour gagner leur vie. Ils laissent alors place à une nouvelle génération de candidats, désireux comme eux de devenir « influenceurs » à plein temps. Nous pouvons parler d’un véritable business : les candidats accumulent des abonnés pendant la diffusion puis tissent un lien fort avec ces derniers en leur partageant les étapes les plus intimes de leur vie (mariage, grossesse, accouchement) et finissent par vivre uniquement des placements de produits, certains profitant du confort financier pour se lancer dans de nouveaux projets. 

La success story de l’influenceuse star, Caroline Receveur, en est un exemple criant. Aujourd’hui mère de famille et cheffe d’entreprise au plus de 4 millions d’abonnés sur Instagram, c’est dans la première saison du programme « Secret Story », diffusée sur TF1, que le public l’a découverte. Elle s’est aujourd’hui complètement affranchie de l’étiquette de « candidate de télé-réalité » et est un modèle de réussite pour de nombreux internautes. 

Les programmes de télé-réalité profitent donc de ces exemples de carrières abouties pour attirer les candidats, essentiels à la survie des émissions. Alors que les audiences baissent d’année en année, les candidats sont eux, toujours plus nombreux. Cette année, l’émission « Pékin Express », diffusée sur M6 et présentée par Stéphane Rotenberg a enregistré 90 000 candidatures, un nombre record malgré des audiences en baisse. La part d’audience moyenne, qui culminait à 14,5% en 2018 a chuté pour atteindre 11,1% en 2022. 

Malgré ses baisses d’audience, les programmes de divertissement subsistent. En plus des candidats, c’est le public que la télé-réalité retient grâce aux réseaux sociaux. Le jeune public visé se détourne de la télévision mais y est renvoyé lorsqu’il consulte ses réseaux sociaux. En effet, ils sont devenus une extension des programmes, comme Twitter, réseau sur lequel des milliers d’internautes commentent en direct les shows. Cela créer un engouement autour de l’émission, incitant le public à la regarder. Lors de la diffusion de l’épisode le plus vu du programme « Les Marseillais », réunissant 1,32 millions de téléspectateurs le 14 avril 2020, le hashtag au nom de l’émission fut le plus posté sur le Twitter français pendant plusieurs jours d’affilés.

Télé-réalité et réseaux sociaux ne semblent donc pas incompatibles, au contraire. L’essoufflement de ces programmes n’est cependant pas anecdotique et un renouvellement, basé, pourquoi pas, sur une plus forte inclusion des réseaux sociaux, semble nécessaire à leur pérennité. 

Philippine Siméon

Why sharenting is not simply about parents showing off their kids online…

Blog, hashtag, brunch, sitcom, guestimate, even Internet, blended words are a regular occurrence in our everyday life, and especially so on the Internet. ‘Sharenting’, another one of these blended words, is the direct result of a practice that comes from the diverse uses of social media. First coined by Steven Leckhart, a writer in the Wall Street Journal in 2012. But what exactly is sharenting, it is “the phenomenon of sharing and disclosing intimate information about children in the form of photos, videos, and status by parents through social media [that] is now increasingly widespread.” (Putri et al., 2019).

A lot of parents are becoming influencers and relate their everyday life on different platforms and especially on Instagram. They have relatable content for other parents, show the life of their children and are open about the struggles and happy moments of their parenting journey. They can also use their accounts to advocate for certain types of parenting such as cultural or religious ones. It can also be a source of income for the parents, helping them lead a more comfortable life. Yet, what seems to be only naive and simple content can be proven to be much more complex than originally thought.

It seems that while the GDPR views children as vulnerable parties, it places on the responsibility of their online image to the parents and their own judgement and did not put any clause concerning ‘sharenting’. It did not take in consideration the possibility of having influencers as parents and therefore, being part of their online image and overly exposed on the different accounts of their parents. The online image of children is subjected solely to their parents’ decisions and before they can hold a phone, they do not get a say on if they have a dedicated Instagram page where their parents impersonate them or not.
Indeed, this sudden rise of the blogger parent leads to a lot of debate around the privacy of their children.

It might be too early to assert this but not a lot of teenagers would be fine with parents telling the internet of every single little thing they did since they were a toddler and having videos of their private discussions. Influencers parents do not all have the same ways of handling the private life of their children. Some prefer to blur they face out and use nicknames to avoid having their full name on display. Others prefer to not do that and let their children faces untouched, have their names and location shown. This could be explained by either the decision to focus on their parenting experience rather than on their children, or not knowing the potential negative effects that could take place.

« ACT LIKE YOU’RE CRYING »

Jordan Cheyenne

Beyond privacy issues, much more pressing questions are being brought to light. Ethics have a lot to do in sharenting. Children become the primary monetization tool of their parents’ main source of revenue. This can lead to dubious situations where parents put their children in tough situations to have ‘great’ content. A YouTube clip that trended on twitter in September of 2021 shows an influencer named Jordan Cheyenne filming her son crying and trying to make him pose for a thumbnail. Cheyenne did not keep this clip deliberately, she accidentally uploaded it, unedited at the end of one of her videos. She can be heard saying “Act like you’re crying” to which her son replied “But I am crying”. After the backlash she received she decided to not include her son in her videos anymore.

Gwyneth Paltrow also divided the public opinion, as she often does, after posting a picture with her daughter on Instagram. Her fourteen-year-old daughter left a now-deleted comment on the publication “Mom, we have discussed this. You may not post anything without my consent.”

@gwynethpaltrow accessed 30/04/2022

This divided the opinion between the ones finding it normal for a mother to decide on which pictures of her daughter to post without waiting for consent first. The other part thought that she should have listened to the clear opposition of her daughter who is old enough to know whether she wanted to have this picture posted online for millions of followers to see or not. Gwyneth Paltrow, when wishing a happy birthday to her daughter, included a screenshot of a conversation with “apple approved birthday posts” as there is no “need to break the old Internet again”.

@gwynethpaltrow accessed 30/04/2022

Like all things on the Internet, users have strong opinions on the matter and the debate of how to manage the online image of children is ongoing. On tiktok, a lot of parents show their everyday life with their children or film some quirky things that their child does and that can make a video go viral. Under these videos, users comment on their parenting skills and whether they should put their children on the internet.

Many vlogging families have had controversies and the extent to which they went to make content has backfired. The ACE family, a well-known vlogging family has already had many scandals, one of them because of a video first posted on Snapchat and then uploaded on Twitter. In the video, Austin McBroom, the father can be seen filming a young child holding a penis-shaped lollipop. Another vlogging family adopted an autistic child from China and documented every step of the journey for more than three years. All of the videos of the child and some Instagram posts were monetized. They then made the decision to legally terminate the adoption and placed the child in another temporary family and did not beforehand delete the videos with him. When faced with a lot of accusations from their followers, they decided to make an explanation video, did not mention their adoptive son again and proceeded to go back to their regular scheduled content.

@theacefamily accessed 30/04/2022

Unlike cinema, theater or modelling, there are no child labour law that exists regarding monetized social media exposure. It is essential for them to be created; however, it would be difficult to truly monitor how long influencers film their children and how demanding of them they are. Furthermore, as they are children, their consent and willingness to appear on social media are also impossible to supervise.


However, here is the worst-case scenario for any parent sharing their child’s photos on Instagram. A true nightmare became true for a British mother who was notified by her friends of an awful Russian website that contained thousands of children images. She found pictures that came from her public Instagram profile of her toddler on it, including one where she had been heavily photoshopped to have lipstick and mascara. Underneath the pictures were graphic comments posted by users. The mother said that these comments were ‘mild’ compared to other ones underneath different pictures. She has been contacting charity foundations to help her to get this website banned, and she has been trying to raise awareness on this issue.

From privacy issues to ethical problems, it seems that raising children online is tougher than just posting candid pictures for the grandparents to see. Children are to be shielded by their parents online, as to achieve that, parents should be better informed of every aspect of posting pictures or videos of their children online. What might seem like an innocent and cheerful action can easily turn into a problematic situation.

Emma Le Vourch

Bibliography:

Blum-Ross, A. and Livingstone, S., 2017. “Sharenting,” parent blogging, and the boundaries of the digital self. Popular Communication, 15(2), pp.110-125.

Chen, T., 2019. The Dad Of A Popular YouTube Family Channel Is Being Accused Of Sexualizing A Child After Buying Her A Phallic-Shaped Lollipop. [online] BuzzFeed News. Available at: <https://www.buzzfeednews.com/article/tanyachen/dad-of-youtube-channel-the-ace-family-called-disgusting-for> [Accessed 25 April 2022].

Donovan, S. (2020) ‘“Sharenting”: The Forgotten Children of the GDPR’, Peace Human Rights Governance, 4(1), 35-59.

Middleton, L., 2022. Mum horrified after finding pictures of her baby on paedophile website. [online] Metro. Available at: <https://metro.co.uk/2020/08/18/mum-horrified-finding-pictures-baby-paedophile-website-13143110/> [Accessed 1 May 2022].

Moscatello, C., 2020. Why Did These YouTubers Give Away Their Son?. [online] The Cut. Available at: <https://www.thecut.com/2020/08/youtube-myka-james-stauffer-huxley-adoption.html> [Accessed 1 May 2022].

Putri, N., Harkan, A., Khairunnisa, A., Nurintan, F. and Ahdiyat, M., 2019. Construction of “Sharenting” Reality for Mothers Who Shares Children’s Photos and Videos on Instagram. Advances in Social Science, Education and Humanities Research, 558, pp.782-788.

Stratégie de communication politique sur les réseaux sociaux.

Jean-Luc Mélenchon : entre homme politique et influenceur.

– écrit par Alexandra levigne

Nous ne présentons plus Jean-Luc Mélenchon (JLM), candidat et fondateur de La France Insoumise (LFI), qui est arrivé troisième à 421 420 voix, derrière Marine LePen, lors du premier tour des élections présidentielles françaises. Sensible aux nouvelles technologies, il capitalise sur la multiplicité des supports numériques dans sa stratégie de communication afin de toucher le plus grand nombre d’électeurs. « Notre but, c’est de parler à tout le monde » s’exprime ainsi Antoine Léaument, responsable de la communication numérique du candidat ainsi que de LFI. Ils semblent cependant avoir été entendus en majorité par les moins de 34 ans et la communication portée par le candidat de l’Union Populaire sur les réseaux sociaux tout au long de la campagne a ainsi nécessairement joué dans les résultats. C’est la raison qui nous pousse aujourd’hui à étudier le comportement de Jean-Luc Mélenchon sur les réseaux sociaux. 

Avant toute chose, il est important de revenir sur le positionnement idéologique du parti qui va évidemment influencer le discours politique tenu par le candidat sur les réseaux. Depuis la disparition de la fédération des forces de gauches alternatives, le mouvement centré autour de la personne de Jean-luc Mélenchon opte depuis 2013 pour une stratégie dite « populiste ». Le mouvement se place en opposition aux « élites » du pays justifiant ainsi le contournement du système journalistique classique au profit de la liberté conférée par les réseaux sociaux. C’est pour cela que Jean-Luc Mélenchon emploie un ton direct et personnel tant, lorsqu’il s’adresse au « peuple », que, comme nous allons le constater, sur ses réseaux.

Pour commencer notre étude, nous allons nous focaliser sur la chaîne YouTube de Jean-Luc Mélenchon, créée le 1er janvier 2012. Il s’investit pleinement sur YouTube à l’approche des élections de 2017 et fait grimper en quelques mois de 20 000 à 100 000 son nombre d’abonnés. 

Cette hausse est attribuée aux nouveaux formats de vidéos proposés par JLM, nous retrouvons ainsi :
– « Pas vu à la télé » : interventions de personnalités peu médiatisées s’exprimant sur des sujets d’actualité. La volonté de rompre avec la couverture médiatique de la télévision est affirmée.
– « Revue de la semaine » : émission toujours phare de la chaîne, celle-ci met en scène JLM ressassant les événements de la semaine qui l’ont intéressé. Cette série, inspirée par différents contenus publiés sur la plateforme, s’ancre parfaitement dans les codes de YouTube. Le candidat s’adresse à la caméra avec un ton direct et personnel. 

Aujourd’hui, sur la chaîne se sont ajouté les formats :

Comme il est fréquent d’en voir YouTube, ce type de contenus permet d’augmenter l’engagement et l’interaction avec l’audience

Rediffusions d’apparition à l’Assemblée nationale (redirection en cliquant en sur le bouton), sur les plateaux télé, ou lors de diverses instances (commissions de travail, discours et meetings…)

En 2022, il s’agit de « Nos pas ouvrent le chemin » faisant en moyenne plus de 50 000 vues sur des sujets diverses, d’actualité politique (la guerre en Ukraine, l’envol d’Ariane 5…) ou couvrant des événements de la campagne (débats, meetings politiques…)

Jean-Luc Mélenchon explique en 2016 que c’est en regardant des vidéos YouTube qu’il a compris ce que c’était d’être YouTubeur et devient ainsi le premier « YouTubeur politicien » à se fondre parfaitement dans le type de contenu visionné sur la plateforme. L’intérêt de cet investissement est d’un côté, l’audience captée par ses contenus et de l’autre, la liberté totale sur les sujets abordés, le style de vidéo et tout simplement la maîtrise de son image. En effet, la narrative employée rend le candidat plus sympathique mais surtout proche de son public. Le pari, gagné, de ses équipes a été de créer une belle image de marque autour de JLM. 

C’est dans cette même optique que le compte TikTok de JLM voit le jour. Ce nouveau réseau au format vidéo vertical qui gagne en popularité auprès des jeunes est une case incontournable de sa campagne. Ayant dépassé les deux millions d’abonnés le 28 avril 2022, le compte reprend également les codes de la plateforme. Sur un ton léger et auto dérisoire, il partage de courtes vidéos humoristiques dans un objectif de viralité, des extraits sous-titrés de ses passages à la télévision ainsi que des vidéos derrière les coulisses afin d’inviter ses abonnés au sein de son intimité. Ces différents formats suscitent de la sympathie envers JLM. C’est ici un personal branding réussit puisqu’il s’agit bien d’une personnalité et non pas d’un programme politique qui est mis en avant.

JLM possède bien évidemment un compte Twitter, réseau social populaire dans le milieu de la politique pour la liberté d’expression qu’il permet. L’enjeu pour le candidat sur cette plateforme est avant tout, d’être présent et visible. C’est ce que nous observons par la forte fréquence de publications, du newsjacking intelligent, les live tweets lors de débats avec la mise en avant d’hashtag pour encourager la discussion et les réactions, et finalement l’usage fréquent du format vidéo (pour rediffuser les interventions médiatiques du candidat) qui est mise en avant par l’algorithme de la plateforme.

Le compte Instagram de JLM, du haut de ses 317 000 abonnés utilise toutes les fonctionnalités de la plateforme. Nous y retrouvons des stories (ainsi que stories a la une), des carrousels, des vidéos (extraits de ses apparitions télévisées sous titrées) et même de la création de filtres. En effet, le « mini-hologramme de poche », filtre en réalité augmentée (disponible également sur Snapchat) permet de retrouver le candidat dans son salon, de sorte à se démarquer des autres candidats, mais également de marquer les esprits avec du earned media. Le candidat fait également de la publicité pour ses autres réseaux : en premier lieu Twitter, proposant des photos de ses tweets sur son profil et en second lieu TikTok, re-postant ses publications en réels. 
Sa page Facebook adopte un format de contenu similaire avec l’usage du même texte pour les descriptions des photos (nous observons cependant plus d’émoticônes sur Facebook, probablement pour attirer l’attention.) Finalement, sur LinkedIn nous avons une stratégie axée sur la curiosité des utilisateurs. Les publications journalières reprennent les actualités « Insoumises » avec des visuels explicatifs et un lien vers un article pour une lecture approfondie du sujet. 

Ainsi dit, Jean-Luc Mélenchon bénéficie aujourd’hui d’une belle notoriété en ligne, propre à sa personne. Cela est dû au fait qu’il est présent sur tous les réseaux, il possède également une chaîne Twitch sur laquelle il interagit fréquemment avec son audience et un serveur Discord pour les partisans du mouvement (il existe aussi un grand nombre de pages privées pour la communauté des Insoumis). En s’appropriant de manière intelligente les codes des réseaux sociaux, il a réussi à s’imposer sur des canaux jusque-là difficiles d’accès pour les hommes politiques. Là où ses concurrents s’en remettent à leurs conseillers qui adaptent le message, Monsieur Mélenchon et son équipe semblent reconnaitre les segments d’utilisateurs, leurs intérêts et leurs appétences pour les réseaux qu’ils consomment. De ce fait, la force de sa communication réside dans la manière dont il est capable d’adapter non pas uniquement son message mais bien sa personne au réseau en question. Comme Arnaud Mercier, journaliste pour France Culture le souligne, il devient sur YouTube « Youtubeur Politique » et sur TikTok « TikTokeur Politique » expliquant ainsi son gain en popularité auprès des audiences majoritairement jeunes de ses réseaux. Il bénéficie également d’un grand soutien de la part de sa communauté d’insoumis qui prennent des initiatives, le soutiennent sur les réseaux et fédèrent ses partisans autour de leur projet commun.

Sources :

  • Les comptes officiels de Jean-Luc Mélenchon sur différents réseaux. Les liens sont mis en description d’images.
  • Bristielle Antoine, « YouTube comme média politique : les différences de contenu entre interviews politiques classiques et émissions en ligne de trois représentants de La France insoumise »

https://www.cairn.info/revue-mots-2020-2-page-103.htm

  • Theviot Anaïs, « Faire campagne sur Youtube : une nouvelle « grammaire » pour contrôler sa communication et influer sur le cadrage médiatique ? »

https://www.cairn.info/revue-politiques-de-communication-2019-2-page-67.htm

  • Klara Durand, « La campagne présidentielle sur les réseaux sociaux : qui remporte le match ? »

https://www.publicsenat.fr/article/politique/la-campagne-presidentielle-sur-les-reseaux-sociaux-qui-remporte-le-match-201682

  • Arnaud Mercier, « 2017-2022 : comment leur communication a évolué d’une présidentielle à l’autre »

https://www.franceculture.fr/politique/2017-2022-comment-leur-communication-a-evolue-dune-presidentielle-a-lautre

  • Pauline Graulle, « Présidentielle : la stratégie gagnante de Mélenchon dans les villes et les quartiers populaires »

https://www.mediapart.fr/journal/france/130422/presidentielle-la-strategie-gagnante-de-melenchon-dans-les-villes-et-les-quartiers-populaires

  • Scores délivrés par l’observatoire politique de Favikon sur la présence médiatique des candidats.

https://www.favikon.com/analyses/bilan-avant-les-presidentielles-2022

  • Ohiab Allal-Cherif, « Comment le numérique a propulsé la campagne de Jean-Luc Mélenchon »

https://www.forbes.fr/business/comment-le-numerique-a-propulse-la-campagne-de-jean-luc-melenchon

Présidentielle 2022 : Les réseaux sociaux ont-ils fait l’élection ?

(Montage AFP)

Il s’est écoulé une semaine depuis le second tour de l’élection présidentielle 2022. Une élection présidentielle très souvent qualifiée d’abstraite ou mise au second plan étant donné l’actualité récente, en particulier la guerre en Ukraine. Une élection présidentielle dont l’équation présentait 3 candidats potentiellement qualifiables pour le second tour. Une élection présidentielle où les réseaux sociaux étaient considérés comme un facteur déterminant, pouvant ainsi faire basculer les résultats. En effet, ces nouveaux moyens de communication sont aujourd’hui omniprésents dans la stratégie politique des candidats. Les réseaux sociaux change la manière de communiquer et sont utilisés comme de précieux procédés pour atteindre directement les électeurs, dans leur vie de tous les jours. Les candidats ont ainsi pour but d’orienter, voire de manipuler, un avis ou une opinion en leur faveur. Il a donc été possible de voir Marine Le Pen chanter sur Tik Tok, Eric Zemmour annoncer sa candidature sur YouTube ou encore Jean-Luc Mélenchon en conférence sur Twitch ! Ceci, afin de toucher un plus large public, en particulier les plus jeunes votants qui se désintéressent de plus en plus des médias classiques. Cependant, on peut se questionner sur l’utilisation des réseaux sociaux et donc de l’emploi du big data pour le compte d’un candidat. L’usage de données récoltées par les militants dans le but de convaincre l’auditoire français indécis est également questionnable aux vues de certaines techniques mises en place, pas toujours très honnêtes et transparentes.

Un ciblage d’électeurs indécis

Depuis certains scandales, il est, en effet, tout à fait normal de se demander comment sont récoltées et utilisées nos données dans le but d’influencer nos futurs choix électoraux. Rappelons l’esclandre du dossier Cambridge Analytica qui en 2015 avait recueilli les données de près de 87 millions d’utilisateurs de Facebook via une application externe (Business Insider, 2019). Des données personnelles ont été récoltées, comme les lieux de vie ou encore les pages que les utilisateurs suivaient, dans l’optique de créer des profils psychologiques, analysant les caractéristiques et les traits de personnalités des utilisateurs concernés. On sait que ces informations ont ensuite été traitées dans le cadre de la présidentielle de 2016 aux Etats-Unis qui a vu Trump se faire élire (Les Echos, 2018). Tout cela, sans le consentement des utilisateurs. Ces pratiques sont aujourd’hui abordées en France de manière précautionneuse par les politiques suite à ce scandale mais aussi aux lois instaurées, en 2018, sur le RGPD et la protection des données. Pour cette campagne 2022, Anaïs Théviot, maîtresse de conférence en sciences politiques, mentionne l’utilisation de logiciels comme Nation Builder qui permet de proposer un ciblage efficace de la communication des campagnes électorales pour influencer et inciter les potentiels électeurs à voter pour le candidat en question. Un ciblage basé sur des données recueillies via les réseaux sociaux et les données de l’INSEE (France Culture, 2022).

Le paysage des candidats suivis sur les réseaux sociaux

Un outil stratégique

Les réseaux sociaux ont joué un rôle primordial dans la campagne présidentielle française 2022 : ils ne sont plus seulement un outil de communication à destination des jeunes générations, mais bien un outil stratégique, tel une porte d’entrée pour susciter les votes envers un candidat en particulier. Véritable moyen de désintermédiation, il permet au candidat de rentrer directement en contact avec un électorat potentiel sans passer par le biais de médias classiques. Les candidats, et en particulier ceux des partis extrêmistes, sont ainsi moins exposés à la censure potentielle ou l’analyse orientée des journalistes politiques. Avec cet outil, les candidats peuvent désormais discuter avec leur électorat et plus seulement communiquer. Fabienne Greffet, maîtresse de conférences en science politique, mentionnait même : « l’espace télévisé n’est plus l’espace naturel où va se déployer la campagne » (Ouest France, 2022). Et pour atteindre le plus grand nombre de personnes, il faut être capable de se déployer rapidement, et ce, peu importe les moyens, comme le soutenait Samuel Lafont chargé de communication et de stratégie numérique pour le compte de la campagne d’Eric Zemmour. Des moyens légaux certes, mais pouvant être qualifiés de peu éthiques. Vincent Bresson, journaliste et auteur de l’enquête en inflitré dans la campagne de Zemmour « Au cœur du Z», dénonce des aspects difficilement avouables des stratégies numériques mises en place via les réseaux sociaux. La réécriture continuelle de la page Wikipédia du candidat Zemmour cherchant ainsi à minimiser ses positions extrémistes, en est un parfait exemple, lorsqu’on sait que sa page Wikipédia était une des pages francophones les plus consultées pendant la campagne présidentielle. Un autre phénomène s’est fortement développé sur les réseaux sociaux pendant cette campagne : l’astroturfing. Pour rappel, l’astroturfing est le fait de donner l’impression qu’il y a une prise de décision ou d’action collective spontanée sur un sujet en particulier, alors que celle-ci a été effectuée de manière coordonnée. Vincent Bresson met en exergue l’utilisation de messagerie cryptée sur lesquelles les équipes de campagne d’Eric Zemmour, et probablement celles des autres candidats, encourageaient les militants à lancer, par exemple, un hashtag, qu’ils devaient poster ou partager sur les réseaux. Les équipes des candidats leur envoient du contenu à copier-coller comme des textes, des photos ou des vidéos, et les incitent à les repartager de manière faussement spontanée, dans le but de se rendre visible. Le hashtag se retrouvera alors placé en top tweet et sera visible, likeable et partageable pour les autres utilisateurs, contribuant ainsi à l’effet astroturfing. Les médias classiques peuvent parfois même s’emparer de l’information sans avoir conscience de la mécanique artificielle, puisque floués par l’effet astroturfing, et ainsi la diffuser sur des médias plus classiques comme la télévision. L’astroturfing est particulièrement observable sur les groupes Facebook dont les intérêts n’ont aucun rapport avec la politique, mais dont les membres sont d’éventuels prospects. Après s’être infiltrés dans ces groupes, les militants partagent du contenu dans le but de voir celui-ci être relayé. Une technique de référencement a également pu être établie : un moteur de recherche appelé « Zemmour pour tous » qui permet de rechercher des vidéos, toutes hébergées sur Youtube, où intervient Eric Zemmour. L’algorithme de référencement de Youtube (SEO) intègre alors les recherches de ces vidéos en associant aux vidéos un mot clé rentré sur le moteur de recherche. Cela permet d’avoir en recommendation sur YouTube des vidéos d’Eric Zemmour, dès lors qu’on rentre le mot clé sur la plateforme.

Une croissance particulièrement forte chez Eric Zemmour

Une question d’adhésion

Toutes ces techniques constituent la première étape du déroulé d’une élection sur les réseaux sociaux, l’objectif étant de susciter la curiosité et l’intérêt des potentiels électeurs et des indécis. Le principal but de cette étape est de faire connaître le candidat en question et que les français en parlent. Ce qui a été le cas pour tous les protagonistes au moment de leur annonce de candidature. L’attrait des utilisateurs peut être mesurable en regardant les statistiques des réseaux sociaux, comme le nombre de followers, de likes ou de partages. Une mesure qui a démontré que les moyens déployés par l’équipe de campagne d’Eric Zemmour ont été efficaces, puisqu’il a multiplié par quatre sa base d’abonnés depuis septembre 2021 (Les Echos, 2022). Cependant, il faut garder en mémoire que des faux comptes peuvent être créés, dupliqués ou que des faux followers peuvent être achetés, pour influer sur les chiffres. Plus l’échéance de l’élection approche, plus les candidats doivent transformer cet intérêt en adhésion et donc en vote, ce qui constitue la seconde étape. L’adhésion se gagne avec une communication positive du candidat, en lui donnant une stature présidentiable grâce à deux ou trois points stratégiquement forts de son programme. Un très bon moyen de savoir si la stratégie arrive à établir une logique d’adhésion est, d’après Véronique Reille Soult spécialiste en communication et e-réputation, de regarder si la communauté adepte du candidat commence à pénétrer d’autres communautés en faisant passer ses messages (Ouest France, 2022). Les faux comptes et autres comptes fantômes n’auront donc aucun impact dans cette logique puisqu’ils seront inutiles pour communiquer envers d’autres communautés. Toujours dans cette logique d’adhésion, les réseaux sociaux peuvent aussi être employés pour décrédibiliser un candidat concurrent, à l’image des « Macron Leaks » en 2017 qui constituaient le piratage d’origine inconnue de plus de 20000 documents électroniques reliés à la campagne du futur président qui ont été rendus public quelques jours avant le vote du second tour (France Culture, 2022). Les réseaux sociaux se sont donc emparés très rapidement de l’information et ont amplifié sa propagation.

