Stratégie de communication politique sur les réseaux sociaux.

Jean-Luc Mélenchon : entre homme politique et influenceur.

– écrit par Alexandra levigne

Nous ne présentons plus Jean-Luc Mélenchon (JLM), candidat et fondateur de La France Insoumise (LFI), qui est arrivé troisième à 421 420 voix, derrière Marine LePen, lors du premier tour des élections présidentielles françaises. Sensible aux nouvelles technologies, il capitalise sur la multiplicité des supports numériques dans sa stratégie de communication afin de toucher le plus grand nombre d’électeurs. « Notre but, c’est de parler à tout le monde » s’exprime ainsi Antoine Léaument, responsable de la communication numérique du candidat ainsi que de LFI. Ils semblent cependant avoir été entendus en majorité par les moins de 34 ans et la communication portée par le candidat de l’Union Populaire sur les réseaux sociaux tout au long de la campagne a ainsi nécessairement joué dans les résultats. C’est la raison qui nous pousse aujourd’hui à étudier le comportement de Jean-Luc Mélenchon sur les réseaux sociaux. 

Avant toute chose, il est important de revenir sur le positionnement idéologique du parti qui va évidemment influencer le discours politique tenu par le candidat sur les réseaux. Depuis la disparition de la fédération des forces de gauches alternatives, le mouvement centré autour de la personne de Jean-luc Mélenchon opte depuis 2013 pour une stratégie dite « populiste ». Le mouvement se place en opposition aux « élites » du pays justifiant ainsi le contournement du système journalistique classique au profit de la liberté conférée par les réseaux sociaux. C’est pour cela que Jean-Luc Mélenchon emploie un ton direct et personnel tant, lorsqu’il s’adresse au « peuple », que, comme nous allons le constater, sur ses réseaux.

Pour commencer notre étude, nous allons nous focaliser sur la chaîne YouTube de Jean-Luc Mélenchon, créée le 1er janvier 2012. Il s’investit pleinement sur YouTube à l’approche des élections de 2017 et fait grimper en quelques mois de 20 000 à 100 000 son nombre d’abonnés. 

Cette hausse est attribuée aux nouveaux formats de vidéos proposés par JLM, nous retrouvons ainsi :
– « Pas vu à la télé » : interventions de personnalités peu médiatisées s’exprimant sur des sujets d’actualité. La volonté de rompre avec la couverture médiatique de la télévision est affirmée.
– « Revue de la semaine » : émission toujours phare de la chaîne, celle-ci met en scène JLM ressassant les événements de la semaine qui l’ont intéressé. Cette série, inspirée par différents contenus publiés sur la plateforme, s’ancre parfaitement dans les codes de YouTube. Le candidat s’adresse à la caméra avec un ton direct et personnel. 

Aujourd’hui, sur la chaîne se sont ajouté les formats :

Comme il est fréquent d’en voir YouTube, ce type de contenus permet d’augmenter l’engagement et l’interaction avec l’audience

Rediffusions d’apparition à l’Assemblée nationale (redirection en cliquant en sur le bouton), sur les plateaux télé, ou lors de diverses instances (commissions de travail, discours et meetings…)

En 2022, il s’agit de « Nos pas ouvrent le chemin » faisant en moyenne plus de 50 000 vues sur des sujets diverses, d’actualité politique (la guerre en Ukraine, l’envol d’Ariane 5…) ou couvrant des événements de la campagne (débats, meetings politiques…)

Jean-Luc Mélenchon explique en 2016 que c’est en regardant des vidéos YouTube qu’il a compris ce que c’était d’être YouTubeur et devient ainsi le premier « YouTubeur politicien » à se fondre parfaitement dans le type de contenu visionné sur la plateforme. L’intérêt de cet investissement est d’un côté, l’audience captée par ses contenus et de l’autre, la liberté totale sur les sujets abordés, le style de vidéo et tout simplement la maîtrise de son image. En effet, la narrative employée rend le candidat plus sympathique mais surtout proche de son public. Le pari, gagné, de ses équipes a été de créer une belle image de marque autour de JLM. 

C’est dans cette même optique que le compte TikTok de JLM voit le jour. Ce nouveau réseau au format vidéo vertical qui gagne en popularité auprès des jeunes est une case incontournable de sa campagne. Ayant dépassé les deux millions d’abonnés le 28 avril 2022, le compte reprend également les codes de la plateforme. Sur un ton léger et auto dérisoire, il partage de courtes vidéos humoristiques dans un objectif de viralité, des extraits sous-titrés de ses passages à la télévision ainsi que des vidéos derrière les coulisses afin d’inviter ses abonnés au sein de son intimité. Ces différents formats suscitent de la sympathie envers JLM. C’est ici un personal branding réussit puisqu’il s’agit bien d’une personnalité et non pas d’un programme politique qui est mis en avant.

JLM possède bien évidemment un compte Twitter, réseau social populaire dans le milieu de la politique pour la liberté d’expression qu’il permet. L’enjeu pour le candidat sur cette plateforme est avant tout, d’être présent et visible. C’est ce que nous observons par la forte fréquence de publications, du newsjacking intelligent, les live tweets lors de débats avec la mise en avant d’hashtag pour encourager la discussion et les réactions, et finalement l’usage fréquent du format vidéo (pour rediffuser les interventions médiatiques du candidat) qui est mise en avant par l’algorithme de la plateforme.

Le compte Instagram de JLM, du haut de ses 317 000 abonnés utilise toutes les fonctionnalités de la plateforme. Nous y retrouvons des stories (ainsi que stories a la une), des carrousels, des vidéos (extraits de ses apparitions télévisées sous titrées) et même de la création de filtres. En effet, le « mini-hologramme de poche », filtre en réalité augmentée (disponible également sur Snapchat) permet de retrouver le candidat dans son salon, de sorte à se démarquer des autres candidats, mais également de marquer les esprits avec du earned media. Le candidat fait également de la publicité pour ses autres réseaux : en premier lieu Twitter, proposant des photos de ses tweets sur son profil et en second lieu TikTok, re-postant ses publications en réels. 
Sa page Facebook adopte un format de contenu similaire avec l’usage du même texte pour les descriptions des photos (nous observons cependant plus d’émoticônes sur Facebook, probablement pour attirer l’attention.) Finalement, sur LinkedIn nous avons une stratégie axée sur la curiosité des utilisateurs. Les publications journalières reprennent les actualités « Insoumises » avec des visuels explicatifs et un lien vers un article pour une lecture approfondie du sujet. 

Ainsi dit, Jean-Luc Mélenchon bénéficie aujourd’hui d’une belle notoriété en ligne, propre à sa personne. Cela est dû au fait qu’il est présent sur tous les réseaux, il possède également une chaîne Twitch sur laquelle il interagit fréquemment avec son audience et un serveur Discord pour les partisans du mouvement (il existe aussi un grand nombre de pages privées pour la communauté des Insoumis). En s’appropriant de manière intelligente les codes des réseaux sociaux, il a réussi à s’imposer sur des canaux jusque-là difficiles d’accès pour les hommes politiques. Là où ses concurrents s’en remettent à leurs conseillers qui adaptent le message, Monsieur Mélenchon et son équipe semblent reconnaitre les segments d’utilisateurs, leurs intérêts et leurs appétences pour les réseaux qu’ils consomment. De ce fait, la force de sa communication réside dans la manière dont il est capable d’adapter non pas uniquement son message mais bien sa personne au réseau en question. Comme Arnaud Mercier, journaliste pour France Culture le souligne, il devient sur YouTube « Youtubeur Politique » et sur TikTok « TikTokeur Politique » expliquant ainsi son gain en popularité auprès des audiences majoritairement jeunes de ses réseaux. Il bénéficie également d’un grand soutien de la part de sa communauté d’insoumis qui prennent des initiatives, le soutiennent sur les réseaux et fédèrent ses partisans autour de leur projet commun.

Sources :

  • Les comptes officiels de Jean-Luc Mélenchon sur différents réseaux. Les liens sont mis en description d’images.
  • Bristielle Antoine, « YouTube comme média politique : les différences de contenu entre interviews politiques classiques et émissions en ligne de trois représentants de La France insoumise »

https://www.cairn.info/revue-mots-2020-2-page-103.htm

  • Theviot Anaïs, « Faire campagne sur Youtube : une nouvelle « grammaire » pour contrôler sa communication et influer sur le cadrage médiatique ? »

https://www.cairn.info/revue-politiques-de-communication-2019-2-page-67.htm

  • Klara Durand, « La campagne présidentielle sur les réseaux sociaux : qui remporte le match ? »

https://www.publicsenat.fr/article/politique/la-campagne-presidentielle-sur-les-reseaux-sociaux-qui-remporte-le-match-201682

  • Arnaud Mercier, « 2017-2022 : comment leur communication a évolué d’une présidentielle à l’autre »

https://www.franceculture.fr/politique/2017-2022-comment-leur-communication-a-evolue-dune-presidentielle-a-lautre

  • Pauline Graulle, « Présidentielle : la stratégie gagnante de Mélenchon dans les villes et les quartiers populaires »

https://www.mediapart.fr/journal/france/130422/presidentielle-la-strategie-gagnante-de-melenchon-dans-les-villes-et-les-quartiers-populaires

  • Scores délivrés par l’observatoire politique de Favikon sur la présence médiatique des candidats.

https://www.favikon.com/analyses/bilan-avant-les-presidentielles-2022

  • Ohiab Allal-Cherif, « Comment le numérique a propulsé la campagne de Jean-Luc Mélenchon »

https://www.forbes.fr/business/comment-le-numerique-a-propulse-la-campagne-de-jean-luc-melenchon

Présidentielle 2022 : Les réseaux sociaux ont-ils fait l’élection ?

(Montage AFP)

Il s’est écoulé une semaine depuis le second tour de l’élection présidentielle 2022. Une élection présidentielle très souvent qualifiée d’abstraite ou mise au second plan étant donné l’actualité récente, en particulier la guerre en Ukraine. Une élection présidentielle dont l’équation présentait 3 candidats potentiellement qualifiables pour le second tour. Une élection présidentielle où les réseaux sociaux étaient considérés comme un facteur déterminant, pouvant ainsi faire basculer les résultats. En effet, ces nouveaux moyens de communication sont aujourd’hui omniprésents dans la stratégie politique des candidats. Les réseaux sociaux change la manière de communiquer et sont utilisés comme de précieux procédés pour atteindre directement les électeurs, dans leur vie de tous les jours. Les candidats ont ainsi pour but d’orienter, voire de manipuler, un avis ou une opinion en leur faveur. Il a donc été possible de voir Marine Le Pen chanter sur Tik Tok, Eric Zemmour annoncer sa candidature sur YouTube ou encore Jean-Luc Mélenchon en conférence sur Twitch ! Ceci, afin de toucher un plus large public, en particulier les plus jeunes votants qui se désintéressent de plus en plus des médias classiques. Cependant, on peut se questionner sur l’utilisation des réseaux sociaux et donc de l’emploi du big data pour le compte d’un candidat. L’usage de données récoltées par les militants dans le but de convaincre l’auditoire français indécis est également questionnable aux vues de certaines techniques mises en place, pas toujours très honnêtes et transparentes.

Un ciblage d’électeurs indécis

Depuis certains scandales, il est, en effet, tout à fait normal de se demander comment sont récoltées et utilisées nos données dans le but d’influencer nos futurs choix électoraux. Rappelons l’esclandre du dossier Cambridge Analytica qui en 2015 avait recueilli les données de près de 87 millions d’utilisateurs de Facebook via une application externe (Business Insider, 2019). Des données personnelles ont été récoltées, comme les lieux de vie ou encore les pages que les utilisateurs suivaient, dans l’optique de créer des profils psychologiques, analysant les caractéristiques et les traits de personnalités des utilisateurs concernés. On sait que ces informations ont ensuite été traitées dans le cadre de la présidentielle de 2016 aux Etats-Unis qui a vu Trump se faire élire (Les Echos, 2018). Tout cela, sans le consentement des utilisateurs. Ces pratiques sont aujourd’hui abordées en France de manière précautionneuse par les politiques suite à ce scandale mais aussi aux lois instaurées, en 2018, sur le RGPD et la protection des données. Pour cette campagne 2022, Anaïs Théviot, maîtresse de conférence en sciences politiques, mentionne l’utilisation de logiciels comme Nation Builder qui permet de proposer un ciblage efficace de la communication des campagnes électorales pour influencer et inciter les potentiels électeurs à voter pour le candidat en question. Un ciblage basé sur des données recueillies via les réseaux sociaux et les données de l’INSEE (France Culture, 2022).

Le paysage des candidats suivis sur les réseaux sociaux

Un outil stratégique

Les réseaux sociaux ont joué un rôle primordial dans la campagne présidentielle française 2022 : ils ne sont plus seulement un outil de communication à destination des jeunes générations, mais bien un outil stratégique, tel une porte d’entrée pour susciter les votes envers un candidat en particulier. Véritable moyen de désintermédiation, il permet au candidat de rentrer directement en contact avec un électorat potentiel sans passer par le biais de médias classiques. Les candidats, et en particulier ceux des partis extrêmistes, sont ainsi moins exposés à la censure potentielle ou l’analyse orientée des journalistes politiques. Avec cet outil, les candidats peuvent désormais discuter avec leur électorat et plus seulement communiquer. Fabienne Greffet, maîtresse de conférences en science politique, mentionnait même : « l’espace télévisé n’est plus l’espace naturel où va se déployer la campagne » (Ouest France, 2022). Et pour atteindre le plus grand nombre de personnes, il faut être capable de se déployer rapidement, et ce, peu importe les moyens, comme le soutenait Samuel Lafont chargé de communication et de stratégie numérique pour le compte de la campagne d’Eric Zemmour. Des moyens légaux certes, mais pouvant être qualifiés de peu éthiques. Vincent Bresson, journaliste et auteur de l’enquête en inflitré dans la campagne de Zemmour « Au cœur du Z», dénonce des aspects difficilement avouables des stratégies numériques mises en place via les réseaux sociaux. La réécriture continuelle de la page Wikipédia du candidat Zemmour cherchant ainsi à minimiser ses positions extrémistes, en est un parfait exemple, lorsqu’on sait que sa page Wikipédia était une des pages francophones les plus consultées pendant la campagne présidentielle. Un autre phénomène s’est fortement développé sur les réseaux sociaux pendant cette campagne : l’astroturfing. Pour rappel, l’astroturfing est le fait de donner l’impression qu’il y a une prise de décision ou d’action collective spontanée sur un sujet en particulier, alors que celle-ci a été effectuée de manière coordonnée. Vincent Bresson met en exergue l’utilisation de messagerie cryptée sur lesquelles les équipes de campagne d’Eric Zemmour, et probablement celles des autres candidats, encourageaient les militants à lancer, par exemple, un hashtag, qu’ils devaient poster ou partager sur les réseaux. Les équipes des candidats leur envoient du contenu à copier-coller comme des textes, des photos ou des vidéos, et les incitent à les repartager de manière faussement spontanée, dans le but de se rendre visible. Le hashtag se retrouvera alors placé en top tweet et sera visible, likeable et partageable pour les autres utilisateurs, contribuant ainsi à l’effet astroturfing. Les médias classiques peuvent parfois même s’emparer de l’information sans avoir conscience de la mécanique artificielle, puisque floués par l’effet astroturfing, et ainsi la diffuser sur des médias plus classiques comme la télévision. L’astroturfing est particulièrement observable sur les groupes Facebook dont les intérêts n’ont aucun rapport avec la politique, mais dont les membres sont d’éventuels prospects. Après s’être infiltrés dans ces groupes, les militants partagent du contenu dans le but de voir celui-ci être relayé. Une technique de référencement a également pu être établie : un moteur de recherche appelé « Zemmour pour tous » qui permet de rechercher des vidéos, toutes hébergées sur Youtube, où intervient Eric Zemmour. L’algorithme de référencement de Youtube (SEO) intègre alors les recherches de ces vidéos en associant aux vidéos un mot clé rentré sur le moteur de recherche. Cela permet d’avoir en recommendation sur YouTube des vidéos d’Eric Zemmour, dès lors qu’on rentre le mot clé sur la plateforme.

Une croissance particulièrement forte chez Eric Zemmour

Une question d’adhésion

Toutes ces techniques constituent la première étape du déroulé d’une élection sur les réseaux sociaux, l’objectif étant de susciter la curiosité et l’intérêt des potentiels électeurs et des indécis. Le principal but de cette étape est de faire connaître le candidat en question et que les français en parlent. Ce qui a été le cas pour tous les protagonistes au moment de leur annonce de candidature. L’attrait des utilisateurs peut être mesurable en regardant les statistiques des réseaux sociaux, comme le nombre de followers, de likes ou de partages. Une mesure qui a démontré que les moyens déployés par l’équipe de campagne d’Eric Zemmour ont été efficaces, puisqu’il a multiplié par quatre sa base d’abonnés depuis septembre 2021 (Les Echos, 2022). Cependant, il faut garder en mémoire que des faux comptes peuvent être créés, dupliqués ou que des faux followers peuvent être achetés, pour influer sur les chiffres. Plus l’échéance de l’élection approche, plus les candidats doivent transformer cet intérêt en adhésion et donc en vote, ce qui constitue la seconde étape. L’adhésion se gagne avec une communication positive du candidat, en lui donnant une stature présidentiable grâce à deux ou trois points stratégiquement forts de son programme. Un très bon moyen de savoir si la stratégie arrive à établir une logique d’adhésion est, d’après Véronique Reille Soult spécialiste en communication et e-réputation, de regarder si la communauté adepte du candidat commence à pénétrer d’autres communautés en faisant passer ses messages (Ouest France, 2022). Les faux comptes et autres comptes fantômes n’auront donc aucun impact dans cette logique puisqu’ils seront inutiles pour communiquer envers d’autres communautés. Toujours dans cette logique d’adhésion, les réseaux sociaux peuvent aussi être employés pour décrédibiliser un candidat concurrent, à l’image des « Macron Leaks » en 2017 qui constituaient le piratage d’origine inconnue de plus de 20000 documents électroniques reliés à la campagne du futur président qui ont été rendus public quelques jours avant le vote du second tour (France Culture, 2022). Les réseaux sociaux se sont donc emparés très rapidement de l’information et ont amplifié sa propagation.

Les réseaux sociaux ne servent pas uniquement à suciter l’intérêt, ils s’inscrivent également dans une logique d’adhésion des électeurs pour un candidat.

Pour conclure, les réseaux sociaux ont eu une place importante dans l’élection présidentielle puisque la grande majorité de la population française se renseigne aujourd’hui via internet et notamment les réseaux sociaux. Tout l’enjeu de la stratégie d’une campagne numérique est d’être présent là où les électeurs se trouvent pour tenter de récolter le plus de voix possible. Néanmoins, cela n’aura pas forcément renversé la tendance pour cette élection car certains candidats n’ont pas réussi à transformer l’intérêt suscité en adhésion, puis en vote. Dans des situations de choix complexes, on ne se rapporte pas forcément à des choses de l’ordre du rationnel mais de l’ordre de l’affect (jeune, sympa, cool…), comme sur Instagram ou TikTok avec Macron se prenant en selfie vidéo ou Marine le Pen chantant du Dalida. Qu’on le veuille ou non, cela à un impact sur notre vote (Hugo Decrypte, 2022). Certains processus, passant souvent inaperçus, sont employés par les équipes de campagne pour influencer et de manipuler les choix des votants. Des techniques comme l’astroturfing encouragent le repartage d’une information, sans vérification de source, pour la rendre spontanée et ainsi renforcer sa crédibilité. Cette propagande via les réseaux sociaux sera une menace grandissante pour les futures élections, si nous n’éveillons pas la conscience des votants à l’égard des pratiques employées et si nous n’éduquons pas les électeurs sur les données qu’ils partagent, qu’ils likent ou qu’ils suivent. On constate que le débat ne porte plus principalement sur le fond mais sur la forme et que, entre punchlines et fake news, les réseaux sociaux sont adaptés à ce nouveau genre de communication. Une tendance qui va certainement s’accélérer sur les prochaines élections.

Chloé Sangiorgio

Références

AFP, (2022) . [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-comment-les-reseaux-sociaux-bousculent-la-campagne-31-10-2021-3OVRHGGXUFANNI6IWXWXXBZHX4.php [Accedé le 1 Mai 2022].

Bresson, V., 2022. Au cœur du Z. ed. Goutte d’or.

Corsan, O., (2022) . [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-comment-les-reseaux-sociaux-bousculent-la-campagne-31-10-2021-3OVRHGGXUFANNI6IWXWXXBZHX4 [Accedé le 1 Mai 2022].

Grandin, J., 2022. La présidentielle se joue aussi sur les réseaux sociaux. Les Echos, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle/la-presidentielle-se-joue-aussi-sur-les-reseaux-sociaux-1399033 [Accédé le 27 April 2022].

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Hugo Decrypte, (2022). Le Master SIREN invite Hugo Decrypte. Université Paris-Dauphine, 26 Avril 2022.

Ma, A. et Gilbert, B., 2019. Facebook understood how dangerous the Trump-linked data firm Cambridge Analytica could be much earlier than it previously said. Here’s everything that’s happened up until now.. Business Insider, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.businessinsider.com/cambridge-analytica-a-guide-to-the-trump-linked-data-firm-that-harvested-50-million-facebook-profiles-2018-3?r=US&IR=T [Accédé le 25 Avril 2022].

Philipps, G., 2022. Les réseaux peuvent-ils destabiliser l’élection ?. France Culture, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.franceculture.fr/politique/presidentielle-2022-les-reseaux-peuvent-ils-destabiliser-lelection [Accédé le 27 April 2022].

Rousset, A., 2018. Comment Cambridge Analytica a repéré les électeurs de Trump grâce à leurs vêtements. Les Echos, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle/la-presidentielle-se-joue-aussi-sur-les-reseaux-sociaux-1399033 [Accédé le 27 April 2022].

Saltiel, F et Théviot, A,. 2022. Les réseaux sociaux peuvent-ils faire basculer une élection ?. Le meilleur des mondes. [Podcast]. [Accédé le 22 April 2022]. Available from: https://www.franceculture.fr/emissions/le-meilleur-des-mondes/les-reseaux-sociaux-peuvent-ils-faire-basculer-une-election.

Tran, S., 2022. Présidentielle 2022. « L’espace télévisé n’est plus l’espace naturel où va se déployer la campagne ». Ouest France, [EN LIGNE]. /, /. Disponible via : https://www.ouest-france.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-l-espace-televise-n-est-plus-l-espace-naturel-ou-va-se-deployer-la-campagne-e1300368-7308-11ec-b5e2-f1d665483d2a [Accédé le 25 Avril 2022].

Patagonia, quel marketing pour une entreprise engagée ?

Patagonia est une entreprise de vêtements techniques de sports de montagne et de surf. La marque peut-être considérée comme haut de gamme du point de vue des prix et de la qualité, comptez 40 euros pour un tee-shirt et 200 pour une doudoune légère. 

La proposition de valeur de Patagonia réside dans son engagement pour l’environnement. Les produits sont éco-conçus, c’est-à-dire qu’ils utilisent des matières recyclées ou bio, l’énergie utilisée est 100% renouvelable en Amérique du nord et l’entreprise investit 1% de son chiffre d’affaires auprès d’associations locales et d’initiatives sociales et environnementales. 

Si elle n’est pas la seule à adopter cette position éco-friendly au sein de l’industrie du textile, Patagonia n’a pas eu à changer sa nature et son identité pour y intégrer une dimension écologique. En effet, la marque s’est construite autour du respect de l’environnement depuis sa création en 1957. En 1988, elle lançait sa première campagne environnementale en Californie, en 1992, année du sommet de la terre de Rio, la marque développait un programme d’étude d’impact écologique des produits et abandonnait le coton traditionnel pour du bio. En somme, impossible de reprocher à Patagonia un virage écologique opportuniste poussé par un marketing à l’écoute de la demande. 

Cependant, être avant-gardiste et “green-by-design” ne garantit pas le succès. À l’heure du greenwashing, difficile de démêler le vrai du faux. 