Les réseaux sociaux ne servent pas uniquement à suciter l’intérêt, ils s’inscrivent également dans une logique d’adhésion des électeurs pour un candidat.

Pour conclure, les réseaux sociaux ont eu une place importante dans l’élection présidentielle puisque la grande majorité de la population française se renseigne aujourd’hui via internet et notamment les réseaux sociaux. Tout l’enjeu de la stratégie d’une campagne numérique est d’être présent là où les électeurs se trouvent pour tenter de récolter le plus de voix possible. Néanmoins, cela n’aura pas forcément renversé la tendance pour cette élection car certains candidats n’ont pas réussi à transformer l’intérêt suscité en adhésion, puis en vote. Dans des situations de choix complexes, on ne se rapporte pas forcément à des choses de l’ordre du rationnel mais de l’ordre de l’affect (jeune, sympa, cool…), comme sur Instagram ou TikTok avec Macron se prenant en selfie vidéo ou Marine le Pen chantant du Dalida. Qu’on le veuille ou non, cela à un impact sur notre vote (Hugo Decrypte, 2022). Certains processus, passant souvent inaperçus, sont employés par les équipes de campagne pour influencer et de manipuler les choix des votants. Des techniques comme l’astroturfing encouragent le repartage d’une information, sans vérification de source, pour la rendre spontanée et ainsi renforcer sa crédibilité. Cette propagande via les réseaux sociaux sera une menace grandissante pour les futures élections, si nous n’éveillons pas la conscience des votants à l’égard des pratiques employées et si nous n’éduquons pas les électeurs sur les données qu’ils partagent, qu’ils likent ou qu’ils suivent. On constate que le débat ne porte plus principalement sur le fond mais sur la forme et que, entre punchlines et fake news, les réseaux sociaux sont adaptés à ce nouveau genre de communication. Une tendance qui va certainement s’accélérer sur les prochaines élections.

Chloé Sangiorgio

Références

AFP, (2022) . [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-comment-les-reseaux-sociaux-bousculent-la-campagne-31-10-2021-3OVRHGGXUFANNI6IWXWXXBZHX4.php [Accedé le 1 Mai 2022].

Bresson, V., 2022. Au cœur du Z. ed. Goutte d’or.

Corsan, O., (2022) . [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-comment-les-reseaux-sociaux-bousculent-la-campagne-31-10-2021-3OVRHGGXUFANNI6IWXWXXBZHX4 [Accedé le 1 Mai 2022].

Grandin, J., 2022. La présidentielle se joue aussi sur les réseaux sociaux. Les Echos, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle/la-presidentielle-se-joue-aussi-sur-les-reseaux-sociaux-1399033 [Accédé le 27 April 2022].

Hasson-Fauré, N., 2022. Présidentielle 2022. « Comment les candidats à l’élection présidentielle utilisent-ils les réseaux sociaux ? ». Ouest France, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-02-14/comment-les-candidats-a-lelection-presidentielle-utilisent-ils-les-reseaux-sociaux-65a2c6dd-dd8f-4d5e-bc28-5d305cf758ad [Accédé le 25 Avril 2022].

Hugo Decrypte, (2022). Le Master SIREN invite Hugo Decrypte. Université Paris-Dauphine, 26 Avril 2022.

Ma, A. et Gilbert, B., 2019. Facebook understood how dangerous the Trump-linked data firm Cambridge Analytica could be much earlier than it previously said. Here’s everything that’s happened up until now.. Business Insider, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.businessinsider.com/cambridge-analytica-a-guide-to-the-trump-linked-data-firm-that-harvested-50-million-facebook-profiles-2018-3?r=US&IR=T [Accédé le 25 Avril 2022].

Philipps, G., 2022. Les réseaux peuvent-ils destabiliser l’élection ?. France Culture, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.franceculture.fr/politique/presidentielle-2022-les-reseaux-peuvent-ils-destabiliser-lelection [Accédé le 27 April 2022].

Rousset, A., 2018. Comment Cambridge Analytica a repéré les électeurs de Trump grâce à leurs vêtements. Les Echos, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle/la-presidentielle-se-joue-aussi-sur-les-reseaux-sociaux-1399033 [Accédé le 27 April 2022].

Saltiel, F et Théviot, A,. 2022. Les réseaux sociaux peuvent-ils faire basculer une élection ?. Le meilleur des mondes. [Podcast]. [Accédé le 22 April 2022]. Available from: https://www.franceculture.fr/emissions/le-meilleur-des-mondes/les-reseaux-sociaux-peuvent-ils-faire-basculer-une-election.

Tran, S., 2022. Présidentielle 2022. « L’espace télévisé n’est plus l’espace naturel où va se déployer la campagne ». Ouest France, [EN LIGNE]. /, /. Disponible via : https://www.ouest-france.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-l-espace-televise-n-est-plus-l-espace-naturel-ou-va-se-deployer-la-campagne-e1300368-7308-11ec-b5e2-f1d665483d2a [Accédé le 25 Avril 2022].

Patagonia, quel marketing pour une entreprise engagée ?

Patagonia est une entreprise de vêtements techniques de sports de montagne et de surf. La marque peut-être considérée comme haut de gamme du point de vue des prix et de la qualité, comptez 40 euros pour un tee-shirt et 200 pour une doudoune légère. 

La proposition de valeur de Patagonia réside dans son engagement pour l’environnement. Les produits sont éco-conçus, c’est-à-dire qu’ils utilisent des matières recyclées ou bio, l’énergie utilisée est 100% renouvelable en Amérique du nord et l’entreprise investit 1% de son chiffre d’affaires auprès d’associations locales et d’initiatives sociales et environnementales. 

Si elle n’est pas la seule à adopter cette position éco-friendly au sein de l’industrie du textile, Patagonia n’a pas eu à changer sa nature et son identité pour y intégrer une dimension écologique. En effet, la marque s’est construite autour du respect de l’environnement depuis sa création en 1957. En 1988, elle lançait sa première campagne environnementale en Californie, en 1992, année du sommet de la terre de Rio, la marque développait un programme d’étude d’impact écologique des produits et abandonnait le coton traditionnel pour du bio. En somme, impossible de reprocher à Patagonia un virage écologique opportuniste poussé par un marketing à l’écoute de la demande. 

Cependant, être avant-gardiste et “green-by-design” ne garantit pas le succès. À l’heure du greenwashing, difficile de démêler le vrai du faux. 

Pour rester fidèle à ses principe, et se démarquer par ce qui fait sa force, son engagement écologique, Patagonia a fait le choix de la transparence. Allant jusqu’à publier une pleine page dans le New York Times lors du Black Friday 2011 arborant le slogan Don’t buy this jacket (“n’achetez pas cette veste”) au dessus d’une photo d’une veste de la marque. Opération couronnée de succès, l’entreprise se démarque des stratégies de greenwashing “conventionnelles” et fait parler d’elle en touchant son cœur de cible, les gens ayant une sensibilité écologique appartenant aux catégories socio-professionnelles supérieures, susceptibles de lire le New York Times. 

Je me suis penché sur leurs réseaux sociaux pour comprendre comment Patagonia a entretenu sa réputation et construit une communauté autour de la lutte contre le dérèglement climatique.

Lutter contre la société de consommation en vendant des vêtements, un exercice d’équilibriste

Patagonia est dans une situation unique : il lui faut vendre des vêtements sans pouvoir les promouvoir directement. En effet, la marque s’est construite autour de valeurs écologiques fortes, à l’image de sa devise : “We’re in business to save our home planet” (« nous sommes dans les affaires pour sauver notre planète natale »). Prôner une consommation responsable en vendant des produits manufacturés oblige à être irréprochable et empêche tout type de promotion “agressive” comme les soldes et autres réductions ou les partenariats avec d’autres marques et organisations moins engagées. 

Cette politique se traduit sur les réseaux sociaux de la marque par une absence totale de promotion directe des produits. À la place, on retrouve sur Instagram 11 comptes Patagonia certifiés et une autre dizaine non certifiés mais reconnus comme officiels. Ces comptes offrent des propositions de contenus différentes à travers une segmentation intelligente. En dehors du compte principal “Patagonia”, il existe un compte par sport pour lequel la marque créé des vêtement, des comptes correspondant aux différentes régions ainsi que des comptes liés au type de vêtement. 

Le choix d’avoir autant de comptes sans promouvoir de produit directement reflète la mentalité de la marque de se reposer sur le bouche à oreille numérique et de rares publicités bien ciblées pour diffuser son offre.

Avoir de nombreux comptes implique d’être capable de créer beaucoup de contenu autour de la marque. Pour ce faire, Patagonia se repose énormément sur le User Generated Content (UGC).

Le User Genrated Content, sur Instagram consiste dans l’immense majorité en du partage de photographies prises dans l’action. En identifiant les différents comptes de la marque associés à la photo postée par un sportif, par exemple @patagonia_climb et @patagonia_europe pour une photo d’escalade alpine, celui-ci  propose implicitement à la marque de reprendre l’œuvre à son compte. Ce qui ne manque pas, de plus, la marque propose à l’auteur de la photographie de choisir la description de la photo repostée, souvent un témoignage personnel poétique et inspirant. Si la photo a du succès sur les comptes spécialisés de la marque, elle sera peut-être reprise par le compte principal @Patagonia et ses 4,8 millions d’abonnés.

Voir sa photo reprise par la marque mythique des sports de montagne et du surf est en soi un aboutissement pour nombre de sportifs, cette stratégie de mettre en valeur le User Generated Content est un moyen d’avoir du contenu régulier mais aussi de développer une communauté investie. Sur tous ses réseaux sociaux, la marque ne manque d’ailleurs pas de répondre à de nombreux commentaires et à les liker.

Le Brand Content au coeur de la communication d’une marque-média

Néanmoins le vrai atout de la communication de Patagonia réside dans le contenu qu’elle est capable de produire. Patagonia constitue en elle-même un véritable média écologique, qui produit des documentaires inspirants associant des sportifs à des grandes causes. Le dernier exemple en date est celui de Martin Johnson, que l’entreprise de textile à accompagner dans sa course de 40 heures le long de la Tamise pour célébrer l’intégration de la communauté afro-américaine dans le trail.  

Cette approche de co-création entre communauté et marques de vêtements techniques est très répandue dans le secteur. Cependant la valeur ajoutée écologique de Patagonia lui permet d’aller plus loin que le reportage sportif en dénonçant au travers de ces productions, disponibles sur youtube et sur le site gratuitement, ou en mettant en avant des associations environnementales pour lesquels la marque finance des projet à hauteur de 1% de son chiffre d’affaire chaque année. 

L’objectif de la marque, qui co-produit également des livres autour du sport et de l’écologie disponibles sur son site, est de devenir un véritable média écologique pour transformer une simple veste en expérience complète et engagée. Vous n’achetez pas seulement un tee-shirt à 50 euros, vous faites partie d’une communauté qui compte des grands sportifs et des militants pour le climat. Et ce pour la vie, car Patagonia met en avant la durée de vie des produits à travers les cinq “R” : Reduce, Repair, Reuse, Recycle, Reimagine, qui correspondent à des actions menées par la marque vis-à-vis de sa communauté pour augmenter la durée de vie des vêtements.

« Le commerce a un rôle à jouer, mais ce n’est qu’un levier. Nous devons utiliser tous les outils à notre disposition pour assurer un avenir plus sûr et plus juste. »

Ryan Gellert, CEO

Des plateformes pour animer la communauté

C’est dans cette optique que Patagonia a développé la plateforme Worn Wear qui permet aux détenteurs de vêtements de la marque de les revendre en magasins une fois portés assez longtemps, d’acheter des pièces réparées par la marque ou de se les échanger. À travers cette plateforme, l’entreprise contrôle une partie du marché de la seconde main, et peut réaliser de nouveaux bénéfices sur d’anciennes pièces.

Patagonia Action Works est une autre plateforme de la marque qui met en relation la communauté avec des organisations qui luttent pour la préservation de l’écosystème. En tant que média, cela permet à Patagonia de dépasser sa condition “naturelle” de marque pour devenir un intermédiaire social et environnemental. En aidant les gens à trouver des bonnes actions à réaliser près de chez eux, Patagonia en apprend plus sur ce qui tient le plus à cœur à ses adeptes les plus engagés, information qui guide naturellement les choix de brand content à venir et les engagements de la marque. 

La dépendance à l’irréprochabilité, limite du modèle Patagonia ?

La marque mythique des sports de montagne n’a jamais connu un succès équivalent à celui qui l’entoure en ce moment. Elle a su bénéficier de l’intégration de l’escalade aux jeux olympiques, à l’effervescence autour de la course à pied et du trail et bien entendu à la sensibilisation du monde aux enjeux environnementaux. Cependant, à l’heure où tout se sait et où les réseaux sociaux savent se montrer impitoyable, notamment envers le greenwashing, Patagonia marche sur des œufs et sa notoriété grandissante en fait une plus grosse cible. 

Savoir réagir aux scandales, vrais ou faux, qui ne manqueront pas d’éclater sera une clé de succès pour entretenir la désormais large communauté de la marque. Néanmoins ce défi n’est pas inconnu. En 2015, l’association Four Paws avait dénoncé l’utilisation de duvet issu d’oie vivantes et gavées. Patagonia avait joué la carte de l’honnêteté en se séparant de son fournisseur mis en cause et en mettant un plan d’action pour s’assurer de la provenance de son duvet, néanmoins le scandale a coûté cher en image et en ressources.

Sources

Félix Rougier

Luxe et réseaux sociaux, deux univers incompatibles ?

On pourrait penser de prime abord que le luxe et les réseaux sociaux sont deux concepts aux antipodes. En effet, le luxe représente un monde traditionnel, presque inaccessible tandis que les réseaux sociaux symbolisent la modernité, les nouvelles technologies et ont surtout vocation à toucher un large public. De fait, l’univers du luxe, jusqu’à présent réticent à ce changement, a pris beaucoup de retard dans sa transition digitale.

Les marques de luxe ont donc dû adapter leur stratégie de communication pour toucher une audience plus importante en démocratisant leur contenu grâce à un storytelling davantage universel. L’enjeu majeur auquel ces marques ont pu être confrontées est de trouver la juste combinaison, à savoir comment sembler accessible tout en restant inaccessible ? La grande difficulté à donc été de se positionner sur le même plan que leurs concurrents plus « mainstream » tout en gardant les valeurs intrinsèques au luxe. Il a donc été nécessaire de casser certains codes pour gagner en visibilité sur les plateformes et ainsi courtiser de nouveaux clients.

Les accélérateurs de cette transition

Différents facteurs ont poussé les marques de luxe à se lancer dans l’univers digital en soignant leur représentation sur les réseaux sociaux. En effet, avec la pandémie ainsi que l’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs tels que les jeunes et la clientèle asiatique, les marques ont dû s’adapter à un changement drastique dans les habitudes d’achat des consommateurs de luxe.

Le marché asiatique

Dans un premier temps, on remarque depuis quelques années un fort attrait pour le luxe dans les pays asiatiques, notamment la Chine qui représente aujourd’hui 21% de la part de marché mondiale du luxe. Pour plaire à cette nouvelle clientèle très avancée sur la plan technologique, le luxe a donc dû accélérer sa transition digitale. Les réseaux sociaux vont également avoir une place très importante au sein de la jeune génération asiatique avec l’arrivée d’un nouvel état d’esprit dans l’habillement, le « to be seen on screen », c’est-à-dire être parfaits à l’image, avoir un look « instagramable ». Les designers doivent donc réfléchir à la manière de rendre chaque pièce plus photogénique en retravaillant les matières, les couleurs, les graphismes, …

Les jeunes 

Actuellement les générations Y et Z représentent environ 60% du marché du luxe et pourraient atteindre 70% d’ici 2025. Ainsi, ce secteur va devoir s’adapter aux nouvelles exigences, comportements, usages et habitudes de ces consommateurs. La caractéristique de cette génération est qu’elle affiche énormément sa vie sur les réseaux en montrant ce qu’elle fait, ce qu’elle aime ou encore ce qu’elle achète. Ils suivent énormément de créateurs de contenu et sont très influencés par ces derniers.

Le Covid

Enfin, le Covid a également joué un rôle dans le changement de comportement des individus. Depuis la propagation du virus, les questions d’éthiques et de développement durable semblent plus que jamais influencer les comportements d’achat. L’expérience en boutique, mais aussi tous les évènements tels que les défilés, les cocktails, les privatisations ont été interdis et ont donc amené les marques de luxe à se réinventer pour continuer à rester en contact avec sa clientèle. De fait, les investissements en stratégie d’influence ont fortement progressé.

Luxe et influence

Les réseaux sociaux viennent offrir un large éventail d’outils marketing afin d’attirer ces nouvelles cibles et convenir aux nouveaux modes de consommation de ses clients. Ainsi, le but des réseaux sociaux pour une marque de luxe ne va pas être de vendre directement ses produits sur la plateforme, mais plutôt de soigner son image et surtout sa e-réputation. Ils apportent un nouveau souffle qui permet de rajeunir leur image, de gagner en transparence afin de sensibiliser plus sur certains enjeux.

Soigner sa e-réputation afin d’attirer les jeunes

A la différence des consommateurs de luxe traditionnels, les jeunes vont être très sensibles aux problématiques liées à l’environnement, l’éthique ou encore la diversité. Ainsi, c’est dans l’intérêt des marques de luxe d’utiliser cet outil numérique afin de promouvoir ces valeurs dans sa communication sur les réseaux. Ceci pourra également être l’endroit où la marque pourra faire preuve de transparence en montrant, par exemple, comment sont confectionnés ses produits au travers de vidéos (voir « focus sur Lena Situation »). La stratégie de certaines maisons à l’instar de Moncler ou encore Valentino est d’afficher clairement des messages forts pour promouvoir l’éthique ( comme suppression de la fourrure pour la protection animale) de la marque ainsi que leur démarche éco-responsable.

Le choix des influenceurs et marketing d’influence

L’ère des égéries (top modèles, actrices, …) a fait place à celle des influenceurs. Ce choix n’est plus directement imposé par la marque mais par une synergie entre popularité et éthique. L’influenceurs doit véhiculer des valeurs que partage la marque, mais qui sont également en accord avec sa propre ligne éditoriale. Il faut donc réussir à trouver une triple symbiose entre la marque, l’influenceur et sa communauté.

Pour toucher à la fois les générations Y et Z, les marques de luxe vont devoir sélectionner avec soin les influenceurs afin qu’ils continuent à porter l’image et les valeurs de la marque. Le markéting d’influence va donc être utilisé par les maisons de luxe comme un outil phare de leur stratégie de communication sur les réseaux sociaux. A titre d’exemple, aujourd’hui Dior n’hésite pas à inviter des influenceurs à ses défilés, auparavant réservés aux célébrités ou personnalités mondiales (exemple : Lena Situation, Paola, …  ) .

Le choix de ses influenceurs ne va pas se faire au hasard. Les marques vont devoir choisir des personnalités en accord avec les aspirations des jeunes en combinant de manière subtile les méga, macro et micro-influenceurs. Les top influenceurs vont venir contribuer à renforcer l’image et la notoriété de la marque tandis que les macro et micro-influenceurs vont davantage se focaliser sur un objectif d’engagement et de confiance, permettant de gagner en authenticité. Créant ainsi une relation bilatérale, dans la mesure ou la notoriété de l’influenceur varie en fonction du prestige de la marque.

In fine, les influenceurs permettent de montrer à leur audience des produits et services afin de démocratiser ce secteur autrefois perçu comme exclusif et trop fermé. A l’inverse des célébrités, les influenceurs possèdent une relation plus intime avec leur communauté. Ceci permet de donner de la valeur aux marques grâce aux recommandations faites par les influenceurs jugés comme étant légitimes et authentiques.

Par ailleurs, on remarque que lorsqu’une marque fait appel à un influenceur pour promouvoir l’un de ses produits, ceci sera davantage un produit accessible tel que du cosmétique ou encore un parfum, plutôt que des sacs ou du prêt-à-porter. L’influenceur crée ainsi une clientèle de primo accédant qui pourra ensuite se familiariser et s’intéresser à une gamme plus élevée.

Focus sur Léna Situation & Chiara Ferragni

Sans aucun doute, on peut dire que la bloggeuse et styliste Chiara Ferragni a été la pionnière dans le marketing d’influence en étant l’une des premières personnalités à faire des collaborations avec les plus grandes marques de luxe. Déjà en 2018, la maison de haute couture Dior a pu sponsoriser son mariage. Selon l’agence Launchmetrics, l’impact médiatique du mariage est estimé à 5,6 millions de dollars, et la photo de sa robe de mariée a été likée plus de 2 millions de fois sur son compte Instagram.

Du côté français, on peut s’accorder à dire que l’influenceuse la plus populaire du moment est Lena Situation, très médiatisée depuis 2020. En seulement 2 ans, la créatrice de contenu a déjà eu l’opportunité de faire des collaborations avec les plus grandes marques de luxe telles que Balmain, Miu Miu ou encore Dior. Ainsi, sur la chaîne Youtube de Lena il est possible de retrouver un contenu exclusif comme la présentation des ateliers Dior ou encore de nombreux défilés de mode.

Les réseaux sociaux comme nouvel outil de vente

Les réseaux sociaux dans l’avant et après-vente

Les réseaux sociaux vont intervenir à différentes étapes dans le cycle d’acquisition d’un produit de luxe. Tout d’abord, ils vont jouer un rôle majeur dans la découverte d’un produit. De ce fait, lors du lancement d’une nouvelle gamme de produit, les marques de luxe ne vont pas hésiter à faire appel à des influenceurs pour la faire découvrir à sa communauté. On pourrait par exemple citer la campagne de Lancôme avec la sortie de son nouveau parfum « la vie est belle – l’éclat ». De plus, les influenceurs modes sont également suivis par leur communauté comme étant des modèles dans leur style vestimentaire. Ainsi beaucoup de marques vont faire du « gifting » pour qu’un influenceur porte son produit et ainsi donne envie aux individus de sa communauté d’acheter cette pièce pour faire le même look.

Ensuite les réseaux sont également très importants dans la phase d’avant-vente, lors de la prise de décision. En effet, les réseaux sont le terrain parfait pour trouver des avis sur un produit, et voir comment il rend dans « la vraie vie ».  

Offrir une nouvelle expérience

Enfin, les réseaux sociaux permettent d’étendre l’expérience luxe au delà du monde physique. On  a beaucoup vu ces dernières années des marques de luxe faisant appel à la réalité augmentée. On pourrait par exemple citer Dior qui s’est associé à Snapchat pour lancer ses nouvelles sneakers B23 avec la création d’un filtre où l’utilisateur a la possibilité d’essayer ses chaussures de manière virtuelle.

Margaux Tournois

Sources :

Léontine Parolini, L’industrie du luxe et les influenceurs : un combo gagnant, Mai 3, 2021

#TheFerragnez | L’impact digital du mariage de Chiara Ferragni & Fedez, Sep 06, 2018

Carine Zanchetta, Luxe et marketing d’influence : une union dans l’air du temps Jun 22, 2021

Caroline Boudehen, Comment les jeunes et riches Chinois bousculent le marché du luxe Mai 13, 2021

Le luxe face au défi des réseaux sociaux, Juil 31, 2017

Les réseaux sociaux créent-ils une dépendance et quels en sont les effets notamment chez les jeunes? 

De nos jours, les jeunes se tournent et s’investissent fortement dans toute plateforme. Elles permettent d’établir des liens entre les différents utilisateurs mais elles permettent aussi d’intégrer certains groupes. Il est largement admis que les réseaux sociaux peuvent être une arène dans laquelle les jeunes se connectent et interagissent de manière compulsive. Par exemple en 2016 une plateforme tel que Facebook connaissait une influence quotidienne de 1.09 milliard d’utilisateurs actifs. 

La société actuelle connait un réel essor de l’ensemble des technologies. La population est constamment à la recherche d’outil plus petits et plus performants. Dorénavant les téléphones portables sont de réels ordinateurs, et ils permettent d’avoir un accès permanent aux différents médias sociaux. L’ensemble de ces technologies a donc créé une réelle dépendance de la population vis-à-vis des réseaux sociaux. Ces addictions sont dues au fait que sur les différents réseaux sociaux l’utilisateur joue un rôle actif dans la création du contenu. Cette participation accrue des membres permet de créer et de renforcer les différentes expériences. Le fonctionnement de ces différentes plateformes repose en grande partie sur les interactions auxquelles participent les différents utilisateurs. Celles-ci peuvent donc être à l’origine de certains effets négatifs, notamment sur la santé mentale de la jeune population. On trouve souvent : des pensées suicidaire, une baisse de l’empathie, une hausse de la solitude, etc. 

Aux États-Unis la RSPH (Royal Society for Public Health), à mener une étude auprès d’un large panel d’adolescent en 2017 afin d’étudier les effets de cette sur exposition. Tout d’abord, ils ont remarqué que 91% des personnes entre 18 et 24 ans utilisent internet afin d’avoir accès aux réseaux sociaux. 

Lors de cette étude, la population interviewée assure que les grandes plateformes telles que Facebook, Twitter, Instagram et Snapchat créent un réel sentiment d’anxiété, ce qui peut entrainer d’autres conséquences néfastes. Ce sentiment d’inquiétude, peut mener à une déscolarisation des jeunes, à un isolement, etc. Cette étude montre notamment que les jeunes qui sont exposés plus de deux heures par jour sur ces réseaux sociaux, sont plus enclin à l’anxiété. 

Le sentiment d’anxiété ou de dépression, peut être lié au fait que les jeunes individus postent des photos de leurs vacances ou de leurs soirées. Au vu de cette exposition de la vie privée certaines personnes peuvent trouver leur vie comme étant banale et sans réel intérêt.  