Pour rester fidèle à ses principe, et se démarquer par ce qui fait sa force, son engagement écologique, Patagonia a fait le choix de la transparence. Allant jusqu’à publier une pleine page dans le New York Times lors du Black Friday 2011 arborant le slogan Don’t buy this jacket (“n’achetez pas cette veste”) au dessus d’une photo d’une veste de la marque. Opération couronnée de succès, l’entreprise se démarque des stratégies de greenwashing “conventionnelles” et fait parler d’elle en touchant son cœur de cible, les gens ayant une sensibilité écologique appartenant aux catégories socio-professionnelles supérieures, susceptibles de lire le New York Times. 

Je me suis penché sur leurs réseaux sociaux pour comprendre comment Patagonia a entretenu sa réputation et construit une communauté autour de la lutte contre le dérèglement climatique.

Lutter contre la société de consommation en vendant des vêtements, un exercice d’équilibriste

Patagonia est dans une situation unique : il lui faut vendre des vêtements sans pouvoir les promouvoir directement. En effet, la marque s’est construite autour de valeurs écologiques fortes, à l’image de sa devise : “We’re in business to save our home planet” (« nous sommes dans les affaires pour sauver notre planète natale »). Prôner une consommation responsable en vendant des produits manufacturés oblige à être irréprochable et empêche tout type de promotion “agressive” comme les soldes et autres réductions ou les partenariats avec d’autres marques et organisations moins engagées. 

Cette politique se traduit sur les réseaux sociaux de la marque par une absence totale de promotion directe des produits. À la place, on retrouve sur Instagram 11 comptes Patagonia certifiés et une autre dizaine non certifiés mais reconnus comme officiels. Ces comptes offrent des propositions de contenus différentes à travers une segmentation intelligente. En dehors du compte principal “Patagonia”, il existe un compte par sport pour lequel la marque créé des vêtement, des comptes correspondant aux différentes régions ainsi que des comptes liés au type de vêtement. 

Le choix d’avoir autant de comptes sans promouvoir de produit directement reflète la mentalité de la marque de se reposer sur le bouche à oreille numérique et de rares publicités bien ciblées pour diffuser son offre.

Avoir de nombreux comptes implique d’être capable de créer beaucoup de contenu autour de la marque. Pour ce faire, Patagonia se repose énormément sur le User Generated Content (UGC).

Le User Genrated Content, sur Instagram consiste dans l’immense majorité en du partage de photographies prises dans l’action. En identifiant les différents comptes de la marque associés à la photo postée par un sportif, par exemple @patagonia_climb et @patagonia_europe pour une photo d’escalade alpine, celui-ci  propose implicitement à la marque de reprendre l’œuvre à son compte. Ce qui ne manque pas, de plus, la marque propose à l’auteur de la photographie de choisir la description de la photo repostée, souvent un témoignage personnel poétique et inspirant. Si la photo a du succès sur les comptes spécialisés de la marque, elle sera peut-être reprise par le compte principal @Patagonia et ses 4,8 millions d’abonnés.

Voir sa photo reprise par la marque mythique des sports de montagne et du surf est en soi un aboutissement pour nombre de sportifs, cette stratégie de mettre en valeur le User Generated Content est un moyen d’avoir du contenu régulier mais aussi de développer une communauté investie. Sur tous ses réseaux sociaux, la marque ne manque d’ailleurs pas de répondre à de nombreux commentaires et à les liker.

Le Brand Content au coeur de la communication d’une marque-média

Néanmoins le vrai atout de la communication de Patagonia réside dans le contenu qu’elle est capable de produire. Patagonia constitue en elle-même un véritable média écologique, qui produit des documentaires inspirants associant des sportifs à des grandes causes. Le dernier exemple en date est celui de Martin Johnson, que l’entreprise de textile à accompagner dans sa course de 40 heures le long de la Tamise pour célébrer l’intégration de la communauté afro-américaine dans le trail.  

Cette approche de co-création entre communauté et marques de vêtements techniques est très répandue dans le secteur. Cependant la valeur ajoutée écologique de Patagonia lui permet d’aller plus loin que le reportage sportif en dénonçant au travers de ces productions, disponibles sur youtube et sur le site gratuitement, ou en mettant en avant des associations environnementales pour lesquels la marque finance des projet à hauteur de 1% de son chiffre d’affaire chaque année. 

L’objectif de la marque, qui co-produit également des livres autour du sport et de l’écologie disponibles sur son site, est de devenir un véritable média écologique pour transformer une simple veste en expérience complète et engagée. Vous n’achetez pas seulement un tee-shirt à 50 euros, vous faites partie d’une communauté qui compte des grands sportifs et des militants pour le climat. Et ce pour la vie, car Patagonia met en avant la durée de vie des produits à travers les cinq “R” : Reduce, Repair, Reuse, Recycle, Reimagine, qui correspondent à des actions menées par la marque vis-à-vis de sa communauté pour augmenter la durée de vie des vêtements.

« Le commerce a un rôle à jouer, mais ce n’est qu’un levier. Nous devons utiliser tous les outils à notre disposition pour assurer un avenir plus sûr et plus juste. »

Ryan Gellert, CEO

Des plateformes pour animer la communauté

C’est dans cette optique que Patagonia a développé la plateforme Worn Wear qui permet aux détenteurs de vêtements de la marque de les revendre en magasins une fois portés assez longtemps, d’acheter des pièces réparées par la marque ou de se les échanger. À travers cette plateforme, l’entreprise contrôle une partie du marché de la seconde main, et peut réaliser de nouveaux bénéfices sur d’anciennes pièces.

Patagonia Action Works est une autre plateforme de la marque qui met en relation la communauté avec des organisations qui luttent pour la préservation de l’écosystème. En tant que média, cela permet à Patagonia de dépasser sa condition “naturelle” de marque pour devenir un intermédiaire social et environnemental. En aidant les gens à trouver des bonnes actions à réaliser près de chez eux, Patagonia en apprend plus sur ce qui tient le plus à cœur à ses adeptes les plus engagés, information qui guide naturellement les choix de brand content à venir et les engagements de la marque. 

La dépendance à l’irréprochabilité, limite du modèle Patagonia ?

La marque mythique des sports de montagne n’a jamais connu un succès équivalent à celui qui l’entoure en ce moment. Elle a su bénéficier de l’intégration de l’escalade aux jeux olympiques, à l’effervescence autour de la course à pied et du trail et bien entendu à la sensibilisation du monde aux enjeux environnementaux. Cependant, à l’heure où tout se sait et où les réseaux sociaux savent se montrer impitoyable, notamment envers le greenwashing, Patagonia marche sur des œufs et sa notoriété grandissante en fait une plus grosse cible. 

Savoir réagir aux scandales, vrais ou faux, qui ne manqueront pas d’éclater sera une clé de succès pour entretenir la désormais large communauté de la marque. Néanmoins ce défi n’est pas inconnu. En 2015, l’association Four Paws avait dénoncé l’utilisation de duvet issu d’oie vivantes et gavées. Patagonia avait joué la carte de l’honnêteté en se séparant de son fournisseur mis en cause et en mettant un plan d’action pour s’assurer de la provenance de son duvet, néanmoins le scandale a coûté cher en image et en ressources.

Sources

Félix Rougier

Luxe et réseaux sociaux, deux univers incompatibles ?

On pourrait penser de prime abord que le luxe et les réseaux sociaux sont deux concepts aux antipodes. En effet, le luxe représente un monde traditionnel, presque inaccessible tandis que les réseaux sociaux symbolisent la modernité, les nouvelles technologies et ont surtout vocation à toucher un large public. De fait, l’univers du luxe, jusqu’à présent réticent à ce changement, a pris beaucoup de retard dans sa transition digitale.

Les marques de luxe ont donc dû adapter leur stratégie de communication pour toucher une audience plus importante en démocratisant leur contenu grâce à un storytelling davantage universel. L’enjeu majeur auquel ces marques ont pu être confrontées est de trouver la juste combinaison, à savoir comment sembler accessible tout en restant inaccessible ? La grande difficulté à donc été de se positionner sur le même plan que leurs concurrents plus « mainstream » tout en gardant les valeurs intrinsèques au luxe. Il a donc été nécessaire de casser certains codes pour gagner en visibilité sur les plateformes et ainsi courtiser de nouveaux clients.

Les accélérateurs de cette transition

Différents facteurs ont poussé les marques de luxe à se lancer dans l’univers digital en soignant leur représentation sur les réseaux sociaux. En effet, avec la pandémie ainsi que l’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs tels que les jeunes et la clientèle asiatique, les marques ont dû s’adapter à un changement drastique dans les habitudes d’achat des consommateurs de luxe.

Le marché asiatique

Dans un premier temps, on remarque depuis quelques années un fort attrait pour le luxe dans les pays asiatiques, notamment la Chine qui représente aujourd’hui 21% de la part de marché mondiale du luxe. Pour plaire à cette nouvelle clientèle très avancée sur la plan technologique, le luxe a donc dû accélérer sa transition digitale. Les réseaux sociaux vont également avoir une place très importante au sein de la jeune génération asiatique avec l’arrivée d’un nouvel état d’esprit dans l’habillement, le « to be seen on screen », c’est-à-dire être parfaits à l’image, avoir un look « instagramable ». Les designers doivent donc réfléchir à la manière de rendre chaque pièce plus photogénique en retravaillant les matières, les couleurs, les graphismes, …

Les jeunes 

Actuellement les générations Y et Z représentent environ 60% du marché du luxe et pourraient atteindre 70% d’ici 2025. Ainsi, ce secteur va devoir s’adapter aux nouvelles exigences, comportements, usages et habitudes de ces consommateurs. La caractéristique de cette génération est qu’elle affiche énormément sa vie sur les réseaux en montrant ce qu’elle fait, ce qu’elle aime ou encore ce qu’elle achète. Ils suivent énormément de créateurs de contenu et sont très influencés par ces derniers.

Le Covid

Enfin, le Covid a également joué un rôle dans le changement de comportement des individus. Depuis la propagation du virus, les questions d’éthiques et de développement durable semblent plus que jamais influencer les comportements d’achat. L’expérience en boutique, mais aussi tous les évènements tels que les défilés, les cocktails, les privatisations ont été interdis et ont donc amené les marques de luxe à se réinventer pour continuer à rester en contact avec sa clientèle. De fait, les investissements en stratégie d’influence ont fortement progressé.

Luxe et influence

Les réseaux sociaux viennent offrir un large éventail d’outils marketing afin d’attirer ces nouvelles cibles et convenir aux nouveaux modes de consommation de ses clients. Ainsi, le but des réseaux sociaux pour une marque de luxe ne va pas être de vendre directement ses produits sur la plateforme, mais plutôt de soigner son image et surtout sa e-réputation. Ils apportent un nouveau souffle qui permet de rajeunir leur image, de gagner en transparence afin de sensibiliser plus sur certains enjeux.

Soigner sa e-réputation afin d’attirer les jeunes

A la différence des consommateurs de luxe traditionnels, les jeunes vont être très sensibles aux problématiques liées à l’environnement, l’éthique ou encore la diversité. Ainsi, c’est dans l’intérêt des marques de luxe d’utiliser cet outil numérique afin de promouvoir ces valeurs dans sa communication sur les réseaux. Ceci pourra également être l’endroit où la marque pourra faire preuve de transparence en montrant, par exemple, comment sont confectionnés ses produits au travers de vidéos (voir « focus sur Lena Situation »). La stratégie de certaines maisons à l’instar de Moncler ou encore Valentino est d’afficher clairement des messages forts pour promouvoir l’éthique ( comme suppression de la fourrure pour la protection animale) de la marque ainsi que leur démarche éco-responsable.

Le choix des influenceurs et marketing d’influence

L’ère des égéries (top modèles, actrices, …) a fait place à celle des influenceurs. Ce choix n’est plus directement imposé par la marque mais par une synergie entre popularité et éthique. L’influenceurs doit véhiculer des valeurs que partage la marque, mais qui sont également en accord avec sa propre ligne éditoriale. Il faut donc réussir à trouver une triple symbiose entre la marque, l’influenceur et sa communauté.

Pour toucher à la fois les générations Y et Z, les marques de luxe vont devoir sélectionner avec soin les influenceurs afin qu’ils continuent à porter l’image et les valeurs de la marque. Le markéting d’influence va donc être utilisé par les maisons de luxe comme un outil phare de leur stratégie de communication sur les réseaux sociaux. A titre d’exemple, aujourd’hui Dior n’hésite pas à inviter des influenceurs à ses défilés, auparavant réservés aux célébrités ou personnalités mondiales (exemple : Lena Situation, Paola, …  ) .

Le choix de ses influenceurs ne va pas se faire au hasard. Les marques vont devoir choisir des personnalités en accord avec les aspirations des jeunes en combinant de manière subtile les méga, macro et micro-influenceurs. Les top influenceurs vont venir contribuer à renforcer l’image et la notoriété de la marque tandis que les macro et micro-influenceurs vont davantage se focaliser sur un objectif d’engagement et de confiance, permettant de gagner en authenticité. Créant ainsi une relation bilatérale, dans la mesure ou la notoriété de l’influenceur varie en fonction du prestige de la marque.

In fine, les influenceurs permettent de montrer à leur audience des produits et services afin de démocratiser ce secteur autrefois perçu comme exclusif et trop fermé. A l’inverse des célébrités, les influenceurs possèdent une relation plus intime avec leur communauté. Ceci permet de donner de la valeur aux marques grâce aux recommandations faites par les influenceurs jugés comme étant légitimes et authentiques.

Par ailleurs, on remarque que lorsqu’une marque fait appel à un influenceur pour promouvoir l’un de ses produits, ceci sera davantage un produit accessible tel que du cosmétique ou encore un parfum, plutôt que des sacs ou du prêt-à-porter. L’influenceur crée ainsi une clientèle de primo accédant qui pourra ensuite se familiariser et s’intéresser à une gamme plus élevée.

Focus sur Léna Situation & Chiara Ferragni

Sans aucun doute, on peut dire que la bloggeuse et styliste Chiara Ferragni a été la pionnière dans le marketing d’influence en étant l’une des premières personnalités à faire des collaborations avec les plus grandes marques de luxe. Déjà en 2018, la maison de haute couture Dior a pu sponsoriser son mariage. Selon l’agence Launchmetrics, l’impact médiatique du mariage est estimé à 5,6 millions de dollars, et la photo de sa robe de mariée a été likée plus de 2 millions de fois sur son compte Instagram.

Du côté français, on peut s’accorder à dire que l’influenceuse la plus populaire du moment est Lena Situation, très médiatisée depuis 2020. En seulement 2 ans, la créatrice de contenu a déjà eu l’opportunité de faire des collaborations avec les plus grandes marques de luxe telles que Balmain, Miu Miu ou encore Dior. Ainsi, sur la chaîne Youtube de Lena il est possible de retrouver un contenu exclusif comme la présentation des ateliers Dior ou encore de nombreux défilés de mode.

Les réseaux sociaux comme nouvel outil de vente

Les réseaux sociaux dans l’avant et après-vente

Les réseaux sociaux vont intervenir à différentes étapes dans le cycle d’acquisition d’un produit de luxe. Tout d’abord, ils vont jouer un rôle majeur dans la découverte d’un produit. De ce fait, lors du lancement d’une nouvelle gamme de produit, les marques de luxe ne vont pas hésiter à faire appel à des influenceurs pour la faire découvrir à sa communauté. On pourrait par exemple citer la campagne de Lancôme avec la sortie de son nouveau parfum « la vie est belle – l’éclat ». De plus, les influenceurs modes sont également suivis par leur communauté comme étant des modèles dans leur style vestimentaire. Ainsi beaucoup de marques vont faire du « gifting » pour qu’un influenceur porte son produit et ainsi donne envie aux individus de sa communauté d’acheter cette pièce pour faire le même look.

Ensuite les réseaux sont également très importants dans la phase d’avant-vente, lors de la prise de décision. En effet, les réseaux sont le terrain parfait pour trouver des avis sur un produit, et voir comment il rend dans « la vraie vie ».  

Offrir une nouvelle expérience

Enfin, les réseaux sociaux permettent d’étendre l’expérience luxe au delà du monde physique. On  a beaucoup vu ces dernières années des marques de luxe faisant appel à la réalité augmentée. On pourrait par exemple citer Dior qui s’est associé à Snapchat pour lancer ses nouvelles sneakers B23 avec la création d’un filtre où l’utilisateur a la possibilité d’essayer ses chaussures de manière virtuelle.

Margaux Tournois

Sources :

Léontine Parolini, L’industrie du luxe et les influenceurs : un combo gagnant, Mai 3, 2021

#TheFerragnez | L’impact digital du mariage de Chiara Ferragni & Fedez, Sep 06, 2018

Carine Zanchetta, Luxe et marketing d’influence : une union dans l’air du temps Jun 22, 2021

Caroline Boudehen, Comment les jeunes et riches Chinois bousculent le marché du luxe Mai 13, 2021

Le luxe face au défi des réseaux sociaux, Juil 31, 2017

Les réseaux sociaux créent-ils une dépendance et quels en sont les effets notamment chez les jeunes? 

De nos jours, les jeunes se tournent et s’investissent fortement dans toute plateforme. Elles permettent d’établir des liens entre les différents utilisateurs mais elles permettent aussi d’intégrer certains groupes. Il est largement admis que les réseaux sociaux peuvent être une arène dans laquelle les jeunes se connectent et interagissent de manière compulsive. Par exemple en 2016 une plateforme tel que Facebook connaissait une influence quotidienne de 1.09 milliard d’utilisateurs actifs. 

La société actuelle connait un réel essor de l’ensemble des technologies. La population est constamment à la recherche d’outil plus petits et plus performants. Dorénavant les téléphones portables sont de réels ordinateurs, et ils permettent d’avoir un accès permanent aux différents médias sociaux. L’ensemble de ces technologies a donc créé une réelle dépendance de la population vis-à-vis des réseaux sociaux. Ces addictions sont dues au fait que sur les différents réseaux sociaux l’utilisateur joue un rôle actif dans la création du contenu. Cette participation accrue des membres permet de créer et de renforcer les différentes expériences. Le fonctionnement de ces différentes plateformes repose en grande partie sur les interactions auxquelles participent les différents utilisateurs. Celles-ci peuvent donc être à l’origine de certains effets négatifs, notamment sur la santé mentale de la jeune population. On trouve souvent : des pensées suicidaire, une baisse de l’empathie, une hausse de la solitude, etc. 

Aux États-Unis la RSPH (Royal Society for Public Health), à mener une étude auprès d’un large panel d’adolescent en 2017 afin d’étudier les effets de cette sur exposition. Tout d’abord, ils ont remarqué que 91% des personnes entre 18 et 24 ans utilisent internet afin d’avoir accès aux réseaux sociaux. 

Lors de cette étude, la population interviewée assure que les grandes plateformes telles que Facebook, Twitter, Instagram et Snapchat créent un réel sentiment d’anxiété, ce qui peut entrainer d’autres conséquences néfastes. Ce sentiment d’inquiétude, peut mener à une déscolarisation des jeunes, à un isolement, etc. Cette étude montre notamment que les jeunes qui sont exposés plus de deux heures par jour sur ces réseaux sociaux, sont plus enclin à l’anxiété. 

Le sentiment d’anxiété ou de dépression, peut être lié au fait que les jeunes individus postent des photos de leurs vacances ou de leurs soirées. Au vu de cette exposition de la vie privée certaines personnes peuvent trouver leur vie comme étant banale et sans réel intérêt.  

De plus, les médias sociaux sont des lieux où l’on cherche à montrer la perfection (une vie personnelle parfaite, un physique parfait). Cette quête peut être la source de perte de confiance en soi, de dépression ou encore d’anxiété, car les personnes n’ayant pas cette vie peuvent tout remettre en question. Au Royaume Unis près de 80 000 jeunes sont en dépression, suite à l’utilisation des réseaux sociaux. Cette maladie psychique, peut apparaître lorsque les jeunes sont connectés plus de deux heures par jour sur les réseaux. Le fait d’être constamment joignable, rend les utilisateurs enclins à diverses pressions. Certaines études ont même cherché à prédire si une personne était dépressive ou non en fonction de ses publications. La prédiction de l’état dépressif d’une personne s’est élevée à 70% en se basant uniquement sur les Tweets d’une personne. D’après l’OMS la dépression est une des principale cause d’incapacité, et celle-ci peut mener au suicide, qui est la deuxième cause de mortalité chez les 15-29 ans. 

Une surexposition et une dépendance vis-à-vis des réseaux sociaux, peuvent déclencher d’autres effets néfastes sur la santé mentale des jeunes. En effet, une mauvaise santé mentale peut avoir pour conséquence d’avoir un mauvais sommeil, et un sommeil perturbé peut lui aussi avoir des répercussions sur la santé mentale des individus. Un sommeil agité peut être à l’origine d’hypertension, d’obésité ou encore de diabète. Le fait de consulter nos réseaux sociaux avant d’aller se coucher peut-être à l’origine d’un sommeil perturbé. Cela est dû au fait que le cycle cérébral va être perturbé suite à cette surexposition aux écrans. Notre cycle de sommeil sera donc décalé, et les individus dormiront moins. De plus certaines études montrent que près d’un jeune sur cinq se réveille pendant son cycle de sommeil afin de consulter ses messages sur les différentes plateformes. Cette action perturbe encore plus le sommeil notamment chez les jeunes. Cela aura des répercussions le lendemain, car un sentiment de fatigue permanente sera exprimé par le corps. 

Les réseaux sociaux restent un mode de communication très porté sur le physique des individus. On cherche à atteindre la « perfection ». Les jeunes ont donc une image négative de leur corps, car ils se comparent sans cesse à des individus qui selon eux ont le physique idéal. Sur Instagram par exemple plus de 100 millions de photos et vidéos sont publiées chaque jour et plus de 500 millions de comptes utilisent la story Instagram chaque jour. L’ensemble de ces contenus permet aux jeunes de se comparer sans cesse. Environ neuf jeunes adolescentes sur 10 sont insatisfaites de leurs corps. Cette insatisfaction pousse les jeunes adolescents à avoir recours à la chirurgie esthétique (environ 70 % des 18-24 ans envisageraient de subir une intervention de chirurgie esthétique). Dorénavant, les jeunes ne vont plus chercher à être eux-mêmes, mais ils cherchent à ressembler aux autres, afin d’être «accepté» par la société qui les entoure.  

Un autre fait marquant suite à la surexposition aux réseaux sociaux, peut être le cyber-harcèlement ou l’intimidation en ligne. Les jeunes sont dorénavant en contact quasi-permanent les uns avec les autres. Cette interaction constante permet à certains de continuer leurs intimidations même lorsqu’ils ne sont pas en contact direct avec la personne.

Ces nouvelles formes de communication, permettent de diffuser des photos ou vidéos rapidement et à grande échelle, ce qui peut chambouler la santé mentale de la victime. Le cyber-harcèlement est aussi présent sur les réseaux sociaux du fait de la possibilité d’anonymat. D’après une étude publiée dans l’Encéphale, sur 272 personnes interrogées, 95 personnes (soit 35%) affirment avoir été victime de cyber-intimidation au moins une fois. Cette étude est basée sur la moyenne d’âge des 12-22 ans. 21% de ces 95 personnes disent souffrir de dépression sévère, 15% se disent anxieux, et d’autres éprouvent d’autres troubles mentaux. Ces cyber-harcèlements peuvent prendre différentes formes : des commentaires négatifs ou des messages privés directement. Ce type d’intimidation est d’autant plus dangereux, que les différentes plateformes ne réagissent que très rarement au signalement de ces contenus (afin de les supprimer). D’après une étude menée par Centre pour contrer la haine numérique (Center for Countering Digital Hate) les plateformes telles que Facebook, Twitter ou Instagram ne sont que trop peux réactives au vu de ces contenus, car ils ne suppriment que 16% des publications antisémites (soit 84% des contenus qui ne sont pas retirés de la plateforme). 