De plus, les médias sociaux sont des lieux où l’on cherche à montrer la perfection (une vie personnelle parfaite, un physique parfait). Cette quête peut être la source de perte de confiance en soi, de dépression ou encore d’anxiété, car les personnes n’ayant pas cette vie peuvent tout remettre en question. Au Royaume Unis près de 80 000 jeunes sont en dépression, suite à l’utilisation des réseaux sociaux. Cette maladie psychique, peut apparaître lorsque les jeunes sont connectés plus de deux heures par jour sur les réseaux. Le fait d’être constamment joignable, rend les utilisateurs enclins à diverses pressions. Certaines études ont même cherché à prédire si une personne était dépressive ou non en fonction de ses publications. La prédiction de l’état dépressif d’une personne s’est élevée à 70% en se basant uniquement sur les Tweets d’une personne. D’après l’OMS la dépression est une des principale cause d’incapacité, et celle-ci peut mener au suicide, qui est la deuxième cause de mortalité chez les 15-29 ans. 

Une surexposition et une dépendance vis-à-vis des réseaux sociaux, peuvent déclencher d’autres effets néfastes sur la santé mentale des jeunes. En effet, une mauvaise santé mentale peut avoir pour conséquence d’avoir un mauvais sommeil, et un sommeil perturbé peut lui aussi avoir des répercussions sur la santé mentale des individus. Un sommeil agité peut être à l’origine d’hypertension, d’obésité ou encore de diabète. Le fait de consulter nos réseaux sociaux avant d’aller se coucher peut-être à l’origine d’un sommeil perturbé. Cela est dû au fait que le cycle cérébral va être perturbé suite à cette surexposition aux écrans. Notre cycle de sommeil sera donc décalé, et les individus dormiront moins. De plus certaines études montrent que près d’un jeune sur cinq se réveille pendant son cycle de sommeil afin de consulter ses messages sur les différentes plateformes. Cette action perturbe encore plus le sommeil notamment chez les jeunes. Cela aura des répercussions le lendemain, car un sentiment de fatigue permanente sera exprimé par le corps. 

Les réseaux sociaux restent un mode de communication très porté sur le physique des individus. On cherche à atteindre la « perfection ». Les jeunes ont donc une image négative de leur corps, car ils se comparent sans cesse à des individus qui selon eux ont le physique idéal. Sur Instagram par exemple plus de 100 millions de photos et vidéos sont publiées chaque jour et plus de 500 millions de comptes utilisent la story Instagram chaque jour. L’ensemble de ces contenus permet aux jeunes de se comparer sans cesse. Environ neuf jeunes adolescentes sur 10 sont insatisfaites de leurs corps. Cette insatisfaction pousse les jeunes adolescents à avoir recours à la chirurgie esthétique (environ 70 % des 18-24 ans envisageraient de subir une intervention de chirurgie esthétique). Dorénavant, les jeunes ne vont plus chercher à être eux-mêmes, mais ils cherchent à ressembler aux autres, afin d’être «accepté» par la société qui les entoure.  

Un autre fait marquant suite à la surexposition aux réseaux sociaux, peut être le cyber-harcèlement ou l’intimidation en ligne. Les jeunes sont dorénavant en contact quasi-permanent les uns avec les autres. Cette interaction constante permet à certains de continuer leurs intimidations même lorsqu’ils ne sont pas en contact direct avec la personne.

Ces nouvelles formes de communication, permettent de diffuser des photos ou vidéos rapidement et à grande échelle, ce qui peut chambouler la santé mentale de la victime. Le cyber-harcèlement est aussi présent sur les réseaux sociaux du fait de la possibilité d’anonymat. D’après une étude publiée dans l’Encéphale, sur 272 personnes interrogées, 95 personnes (soit 35%) affirment avoir été victime de cyber-intimidation au moins une fois. Cette étude est basée sur la moyenne d’âge des 12-22 ans. 21% de ces 95 personnes disent souffrir de dépression sévère, 15% se disent anxieux, et d’autres éprouvent d’autres troubles mentaux. Ces cyber-harcèlements peuvent prendre différentes formes : des commentaires négatifs ou des messages privés directement. Ce type d’intimidation est d’autant plus dangereux, que les différentes plateformes ne réagissent que très rarement au signalement de ces contenus (afin de les supprimer). D’après une étude menée par Centre pour contrer la haine numérique (Center for Countering Digital Hate) les plateformes telles que Facebook, Twitter ou Instagram ne sont que trop peux réactives au vu de ces contenus, car ils ne suppriment que 16% des publications antisémites (soit 84% des contenus qui ne sont pas retirés de la plateforme). 

Enfin, la montée en puissance des réseaux sociaux, a fait émerger un nouveau courant qui est « la peur de manquer » (Fear of Missing Out). Le terme FoMO désigne la peur de rater un événement social ou quelque chose d’agréable qui se déroulerait sans l’individu. Afin de ne rien manquer ces individus doivent être constamment connectés sur les réseaux sociaux. La peur de manquer peut-être la source de baisse de l’humeur ou de perte de satisfaction dans la vie. 

Nous pouvons donc conclure qu’avec une croissance continue de la possession de notre société de téléphone portable, de tablettes et d’autres appareils électroniques, ainsi que l’essor des diverses applications ainsi que le développement de la technologie en elle-même, la dépendance vis-à-vis des réseaux sociaux doit-être et restera une préoccupation majeure. Une telle addiction peut avoir des effets quasiment irréversibles sur la santé mentale des jeunes. En effet, cela peut mener à un décrochage scolaire, des automutilations ou encore une dépression. C’est pour cela qu’une mise en garde ainsi qu’une prévention concernât les risques des surexpositions aux médias sociaux doit être effectuée auprès des jeunes. Les différents réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter et Instagram, doivent aussi s’impliquer dans la protection de leurs utilisateurs. Un contenu étant signalé comme étant négatif, doit être retiré de la plateforme, un utilisateur ayant été trop de fois signalé au vu de son contenu doit être banni de réseau social. Les jeunes doivent donc être accompagnés afin d’avoir une utilisation optimale de ces différents médias sociaux. 

Oscar PERRIN

Sources:

  • L’Encéphale: https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013700612000097?casa_token=NSmtDM4B8p0AAAAA:RiujOSM3XhYVZpQuc5RqUrOU_6RSoaQg1IzEkjS-5262_wrakFcYJ2g9PyNQOtR34H4LJGYBlfA

Snapchat Shows : de nouvelles opportunités publicitaires ?

Apparus en novembre 2018, les « shows » sont des programmes vidéo quotidiens ou hebdomadaires que l’on peut retrouver dans l’onglet Discover de Snapchat. D’une durée comprise entre 3 et 7 minutes, ils combinent la volonté de proposer du contenu plus scénarisé tout en participant à la tendance des formats courts. Les annonceurs étant de plus en plus friands de la publicité sur les réseaux sociaux, quels sont les arguments de Snapchat pour les convaincre ?

Les shows au coeur du Discover

Format vertical s’imbriquant dans une série composée plusieurs épisodes, les shows Snapchat sont proposés par des éditeurs et abordent plusieurs sujets : actualité, société, cuisine, sport ou encore beauté. Contrairement aux éditions publishers également présents dans le Discover, les shows ne disparaissent pas après 24h. Proposés exclusivement par une cinquantaine de partenaires media sélectionnés par Snapchat, ils ne sont donc pas (encore) accessibles en termes de production au grand public, ni aux autres créateurs de contenu.

Les partenaires éditoriaux de Snapchat, dans la rubrique Discover

Chaque show est scénarisé, planifié en termes de fréquence et d’audience par l’éditeur, et ensuite validé par le réseau social. Il de se focaliser sur un thème ou un angle, moins développé dans les éditions publishers. Par exemple, « Témoignage » par Cosmopolitan propose chaque semaine un épisode de 300 secondes d’une prise de parole face relatant tabous persistants dans la société (troubles psychiatriques, violences, handicap etc.).

Avec une durée de quelques minutes, les éditeurs (et Snapchat) ont la volonté de créer de nouveaux rendez-vous, afin de créer de la fidélité et augmenter le temps passé sur l’application. Avec des formats courts, ils ont la volonté de séduire les générations, notamment habituées à la courte durée des Tiktoks et des Reels Instagram. La proposition par série permet donc d’installer un réel storytelling et de préserver l’attention de l’utilisateur, avec comme objectif à long terme de développer des fictions ou des mini-séries.

Un reach potentiel non négligeable

Si la motivation des éditeurs réside dans le fait d’informer leur audience, le reach potentiel de la plateforme demeure un très bon argument de vente auprès des annonceurs. En effet, selon Médiamétrie, en janvier 2022 en France, Snapchat comptait 25,2M de visiteurs uniques (+26% par rapport à 2020), et 18,1M par jour (+32% par rapport à 2020). Son score journalier le classe 5e des marques les plus visitées sur internet, derrière Google, Facebook, Youtube et WhatsApp. L’application dépasse Instagram de plus de 3M de visiteurs uniques journaliers alors qu’Instagram compte 10M de visiteurs mensuels de plus au niveau mensuel. Une preuve d’engagement pour Snapchat : un utilisateur est plus susceptible d’ouvrir Snapchat une fois par jour plutôt qu’Instagram.

Cette progression des visiteurs uniques va de pair avec les utilisateurs actifs quotidiens (DAU), qui sont près de 16,6 millions en France et 82 millions en Europe. La diffusion des campagnes publicitaires a ainsi de grandes chances d’atteindre un niveau d’impressions satisfaisant. Le potentiel d’audience de la plateforme est significatif, sachant que le temps moyen/jour d’un utilisateur Snapchat est de 49 minutes, et plus d’une heure pour les utilisateurs entre 15 et 24 ans, le faisant réseau social le plus important en termes de temps d’utilisation. Dans le cas des shows, il faut compter 2 publicités pour 5 minutes de format. Avec un plus grand temps passé pour l’utilisateur, un plus grand nombre d’affichage de publicités est possible.

PureBreak, éditeur géré par Webedia, compte en avril 2020 3,8M de visiteurs uniques. Ses trois shows, « Match ou Next », « Off Screen » et « L’interro Surprise » atteignent une audience de 2,6 millions de spectateurs uniques en moyenne sur la plateforme. Si les annonceurs peuvent craindre une audience trop jeune (spectateurs non-décisionnaires d’achats), Snapchat a récemment diffusé ses audiences, en affichant que 14,9% des audiences touchés par la publicité sont mineurs. Si ce n’est un engagement de transaction, les annonceurs peuvent organiser des campagnes avec pour objectif de la notoriété ou du branding.

Age de l’audience de Snapchat en France, par DataMind, basé sur les rapports de Snap Ads Manager

Des formats publicitaires spécifiques

Avec 2 coupures publicitaires pour 5 minutes de contenu, les annonceurs ont de quoi se positionner sur la plateforme.


Les formats publicitaires sur Snapchat, © Snap Inc

  • Les Snap Ads. GIF animé ou vidéo, cette publicité intervient entre les Snaps présents dans le Discover. Agrémenté d’un CTA (Call To Action) tel que « Voir », « Jouer », « Acheter » ou encore « S’inscrire », ce format permet de générer du traffic ou d’augmenter les téléchargements d’une application, mais aussi d’améliorer le taux de conversion. Bien que les normes de Snapchat acceptent les publicités jusqu’à 3 minutes (idéales pour les teasers ou bandes annonces), le format recommandé est de 3 à 5 secondes, afin de maximiser l’attention de l’utilisateur.
Exemple : Snap Ad de Krys

  • Les Snaps Commercials. Ce format publicitaire est considéré comme premium, car non-skippable pendant 6 secondes, en plein écran et avec le son activité automatiquement. Les annonceurs peuvent décider du placement de leur publicité, avec une réservation de l’emplacement dans le contenu éditorial des shows. Cela leur permet d’obtenir une meilleure mémorisation du message par un meilleur taux de complétion vidéo. Snapchat a communiqué la campagne exclusive de Coca Cola Light Taste, qui a été diffusée exclusivement sur Snapchat pour en mesurer la réelle efficacité. Résultat : taux de complétion moyen de 80%, mémorisation publicitaire de plus de 18 points et augmentation des ventes de 3,6%.

  • Les Collection Ads. Composé d’un carrousel d’images et/ou de vidéos, ce format est utilisé surtout dans un but de conversion pour le e-commerce. Il apparaît entre le visionnage de deux stories, et dans le cas des shows, entre deux épisodes.

  • Les Story Ads. Ces annonces viennent se mélanger aux éditions publishers et aux shows dans le discover. Comme si ces publicités étaient des émissions/contenus à part entière, elles ne s’activent que si les utilisateurs cliquent dessus.

  • Les Dynamics Ads. Ces annonces permettent de mettre en avant des publicités directement avec le catalogue produit de l’annonceur, avec un ciblage et une sélection automatique.

  • La native/partenariat éditorial. Non-gérable directement par Snap Ad Manager, ce format consiste à faire la promotion d’un produit/d’une marque à travers le journaliste qui présente le Show. Les annonceurs passent alors directement par la rédaction de l’éditeur, ce partenariat sera néanmoins toujours validé par Snapchat, car eux-seuls valident scénarios et contenus avant la diffusion.

En ce qui concerne le prix, le réseau social propose deux options : un budget quotidien (minimum de 5€) ou un budget global sur une période définie. Snapchat met à disposition, pour les annonceurs préférant collaborer directement avec leur régie publicitaire et non avec celles des éditeurs, des prévisions d’affichage et du nombre de « Swipe-Up ». Snapchat peut ainsi vendre des emplacements au sein des contenus éditoriaux et entre les épisodes des Shows des éditeurs, en leur partageant 50% des revenus. Cependant, toutes les données récoltées auprès des segments d’audience des publicités vendues par Snapchat leurs sont réservées, et les éditeurs ne peuvent y avoir accès. Du côté des régies publicitaires des éditeurs, les tarifications des formats varient entre 8 et 12€ de CPM (Coût Par Mille).

Pourquoi Snapchat ?

Tout comme ses concurrents, Snapchat propose un ciblage data précis, qui permet de viser des secteurs démographiques, des intérêts ou encore la localisation de ses utilisateurs. A l’instar de Facebook, il propose également des audiences personnalisées qui permettent de créer des Lookalikes, pour cibler des utilisateurs similaires aux clients actuels de l’annonceur. Les différents formats laissent libres les annonceurs pour exprimer leurs créativités, tout comme optimise le temps de ceux qui souhaitent réaliser les campagnes les plus simples possibles (GIF d’images par exemple). Moins populaire auprès des annonceurs, comme Facebook Ad Manager avec Instagram, la concurrence peut également être plus faible sur Snapchat. Argument de taille, l’écosystème éditorial fermé du Discover, avec seulement des partenaires médias, protège des fakes news. En contrôlant le contenu éditorial, Snapchat s’assure d’avoir un environnement sain pour ses annonceurs au sein du Discover. Par ailleurs, Snapchat possède des règles publicitaires assez strictes, avec un encadrement autour des sujets sensibles pour les annonceurs comme pour le public, avec notamment les sites de rencontre, l’alcool, les traitements minceurs, la chirurgie esthétique, les jeux d’argents ou encore les produits financiers.

Cependant, Snapchat possède des contraintes non négligeables. Par exemple, le format vertical, avec très peu de largeur peut contraindre les annonceurs qui ont l’habitude de promouvoir avec des formats horizontaux. En ayant moins d’offres publicitaires pour des normes plus strictes que ses homologues, Snapchat a également des contraintes en termes de possibilités pour les plus petits annonceurs, n’ayant pas nécessairement le budget.

Snapchat est en test pour un nouveau modèle de contenu, les Dynamic Stories, permettant aux articles d’un site de remonter directement en story dans le flux de Discover, avec en swipe up l’accès au site de l’éditeur. Deux problématiques inhérentes à cette démarche : quels seront les impacts sur les formats publicitaires des articles sur les sites, et quid de la présence exclusive des éditeurs partenaires sur le Discover.

Alice Joie

Sitographie

Mapstr : nos bonnes adresses sur le bout des doigts

  • Mapstr, le réseau social français pour partager ses bonnes adresses
Logo Mapstr

Mapstr, produit purement français, est une application permettant de répertorier et d’enregistrer ses adresses coup de cœur, qu’elles soient des restaurants, des bars mais aussi des châteaux ou même encore des Escapes Games. Tout simplement, n’importe quelle adresse ouverte au public.  Apparue sur nos smartphones en juillet 2015, cette application signée Sébastien Caron est un véritable réseau social à la fonctionnalité d’un social bookmarking. En d’autres termes, il s’agit d’un service en ligne qui permet aux utilisateurs d’ajouter, d’annoter, de modifier et de partager des signets, ici des adresses.

Lorsque vous ouvrez l’application, vous êtes toujours accueilli par une carte en plein écran. Vous pouvez vous déplacer et consulter vos précédents tags, et appuyer sur une épingle pour obtenir plus de détails. Vous pouvez filtrer les tags à l’aide du tiroir de tags situé sur la gauche (restaurant, sushi, cocktails, etc.). Et bien sûr, vous pouvez ajouter de nouveaux lieux avec de nouveaux tags et en laissant votre propre commentaire. Mapstr est également un excellent moyen de vérifier les heures d’ouverture, d’obtenir le numéro de téléphone d’un restaurant et bien plus encore.

Captures d’écran de l’AppStore

Mais ce n’est pas tout. L’utilisateur peut également ajouter ses amis, ce qui rend l’application et l’expérience un peu plus sociales. La plateforme a été intelligente et n’a pas ajouté les adresses préférées des abonnés et amis sur la carte de l’utilisateur. Cela aurait pollué tout le travail que l’utilisateur a réalisé pour créer sa carte. Au lieu de cela, il suffit taper sur le nom d’un ami et charger sa carte.

Aujourd’hui, Mapstr c’est plus de 2.5 millions d’utilisateurs, une application disponible en 11 langues mais également une équipe de 9 personnes derrière ce phénomène qui ne fait que gagner en visibilité à travers le monde.

Captures d’écran de l’AppStore
  • Qu’en est-il du marché des plateformes de recommandations en ligne ?

Il est vrai que les fonctionnalités de Mapstr peuvent paraître (et sont) ingénieuses. Beaucoup d’entre nous en sont même facilement arrivés à penser « Mais oui c’est brillant, comment cela se fait que personne n’y ait pensé avant ?! ». Et bien si, d’autres y ont pensé. Seulement, ils y ont pensé, mais différemment.

Tout d’abord, nous avons tout simplement Google Maps lui-même qui propose un service similaire à celui de Mapstr. Avec un compte Google, vous pouvez cartographier des lieux spécifiques et les enregistrer sur votre compte. Ces signets vous permettent de localiser rapidement des restaurants, des commerces ou plus généralement des lieux insolites. Vous pouvez également envoyer un emplacement marqué d’un signet à une autre personne par courrier électronique en copiant simplement l’URL applicable. Cependant, la limite de la concurrence de Google est que le géant est certes un GAFAM, mais pas un réseau social.

Site TechCrunch

Ensuite, nous pouvons également mentionner Yelp. Fondé en 2004, Yelp est un annuaire en ligne populaire permettant de découvrir des entreprises locales, qu’il s’agisse de bars, de restaurants, de cafés, de coiffeurs, de spas ou de stations-service. Vous pouvez effectuer des recherches sur Yelp via son site web ou avec les applications officielles sur les appareils intelligents iOS et Android. Les listes sont classées par type d’entreprise et les résultats sont filtrés en fonction de la situation géographique, de la fourchette de prix et de caractéristiques uniques comme les places en plein air, le service de livraison ou la possibilité d’accepter des réservations. Yelp a un fort aspect social et encourage ses utilisateurs à laisser des avis écrits, des étoiles et des photos de leur expérience avec chaque commerce qu’ils visitent. Chaque compte Yelp possède une liste d’amis qui peut être alimentée en connectant l’application à Facebook et au carnet d’adresses d’un smartphone ou d’une tablette. Les avis publiés sur Yelp peuvent également être commentés par d’autres utilisateurs, tandis que les avis populaires ont la possibilité d’être promus au statut de Yelp Elite. En 2020, Yelp était le premier site d’annuaires publics en ligne et Google avait même proposé d’acheter la plateforme pour la somme de 550 millions de dollars en 2005.

Captures d’écran de l’AppStore

En outre, le réseau social Instagram saura également faire de l’ombre à notre service de cartographie made in France. En novembre 2020, Instagram a lancé une nouvelle fonctionnalité appelée Guides, qui offre à certains comptes un moyen de créer du contenu centré sur des recommandations et des conseils de bien-être. Depuis, Instagram a étendu les Guides à l’ensemble de la plateforme, les ouvrant à tous les utilisateurs et permettant aux marques et aux entreprises de les utiliser plus facilement dans le cadre de leurs stratégies de médias sociaux et de contenu. Les guides Instagram sont une nouvelle fonctionnalité qui permet aux utilisateurs de découvrir et de partager facilement des recommandations, des conseils et d’autres contenus provenant de créateurs individuels, de petites entreprises ou de marques. En utilisant une combinaison de textes et de visuels, les Guides Instagram ressemblent à des articles de blog de type liste et vous aident à créer du contenu approfondi pour vos followers. Bien qu’ils apparaissent dans leur propre onglet distinct de votre flux principal, ils peuvent être découverts sur la page Explore ou par le biais des Instagram Stories et des messages directs. Il est vrai que les recommandations d’adresses n’est pas l’utilité principale d’Instagram, mais il s’agit néanmoins d’un réseau avec une importante communauté fidèle toujours avide de nouvelles fonctionnalités.

Captures d’écran du compte Instagram @leparisdalexis

Tout le marché semble donc être occupé par les Américains. Tout ? Non ! Quelques irréductibles Gaulois résistent encore et toujours à l’envahisseur. En effet, Mapstr est accompagné sur le marché depuis 2019 par Delicously. Cette start-up aussi française propose le même principe : une application sous la forme d’une cartographie afin de trouver des recommandations, uniquement de restaurants cette fois-ci. Attention, à la différence de Mapstr, l’utilisateur n’a pas beaucoup de pouvoir sur l’application. Celui-ci ne peut pas personnaliser la carte. Plus précisément encore, il ne peut pas rajouter lui-même d’adresses (mais seulement en soumettre auprès de l’application) ou ajouter des tags. Il s’agit simplement sur cette application de visualiser les recommandations de restaurants.

Captures d’écran de l’AppStore
  • Vers où se dirige le potentiel de cette plateforme ?

Mais où se trouve Mapstr dans tout cela ? Par son influence croissante, Mapstr a su démultiplier son utilité.  Par exemple, durant la pandémie du Covid 19, l’application a décidé de se mettre au service des petits commerçants. C’est ce qu’explique Sébastien Caron, le fondateur de Mapstr, à BFM Business dans une interview en novembre 2020. Tout au long de cette crise sanitaire, Mapstr s’est donc réinventé et, avec sa communauté grandissante, a décidé de créer des cartes collaboratives où chacun pourrait entrer des informations, en particulier des informations locales pour aider les petites entreprises et leur permettre de mettre en avant leurs services révisés pour faire face à notre nouveau mode de vie. La plateforme avait mis en place une rubrique dédiée aux petits commerçants dans le besoin sur laquelle il était rappelé que tel commerçant proposait le click-and-collecte ou encore qu’un autre proposait le service de livraison. De cette manière, nos petits commerçants préférés ont pu alimenter leur visibilité durant ces temps durs.

Mapstr prend de plus en plus d’importance dans le quotidien de ses nombreux utilisateurs. La plateforme clôturait l’année 2021 avec 44 millions de lieux visités dans l’application, 9.55 millions d’adresses sauvegardées et 3.29 millions de cartes consultées. Mapstr devient également un véritable outil de travail pour de nombreux commerçants qui peuvent désormais suivre leurs statistiques et découvrir leur communauté grâce au lancement de tableaux de bord et à la mise en place de la plateforme VIPstr pour faciliter la mise en relation avec les influenceurs de Mapstr. Aujourd’hui, la carte de Mapstr s’exporte et grandit de façon exponentielle. On peut notamment parler de la carte collaborative créée en 2021 destinée aux commerces français de Sao Paulo ou encore de la carte collaborative créée dans le cadre d’un partenariat entre Mapstr et HomeExchange (une plateforme d’échanges de maisons et d’appartements entre particuliers). On peut rajouter à cela des collaborations avec Konbini Food, Relais & Châteaux, Nike sans oublier ELLE Magazine. Le mois dernier, Sébastien Caron le disait lui-même : Masptr c’était « 3 millions ouvertures de l’appli, 1.2 millions de lieux enregistrés, 5.4 millions de lieux visités, ça fait un sacré mois de Mars. »

Face à ses concurrents aux profils divers et variés, Mapstr apprend à trouver et confirmer sa place en rendant l’expérience des utilisateurs unique à son réseau social : un service de cartographie basé sur la confiance pour recommander, découvrir mais aussi partager avec un cercle privé.

Victoria Kubisa

Sources

Alcouffe, E. (2021). « Nouvelle fonctionnalité « Guides » d’Instagram », Junto. Available at : https://junto.fr/blog/fonctionnalite-guides-instagram/

Bosson, V. (2022). « Où trouver les commerces français à São Paulo ? », Le petit journal. Available at : https://lepetitjournal.com/sao-paulo/communaute/ou-trouver-commerces-francais-sao-paulo-335924

Gailhard, J. (2019). « Mapstr, carte du monde des bonnes adresses : avis et test », Generation Voyage. Available at : https://generationvoyage.fr/mapstr-avis-test/

Lainé, L. (2022). « HomeExchange crée sa carte de bonnes adresses avec Mapstr », L’écho touristique.Available at : https://www.lechotouristique.com/article/homeexchange-lance-sa-carte-de-bonnes-adresses-avec-mapstr

Luczak-Rougeaux, J. (2019). « Mapstr veut devenir le premier réseau social de lieux dans le monde », Tom Travel. Available at : https://www.tom.travel/2019/03/19/mapstr-veut-devenir-le-premier-reseau-social-de-lieux-dans-le-monde/

Unknown (2020). « 15 choses que vous ne savez peut-être pas sur Yelp », News Chastin. Available at : https://news.chastin.com/15-choses-que-vous-ne-savez-peut-etre-pas-sur-yelp/

Les réseaux sociaux menacent votre santé mentale ?

Les réseaux sociaux constituent désormais un moyen de communication et d’échange incontournable. Nous trouvons tous du plaisir à « scroller » et à « texter ». Aujourd’hui, être jeune, c’est être connecté, mais aussi être exposé à cette nouvelle forme de dépendance. Essayez de tenter l’expérience de vous passer de votre smartphone et de vos navigations sur les réseaux sociaux. Vous vous rendrez rapidement compte qu’il s’agit d’une privation et d’un manque difficilement supportable. Votre activité et votre présence sociales s’en trouvent affectées ainsi que votre niveau d’information et suivi de l’actualité. J’en ai tenté l’expérience et c’est une des conclusions que je retiens au bout d’une semaine.