Enfin, la montée en puissance des réseaux sociaux, a fait émerger un nouveau courant qui est « la peur de manquer » (Fear of Missing Out). Le terme FoMO désigne la peur de rater un événement social ou quelque chose d’agréable qui se déroulerait sans l’individu. Afin de ne rien manquer ces individus doivent être constamment connectés sur les réseaux sociaux. La peur de manquer peut-être la source de baisse de l’humeur ou de perte de satisfaction dans la vie. 

Nous pouvons donc conclure qu’avec une croissance continue de la possession de notre société de téléphone portable, de tablettes et d’autres appareils électroniques, ainsi que l’essor des diverses applications ainsi que le développement de la technologie en elle-même, la dépendance vis-à-vis des réseaux sociaux doit-être et restera une préoccupation majeure. Une telle addiction peut avoir des effets quasiment irréversibles sur la santé mentale des jeunes. En effet, cela peut mener à un décrochage scolaire, des automutilations ou encore une dépression. C’est pour cela qu’une mise en garde ainsi qu’une prévention concernât les risques des surexpositions aux médias sociaux doit être effectuée auprès des jeunes. Les différents réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter et Instagram, doivent aussi s’impliquer dans la protection de leurs utilisateurs. Un contenu étant signalé comme étant négatif, doit être retiré de la plateforme, un utilisateur ayant été trop de fois signalé au vu de son contenu doit être banni de réseau social. Les jeunes doivent donc être accompagnés afin d’avoir une utilisation optimale de ces différents médias sociaux. 

Oscar PERRIN

Sources:

  • L’Encéphale: https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013700612000097?casa_token=NSmtDM4B8p0AAAAA:RiujOSM3XhYVZpQuc5RqUrOU_6RSoaQg1IzEkjS-5262_wrakFcYJ2g9PyNQOtR34H4LJGYBlfA

Snapchat Shows : de nouvelles opportunités publicitaires ?

Apparus en novembre 2018, les « shows » sont des programmes vidéo quotidiens ou hebdomadaires que l’on peut retrouver dans l’onglet Discover de Snapchat. D’une durée comprise entre 3 et 7 minutes, ils combinent la volonté de proposer du contenu plus scénarisé tout en participant à la tendance des formats courts. Les annonceurs étant de plus en plus friands de la publicité sur les réseaux sociaux, quels sont les arguments de Snapchat pour les convaincre ?

Les shows au coeur du Discover

Format vertical s’imbriquant dans une série composée plusieurs épisodes, les shows Snapchat sont proposés par des éditeurs et abordent plusieurs sujets : actualité, société, cuisine, sport ou encore beauté. Contrairement aux éditions publishers également présents dans le Discover, les shows ne disparaissent pas après 24h. Proposés exclusivement par une cinquantaine de partenaires media sélectionnés par Snapchat, ils ne sont donc pas (encore) accessibles en termes de production au grand public, ni aux autres créateurs de contenu.

Les partenaires éditoriaux de Snapchat, dans la rubrique Discover

Chaque show est scénarisé, planifié en termes de fréquence et d’audience par l’éditeur, et ensuite validé par le réseau social. Il de se focaliser sur un thème ou un angle, moins développé dans les éditions publishers. Par exemple, « Témoignage » par Cosmopolitan propose chaque semaine un épisode de 300 secondes d’une prise de parole face relatant tabous persistants dans la société (troubles psychiatriques, violences, handicap etc.).

Avec une durée de quelques minutes, les éditeurs (et Snapchat) ont la volonté de créer de nouveaux rendez-vous, afin de créer de la fidélité et augmenter le temps passé sur l’application. Avec des formats courts, ils ont la volonté de séduire les générations, notamment habituées à la courte durée des Tiktoks et des Reels Instagram. La proposition par série permet donc d’installer un réel storytelling et de préserver l’attention de l’utilisateur, avec comme objectif à long terme de développer des fictions ou des mini-séries.

Un reach potentiel non négligeable

Si la motivation des éditeurs réside dans le fait d’informer leur audience, le reach potentiel de la plateforme demeure un très bon argument de vente auprès des annonceurs. En effet, selon Médiamétrie, en janvier 2022 en France, Snapchat comptait 25,2M de visiteurs uniques (+26% par rapport à 2020), et 18,1M par jour (+32% par rapport à 2020). Son score journalier le classe 5e des marques les plus visitées sur internet, derrière Google, Facebook, Youtube et WhatsApp. L’application dépasse Instagram de plus de 3M de visiteurs uniques journaliers alors qu’Instagram compte 10M de visiteurs mensuels de plus au niveau mensuel. Une preuve d’engagement pour Snapchat : un utilisateur est plus susceptible d’ouvrir Snapchat une fois par jour plutôt qu’Instagram.

Cette progression des visiteurs uniques va de pair avec les utilisateurs actifs quotidiens (DAU), qui sont près de 16,6 millions en France et 82 millions en Europe. La diffusion des campagnes publicitaires a ainsi de grandes chances d’atteindre un niveau d’impressions satisfaisant. Le potentiel d’audience de la plateforme est significatif, sachant que le temps moyen/jour d’un utilisateur Snapchat est de 49 minutes, et plus d’une heure pour les utilisateurs entre 15 et 24 ans, le faisant réseau social le plus important en termes de temps d’utilisation. Dans le cas des shows, il faut compter 2 publicités pour 5 minutes de format. Avec un plus grand temps passé pour l’utilisateur, un plus grand nombre d’affichage de publicités est possible.

PureBreak, éditeur géré par Webedia, compte en avril 2020 3,8M de visiteurs uniques. Ses trois shows, « Match ou Next », « Off Screen » et « L’interro Surprise » atteignent une audience de 2,6 millions de spectateurs uniques en moyenne sur la plateforme. Si les annonceurs peuvent craindre une audience trop jeune (spectateurs non-décisionnaires d’achats), Snapchat a récemment diffusé ses audiences, en affichant que 14,9% des audiences touchés par la publicité sont mineurs. Si ce n’est un engagement de transaction, les annonceurs peuvent organiser des campagnes avec pour objectif de la notoriété ou du branding.

Age de l’audience de Snapchat en France, par DataMind, basé sur les rapports de Snap Ads Manager

Des formats publicitaires spécifiques

Avec 2 coupures publicitaires pour 5 minutes de contenu, les annonceurs ont de quoi se positionner sur la plateforme.


Les formats publicitaires sur Snapchat, © Snap Inc

  • Les Snap Ads. GIF animé ou vidéo, cette publicité intervient entre les Snaps présents dans le Discover. Agrémenté d’un CTA (Call To Action) tel que « Voir », « Jouer », « Acheter » ou encore « S’inscrire », ce format permet de générer du traffic ou d’augmenter les téléchargements d’une application, mais aussi d’améliorer le taux de conversion. Bien que les normes de Snapchat acceptent les publicités jusqu’à 3 minutes (idéales pour les teasers ou bandes annonces), le format recommandé est de 3 à 5 secondes, afin de maximiser l’attention de l’utilisateur.
Exemple : Snap Ad de Krys

  • Les Snaps Commercials. Ce format publicitaire est considéré comme premium, car non-skippable pendant 6 secondes, en plein écran et avec le son activité automatiquement. Les annonceurs peuvent décider du placement de leur publicité, avec une réservation de l’emplacement dans le contenu éditorial des shows. Cela leur permet d’obtenir une meilleure mémorisation du message par un meilleur taux de complétion vidéo. Snapchat a communiqué la campagne exclusive de Coca Cola Light Taste, qui a été diffusée exclusivement sur Snapchat pour en mesurer la réelle efficacité. Résultat : taux de complétion moyen de 80%, mémorisation publicitaire de plus de 18 points et augmentation des ventes de 3,6%.

  • Les Collection Ads. Composé d’un carrousel d’images et/ou de vidéos, ce format est utilisé surtout dans un but de conversion pour le e-commerce. Il apparaît entre le visionnage de deux stories, et dans le cas des shows, entre deux épisodes.

  • Les Story Ads. Ces annonces viennent se mélanger aux éditions publishers et aux shows dans le discover. Comme si ces publicités étaient des émissions/contenus à part entière, elles ne s’activent que si les utilisateurs cliquent dessus.

  • Les Dynamics Ads. Ces annonces permettent de mettre en avant des publicités directement avec le catalogue produit de l’annonceur, avec un ciblage et une sélection automatique.

  • La native/partenariat éditorial. Non-gérable directement par Snap Ad Manager, ce format consiste à faire la promotion d’un produit/d’une marque à travers le journaliste qui présente le Show. Les annonceurs passent alors directement par la rédaction de l’éditeur, ce partenariat sera néanmoins toujours validé par Snapchat, car eux-seuls valident scénarios et contenus avant la diffusion.

En ce qui concerne le prix, le réseau social propose deux options : un budget quotidien (minimum de 5€) ou un budget global sur une période définie. Snapchat met à disposition, pour les annonceurs préférant collaborer directement avec leur régie publicitaire et non avec celles des éditeurs, des prévisions d’affichage et du nombre de « Swipe-Up ». Snapchat peut ainsi vendre des emplacements au sein des contenus éditoriaux et entre les épisodes des Shows des éditeurs, en leur partageant 50% des revenus. Cependant, toutes les données récoltées auprès des segments d’audience des publicités vendues par Snapchat leurs sont réservées, et les éditeurs ne peuvent y avoir accès. Du côté des régies publicitaires des éditeurs, les tarifications des formats varient entre 8 et 12€ de CPM (Coût Par Mille).

Pourquoi Snapchat ?

Tout comme ses concurrents, Snapchat propose un ciblage data précis, qui permet de viser des secteurs démographiques, des intérêts ou encore la localisation de ses utilisateurs. A l’instar de Facebook, il propose également des audiences personnalisées qui permettent de créer des Lookalikes, pour cibler des utilisateurs similaires aux clients actuels de l’annonceur. Les différents formats laissent libres les annonceurs pour exprimer leurs créativités, tout comme optimise le temps de ceux qui souhaitent réaliser les campagnes les plus simples possibles (GIF d’images par exemple). Moins populaire auprès des annonceurs, comme Facebook Ad Manager avec Instagram, la concurrence peut également être plus faible sur Snapchat. Argument de taille, l’écosystème éditorial fermé du Discover, avec seulement des partenaires médias, protège des fakes news. En contrôlant le contenu éditorial, Snapchat s’assure d’avoir un environnement sain pour ses annonceurs au sein du Discover. Par ailleurs, Snapchat possède des règles publicitaires assez strictes, avec un encadrement autour des sujets sensibles pour les annonceurs comme pour le public, avec notamment les sites de rencontre, l’alcool, les traitements minceurs, la chirurgie esthétique, les jeux d’argents ou encore les produits financiers.

Cependant, Snapchat possède des contraintes non négligeables. Par exemple, le format vertical, avec très peu de largeur peut contraindre les annonceurs qui ont l’habitude de promouvoir avec des formats horizontaux. En ayant moins d’offres publicitaires pour des normes plus strictes que ses homologues, Snapchat a également des contraintes en termes de possibilités pour les plus petits annonceurs, n’ayant pas nécessairement le budget.

Snapchat est en test pour un nouveau modèle de contenu, les Dynamic Stories, permettant aux articles d’un site de remonter directement en story dans le flux de Discover, avec en swipe up l’accès au site de l’éditeur. Deux problématiques inhérentes à cette démarche : quels seront les impacts sur les formats publicitaires des articles sur les sites, et quid de la présence exclusive des éditeurs partenaires sur le Discover.

Alice Joie

Sitographie

Mapstr : nos bonnes adresses sur le bout des doigts

  • Mapstr, le réseau social français pour partager ses bonnes adresses
Logo Mapstr

Mapstr, produit purement français, est une application permettant de répertorier et d’enregistrer ses adresses coup de cœur, qu’elles soient des restaurants, des bars mais aussi des châteaux ou même encore des Escapes Games. Tout simplement, n’importe quelle adresse ouverte au public.  Apparue sur nos smartphones en juillet 2015, cette application signée Sébastien Caron est un véritable réseau social à la fonctionnalité d’un social bookmarking. En d’autres termes, il s’agit d’un service en ligne qui permet aux utilisateurs d’ajouter, d’annoter, de modifier et de partager des signets, ici des adresses.

Lorsque vous ouvrez l’application, vous êtes toujours accueilli par une carte en plein écran. Vous pouvez vous déplacer et consulter vos précédents tags, et appuyer sur une épingle pour obtenir plus de détails. Vous pouvez filtrer les tags à l’aide du tiroir de tags situé sur la gauche (restaurant, sushi, cocktails, etc.). Et bien sûr, vous pouvez ajouter de nouveaux lieux avec de nouveaux tags et en laissant votre propre commentaire. Mapstr est également un excellent moyen de vérifier les heures d’ouverture, d’obtenir le numéro de téléphone d’un restaurant et bien plus encore.

Captures d’écran de l’AppStore

Mais ce n’est pas tout. L’utilisateur peut également ajouter ses amis, ce qui rend l’application et l’expérience un peu plus sociales. La plateforme a été intelligente et n’a pas ajouté les adresses préférées des abonnés et amis sur la carte de l’utilisateur. Cela aurait pollué tout le travail que l’utilisateur a réalisé pour créer sa carte. Au lieu de cela, il suffit taper sur le nom d’un ami et charger sa carte.

Aujourd’hui, Mapstr c’est plus de 2.5 millions d’utilisateurs, une application disponible en 11 langues mais également une équipe de 9 personnes derrière ce phénomène qui ne fait que gagner en visibilité à travers le monde.

Captures d’écran de l’AppStore
  • Qu’en est-il du marché des plateformes de recommandations en ligne ?

Il est vrai que les fonctionnalités de Mapstr peuvent paraître (et sont) ingénieuses. Beaucoup d’entre nous en sont même facilement arrivés à penser « Mais oui c’est brillant, comment cela se fait que personne n’y ait pensé avant ?! ». Et bien si, d’autres y ont pensé. Seulement, ils y ont pensé, mais différemment.

Tout d’abord, nous avons tout simplement Google Maps lui-même qui propose un service similaire à celui de Mapstr. Avec un compte Google, vous pouvez cartographier des lieux spécifiques et les enregistrer sur votre compte. Ces signets vous permettent de localiser rapidement des restaurants, des commerces ou plus généralement des lieux insolites. Vous pouvez également envoyer un emplacement marqué d’un signet à une autre personne par courrier électronique en copiant simplement l’URL applicable. Cependant, la limite de la concurrence de Google est que le géant est certes un GAFAM, mais pas un réseau social.

Site TechCrunch

Ensuite, nous pouvons également mentionner Yelp. Fondé en 2004, Yelp est un annuaire en ligne populaire permettant de découvrir des entreprises locales, qu’il s’agisse de bars, de restaurants, de cafés, de coiffeurs, de spas ou de stations-service. Vous pouvez effectuer des recherches sur Yelp via son site web ou avec les applications officielles sur les appareils intelligents iOS et Android. Les listes sont classées par type d’entreprise et les résultats sont filtrés en fonction de la situation géographique, de la fourchette de prix et de caractéristiques uniques comme les places en plein air, le service de livraison ou la possibilité d’accepter des réservations. Yelp a un fort aspect social et encourage ses utilisateurs à laisser des avis écrits, des étoiles et des photos de leur expérience avec chaque commerce qu’ils visitent. Chaque compte Yelp possède une liste d’amis qui peut être alimentée en connectant l’application à Facebook et au carnet d’adresses d’un smartphone ou d’une tablette. Les avis publiés sur Yelp peuvent également être commentés par d’autres utilisateurs, tandis que les avis populaires ont la possibilité d’être promus au statut de Yelp Elite. En 2020, Yelp était le premier site d’annuaires publics en ligne et Google avait même proposé d’acheter la plateforme pour la somme de 550 millions de dollars en 2005.

Captures d’écran de l’AppStore

En outre, le réseau social Instagram saura également faire de l’ombre à notre service de cartographie made in France. En novembre 2020, Instagram a lancé une nouvelle fonctionnalité appelée Guides, qui offre à certains comptes un moyen de créer du contenu centré sur des recommandations et des conseils de bien-être. Depuis, Instagram a étendu les Guides à l’ensemble de la plateforme, les ouvrant à tous les utilisateurs et permettant aux marques et aux entreprises de les utiliser plus facilement dans le cadre de leurs stratégies de médias sociaux et de contenu. Les guides Instagram sont une nouvelle fonctionnalité qui permet aux utilisateurs de découvrir et de partager facilement des recommandations, des conseils et d’autres contenus provenant de créateurs individuels, de petites entreprises ou de marques. En utilisant une combinaison de textes et de visuels, les Guides Instagram ressemblent à des articles de blog de type liste et vous aident à créer du contenu approfondi pour vos followers. Bien qu’ils apparaissent dans leur propre onglet distinct de votre flux principal, ils peuvent être découverts sur la page Explore ou par le biais des Instagram Stories et des messages directs. Il est vrai que les recommandations d’adresses n’est pas l’utilité principale d’Instagram, mais il s’agit néanmoins d’un réseau avec une importante communauté fidèle toujours avide de nouvelles fonctionnalités.

Captures d’écran du compte Instagram @leparisdalexis

Tout le marché semble donc être occupé par les Américains. Tout ? Non ! Quelques irréductibles Gaulois résistent encore et toujours à l’envahisseur. En effet, Mapstr est accompagné sur le marché depuis 2019 par Delicously. Cette start-up aussi française propose le même principe : une application sous la forme d’une cartographie afin de trouver des recommandations, uniquement de restaurants cette fois-ci. Attention, à la différence de Mapstr, l’utilisateur n’a pas beaucoup de pouvoir sur l’application. Celui-ci ne peut pas personnaliser la carte. Plus précisément encore, il ne peut pas rajouter lui-même d’adresses (mais seulement en soumettre auprès de l’application) ou ajouter des tags. Il s’agit simplement sur cette application de visualiser les recommandations de restaurants.

Captures d’écran de l’AppStore
  • Vers où se dirige le potentiel de cette plateforme ?

Mais où se trouve Mapstr dans tout cela ? Par son influence croissante, Mapstr a su démultiplier son utilité.  Par exemple, durant la pandémie du Covid 19, l’application a décidé de se mettre au service des petits commerçants. C’est ce qu’explique Sébastien Caron, le fondateur de Mapstr, à BFM Business dans une interview en novembre 2020. Tout au long de cette crise sanitaire, Mapstr s’est donc réinventé et, avec sa communauté grandissante, a décidé de créer des cartes collaboratives où chacun pourrait entrer des informations, en particulier des informations locales pour aider les petites entreprises et leur permettre de mettre en avant leurs services révisés pour faire face à notre nouveau mode de vie. La plateforme avait mis en place une rubrique dédiée aux petits commerçants dans le besoin sur laquelle il était rappelé que tel commerçant proposait le click-and-collecte ou encore qu’un autre proposait le service de livraison. De cette manière, nos petits commerçants préférés ont pu alimenter leur visibilité durant ces temps durs.

Mapstr prend de plus en plus d’importance dans le quotidien de ses nombreux utilisateurs. La plateforme clôturait l’année 2021 avec 44 millions de lieux visités dans l’application, 9.55 millions d’adresses sauvegardées et 3.29 millions de cartes consultées. Mapstr devient également un véritable outil de travail pour de nombreux commerçants qui peuvent désormais suivre leurs statistiques et découvrir leur communauté grâce au lancement de tableaux de bord et à la mise en place de la plateforme VIPstr pour faciliter la mise en relation avec les influenceurs de Mapstr. Aujourd’hui, la carte de Mapstr s’exporte et grandit de façon exponentielle. On peut notamment parler de la carte collaborative créée en 2021 destinée aux commerces français de Sao Paulo ou encore de la carte collaborative créée dans le cadre d’un partenariat entre Mapstr et HomeExchange (une plateforme d’échanges de maisons et d’appartements entre particuliers). On peut rajouter à cela des collaborations avec Konbini Food, Relais & Châteaux, Nike sans oublier ELLE Magazine. Le mois dernier, Sébastien Caron le disait lui-même : Masptr c’était « 3 millions ouvertures de l’appli, 1.2 millions de lieux enregistrés, 5.4 millions de lieux visités, ça fait un sacré mois de Mars. »

Face à ses concurrents aux profils divers et variés, Mapstr apprend à trouver et confirmer sa place en rendant l’expérience des utilisateurs unique à son réseau social : un service de cartographie basé sur la confiance pour recommander, découvrir mais aussi partager avec un cercle privé.

Victoria Kubisa

Sources

Alcouffe, E. (2021). « Nouvelle fonctionnalité « Guides » d’Instagram », Junto. Available at : https://junto.fr/blog/fonctionnalite-guides-instagram/

Bosson, V. (2022). « Où trouver les commerces français à São Paulo ? », Le petit journal. Available at : https://lepetitjournal.com/sao-paulo/communaute/ou-trouver-commerces-francais-sao-paulo-335924

Gailhard, J. (2019). « Mapstr, carte du monde des bonnes adresses : avis et test », Generation Voyage. Available at : https://generationvoyage.fr/mapstr-avis-test/

Lainé, L. (2022). « HomeExchange crée sa carte de bonnes adresses avec Mapstr », L’écho touristique.Available at : https://www.lechotouristique.com/article/homeexchange-lance-sa-carte-de-bonnes-adresses-avec-mapstr

Luczak-Rougeaux, J. (2019). « Mapstr veut devenir le premier réseau social de lieux dans le monde », Tom Travel. Available at : https://www.tom.travel/2019/03/19/mapstr-veut-devenir-le-premier-reseau-social-de-lieux-dans-le-monde/

Unknown (2020). « 15 choses que vous ne savez peut-être pas sur Yelp », News Chastin. Available at : https://news.chastin.com/15-choses-que-vous-ne-savez-peut-etre-pas-sur-yelp/

Les réseaux sociaux menacent votre santé mentale ?

Les réseaux sociaux constituent désormais un moyen de communication et d’échange incontournable. Nous trouvons tous du plaisir à « scroller » et à « texter ». Aujourd’hui, être jeune, c’est être connecté, mais aussi être exposé à cette nouvelle forme de dépendance. Essayez de tenter l’expérience de vous passer de votre smartphone et de vos navigations sur les réseaux sociaux. Vous vous rendrez rapidement compte qu’il s’agit d’une privation et d’un manque difficilement supportable. Votre activité et votre présence sociales s’en trouvent affectées ainsi que votre niveau d’information et suivi de l’actualité. J’en ai tenté l’expérience et c’est une des conclusions que je retiens au bout d’une semaine.

Les réseaux sociaux font partie de notre comportement social. À l’instar de tout autre phénomène social, les abus, le manque d’encadrement et les excès exposent les utilisateurs à des risques et notamment les plus vulnérables parmi eux.

Il s’avère que les adolescents et les jeunes sont les plus grands « consommateurs » des réseaux sociaux. En raison de leur vulnérabilité et de leur usage souvent démesuré de ces médias, ils sont les premiers concernés par les risques qui se traduisent souvent par les troubles de comportement et des troubles mentaux.

Comment se présente la situation en termes d’utilisation des réseaux sociaux et quels risques pour les adolescents et les jeunes ? C’est l’objet de cet article qui essayer d’apporter quelques éléments de réponse.

Les réseaux sociaux : réalité indéniable

En 2022, plus de 4,6 milliards de personnes sont des utilisateurs actifs des réseaux sociaux. Il s représentent 58,4% de la population mondiale et près des trois-quarts (74,4%) de la population âgée de 13 et plus. Cela montre manifestement une nouvelle réalité des comportements sociaux qui s’est diffusée à l’échelle planétaire.

Figure 1 : Population mondiale, internautes et utilisateurs actifs des réseaux sociaux (janvier 2022)

Source : d’après les données de We are social and Hotsuite, Digital 2022: April Global Statshot Report

Le nombre des personnes utilisatrices des réseaux sociaux n’a cessé d’augmenté. Il a évolué à un rythme annuel de 11,6% durant la dernière décennie en passant de 1,72 milliard en 2013 à 4,62 milliards en 2022; rythme dépassant celui du nombre des internautes (8,2% par an) et nettement plus élevé que celui de la croissance démographique mondiale (1,1%).

Figure 2 : Évolution du nombre des internautes et des utilisateurs actifs des réseaux sociaux

Source : d’après les données de We are social and Hotsuite, Digital 2022: April Global Statshot Report

Les jeunes constituent les principaux utilisateurs des réseaux sociaux. Les données montrent qu’en 2022, plus de 45% des utilisateurs actifs des réseaux sociaux sont âgés de 13 à 29 ans. Rappelons que leur poids dans la population totale se situe à moins de 27,6% ce qui montre un taux de pénétration de l’usage des réseaux sociaux beaucoup plus élevé chez les jeunes que pour le reste de la population.

Figure 3 :Répartition des utilisateurs actifs des réseaux sociaux selon le genre et les tranches d’âges

Source : d’après les données de We are social and Hotsuite, Digital 2022: April Global Statshot Report

Les réseaux sociaux impactent la santé mentale

Actuellement, plus de 1 million de nouveaux utilisateurs des médias sociaux sont enregistrés chaque jour, soit 13,5 nouveaux usagers à chaque seconde, dont 6 jeunes.

Les données montrent que l’internaute passe désormais près de 7 heures par jour à utiliser Internet sur tous les appareils. Cela représente environ 40% de sa vie éveillée (si on considère que la personne moyenne dort environ 7 à 8 heures par jour). Plus du tiers du temps de connexion sur internet est consacré à l’utilisation des réseaux sociaux, soit en moyenne 2 heures 27 minutes par jour. Il s’agit d’un comportement social devenu, désormais extrêmement important et qui est susceptible de générer des effets négatifs notamment en matière de santé mentale pour la population la plus vulnérable, à savoir les adolescents et les jeunes.  

D’une manière générale, près d’une personne sur dix vit avec un trouble mental. En effet, une étude réalisée en 2017 a estimé que 792 millions de personnes vivent avec un trouble de santé mentale (dépression, anxiété, trouble bipolaire, etc.). Les jeunes sont les premiers concernés par les troubles de santé mentale : les trois quarts des troubles de santé mentale commencent avant l’âge de 24 ans.  

Les troubles mentaux sont influencés par nos interactions sociales au quotidien . La plupart de ces interactions se produisent via les réseaux sociaux, notamment pendant les confinements qui se sont enchaînés et la période postpandémie de la Covid-19. Aujourd’hui, la possession d’un smartphone est presque universelle, notamment pour les adolescents et les jeunes.

Cette utilisation accrue des réseaux sociaux a des effets négatifs particulièrement pour les adolescents compte tenu des particularités de cette période de la vie de la personne. En effet, à cette tranche d’âge, ils sont particulièrement sensibles aux risques des nouvelles technologies. Pendant l’adolescence, le développement rapide des circuits socioaffectifs du cerveau peut accroître la sensibilité à l’information sociale. Les adolescents utilisateurs des réseaux sociaux sont en quête de récompenses sociales et s’exposent aussi à la pression suscitée par l’évaluation par les pairs.

L’adolescence favorise l’établissement de relations intimes, le développement de l’indépendance par rapport aux adultes et l’exploration de l’identité et de soi. Les réseaux sociaux présentent l’espace le plus attrayant pour les adolescents afin de développer ces différents aspects. En effet, ces réseaux offrent une opportunité singulière en matière d’environnement social et d’espace d’échange d’expériences et d’informations personnelles qui sont disponibles à tout moment avec une échelle d’appréciation quantifiable à travers les « j’aime », les « vues » et les « partages ».

Mais concrètement, comment les réseaux sociaux peuvent-ils affecter notre état mental ? Des activités spécifiques en ligne ont été identifiées comme des facteurs de risque potentiel de problèmes de santé mentale. Citons-en quelques-unes :

  • La cybervictimisation ou le harcèlement en ligne, s’est constamment avéré associé à des taux plus élevés d’automutilation et de comportements suicidaires. Selon une étude effectuée sur des élèves allemands, le harcèlement en ligne, comparé au harcèlement physique et relationnel, est le facteur d’influence le plus important sur la santé mentale des adolescents (d’âge moyen 14,9 ans). Ceci a été expliqué par le fait qu’ils passent beaucoup de temps sur les réseaux sociaux, ce qui renforce des effets psychosociaux profonds, tels que la dépression, l’anxiété et le suicide.
  • Les adolescents se sentent souvent dépassés par ce qui se passe sur les réseaux sociaux et la pression qu’infligent certaines plateformes, notamment Instagram. Une plateforme connue pour n’afficher qu’une parfaite représentation de la vie de ses utilisateurs. Il est en effet beaucoup plus courant pour les jeunes de publier le côté positif de leur journée. Ceci est expliqué par la pression qui accompagne le fait de poster sur les réseaux. Selon une enquête réalisée par Pew Research Center en 2018, environ quatre personnes sur dix (âgés entre 13 et 17 ans) affirment qu’elles ressentent une pression de ne poster que du contenu qui donne une bonne image d’eux ou qui apportera plus de commentaires et de « j’aime ». Par ailleurs, 45% des adolescents disent qu’ils se sentent dépassés par tout le drame sur les médias sociaux. Ils sont particulièrement vulnérables et sensibles au contenu qu’ils consomment chaque jour. Cette sensation peut conduire à des effets beaucoup plus néfastes comme de l’anxiété ou des troubles alimentaires dans le but de construire cette image « parfaite ».
  • L’algorithme des réseaux sociaux est conçu à fin de remonter à l’interface des utilisateurs un contenu qui leur correspond. Cela va donc dépendre des données partagées avec la plateforme en question, les interactions (likes, commentaires et partages) des utilisateurs. D’où vient le « Pour toi » de Tiktok et « Explorer » d’Instagram par exemple. Ceci renforce les biais de confirmation des adolescents qui passent par des périodes difficiles et qui se retrouvent face à des contenus qui appuient leurs pensées négatives. Les utilisateurs des réseaux sociaux se retrouvent donc dans des chambres d’écho qui, à long terme, ont des effets cumulatifs sur leur santé mentale. Il a été prouvé que les jeunes exposés à des contenus comportant un comportement à risque (par exemple la consommation d’alcool ou d’autres substances) peuvent être susceptibles d’engager ces comportements. Le contenu non modéré lié à l’automutilation ou suicide est aussi facilement accessible en ligne, notamment sur Twitter. Des enquêtes ont montré qu’une proportion significative de jeunes hospitalisés pour des tentatives de suicide ou d’automutilation ont été exposés préalablement à des scènes similaires en ligne.

Conclusion : questions et interrogations

En dépit des conclusions irréfutables de plusieurs études et recherches, certaines plateformes refusent d’admettre publiquement les effets générés par leurs réseaux sur la santé mentale des utilisateurs. Citons, par exemple, le cas de Meta qui a constamment minimisé les risques et effets négatifs d’Instagram sur les adolescents et n’a pas rendu publiques ou accessibles ses recherches aux universitaires ou aux législateurs qui l’ont demandée.

Il faut donc se demander si nier les faits minimise les risques auxquels nous sommes exposés ? Sommes-nous condamnés, en tant qu’utilisateurs des réseaux sociaux, à être exposés à ces risques ? Comment atténuer la portée de ce danger sur les populations vulnérables et notamment les adolescents et les jeunes ? Faut-il instaurer une autorité de régulation et de contrôle à l’échelle mondiale ou se fier uniquement à la modération interne des plateformes ? Quel rôle à jouer par le système éducatif ? Cela représente autant de questions que de challenges à relever par les différentes parties prenantes impliquées dans ce nouveau fléau mondial.

Asma Zaafrane

Sources :

  1. Mental Health Myths and Facts|MentalHealth.gov. 2020. Available online: https://www.mentalhealth.gov/basics/mentalhealth-myths-facts.
  2. Consequences of Bullying on Adolescents’ Mental Health in Germany: Comparing Face-to-Face Bullying and Cyberbullying / Baier, Dirk ; Hong, Jun Sung ; Kliem, Sören ; Bergmann, Marie Christine. Source : Journal of child and family studies, 2018-07-18, Vol.28 (9), p.2347-2357
  3. Anderson M, Jiang J. Teens’ Social Media Habits and Experiences. Pew Research Center website. https://www.pewresearch.org/internet/2018/11/28/teens-social-media-habits-and-experiences/#fn-21827-1 Published November 28, 2018. Accessed January 10, 2020.
  4. Moreno MA, D’Angelo J, Whitehill J. Social media and alcohol: Sum­mary of research, intervention ideas and future study directions. Media and Communication. 2016;4(3):50-59.
  5. Nesi J, Prinstein MJ. Using social media for social comparison and feedback-seeking: Gender and popularity moderate associations with depressive symptoms. J Abnorm Child Psychol. 2015;43(8):1427-1438. doi: 10.1007/s10802-015-0020-0
  6. Facebook Knows Instagram Is Toxic for Teen Girls, Company. The wall street journal, By Georgia Wells Follow , Jeff Horwitz Follow and Deepa Seetharaman Follow Sept. 14, 2021 7:59 am ET

Influenceurs et communautés : bouleversement dans nos relations (para)sociales

Il devient presque inutile aujourd’hui de présenter les relations parasociales, tant elles ont fait l’objet d’un regain d’intérêt à l’ère de l’explosion des médias sociaux. Il est pourtant nécessaire de revenir à l’essence même du terme pour comprendre la suite du propos. Après un premier essor dans les années 1950s en parallèle de celui des médias de masse et une formulation du terme par les chercheurs américains en science sociales D. Horton et R. Wohl[1], il revient sur le devant de la scène avec l’apparition de nouveaux acteurs : les influenceurs. Désignant primairement une « relation psychologique unilatérale vécue par quelqu’un qui ressent un lien émotionnel et intime avec quelqu’un qu’il n’a jamais rencontré », le terme prend tout son sens dans l’étude du lien entre un influenceur et sa communauté au même titre qu’il y laisse apparaitre des limites nouvelles. A son apparition au siècle dernier, le but était principalement de mettre un mot sur la fascination que l’on pouvait ressentir face aux stars hollywoodiennes que l’on pouvait voir quotidiennement sur le petit écran de notre salon mais que l’on savait au même moment inatteignable, car socialement très distancée de nous. Les créateurs de contenu, les nouvelles stars d’aujourd’hui, sont alors parvenus, en apparaissant spontanément dans le paysage médiatique moderne, à remettre en lumière cette relation en la reformattant aux normes d’une société comme « horizontalisée » par les réseaux sociaux.

Première vidéo postée sur Youtube en 2005

2005, la première vidéo Youtube est postée sur la plateforme. Presque 20 ans plus tard, ce sont près de 720 000 heures[2] de contenu qui sont postées chaque jour et des milliers de créateurs / micro-entrepreneurs qui ont fait de cette nouvelle activité passion, un réel business. Le phénomène de Youtuber prend de l’ampleur dans les années 2010s pour s’étendre à toute la panoplie de réseaux sociaux actuels – Instagram, Tiktok, Twitch, Twitter, etc. – faisant de ces nouveaux influenceurs, des acteurs éminemment importants pour les utilisateurs, principalement la jeunesse. De leurs collaborations avec diverses marques aux invitations à des évènements prestigieux, ces nouvelles stars n’ont rien à envier aux stars plus « classiques » du cinéma ou de la musique. Ayant construit de bout en bout ce qu’ils nomment souvent leur « communauté » (l’ensemble des gens qui les suivent), ces influenceurs peinent souvent à se définir comme des célébrités et leurs followers comme des fans, tout en en cochant la plupart des cases.

Même s’il était difficilement envisageable, il y a 10 ans de cela, de s’imaginer faire carrière sur les réseaux sociaux, c’est aujourd’hui une réalité. Et cette réalité de célébrité est d’autant plus flagrante qu’elle est assez facilement mesurable par le nombre à côté de leur photo de profil, pouvant monter à plusieurs millions de followers. Suivre de près la carrière de Leonardo DiCaprio ou les posts Instragram de LenaSituations se résume alors au même principe d’unilatéralité, essentiel dans la qualification des relations parasociales. Les influenceurs ne dérogent pas à la règle : malgré l’appellation de « communauté », leurs followers restent cantonnés au rang de « fan ».

Compte Instragram de l’influenceuse LenaSituations

Revenons maintenant à nos relations parasociales. S’il est indéniable que la relation entre un influenceur et sa communauté relève d’une relation parasociale, elle prend une forme assez différente de celle étudiée dans les années 1950s. D’après une étude de Shupel Yan de la Northern Illinois University[3], les relations parasociales sont fortement corrélées à la proximité et la similitude qu’un individu ressent face à la personne qu’il admire. C’est sur ce point précis que la relation va changer. Les influenceurs ont cela de particulier et de nouveau de mettre en avant un contenu plus personnel et intime qui va toucher son audience d’une manière différente. Alors que, précédemment, les relations parasociales semblaient se baser sur de l’admiration pour le talent ou la personnalité de la célébrité, les nouvelles relations semblent davantage construites sur les bases de confiance et de proximités entre les parties. Les stars hollywoodiennes vont alors assez peu évoquer leur vie privée – ou de façon non-consentie par l’intermédiaire de journalistes – alors que les influenceurs auront tendance à partager cela de façon beaucoup plus naturelle, comme on le partagerait à des amis. Le climax de ce phénomène s’illustre parfaitement par les vlog – vidéos de la journée d’un influenceur, permettant à sa communauté une immersion totale dans son intimité. Au fil du temps, l’audience de ces influenceurs développe un sentiment intimiste qui reflète et reproduit les interactions sociales réelles, s’intensifiant à l’obtention d’informations personnelles sur ces célébrités. La frontière entre relations parasociales et simple relation sociale se floute en même temps que les conditions ne sont plus pleinement remplies.

Alors que l’exposition aux contenus des influenceurs est beaucoup plus intense – voir quasi quotidienne – les réseaux sociaux révolutionnent la relation par l’accessibilité accrue à l’influenceur qu’ils donnent à sa communauté. L’asymétrie qui enfermait et isolait pendant longtemps la star à ses fans se rompt en un message privé sur Instagram ou un commentaire sous une vidéo Youtube. Le fan passif devient actif de la construction de sa relation avec sa célébrité. Selon le Dr Cook, « Social media allows the untouchable to become touchable » (les réseaux sociaux permettent à l’inatteignable de devenir attaignable). La relation peut alors sortir du domaine imaginaire car même si le retour n’est pas assuré, l’espoir, lui, est bien présent, et la probabilité bien plus grande. Et même s’il est également possible de contacter Beyoncé en DM, les bases de proximité sur lesquelles se sont construites les relations entre les créateurs de contenu et leur communauté permettent bien plus facilement un échange entre les parties. Les nouvelles technologies ont permis de transformer les interactions parasociales en une représentation plus précise des interactions sociales. Cette simulation d’une amitié réelle est entretenue par les influenceurs – de manière consciente ou non – par l’intermédiaire de rencontres (meet-up), d’incitation à l’interaction (sondage, Q&A, etc.) ou même par l’utilisation du tutoiement lorsqu’ils s’adressent à eux. Les followers cherchent une relation bien différente avec les influenceurs, qu’ils voudraient souvent – et le plus possible – d’égal à égal, allant jusqu’à critiquer les créateurs qui s’éloigneraient de leur communauté en gagnant en popularité.

Vidéo Vlog de l’influenceuse Enjoyphoenix (film de ses vacances partagé à sa communauté)

Malgré l’interaction possible, l’asymétrie reste bien présente. L’influenceur ne peut pas lier une relation d’amitié avec les milliers de personnes qui le suivent sur ses réseaux sociaux. Ces derniers ont ouvert la voie à une nouvelle forme d’interactions parasociale amenant à une perte de conscience du caractère intrinsèquement parasociale de la relation.

Si un doute quant à la qualification de la relation peut persister du côté de la communauté, les influenceurs ont tendance à être plus lucides sur la question, pouvant même profiter de cette opportunité nouvelle. La célébrité offerte à ces créateurs par Youtube ou les autres réseaux sociaux et la proximité particulière créée (comme nous venons de le voir) offrent une crédibilité aux influenceurs que les marques ont très rapidement comprise. Les pseudo-amitiés entre les créateurs et leur communauté résonnent comme la traduction virtuelle d’un bouche-à-oreille (word of mouth) à plus grande échelle, tout en gardant un cadre intimiste. Plus la relation parasociale est intense, plus les produits promus par l’influenceur auront un intérêt pour sa communauté. Ainsi, les liens se complexifient encore davantage, mais il se pourrait que les deux côtés y trouvent leur compte. Si les influenceurs surfent sur leur notoriété acquise par les réseaux sociaux pour se créer un microcosme personnelle et gagner en popularité, la communauté de ces dernier peuvent, malgré l’asymétrie, se satisfaire d’une relation à sens unique qui peut les inspirer, les faire grandir tout en évitant tout rejet ou déception. Le tout est de ne pas se faire duper sur la nature de cette relation.

Sophie PINIER

Sources

Études sociologiques

CACCAMISE Samantha, Parasocial Relationships Are The Social Media Downfall Everyone Is Talking About, octobre 2021, disponible ici : https://stylecaster.com/parasocial-relationships-meaning/

RASMUSSEN Leslie, Parasocial Interaction in the Digital Age: An Examination of Relationship Building and the Effectiveness of YouTube Celebrities, The journal of social media in society, 2008, Vol.7

GLEASON Tracy R., THERAN Sally A., NEWBERG Emily R., Parasocial Interactions and Relationships in Early Adolescence, Department of Psychology, Wellesley College, Wellesley, MA, USA, février 2017, disponible ici : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2017.00255/full

SHUPEL Yan, How Social Media Influencers Foster Relationships with Followers: The Roles of Source Credibility and Fairness in Parasocial Relationship and Product Interest, Journal of interactiv advertising, mai 2020, disponible ici https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/15252019.2020.1769514

Sitographie

PETIT Paulie, Youtubeurs, podcasteurs : nos relations parasociales avec ces amis qui nous ignorent, France Culture [en ligne], septembre 2021, franceculture.fr/numerique/youtubeurs-podcasteurs-nos-relations-parasociales-avec-ces-amisqui-nous-ignorent

Podcast

BERAUD Anne-Laetitia, « Minute Papillon ! » : Du béguin à l’obsession, que sont les « relations parasociales » ?, podcast 20 minutes, octobre 2021, https://www.20minutes.fr/podcast/3153031-20211021-minute-papillon-relations-parasocialesliens-sens-unique-eprouves-celebrite

Vidéo

Cyrus North, Je ne suis pas ton ami., Youtube, 2021 https://www.youtube.com/watch?v=EQaAyHhGc7Y


[1] HORTON Donald, WOHL Richard Mass communication and parasocial interaction: Observations on intimacy at a distance, Interpersonal and Biological Processes, Volume 19, 1956

[2] BOUILLET Stéphane, Les chiffres clés de la plateforme YouTube, Indluence 4you [en ligne], janvier 2020 https://blogfr.influence4you.com/les-chiffres-cles-de-la-celebre-plateforme-youtube-maj-en-2020/#:~:text=On%20compte%20environ%202%20milliards,heures%20de%20vid%C3%A9os%20chaque%20heure

[3] SHUPEL Yan, How Social Media Influencers Foster Relationships with Followers: The Roles of Source Credibility and Fairness in Parasocial Relationship and Product Interest, Journal of interactiv advertising, mai 2020

Twitter : des communautés engagées autour du Esport – Le cas Karmine Corp

La Karmine Corp : c’est quoi ?

La Karmine Corp est une structure d’Esport française formée le 30 mars 2020 par Kamel « Kameto » Kebir, alors déjà connu en tant que streameur. En novembre 2020, il est rejoint à la direction par Amine « Prime » Mekri, notamment connu pour sa carrière sur Youtube et dans le rap. La structure possède plusieurs joueurs professionnels regroupés au sein d’équipes, qui participent à des compétitions concernant les jeux compétitifs League of Legends, TrackMania, Teamfight Tactics et Rocket League dans le but d’atteindre la première place du podium et de remporter des titres ainsi que des prix.

Aujourd’hui, la Karmine Corp est suivie par près de 315 000 personnes sur Twitter, réseau sur lequel elle est le plus active, et par près de 100 000 personnes sur Instagram, mais la structure possède également une page officielle sur LinkedIn. Toutefois, le réseau social qui a vraiment permis de construire une communauté engagée d’« ultras » est Twitter.

Twitter : un engouement autour des sujets gaming et esport

D’un point de vue global, Twitter est un terrain favorable au développement de communautés engagées autour du gaming et de l’Esport. En effet, il s’agit d’un des centres d’intérêt importants pour les utilisateurs de Twitter. Ainsi, en 2021, 2.4 milliards de tweets ont été postés sur le réseau, d’après la Retrospective Gaming 2021 de Twitter. Twitter est un des endroits de prédilection pour les fans d’Esport qui y encouragent et y supportent leurs équipes fétiches, et y commentent leurs matchs favoris. En France, on retrouve notamment parmi les jeux et franchises les plus tweetés en 2021, League of Legends. C’est notamment un des facteurs explicatifs de l’engouement populaire autour de la Karmine Corp, qui est essentiellement relatif à son équipe (roaster) de joueurs League of Legends.

Un engouement populaire et la formation d’une communauté d’« ultras »

Les bonnes performances des équipes Karmine Corp, notamment de son équipe League of Legends, ne constituent pas le seul facteur explicatif de l’engouement autour de la structure sur Twitter.

A l’origine de la Karmine Corp, il y a d’abord deux personnalités populaires sur les réseaux sociaux. Kameto, le fondateur de la structure qui commente chacun des matchs de son équipe et s’exprime majoritairement sur celle-ci via Twitter, a notamment constaté un phénomène de conversion de son audience vers l’audience de la Karmine Corp : «Beaucoup de gens ont suivi par curiosité, raconte Kameto. Ils sont venus sur le stream, ont vu qu’il y avait une ambiance de fou et sont revenus toutes les semaines. C’est comme s’ils suivaient leur équipe de foot.». De nombreux abonnés de la Karmine Corp ont découvert le club (et parfois même le Esport) par le biais de Kameto. La base conséquente des abonnés de ce dernier a rapidement permis de constituer une base solide à la communauté Karmine Corp.

Au sein de son équipe League of Legends constituée de 5 individus, deux de ses membres se placent parmi les 10 joueurs Esport les plus tweetés au monde, d’après les données de Twitter pour le premier quart de l’année 2022. On y retrouve notamment le suédois Martin « Rekkles » Larsson  à la 3ème position, ainsi que Lucas « Cabochard » Simon-Meslet à la 6ème position. Des membres influents qui attirent l’attention sur la structure au-delà des frontières.

A l’instar de certaines compétitions sportives (telles que l’UFC), la rivalité et les show matchs sont courants dans le domaine du Esport et permettent de générer un grand nombre d’impressions sur Twitter ainsi que de populariser la structure en l’amenant dans les Top Tendances. La Karmine Corp a ainsi des rivaux au sein de la Ligue Française, tels que Vitality et Solary (autre équipe portée par des streamers), donnant lieu à des confrontations sur Twitter accompagnées de hashtags, portant les deux équipes en Top Tendances. Les rivalités s’exportent également avec des structures internationales à forte renommée et se transforment en show matchs extrêmement commentés sur Twitter, comme avec l’espagnole KOI, récemment lancée et dirigée par Ibai, l’un des streamers hispanophones les plus populaires au monde.

La Karmine Corp possède une large communauté de fans qui se définissent comme des « ultras ». Reconnaissables par le sigle KC présent devant leurs pseudos Twitter, pour les plus fervents, ils sont également nombreux à afficher une photo de profil représentant un mur bleu (blue wall), un visuel associé à la Karmine Corp en référence à un mouvement produit lors des matchs. Il s’agit notamment du nom choisi par l’association officielle de la Karmine Corp qui comptabilise plus de 15 000 abonnés sur Twitter et possède son propre canal Discord. Il existe d’autres groupes sur Twitter, telle qu’une page pour les supporters « ultras » qui regroupe plus de 40 000 followers. Une des raisons de l’engagement de la communauté Karmine Corp, c’est ainsi la capacité a créer un fort sentiment d’appartenance sur Twitter.