Les réseaux sociaux font partie de notre comportement social. À l’instar de tout autre phénomène social, les abus, le manque d’encadrement et les excès exposent les utilisateurs à des risques et notamment les plus vulnérables parmi eux.

Il s’avère que les adolescents et les jeunes sont les plus grands « consommateurs » des réseaux sociaux. En raison de leur vulnérabilité et de leur usage souvent démesuré de ces médias, ils sont les premiers concernés par les risques qui se traduisent souvent par les troubles de comportement et des troubles mentaux.

Comment se présente la situation en termes d’utilisation des réseaux sociaux et quels risques pour les adolescents et les jeunes ? C’est l’objet de cet article qui essayer d’apporter quelques éléments de réponse.

Les réseaux sociaux : réalité indéniable

En 2022, plus de 4,6 milliards de personnes sont des utilisateurs actifs des réseaux sociaux. Il s représentent 58,4% de la population mondiale et près des trois-quarts (74,4%) de la population âgée de 13 et plus. Cela montre manifestement une nouvelle réalité des comportements sociaux qui s’est diffusée à l’échelle planétaire.

Figure 1 : Population mondiale, internautes et utilisateurs actifs des réseaux sociaux (janvier 2022)

Source : d’après les données de We are social and Hotsuite, Digital 2022: April Global Statshot Report

Le nombre des personnes utilisatrices des réseaux sociaux n’a cessé d’augmenté. Il a évolué à un rythme annuel de 11,6% durant la dernière décennie en passant de 1,72 milliard en 2013 à 4,62 milliards en 2022; rythme dépassant celui du nombre des internautes (8,2% par an) et nettement plus élevé que celui de la croissance démographique mondiale (1,1%).

Figure 2 : Évolution du nombre des internautes et des utilisateurs actifs des réseaux sociaux

Source : d’après les données de We are social and Hotsuite, Digital 2022: April Global Statshot Report

Les jeunes constituent les principaux utilisateurs des réseaux sociaux. Les données montrent qu’en 2022, plus de 45% des utilisateurs actifs des réseaux sociaux sont âgés de 13 à 29 ans. Rappelons que leur poids dans la population totale se situe à moins de 27,6% ce qui montre un taux de pénétration de l’usage des réseaux sociaux beaucoup plus élevé chez les jeunes que pour le reste de la population.

Figure 3 :Répartition des utilisateurs actifs des réseaux sociaux selon le genre et les tranches d’âges

Source : d’après les données de We are social and Hotsuite, Digital 2022: April Global Statshot Report

Les réseaux sociaux impactent la santé mentale

Actuellement, plus de 1 million de nouveaux utilisateurs des médias sociaux sont enregistrés chaque jour, soit 13,5 nouveaux usagers à chaque seconde, dont 6 jeunes.

Les données montrent que l’internaute passe désormais près de 7 heures par jour à utiliser Internet sur tous les appareils. Cela représente environ 40% de sa vie éveillée (si on considère que la personne moyenne dort environ 7 à 8 heures par jour). Plus du tiers du temps de connexion sur internet est consacré à l’utilisation des réseaux sociaux, soit en moyenne 2 heures 27 minutes par jour. Il s’agit d’un comportement social devenu, désormais extrêmement important et qui est susceptible de générer des effets négatifs notamment en matière de santé mentale pour la population la plus vulnérable, à savoir les adolescents et les jeunes.  

D’une manière générale, près d’une personne sur dix vit avec un trouble mental. En effet, une étude réalisée en 2017 a estimé que 792 millions de personnes vivent avec un trouble de santé mentale (dépression, anxiété, trouble bipolaire, etc.). Les jeunes sont les premiers concernés par les troubles de santé mentale : les trois quarts des troubles de santé mentale commencent avant l’âge de 24 ans.  

Les troubles mentaux sont influencés par nos interactions sociales au quotidien . La plupart de ces interactions se produisent via les réseaux sociaux, notamment pendant les confinements qui se sont enchaînés et la période postpandémie de la Covid-19. Aujourd’hui, la possession d’un smartphone est presque universelle, notamment pour les adolescents et les jeunes.

Cette utilisation accrue des réseaux sociaux a des effets négatifs particulièrement pour les adolescents compte tenu des particularités de cette période de la vie de la personne. En effet, à cette tranche d’âge, ils sont particulièrement sensibles aux risques des nouvelles technologies. Pendant l’adolescence, le développement rapide des circuits socioaffectifs du cerveau peut accroître la sensibilité à l’information sociale. Les adolescents utilisateurs des réseaux sociaux sont en quête de récompenses sociales et s’exposent aussi à la pression suscitée par l’évaluation par les pairs.

L’adolescence favorise l’établissement de relations intimes, le développement de l’indépendance par rapport aux adultes et l’exploration de l’identité et de soi. Les réseaux sociaux présentent l’espace le plus attrayant pour les adolescents afin de développer ces différents aspects. En effet, ces réseaux offrent une opportunité singulière en matière d’environnement social et d’espace d’échange d’expériences et d’informations personnelles qui sont disponibles à tout moment avec une échelle d’appréciation quantifiable à travers les « j’aime », les « vues » et les « partages ».

Mais concrètement, comment les réseaux sociaux peuvent-ils affecter notre état mental ? Des activités spécifiques en ligne ont été identifiées comme des facteurs de risque potentiel de problèmes de santé mentale. Citons-en quelques-unes :

  • La cybervictimisation ou le harcèlement en ligne, s’est constamment avéré associé à des taux plus élevés d’automutilation et de comportements suicidaires. Selon une étude effectuée sur des élèves allemands, le harcèlement en ligne, comparé au harcèlement physique et relationnel, est le facteur d’influence le plus important sur la santé mentale des adolescents (d’âge moyen 14,9 ans). Ceci a été expliqué par le fait qu’ils passent beaucoup de temps sur les réseaux sociaux, ce qui renforce des effets psychosociaux profonds, tels que la dépression, l’anxiété et le suicide.
  • Les adolescents se sentent souvent dépassés par ce qui se passe sur les réseaux sociaux et la pression qu’infligent certaines plateformes, notamment Instagram. Une plateforme connue pour n’afficher qu’une parfaite représentation de la vie de ses utilisateurs. Il est en effet beaucoup plus courant pour les jeunes de publier le côté positif de leur journée. Ceci est expliqué par la pression qui accompagne le fait de poster sur les réseaux. Selon une enquête réalisée par Pew Research Center en 2018, environ quatre personnes sur dix (âgés entre 13 et 17 ans) affirment qu’elles ressentent une pression de ne poster que du contenu qui donne une bonne image d’eux ou qui apportera plus de commentaires et de « j’aime ». Par ailleurs, 45% des adolescents disent qu’ils se sentent dépassés par tout le drame sur les médias sociaux. Ils sont particulièrement vulnérables et sensibles au contenu qu’ils consomment chaque jour. Cette sensation peut conduire à des effets beaucoup plus néfastes comme de l’anxiété ou des troubles alimentaires dans le but de construire cette image « parfaite ».
  • L’algorithme des réseaux sociaux est conçu à fin de remonter à l’interface des utilisateurs un contenu qui leur correspond. Cela va donc dépendre des données partagées avec la plateforme en question, les interactions (likes, commentaires et partages) des utilisateurs. D’où vient le « Pour toi » de Tiktok et « Explorer » d’Instagram par exemple. Ceci renforce les biais de confirmation des adolescents qui passent par des périodes difficiles et qui se retrouvent face à des contenus qui appuient leurs pensées négatives. Les utilisateurs des réseaux sociaux se retrouvent donc dans des chambres d’écho qui, à long terme, ont des effets cumulatifs sur leur santé mentale. Il a été prouvé que les jeunes exposés à des contenus comportant un comportement à risque (par exemple la consommation d’alcool ou d’autres substances) peuvent être susceptibles d’engager ces comportements. Le contenu non modéré lié à l’automutilation ou suicide est aussi facilement accessible en ligne, notamment sur Twitter. Des enquêtes ont montré qu’une proportion significative de jeunes hospitalisés pour des tentatives de suicide ou d’automutilation ont été exposés préalablement à des scènes similaires en ligne.

Conclusion : questions et interrogations

En dépit des conclusions irréfutables de plusieurs études et recherches, certaines plateformes refusent d’admettre publiquement les effets générés par leurs réseaux sur la santé mentale des utilisateurs. Citons, par exemple, le cas de Meta qui a constamment minimisé les risques et effets négatifs d’Instagram sur les adolescents et n’a pas rendu publiques ou accessibles ses recherches aux universitaires ou aux législateurs qui l’ont demandée.

Il faut donc se demander si nier les faits minimise les risques auxquels nous sommes exposés ? Sommes-nous condamnés, en tant qu’utilisateurs des réseaux sociaux, à être exposés à ces risques ? Comment atténuer la portée de ce danger sur les populations vulnérables et notamment les adolescents et les jeunes ? Faut-il instaurer une autorité de régulation et de contrôle à l’échelle mondiale ou se fier uniquement à la modération interne des plateformes ? Quel rôle à jouer par le système éducatif ? Cela représente autant de questions que de challenges à relever par les différentes parties prenantes impliquées dans ce nouveau fléau mondial.

Asma Zaafrane

Sources :

  1. Mental Health Myths and Facts|MentalHealth.gov. 2020. Available online: https://www.mentalhealth.gov/basics/mentalhealth-myths-facts.
  2. Consequences of Bullying on Adolescents’ Mental Health in Germany: Comparing Face-to-Face Bullying and Cyberbullying / Baier, Dirk ; Hong, Jun Sung ; Kliem, Sören ; Bergmann, Marie Christine. Source : Journal of child and family studies, 2018-07-18, Vol.28 (9), p.2347-2357
  3. Anderson M, Jiang J. Teens’ Social Media Habits and Experiences. Pew Research Center website. https://www.pewresearch.org/internet/2018/11/28/teens-social-media-habits-and-experiences/#fn-21827-1 Published November 28, 2018. Accessed January 10, 2020.
  4. Moreno MA, D’Angelo J, Whitehill J. Social media and alcohol: Sum­mary of research, intervention ideas and future study directions. Media and Communication. 2016;4(3):50-59.
  5. Nesi J, Prinstein MJ. Using social media for social comparison and feedback-seeking: Gender and popularity moderate associations with depressive symptoms. J Abnorm Child Psychol. 2015;43(8):1427-1438. doi: 10.1007/s10802-015-0020-0
  6. Facebook Knows Instagram Is Toxic for Teen Girls, Company. The wall street journal, By Georgia Wells Follow , Jeff Horwitz Follow and Deepa Seetharaman Follow Sept. 14, 2021 7:59 am ET

Influenceurs et communautés : bouleversement dans nos relations (para)sociales

Il devient presque inutile aujourd’hui de présenter les relations parasociales, tant elles ont fait l’objet d’un regain d’intérêt à l’ère de l’explosion des médias sociaux. Il est pourtant nécessaire de revenir à l’essence même du terme pour comprendre la suite du propos. Après un premier essor dans les années 1950s en parallèle de celui des médias de masse et une formulation du terme par les chercheurs américains en science sociales D. Horton et R. Wohl[1], il revient sur le devant de la scène avec l’apparition de nouveaux acteurs : les influenceurs. Désignant primairement une « relation psychologique unilatérale vécue par quelqu’un qui ressent un lien émotionnel et intime avec quelqu’un qu’il n’a jamais rencontré », le terme prend tout son sens dans l’étude du lien entre un influenceur et sa communauté au même titre qu’il y laisse apparaitre des limites nouvelles. A son apparition au siècle dernier, le but était principalement de mettre un mot sur la fascination que l’on pouvait ressentir face aux stars hollywoodiennes que l’on pouvait voir quotidiennement sur le petit écran de notre salon mais que l’on savait au même moment inatteignable, car socialement très distancée de nous. Les créateurs de contenu, les nouvelles stars d’aujourd’hui, sont alors parvenus, en apparaissant spontanément dans le paysage médiatique moderne, à remettre en lumière cette relation en la reformattant aux normes d’une société comme « horizontalisée » par les réseaux sociaux.

Première vidéo postée sur Youtube en 2005

2005, la première vidéo Youtube est postée sur la plateforme. Presque 20 ans plus tard, ce sont près de 720 000 heures[2] de contenu qui sont postées chaque jour et des milliers de créateurs / micro-entrepreneurs qui ont fait de cette nouvelle activité passion, un réel business. Le phénomène de Youtuber prend de l’ampleur dans les années 2010s pour s’étendre à toute la panoplie de réseaux sociaux actuels – Instagram, Tiktok, Twitch, Twitter, etc. – faisant de ces nouveaux influenceurs, des acteurs éminemment importants pour les utilisateurs, principalement la jeunesse. De leurs collaborations avec diverses marques aux invitations à des évènements prestigieux, ces nouvelles stars n’ont rien à envier aux stars plus « classiques » du cinéma ou de la musique. Ayant construit de bout en bout ce qu’ils nomment souvent leur « communauté » (l’ensemble des gens qui les suivent), ces influenceurs peinent souvent à se définir comme des célébrités et leurs followers comme des fans, tout en en cochant la plupart des cases.

Même s’il était difficilement envisageable, il y a 10 ans de cela, de s’imaginer faire carrière sur les réseaux sociaux, c’est aujourd’hui une réalité. Et cette réalité de célébrité est d’autant plus flagrante qu’elle est assez facilement mesurable par le nombre à côté de leur photo de profil, pouvant monter à plusieurs millions de followers. Suivre de près la carrière de Leonardo DiCaprio ou les posts Instragram de LenaSituations se résume alors au même principe d’unilatéralité, essentiel dans la qualification des relations parasociales. Les influenceurs ne dérogent pas à la règle : malgré l’appellation de « communauté », leurs followers restent cantonnés au rang de « fan ».

Compte Instragram de l’influenceuse LenaSituations

Revenons maintenant à nos relations parasociales. S’il est indéniable que la relation entre un influenceur et sa communauté relève d’une relation parasociale, elle prend une forme assez différente de celle étudiée dans les années 1950s. D’après une étude de Shupel Yan de la Northern Illinois University[3], les relations parasociales sont fortement corrélées à la proximité et la similitude qu’un individu ressent face à la personne qu’il admire. C’est sur ce point précis que la relation va changer. Les influenceurs ont cela de particulier et de nouveau de mettre en avant un contenu plus personnel et intime qui va toucher son audience d’une manière différente. Alors que, précédemment, les relations parasociales semblaient se baser sur de l’admiration pour le talent ou la personnalité de la célébrité, les nouvelles relations semblent davantage construites sur les bases de confiance et de proximités entre les parties. Les stars hollywoodiennes vont alors assez peu évoquer leur vie privée – ou de façon non-consentie par l’intermédiaire de journalistes – alors que les influenceurs auront tendance à partager cela de façon beaucoup plus naturelle, comme on le partagerait à des amis. Le climax de ce phénomène s’illustre parfaitement par les vlog – vidéos de la journée d’un influenceur, permettant à sa communauté une immersion totale dans son intimité. Au fil du temps, l’audience de ces influenceurs développe un sentiment intimiste qui reflète et reproduit les interactions sociales réelles, s’intensifiant à l’obtention d’informations personnelles sur ces célébrités. La frontière entre relations parasociales et simple relation sociale se floute en même temps que les conditions ne sont plus pleinement remplies.

Alors que l’exposition aux contenus des influenceurs est beaucoup plus intense – voir quasi quotidienne – les réseaux sociaux révolutionnent la relation par l’accessibilité accrue à l’influenceur qu’ils donnent à sa communauté. L’asymétrie qui enfermait et isolait pendant longtemps la star à ses fans se rompt en un message privé sur Instagram ou un commentaire sous une vidéo Youtube. Le fan passif devient actif de la construction de sa relation avec sa célébrité. Selon le Dr Cook, « Social media allows the untouchable to become touchable » (les réseaux sociaux permettent à l’inatteignable de devenir attaignable). La relation peut alors sortir du domaine imaginaire car même si le retour n’est pas assuré, l’espoir, lui, est bien présent, et la probabilité bien plus grande. Et même s’il est également possible de contacter Beyoncé en DM, les bases de proximité sur lesquelles se sont construites les relations entre les créateurs de contenu et leur communauté permettent bien plus facilement un échange entre les parties. Les nouvelles technologies ont permis de transformer les interactions parasociales en une représentation plus précise des interactions sociales. Cette simulation d’une amitié réelle est entretenue par les influenceurs – de manière consciente ou non – par l’intermédiaire de rencontres (meet-up), d’incitation à l’interaction (sondage, Q&A, etc.) ou même par l’utilisation du tutoiement lorsqu’ils s’adressent à eux. Les followers cherchent une relation bien différente avec les influenceurs, qu’ils voudraient souvent – et le plus possible – d’égal à égal, allant jusqu’à critiquer les créateurs qui s’éloigneraient de leur communauté en gagnant en popularité.

Vidéo Vlog de l’influenceuse Enjoyphoenix (film de ses vacances partagé à sa communauté)

Malgré l’interaction possible, l’asymétrie reste bien présente. L’influenceur ne peut pas lier une relation d’amitié avec les milliers de personnes qui le suivent sur ses réseaux sociaux. Ces derniers ont ouvert la voie à une nouvelle forme d’interactions parasociale amenant à une perte de conscience du caractère intrinsèquement parasociale de la relation.

Si un doute quant à la qualification de la relation peut persister du côté de la communauté, les influenceurs ont tendance à être plus lucides sur la question, pouvant même profiter de cette opportunité nouvelle. La célébrité offerte à ces créateurs par Youtube ou les autres réseaux sociaux et la proximité particulière créée (comme nous venons de le voir) offrent une crédibilité aux influenceurs que les marques ont très rapidement comprise. Les pseudo-amitiés entre les créateurs et leur communauté résonnent comme la traduction virtuelle d’un bouche-à-oreille (word of mouth) à plus grande échelle, tout en gardant un cadre intimiste. Plus la relation parasociale est intense, plus les produits promus par l’influenceur auront un intérêt pour sa communauté. Ainsi, les liens se complexifient encore davantage, mais il se pourrait que les deux côtés y trouvent leur compte. Si les influenceurs surfent sur leur notoriété acquise par les réseaux sociaux pour se créer un microcosme personnelle et gagner en popularité, la communauté de ces dernier peuvent, malgré l’asymétrie, se satisfaire d’une relation à sens unique qui peut les inspirer, les faire grandir tout en évitant tout rejet ou déception. Le tout est de ne pas se faire duper sur la nature de cette relation.

Sophie PINIER

Sources

Études sociologiques

CACCAMISE Samantha, Parasocial Relationships Are The Social Media Downfall Everyone Is Talking About, octobre 2021, disponible ici : https://stylecaster.com/parasocial-relationships-meaning/

RASMUSSEN Leslie, Parasocial Interaction in the Digital Age: An Examination of Relationship Building and the Effectiveness of YouTube Celebrities, The journal of social media in society, 2008, Vol.7

GLEASON Tracy R., THERAN Sally A., NEWBERG Emily R., Parasocial Interactions and Relationships in Early Adolescence, Department of Psychology, Wellesley College, Wellesley, MA, USA, février 2017, disponible ici : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2017.00255/full

SHUPEL Yan, How Social Media Influencers Foster Relationships with Followers: The Roles of Source Credibility and Fairness in Parasocial Relationship and Product Interest, Journal of interactiv advertising, mai 2020, disponible ici https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/15252019.2020.1769514

Sitographie

PETIT Paulie, Youtubeurs, podcasteurs : nos relations parasociales avec ces amis qui nous ignorent, France Culture [en ligne], septembre 2021, franceculture.fr/numerique/youtubeurs-podcasteurs-nos-relations-parasociales-avec-ces-amisqui-nous-ignorent

Podcast

BERAUD Anne-Laetitia, « Minute Papillon ! » : Du béguin à l’obsession, que sont les « relations parasociales » ?, podcast 20 minutes, octobre 2021, https://www.20minutes.fr/podcast/3153031-20211021-minute-papillon-relations-parasocialesliens-sens-unique-eprouves-celebrite

Vidéo

Cyrus North, Je ne suis pas ton ami., Youtube, 2021 https://www.youtube.com/watch?v=EQaAyHhGc7Y


[1] HORTON Donald, WOHL Richard Mass communication and parasocial interaction: Observations on intimacy at a distance, Interpersonal and Biological Processes, Volume 19, 1956

[2] BOUILLET Stéphane, Les chiffres clés de la plateforme YouTube, Indluence 4you [en ligne], janvier 2020 https://blogfr.influence4you.com/les-chiffres-cles-de-la-celebre-plateforme-youtube-maj-en-2020/#:~:text=On%20compte%20environ%202%20milliards,heures%20de%20vid%C3%A9os%20chaque%20heure

[3] SHUPEL Yan, How Social Media Influencers Foster Relationships with Followers: The Roles of Source Credibility and Fairness in Parasocial Relationship and Product Interest, Journal of interactiv advertising, mai 2020

Twitter : des communautés engagées autour du Esport – Le cas Karmine Corp

La Karmine Corp : c’est quoi ?

La Karmine Corp est une structure d’Esport française formée le 30 mars 2020 par Kamel « Kameto » Kebir, alors déjà connu en tant que streameur. En novembre 2020, il est rejoint à la direction par Amine « Prime » Mekri, notamment connu pour sa carrière sur Youtube et dans le rap. La structure possède plusieurs joueurs professionnels regroupés au sein d’équipes, qui participent à des compétitions concernant les jeux compétitifs League of Legends, TrackMania, Teamfight Tactics et Rocket League dans le but d’atteindre la première place du podium et de remporter des titres ainsi que des prix.

Aujourd’hui, la Karmine Corp est suivie par près de 315 000 personnes sur Twitter, réseau sur lequel elle est le plus active, et par près de 100 000 personnes sur Instagram, mais la structure possède également une page officielle sur LinkedIn. Toutefois, le réseau social qui a vraiment permis de construire une communauté engagée d’« ultras » est Twitter.

Twitter : un engouement autour des sujets gaming et esport

D’un point de vue global, Twitter est un terrain favorable au développement de communautés engagées autour du gaming et de l’Esport. En effet, il s’agit d’un des centres d’intérêt importants pour les utilisateurs de Twitter. Ainsi, en 2021, 2.4 milliards de tweets ont été postés sur le réseau, d’après la Retrospective Gaming 2021 de Twitter. Twitter est un des endroits de prédilection pour les fans d’Esport qui y encouragent et y supportent leurs équipes fétiches, et y commentent leurs matchs favoris. En France, on retrouve notamment parmi les jeux et franchises les plus tweetés en 2021, League of Legends. C’est notamment un des facteurs explicatifs de l’engouement populaire autour de la Karmine Corp, qui est essentiellement relatif à son équipe (roaster) de joueurs League of Legends.

Un engouement populaire et la formation d’une communauté d’« ultras »

Les bonnes performances des équipes Karmine Corp, notamment de son équipe League of Legends, ne constituent pas le seul facteur explicatif de l’engouement autour de la structure sur Twitter.

A l’origine de la Karmine Corp, il y a d’abord deux personnalités populaires sur les réseaux sociaux. Kameto, le fondateur de la structure qui commente chacun des matchs de son équipe et s’exprime majoritairement sur celle-ci via Twitter, a notamment constaté un phénomène de conversion de son audience vers l’audience de la Karmine Corp : «Beaucoup de gens ont suivi par curiosité, raconte Kameto. Ils sont venus sur le stream, ont vu qu’il y avait une ambiance de fou et sont revenus toutes les semaines. C’est comme s’ils suivaient leur équipe de foot.». De nombreux abonnés de la Karmine Corp ont découvert le club (et parfois même le Esport) par le biais de Kameto. La base conséquente des abonnés de ce dernier a rapidement permis de constituer une base solide à la communauté Karmine Corp.

Au sein de son équipe League of Legends constituée de 5 individus, deux de ses membres se placent parmi les 10 joueurs Esport les plus tweetés au monde, d’après les données de Twitter pour le premier quart de l’année 2022. On y retrouve notamment le suédois Martin « Rekkles » Larsson  à la 3ème position, ainsi que Lucas « Cabochard » Simon-Meslet à la 6ème position. Des membres influents qui attirent l’attention sur la structure au-delà des frontières.

A l’instar de certaines compétitions sportives (telles que l’UFC), la rivalité et les show matchs sont courants dans le domaine du Esport et permettent de générer un grand nombre d’impressions sur Twitter ainsi que de populariser la structure en l’amenant dans les Top Tendances. La Karmine Corp a ainsi des rivaux au sein de la Ligue Française, tels que Vitality et Solary (autre équipe portée par des streamers), donnant lieu à des confrontations sur Twitter accompagnées de hashtags, portant les deux équipes en Top Tendances. Les rivalités s’exportent également avec des structures internationales à forte renommée et se transforment en show matchs extrêmement commentés sur Twitter, comme avec l’espagnole KOI, récemment lancée et dirigée par Ibai, l’un des streamers hispanophones les plus populaires au monde.

La Karmine Corp possède une large communauté de fans qui se définissent comme des « ultras ». Reconnaissables par le sigle KC présent devant leurs pseudos Twitter, pour les plus fervents, ils sont également nombreux à afficher une photo de profil représentant un mur bleu (blue wall), un visuel associé à la Karmine Corp en référence à un mouvement produit lors des matchs. Il s’agit notamment du nom choisi par l’association officielle de la Karmine Corp qui comptabilise plus de 15 000 abonnés sur Twitter et possède son propre canal Discord. Il existe d’autres groupes sur Twitter, telle qu’une page pour les supporters « ultras » qui regroupe plus de 40 000 followers. Une des raisons de l’engagement de la communauté Karmine Corp, c’est ainsi la capacité a créer un fort sentiment d’appartenance sur Twitter.

Toutefois, la communauté peut parfois souffrir de la mauvaise publicité faite par la minorité bruyante de Twitter. Le réseau social est peu modéré et les vagues de harcèlement sont un phénomène fréquent sur la plateforme de l’oiseau bleu. Ainsi, Laure Valée, journaliste et intervieweuse des compétitions League of Legends, a subi une vague de harcèlement après la diffusion d’une vidéo contenant une séquence montrant les mauvaises performances du joueur phare de la Karmine Corp, Rekkles. Certains « ultras » lui ont fait comprendre leur mécontentement, notamment via des propos sexistes et insultants, sous couvert de l’anonymat permis par la plateforme.

La Karmine Corp mise en lumière

Aujourd’hui, la Karmine Corp est considérée comme une des équipes les plus influentes au monde dans la compétition de League of Legends. D’après les données de Twitter pour le premier quart de l’année 2022, la Karmine Corp était à la 5ème position des structures Esport les plus mentionnées sur Twitter, et la seule structure française du classement.