Toutefois, la communauté peut parfois souffrir de la mauvaise publicité faite par la minorité bruyante de Twitter. Le réseau social est peu modéré et les vagues de harcèlement sont un phénomène fréquent sur la plateforme de l’oiseau bleu. Ainsi, Laure Valée, journaliste et intervieweuse des compétitions League of Legends, a subi une vague de harcèlement après la diffusion d’une vidéo contenant une séquence montrant les mauvaises performances du joueur phare de la Karmine Corp, Rekkles. Certains « ultras » lui ont fait comprendre leur mécontentement, notamment via des propos sexistes et insultants, sous couvert de l’anonymat permis par la plateforme.

La Karmine Corp mise en lumière

Aujourd’hui, la Karmine Corp est considérée comme une des équipes les plus influentes au monde dans la compétition de League of Legends. D’après les données de Twitter pour le premier quart de l’année 2022, la Karmine Corp était à la 5ème position des structures Esport les plus mentionnées sur Twitter, et la seule structure française du classement.

Les performances rapides et excellentes, ainsi que l’engouement autour de la Karmine Corp dès son arrivée en première division de la Ligue Française, ont amené d’autres personnalités populaires sur les réseaux sociaux, à exprimer et afficher leur soutien envers la structure via Twitter, la mettant ainsi en lumière. C’est notamment ce qu’ont fait Squeezie (8,4 millions d’abonnés sur Twitter) et Gotaga (1,7 millions d’abonnés sur Twitter).

Cette mise en lumière dépasse même le cadre de Twitter, puisque l’existence et les performances de la Karmine Corp parviennent jusqu’à la classe politique, qui y trouvent un moyen de s’adresser à la jeunesse française. Ainsi, Emmanuel Macron a envoyé un message de soutien le 3 mai 2021 suite à la victoire de la coupe d’Europe via message privé sur Twitter à la Karmine Corp. Il a également récemment mentionné le club français, en citant le domaine de l’Esport comme « another field of French excellence with teams like Team Vitality or Karmine Corp ».

Sarah Collot

Une marque inspirante sur les réseaux sociaux : GoPro.

Quelle stratégie pour GoPro sur les réseaux sociaux ?

On ne la nomme plus, elle nous accompagne de partout dans notre quotidien mais surtout en vacances : la Gopro, cette petite caméra que l’on peut emporter de partout et par toutes les conditions, fait l’objet aujourd’hui d’une attention toute particulière. En effet, elle est considérée comme l’une des marques les plus inspirantes sur les réseaux sociaux. Quelle est donc cette fameuse stratégie qui place GoPro comme leader sur les réseaux sociaux ? 

GoPro est une marque de caméra fondée en 2005, originellement créée par Nick Woodman, un surfeur californien souhaitant optimiser ses sessions et prendre en photo sa passion. Il raconte : « À l’époque, les seules options étaient d’utiliser un appareil jetable étanche […]. Mais 9 fois sur 10, soit vous loupiez la photo, ou vous vous blessiez et souvent, vous perdiez l’appareil dans l’eau. J’avais l’impression d’être en train d’inventer la plus importante création du monde du surf ».

Créée par un passionné, pour des passionnés, les amateurs de sensations fortes adoptent peu à peu la petite caméra et la placent au cœur de leurs sessions sportives. Sous l’eau, dans la neige, dans le vide ou encore en parachute, la GoPro permet à ses utilisateurs d’immortaliser leurs meilleurs moments et de partager leur passion à leur communauté sur les réseaux sociaux. 

GoPro, ou les maîtres de l’User Generated Content.

Le premier volet du succès de GoPro sur les réseaux sociaux, et le plus efficace, concerne l’usage de User Generated Content. En effet, la grande majorité du contenu posté sur les réseaux, que ce soit Facebook, Twitter, Instagram ou encore Youtube, est créé directement par les consommateurs de GoPro, aka les passionnés. 

Originellement créée pour les surfeurs, GoPro s’est étendue progressivement vers tous les amateurs de sensations fortes, professionnels ou non, et s’est même inscrite dans le quotidien de personnes lambdas souhaitant immortaliser des instants spéciaux. La cible étant plutôt jeune (16-35 ans), ces personnes sont les acteurs principaux des réseaux sociaux car ce sont des générations qui sont nées et/ou ont grandies avec les réseaux. Ainsi, le partage et la publication de contenus est presque évidente pour ces derniers qui vont ainsi générer beaucoup de UGC.

Cela donne ainsi à GoPro la chance d’avoir accès à une source inépuisable de contenus originaux, pour laquelle les utilisateurs n’attendent presque uniquement que de la reconnaissance en retour : avoir leur photo / vidéo postée sur l’une des pages de GoPro.

L’approche de GoPro par rapport à cet UGC est unique, car le produit en lui-même – la caméra – est rarement montré. Les utilisateurs les plus importants font exactement ce qu’ils sont censés faire avec la caméra : immortaliser leurs instants de vie, leur sport et leur passion. 

Cette manière de promouvoir la marque offre la possibilité d’un fort engagement de la part des utilisateurs sur les réseaux, qui se reconnaissent dans le UGC.

Pour faciliter ce flux continu de User Generated Content, GoPro a anticipé et a même créé un canal de partage directement sur son produit. Grâce à l’application GoPro, les utilisateurs peuvent éditer et partager leurs photos et vidéos directement sur Instagram, Facebook ou encore Youtube. GoPro devient donc un outil central dans le partage des activités sur les réseaux et oriente clairement sa stratégie sur le UGC.

Ces contenus permettent ainsi aux nouveaux utilisateurs d’avoir accès à une multitude de retour d’expérience plus que convaincants : les images sont magnifiques, traduisent des passions communes et des expériences sensationnelles. Tout « fait envie » et pousse les nouveaux utilisateurs de GoPro à participer et à intégrer la communauté.

Capture d’écran du compte Instagram de Gopro @gopro.

Afin de pousser les utilisateurs à créer du UGC, GoPro gamifie son fonctionnement en lançant de nombreux challenges et autres concours. En effet, la marque lance les GoPro Awards qui sont des concours où les utilisateurs sont invités à capturer leurs plus beaux instants et à les soumettre à GoPro. Les gagnants des différents challenges gagnent des lots, de l’argent, mais surtout une couverture médiatique sur les réseaux de GoPro. Divers challenges existent sur différents thèmes, comme « the photo of the day » ou encore « be a hero challenge ». 

Des images sensationnelles promues par des célébrités portant les valeurs du sport de haut niveau. 

La stratégie de GoPro repose également sur un contenu digital sensationnel. L’expérience GoPro fait rêver, et pour cela la marque a très bien compris quels moyens utiliser. 

Tout d’abord, le UGC créé et repartagé par GoPro ne montre que des photos et vidéos fabuleuses. Entre paysages, hautes sensations ou encore vues du ciel, le contenu fait rêver et associe l’expérience sensationnelle directement à l’utilisation de GoPro. En voyant cela, le consommateur se projette (car les photos et vidéos viennent d’un utilisateur comme lui) et se dit qu’en utilisant la GoPro il aura accès aux mêmes expériences. 

Pour accentuer cette expérience, GoPro s’inscrit dans une stratégie de marketing d’influence en promouvant sa marque par des stars et autres sportifs de haut niveau connus et réputés dans leur domaine. 

Par exemple, GoPro a publié une vidéo sur la skieuse alpine Lindsay Vonn qui bat un record du monde sous l’objectif attentif de la GoPro. GoPro a aussi par exemple décidé de suivre la fin de carrière du pilote de vitesse moto Valentino Rossi, attirant tous ses fans pour une dernière vidéo phénoménale en son honneur. 

La marque possède 10,6 millions d’abonnés sur Youtube et attire ainsi beaucoup d’audience grâce à ce genre de vidéos.

Ces célébrités du sport qui utilisent la GoPro dans des conditions extrêmes et professionnelles jouent donc quelque part le rôle de Key Opinion Leader car leur opinion compte : leur professionnalisme leur confère de la crédibilité, et montre que la GoPro peut s’utiliser même par les plus grands. 

Ici, les logiques du celebrity endorsement sont rencontrées de bout en bout : les sportifs de haut niveau sont crédibles car professionnels ; ils sont beaux et jeunes et renvoient une image saine et ambitieuse ; leurs caractéristiques collent entièrement avec les caractéristiques de GoPro qui promeut les sensations fortes et les images spectaculaires ; enfin, les sportifs de haut niveau représentent des valeurs importantes dont la communauté va s’imprégner, véhiculées par la simple phrase qui est maintenant leur slogan : « Be a hero ». D’ailleurs, chaque modèle de caméra porte ce nom : Hero.

Pour renforcer cette image de héro, GoPro est maintenant en partenariat avec la boisson énergisante Redbull qui promeut les mêmes valeurs et ambitions. En effet, Redbull organise de nombreux événements dédiés aux sports à sensations fortes de haut niveau (cliff diving, porsche race, formula one). GoPro couvre ainsi la totalité des événements Redbull. Redbull associe son image à la création de tels événements et GoPro associe son expertise audiovisuelle et ses images spectaculaires. Combinées, les deux marques comptent près de 40 millions d’abonnés rien que sur Instagram, ce qui promet un partenariat ambitieux et procréateur. 

Adobo magazine

« L’envergure et les capacités d’exécutions mondiales de Redbull sont impressionnantes, ce qui rend ce partenariat très stratégique pour GoPro. Nous partageons la même ambition d’être une source d’inspiration dans le monde entier, afin d’inciter le public à vivre intensément. » Nicholas Woodman, CEO de GoPro.

Une communauté très forte.

GoPro repose sur un fort esprit de communauté.

D’une part, GoPro organise sa propre communauté grâce au site community.gopro.com sur lequel on y retrouve des forums de discussion où les utilisateurs expérimentés peuvent aider les nouveaux dans la prise en main de leur appareil. Des ingénieurs et autres professionnels de GoPro sont également présents sur les forums pour promouvoir des messages important et aussi aider les utilisateurs.

Depuis peu, un nouvel espace de la communauté existe, appelé les GoPro Labs, où les ingénieurs proposent de nouvelles fonctionnalités à tester par les utilisateurs expérimentés. Ces derniers laissent leurs avis et permettent aux équipes de développement de savoir si cette nouvelle fonctionnalité en question vaut le coup ou non. 

“GoPro Labs is an initiative to deliver new, experimental features to our GoPro community. Many of these features originated from internal hackatons […]. We don’t promise any of these will make it to a production camera, but they’re cool enough and cooked to give you a taste. Why hold back anymore?”

Capture d’écran de la page GoPro Labs

GoPro va plus loin en proposant également la plateforme Open GoPro où l’utilisateur peut développer lui-même des fonctionnalités personnalisées à intégrer à sa caméra. Par le biais de la communauté, l’utilisateur peut atteindre un degré de personnalisation précis.

Par la multitude de UGC, on se rend donc compte que c’est la communauté de GoPro qui promeut l’objectif principal : être un héros. De nombreux groupes informels sont créés sur les différents réseaux (groupes Facebook, pages Instagram etc…), gérés par des utilisateurs expérimentés qui souhaitent uniquement partager la passion GoPro.

Chaque membre de la communauté est un ambassadeur pour GoPro.

Mathilde Comte

Gopro.com. GoPro Awards | Défis vidéo et photo. [online] Available at: <https://gopro.com/fr/fr/awards>

Instagram – GoPro. [online] Available at: <https://www.instagram.com/gopro/>

Sport Stratégies. Red Bull donne des ailes à GoPro. [online] Available at: <https://www.sportstrategies.com/red-bull-donne-des-ailes-a-gopro/>

DigiSchool commerce. GoPro : Etudes, Analyses Marketing et Communication de GoPro. [online] Available at: <https://www.marketing-etudiant.fr/marques/gopro-marketing.html>

Comment GoPro stimule la fidélité à la marque avec l’UGC |. [online] Available at: <https://clarksbarandrestaurant.com/social-spotlight-how-gopro-fuels-brand-loyalty-with-ugc>

La (re)conquête de Twitter par Eric Zemmour

66%. C’est la part des jeunes qui s’informent en premier lieu sur Internet aujourd’hui. Et c’est même un tiers des Français qui sont concernés par cette tendance. Sur ces internautes, 20% s’informent d’abord via les réseaux sociaux selon le baromètre annuel Kantar Public Onepoint pour La Croix[1]. Et pourtant, les réseaux sociaux sont souvent blâmés pour leur manque d’objectivité et de véracité : ils ne représenteraient pas systématiquement la réalité et seraient sujets à de nombreux biais algorithmiques. Ces algorithmes développés en interne et souvent bien protégés par les géants du numérique ont été parfois critiqués pour un de leurs buts supposés premiers : susciter l’émotion pour pousser l’utilisateur à interagir. Il est ainsi aisé d’imaginer des effets de propagation dans les contenus mis en avant sur ces plateformes, demeurant par conséquent bien différents de ceux des médias traditionnels comme la télévision.

C’est dans ce contexte que nous allons nous intéresser à la campagne électorale de 2022 du candidat Éric Zemmour, et plus particulièrement à sa campagne sur le réseau social Twitter, en nous appuyant sur l’ouvrage Toxic Data de Davis Chavalarias, directeur de recherche à l’Institut des Systèmes Complexes du CNRS. Son livre pose la question suivante : les réseaux sociaux peuvent-ils influencer les votes ? Pour le démontrer, M. Chavalarias a utilisé un outil, le « politoscope », pour observer le militantisme en ligne. Ont été ainsi scrutés depuis 2017 plusieurs milliers de tweets issus des différentes communautés politiques et des médias pour mettre en lumière « plusieurs actions qui ont visé à déstabiliser les élections ou influencer le choix des électeurs [lors de la dernière présidentielle] »[2].

La première observation de cet ouvrage est l’amplification des discours anti-Macron et anti-Mélenchon favorisant ainsi la montée de l’extrême-droite et donc du parti d’Éric Zemmour « Reconquête ». David Chavalarias explique alors que cette action n’a pas été seulement menée par des Français mais également par des acteurs étrangers comme des sympathisants de l’ex-président américain Donald Trump aux Etats-Unis. Selon une étude menée par la société Twitter en 2021, « Algorithmic Amplification of Politics on Twitter », les partis politiques ne seraient en fait pas tous égaux sur les réseaux sociaux car les discours conservateurs demeureraient plus largement diffusés que les autres plus modérés. Cela semble même se vérifier dans la réalité puisqu’en France les comptes avec le plus d’influence sont ceux des extrêmes avec Eric Zemmour en tête devant Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon selon le magazine Challenges[3].

Ainsi, c’est sur cette donnée que les responsables de la communication du candidat Éric Zemmour ont notamment fait reposer sa campagne sur Twitter. En effet, une enquête récente du journal Le Monde[4] explique comment l’équipe du candidat a mis en place une stratégie « d’astroturfing ».

Reprenons. Selon Paul Conge, journaliste pour le magazine Marianne, « l’astroturfing est une manière de tromper les algorithmes en appelant quelques centaines ou milliers de personnes à relayer le même message en même temps afin qu’il remonte dans les tendances. Le procédé valorise ainsi massivement un candidat ou ses idées auprès de tous les autres utilisateurs du réseau social impliqué. ». Dérivée d’AstroTurf, une marque de moquette synthétique conçue pour ressembler à de l’herbe naturelle, cette technique remonte aux années 1980 aux Etats-Unis, lorsqu’un sénateur du Texas reçut de nombreux courriers de « citoyens » qui étaient en fait une campagne de lobbying d’une compagnie d’assurance. L’astroturfing peut également être utilisé pour diffuser des « fake news » et donc désorienter le débat public notamment lors d’élections. La stratégie consiste finalement à créer des tendances grâce au volume, dans la mesure où une centaine de personnes seulement suffisent pour imposer un débat public[5].

Revenons au cas d’Éric Zemmour. Une première observation qui peut être faite est que sa communauté Twitter a « la plus forte densité de liens internes, avec une moyenne de 7,28 connexions par membre » selon le politoscope de M. Chavalarias, ce qui signifie donc que l’information circule en vase clos. Cette observation peut cependant être trompeuse. Le parti Reconquête dispose de beaucoup de comptes « les […] avec Zemmour » pour toucher un maximum de personnes externes et ainsi souder un électorat potentiel. Pourtant, ces comptes créés récemment parlent en réalité davantage de grandes tendances et pas vraiment, si ce n’est pas du tout, de la profession qui les unit (Par exemple : « Les profs avec Zemmour » ont interagit sur des thèmes comme le Covid, le voile ou encore l’Islam).

D’autre part, beaucoup de thèmes ont été placés dans les « Tendances » sur Twitter (thèmes les plus abordés dans le pays dans un laps de temps relativement court) par le parti d’Éric Zemmour en 2021 : #lesfemmesaveczemmoour, #zemmourcandidat, etc. Cela semblait ainsi présenter un large mouvement de ralliement à M. Zemmour même lorsqu’il n’était pas en campagne officiellement.

Analysons plus précisément la montée du hashtag #lesfemmesaveczemmour. Tout commence le 4 novembre 2021 avec deux comptes qui publient 44 tweets avec une image et cet hashtag. S’en suivent alors beaucoup d’autres comptes avec d’autres tweets. A titre exemple, un des comptes a publié 150 visuels en 30 minutes. Par ailleurs, certains comptes publient les mêmes tweets simultanément. En fait, si l’on observe plusieurs comptes (Génération Z, etc.), il apparaît que plusieurs mêmes tweets ont été publiés dans le même ordre, et certains utilisateurs retweetaient – repartageaient – en masse, avec par exemple 297 retweets en douze minutes, ce qui semble difficilement réalisable sans programme informatique. Il est d’ailleurs très probable, selon David Chavalarias, qu’il y ait eu une utilisation de robots et de « fermes à contenus », site web de production de contenus de faible valeur avec pour seul objectif la génération d’interactions. En effet, publier 600 tweets par jour sur le même sujet semble peu « humain », même si cette supposition demeure difficilement démontrable à cause de la confidentialité des données de ce type de plateformes. Au total, David Chavalarias dénombre plus de 1300 campagnes d’astroturfing pour un seul compte en comptant les comptes qui avaient publiés le même message « pour faire croire que ce message-là étaient défendu par plusieurs personnes au même moment ». En fait, des soutiens officiels d’Éric Zemmour comme Samuel Lafont, responsable de la stratégie numérique d’Éric Zemmour, donnaient des directives comme par exemple : « mettez le hashtag #lesfemmesaveczemmour en tendance ». Samuel Lafont résume d’ailleurs la campagne qu’il a mené comme de la communication et non de l’astroturfing. Le hashtag apparaît dans les « tendances » ce qui le rend d’autant plus populaire. En effet, certains vont tweeter par désaccord, donnant paradoxalement de la visibilité à la tendance et d’autres, avec une plus faible audience, vont se manifester pour soutenir la tendance car cela les fait sortir de leur microcosme. Le biais est ainsi construit : si tout le monde pense pareil, cela doit forcément avoir de la légitimité. Mais en réalité, la moitié des tweets proviennent de seulement 17 comptes créés spécialement pour l’opération de gonflage du parti. Cette opération a ainsi été répétée par la suite avec d’autres hashtags.

Les responsables de la communication de Reconquête ne sont pas arrêtées là. En effet, il a été prouvé que des sites internet comme petition-permis-a-points.fr ou encore lesfemmesaveczemmour.fr ont été relayés via Twitter par des sympathisants d’Éric Zemmour[6].

Ces sites, sous forme de pétition, incitaient à entrer ses coordonnées, afin de constituer une base de données pour le parti politique. Des courriels ont par conséquent été envoyés par la suite aux personnes concernées pour récupérer de potentiels adhérents. Par ailleurs, selon Paul Conge, auteur du livre « Les grands remplacés », le parti a également recruté des militants, et plus précisément des jeunes, via, par exemple, le jeu vidéo Fortnite, en les conduisant dans des espaces de discussion privés[7]. L’univers du jeu vidéo a été utilisé car il touche des jeunes gens, parfois dans la solitude de leur écran, constituant donc une cible plus encline à être influencée.

En fin de compte, là où la loi française n’interdit pas de telles stratégies, il est interdit d’amplifier artificiellement un message selon le règlement de Twitter. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une centaine des comptes mentionnés jusqu’ici ont été suspendu sur le réseau social.

Selon Amnesty Internationale ou Reporter sans frontières, il existe des solutions pour se protéger de telles pratiques. Il faudrait, selon ces organisations, réguler les plateformes voire refonder leur modèle économique pour un accès égal à toutes les expressions, car l’espace public doit permettre une délibération non biaisée avec une diversité de points de vue. Selon Christophe Deloire, Directeur général de Reporters sans frontières, on ne peut pas déléguer à des entreprises aux intérêts privés l’organisation de l’espace public et nous devons donc inventer de nouvelles obligations juridiques dédiées à ces questions[8].

Nous pouvons tout de même espérer que certaines mesures du DSA (Digital Service Act) ainsi que la volonté du nouveau propriétaire de Twitter Elon Musk de lutter contre les « spam bots »[9] permettront d’endiguer ces vastes campagnes de tentatives de manipulation de l’opinion.

Cléa Desitter

En quoi les plateformes de réseaux sociaux sont-elles en position de s’imposer dans le marché des Metaverse ? 

Après l’emploi du mot « NFT » dans le langage courant et son statut de mot de l’année 2021, les metaverse, concept popularisé par Meta, bousculent d’ores et déjà les codes de la communication numérique. Récemment Citi Bank a estimé à une valeur de marché entre 8000 et 13000 milliards de dollars d’ici 2030 l’économie des metaverse. Elle est en passe de révolutionner les usages et les interactions en combinant le monde physique et numérique. Bien que ses usages soient pour le moment limités, il n’est que peu risqué de projeter un développement important des applications et de l’adoption à l’avenir, là où le parallèle avec Internet des années 2000 semble évident.

Ainsi, quel regard ont les réseaux sociaux, sensibles aux tendances, sur cette nouvelle opportunité.

Les metaverses, des lieux propices au développement des réseaux sociaux

Pour le moment, les metaverses sont considérés comme un secteur de niche par rapport aux réseaux sociaux. Cela dit, cette innovation a le potentiel d’attirer des communautés d’utilisateurs, d’influenceurs, des marques et des annonceurs. De plus en plus d’évènements sont organisées dans des metaverse. Les participants n’étant limités que par leur connexion Internet et non par leur localisation. L’accès peut être facilement restreint aux détenteurs de NFT, ce qui permet de cibler davantage son audience et de la fidéliser au travers de produit exclusif.

Dernièrement, Samsung a dévoilé son dernier smartphone sur Decentraland (un des metaverse leader), offrant aux participants des NFT exclusifs. Ces événements permettent aux utilisateurs et aux marques de se rencontrer virtuellement et ce depuis le monde entier. 

Selon une étude menée par IZEA Research, 70 % des influenceurs voient les metaverses remplacer entièrement les réseaux sociaux, en prenant le contrôle des plateformes vidéo actuelles et en ouvrant de nouvelles possibilités : à la fois de revenus et de communication. 

Outre l’organisation d’événements, les influenceurs peuvent monétiser leur activité dans les metaverses de diverses manières et cherchent activement à le faire. Selon l’étude d’IZEA mentionnée ci-dessus, 51 % des influenceurs cherchent à créer un modèle de revenu en lien avec un metaverse et 21 % y gagnent déjà de l’argent.

“The metaverse is moving towards becoming the next generation of the internet or Web 3.”

Citi Bank

Les nouveaux outils de l’avenir des réseaux sociaux

En quelques années, les réseaux sociaux ont conquis des milliards d’adeptes et la communication numérique joue un rôle prépondérant dans notre société. Nous sommes désormais entourés de ces applications qui nous permettent de nous connecter les uns aux autres, de faire du shopping, lire, jouer, partager, etc…

Le rôle des plateformes à évoluer au fur et à mesure passant d’une solution simple de communication à un outil de diffusion, de vente et d’influence. Ainsi, les leaders de cette industrie sont en recherche perpétuelle d’innovation afin d’améliorer leur solution et attirer un public jeune, cœur de cible pour leur marché. Deux tendances principales ressortent sur ce vers quoi tend les réseaux sociaux :

1. La création d’expérience d’achat basée sur la réalité augmentée

Avec l’essor des solutions internes d’achat sur une série d’applications de réseaux sociaux populaires, la combinaison du social et du commerce est en cours de démocratisation.

Les réseaux sociaux souhaitent accélérer l’utilisation de la réalité augmentée afin de créer une nouvelle forme de contenu. Les entreprises pourront offrir à leurs clients une expérience différente en leur proposant de se familiariser avec un produit ou un service avant de l’acheter. Les frontières entre le monde virtuel et le monde réel s’estompent de plus en plus, faisant de la réalité augmentée un formidable outil à l’avenir pour les réseaux sociaux.

2. Une « événementialisation » des réseaux

Avec l’essor des techniques de diffusion de contenu, les réseaux sociaux et leurs utilisateurs tendent de plus en plus vers une « évènementialisation » du contenu. Ces évènements représentent un nouveau moyen de communication pour promouvoir une marque, une entreprise, des services et des produits. Par l’essor de créateur diffusant du contenu en direct mobilisant parfois plusieurs centaines de milliers de personnes, les réseaux sociaux sont devenus un espace de création de communauté et de partage d’expérience. Là où les premières versions de réseaux permettaient des échanges en petits groupes, désormais la place est à la création d’évènement et de contenu. Ainsi, grâce aux possibilités technologiques utilisées dans les metaverses, de plus en plus d’entreprises et de marques organisent des évènements tels que très récemment le Paris NFT Day simultanément au Palais Brongniart et dans Decentraland.

La nouvelle Creator Economy : un écosystème appartenant à la communauté

La promesse initiale d’Internet était d’être ouvert. Actuellement, une poignée d’entreprise gèrent les flux de données sociales de 3,5 milliards de personnes.

Le Web 3.0 est une réaction à la centralisation mise en place par le Web 2.0 qui représente un problème fondamental non seulement pour la technologie, mais aussi pour la société. L’idée globale du Web 3.0 est de construire un monde plus décentralisé. En l’absence d’autorité centrale et par le biais d’une gouvernance partagée, l’utilisation des données est contrôlée par les utilisateurs eux-mêmes.

Les réseaux sociaux fonctionnent sur un principe d’économie des plateformes centralisés. Le Web 3.0 introduit quant à lui un nouveau concept : l’économie de la propriété. Ainsi, les nouvelles plateformes sont gouvernées par la communauté d’utilisateur.

Evolution du WEB

Mais alors où en sont les réseaux sociaux avec l’adoption de cette technologie ?

Récemment, Meta a annoncé que 47% de commission serait prélevée sur les objets mis en vente sur la marketplace. Pourquoi est-ce problématique ? Car cela est une pratique du Web 2.0 et que cela est un véritable frein pour les Web 3.0 natifs, cœur de cible de demain.

Ces objets vendus par Meta seront en réalité des NFT pouvant être utilisés dans le metaverse pour différentes actions. Par cette décision, Meta expose sa logique purement commerciale à développer cette solution. Or, le Web 3.0 a une autre philosophie, une éthologie qui lui est propre, où le créateur est au centre de l’écosystème.

Alors que les jeunes ne sont déjà plus présents sur Facebook et quittent Instagram peu à peu, les plateformes Web 3.0 sont en train de s’imposer auprès des créateurs grâce à leur liberté d’action et leur modèle centré sur la Creator Economy.

Comparaisons des commissions des plateformes

Des plateformes telles que Sandbox et Decentraland sont les leaders du marché. Bon nombre d’entreprises et de marques internationales y ont d’ores et déjà acquis des parcelles et compte bien y développer à l’avenir des évènements, des lieux de rencontre, d’échanges, d’achat et de promotion.

« The fact that it is decentralised means that the people who use Decentraland own and govern it. »

Dave Carr, CCO Decentraland

La Creator Economy ne consiste plus seulement à apporter de la valeur aux plateformes. Il s’agit de nouvelles formes de relations directes : créateur – communauté. Là où les contenus des réseaux sociaux sont dans un espace fermé, les créateurs se tournent de plus en plus vers les plateformes Web 3.0 pour y diffuser du nouveau contenu et se créer une nouvelle audience.

Le 20 avril 2022 Coinbase a dévoilé sa markeplace NFT et cela restera dans les mémoires comme une date importante, à l’intersection des plateformes Creator Economy et Web 3.0.

Marketplace Coinbase NFT (©Cryptobullsbears)

Coinbase NFT aspire à aller au-delà d’un simple hub pour acheter et vendre des biens. En fait, son interface utilisateur ressemble beaucoup, osons-nous le dire, à un actuel réseau social. L’espace commentaire y est présent, le fil d’actualité, les recommandations, les likes etc…

Fort de ses 90 millions d’utilisateurs, Coinbase par cette décision stratégique, s’approprie les codes des réseaux sociaux et place ses pions pour devenir l’un des pionniers de l’économie sociale du Web 3.0 tournée vers le créateur.

Coinbase peut devenir Instagram plus rapidement qu’Instagram ne pourrait créer une marketplace NFT. La puissance de Coinbase ici est de créer une traction sociale pour se transformer en une super-application qui peut englober les NFT, entre autres.

Alors, pourquoi les réseaux sociaux actuels ne seront pas les leaders de demain ? Car les jeunes n’utilisent pas forcément ses applications obsolètes. Ils se tourneront vers l’application que leurs amis et pairs utiliseront. Coinbase montre alors des signes de réelle innovation de production et a su prendre conscience que le marché et la psychologie des utilisateurs est en train de changer. Les réseaux sociaux ont su porter l’économie du Web 2.0, désormais leurs codes semblent ne plus être en adéquation avec ce que propose le Web 3.0 avec la technologie blockchain et les metaverse.

Les pionniers d’aujourd’hui pourront être les leaders du Web 3.0 : l’avenir de l’internet décentralisé.

Alina Viatkina

Sources

Compréhension du marché :
Etude de Citi Bank sur l’avenir des metaverse :
Etude de Izea Research :
NFT mot de l’année 2022 selon le Collins Dictionnary :
Creator Economy :
Images :

Réseaux sociaux et streaming : l’Égypte fait sa révolution

En 2021, l’Égypte commémorait le 10e anniversaire du printemps égyptien, notamment via le hashtag #Jan25 en référence à la mobilisation du 25 janvier 2011. Le(s) printemps arabe(s) constituent un tournant dans l’ère du numérique en étant considéré(s) comme la première révolution smartphone, ou, plus précisément pour l’Égypte : révolution Facebook. Si le réseau social n’a pas été l’élément déclencheur de la révolution, il en a été le catalyseur. Le mouvement « Nous sommes tous Khaled Saïd », un jeune homme victime de violences policières, a réuni les Égyptiens sous un même étendard. Si, à l’époque, Hosni Moubarak a ordonné le bâillonnement des communications électroniques trop tardivement, Abdel Fattah al-Sissi, le dirigeant actuel, a, quant à lui, retenu les leçons de l’histoire et développé un arsenal de cybersurveillance pour contrôler l’ensemble de la population. L’ Égypte post-révolutionnaire est désormais soumise à un régime militaire et n’a jamais retrouvé une quelconque forme de stabilité.

Réseaux sociaux : une pratique démocratisée mais peu maîtrisée

En Égypte, les usages numériques sont bien implantés. Le taux de pénétration d’Internet est de 57,3% et 47,4% de la population utilise activement les réseaux sociaux. Les habitants passent en moyenne 7 heures 36 minutes par jour sur Internet. Sur l’ensemble de la région, ce sont également plus de 3 heures et demi passées sur les réseaux sociaux où les utilisateurs cumulent environ 8,4 comptes différents. Le pays est dans le top 20 des marchés nationaux pour Snapchat et Twitter avec, respectivement, 10,7 millions et 3,7 millions d’utilisateurs. L’ Égypte est également le 9e marché national pour Facebook comptabilisant 45 millions d’utilisateurs et faisant de l’arabe la 3e langue du réseau social, qui n’est pourtant pas capable d’en maîtriser la modération. Des modérateurs ont noté que les statistiques des contenus dits « violents et/ou terroristes » augmentaient de façon exponentielle en période de ramadan dans 6 pays, dont l’Égypte. Leur théorie (qui reste à prouver) : les extraits du Coran contiennent les termes « martyr » ou « combat », censurés par les algorithmes. Les Facebook Files ont révélé que seulement 766 modérateurs étaient dédiés à la langue arabe pour 220 millions d’utilisateurs actifs au Moyen-Orient fin 2020. Ainsi, selon Le Monde, Facebook « n’est pas en capacité de faire examiner les commentaires en langue arabe potentiellement illicites par des modérateurs compétents – lorsque ces derniers existent » et met donc en œuvre une modération souvent trop radicale, ce qui fait que « Lorsque Facebook supprime par erreur des actualités ou des critiques portant sur ces organisations, cela crée la perception que Facebook est aligné avec les régimes en place ».

@Tracy Le Blanc / Pexels

Libération de la parole…

Les carences des géants du numérique n’empêchent pas (voire favorisent) l’utilisation des réseaux sociaux par les Égyptiens pour lutter contre le pouvoir en place dans ces espaces aux semblants de liberté. Cependant, à l’ère des réseaux sociaux, Sissi étend sa mainmise sur les esprits. « L’affaire des filles TikTok » en est un parfait symbole. En juin 2021, Haneen Hossam et Mawada Al-Adham, deux influenceuses de 19 et 22 ans, ont été condamnées à, respectivement, 10 et 6 ans de prison et 200 000 livres égyptiennes d’amende pour « traite d’êtres humains », « incitation à la débauche » et « corruption de la vie familiale » par la Cour pénale du Caire. Ce qui leur est reproché ? D’avoir dansé et monétisé leurs vidéos. Un membre du CSA égyptien s’opposait à l’arrivée d’un « nouveau type de prostitution légale ». Depuis 2020, au moins une dizaine d’influenceuses ont, ainsi, été arrêtées par la police des mœurs engagée dans une chasse aux sorcières d’une nouvelle ère.

Face à un régime inflexible et alors que l’excision mutile encore 87% d’égyptiennes, des féministes et militantes, souvent exilées, ont pris le sujet en main en lançant le mouvement « Mon corps m’appartient » en langue arabe pour lutter contre la honte, les tabous et la répression sexuelle. Cette initiative part d’un sujet au cœur de nombreuses révolutions récentes : le patriarcat et son pouvoir autoproclamé sur les corps des femmes. Ces dernières ont été les grandes oubliées du premier printemps et, 10 ans après, la « politique de respectabilité » brandie par les militaires et les fanatiques continue de tuer en Égypte. À titre d’exemple, Fatma Ibrahim, chercheuse doctorante au Royaume-Uni, a constaté qu’en matière d’éducation sexuelle et de contenus sur Internet, seules des sources conservatrices sur le plaisir masculin et la reproduction existaient dans un arabe soutenu. En réponse elle a créé The Sex Talk avec l’ambition de rendre l’information accessible et compréhensible au sein du foyer. C’est de ce noyau que doit partir la révolution des esprits.

…et droit à l’information

Lorsque l’on sait que 79% des jeunes de la région ayant entre 18 et 24 ans s’informent sur les réseaux sociaux, phénomène renforcé depuis la pandémie de COVID-19, cela pose un véritable problème pour le droit à l’information de la nouvelle génération.

Pour lutter contre les fake news, qu’elles soient pandémiques de la COVID-19, ou endémiques du régime de Sissi, les Égyptiens mobilisent les réseaux sociaux. Ainsi, Mohamed Ali, un entrepreneur exilé en Espagne après avoir travaillé 15 ans dans la construction pour l’armée égyptienne, est devenu (l’un des) ennemi(s) public(s) n°1 avec ses “Révélations sur la corruption à la tête de l’État” (titre de l’une de ses vidéos Facebook) dès septembre 2019. Al-Araby Al-Jadid estime que sa vertu est de « réintroduire la rue comme acteur dans l’équation politique. ». Face à un Sissi prêt à tout pour contrôler l’appareil médiatique, Mohammed Ali s’assume : « Je ne vais pas faire de la postprod. Je n’en ai rien à faire. Je dis les choses comme elles sont. Je suis un homme de la classe ouvrière, comme tout le monde », tout en réclamant son dû de 220 millions de livres égyptiennes dont il s’estime floué par l’Etat. Au passage, il tacle directement Sissi, discréditant le discours étatique qui relativise la pauvreté du pays en affirmant que sa femme « a exigé des modifications [du palais présidentiel] qui coûtent 25 millions de livres ».

@kreatikar / Pixabay

L’essor du streaming

L’arrivée de Sissi a signé la « mort du pluralisme dans le paysage médiatique » égyptien selon Sabrina Bennui de Reporters sans Frontières. Le renseignement militaire a pris le pouvoir sur la quasi-totalité des canaux médiatiques : des producteurs aux chaînes en passant par les journaux et certains sites Internet. La répression des oppositions ayant été d’autant plus forte sur la gestion de la crise sanitaire.

Face à ce paysage médiatique traditionnel univoque, le streaming est en plein essor au Moyen-Orient. Netflix y compte désormais 5 millions d’abonnés et la première plateforme arabophone Shahid a également vu le jour, comptant déjà 2 millions d’abonnés. Amazon Prime Video est également présent en Égypte depuis 2016. L’arrivée de ces nouveaux services permet se démocratise et offre un contenu moins maîtrisé par les outils étatiques. En effet, si l’Arabie saoudite a réussi à faire retirer Patriot Act with Hasan Minhaj de Netflix car ce contenu était jugé illégal, la Jordanie a quant à elle affirmé ne pas avoir le pouvoir sur Netflix pour faire retirer Jinn. Le streaming fait naître une nouvelle façon, divertissante mais puissante, de s’attaquer aux tabous et à la censure du cinéma et de la télévision arabes.

Synonyme d’essor de la création ?

Ces changements permettent à de nouveaux contenus de voir le jour contrecarrant les diktats moralisateurs et l’interdiction de remettre en cause le pouvoir en place. Newton’s Cradle, diffusée pendant le ramadan au printemps 2021, vise ainsi à libérer la parole sur les relations amoureuses et les corps, notamment en abordant le sujet du viol conjugal.

Mieux encore, le divertissement égyptien prend confiance et voit grand, avec des créations telles que Paranormal, série à effets spéciaux basée sur les romans de Ahmed Khaled Tawfik et comparée à X-Files à l’international, étant même considérée comme l’une des meilleures séries étrangères de 2020 par Variety.

Si des technologies comme les réseaux sociaux et le streaming peuvent aider au lancement de révolutions, elles ne suffisent pas à leur succès. D’autant que les régimes répressifs se servent de ces mêmes outils pour leur propagande et la surveillance de masse. Reste qu’ils peuvent aider à rendre visible des opinions et des populations et c’est bien ce qu’entendent faire les Égyptiens.

Auriane LE BOZEC

  • Sources

#Jan25 : dix ans après, le rêve révolutionnaire égyptien perdure sur les réseaux sociaux, France 24, 2021, https://www.france24.com/fr/afrique/20210125-jan25-dix-ans-apr%C3%A8s-le-r%C3%AAve-r%C3%A9volutionnaire-%C3%A9gyptien-perdure-sur-les-r%C3%A9seaux-sociaux

Internet, le « Printemps arabe » et la dévaluation du cyberactivisme arabe, Y. GONZALEZ-QUIJANO, 2015, https://journals.openedition.org/ema/3400

Sur les sentiers de la révolution, Comment des Égyptiens « dépolitisés » sont-ils devenus révolutionnaires ?, Y. EL-CHAZLI, 2012, https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2012-5-page-843.htm

Chiffres des réseaux sociaux pour l’ Égypte en 2021, C. KAMDEN, Hootsuite, https://cmdafrique.net/2021/02/11/chiffres-reseaux-sociaux-egypte-2021/#:~:text=l’ann%C3%A9e%202021.-,Donn%C3%A9es%20Internet,Internet%20%3A%207%20heures%2036%20minutes

L’utilisation des réseaux sociaux au Moyen-Orient : 5 choses à savoir, D. RADCLIFFE, Réseau International des Journalistes, 2021, https://ijnet.org/fr/story/lutilisation-des-r%C3%A9seaux-sociaux-au-moyen-orient-cinq-choses-%C3%A0-savoir

Facebook emploie 766 modérateurs en langue arabe pour 220 millions d’utilisateurs arabophones, M. UNTERSINGER et D. LELOUP, 2021, https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/11/16/facebook-emploie-766-moderateurs-en-langue-arabe-pour-220-millions-d-utilisateurs-arabophones_6102312_4408996.html

Sur Facebook, le fiasco de la modération en langue arabe, M. UNTERSINGER, 2021, https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/10/25/sur-facebook-le-fiasco-de-la-moderation-en-langue-arabe_6099808_4408996.html

En Égypte, la chasse aux « filles TikTok » et autres influenceuses, Courrier International, 2021, https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/moeurs-en-egypte-la-chasse-aux-filles-tiktok-et-autres-influenceuses

Une Égyptienne meurt d’une excision, ses parents et le médecin arrêtés, M. EL-FAIZY, 2020, https://www.france24.com/fr/20200204-mutilations-genitales-excision-egypte-deces-fillette-droits-femmes

Mohamed Ali, l’opposant égyptien qui secoue le régime de Sissi, Courrier international, 2019, https://www.courrierinternational.com/article/portrait-mohamed-ali-lopposant-egyptien-qui-secoue-le-regime-sissi

Manifestations contre Al-Sissi : « Les Égyptiens ont repris de la voix », Courrier international, 2019, https://www.courrierinternational.com/article/dans-la-presse-arabe-manifestations-contre-al-sissi-les-egyptiens-ont-repris-de-la-voix

Le Printemps arabe, première révolution smartphone, France 24, 2020, https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20201130-le-printemps-arabe-la-premi%C3%A8re-r%C3%A9volution-smartphone

Communiqué de presse, « Amazon Prime Video est désormais disponible dans plus de 200 pays et territoires à travers le monde », 2016.

Grâce au streaming, les séries arabes font leur révolution, Courrier International, https://www.courrierinternational.com/article/decryptage-grace-au-streaming-les-series-arabes-font-leur-revolution

Google Maps devient-il un réseau social ?

Google Maps : de la simple application de navigation au réseau social de proximité ?

            La puissance du géant du web Google n’est plus à débattre. Des smartphones à la publicité digitale, en passant par la santé, l’aire de jeu de la firme de Mountain View est vaste. L’un de ses terrains de prédilection est la cartographie et la navigation du fait du très populaire Waze, mais surtout de l’incontournable Google Maps. Selon un article paru dans Les Echos, l’application, lancée en 2005, représentait 67% du marché états-unien, en 2018. Le service a connu de nombreuses évolutions telles que la possibilité de personnaliser ses cartes, réserver une table dans un restaurant, et même trouver une trottinette électrique en location. Au cours de son existence, le service a agrégé de nombreuses données de déplacement et est passé d’un simple outil cartographique à une plateforme dédiée à la mobilité. Sa croissance ne semble pourtant pas terminée. Le journal Les Echos rapporte qu’un analyste de Morgan Stanley a estimé le chiffre d’affaires à 2,95 milliards en 2019 et qu’il atteindrait 11 milliards en 2023. La dernière mise à jour remet en question le positionnement de l’application au milliard d’utilisateurs actifs mensuels (chiffres du JDN). Google Maps semble encore évoluer et faire un pas supplémentaire vers l’univers du « social ». Désormais, un utilisateur dispose d’un profil et peut s’abonner à un compte tiers sur le même modèle qu’un réseau social traditionnel. 

Des fonctionnalités qui reprennent les standards des réseaux sociaux

            Le fil d’actualité est une fonctionnalité incontournable pour un réseau social. Il est maintenant présent sur Google Maps et constitue une véritable avancée pour l’application. Dans l’onglet « Découvrir », le fil propose les derniers ajouts d’utilisateurs ou des commerces de notre zone géographique. L’ajout du bouton « J’aime » s’avère utile pour réagir à un poste. De son côté, l’onglet « Actualités » informe, entre autres, des nouveautés (comme les restaurants récemment ouverts), mais il recommande aussi des Local Guides et permet de s’y abonner.

Exemple d’une page de l’onglet « Découvrir » de Google Maps (Capture d’écran)

            Par ailleurs, Google travaille depuis longtemps à développer une véritable communauté avec les Local Guides. D’après un article de l’entreprise Partoo, il s’agit d’un statut attribué à un utilisateur qui remplit certains critères. Via un système de points et de niveaux, l’individu est incité à générer du contenu sur la plateforme (commentaires, notes, photos, suggestions, etc). Plus l’utilisateur est actif, plus il obtient de points, et gagne des avantages comme une plus forte visibilité de ses postes. Selon Guest Suite et Google, le nombre de Local Guides dans le monde a atteint 120 millions en 2019. La firme de Mountain View n’y est pas pour rien dans cette croissance. Elle a entretenu un lien étroit avec ces utilisateurs, notamment grâce à un rendez-vous annuel nommé « Local Guide Summit ». Par ce biais, Google peut encourager l’engagement de ses Local Guides dont les contributions sont précieuses pour maintenir les informations de la plateforme à jour. 

         Avec sa dernière mise à niveau, Google Maps réitère sa confiance auprès d’eux. Avec les pages profils et la possibilité d’avoir des « followers », le service ne veut plus seulement développer une communauté de Local Guides mais plutôt encourager la création de communautés autour de ces derniers. Par conséquent, le nouveau système se rapproche du principe des influenceurs qui existent sur les réseaux sociaux connus.

Quelle utilité pour Google ?

            Alors que l’application est actuellement associée à un usage de recherche de lieu et de déplacement, elle pourrait bientôt devenir l’endroit idéal pour découvrir le nouveau restaurant tendance ou le fromager tant recherché dans son quartier. Ainsi, la nouvelle utilisation serait radicalement différente. En plus d’offrir des fonctionnalités uniques comme Street View, la partie sociale de l’application fidéliserait les utilisateurs et serait un argument supplémentaire en faveur de Google Maps. Cette fidélité ne serait plus forcément liée à des fonctionnalités pratiques, mais à une utilisation plus émotionnelle liée à l’attachement à d’autres internautes. Ce changement d’usage constituerait donc une source de différenciation forte vis-à-vis de ses concurrents.

            De plus, développer l’engagement signifie multiplier les contributions des utilisateurs qui alimentent la plateforme et assurent la pertinence des informations affichées. Par exemple, les internautes peuvent suggérer des modifications sur une fiche Google My Business si cette dernière n’est pas à jour, ou simplement publier un avis. Ces données générées par les utilisateurs sont précieuses pour la firme californienne puisqu’en plus d’être utiles au service de cartographie, elles sont utilisées pour les résultats de Google Search.

            Enfin, du fait d’une audience engagée et d’un usage tourné vers l’interaction, on peut imaginer que l’offre publicitaire de Google Maps pourrait être valorisée. D’après Presse Citron, en 2018, Google a lancé le format publicitaire « local » à destination des établissements souhaitant cibler une audience de proximité. Selon le même article sur la publicité (de Presse Citron), l’avenir semble très prometteur puisqu’il est rappelé que « l’intérêt des recherches locales est 350 fois » supérieur à celui des débuts de l’application. Une telle proposition semblerait donc pertinente pour les annonceurs et attirerait davantage de commerces de proximité. Si ces nouvelles fonctionnalités sont adoptées, alors les revenus publicitaires de la plateforme pourraient s’accroître à long terme. 

Quels enjeux pour les commerçants ?

            Du côté des entreprises avec pignon sur rue, Google Maps constitue une opportunité de gagner en visibilité, avec notamment l’optimisation de la fiche Google My Business. Cette dernière contient des données sur l’établissement. Par exemple, elle permet de connaître les horaires ou l’itinéraire vers un magasin, mais aussi de laisser un commentaire ou une note.

            Toutefois, la dernière mise à jour semble être en faveur du développement des Local Guides. Les avis de ces derniers sont mis en avant par rapport à ceux d’utilisateurs classiques. De ce fait, ils peuvent avoir un impact positif ou négatif sur l’e-réputation d’une entreprise. Les commerçants sont donc encouragés à actualiser les informations et répondre aux avis clients pour éviter que ce ne soit fait par des tiers. Le fil d’actualité peut, lui aussi, être un outil efficace pour communiquer avec les clients et les tenir informés de la vie de la boutique. Malheureusement, bien qu’elles soient importantes, ces tâches CRM représentent un temps d’investissement conséquent pour des commerçants dont l’emploi du temps est déjà bien rempli.