Les performances rapides et excellentes, ainsi que l’engouement autour de la Karmine Corp dès son arrivée en première division de la Ligue Française, ont amené d’autres personnalités populaires sur les réseaux sociaux, à exprimer et afficher leur soutien envers la structure via Twitter, la mettant ainsi en lumière. C’est notamment ce qu’ont fait Squeezie (8,4 millions d’abonnés sur Twitter) et Gotaga (1,7 millions d’abonnés sur Twitter).

Cette mise en lumière dépasse même le cadre de Twitter, puisque l’existence et les performances de la Karmine Corp parviennent jusqu’à la classe politique, qui y trouvent un moyen de s’adresser à la jeunesse française. Ainsi, Emmanuel Macron a envoyé un message de soutien le 3 mai 2021 suite à la victoire de la coupe d’Europe via message privé sur Twitter à la Karmine Corp. Il a également récemment mentionné le club français, en citant le domaine de l’Esport comme « another field of French excellence with teams like Team Vitality or Karmine Corp ».

Sarah Collot

Une marque inspirante sur les réseaux sociaux : GoPro.

Quelle stratégie pour GoPro sur les réseaux sociaux ?

On ne la nomme plus, elle nous accompagne de partout dans notre quotidien mais surtout en vacances : la Gopro, cette petite caméra que l’on peut emporter de partout et par toutes les conditions, fait l’objet aujourd’hui d’une attention toute particulière. En effet, elle est considérée comme l’une des marques les plus inspirantes sur les réseaux sociaux. Quelle est donc cette fameuse stratégie qui place GoPro comme leader sur les réseaux sociaux ? 

GoPro est une marque de caméra fondée en 2005, originellement créée par Nick Woodman, un surfeur californien souhaitant optimiser ses sessions et prendre en photo sa passion. Il raconte : « À l’époque, les seules options étaient d’utiliser un appareil jetable étanche […]. Mais 9 fois sur 10, soit vous loupiez la photo, ou vous vous blessiez et souvent, vous perdiez l’appareil dans l’eau. J’avais l’impression d’être en train d’inventer la plus importante création du monde du surf ».

Créée par un passionné, pour des passionnés, les amateurs de sensations fortes adoptent peu à peu la petite caméra et la placent au cœur de leurs sessions sportives. Sous l’eau, dans la neige, dans le vide ou encore en parachute, la GoPro permet à ses utilisateurs d’immortaliser leurs meilleurs moments et de partager leur passion à leur communauté sur les réseaux sociaux. 

GoPro, ou les maîtres de l’User Generated Content.

Le premier volet du succès de GoPro sur les réseaux sociaux, et le plus efficace, concerne l’usage de User Generated Content. En effet, la grande majorité du contenu posté sur les réseaux, que ce soit Facebook, Twitter, Instagram ou encore Youtube, est créé directement par les consommateurs de GoPro, aka les passionnés. 

Originellement créée pour les surfeurs, GoPro s’est étendue progressivement vers tous les amateurs de sensations fortes, professionnels ou non, et s’est même inscrite dans le quotidien de personnes lambdas souhaitant immortaliser des instants spéciaux. La cible étant plutôt jeune (16-35 ans), ces personnes sont les acteurs principaux des réseaux sociaux car ce sont des générations qui sont nées et/ou ont grandies avec les réseaux. Ainsi, le partage et la publication de contenus est presque évidente pour ces derniers qui vont ainsi générer beaucoup de UGC.

Cela donne ainsi à GoPro la chance d’avoir accès à une source inépuisable de contenus originaux, pour laquelle les utilisateurs n’attendent presque uniquement que de la reconnaissance en retour : avoir leur photo / vidéo postée sur l’une des pages de GoPro.

L’approche de GoPro par rapport à cet UGC est unique, car le produit en lui-même – la caméra – est rarement montré. Les utilisateurs les plus importants font exactement ce qu’ils sont censés faire avec la caméra : immortaliser leurs instants de vie, leur sport et leur passion. 

Cette manière de promouvoir la marque offre la possibilité d’un fort engagement de la part des utilisateurs sur les réseaux, qui se reconnaissent dans le UGC.

Pour faciliter ce flux continu de User Generated Content, GoPro a anticipé et a même créé un canal de partage directement sur son produit. Grâce à l’application GoPro, les utilisateurs peuvent éditer et partager leurs photos et vidéos directement sur Instagram, Facebook ou encore Youtube. GoPro devient donc un outil central dans le partage des activités sur les réseaux et oriente clairement sa stratégie sur le UGC.

Ces contenus permettent ainsi aux nouveaux utilisateurs d’avoir accès à une multitude de retour d’expérience plus que convaincants : les images sont magnifiques, traduisent des passions communes et des expériences sensationnelles. Tout « fait envie » et pousse les nouveaux utilisateurs de GoPro à participer et à intégrer la communauté.

Capture d’écran du compte Instagram de Gopro @gopro.

Afin de pousser les utilisateurs à créer du UGC, GoPro gamifie son fonctionnement en lançant de nombreux challenges et autres concours. En effet, la marque lance les GoPro Awards qui sont des concours où les utilisateurs sont invités à capturer leurs plus beaux instants et à les soumettre à GoPro. Les gagnants des différents challenges gagnent des lots, de l’argent, mais surtout une couverture médiatique sur les réseaux de GoPro. Divers challenges existent sur différents thèmes, comme « the photo of the day » ou encore « be a hero challenge ». 

Des images sensationnelles promues par des célébrités portant les valeurs du sport de haut niveau. 

La stratégie de GoPro repose également sur un contenu digital sensationnel. L’expérience GoPro fait rêver, et pour cela la marque a très bien compris quels moyens utiliser. 

Tout d’abord, le UGC créé et repartagé par GoPro ne montre que des photos et vidéos fabuleuses. Entre paysages, hautes sensations ou encore vues du ciel, le contenu fait rêver et associe l’expérience sensationnelle directement à l’utilisation de GoPro. En voyant cela, le consommateur se projette (car les photos et vidéos viennent d’un utilisateur comme lui) et se dit qu’en utilisant la GoPro il aura accès aux mêmes expériences. 

Pour accentuer cette expérience, GoPro s’inscrit dans une stratégie de marketing d’influence en promouvant sa marque par des stars et autres sportifs de haut niveau connus et réputés dans leur domaine. 

Par exemple, GoPro a publié une vidéo sur la skieuse alpine Lindsay Vonn qui bat un record du monde sous l’objectif attentif de la GoPro. GoPro a aussi par exemple décidé de suivre la fin de carrière du pilote de vitesse moto Valentino Rossi, attirant tous ses fans pour une dernière vidéo phénoménale en son honneur. 

La marque possède 10,6 millions d’abonnés sur Youtube et attire ainsi beaucoup d’audience grâce à ce genre de vidéos.

Ces célébrités du sport qui utilisent la GoPro dans des conditions extrêmes et professionnelles jouent donc quelque part le rôle de Key Opinion Leader car leur opinion compte : leur professionnalisme leur confère de la crédibilité, et montre que la GoPro peut s’utiliser même par les plus grands. 

Ici, les logiques du celebrity endorsement sont rencontrées de bout en bout : les sportifs de haut niveau sont crédibles car professionnels ; ils sont beaux et jeunes et renvoient une image saine et ambitieuse ; leurs caractéristiques collent entièrement avec les caractéristiques de GoPro qui promeut les sensations fortes et les images spectaculaires ; enfin, les sportifs de haut niveau représentent des valeurs importantes dont la communauté va s’imprégner, véhiculées par la simple phrase qui est maintenant leur slogan : « Be a hero ». D’ailleurs, chaque modèle de caméra porte ce nom : Hero.

Pour renforcer cette image de héro, GoPro est maintenant en partenariat avec la boisson énergisante Redbull qui promeut les mêmes valeurs et ambitions. En effet, Redbull organise de nombreux événements dédiés aux sports à sensations fortes de haut niveau (cliff diving, porsche race, formula one). GoPro couvre ainsi la totalité des événements Redbull. Redbull associe son image à la création de tels événements et GoPro associe son expertise audiovisuelle et ses images spectaculaires. Combinées, les deux marques comptent près de 40 millions d’abonnés rien que sur Instagram, ce qui promet un partenariat ambitieux et procréateur. 

Adobo magazine

« L’envergure et les capacités d’exécutions mondiales de Redbull sont impressionnantes, ce qui rend ce partenariat très stratégique pour GoPro. Nous partageons la même ambition d’être une source d’inspiration dans le monde entier, afin d’inciter le public à vivre intensément. » Nicholas Woodman, CEO de GoPro.

Une communauté très forte.

GoPro repose sur un fort esprit de communauté.

D’une part, GoPro organise sa propre communauté grâce au site community.gopro.com sur lequel on y retrouve des forums de discussion où les utilisateurs expérimentés peuvent aider les nouveaux dans la prise en main de leur appareil. Des ingénieurs et autres professionnels de GoPro sont également présents sur les forums pour promouvoir des messages important et aussi aider les utilisateurs.

Depuis peu, un nouvel espace de la communauté existe, appelé les GoPro Labs, où les ingénieurs proposent de nouvelles fonctionnalités à tester par les utilisateurs expérimentés. Ces derniers laissent leurs avis et permettent aux équipes de développement de savoir si cette nouvelle fonctionnalité en question vaut le coup ou non. 

“GoPro Labs is an initiative to deliver new, experimental features to our GoPro community. Many of these features originated from internal hackatons […]. We don’t promise any of these will make it to a production camera, but they’re cool enough and cooked to give you a taste. Why hold back anymore?”

Capture d’écran de la page GoPro Labs

GoPro va plus loin en proposant également la plateforme Open GoPro où l’utilisateur peut développer lui-même des fonctionnalités personnalisées à intégrer à sa caméra. Par le biais de la communauté, l’utilisateur peut atteindre un degré de personnalisation précis.

Par la multitude de UGC, on se rend donc compte que c’est la communauté de GoPro qui promeut l’objectif principal : être un héros. De nombreux groupes informels sont créés sur les différents réseaux (groupes Facebook, pages Instagram etc…), gérés par des utilisateurs expérimentés qui souhaitent uniquement partager la passion GoPro.

Chaque membre de la communauté est un ambassadeur pour GoPro.

Mathilde Comte

Gopro.com. GoPro Awards | Défis vidéo et photo. [online] Available at: <https://gopro.com/fr/fr/awards>

Instagram – GoPro. [online] Available at: <https://www.instagram.com/gopro/>

Sport Stratégies. Red Bull donne des ailes à GoPro. [online] Available at: <https://www.sportstrategies.com/red-bull-donne-des-ailes-a-gopro/>

DigiSchool commerce. GoPro : Etudes, Analyses Marketing et Communication de GoPro. [online] Available at: <https://www.marketing-etudiant.fr/marques/gopro-marketing.html>

Comment GoPro stimule la fidélité à la marque avec l’UGC |. [online] Available at: <https://clarksbarandrestaurant.com/social-spotlight-how-gopro-fuels-brand-loyalty-with-ugc>

La (re)conquête de Twitter par Eric Zemmour

66%. C’est la part des jeunes qui s’informent en premier lieu sur Internet aujourd’hui. Et c’est même un tiers des Français qui sont concernés par cette tendance. Sur ces internautes, 20% s’informent d’abord via les réseaux sociaux selon le baromètre annuel Kantar Public Onepoint pour La Croix[1]. Et pourtant, les réseaux sociaux sont souvent blâmés pour leur manque d’objectivité et de véracité : ils ne représenteraient pas systématiquement la réalité et seraient sujets à de nombreux biais algorithmiques. Ces algorithmes développés en interne et souvent bien protégés par les géants du numérique ont été parfois critiqués pour un de leurs buts supposés premiers : susciter l’émotion pour pousser l’utilisateur à interagir. Il est ainsi aisé d’imaginer des effets de propagation dans les contenus mis en avant sur ces plateformes, demeurant par conséquent bien différents de ceux des médias traditionnels comme la télévision.

C’est dans ce contexte que nous allons nous intéresser à la campagne électorale de 2022 du candidat Éric Zemmour, et plus particulièrement à sa campagne sur le réseau social Twitter, en nous appuyant sur l’ouvrage Toxic Data de Davis Chavalarias, directeur de recherche à l’Institut des Systèmes Complexes du CNRS. Son livre pose la question suivante : les réseaux sociaux peuvent-ils influencer les votes ? Pour le démontrer, M. Chavalarias a utilisé un outil, le « politoscope », pour observer le militantisme en ligne. Ont été ainsi scrutés depuis 2017 plusieurs milliers de tweets issus des différentes communautés politiques et des médias pour mettre en lumière « plusieurs actions qui ont visé à déstabiliser les élections ou influencer le choix des électeurs [lors de la dernière présidentielle] »[2].

La première observation de cet ouvrage est l’amplification des discours anti-Macron et anti-Mélenchon favorisant ainsi la montée de l’extrême-droite et donc du parti d’Éric Zemmour « Reconquête ». David Chavalarias explique alors que cette action n’a pas été seulement menée par des Français mais également par des acteurs étrangers comme des sympathisants de l’ex-président américain Donald Trump aux Etats-Unis. Selon une étude menée par la société Twitter en 2021, « Algorithmic Amplification of Politics on Twitter », les partis politiques ne seraient en fait pas tous égaux sur les réseaux sociaux car les discours conservateurs demeureraient plus largement diffusés que les autres plus modérés. Cela semble même se vérifier dans la réalité puisqu’en France les comptes avec le plus d’influence sont ceux des extrêmes avec Eric Zemmour en tête devant Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon selon le magazine Challenges[3].

Ainsi, c’est sur cette donnée que les responsables de la communication du candidat Éric Zemmour ont notamment fait reposer sa campagne sur Twitter. En effet, une enquête récente du journal Le Monde[4] explique comment l’équipe du candidat a mis en place une stratégie « d’astroturfing ».

Reprenons. Selon Paul Conge, journaliste pour le magazine Marianne, « l’astroturfing est une manière de tromper les algorithmes en appelant quelques centaines ou milliers de personnes à relayer le même message en même temps afin qu’il remonte dans les tendances. Le procédé valorise ainsi massivement un candidat ou ses idées auprès de tous les autres utilisateurs du réseau social impliqué. ». Dérivée d’AstroTurf, une marque de moquette synthétique conçue pour ressembler à de l’herbe naturelle, cette technique remonte aux années 1980 aux Etats-Unis, lorsqu’un sénateur du Texas reçut de nombreux courriers de « citoyens » qui étaient en fait une campagne de lobbying d’une compagnie d’assurance. L’astroturfing peut également être utilisé pour diffuser des « fake news » et donc désorienter le débat public notamment lors d’élections. La stratégie consiste finalement à créer des tendances grâce au volume, dans la mesure où une centaine de personnes seulement suffisent pour imposer un débat public[5].

Revenons au cas d’Éric Zemmour. Une première observation qui peut être faite est que sa communauté Twitter a « la plus forte densité de liens internes, avec une moyenne de 7,28 connexions par membre » selon le politoscope de M. Chavalarias, ce qui signifie donc que l’information circule en vase clos. Cette observation peut cependant être trompeuse. Le parti Reconquête dispose de beaucoup de comptes « les […] avec Zemmour » pour toucher un maximum de personnes externes et ainsi souder un électorat potentiel. Pourtant, ces comptes créés récemment parlent en réalité davantage de grandes tendances et pas vraiment, si ce n’est pas du tout, de la profession qui les unit (Par exemple : « Les profs avec Zemmour » ont interagit sur des thèmes comme le Covid, le voile ou encore l’Islam).

D’autre part, beaucoup de thèmes ont été placés dans les « Tendances » sur Twitter (thèmes les plus abordés dans le pays dans un laps de temps relativement court) par le parti d’Éric Zemmour en 2021 : #lesfemmesaveczemmoour, #zemmourcandidat, etc. Cela semblait ainsi présenter un large mouvement de ralliement à M. Zemmour même lorsqu’il n’était pas en campagne officiellement.

Analysons plus précisément la montée du hashtag #lesfemmesaveczemmour. Tout commence le 4 novembre 2021 avec deux comptes qui publient 44 tweets avec une image et cet hashtag. S’en suivent alors beaucoup d’autres comptes avec d’autres tweets. A titre exemple, un des comptes a publié 150 visuels en 30 minutes. Par ailleurs, certains comptes publient les mêmes tweets simultanément. En fait, si l’on observe plusieurs comptes (Génération Z, etc.), il apparaît que plusieurs mêmes tweets ont été publiés dans le même ordre, et certains utilisateurs retweetaient – repartageaient – en masse, avec par exemple 297 retweets en douze minutes, ce qui semble difficilement réalisable sans programme informatique. Il est d’ailleurs très probable, selon David Chavalarias, qu’il y ait eu une utilisation de robots et de « fermes à contenus », site web de production de contenus de faible valeur avec pour seul objectif la génération d’interactions. En effet, publier 600 tweets par jour sur le même sujet semble peu « humain », même si cette supposition demeure difficilement démontrable à cause de la confidentialité des données de ce type de plateformes. Au total, David Chavalarias dénombre plus de 1300 campagnes d’astroturfing pour un seul compte en comptant les comptes qui avaient publiés le même message « pour faire croire que ce message-là étaient défendu par plusieurs personnes au même moment ». En fait, des soutiens officiels d’Éric Zemmour comme Samuel Lafont, responsable de la stratégie numérique d’Éric Zemmour, donnaient des directives comme par exemple : « mettez le hashtag #lesfemmesaveczemmour en tendance ». Samuel Lafont résume d’ailleurs la campagne qu’il a mené comme de la communication et non de l’astroturfing. Le hashtag apparaît dans les « tendances » ce qui le rend d’autant plus populaire. En effet, certains vont tweeter par désaccord, donnant paradoxalement de la visibilité à la tendance et d’autres, avec une plus faible audience, vont se manifester pour soutenir la tendance car cela les fait sortir de leur microcosme. Le biais est ainsi construit : si tout le monde pense pareil, cela doit forcément avoir de la légitimité. Mais en réalité, la moitié des tweets proviennent de seulement 17 comptes créés spécialement pour l’opération de gonflage du parti. Cette opération a ainsi été répétée par la suite avec d’autres hashtags.

Les responsables de la communication de Reconquête ne sont pas arrêtées là. En effet, il a été prouvé que des sites internet comme petition-permis-a-points.fr ou encore lesfemmesaveczemmour.fr ont été relayés via Twitter par des sympathisants d’Éric Zemmour[6].

Ces sites, sous forme de pétition, incitaient à entrer ses coordonnées, afin de constituer une base de données pour le parti politique. Des courriels ont par conséquent été envoyés par la suite aux personnes concernées pour récupérer de potentiels adhérents. Par ailleurs, selon Paul Conge, auteur du livre « Les grands remplacés », le parti a également recruté des militants, et plus précisément des jeunes, via, par exemple, le jeu vidéo Fortnite, en les conduisant dans des espaces de discussion privés[7]. L’univers du jeu vidéo a été utilisé car il touche des jeunes gens, parfois dans la solitude de leur écran, constituant donc une cible plus encline à être influencée.

En fin de compte, là où la loi française n’interdit pas de telles stratégies, il est interdit d’amplifier artificiellement un message selon le règlement de Twitter. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une centaine des comptes mentionnés jusqu’ici ont été suspendu sur le réseau social.

Selon Amnesty Internationale ou Reporter sans frontières, il existe des solutions pour se protéger de telles pratiques. Il faudrait, selon ces organisations, réguler les plateformes voire refonder leur modèle économique pour un accès égal à toutes les expressions, car l’espace public doit permettre une délibération non biaisée avec une diversité de points de vue. Selon Christophe Deloire, Directeur général de Reporters sans frontières, on ne peut pas déléguer à des entreprises aux intérêts privés l’organisation de l’espace public et nous devons donc inventer de nouvelles obligations juridiques dédiées à ces questions[8].

Nous pouvons tout de même espérer que certaines mesures du DSA (Digital Service Act) ainsi que la volonté du nouveau propriétaire de Twitter Elon Musk de lutter contre les « spam bots »[9] permettront d’endiguer ces vastes campagnes de tentatives de manipulation de l’opinion.

Cléa Desitter

En quoi les plateformes de réseaux sociaux sont-elles en position de s’imposer dans le marché des Metaverse ? 

Après l’emploi du mot « NFT » dans le langage courant et son statut de mot de l’année 2021, les metaverse, concept popularisé par Meta, bousculent d’ores et déjà les codes de la communication numérique. Récemment Citi Bank a estimé à une valeur de marché entre 8000 et 13000 milliards de dollars d’ici 2030 l’économie des metaverse. Elle est en passe de révolutionner les usages et les interactions en combinant le monde physique et numérique. Bien que ses usages soient pour le moment limités, il n’est que peu risqué de projeter un développement important des applications et de l’adoption à l’avenir, là où le parallèle avec Internet des années 2000 semble évident.

Ainsi, quel regard ont les réseaux sociaux, sensibles aux tendances, sur cette nouvelle opportunité.

Les metaverses, des lieux propices au développement des réseaux sociaux

Pour le moment, les metaverses sont considérés comme un secteur de niche par rapport aux réseaux sociaux. Cela dit, cette innovation a le potentiel d’attirer des communautés d’utilisateurs, d’influenceurs, des marques et des annonceurs. De plus en plus d’évènements sont organisées dans des metaverse. Les participants n’étant limités que par leur connexion Internet et non par leur localisation. L’accès peut être facilement restreint aux détenteurs de NFT, ce qui permet de cibler davantage son audience et de la fidéliser au travers de produit exclusif.

Dernièrement, Samsung a dévoilé son dernier smartphone sur Decentraland (un des metaverse leader), offrant aux participants des NFT exclusifs. Ces événements permettent aux utilisateurs et aux marques de se rencontrer virtuellement et ce depuis le monde entier. 

Selon une étude menée par IZEA Research, 70 % des influenceurs voient les metaverses remplacer entièrement les réseaux sociaux, en prenant le contrôle des plateformes vidéo actuelles et en ouvrant de nouvelles possibilités : à la fois de revenus et de communication. 

Outre l’organisation d’événements, les influenceurs peuvent monétiser leur activité dans les metaverses de diverses manières et cherchent activement à le faire. Selon l’étude d’IZEA mentionnée ci-dessus, 51 % des influenceurs cherchent à créer un modèle de revenu en lien avec un metaverse et 21 % y gagnent déjà de l’argent.

“The metaverse is moving towards becoming the next generation of the internet or Web 3.”

Citi Bank

Les nouveaux outils de l’avenir des réseaux sociaux

En quelques années, les réseaux sociaux ont conquis des milliards d’adeptes et la communication numérique joue un rôle prépondérant dans notre société. Nous sommes désormais entourés de ces applications qui nous permettent de nous connecter les uns aux autres, de faire du shopping, lire, jouer, partager, etc…

Le rôle des plateformes à évoluer au fur et à mesure passant d’une solution simple de communication à un outil de diffusion, de vente et d’influence. Ainsi, les leaders de cette industrie sont en recherche perpétuelle d’innovation afin d’améliorer leur solution et attirer un public jeune, cœur de cible pour leur marché. Deux tendances principales ressortent sur ce vers quoi tend les réseaux sociaux :

1. La création d’expérience d’achat basée sur la réalité augmentée

Avec l’essor des solutions internes d’achat sur une série d’applications de réseaux sociaux populaires, la combinaison du social et du commerce est en cours de démocratisation.

Les réseaux sociaux souhaitent accélérer l’utilisation de la réalité augmentée afin de créer une nouvelle forme de contenu. Les entreprises pourront offrir à leurs clients une expérience différente en leur proposant de se familiariser avec un produit ou un service avant de l’acheter. Les frontières entre le monde virtuel et le monde réel s’estompent de plus en plus, faisant de la réalité augmentée un formidable outil à l’avenir pour les réseaux sociaux.

2. Une « événementialisation » des réseaux

Avec l’essor des techniques de diffusion de contenu, les réseaux sociaux et leurs utilisateurs tendent de plus en plus vers une « évènementialisation » du contenu. Ces évènements représentent un nouveau moyen de communication pour promouvoir une marque, une entreprise, des services et des produits. Par l’essor de créateur diffusant du contenu en direct mobilisant parfois plusieurs centaines de milliers de personnes, les réseaux sociaux sont devenus un espace de création de communauté et de partage d’expérience. Là où les premières versions de réseaux permettaient des échanges en petits groupes, désormais la place est à la création d’évènement et de contenu. Ainsi, grâce aux possibilités technologiques utilisées dans les metaverses, de plus en plus d’entreprises et de marques organisent des évènements tels que très récemment le Paris NFT Day simultanément au Palais Brongniart et dans Decentraland.

La nouvelle Creator Economy : un écosystème appartenant à la communauté

La promesse initiale d’Internet était d’être ouvert. Actuellement, une poignée d’entreprise gèrent les flux de données sociales de 3,5 milliards de personnes.

Le Web 3.0 est une réaction à la centralisation mise en place par le Web 2.0 qui représente un problème fondamental non seulement pour la technologie, mais aussi pour la société. L’idée globale du Web 3.0 est de construire un monde plus décentralisé. En l’absence d’autorité centrale et par le biais d’une gouvernance partagée, l’utilisation des données est contrôlée par les utilisateurs eux-mêmes.

Les réseaux sociaux fonctionnent sur un principe d’économie des plateformes centralisés. Le Web 3.0 introduit quant à lui un nouveau concept : l’économie de la propriété. Ainsi, les nouvelles plateformes sont gouvernées par la communauté d’utilisateur.

Evolution du WEB

Mais alors où en sont les réseaux sociaux avec l’adoption de cette technologie ?

Récemment, Meta a annoncé que 47% de commission serait prélevée sur les objets mis en vente sur la marketplace. Pourquoi est-ce problématique ? Car cela est une pratique du Web 2.0 et que cela est un véritable frein pour les Web 3.0 natifs, cœur de cible de demain.

Ces objets vendus par Meta seront en réalité des NFT pouvant être utilisés dans le metaverse pour différentes actions. Par cette décision, Meta expose sa logique purement commerciale à développer cette solution. Or, le Web 3.0 a une autre philosophie, une éthologie qui lui est propre, où le créateur est au centre de l’écosystème.

Alors que les jeunes ne sont déjà plus présents sur Facebook et quittent Instagram peu à peu, les plateformes Web 3.0 sont en train de s’imposer auprès des créateurs grâce à leur liberté d’action et leur modèle centré sur la Creator Economy.

Comparaisons des commissions des plateformes

Des plateformes telles que Sandbox et Decentraland sont les leaders du marché. Bon nombre d’entreprises et de marques internationales y ont d’ores et déjà acquis des parcelles et compte bien y développer à l’avenir des évènements, des lieux de rencontre, d’échanges, d’achat et de promotion.