            De plus, en développant sa communauté, le Local Guide augmente son pouvoir d’influence. Ainsi, ceux dotés d’un grand nombre d’abonnés pourraient, à long terme, devenir des leviers de communications utiles pour une marque. Sur le même modèle qu’un influenceur avec du contenu sponsorisé, il est tout à fait possible d’imaginer qu’un Local Guide soit rémunéré pour promouvoir un commerce auprès de ses fans. Son impact sera, quant à lui, d’autant plus fort que sa communauté est grande.

Google et les réseaux sociaux : une histoire compliquée

         Il faut rappeler que ce n’est pas la première fois que Google s’essaie au développement d’un service à la vocation sociale. L’exemple le plus marquant est Google+, lancé en 2011. Dans son article, le quotidien Le Monde rappelle que, pour le géant états-unien, ce service n’était pas un réseau social mais « une couche sociale » ajoutée à Google. Il a pourtant été considéré comme tel par la plupart des personnes. Google+ offrait la possibilité de partager et d’interagir avec différents « cercles ». Cependant, cette nouvelle plateforme a très vite connu des déboires. Comme le souligne l’article du Monde, la maison mère ne communique pas sur le nombre d’utilisateurs actifs et son succès semble relatif. De plus, la firme a tenté plusieurs fois de doper la croissance de son réseau en proposant, à chaque internaute, la création d’un compte Google+ à l’inscription sur Gmail. Cependant, cela n’a pas permis au service d’engager ses utilisateurs qui sont, pour une grande partie, restés inactifs. En 2018, dans son papier, Le Monde souligne que le service n’a pas réussi à convaincre son public car, 90% des sessions étaient inférieures à 5 secondes. Cette même année, l’entreprise annonce la fin de l’aventure Google+.

Ainsi, bien que le passé ait prouvé qu’une nouveauté de Google ne rime pas toujours avec « succès », les nouvelles possibilités marquent une évolution dans la stratégie de Google Maps. Il semblerait que le géant californien veuille rendre sa base d’utilisateurs plus active en proposant des fonctionnalités engageantes. L’aspect social inédit de l’application lui permet de s’éloigner de sa simple utilité de navigation pour, peut-être, devenir le réseau social adapté à la vie de quartier. La concrétisation des éléments évoqués dépend maintenant des utilisateurs. Adopteront-ils ces nouveautés ?


Thomas Soares

Sources :

Damien Leloup, “Une brève histoire de Google+ », Le Monde, le 13/03/2015. Lien :https://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/03/02/une-breve-histoire-de-google_4585853_4408996.html

Damien Leloup et Morgane Tual, « ‘Mais c’est quoi Google+ ?’ et autres questions sur sa fermeture », Le Monde, le 13/10/2018. Lien : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/10/09/mais-c-est-quoi-google-et-autres-questions-sur-sa-fermeture_5366794_4408996.html

Matt Southern, “Google Maps goes social giving each user their own profile”, Search Engine Journal, le 30/072020. Lien : https://www.searchenginejournal.com/google-maps-goes-social-giving-each-user-their-own-profile/376194/#close

Auteur inconnu, « Google Maps devient véritablement un réseau social avec cette nouvelle fonction », Frandroid, le 01/08/2020.Lien : https://www.frandroid.com/marques/google/744573_google-maps-devient-veritablement-un-reseau-social-avec-ce-nouveau-bouton

Benoît Georges, « Google Maps les cartes au trésor », Les Echos, le 19/02/2020. Lien : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/google-maps-les-cartes-au-tresor-1173111

Sarah Perez, “Google Maps tests a social networking feature with the ability to ‘follow’ Local Guides”, Tech Crunch, le 18/11/2019. Lien : https://techcrunch.com/2019/11/18/google-maps-tests-a-social-networking-feature-with-the-ability-to-follow-local-guides/

Els Bellens, « Google Maps solidement étoffée par des fonctions sociales et des numéros de maison », Datanews, le 04/12/2020. Lien : https://datanews.levif.be/ict/actualite/google-maps-solidement-etoffee-par-des-fonctions-sociales-et-des-numeros-de-maison/article-news-1365431.html

Caleb Potts, “You can now follow people on Google Maps, the company’s newest social network”, Android Police, le 30/07/2020. Lien : https://www.androidpolice.com/2020/07/30/you-can-now-follow-people-on-google-maps-the-companys-newest-social-network/

Julio Cachila, “Google Maps is now a social network”, International Business Times, le 31/07/2020. Lien : https://www.ibtimes.com/google-maps-now-social-network-3020405

Andrew J. Hawkins, “Is Google Maps trying to be a social network”, The Verge, le 13/02/2017. Lien : https://www.theverge.com/2017/2/13/14581028/google-maps-location-list-share-social-network

Shayak Majumder, “Google Maps now allows users to follow each other’s recommendations”, Gadget 360, le 31/07/2020. Lien : https://gadgets.ndtv.com/apps/news/google-maps-follow-social-profile-page-topic-filters-update-feature-2272019

Ben Smith, “Project Strobe: protecting your data, improving our third-party APIs, and sunsetting consumer Google+”, Blog de Google, le 08/10/2018. Lien : https://www.blog.google/technology/safety-security/project-strobe/

Arthur Vera, « Google Maps, nouvel Eldorado de la publicité en ligne ? », Presse Citron, le 26/02/2020. Lien : https://www.presse-citron.net/google-maps-nouvel-eldorado-de-la-publicite-en-ligne/

Charlie Perreau, « Google : un anniversaire, des records », Journal du Net, le 04/092018. Lien : https://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1211137-les-20-chiffres-de-google/

Lucas, « Qu’est-ce qu’un Local Guide Google My Business ? Quels avantages et impacts sur les fiches ? », Partoo. Lien : https://help.partoo.fr/fr/articles/1785698-qu-est-ce-qu-un-local-guide-google-my-business-quels-avantages-et-impact-sur-les-fiches

Karlee Onstad, “How can Google Maps benefits your business”, Evolve Systems. Lien : https://evolve-systems.com/how-google-maps-can-benefit-your-business/

Steven, « La publicité sur Google Maps », Grizzlead, le 28/02/2020. Lien : https://www.grizzlead.com/la-publicite-sur-google-maps/

 « Points, niveaux et badges », Support Google. Lien : https://support.google.com/local-guides/answer/6225851?hl=fr

Page du Local Guides Summit. Lien : https://maps.google.com/localguides/event/connectlive

Austin Wells, “Discover new places with gelp from top Local Guides”, Blog de Google, le 15/11/2019. Lien : https://www.blog.google/products/maps/discover-new-places-with-help-from-local-guides/

Loïc, « Local Guide Google My Business : définition et fonctionnement », Guest Suite, le 12/07/2020. Lien : https://www.guest-suite.com/blog/local-guide-google-my-business

Retour sur l’émergence de théories complotistes sur les réseaux sociaux en 2020 : le mouvement QAnon

Nul n’a pu échapper dans son expérience sur les réseaux sociaux et dans sa quête d’information, à ces fameuses « théories complotistes » qui émergent sur internet. Entre les personnes croyant que la terre serait plate, celles qui pensent que la Norvège n’existerait pas, que les Américains n’ont jamais été sur la Lune, qu’une société secrète impliquant des personnes de pouvoirs régirait le monde dans l’ombre ou encore que le coronavirus ne serait qu’une machination, nous ne comptons plus les théories conspirationnistes relayées sur les réseaux sociaux. Les trois plateformes sociales particulièrement touchées par ce flot d’informations sont Facebook, Twitter et Youtube, qui peinent à supprimer ou du moins modérer ces théories. Mais comment des milliers de personnes peuvent se réunir autour de sujets aussi saugrenus ? Comment alimentent-ils leur croyance ? Quel rôle jouent les réseaux sociaux dans cette affaire ? Quel impact cela a-t-il sur notre société ? Retour sur une théorie qui s’est enraciné dans les élections présidentielles américaines de 2016 à aujourd’hui : le mouvement QAnon, pour lutter contre la désinformation et l’émergence de nids du complot.

Bien qu’il existe depuis toujours des groupes d’individus prônant des théories conspirationnistes, cette mouvance s’est accélérée avec l’apparition des réseaux sociaux et de façon massive en cette année 2020. Permettant à des groupes assez marginaux de diffuser leurs théories à leur guise sur la toile et d’avoir de plus en plus d’adeptes. Ces « fake théories » quelque peu déroutantes sont marquées au fond par une perte de confiance dans les médias traditionnels puisque de nombreuses personnes ne s’informent à présent que sur des sites dont l’information n’est pas vérifiée ou sur les réseaux sociaux. Et bien que certaines de ces théories puissent prêter à rire sans devenir un réel danger pour notre société, d’autres théories du complot sont de vraies menaces qui ont de plus en plus de poids dans certaines élections présidentielles, ou touchent à des sujets sensibles telles que le réchauffement climatique ou la santé (les anti-vaccins par exemple).

Source : L’Observatoire Mesdatas&moi

Retour sur le mouvement « QAnon » 

La rumeur du « Pizzagate » naît sur internet en 2016 ; s’ensuit une fusillade dans une pizzeria se voulant être un haut lieu de trafic d’enfants orchestré par Hillary Clinton et la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle. L’histoire prend vie et est relayée sur de nombreux réseaux sociaux complotistes : le mouvement QAnon est né. Porté par un certain internaute nommé « Q » qui dénonce un Etat dans l’Etat, affirmant qu’il existerait un réseau de pédophilie souterrain aux Etats-Unis, étroitement lié au parti démocrate, à certains milliardaires ou personnalités influentes (telles que Hillary Clinton ou encore Bill Gates). Ce mouvement a déjà conquis des milliers voire des millions d’Américains du plus crédule au plus averti. Il est né dans une « bulle » qu’est internet, les adeptes de ce mouvement sont désormais partout, à tous les meetings de Donald Trump aux Etats-Unis, brandissant des affiches avec la fameuse lettre Q, symbole du mouvement. Il règne d’ailleurs une ambiguïté sur la proximité du président Trump avec la théorie conspirationniste QAnon dont les fidèles en ont fait leur figure de proue. Fervents soutiens à ce dernier, cela soulève de nombreuses questions sur son implication ou non dans ce mouvement, soutien auquel il a répondu par je cite « D’après ce que j’ai compris, ils m’aiment beaucoup, ce que j’apprécie. Je ne sais pas grand-chose de ce mouvement, mais j’ai entendu dire qu’ils gagnaient en popularité ». 

Mais ce qui est le plus étonnant, c’est l’ampleur qu’a pris cette théorie, le nombre d’adeptes que comprend le mouvement et la force de leur visibilité sur internet, en particulier sur Facebook depuis le début de l’épidémie de la covid-19. Certaines études ont montré que depuis le début de l’épidémie, l’audience de la page du mouvement QAnon aurait augmenté de plus de 600% sur Facebook.

Le rôle joué par les réseaux sociaux 

Dans une société où les réseaux sociaux jouent un rôle crucial dans le partage d’informations, ils se doivent également de lutter contre tout contenu haineux, le relais de fausses informations ou la montée en puissance de groupes radicaux sur leurs plateformes. Dans ce cas précis, il s’agit de supprimer les contenus de la mouvance conspirationniste QAnon. A l’approche de l’élection présidentielle, la société dénonce les inactions des réseaux et de la propagation des théories du complot liées à l’extrême droite ultra-conservatrice. Facebook décide alors de supprimer les comptes liés au mouvement QAnon et d’endiguer leurs audiences sur sa plateforme ainsi que sur son autre réseau social Instagram. C’est ensuite au tour de YouTube d’interdire les contenus violents de ce mouvement et de ceux faisant la promotion de cette théorie. YouTube a également annoncé que ces mesures viennent compléter celles déjà prises sur la modification de ses règles d’utilisation, en voulant « interdire tout contenu qui vise un groupe ou des individus en s’appuyant sur des théories conspirationnistes qui ont déjà motivé des actions violentes ». Quant à Twitter, le réseau social avait déjà pris comme mesure en Juillet dernier de supprimer plus de 7 000 comptes appartenant au mouvement Q.

Même si la prise de position des réseaux sociaux montre une volonté d’endiguer les phénomènes conspirationnistes, nous sommes loin d’avoir régler tous les problèmes liés aux groupes extrémistes qui agissent sur les réseaux. Cela est en parti lié à l’algorithme utilisé par les réseaux sociaux qui par nature recommandent ce type de contenu aux personnes déjà enclin à les apprécier, ce qui crée une réaction en chaine importante. Par exemple, sur Youtube, plus de 70% des vidéos qui sont regardées quotidiennement sont directement recommandées par l’algorithme, en Automne 2018 YouTube avait massivement recommandé des vidéos QAnon avant de modérer quelques mois plus tard ces contenus. Du côté de Facebook plus de 64% des comptes qui ont rejoint des groupes complotistes ou extrémistes l’ont fait car l’algorithme de Facebook leur avait recommandé ces groupes au préalable. De plus, en 2018, Facebook a décidé de modifier sa stratégie en promouvant davantage les contenus produits par les groupes et les profils d’utilisateurs et de restreindre la visibilité algorithmique des pages (souvent utilisées par les médias). Cela a permis à des groupes conspirationnistes comme QAnon d’émerger à travers les groupes Facebook. On ne peut donc pas nier l’effet qu’ont les algorithmes dans la propagation des théories conspirationnistes et le rôle d’accélérateur qu’ont les réseaux sociaux. Une formule utilisée par les américains représente très bien cette pensée dont l’objectif n’est en rien de réduire le « freedom of speech » mais plutôt le « freedom of reach ». Le rôle des algorithmes finit par réduire notre horizon informationnel puisque les contenus recommandés convergent tous dans la même direction. Cela est encore plus flagrant avec les contenus radicaux ou complotistes, ce procédé étrique notre façon de penser avec une vision clivante du monde.

Source : Le Monde, ADRIA FRUITOS

Une menace pour nos démocraties 

Enfin, le groupe QAnon qui a pris beaucoup d’ampleur ces derniers mois ne s’arrête pas aux frontières des Etats-Unis puisqu’elle gagnerait en popularité Outre-Atlantique et s’immiscerait au sein d’autres mouvements contestataires partout en Europe, tel que celui des Gilets Jaunes en France. Pour appréhender le développement fulgurant de ces théories en 2020, il faut également comprendre le contexte dans lequel il a été permis. La crise du coronavirus qui a touché le monde entier, a soulevé de nombreuses questions au sein de nos démocraties. Certains questionnent même l’existence du virus, ne « croient » plus en l’Etat et pensent être manipulés constamment par les médias. Le film documentaire « Hold-up » sorti en Novembre en est la preuve, leurs propos : tout ne serait que complot pour anéantir la population mondiale dont l’outil numéro un serait la covid-19. En donnant de la lumière aux théories complotistes et en essayant de les justifier, ce documentaire octroie une crédibilité aux groupes conspirationnistes et sème le trouble dans la société. Une fois de plus pointées du doigt pour leur manque de rapidité dans la modération de contenu, les plateformes apparaissent comme des acteurs puissants dans le relais de l’information.

Bien que la modération sur les lieux où naissent et se propagent les théories soit essentielle, elle reste insuffisante. Les croyances de ces groupes sont enracinées dans une défiance envers les institutions politiques et médiatiques. Pour tenter d’inverser la tendance et de gagner de nouveau la confiance, il faut nécessairement en comprendre les causes profondes. La confiance dans les médias et les institutions politiques a besoin d’être restaurée, la lutte contre les fake news approfondie et la régulation des contenus haineux et complotistes intensifiée si nous voulons faire cesser l’émergence de théories conspirationnistes qui divisent notre société et met à mal nos démocraties.

Louise Varnusson

Sources :

La story Instagram : un contenu interactif et engageant qui permet de nouvelles narrations.

Depuis son lancement en 2010, Instagram a connu une forte croissance en termes de nombre d’utilisateurs. Le rachat du réseau social par Facebook lui a également permis de faire face à ses concurrents sur le marché, et d’y garder une place prépondérante. Cela est notamment passé par le développement de fonctionnalités telle que la story, caractéristique de l’application Snapchat, qu’Instagram a intégré à son application pour finir par dépasser son concurrent en termes d’utilisateurs actifs. Aujourd’hui, Instagram est un des réseaux sociaux les plus important et influent pour les marques et les consommateurs. Le nombre d’utilisateurs de la plateforme est de plus d’1 milliard d’utilisateurs actifs mensuels, chiffre qui est en croissance constante.

Les Stories Instagram sont des contenus courts (photo ou vidéo) qui ne restent que quelques secondes à l’écran et s’effacent complètement au bout de 24 heures. Elles représentent dans l’application Instagram, un outil séparé du fil d’actualité que les utilisateurs peuvent choisir de visionner ou non. Lorsqu’un utilisateur se rend sur l’application, il a accès aux stories des profils qu’il suit. S’il visionne la totalité des stories d’un compte auquel il est abonné, la storie disparaît pour laisser place à un contenu non visionné, encerclé en couleur. Pour visionner ce contenu, il suffit ensuite de cliquer sur le contenu encerclé, puis de faire défiler les contenus en appuyant sur l’écran. Un fonctionnement très intuitif. L’objectif premier des stories sur Instagram est de mettre en avant des moments spontanés de la vie des utilisateurs, pris en direct. Cependant, si les Millenials sont les principaux utilisateurs de stories sur Instagram, 33% des stories les plus regardées sur le réseau proviennent des entreprises, qui ont su s’emparer de ce contenu à succès. En effet, ce sont plus de 500 millions de comptes qui utilisent chaque jour les storie Instagram.

La story : générateur d’interaction avec les utilisateurs  

Les stories peuvent générer de l’engagement auprès des utilisateurs. En effet, leur format rapide et éphémère a permis aux marques de créer des contenus qui n’ont pas besoin d’être trop travaillés, et qui permettent de créer une image plus authentique et vivante à leur entreprise. Internet augmenté considérablement le nombre d’images auxquelles nous sommes confrontés chaque jour. Qu’elles apparaissent sur des affiches, des panneaux lumineux, des sites internet ou sur les réseaux sociaux que nous fréquentons, les images, publicitaires ou non, sont partout. En effet, chaque jour, nous observons près de 1 200 images publicitaires. Sur internet, la visibilité de ces images est très courte et une photo ou une vidéo n’est plus d’actualité au bout de seulement quelques heures. Les stories permettent en cela de communiquer directement avec le consommateur de manière plus courte certes, mais plus répétée.

De plus, la story est une communication entièrement visuelle qui suscite de l’émotion et de la curiosité chez les utilisateurs, et permet d’interagir avec eux. En effet, un utilisateur peut réagir à une story via des messages ou simplement des réactions. Instagram a également créé de nombreux outils applicables directement sur les stories, comme les sondages, les quizz, ou bien les questions auxquelles les utilisateurs peuvent répondre.

Un format économique et à la portée de tous

La story, contrairement à un post classique publié sur le fil d’actualité d’Instagram, génère donc de l’engagement en rendant l’utilisateur pro actif. Dans le cas des marques, une enquête Ipsos commandée par Facebook a montré que les utilisateurs s’intéressent davantage à une marque ou à un produit après l’avoir vu dans une story. L’enquête révèle également que le lien créé entre la story et les utilisateurs semble plus authentique que celui généré par un simple post. Il est également intéressant de noter que le CPC d’une story est deux fois moins cher qu’une publication classique. De plus, l’algorithme d’Instagram tend à davantage mettre en valeur les profils utilisant toutes les fonctionnalités que l’application propose. Les marques ont donc tout intérêt à utiliser ce format, qui ne nécessite pas une qualité d’image exceptionnelle, car le contenu est destiné uniquement au smartphone, et donc à un écran de taille réduite. C’est également ce qui a permis de nombreuses institutions culturelles et médias à réaliser des campagnes créatives sur Instagram, et qui a également permis à de nombreux influenceurs de s’imposer sur ce média via des courtes photos et vidéos.

Un format créatif : le cas de Été et de l’Instraviata d’Arte

L’Instraviata, une BD décalée publiée sur Arte Concert

La story est également un format créatif qui ne séduit pas seulement les marques. En effet, les institutions culturelles et les médias ont su adopter ce format dans leur communication sur les réseaux sociaux. C’est le cas par exemple d’Arte qui a publié plusieurs narrations entièrement dédiées à Instagram développées par le studio de production Bigger Than Fiction, qui est responsable de l’animation éditoriale des réseaux sociaux français et allemands d’Arte Cinema, Arte Creative et Arte Concert. Ils ont par exemple développé l’Instraviata pour Arte concert. L’Instraviata est une adaptation décalée et fantaisiste de La Traviata, le célèbre opéra en trois actes de Giuseppe Verdi, diffusée sur Instagram sous forme de bande dessinée durant 1 mois, afin d’offrir au public digital d’Arte une autre manière d’appréhender l’opéra classique via Instagram. Les trois actes de l’opéra ont été divisés en 30 épisodes, avec des personnages décalés et une touche d’humour. La diffusion a duré tout le long du mois de mars 2019, avec chaque jour à 12h, un épisode de BD animée et en karaoké accompagné d’un épisode documentaire publié à 18h sur la page, afin de rentrer dans l’univers de la chanteuse lyrique Elsa Dreisig.

Le studio Bigger Than Fiction est également à l’origine du projet Été, une narration inédite sur Instagram, également en collaboration avec Arte. Dessinateurs, scénaristes et spécialistes en narrations interactive sur les nouveaux médias se sont réunis afin de mettre en place cette bande dessinée publiée pendant le mois de juillet et aout, au rythme d’un épisode par jour. Été nous fait rentrer dans la vie d’Abel et Olivia, un couple qui décide de se séparer le temps d’un été afin de réaliser leurs projets personnels, avant de passer leur vie ensemble. Instagram a permis à ces projets narratifs de voir le jour et d’aller directement à la rencontre de leur public via les fonctionnalités que permettent les stories. En effet, le projet Été a récemment lancé une campagne de crowdfunding afin de s’auto-produire, indépendamment d’Arte. Une campagne réussite puisque le compte Instagram de la BD compte désormais 87,8 mille abonnés.

Un contenu adapté aux usages des millenials

Le succès de la story Instagram s’explique également par le fait qu’il correspond aux usages des millenials, principaux utilisateurs du réseau social. En effet, face à l’abondance de contenus et de plateformes et applications auxquels ils sont confrontés, un contenu court tel que la story s’impose comme un format judicieux, qui peut être consommé rapidement, et dans lequel l’utilisateur est pro actif et peut swiper à sa guise. Le fait que les stories soient éphémères pousse les marques et les médias à être davantage créatifs et à se renouveler sans cesse afin de capter l’attention des utilisateurs. Dans le cas des formats de bande dessinées comme ceux qu’Arte a développé avec le studio de production Bigger Than Fiction, la découpe sous formes de courts épisodes diffusés chaque jour est fortement adapté à un public ultra-connecté qui serait peu familier du milieu fermé de l’Opéra.

Le succès d’Instagram a permis à des marques et des médias de créer des narrations créatives dédiées à un public ultra connecté, et de rajeunir leurs cibles, en utilisant toutes les fonctionnalités que proposent ce réseau social. La story a pris une place centrale dans l’usage qui est fait d’Instagram, et divers médias ont su s’approprier ce nouveau format court, éphémère et spontané, afin de développer des narrations innovantes et interactives. De plus, ces narrations ont permis de sensibiliser un public à des milieux encore peu touchés par la révolution numérique, comme l’Opéra ou la BD, qui ne sont pas au cœur des centres d’intérêts du public touché par Instagram, à savoir les millenials.