« The fact that it is decentralised means that the people who use Decentraland own and govern it. »

Dave Carr, CCO Decentraland

La Creator Economy ne consiste plus seulement à apporter de la valeur aux plateformes. Il s’agit de nouvelles formes de relations directes : créateur – communauté. Là où les contenus des réseaux sociaux sont dans un espace fermé, les créateurs se tournent de plus en plus vers les plateformes Web 3.0 pour y diffuser du nouveau contenu et se créer une nouvelle audience.

Le 20 avril 2022 Coinbase a dévoilé sa markeplace NFT et cela restera dans les mémoires comme une date importante, à l’intersection des plateformes Creator Economy et Web 3.0.

Marketplace Coinbase NFT (©Cryptobullsbears)

Coinbase NFT aspire à aller au-delà d’un simple hub pour acheter et vendre des biens. En fait, son interface utilisateur ressemble beaucoup, osons-nous le dire, à un actuel réseau social. L’espace commentaire y est présent, le fil d’actualité, les recommandations, les likes etc…

Fort de ses 90 millions d’utilisateurs, Coinbase par cette décision stratégique, s’approprie les codes des réseaux sociaux et place ses pions pour devenir l’un des pionniers de l’économie sociale du Web 3.0 tournée vers le créateur.

Coinbase peut devenir Instagram plus rapidement qu’Instagram ne pourrait créer une marketplace NFT. La puissance de Coinbase ici est de créer une traction sociale pour se transformer en une super-application qui peut englober les NFT, entre autres.

Alors, pourquoi les réseaux sociaux actuels ne seront pas les leaders de demain ? Car les jeunes n’utilisent pas forcément ses applications obsolètes. Ils se tourneront vers l’application que leurs amis et pairs utiliseront. Coinbase montre alors des signes de réelle innovation de production et a su prendre conscience que le marché et la psychologie des utilisateurs est en train de changer. Les réseaux sociaux ont su porter l’économie du Web 2.0, désormais leurs codes semblent ne plus être en adéquation avec ce que propose le Web 3.0 avec la technologie blockchain et les metaverse.

Les pionniers d’aujourd’hui pourront être les leaders du Web 3.0 : l’avenir de l’internet décentralisé.

Alina Viatkina

Sources

Compréhension du marché :
Etude de Citi Bank sur l’avenir des metaverse :
Etude de Izea Research :
NFT mot de l’année 2022 selon le Collins Dictionnary :
Creator Economy :
Images :

Réseaux sociaux et streaming : l’Égypte fait sa révolution

En 2021, l’Égypte commémorait le 10e anniversaire du printemps égyptien, notamment via le hashtag #Jan25 en référence à la mobilisation du 25 janvier 2011. Le(s) printemps arabe(s) constituent un tournant dans l’ère du numérique en étant considéré(s) comme la première révolution smartphone, ou, plus précisément pour l’Égypte : révolution Facebook. Si le réseau social n’a pas été l’élément déclencheur de la révolution, il en a été le catalyseur. Le mouvement « Nous sommes tous Khaled Saïd », un jeune homme victime de violences policières, a réuni les Égyptiens sous un même étendard. Si, à l’époque, Hosni Moubarak a ordonné le bâillonnement des communications électroniques trop tardivement, Abdel Fattah al-Sissi, le dirigeant actuel, a, quant à lui, retenu les leçons de l’histoire et développé un arsenal de cybersurveillance pour contrôler l’ensemble de la population. L’ Égypte post-révolutionnaire est désormais soumise à un régime militaire et n’a jamais retrouvé une quelconque forme de stabilité.

Réseaux sociaux : une pratique démocratisée mais peu maîtrisée

En Égypte, les usages numériques sont bien implantés. Le taux de pénétration d’Internet est de 57,3% et 47,4% de la population utilise activement les réseaux sociaux. Les habitants passent en moyenne 7 heures 36 minutes par jour sur Internet. Sur l’ensemble de la région, ce sont également plus de 3 heures et demi passées sur les réseaux sociaux où les utilisateurs cumulent environ 8,4 comptes différents. Le pays est dans le top 20 des marchés nationaux pour Snapchat et Twitter avec, respectivement, 10,7 millions et 3,7 millions d’utilisateurs. L’ Égypte est également le 9e marché national pour Facebook comptabilisant 45 millions d’utilisateurs et faisant de l’arabe la 3e langue du réseau social, qui n’est pourtant pas capable d’en maîtriser la modération. Des modérateurs ont noté que les statistiques des contenus dits « violents et/ou terroristes » augmentaient de façon exponentielle en période de ramadan dans 6 pays, dont l’Égypte. Leur théorie (qui reste à prouver) : les extraits du Coran contiennent les termes « martyr » ou « combat », censurés par les algorithmes. Les Facebook Files ont révélé que seulement 766 modérateurs étaient dédiés à la langue arabe pour 220 millions d’utilisateurs actifs au Moyen-Orient fin 2020. Ainsi, selon Le Monde, Facebook « n’est pas en capacité de faire examiner les commentaires en langue arabe potentiellement illicites par des modérateurs compétents – lorsque ces derniers existent » et met donc en œuvre une modération souvent trop radicale, ce qui fait que « Lorsque Facebook supprime par erreur des actualités ou des critiques portant sur ces organisations, cela crée la perception que Facebook est aligné avec les régimes en place ».

@Tracy Le Blanc / Pexels

Libération de la parole…

Les carences des géants du numérique n’empêchent pas (voire favorisent) l’utilisation des réseaux sociaux par les Égyptiens pour lutter contre le pouvoir en place dans ces espaces aux semblants de liberté. Cependant, à l’ère des réseaux sociaux, Sissi étend sa mainmise sur les esprits. « L’affaire des filles TikTok » en est un parfait symbole. En juin 2021, Haneen Hossam et Mawada Al-Adham, deux influenceuses de 19 et 22 ans, ont été condamnées à, respectivement, 10 et 6 ans de prison et 200 000 livres égyptiennes d’amende pour « traite d’êtres humains », « incitation à la débauche » et « corruption de la vie familiale » par la Cour pénale du Caire. Ce qui leur est reproché ? D’avoir dansé et monétisé leurs vidéos. Un membre du CSA égyptien s’opposait à l’arrivée d’un « nouveau type de prostitution légale ». Depuis 2020, au moins une dizaine d’influenceuses ont, ainsi, été arrêtées par la police des mœurs engagée dans une chasse aux sorcières d’une nouvelle ère.

Face à un régime inflexible et alors que l’excision mutile encore 87% d’égyptiennes, des féministes et militantes, souvent exilées, ont pris le sujet en main en lançant le mouvement « Mon corps m’appartient » en langue arabe pour lutter contre la honte, les tabous et la répression sexuelle. Cette initiative part d’un sujet au cœur de nombreuses révolutions récentes : le patriarcat et son pouvoir autoproclamé sur les corps des femmes. Ces dernières ont été les grandes oubliées du premier printemps et, 10 ans après, la « politique de respectabilité » brandie par les militaires et les fanatiques continue de tuer en Égypte. À titre d’exemple, Fatma Ibrahim, chercheuse doctorante au Royaume-Uni, a constaté qu’en matière d’éducation sexuelle et de contenus sur Internet, seules des sources conservatrices sur le plaisir masculin et la reproduction existaient dans un arabe soutenu. En réponse elle a créé The Sex Talk avec l’ambition de rendre l’information accessible et compréhensible au sein du foyer. C’est de ce noyau que doit partir la révolution des esprits.

…et droit à l’information

Lorsque l’on sait que 79% des jeunes de la région ayant entre 18 et 24 ans s’informent sur les réseaux sociaux, phénomène renforcé depuis la pandémie de COVID-19, cela pose un véritable problème pour le droit à l’information de la nouvelle génération.

Pour lutter contre les fake news, qu’elles soient pandémiques de la COVID-19, ou endémiques du régime de Sissi, les Égyptiens mobilisent les réseaux sociaux. Ainsi, Mohamed Ali, un entrepreneur exilé en Espagne après avoir travaillé 15 ans dans la construction pour l’armée égyptienne, est devenu (l’un des) ennemi(s) public(s) n°1 avec ses “Révélations sur la corruption à la tête de l’État” (titre de l’une de ses vidéos Facebook) dès septembre 2019. Al-Araby Al-Jadid estime que sa vertu est de « réintroduire la rue comme acteur dans l’équation politique. ». Face à un Sissi prêt à tout pour contrôler l’appareil médiatique, Mohammed Ali s’assume : « Je ne vais pas faire de la postprod. Je n’en ai rien à faire. Je dis les choses comme elles sont. Je suis un homme de la classe ouvrière, comme tout le monde », tout en réclamant son dû de 220 millions de livres égyptiennes dont il s’estime floué par l’Etat. Au passage, il tacle directement Sissi, discréditant le discours étatique qui relativise la pauvreté du pays en affirmant que sa femme « a exigé des modifications [du palais présidentiel] qui coûtent 25 millions de livres ».

@kreatikar / Pixabay

L’essor du streaming

L’arrivée de Sissi a signé la « mort du pluralisme dans le paysage médiatique » égyptien selon Sabrina Bennui de Reporters sans Frontières. Le renseignement militaire a pris le pouvoir sur la quasi-totalité des canaux médiatiques : des producteurs aux chaînes en passant par les journaux et certains sites Internet. La répression des oppositions ayant été d’autant plus forte sur la gestion de la crise sanitaire.

Face à ce paysage médiatique traditionnel univoque, le streaming est en plein essor au Moyen-Orient. Netflix y compte désormais 5 millions d’abonnés et la première plateforme arabophone Shahid a également vu le jour, comptant déjà 2 millions d’abonnés. Amazon Prime Video est également présent en Égypte depuis 2016. L’arrivée de ces nouveaux services permet se démocratise et offre un contenu moins maîtrisé par les outils étatiques. En effet, si l’Arabie saoudite a réussi à faire retirer Patriot Act with Hasan Minhaj de Netflix car ce contenu était jugé illégal, la Jordanie a quant à elle affirmé ne pas avoir le pouvoir sur Netflix pour faire retirer Jinn. Le streaming fait naître une nouvelle façon, divertissante mais puissante, de s’attaquer aux tabous et à la censure du cinéma et de la télévision arabes.

Synonyme d’essor de la création ?

Ces changements permettent à de nouveaux contenus de voir le jour contrecarrant les diktats moralisateurs et l’interdiction de remettre en cause le pouvoir en place. Newton’s Cradle, diffusée pendant le ramadan au printemps 2021, vise ainsi à libérer la parole sur les relations amoureuses et les corps, notamment en abordant le sujet du viol conjugal.

Mieux encore, le divertissement égyptien prend confiance et voit grand, avec des créations telles que Paranormal, série à effets spéciaux basée sur les romans de Ahmed Khaled Tawfik et comparée à X-Files à l’international, étant même considérée comme l’une des meilleures séries étrangères de 2020 par Variety.

Si des technologies comme les réseaux sociaux et le streaming peuvent aider au lancement de révolutions, elles ne suffisent pas à leur succès. D’autant que les régimes répressifs se servent de ces mêmes outils pour leur propagande et la surveillance de masse. Reste qu’ils peuvent aider à rendre visible des opinions et des populations et c’est bien ce qu’entendent faire les Égyptiens.

Auriane LE BOZEC

  • Sources

#Jan25 : dix ans après, le rêve révolutionnaire égyptien perdure sur les réseaux sociaux, France 24, 2021, https://www.france24.com/fr/afrique/20210125-jan25-dix-ans-apr%C3%A8s-le-r%C3%AAve-r%C3%A9volutionnaire-%C3%A9gyptien-perdure-sur-les-r%C3%A9seaux-sociaux

Internet, le « Printemps arabe » et la dévaluation du cyberactivisme arabe, Y. GONZALEZ-QUIJANO, 2015, https://journals.openedition.org/ema/3400

Sur les sentiers de la révolution, Comment des Égyptiens « dépolitisés » sont-ils devenus révolutionnaires ?, Y. EL-CHAZLI, 2012, https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2012-5-page-843.htm

Chiffres des réseaux sociaux pour l’ Égypte en 2021, C. KAMDEN, Hootsuite, https://cmdafrique.net/2021/02/11/chiffres-reseaux-sociaux-egypte-2021/#:~:text=l’ann%C3%A9e%202021.-,Donn%C3%A9es%20Internet,Internet%20%3A%207%20heures%2036%20minutes

L’utilisation des réseaux sociaux au Moyen-Orient : 5 choses à savoir, D. RADCLIFFE, Réseau International des Journalistes, 2021, https://ijnet.org/fr/story/lutilisation-des-r%C3%A9seaux-sociaux-au-moyen-orient-cinq-choses-%C3%A0-savoir

Facebook emploie 766 modérateurs en langue arabe pour 220 millions d’utilisateurs arabophones, M. UNTERSINGER et D. LELOUP, 2021, https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/11/16/facebook-emploie-766-moderateurs-en-langue-arabe-pour-220-millions-d-utilisateurs-arabophones_6102312_4408996.html

Sur Facebook, le fiasco de la modération en langue arabe, M. UNTERSINGER, 2021, https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/10/25/sur-facebook-le-fiasco-de-la-moderation-en-langue-arabe_6099808_4408996.html

En Égypte, la chasse aux « filles TikTok » et autres influenceuses, Courrier International, 2021, https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/moeurs-en-egypte-la-chasse-aux-filles-tiktok-et-autres-influenceuses

Une Égyptienne meurt d’une excision, ses parents et le médecin arrêtés, M. EL-FAIZY, 2020, https://www.france24.com/fr/20200204-mutilations-genitales-excision-egypte-deces-fillette-droits-femmes

Mohamed Ali, l’opposant égyptien qui secoue le régime de Sissi, Courrier international, 2019, https://www.courrierinternational.com/article/portrait-mohamed-ali-lopposant-egyptien-qui-secoue-le-regime-sissi

Manifestations contre Al-Sissi : « Les Égyptiens ont repris de la voix », Courrier international, 2019, https://www.courrierinternational.com/article/dans-la-presse-arabe-manifestations-contre-al-sissi-les-egyptiens-ont-repris-de-la-voix

Le Printemps arabe, première révolution smartphone, France 24, 2020, https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20201130-le-printemps-arabe-la-premi%C3%A8re-r%C3%A9volution-smartphone

Communiqué de presse, « Amazon Prime Video est désormais disponible dans plus de 200 pays et territoires à travers le monde », 2016.

Grâce au streaming, les séries arabes font leur révolution, Courrier International, https://www.courrierinternational.com/article/decryptage-grace-au-streaming-les-series-arabes-font-leur-revolution

Google Maps devient-il un réseau social ?

Google Maps : de la simple application de navigation au réseau social de proximité ?

            La puissance du géant du web Google n’est plus à débattre. Des smartphones à la publicité digitale, en passant par la santé, l’aire de jeu de la firme de Mountain View est vaste. L’un de ses terrains de prédilection est la cartographie et la navigation du fait du très populaire Waze, mais surtout de l’incontournable Google Maps. Selon un article paru dans Les Echos, l’application, lancée en 2005, représentait 67% du marché états-unien, en 2018. Le service a connu de nombreuses évolutions telles que la possibilité de personnaliser ses cartes, réserver une table dans un restaurant, et même trouver une trottinette électrique en location. Au cours de son existence, le service a agrégé de nombreuses données de déplacement et est passé d’un simple outil cartographique à une plateforme dédiée à la mobilité. Sa croissance ne semble pourtant pas terminée. Le journal Les Echos rapporte qu’un analyste de Morgan Stanley a estimé le chiffre d’affaires à 2,95 milliards en 2019 et qu’il atteindrait 11 milliards en 2023. La dernière mise à jour remet en question le positionnement de l’application au milliard d’utilisateurs actifs mensuels (chiffres du JDN). Google Maps semble encore évoluer et faire un pas supplémentaire vers l’univers du « social ». Désormais, un utilisateur dispose d’un profil et peut s’abonner à un compte tiers sur le même modèle qu’un réseau social traditionnel. 

Des fonctionnalités qui reprennent les standards des réseaux sociaux

            Le fil d’actualité est une fonctionnalité incontournable pour un réseau social. Il est maintenant présent sur Google Maps et constitue une véritable avancée pour l’application. Dans l’onglet « Découvrir », le fil propose les derniers ajouts d’utilisateurs ou des commerces de notre zone géographique. L’ajout du bouton « J’aime » s’avère utile pour réagir à un poste. De son côté, l’onglet « Actualités » informe, entre autres, des nouveautés (comme les restaurants récemment ouverts), mais il recommande aussi des Local Guides et permet de s’y abonner.

Exemple d’une page de l’onglet « Découvrir » de Google Maps (Capture d’écran)

            Par ailleurs, Google travaille depuis longtemps à développer une véritable communauté avec les Local Guides. D’après un article de l’entreprise Partoo, il s’agit d’un statut attribué à un utilisateur qui remplit certains critères. Via un système de points et de niveaux, l’individu est incité à générer du contenu sur la plateforme (commentaires, notes, photos, suggestions, etc). Plus l’utilisateur est actif, plus il obtient de points, et gagne des avantages comme une plus forte visibilité de ses postes. Selon Guest Suite et Google, le nombre de Local Guides dans le monde a atteint 120 millions en 2019. La firme de Mountain View n’y est pas pour rien dans cette croissance. Elle a entretenu un lien étroit avec ces utilisateurs, notamment grâce à un rendez-vous annuel nommé « Local Guide Summit ». Par ce biais, Google peut encourager l’engagement de ses Local Guides dont les contributions sont précieuses pour maintenir les informations de la plateforme à jour. 

         Avec sa dernière mise à niveau, Google Maps réitère sa confiance auprès d’eux. Avec les pages profils et la possibilité d’avoir des « followers », le service ne veut plus seulement développer une communauté de Local Guides mais plutôt encourager la création de communautés autour de ces derniers. Par conséquent, le nouveau système se rapproche du principe des influenceurs qui existent sur les réseaux sociaux connus.

Quelle utilité pour Google ?

            Alors que l’application est actuellement associée à un usage de recherche de lieu et de déplacement, elle pourrait bientôt devenir l’endroit idéal pour découvrir le nouveau restaurant tendance ou le fromager tant recherché dans son quartier. Ainsi, la nouvelle utilisation serait radicalement différente. En plus d’offrir des fonctionnalités uniques comme Street View, la partie sociale de l’application fidéliserait les utilisateurs et serait un argument supplémentaire en faveur de Google Maps. Cette fidélité ne serait plus forcément liée à des fonctionnalités pratiques, mais à une utilisation plus émotionnelle liée à l’attachement à d’autres internautes. Ce changement d’usage constituerait donc une source de différenciation forte vis-à-vis de ses concurrents.

            De plus, développer l’engagement signifie multiplier les contributions des utilisateurs qui alimentent la plateforme et assurent la pertinence des informations affichées. Par exemple, les internautes peuvent suggérer des modifications sur une fiche Google My Business si cette dernière n’est pas à jour, ou simplement publier un avis. Ces données générées par les utilisateurs sont précieuses pour la firme californienne puisqu’en plus d’être utiles au service de cartographie, elles sont utilisées pour les résultats de Google Search.

            Enfin, du fait d’une audience engagée et d’un usage tourné vers l’interaction, on peut imaginer que l’offre publicitaire de Google Maps pourrait être valorisée. D’après Presse Citron, en 2018, Google a lancé le format publicitaire « local » à destination des établissements souhaitant cibler une audience de proximité. Selon le même article sur la publicité (de Presse Citron), l’avenir semble très prometteur puisqu’il est rappelé que « l’intérêt des recherches locales est 350 fois » supérieur à celui des débuts de l’application. Une telle proposition semblerait donc pertinente pour les annonceurs et attirerait davantage de commerces de proximité. Si ces nouvelles fonctionnalités sont adoptées, alors les revenus publicitaires de la plateforme pourraient s’accroître à long terme. 

Quels enjeux pour les commerçants ?

            Du côté des entreprises avec pignon sur rue, Google Maps constitue une opportunité de gagner en visibilité, avec notamment l’optimisation de la fiche Google My Business. Cette dernière contient des données sur l’établissement. Par exemple, elle permet de connaître les horaires ou l’itinéraire vers un magasin, mais aussi de laisser un commentaire ou une note.

            Toutefois, la dernière mise à jour semble être en faveur du développement des Local Guides. Les avis de ces derniers sont mis en avant par rapport à ceux d’utilisateurs classiques. De ce fait, ils peuvent avoir un impact positif ou négatif sur l’e-réputation d’une entreprise. Les commerçants sont donc encouragés à actualiser les informations et répondre aux avis clients pour éviter que ce ne soit fait par des tiers. Le fil d’actualité peut, lui aussi, être un outil efficace pour communiquer avec les clients et les tenir informés de la vie de la boutique. Malheureusement, bien qu’elles soient importantes, ces tâches CRM représentent un temps d’investissement conséquent pour des commerçants dont l’emploi du temps est déjà bien rempli.

            De plus, en développant sa communauté, le Local Guide augmente son pouvoir d’influence. Ainsi, ceux dotés d’un grand nombre d’abonnés pourraient, à long terme, devenir des leviers de communications utiles pour une marque. Sur le même modèle qu’un influenceur avec du contenu sponsorisé, il est tout à fait possible d’imaginer qu’un Local Guide soit rémunéré pour promouvoir un commerce auprès de ses fans. Son impact sera, quant à lui, d’autant plus fort que sa communauté est grande.

Google et les réseaux sociaux : une histoire compliquée

         Il faut rappeler que ce n’est pas la première fois que Google s’essaie au développement d’un service à la vocation sociale. L’exemple le plus marquant est Google+, lancé en 2011. Dans son article, le quotidien Le Monde rappelle que, pour le géant états-unien, ce service n’était pas un réseau social mais « une couche sociale » ajoutée à Google. Il a pourtant été considéré comme tel par la plupart des personnes. Google+ offrait la possibilité de partager et d’interagir avec différents « cercles ». Cependant, cette nouvelle plateforme a très vite connu des déboires. Comme le souligne l’article du Monde, la maison mère ne communique pas sur le nombre d’utilisateurs actifs et son succès semble relatif. De plus, la firme a tenté plusieurs fois de doper la croissance de son réseau en proposant, à chaque internaute, la création d’un compte Google+ à l’inscription sur Gmail. Cependant, cela n’a pas permis au service d’engager ses utilisateurs qui sont, pour une grande partie, restés inactifs. En 2018, dans son papier, Le Monde souligne que le service n’a pas réussi à convaincre son public car, 90% des sessions étaient inférieures à 5 secondes. Cette même année, l’entreprise annonce la fin de l’aventure Google+.

Ainsi, bien que le passé ait prouvé qu’une nouveauté de Google ne rime pas toujours avec « succès », les nouvelles possibilités marquent une évolution dans la stratégie de Google Maps. Il semblerait que le géant californien veuille rendre sa base d’utilisateurs plus active en proposant des fonctionnalités engageantes. L’aspect social inédit de l’application lui permet de s’éloigner de sa simple utilité de navigation pour, peut-être, devenir le réseau social adapté à la vie de quartier. La concrétisation des éléments évoqués dépend maintenant des utilisateurs. Adopteront-ils ces nouveautés ?


Thomas Soares

Sources :

Damien Leloup, “Une brève histoire de Google+ », Le Monde, le 13/03/2015. Lien :https://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/03/02/une-breve-histoire-de-google_4585853_4408996.html

Damien Leloup et Morgane Tual, « ‘Mais c’est quoi Google+ ?’ et autres questions sur sa fermeture », Le Monde, le 13/10/2018. Lien : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/10/09/mais-c-est-quoi-google-et-autres-questions-sur-sa-fermeture_5366794_4408996.html

Matt Southern, “Google Maps goes social giving each user their own profile”, Search Engine Journal, le 30/072020. Lien : https://www.searchenginejournal.com/google-maps-goes-social-giving-each-user-their-own-profile/376194/#close

Auteur inconnu, « Google Maps devient véritablement un réseau social avec cette nouvelle fonction », Frandroid, le 01/08/2020.Lien : https://www.frandroid.com/marques/google/744573_google-maps-devient-veritablement-un-reseau-social-avec-ce-nouveau-bouton

Benoît Georges, « Google Maps les cartes au trésor », Les Echos, le 19/02/2020. Lien : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/google-maps-les-cartes-au-tresor-1173111

Sarah Perez, “Google Maps tests a social networking feature with the ability to ‘follow’ Local Guides”, Tech Crunch, le 18/11/2019. Lien : https://techcrunch.com/2019/11/18/google-maps-tests-a-social-networking-feature-with-the-ability-to-follow-local-guides/

Els Bellens, « Google Maps solidement étoffée par des fonctions sociales et des numéros de maison », Datanews, le 04/12/2020. Lien : https://datanews.levif.be/ict/actualite/google-maps-solidement-etoffee-par-des-fonctions-sociales-et-des-numeros-de-maison/article-news-1365431.html

Caleb Potts, “You can now follow people on Google Maps, the company’s newest social network”, Android Police, le 30/07/2020. Lien : https://www.androidpolice.com/2020/07/30/you-can-now-follow-people-on-google-maps-the-companys-newest-social-network/

Julio Cachila, “Google Maps is now a social network”, International Business Times, le 31/07/2020. Lien : https://www.ibtimes.com/google-maps-now-social-network-3020405

Andrew J. Hawkins, “Is Google Maps trying to be a social network”, The Verge, le 13/02/2017. Lien : https://www.theverge.com/2017/2/13/14581028/google-maps-location-list-share-social-network

Shayak Majumder, “Google Maps now allows users to follow each other’s recommendations”, Gadget 360, le 31/07/2020. Lien : https://gadgets.ndtv.com/apps/news/google-maps-follow-social-profile-page-topic-filters-update-feature-2272019

Ben Smith, “Project Strobe: protecting your data, improving our third-party APIs, and sunsetting consumer Google+”, Blog de Google, le 08/10/2018. Lien : https://www.blog.google/technology/safety-security/project-strobe/

Arthur Vera, « Google Maps, nouvel Eldorado de la publicité en ligne ? », Presse Citron, le 26/02/2020. Lien : https://www.presse-citron.net/google-maps-nouvel-eldorado-de-la-publicite-en-ligne/

Charlie Perreau, « Google : un anniversaire, des records », Journal du Net, le 04/092018. Lien : https://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1211137-les-20-chiffres-de-google/

Lucas, « Qu’est-ce qu’un Local Guide Google My Business ? Quels avantages et impacts sur les fiches ? », Partoo. Lien : https://help.partoo.fr/fr/articles/1785698-qu-est-ce-qu-un-local-guide-google-my-business-quels-avantages-et-impact-sur-les-fiches

Karlee Onstad, “How can Google Maps benefits your business”, Evolve Systems. Lien : https://evolve-systems.com/how-google-maps-can-benefit-your-business/

Steven, « La publicité sur Google Maps », Grizzlead, le 28/02/2020. Lien : https://www.grizzlead.com/la-publicite-sur-google-maps/

 « Points, niveaux et badges », Support Google. Lien : https://support.google.com/local-guides/answer/6225851?hl=fr

Page du Local Guides Summit. Lien : https://maps.google.com/localguides/event/connectlive

Austin Wells, “Discover new places with gelp from top Local Guides”, Blog de Google, le 15/11/2019. Lien : https://www.blog.google/products/maps/discover-new-places-with-help-from-local-guides/

Loïc, « Local Guide Google My Business : définition et fonctionnement », Guest Suite, le 12/07/2020. Lien : https://www.guest-suite.com/blog/local-guide-google-my-business

Retour sur l’émergence de théories complotistes sur les réseaux sociaux en 2020 : le mouvement QAnon

Nul n’a pu échapper dans son expérience sur les réseaux sociaux et dans sa quête d’information, à ces fameuses « théories complotistes » qui émergent sur internet. Entre les personnes croyant que la terre serait plate, celles qui pensent que la Norvège n’existerait pas, que les Américains n’ont jamais été sur la Lune, qu’une société secrète impliquant des personnes de pouvoirs régirait le monde dans l’ombre ou encore que le coronavirus ne serait qu’une machination, nous ne comptons plus les théories conspirationnistes relayées sur les réseaux sociaux. Les trois plateformes sociales particulièrement touchées par ce flot d’informations sont Facebook, Twitter et Youtube, qui peinent à supprimer ou du moins modérer ces théories. Mais comment des milliers de personnes peuvent se réunir autour de sujets aussi saugrenus ? Comment alimentent-ils leur croyance ? Quel rôle jouent les réseaux sociaux dans cette affaire ? Quel impact cela a-t-il sur notre société ? Retour sur une théorie qui s’est enraciné dans les élections présidentielles américaines de 2016 à aujourd’hui : le mouvement QAnon, pour lutter contre la désinformation et l’émergence de nids du complot.

Bien qu’il existe depuis toujours des groupes d’individus prônant des théories conspirationnistes, cette mouvance s’est accélérée avec l’apparition des réseaux sociaux et de façon massive en cette année 2020. Permettant à des groupes assez marginaux de diffuser leurs théories à leur guise sur la toile et d’avoir de plus en plus d’adeptes. Ces « fake théories » quelque peu déroutantes sont marquées au fond par une perte de confiance dans les médias traditionnels puisque de nombreuses personnes ne s’informent à présent que sur des sites dont l’information n’est pas vérifiée ou sur les réseaux sociaux. Et bien que certaines de ces théories puissent prêter à rire sans devenir un réel danger pour notre société, d’autres théories du complot sont de vraies menaces qui ont de plus en plus de poids dans certaines élections présidentielles, ou touchent à des sujets sensibles telles que le réchauffement climatique ou la santé (les anti-vaccins par exemple).

Source : L’Observatoire Mesdatas&moi

Retour sur le mouvement « QAnon » 

La rumeur du « Pizzagate » naît sur internet en 2016 ; s’ensuit une fusillade dans une pizzeria se voulant être un haut lieu de trafic d’enfants orchestré par Hillary Clinton et la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle. L’histoire prend vie et est relayée sur de nombreux réseaux sociaux complotistes : le mouvement QAnon est né. Porté par un certain internaute nommé « Q » qui dénonce un Etat dans l’Etat, affirmant qu’il existerait un réseau de pédophilie souterrain aux Etats-Unis, étroitement lié au parti démocrate, à certains milliardaires ou personnalités influentes (telles que Hillary Clinton ou encore Bill Gates). Ce mouvement a déjà conquis des milliers voire des millions d’Américains du plus crédule au plus averti. Il est né dans une « bulle » qu’est internet, les adeptes de ce mouvement sont désormais partout, à tous les meetings de Donald Trump aux Etats-Unis, brandissant des affiches avec la fameuse lettre Q, symbole du mouvement. Il règne d’ailleurs une ambiguïté sur la proximité du président Trump avec la théorie conspirationniste QAnon dont les fidèles en ont fait leur figure de proue. Fervents soutiens à ce dernier, cela soulève de nombreuses questions sur son implication ou non dans ce mouvement, soutien auquel il a répondu par je cite « D’après ce que j’ai compris, ils m’aiment beaucoup, ce que j’apprécie. Je ne sais pas grand-chose de ce mouvement, mais j’ai entendu dire qu’ils gagnaient en popularité ». 

Mais ce qui est le plus étonnant, c’est l’ampleur qu’a pris cette théorie, le nombre d’adeptes que comprend le mouvement et la force de leur visibilité sur internet, en particulier sur Facebook depuis le début de l’épidémie de la covid-19. Certaines études ont montré que depuis le début de l’épidémie, l’audience de la page du mouvement QAnon aurait augmenté de plus de 600% sur Facebook.

Le rôle joué par les réseaux sociaux 

Dans une société où les réseaux sociaux jouent un rôle crucial dans le partage d’informations, ils se doivent également de lutter contre tout contenu haineux, le relais de fausses informations ou la montée en puissance de groupes radicaux sur leurs plateformes. Dans ce cas précis, il s’agit de supprimer les contenus de la mouvance conspirationniste QAnon. A l’approche de l’élection présidentielle, la société dénonce les inactions des réseaux et de la propagation des théories du complot liées à l’extrême droite ultra-conservatrice. Facebook décide alors de supprimer les comptes liés au mouvement QAnon et d’endiguer leurs audiences sur sa plateforme ainsi que sur son autre réseau social Instagram. C’est ensuite au tour de YouTube d’interdire les contenus violents de ce mouvement et de ceux faisant la promotion de cette théorie. YouTube a également annoncé que ces mesures viennent compléter celles déjà prises sur la modification de ses règles d’utilisation, en voulant « interdire tout contenu qui vise un groupe ou des individus en s’appuyant sur des théories conspirationnistes qui ont déjà motivé des actions violentes ». Quant à Twitter, le réseau social avait déjà pris comme mesure en Juillet dernier de supprimer plus de 7 000 comptes appartenant au mouvement Q.

Même si la prise de position des réseaux sociaux montre une volonté d’endiguer les phénomènes conspirationnistes, nous sommes loin d’avoir régler tous les problèmes liés aux groupes extrémistes qui agissent sur les réseaux. Cela est en parti lié à l’algorithme utilisé par les réseaux sociaux qui par nature recommandent ce type de contenu aux personnes déjà enclin à les apprécier, ce qui crée une réaction en chaine importante. Par exemple, sur Youtube, plus de 70% des vidéos qui sont regardées quotidiennement sont directement recommandées par l’algorithme, en Automne 2018 YouTube avait massivement recommandé des vidéos QAnon avant de modérer quelques mois plus tard ces contenus. Du côté de Facebook plus de 64% des comptes qui ont rejoint des groupes complotistes ou extrémistes l’ont fait car l’algorithme de Facebook leur avait recommandé ces groupes au préalable. De plus, en 2018, Facebook a décidé de modifier sa stratégie en promouvant davantage les contenus produits par les groupes et les profils d’utilisateurs et de restreindre la visibilité algorithmique des pages (souvent utilisées par les médias). Cela a permis à des groupes conspirationnistes comme QAnon d’émerger à travers les groupes Facebook. On ne peut donc pas nier l’effet qu’ont les algorithmes dans la propagation des théories conspirationnistes et le rôle d’accélérateur qu’ont les réseaux sociaux. Une formule utilisée par les américains représente très bien cette pensée dont l’objectif n’est en rien de réduire le « freedom of speech » mais plutôt le « freedom of reach ». Le rôle des algorithmes finit par réduire notre horizon informationnel puisque les contenus recommandés convergent tous dans la même direction. Cela est encore plus flagrant avec les contenus radicaux ou complotistes, ce procédé étrique notre façon de penser avec une vision clivante du monde.

Source : Le Monde, ADRIA FRUITOS

Une menace pour nos démocraties 

Enfin, le groupe QAnon qui a pris beaucoup d’ampleur ces derniers mois ne s’arrête pas aux frontières des Etats-Unis puisqu’elle gagnerait en popularité Outre-Atlantique et s’immiscerait au sein d’autres mouvements contestataires partout en Europe, tel que celui des Gilets Jaunes en France. Pour appréhender le développement fulgurant de ces théories en 2020, il faut également comprendre le contexte dans lequel il a été permis. La crise du coronavirus qui a touché le monde entier, a soulevé de nombreuses questions au sein de nos démocraties. Certains questionnent même l’existence du virus, ne « croient » plus en l’Etat et pensent être manipulés constamment par les médias. Le film documentaire « Hold-up » sorti en Novembre en est la preuve, leurs propos : tout ne serait que complot pour anéantir la population mondiale dont l’outil numéro un serait la covid-19. En donnant de la lumière aux théories complotistes et en essayant de les justifier, ce documentaire octroie une crédibilité aux groupes conspirationnistes et sème le trouble dans la société. Une fois de plus pointées du doigt pour leur manque de rapidité dans la modération de contenu, les plateformes apparaissent comme des acteurs puissants dans le relais de l’information.

Bien que la modération sur les lieux où naissent et se propagent les théories soit essentielle, elle reste insuffisante. Les croyances de ces groupes sont enracinées dans une défiance envers les institutions politiques et médiatiques. Pour tenter d’inverser la tendance et de gagner de nouveau la confiance, il faut nécessairement en comprendre les causes profondes. La confiance dans les médias et les institutions politiques a besoin d’être restaurée, la lutte contre les fake news approfondie et la régulation des contenus haineux et complotistes intensifiée si nous voulons faire cesser l’émergence de théories conspirationnistes qui divisent notre société et met à mal nos démocraties.

Louise Varnusson

Sources :

La story Instagram : un contenu interactif et engageant qui permet de nouvelles narrations.

Depuis son lancement en 2010, Instagram a connu une forte croissance en termes de nombre d’utilisateurs. Le rachat du réseau social par Facebook lui a également permis de faire face à ses concurrents sur le marché, et d’y garder une place prépondérante. Cela est notamment passé par le développement de fonctionnalités telle que la story, caractéristique de l’application Snapchat, qu’Instagram a intégré à son application pour finir par dépasser son concurrent en termes d’utilisateurs actifs. Aujourd’hui, Instagram est un des réseaux sociaux les plus important et influent pour les marques et les consommateurs. Le nombre d’utilisateurs de la plateforme est de plus d’1 milliard d’utilisateurs actifs mensuels, chiffre qui est en croissance constante.

Les Stories Instagram sont des contenus courts (photo ou vidéo) qui ne restent que quelques secondes à l’écran et s’effacent complètement au bout de 24 heures. Elles représentent dans l’application Instagram, un outil séparé du fil d’actualité que les utilisateurs peuvent choisir de visionner ou non. Lorsqu’un utilisateur se rend sur l’application, il a accès aux stories des profils qu’il suit. S’il visionne la totalité des stories d’un compte auquel il est abonné, la storie disparaît pour laisser place à un contenu non visionné, encerclé en couleur. Pour visionner ce contenu, il suffit ensuite de cliquer sur le contenu encerclé, puis de faire défiler les contenus en appuyant sur l’écran. Un fonctionnement très intuitif. L’objectif premier des stories sur Instagram est de mettre en avant des moments spontanés de la vie des utilisateurs, pris en direct. Cependant, si les Millenials sont les principaux utilisateurs de stories sur Instagram, 33% des stories les plus regardées sur le réseau proviennent des entreprises, qui ont su s’emparer de ce contenu à succès. En effet, ce sont plus de 500 millions de comptes qui utilisent chaque jour les storie Instagram.

La story : générateur d’interaction avec les utilisateurs  

Les stories peuvent générer de l’engagement auprès des utilisateurs. En effet, leur format rapide et éphémère a permis aux marques de créer des contenus qui n’ont pas besoin d’être trop travaillés, et qui permettent de créer une image plus authentique et vivante à leur entreprise. Internet augmenté considérablement le nombre d’images auxquelles nous sommes confrontés chaque jour. Qu’elles apparaissent sur des affiches, des panneaux lumineux, des sites internet ou sur les réseaux sociaux que nous fréquentons, les images, publicitaires ou non, sont partout. En effet, chaque jour, nous observons près de 1 200 images publicitaires. Sur internet, la visibilité de ces images est très courte et une photo ou une vidéo n’est plus d’actualité au bout de seulement quelques heures. Les stories permettent en cela de communiquer directement avec le consommateur de manière plus courte certes, mais plus répétée.

De plus, la story est une communication entièrement visuelle qui suscite de l’émotion et de la curiosité chez les utilisateurs, et permet d’interagir avec eux. En effet, un utilisateur peut réagir à une story via des messages ou simplement des réactions. Instagram a également créé de nombreux outils applicables directement sur les stories, comme les sondages, les quizz, ou bien les questions auxquelles les utilisateurs peuvent répondre.

Un format économique et à la portée de tous

La story, contrairement à un post classique publié sur le fil d’actualité d’Instagram, génère donc de l’engagement en rendant l’utilisateur pro actif. Dans le cas des marques, une enquête Ipsos commandée par Facebook a montré que les utilisateurs s’intéressent davantage à une marque ou à un produit après l’avoir vu dans une story. L’enquête révèle également que le lien créé entre la story et les utilisateurs semble plus authentique que celui généré par un simple post. Il est également intéressant de noter que le CPC d’une story est deux fois moins cher qu’une publication classique. De plus, l’algorithme d’Instagram tend à davantage mettre en valeur les profils utilisant toutes les fonctionnalités que l’application propose. Les marques ont donc tout intérêt à utiliser ce format, qui ne nécessite pas une qualité d’image exceptionnelle, car le contenu est destiné uniquement au smartphone, et donc à un écran de taille réduite. C’est également ce qui a permis de nombreuses institutions culturelles et médias à réaliser des campagnes créatives sur Instagram, et qui a également permis à de nombreux influenceurs de s’imposer sur ce média via des courtes photos et vidéos.

Un format créatif : le cas de Été et de l’Instraviata d’Arte

L’Instraviata, une BD décalée publiée sur Arte Concert

La story est également un format créatif qui ne séduit pas seulement les marques. En effet, les institutions culturelles et les médias ont su adopter ce format dans leur communication sur les réseaux sociaux. C’est le cas par exemple d’Arte qui a publié plusieurs narrations entièrement dédiées à Instagram développées par le studio de production Bigger Than Fiction, qui est responsable de l’animation éditoriale des réseaux sociaux français et allemands d’Arte Cinema, Arte Creative et Arte Concert. Ils ont par exemple développé l’Instraviata pour Arte concert. L’Instraviata est une adaptation décalée et fantaisiste de La Traviata, le célèbre opéra en trois actes de Giuseppe Verdi, diffusée sur Instagram sous forme de bande dessinée durant 1 mois, afin d’offrir au public digital d’Arte une autre manière d’appréhender l’opéra classique via Instagram. Les trois actes de l’opéra ont été divisés en 30 épisodes, avec des personnages décalés et une touche d’humour. La diffusion a duré tout le long du mois de mars 2019, avec chaque jour à 12h, un épisode de BD animée et en karaoké accompagné d’un épisode documentaire publié à 18h sur la page, afin de rentrer dans l’univers de la chanteuse lyrique Elsa Dreisig.

Le studio Bigger Than Fiction est également à l’origine du projet Été, une narration inédite sur Instagram, également en collaboration avec Arte. Dessinateurs, scénaristes et spécialistes en narrations interactive sur les nouveaux médias se sont réunis afin de mettre en place cette bande dessinée publiée pendant le mois de juillet et aout, au rythme d’un épisode par jour. Été nous fait rentrer dans la vie d’Abel et Olivia, un couple qui décide de se séparer le temps d’un été afin de réaliser leurs projets personnels, avant de passer leur vie ensemble. Instagram a permis à ces projets narratifs de voir le jour et d’aller directement à la rencontre de leur public via les fonctionnalités que permettent les stories. En effet, le projet Été a récemment lancé une campagne de crowdfunding afin de s’auto-produire, indépendamment d’Arte. Une campagne réussite puisque le compte Instagram de la BD compte désormais 87,8 mille abonnés.

Un contenu adapté aux usages des millenials

Le succès de la story Instagram s’explique également par le fait qu’il correspond aux usages des millenials, principaux utilisateurs du réseau social. En effet, face à l’abondance de contenus et de plateformes et applications auxquels ils sont confrontés, un contenu court tel que la story s’impose comme un format judicieux, qui peut être consommé rapidement, et dans lequel l’utilisateur est pro actif et peut swiper à sa guise. Le fait que les stories soient éphémères pousse les marques et les médias à être davantage créatifs et à se renouveler sans cesse afin de capter l’attention des utilisateurs. Dans le cas des formats de bande dessinées comme ceux qu’Arte a développé avec le studio de production Bigger Than Fiction, la découpe sous formes de courts épisodes diffusés chaque jour est fortement adapté à un public ultra-connecté qui serait peu familier du milieu fermé de l’Opéra.

Le succès d’Instagram a permis à des marques et des médias de créer des narrations créatives dédiées à un public ultra connecté, et de rajeunir leurs cibles, en utilisant toutes les fonctionnalités que proposent ce réseau social. La story a pris une place centrale dans l’usage qui est fait d’Instagram, et divers médias ont su s’approprier ce nouveau format court, éphémère et spontané, afin de développer des narrations innovantes et interactives. De plus, ces narrations ont permis de sensibiliser un public à des milieux encore peu touchés par la révolution numérique, comme l’Opéra ou la BD, qui ne sont pas au cœur des centres d’intérêts du public touché par Instagram, à savoir les millenials.

Sophie Petter

Sources

https://blog.digimind.com/fr/tendances/instagram-chiffres-essentiels-2019-france-monde

https://www.blogdumoderateur.com/rencontres-video-mobile-medias-stories/

https://lareclame.fr/social-insight-instagram-stories-207112

https://www.kolsquare.com/fr/blog/stories-instagram-strategie-acquisition

https://www.meltwater.com/fr/blog/instagram-stories-marketing-influenceurs/

https://www.franceculture.fr/emissions/hashtag/les-techniques-publicitaires-sont-beaucoup-plus-agressives-et-intrusives-quauparavant

https://www.telerama.fr/medias/sur-linstagram-darte-concert,-swipez-la-traviata,n6146529.php

https://www.anthedesign.fr/sociaux/stories-instagram/
https://www.ladn.eu/adn-business/news-business/actualites-media/igtv-stories-tendances-social-media-instagram-brand-content/

Pour Facebook, « l’avenir est privé »

Le groupe Facebook souhaite mettre fin à la morosité de ses dernières années et compte progresser vers un modèle beaucoup centralisé.

FACEBOOK, UNE PLATEFORME EN MAUVAISE POSTURE

Ces deux dernières années auront été particulièrement difficiles pour la firme Facebook, passées à essuyer les retombées entraînées par le scandale des data leaks, lors duquel les informations de 87 millions de comptes ont été piratées. Cette très mauvaise presse met depuis deux ans la firme et son PDG sous pression face à une forte détérioration de leur image et de la confiance accordée par leurs utilisateurs. À tel point que le cours de l’action a diminué de 30% depuis mars dernier.

Par ailleurs, de nouveaux entrants sur le marché des plateformes sociales viennent ajouter de l’incertitude à ses horizons stratégiques. Ce sont de nouveaux noms qui apportent un vent de fraîcheur auquel les générations les plus jeunes sont particulièrement réceptives : TikTok en est la manifestation la plus parlante avec ses 1,7 milliards d’utilisateurs mensuels. Par opposition, Facebook apparaît plus vieillissant et se retrouve une nouvelle fois confronté à un concurrent, très populaire auprès de la Gen Z et peut-être plus difficile à tenir à distance que Snapchat.

LES ÉCHANGES PRIVÉS, UN MARCHÉ PROMETTEUR

Mais en dehors de ces difficultés, d’autres signaux indiquent assez clairement des évolutions de marché auxquelles il convient de répondre pour rester en adéquation avec les utilisateurs et leurs modes de consommation. Comme l’a très justement remarqué Mark Zuckerberg, « l’avenir est privé » (Conférence F8, avril 2019). 

Et pour cause, les échanges privés ont pris une part grandissante dans les interactions des individus sur les réseaux sociaux. En effet, ce qu’on appelle le « dark social » constitue une majorité des contenus partagés : il s’élève en 2019 à 63% des flux d’informations échangées, du moins aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Il y a donc un désengagement avéré des échanges sur les supports publics, qui traduit un intérêt assez généralisé pour le respect de la vie privée. 

Cette tendance assez marquée pointe un manque à gagner du côté des marques dans leurs stratégie marketing : une grande partie des échanges entre utilisateurs leur échappent manifestement, échanges qui peuvent potentiellement concerner leurs goûts et comportements de consommateurs, comme le précise Chase Buckle, responsable des tendances pour GobalWebIndex : « Alors que les plateformes de médias sociaux publiques remplissent de plus en plus le rôle de sources de consommation de contenu, les plateformes de messagerie privée sont maintenant le lieu où des conversations et des recommandations significatives ont lieu entre pairs qui s’engagent activement les uns avec les autres. Le partage de contenu avec un grand réseau d’amis accumulé au fil des ans peut avoir une portée impressionnante, mais n’est rien comparé à l’environnement des messageries privées, qui est beaucoup plus propice à la confiance dans les recommandations ».

Il y aurait donc un intérêt non négligeable pour les marques qui communiquent via Facebook pour mieux affiner leur stratégie et s’adresser plus directement au consommateur, par des conversations et chatbots par exemple. Logiquement, c’est aussi une occasion pour une plateforme telle que Facebook de s’octroyer une place d’autant plus centrale dans son écosystème vis-à-vis de ces entreprises tierces.

D’UN CHANGEMENT DE PARADIGME À L’INTÉGRATION DES PLATEFORMES

C’est dans cette perspective que Mark Zuckerberg pousse pour un virage stratégique majeur, qui vient remettre en question l’identité même de Facebook. Le 6 mars 2019, il annonçait officiellement vouloir faire progresser Facebook vers l’interaction privée ou en groupes avec deux conséquences majeures : le regroupement de ses trois plateformes principales et le cryptage des conversations privées. Ce revirement s’inscrit dans une dynamique qui se rapproche du modèle de WeChat, la super-application du groupe Tencent qui rassemble une part colossale des achats en ligne et de la vie sociale digitale sur le marché chinois. Il s’agirait donc d’opérer une intégration de ses trois fleurons : Messenger, Instagram et WhatsApp. Bien entendu, ce rapprochement ne vise pas à fondre les trois applications en une seule : Facebook s’oriente vers une centralisation de la vie numérique de ses utilisateurs, certes, mais moins appuyée que dans le cas de WeChat. Les plateformes resteront en effet distinctes les unes des autres dans leur utilisation, en revanche le rapprochement se jouera sur leurs infrastructures respectives qui seront unifiées, ce qui implique de revoir entièrement tout un pan de leurs fonctionnements différents.

L’intérêt d’une telle entreprise réside dans l’agrégation de 2,7 milliards d’individus, qui pourront interagir entre eux d’une application à l’autre, grâce à la mise en place de passerelles pour faciliter la navigation sur l’ensemble des services du groupe. C’est pour le géant des réseaux sociaux un moyen de capter leur engagement dans un écosystème davantage verrouillé, à l’abri de ses concurrents. De cette manière, le groupe pourrait du même coup renforcer le contrôle sur ses filiales, tout en consolidant son emprise sur l’essentiel de la vie sociale digitale de ses utilisateurs. On pourrait y voir une volonté de s’enraciner un peu plus dans leur vie quotidienne à l’instar du Chinois WeChat. Favoriser les interactions privées, c’est-à-dire le trafic sur ses applications, est un terrain d’opportunité crucial pour augmenter ses revenus, notamment avec la publicité. Mais de surcroît, c’est un tremplin pour se diversifier avec le renforcement de services complémentaires et donc de nouveaux revenus (avec une nouvelle forme de e-commerce ou de transaction par exemple).

Les ambitions de Facebook vont-elles donc réellement se concrétiser ? Pas si sûr ! Les relations de Facebook avec ses deux plus grosses filiales s’étaient avérées assez houleuses ces dernières années. WhatsApp et Instagram y voient le danger d’une perte de leur autonomie qui leur était promise lors de leur acquisition, à tel point que leurs fondateurs respectifs ont claqué la porte en 2018. Mais les résistances proviennent également et plus récemment des pouvoirs publics. Le projet ne semble pas être du goût la FTC (Federal Trade Commission), un organe faisant autorité sur la régulation de la concurrence américaine. Celle-ci a émit de sérieuses réserves ces derniers mois quant à ce projet qu’elle perçoit comme anticoncurrentiel.

LA PROMESSE DU CRYPTAGE FACE À LA RÉALITÉ

La deuxième promesse du PDG de Facebook, le cryptage end-to-end, manifeste plutôt sa volonté de tourner la page du scandale des data leaks et assurer le respect de la vie privée dans l’infrastructure de ses services. Le but du cryptage end-to-end, qui consiste à rendre accessible les conversations privées uniquement aux interlocuteurs, serait de garantir un espace sécurisé par défaut et non de manière optionnelle (comme c’est le cas aujourd’hui). C’est bien le principe de privacy by design déjà présent dans l’architecture de WhatsApp qui serait appliqué à Facebook Messenger. Si l’accès aux échanges se réduit aux personnes impliquées dans une conversation, cela signifierait donc que Facebook lui-même n’aurait pas de droit de regard sur ces données, contrairement aux publications publiques. Se pose alors la question de son modèle économique, qui s’est jusqu’ici largement basé sur la collecte et la monétisation de données, et qui s’en trouverait inévitablement bouleversé. Pour l’instant, la firme ne semble pas avoir apporté plus de précisions à ce sujet…

Par ailleurs, le cryptage des échanges privés se heurte encore une fois aux pouvoirs publics (notamment américains) sur le plan de la sécurité, cette fois. De manière assez logique, rendre les conversations totalement hermétiques à toute tentative extérieure expose notre société à un certain nombre de menaces. La désinformation, tout d’abord, qui a marqué l’actualité politique de ces dernières années ne pourrait vraisemblablement plus être modérée et efficacement combattue, puisqu’elle passerait sous les radars. Mais d’autres menaces au moins aussi dangereuses sont à redouter : les contenus haineux ou violents, la propagande terroriste, la pédophilie et plus généralement les activités illicites. Ce sont tous ces comportements qui seraient encouragés à proliférer sur la plateforme, puisque bien moins exposés que sur un fil d’actualité public. Mais pour Facebook, l’enjeu de sécurité concerne aussi les citoyens face à des États, qui pourraient se montrer trop intrusifs, menaçant la liberté d’expression, sous prétexte de lutter contre la criminalité.

Enfin, cette éthique de privacy semble également peu cohérente avec les fortes inquiétudes de la part d’une de ses filiales quant à l’anonymat de ses utilisateurs. En effet, si le cryptage de Messenger permet plus de sécurité sur l’application elle-même, la relier avec WhatsApp fragiliserait lourdement les garanties de cette dernière en la matière. Ses utilisateurs, pour créer un compte, n’ont qu’à fournir un numéro, rien de plus, ni leur adresse, ni même leur nom. À l’inverse, Facebook regroupe de nombreuses informations sur l’identité des personnes y possédant un compte. Si des liens sont établis entre les comptes personnels des utilisateurs sur les deux applications, la garantie d’anonymat sur WhatsApp risque bien d’en être impactée. 

Il apparaît donc clair que passer d’un modèle d’interactions publiques à un environnement privé, ça ne va pas de soi. C’est tout une identité, une infrastructure, un cadré légal et une relation groupe-filiales qui est à revoir. Le parcours de la firme vers cet horizon présente encore de nombreux obstacles venant des pouvoirs publics américains, de son écosystème et plus profondément d’une vraie rupture stratégique, qui viennent apporter beaucoup d’incertitude quant au succès de la démarche.

Hugo Salameh

Références

Wall Street Journal : https://www.wsj.com/articles/ftc-weighs-seeking-injunction-against-facebook-over-how-its-apps-interact-11576178055

New York Times : https://www.nytimes.com/2019/01/25/technology/facebook-instagram-whatsapp-messenger.html

Washington Post : https://www.washingtonpost.com/technology/2019/03/06/facebooks-mark-zuckerberg-says-hell-reorient-company-towards-encryption-privacy/

Forbes : https://www.forbes.com/sites/zakdoffman/2019/10/06/is-facebooks-new-encryption-fight-hiding-a-ruthless-secret-agenda/#268770c75699

Les Échos : https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/facebook-envisage-un-messenger-100-crypte-1145953

La Réclame : https://lareclame.fr/tendances-digitales-2020-224558

La Réclame : https://lareclame.fr/wearesocial-globalwebindex-darksocial-216777

Slate : https://korii.slate.fr/tech/place-publique-salon-prive-recentrage-zuckerberg-revolution-facebook

Les millenials, cible définitivement perdue par les médias télévisuels français?

Alors que les 15-34 ans désertent de plus en plus la télévision, la consommant désormais moins de 2 heures par jour en 2018 (vs. 2h26 en 2017), les médias français ont été obligés de revoir leur stratégie marketing pour s’adapter aux nouveaux modes de consommation des millenials. En ligne de mire: le réseau social chinois Tik Tok. Présent dans 155 pays, avec 625 millions d’utilisateurs mensuels actifs dont 41% de moins de 25 ans, il revendique également 4 millions d’utilisateurs en France qui ont uploadés pas moins de 270 millions de vidéos sur l’année 2018-2019. 

Des débuts difficiles sur le réseau pour les médias traditionnels 

Différent de Snapchat ou Instagram qui sont aussi prisés par les jeunes, le but de Tik Tok est de publier de courtes vidéos (comme Vine l’a fait quelques années auparavant), de playbacks de chansons ou d’extraits de films, avec un montage dynamique. Il est possible de rajouter des effets et des filtres. Le succès de cette application a d’abord commencé en Asie où elle est née, grâce aux reprises des chorégraphies de K-pop. 

Au vu du succès de cette application qui a racheté son concurrent Musical.y en 2017, les grands groupes français ont tenté d’investir Tik Tok pour créer du contenu sur la plateforme. L’enjeu pour ces médias est de reprendre les codes de l’ADN de Tik Tok: un contenu énergique, propice au partage et au buzz sur fond musical. Les chaînes anglo-saxonnes ont été les premières à  utiliser l’application pour faire la promotion de leurs programmes via des challenges. A ce titre, NBC a lancé un challenge de danse pour promouvoir son programme Wolrd of Dance, et a cumulé 110 millions de vues en 24H. En revanche en France, si les médias digitaux comme Konbini ont compris l’éditorialisation des vidéos, les débuts des médias télévisuels français sont timides.

Seul le groupe NRJ en France a repris cette idée en adaptant ses campagnes marketing. Il a par exemple proposé aux utilisateurs de reproduire une chorégraphie du groupe Aome en tagguant NRJ afin de gagner un voyage. A contrario, des chaînes comme TF1 ou M6 ne font pas de contenu original et teasent leurs programmes (The Voice, Koh-lanta, Qui veut être mon associé…) via des vidéos que l’on retrouve sur les autres réseaux. Néanmoins en postant régulièrement, ces médias ont vu leur communauté grimper en un peu plus de 6 mois: +98% our TF1, +98% pour NRJ et + 2052% pour TFX grâce à ses programmes de télé-réalité, regardés majoritairement par les 15-25 ans. 

Des formats publicitaires spéciaux pour faire grandir son audience

Au delà de la création de contenu encore marginale pour les médias français, Tik Tok propose des formats publicitaires qui pourraient attirer ces derniers afin d’agrandir leur communauté et la portée de leurs publications. On trouve le « hashtag challenge », utilisé par NRJ qui est promu pendant 6 jours et permet de créer un effet boule de neige et atteindre des influenceurs avec de nombreux followers, mais également d’autres formats:

Le « in feed », qui va au sein du fil utilisateur, va l’inciter à télécharger une application (par exemple My TF1) ou bien diriger celui-ci vers un profil.  Cela serait alors un « fanbase booster » pour les chaînes, dont la notoriété pourrait être accrue plus facilement. De même, le « splash page », est une vidéo qui peut être lancée au moment de l’ouverture de l’application. Investir dans cers formats pourrait être bénéfique, puisque Tik Tok a annoncé vouloir massifier les campagnes et monétiser les audiences des influenceurs. A noter qu’au dernier trimestre de 2019, le réseau a enregistré 50 millions de dollars de revenus (soit +310% entre 2018 et 2019). 

Arrivée de la plateforme Quibi: opportunité ou menace? 

Un nouvel acteur pourrait donner du fil à retordre aux groupes français : Quibi. Cette plateforme de streaming dédiée au millenials va proposer des contenus originaux de flux et de fictions courts (10 minutes), uniquement sur mobile à partir d’avril 2020 pour un abonnement fixé à 5$ avec publicité. Si elle sera d’abord lancée outre-Atlantique, l’application devrait arriver en France quelques mois après. Avec 1 milliard de dollars levés, les créateurs ont déjà pu compter  entre autres sur Steven Spielberg pour écrire une nouvelle série d’horreur. Aux USA, Quibi a séduit les networks américains comme NBC qui produira du contenu d’information pour la plateforme. En France, l’arrivée de Quibi est à double tranchant: si le succès est au rendez vous, la plateforme pourra contribuer à l’abandon de la télévision linéaire par les jeunes. En revanche, elle peut être une opportunité pour les médias télévisuels d’investir sur un nouveau support en créant un contenu original adapté à l’audience de Quibi. Néanmoins, les groupes TF1, France TV et M6 vont se heurter aux investissements qu’ils ont fait pour Salto… 

En conclusion, les médias télévisuels français semblent ne pas saisir les opportunités qui s’offrent à eux pour capter l’audience des moins de 25 ans. Alors que Tik Tok pourrait être un support de promotion de leurs programmes grâce aux millions d’utilisateurs, la plupart des groupes se contentent de reprendre des vidéos éditées sur leurs autres réseaux sociaux comme Snapchat ou Instagram, ce qui limite l’originalité et le potentiel de partage. L’arrivée de nouveaux acteurs comme Quibi montrent que les investisseurs sont prêts à miser gros pour toucher la cible jeune, mais les médias télévisuels semblent dépassés par les effets de tendances et les nouveaux usages des millenials. 

Emma Dauvin

Jeux vidéo, les nouveaux réseaux sociaux?

C’est désormais établi : les jeux vidéo constituent une forme de média attirant un nombre grandissant d’individus, masculins mais aussi féminins, plutôt jeunes.[1] Le poids de l’industrie vidéoludique n’est pas négligeable : en France, les revenus issus des jeux vidéo et de l’e-sport devraient s’établir à $5.2 Mds d’ici 2023.[2] Ce « boom » du jeu vidéo a été porté en partie par la dématérialisation du jeu et l’apparition de plateformes dédiées rassemblant de plus en plus de monde. Avec les nouveaux acteurs du secteur que sont Twitch, Discord ou encore le phénomène Fortnite, on observe l’émergence du « jeu interactif ». Désormais, il s’agit de jouer, mais aussi de parler, écrire et/ou regarder les autres jouer, le tout en temps réel. Les plateformes de jeux vidéo ont donné naissance à de nouvelles façons de communiquer et parviennent à capter l’attention d’un public élargi, au-delà des « gamers ». Alors que les plateformes sociales « classiques » comme Facebook sont progressivement délaissées par les plus jeunes[3], peut-on considérer les plateformes de jeux vidéo comme les nouveaux réseaux sociaux ?

Le jeu vidéo, stimulateur d’interactions sociales

Les jeux vidéo disposent intrinsèquement d’une composante sociale. Ils génèrent des conversations dans des lieux physiques (cour de récréation, salons dédiés…) comme virtuels (par exemple au sein de forum généralistes ou spécialisés tels que jeuxvideo.com). 
Sur le plan des interactions sociales dans le cadre du jeu, un cap a été passé avec la mise en réseau du monde et l’émergence des jeux multi-joueurs. Des jeux comme World of Warcraft ou Minecraft poussent les joueurs à former des communautés virtuelles car le meilleur moyen de gagner dans ce type de jeu est de coopérer. Ces groupes sociaux se construisent sur la base d’intérêts partagés. Ils sont structurés autour de processus d’échange d’informations et de savoirs. Les joueurs y développent leurs propres langages. 

Parallèlement, on observe le développement d’outils de communication vocale ou textuelle permettant aux joueurs d’interagir.[4] Le chat vocal est privilégié pour la simple raison qu’il est bien plus pratique lorsque l’on a les mains occupées par des manettes. C’est aussi une forme de communication offrant un contact très spontané, plus direct que sur les réseaux sociaux « classiques ». De nombreux jeux intègrent ces outils directement sur leurs interfaces. Les joueurs utilisent aussi des logiciels d’audioconférence généralistes (Skype) ou adaptés aux jeux vidéo (Mumble, TeamSpeak). Dans cette lignée, le cas du logiciel Discord (lancé en 2015) est particulièrement intéressant. Discord se définit lui-même comme un « chat vocal et textuel tout-en-un gratuit, sécurisé, qui fonctionne sur PC et smartphone, et pensé pour les gamers ».[5] Toutefois, avec ses 250 millions d’utilisateurs et 850 millions de messages échangés par jour, Discord a réussi à attirer une population bien plus large. On y trouve désormais des groupes militants et politiques, des créateurs de contenus, mais aussi « des personnes lambda » qui viennent simplement s’y retrouver « pour parler de leur journée de cours ou s’échanger des mèmes ».[6] Ainsi, Discord se positionne comme un service à mi-chemin entre réseau social et chat, et tend à devenir une plateforme mainstream. 

Les constructeurs de consoles et éditeurs de jeux ont accompagné ce mouvement de socialisation en développant des plateformes permettant de faire des achats en ligne et jouer en réseau, mais faisant aussi office de réseau social. Ces services intègrent des fonctionnalités similaires à celles des réseaux sociaux « classiques », comme la possibilité d’ajouter des amis ou une messagerie instantanée. Le Playstation Network de Sony propose ainsi à ses 70 millions d’utilisateurs mensuels une variété de services de communication et de divertissement.[7]

Le live streaming donne naissance à de nouveaux réseaux sociaux

Les internautes passent de plus en plus de temps à regarder d’autres jouer en ligne.[8] Cette tendance est illustrée par la forte croissance du nombre de vidéos consacrées au gaming sur YouTube.[9] La plateforme Twitch s’est imposée comme principal service de streaming de jeux vidéo. Lancée en 2011, elle compterait en moyenne 15 millions de visiteurs par jour et a enregistré 9,36 milliards d’heures de visionnage en 2018 (contre 2,31 pour YouTube Live).[10] Twitch et ses concurrentes (dont Mixer, qui appartient à Microsoft) reposent sur les contenus produits par les utilisateurs. Ce sont des réseaux sociaux : on peut y retrouver ses amis ou d’autres individus partageant des centres d’intérêts similaires, s’abonner à des chaînes de vidéos, discuter avec les autres utilisateurs sur des chats. En 2019, Twitch a même acquis le réseau social Bebo, spécialisé dans l’organisation de tournois d’e-sport.  

Ces plateformes dépendent ainsi des effets de réseau. Par exemple, l’utilité que ses utilisateurs retirent de Twitch dépend du nombre de visionneurs (pour les streamers) et de streamers (pour les visionneurs). On retrouve également des enjeux liés à la notoriété des streamers. Comme sur YouTube, certains sont devenus des stars contribuant énormément à l’attractivité de la plateforme. 
Enfin, il convient de souligner l’intérêt porté par les médias d’information aux services de live streaming de jeux vidéo. Des éditeurs comme BuzzFeed ou The Washington Post développent des contenus sur Twitch pour être « là où les gens regardent des vidéos en ligne ». Cela renforce le sentiment d’une possible substitution entre une plateforme comme Twitch et les réseaux sociaux « classiques ». D’ailleurs, conscient que son retard sur ce créneau pourrait le priver d’une manne publicitaire, Facebook a lancé en 2018 « un programme pour recruter des joueurs professionnels sur sa plateforme vidéo ».[11]

Fortnite : le jeu devenu média social

Ces évolutions vers le jeu vidéo comme une pratique sociale se trouvent parfaitement illustrées à travers le cas de Fortnite, devenu phénomène de société. Selon Epic Game, qui le développe, Fortnite comptait 250 millions de joueurs fin février 2019. Il est intéressant d’observer son impact sur les autres pratiques médiatiques des utilisateurs (dont la majorité a entre 10 et 17 ans). Ses adeptes y consacreraient en effet 21% de leur temps libre. En conséquence, les autres formes de divertissement, notamment l’usage des réseaux sociaux, voient diminuer la part de temps qui leur est allouée.[12] Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce succès : la gratuité du jeu, son renouvellement constant, la possibilité d’y jouer sur tous les terminaux ou encore l’ouverture multiplateforme qui permet de jouer avec n’importe qui.  

L’impact de Fortnite sur le temps libre des joueurs

Les interactions sociales sont particulièrement développées dans Fortnite. 44% des joueurs américains considèrent que Fortnite les a aidés à se faire un ami en ligne.[13] Il s’agit typiquement d’un jeu où compte l’aspect coopératif. Le fait « d’ajouter » d’autres joueurs, comme on « ajoute » un ami sur Facebook, permet même d’obtenir des bonus.[14] De plus, les joueurs passent du temps à chercher armes et outils. Ces moments sont autant de temps morts durant lesquels ils discutent. C’est ici que Fortnite révèle son caractère de réseau social. Comme l’explique un joueur, « Fortnite est différent, parce que l’important ne réside même pas dans le fait de jouer : c’est un endroit où nous nous retrouvons tous ensemble ». Fortnite réussi ainsi là où Second Life (monde virtuel lancé dès 2003) a échoué. Il y a beaucoup d’autres choses à faire dans Fortnite que de jouer. Des événements virtuels et exclusifs sont régulièrement organisés au sein même du jeu. En février 2019, plus de 10 millions d’utilisateurs ont par exemple assisté à un concert en direct du DJ Marshmello.[15] Ce genre de propositions contribuent à faire de Fortnite un tiers-lieu, « un lieu de rencontre où les joueurs disposent d’une très grande autonomie pour mener les expériences qu’ils souhaitent ».[17] Ainsi, si le fondateur d’Epic Games considère encore Fortnite avant tout comme un jeu, il semble toutefois évident que ce produit possède le potentiel de devenir quelque chose de bien plus vaste.[18]

L’enjeu de la régulation

Pour finir, se pose la question de la régulation de ces plateformes de jeux vidéo. Comme les autres réseaux sociaux, elles font face à des enjeux spécifiques de monétisation, de modération des contenus problématiques ou encore de gestion des données personnelles. Malgré les belles histoires d’amitiés entre joueurs « qui ne se rencontreraient pas forcément dans la vrai vie », l’univers des jeux vidéo peut se révéler toxique. Par exemple, lorsqu’une « voix féminine se fait entendre, elle s’expose aux insultes et au harcèlement ».[19] D’autre part, dans le cadre du RGPD, « le traitement des données personnelles d’un enfant fondé sur le consentement » n’est pas licite lorsque l’enfant est âgé de moins de 15 ans. Epic Games s’est dédouané de toute responsabilité concernant le contrôle de l’âge des utilisateurs de ses jeux en arguant que celui-ci relève des plateformes d’inscription des joueurs. Le chinois Tencent a choisi une autre solution, en obligeant certains éditeurs à utiliser la reconnaissance faciale pour identifier les joueurs mineurs.[20]  

De manière générale, on sait que le régulateur a bien du mal à s’adapter aux plateformes numériques qui ont atteint une taille considérable en quelques années. Plusieurs textes visent à adapter le cadre juridique à ce nouveau paradigme. À l’aune du développement des plateformes de jeux vidéo et de leur tendance à dépasser les réseaux sociaux « classiques », on ne peut qu’inciter le régulateur à y porter une attention particulière. 

Agathe Charbonnel


[1] https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2019/12/20/au-secours-mon-enfant-est-accro-a-fortnite_6023616_4497916.html

[2] https://www.pwc.fr/fr/espace-presse/communiques-de-presse/2019/juillet/medias-et-loisirs-croissance-et-personnalisation-a-horizon-2023.html

[3] https://www.20minutes.fr/high-tech/2588139-20190826-pourquoi-ados-francais-desertent-autant-facebook

[4] https://linc.cnil.fr/fr/jeux-video-voix-et-reseaux-sociaux

[5] https://discordapp.com/

[6] https://www.meta-media.fr/2019/05/14/avec-plus-de-250-millions-dutilisateurs-discord-nest-plus-reserve-quaux-gamers.html

[7] https://www.playstation.com/fr-fr/explore/playstation-network/your-psn/

[8] https://wearesocial.com/fr/blog/2019/01/global-digital-report-2019

[9]  https://blog.pex.com/what-content-dominates-on-youtube-390811c0932d

[10] https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/streaming-twitch-bat-tous-les-records-961834

[11] https://www.telerama.fr/medias/twitch,-la-plateforme-de-streaming-de-jeux-videos-qui-fait-monter-ladrenaline,n5567303.php

[12] http://www.netimperative.com/2019/06/is-fortnite-becoming-the-next-big-social-network/

[13] https://www.bondcap.com/report/itr19/

[14] http://www.jeuxvideo.com/news/1140462/les-jeux-video-nouveaux-reseaux-sociaux-majeurs.htm

[15] https://www.begeek.fr/le-concert-de-marshmello-sur-fortnite-est-le-plus-gros-evenement-du-jeu-a-ce-jour-308100

[16] https://www.lefigaro.fr/cinema/une-scene-exclusive-de-star-wars-ix-devoilee-sur-fortnite-20191215

[17] https://signauxfaibles.co/2018/12/26/pourquoi-il-faut-serieusement-sinteresser-a-fortnite/

[18] https://www.millenium.org/news/355140.html

[19] https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2019/12/22/yannick-rochat-fortnite-est-un-espace-de-liberte-loin-des-parents_6023795_4497916.html

[20] https://linc.cnil.fr/fr/jeux-video-voix-et-reseaux-sociaux

Plateformisation des médias : nouveaux défis pour les éditeurs

Une page se tourne dans l’histoire mouvementée des médias à l’ère numérique. Les médias traversent actuellement une période de changement drastique, symptomatique de la révolution du mobile. En moins de cinq ans, la migration des audiences sur le mobile a renversé le rapport de force entre les éditeurs et les plateformes sociales qui distribuent leurs contenus. Désigné par le terme anglais « distributed content », l’expression française est encore plus parlante : la transformation des médias trouve sa suite dans la « plateformisation » des contenus, phénomène selon lequel le succès d’une marque média dépend de sa capacité à distribuer habilement ses contenus hors de son site, sur une multiplicité de plateformes. Les plateformes dont il est question sont bien connues : il s’agit principalement de réseaux sociaux comme Facebook, Snapchat, Instagram, Twitter ou Periscope, d’applications de curation de contenu comme Apple News ou Flipboard, d’applications de messagerie (Viber ou Wechat par exemple) ou de solutions d’intégration de vidéos. Des médias tels que MinuteBuzz en France ou NowThis aux États-Unis capitalisent sur les nouveaux usages en distribuant 100% de leurs contenus via une trentaine de plateformes fédératrices d’une audience mondiale, sur lesquelles nous passons une partie considérable de notre temps. Chacun de ces nouveaux canaux de distribution met en place des technologies pour conserver cette large audience dans son environnement applicatif, au détriment des sites web des éditeurs de contenus. Un tour de passe-passe qui plonge les médias dans une ère où le site web n’est désormais plus le centre de gravité d’une marque média. Quel impact sur l’industrie de contenus ?

Une audience mouvante rendue captive par les plateformes sociales

L’argument principal des réseaux sociaux tient en deux mots : « user first ». Une expérience de lecture optimisée pour le mobile, un temps de chargement significativement réduit, des formats publicitaires maîtrisés et parfaitement intégrés, telle est la logique invoquée par les plateformes sociales pour justifier la mise en place de leurs outils à destination des éditeurs de contenus. De plus, ce mode de consommation est assez naturel, étant donné que les utilisateurs passent déjà une grande partie de leurs temps sur ces plateformes. L’intégration directe des contenus ne fait qu’uniformiser l’expérience. Aux articles, on préfère désormais des formats vidéo courts, basés sur l’émotion, propices à la consommation sur les réseaux sociaux. Les formats live et les productions originales se multiplient également. Ces formats intégrés au sein même des plateformes pourraient devenir une norme pour les médias : Facebook a mis au point les Instant Articles pour permettre aux éditeurs d’héberger leurs contenus directement sur le réseau social, et leur promettant de distribuer leurs contenus là où l’audience se trouve. Snapchat avec Discover, touchant la cible si convoitée des 15-34 ans, distribue les contenus des médias

sélectionnés au sein de sa plateforme, sous des formats repensés pour le réseau social. Google est également dans la course, en développant AMP (Accelerated Mobile Pages), un format allégé, qui à défaut d’être une plateforme sociale, devient un standard à adopter par les éditeurs pour figurer en bonne position sur les résultats de recherche via Google. On pourrait citer encore beaucoup d’autres exemples illustrant ce phénomène de désintermédiation entre marques médias et utilisateurs. En s’appuyant sur leurs audiences colossales pour convaincre les éditeurs, et en proposant aux mobinautes de consulter des contenus dans les meilleures conditions possibles sans être redirigés sur les sites des médias, les plateformes sociales réussissent progressivement à s’accaparer une partie de l’activité de distribution des contenus, et à rendre captive une audience réputée pour sa volatilité et son insubordination.

La question de la monétisation : vers la dépendance économique des médias ?

Le phénomène de plateformisation a ses conséquences : les éditeurs, privés d’une part importante du trafic sur leur sites web, deviennent rapidement le « maillon faible » dans la chaîne de valeur des médias numériques. En effet, qui dit perte de trafic dit perte de valeur aux yeux des annonceurs, entraînant la fragilisation de leur modèle économique reposant pour la grande majorité sur la publicité.

Et les régies des médias dans tout cela ? Elles sont peu à peu supplantées par celles des réseaux sociaux, qui sans les contraindre, les incitent fortement à passer par elles pour une optimisation et une intégration des formats synonymes de meilleures performances. Cela signifie néanmoins, de leur céder un pourcentage variable des recettes publicitaires. Les médias perdent donc progressivement la main sur leur audience, et sur la valeur économique qui leur est associée. Rappelons que Google et Facebook captent plus de 54% des recettes publicitaires mondiales selon les dernières estimations. La conquête de nouveaux lecteurs passe-t-elle donc nécessairement par la dépendance économique envers ces titans du digital ? Souffrant déjà du phénomène des adblockers, l’industrie des contenus en ligne peut aujourd’hui difficilement se passer de l’exposition que leur offre ces gigantesques canaux de distribution.

L’enjeu de la mesure

Une des difficultés majeures à l’ère de la plateformisation des médias est de récolter, traiter et analyser une quantité de mesures différentes provenant de plateformes différentes aux audiences différentes. Passée la première étape de récupération des données via les API des canaux de distribution, comment les analyser sans mesure commune ? Cette dispersion de la data sur des plateformes ayant souvent des définitions différentes d’un même indicateur implique de considérer la mesure de la performance autrement : moins se concentrer sur un total de vues quand on sait qu’une vue peut être comptabilisée à 3 secondes chez les uns et à 1 seconde chez les autres, et se focaliser davantage sur la couverture totale, l’interaction et le fait de toucher à chaque fois de nouveaux utilisateurs. À cela s’ajoute des rapports de mesure d’audience fournis moins régulièrement que par des instances tierces comme Médiamétrie. MinuteBuzz, le premier média européen à avoir opéré sa transformation en média 100% plateformes sociales et 100% vidéo, a suspendu son abonnement chez Médiamétrie et fonctionne désormais sans leur rapport quotidien. Le média ne raisonne donc plus en visites uniques mais en nombre de vidéos vues et en taux de complétion. Néanmoins, ce manque de standard de mesure sur toutes les plateformes complexifie les modèles d’attribution, et a donc un impact sur la monétisation.

La plateformisation des contenus, un phénomène ne pouvant plus être ignoré

Certes, l’adaptation à cette perte de contrôle sera douloureuse pour les entreprises qui ne repenseront pas rapidement leur business model dans le sens d’une distribution multi- plateformes. Mais comme lors de toute transformation de l’industrie, un temps de latence est nécessaire pour définir clairement les règles du jeu, notamment en termes de mesure, d’attribution et de monétisation. Enfin, toute transition de l’industrie offre des opportunités à saisir. Les médias pourront miser sur les options de ciblage toujours plus fines offertes par leurs hébergeurs pour augmenter leur notoriété, repenser une stratégie de contenu adaptée à chacune des plateformes, et redéfinir le rôle de leur site web, avant d’obtenir des réponses aux nombreuses questions qui se posent. D’ici là, l’Internet ne cessera pas de changer de visage.

 

Mariana Durandard
@Mariana_Drd

Quitter la version mobile