Sophie Petter

Sources

https://blog.digimind.com/fr/tendances/instagram-chiffres-essentiels-2019-france-monde

https://www.blogdumoderateur.com/rencontres-video-mobile-medias-stories/

https://lareclame.fr/social-insight-instagram-stories-207112

https://www.kolsquare.com/fr/blog/stories-instagram-strategie-acquisition

https://www.meltwater.com/fr/blog/instagram-stories-marketing-influenceurs/

https://www.franceculture.fr/emissions/hashtag/les-techniques-publicitaires-sont-beaucoup-plus-agressives-et-intrusives-quauparavant

https://www.telerama.fr/medias/sur-linstagram-darte-concert,-swipez-la-traviata,n6146529.php

https://www.anthedesign.fr/sociaux/stories-instagram/
https://www.ladn.eu/adn-business/news-business/actualites-media/igtv-stories-tendances-social-media-instagram-brand-content/

Pour Facebook, « l’avenir est privé »

Le groupe Facebook souhaite mettre fin à la morosité de ses dernières années et compte progresser vers un modèle beaucoup centralisé.

FACEBOOK, UNE PLATEFORME EN MAUVAISE POSTURE

Ces deux dernières années auront été particulièrement difficiles pour la firme Facebook, passées à essuyer les retombées entraînées par le scandale des data leaks, lors duquel les informations de 87 millions de comptes ont été piratées. Cette très mauvaise presse met depuis deux ans la firme et son PDG sous pression face à une forte détérioration de leur image et de la confiance accordée par leurs utilisateurs. À tel point que le cours de l’action a diminué de 30% depuis mars dernier.

Par ailleurs, de nouveaux entrants sur le marché des plateformes sociales viennent ajouter de l’incertitude à ses horizons stratégiques. Ce sont de nouveaux noms qui apportent un vent de fraîcheur auquel les générations les plus jeunes sont particulièrement réceptives : TikTok en est la manifestation la plus parlante avec ses 1,7 milliards d’utilisateurs mensuels. Par opposition, Facebook apparaît plus vieillissant et se retrouve une nouvelle fois confronté à un concurrent, très populaire auprès de la Gen Z et peut-être plus difficile à tenir à distance que Snapchat.

LES ÉCHANGES PRIVÉS, UN MARCHÉ PROMETTEUR

Mais en dehors de ces difficultés, d’autres signaux indiquent assez clairement des évolutions de marché auxquelles il convient de répondre pour rester en adéquation avec les utilisateurs et leurs modes de consommation. Comme l’a très justement remarqué Mark Zuckerberg, « l’avenir est privé » (Conférence F8, avril 2019). 

Et pour cause, les échanges privés ont pris une part grandissante dans les interactions des individus sur les réseaux sociaux. En effet, ce qu’on appelle le « dark social » constitue une majorité des contenus partagés : il s’élève en 2019 à 63% des flux d’informations échangées, du moins aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Il y a donc un désengagement avéré des échanges sur les supports publics, qui traduit un intérêt assez généralisé pour le respect de la vie privée. 

Cette tendance assez marquée pointe un manque à gagner du côté des marques dans leurs stratégie marketing : une grande partie des échanges entre utilisateurs leur échappent manifestement, échanges qui peuvent potentiellement concerner leurs goûts et comportements de consommateurs, comme le précise Chase Buckle, responsable des tendances pour GobalWebIndex : « Alors que les plateformes de médias sociaux publiques remplissent de plus en plus le rôle de sources de consommation de contenu, les plateformes de messagerie privée sont maintenant le lieu où des conversations et des recommandations significatives ont lieu entre pairs qui s’engagent activement les uns avec les autres. Le partage de contenu avec un grand réseau d’amis accumulé au fil des ans peut avoir une portée impressionnante, mais n’est rien comparé à l’environnement des messageries privées, qui est beaucoup plus propice à la confiance dans les recommandations ».

Il y aurait donc un intérêt non négligeable pour les marques qui communiquent via Facebook pour mieux affiner leur stratégie et s’adresser plus directement au consommateur, par des conversations et chatbots par exemple. Logiquement, c’est aussi une occasion pour une plateforme telle que Facebook de s’octroyer une place d’autant plus centrale dans son écosystème vis-à-vis de ces entreprises tierces.

D’UN CHANGEMENT DE PARADIGME À L’INTÉGRATION DES PLATEFORMES

C’est dans cette perspective que Mark Zuckerberg pousse pour un virage stratégique majeur, qui vient remettre en question l’identité même de Facebook. Le 6 mars 2019, il annonçait officiellement vouloir faire progresser Facebook vers l’interaction privée ou en groupes avec deux conséquences majeures : le regroupement de ses trois plateformes principales et le cryptage des conversations privées. Ce revirement s’inscrit dans une dynamique qui se rapproche du modèle de WeChat, la super-application du groupe Tencent qui rassemble une part colossale des achats en ligne et de la vie sociale digitale sur le marché chinois. Il s’agirait donc d’opérer une intégration de ses trois fleurons : Messenger, Instagram et WhatsApp. Bien entendu, ce rapprochement ne vise pas à fondre les trois applications en une seule : Facebook s’oriente vers une centralisation de la vie numérique de ses utilisateurs, certes, mais moins appuyée que dans le cas de WeChat. Les plateformes resteront en effet distinctes les unes des autres dans leur utilisation, en revanche le rapprochement se jouera sur leurs infrastructures respectives qui seront unifiées, ce qui implique de revoir entièrement tout un pan de leurs fonctionnements différents.

L’intérêt d’une telle entreprise réside dans l’agrégation de 2,7 milliards d’individus, qui pourront interagir entre eux d’une application à l’autre, grâce à la mise en place de passerelles pour faciliter la navigation sur l’ensemble des services du groupe. C’est pour le géant des réseaux sociaux un moyen de capter leur engagement dans un écosystème davantage verrouillé, à l’abri de ses concurrents. De cette manière, le groupe pourrait du même coup renforcer le contrôle sur ses filiales, tout en consolidant son emprise sur l’essentiel de la vie sociale digitale de ses utilisateurs. On pourrait y voir une volonté de s’enraciner un peu plus dans leur vie quotidienne à l’instar du Chinois WeChat. Favoriser les interactions privées, c’est-à-dire le trafic sur ses applications, est un terrain d’opportunité crucial pour augmenter ses revenus, notamment avec la publicité. Mais de surcroît, c’est un tremplin pour se diversifier avec le renforcement de services complémentaires et donc de nouveaux revenus (avec une nouvelle forme de e-commerce ou de transaction par exemple).

Les ambitions de Facebook vont-elles donc réellement se concrétiser ? Pas si sûr ! Les relations de Facebook avec ses deux plus grosses filiales s’étaient avérées assez houleuses ces dernières années. WhatsApp et Instagram y voient le danger d’une perte de leur autonomie qui leur était promise lors de leur acquisition, à tel point que leurs fondateurs respectifs ont claqué la porte en 2018. Mais les résistances proviennent également et plus récemment des pouvoirs publics. Le projet ne semble pas être du goût la FTC (Federal Trade Commission), un organe faisant autorité sur la régulation de la concurrence américaine. Celle-ci a émit de sérieuses réserves ces derniers mois quant à ce projet qu’elle perçoit comme anticoncurrentiel.

LA PROMESSE DU CRYPTAGE FACE À LA RÉALITÉ

La deuxième promesse du PDG de Facebook, le cryptage end-to-end, manifeste plutôt sa volonté de tourner la page du scandale des data leaks et assurer le respect de la vie privée dans l’infrastructure de ses services. Le but du cryptage end-to-end, qui consiste à rendre accessible les conversations privées uniquement aux interlocuteurs, serait de garantir un espace sécurisé par défaut et non de manière optionnelle (comme c’est le cas aujourd’hui). C’est bien le principe de privacy by design déjà présent dans l’architecture de WhatsApp qui serait appliqué à Facebook Messenger. Si l’accès aux échanges se réduit aux personnes impliquées dans une conversation, cela signifierait donc que Facebook lui-même n’aurait pas de droit de regard sur ces données, contrairement aux publications publiques. Se pose alors la question de son modèle économique, qui s’est jusqu’ici largement basé sur la collecte et la monétisation de données, et qui s’en trouverait inévitablement bouleversé. Pour l’instant, la firme ne semble pas avoir apporté plus de précisions à ce sujet…

Par ailleurs, le cryptage des échanges privés se heurte encore une fois aux pouvoirs publics (notamment américains) sur le plan de la sécurité, cette fois. De manière assez logique, rendre les conversations totalement hermétiques à toute tentative extérieure expose notre société à un certain nombre de menaces. La désinformation, tout d’abord, qui a marqué l’actualité politique de ces dernières années ne pourrait vraisemblablement plus être modérée et efficacement combattue, puisqu’elle passerait sous les radars. Mais d’autres menaces au moins aussi dangereuses sont à redouter : les contenus haineux ou violents, la propagande terroriste, la pédophilie et plus généralement les activités illicites. Ce sont tous ces comportements qui seraient encouragés à proliférer sur la plateforme, puisque bien moins exposés que sur un fil d’actualité public. Mais pour Facebook, l’enjeu de sécurité concerne aussi les citoyens face à des États, qui pourraient se montrer trop intrusifs, menaçant la liberté d’expression, sous prétexte de lutter contre la criminalité.

Enfin, cette éthique de privacy semble également peu cohérente avec les fortes inquiétudes de la part d’une de ses filiales quant à l’anonymat de ses utilisateurs. En effet, si le cryptage de Messenger permet plus de sécurité sur l’application elle-même, la relier avec WhatsApp fragiliserait lourdement les garanties de cette dernière en la matière. Ses utilisateurs, pour créer un compte, n’ont qu’à fournir un numéro, rien de plus, ni leur adresse, ni même leur nom. À l’inverse, Facebook regroupe de nombreuses informations sur l’identité des personnes y possédant un compte. Si des liens sont établis entre les comptes personnels des utilisateurs sur les deux applications, la garantie d’anonymat sur WhatsApp risque bien d’en être impactée. 

Il apparaît donc clair que passer d’un modèle d’interactions publiques à un environnement privé, ça ne va pas de soi. C’est tout une identité, une infrastructure, un cadré légal et une relation groupe-filiales qui est à revoir. Le parcours de la firme vers cet horizon présente encore de nombreux obstacles venant des pouvoirs publics américains, de son écosystème et plus profondément d’une vraie rupture stratégique, qui viennent apporter beaucoup d’incertitude quant au succès de la démarche.

Hugo Salameh

Références

Wall Street Journal : https://www.wsj.com/articles/ftc-weighs-seeking-injunction-against-facebook-over-how-its-apps-interact-11576178055

New York Times : https://www.nytimes.com/2019/01/25/technology/facebook-instagram-whatsapp-messenger.html

Washington Post : https://www.washingtonpost.com/technology/2019/03/06/facebooks-mark-zuckerberg-says-hell-reorient-company-towards-encryption-privacy/

Forbes : https://www.forbes.com/sites/zakdoffman/2019/10/06/is-facebooks-new-encryption-fight-hiding-a-ruthless-secret-agenda/#268770c75699

Les Échos : https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/facebook-envisage-un-messenger-100-crypte-1145953

La Réclame : https://lareclame.fr/tendances-digitales-2020-224558

La Réclame : https://lareclame.fr/wearesocial-globalwebindex-darksocial-216777

Slate : https://korii.slate.fr/tech/place-publique-salon-prive-recentrage-zuckerberg-revolution-facebook

Les millenials, cible définitivement perdue par les médias télévisuels français?

Alors que les 15-34 ans désertent de plus en plus la télévision, la consommant désormais moins de 2 heures par jour en 2018 (vs. 2h26 en 2017), les médias français ont été obligés de revoir leur stratégie marketing pour s’adapter aux nouveaux modes de consommation des millenials. En ligne de mire: le réseau social chinois Tik Tok. Présent dans 155 pays, avec 625 millions d’utilisateurs mensuels actifs dont 41% de moins de 25 ans, il revendique également 4 millions d’utilisateurs en France qui ont uploadés pas moins de 270 millions de vidéos sur l’année 2018-2019. 

Des débuts difficiles sur le réseau pour les médias traditionnels 

Différent de Snapchat ou Instagram qui sont aussi prisés par les jeunes, le but de Tik Tok est de publier de courtes vidéos (comme Vine l’a fait quelques années auparavant), de playbacks de chansons ou d’extraits de films, avec un montage dynamique. Il est possible de rajouter des effets et des filtres. Le succès de cette application a d’abord commencé en Asie où elle est née, grâce aux reprises des chorégraphies de K-pop. 

Au vu du succès de cette application qui a racheté son concurrent Musical.y en 2017, les grands groupes français ont tenté d’investir Tik Tok pour créer du contenu sur la plateforme. L’enjeu pour ces médias est de reprendre les codes de l’ADN de Tik Tok: un contenu énergique, propice au partage et au buzz sur fond musical. Les chaînes anglo-saxonnes ont été les premières à  utiliser l’application pour faire la promotion de leurs programmes via des challenges. A ce titre, NBC a lancé un challenge de danse pour promouvoir son programme Wolrd of Dance, et a cumulé 110 millions de vues en 24H. En revanche en France, si les médias digitaux comme Konbini ont compris l’éditorialisation des vidéos, les débuts des médias télévisuels français sont timides.

Seul le groupe NRJ en France a repris cette idée en adaptant ses campagnes marketing. Il a par exemple proposé aux utilisateurs de reproduire une chorégraphie du groupe Aome en tagguant NRJ afin de gagner un voyage. A contrario, des chaînes comme TF1 ou M6 ne font pas de contenu original et teasent leurs programmes (The Voice, Koh-lanta, Qui veut être mon associé…) via des vidéos que l’on retrouve sur les autres réseaux. Néanmoins en postant régulièrement, ces médias ont vu leur communauté grimper en un peu plus de 6 mois: +98% our TF1, +98% pour NRJ et + 2052% pour TFX grâce à ses programmes de télé-réalité, regardés majoritairement par les 15-25 ans. 

Des formats publicitaires spéciaux pour faire grandir son audience

Au delà de la création de contenu encore marginale pour les médias français, Tik Tok propose des formats publicitaires qui pourraient attirer ces derniers afin d’agrandir leur communauté et la portée de leurs publications. On trouve le « hashtag challenge », utilisé par NRJ qui est promu pendant 6 jours et permet de créer un effet boule de neige et atteindre des influenceurs avec de nombreux followers, mais également d’autres formats:

Le « in feed », qui va au sein du fil utilisateur, va l’inciter à télécharger une application (par exemple My TF1) ou bien diriger celui-ci vers un profil.  Cela serait alors un « fanbase booster » pour les chaînes, dont la notoriété pourrait être accrue plus facilement. De même, le « splash page », est une vidéo qui peut être lancée au moment de l’ouverture de l’application. Investir dans cers formats pourrait être bénéfique, puisque Tik Tok a annoncé vouloir massifier les campagnes et monétiser les audiences des influenceurs. A noter qu’au dernier trimestre de 2019, le réseau a enregistré 50 millions de dollars de revenus (soit +310% entre 2018 et 2019). 

Arrivée de la plateforme Quibi: opportunité ou menace? 

Un nouvel acteur pourrait donner du fil à retordre aux groupes français : Quibi. Cette plateforme de streaming dédiée au millenials va proposer des contenus originaux de flux et de fictions courts (10 minutes), uniquement sur mobile à partir d’avril 2020 pour un abonnement fixé à 5$ avec publicité. Si elle sera d’abord lancée outre-Atlantique, l’application devrait arriver en France quelques mois après. Avec 1 milliard de dollars levés, les créateurs ont déjà pu compter  entre autres sur Steven Spielberg pour écrire une nouvelle série d’horreur. Aux USA, Quibi a séduit les networks américains comme NBC qui produira du contenu d’information pour la plateforme. En France, l’arrivée de Quibi est à double tranchant: si le succès est au rendez vous, la plateforme pourra contribuer à l’abandon de la télévision linéaire par les jeunes. En revanche, elle peut être une opportunité pour les médias télévisuels d’investir sur un nouveau support en créant un contenu original adapté à l’audience de Quibi. Néanmoins, les groupes TF1, France TV et M6 vont se heurter aux investissements qu’ils ont fait pour Salto… 

En conclusion, les médias télévisuels français semblent ne pas saisir les opportunités qui s’offrent à eux pour capter l’audience des moins de 25 ans. Alors que Tik Tok pourrait être un support de promotion de leurs programmes grâce aux millions d’utilisateurs, la plupart des groupes se contentent de reprendre des vidéos éditées sur leurs autres réseaux sociaux comme Snapchat ou Instagram, ce qui limite l’originalité et le potentiel de partage. L’arrivée de nouveaux acteurs comme Quibi montrent que les investisseurs sont prêts à miser gros pour toucher la cible jeune, mais les médias télévisuels semblent dépassés par les effets de tendances et les nouveaux usages des millenials. 

Emma Dauvin

Jeux vidéo, les nouveaux réseaux sociaux?

C’est désormais établi : les jeux vidéo constituent une forme de média attirant un nombre grandissant d’individus, masculins mais aussi féminins, plutôt jeunes.[1] Le poids de l’industrie vidéoludique n’est pas négligeable : en France, les revenus issus des jeux vidéo et de l’e-sport devraient s’établir à $5.2 Mds d’ici 2023.[2] Ce « boom » du jeu vidéo a été porté en partie par la dématérialisation du jeu et l’apparition de plateformes dédiées rassemblant de plus en plus de monde. Avec les nouveaux acteurs du secteur que sont Twitch, Discord ou encore le phénomène Fortnite, on observe l’émergence du « jeu interactif ». Désormais, il s’agit de jouer, mais aussi de parler, écrire et/ou regarder les autres jouer, le tout en temps réel. Les plateformes de jeux vidéo ont donné naissance à de nouvelles façons de communiquer et parviennent à capter l’attention d’un public élargi, au-delà des « gamers ». Alors que les plateformes sociales « classiques » comme Facebook sont progressivement délaissées par les plus jeunes[3], peut-on considérer les plateformes de jeux vidéo comme les nouveaux réseaux sociaux ?

Le jeu vidéo, stimulateur d’interactions sociales

Les jeux vidéo disposent intrinsèquement d’une composante sociale. Ils génèrent des conversations dans des lieux physiques (cour de récréation, salons dédiés…) comme virtuels (par exemple au sein de forum généralistes ou spécialisés tels que jeuxvideo.com). 
Sur le plan des interactions sociales dans le cadre du jeu, un cap a été passé avec la mise en réseau du monde et l’émergence des jeux multi-joueurs. Des jeux comme World of Warcraft ou Minecraft poussent les joueurs à former des communautés virtuelles car le meilleur moyen de gagner dans ce type de jeu est de coopérer. Ces groupes sociaux se construisent sur la base d’intérêts partagés. Ils sont structurés autour de processus d’échange d’informations et de savoirs. Les joueurs y développent leurs propres langages. 

Parallèlement, on observe le développement d’outils de communication vocale ou textuelle permettant aux joueurs d’interagir.[4] Le chat vocal est privilégié pour la simple raison qu’il est bien plus pratique lorsque l’on a les mains occupées par des manettes. C’est aussi une forme de communication offrant un contact très spontané, plus direct que sur les réseaux sociaux « classiques ». De nombreux jeux intègrent ces outils directement sur leurs interfaces. Les joueurs utilisent aussi des logiciels d’audioconférence généralistes (Skype) ou adaptés aux jeux vidéo (Mumble, TeamSpeak). Dans cette lignée, le cas du logiciel Discord (lancé en 2015) est particulièrement intéressant. Discord se définit lui-même comme un « chat vocal et textuel tout-en-un gratuit, sécurisé, qui fonctionne sur PC et smartphone, et pensé pour les gamers ».[5] Toutefois, avec ses 250 millions d’utilisateurs et 850 millions de messages échangés par jour, Discord a réussi à attirer une population bien plus large. On y trouve désormais des groupes militants et politiques, des créateurs de contenus, mais aussi « des personnes lambda » qui viennent simplement s’y retrouver « pour parler de leur journée de cours ou s’échanger des mèmes ».[6] Ainsi, Discord se positionne comme un service à mi-chemin entre réseau social et chat, et tend à devenir une plateforme mainstream. 

Les constructeurs de consoles et éditeurs de jeux ont accompagné ce mouvement de socialisation en développant des plateformes permettant de faire des achats en ligne et jouer en réseau, mais faisant aussi office de réseau social. Ces services intègrent des fonctionnalités similaires à celles des réseaux sociaux « classiques », comme la possibilité d’ajouter des amis ou une messagerie instantanée. Le Playstation Network de Sony propose ainsi à ses 70 millions d’utilisateurs mensuels une variété de services de communication et de divertissement.[7]

Le live streaming donne naissance à de nouveaux réseaux sociaux

Les internautes passent de plus en plus de temps à regarder d’autres jouer en ligne.[8] Cette tendance est illustrée par la forte croissance du nombre de vidéos consacrées au gaming sur YouTube.[9] La plateforme Twitch s’est imposée comme principal service de streaming de jeux vidéo. Lancée en 2011, elle compterait en moyenne 15 millions de visiteurs par jour et a enregistré 9,36 milliards d’heures de visionnage en 2018 (contre 2,31 pour YouTube Live).[10] Twitch et ses concurrentes (dont Mixer, qui appartient à Microsoft) reposent sur les contenus produits par les utilisateurs. Ce sont des réseaux sociaux : on peut y retrouver ses amis ou d’autres individus partageant des centres d’intérêts similaires, s’abonner à des chaînes de vidéos, discuter avec les autres utilisateurs sur des chats. En 2019, Twitch a même acquis le réseau social Bebo, spécialisé dans l’organisation de tournois d’e-sport.  

Ces plateformes dépendent ainsi des effets de réseau. Par exemple, l’utilité que ses utilisateurs retirent de Twitch dépend du nombre de visionneurs (pour les streamers) et de streamers (pour les visionneurs). On retrouve également des enjeux liés à la notoriété des streamers. Comme sur YouTube, certains sont devenus des stars contribuant énormément à l’attractivité de la plateforme. 
Enfin, il convient de souligner l’intérêt porté par les médias d’information aux services de live streaming de jeux vidéo. Des éditeurs comme BuzzFeed ou The Washington Post développent des contenus sur Twitch pour être « là où les gens regardent des vidéos en ligne ». Cela renforce le sentiment d’une possible substitution entre une plateforme comme Twitch et les réseaux sociaux « classiques ». D’ailleurs, conscient que son retard sur ce créneau pourrait le priver d’une manne publicitaire, Facebook a lancé en 2018 « un programme pour recruter des joueurs professionnels sur sa plateforme vidéo ».[11]

Fortnite : le jeu devenu média social

Ces évolutions vers le jeu vidéo comme une pratique sociale se trouvent parfaitement illustrées à travers le cas de Fortnite, devenu phénomène de société. Selon Epic Game, qui le développe, Fortnite comptait 250 millions de joueurs fin février 2019. Il est intéressant d’observer son impact sur les autres pratiques médiatiques des utilisateurs (dont la majorité a entre 10 et 17 ans). Ses adeptes y consacreraient en effet 21% de leur temps libre. En conséquence, les autres formes de divertissement, notamment l’usage des réseaux sociaux, voient diminuer la part de temps qui leur est allouée.[12] Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce succès : la gratuité du jeu, son renouvellement constant, la possibilité d’y jouer sur tous les terminaux ou encore l’ouverture multiplateforme qui permet de jouer avec n’importe qui.  

L’impact de Fortnite sur le temps libre des joueurs

Les interactions sociales sont particulièrement développées dans Fortnite. 44% des joueurs américains considèrent que Fortnite les a aidés à se faire un ami en ligne.[13] Il s’agit typiquement d’un jeu où compte l’aspect coopératif. Le fait « d’ajouter » d’autres joueurs, comme on « ajoute » un ami sur Facebook, permet même d’obtenir des bonus.[14] De plus, les joueurs passent du temps à chercher armes et outils. Ces moments sont autant de temps morts durant lesquels ils discutent. C’est ici que Fortnite révèle son caractère de réseau social. Comme l’explique un joueur, « Fortnite est différent, parce que l’important ne réside même pas dans le fait de jouer : c’est un endroit où nous nous retrouvons tous ensemble ». Fortnite réussi ainsi là où Second Life (monde virtuel lancé dès 2003) a échoué. Il y a beaucoup d’autres choses à faire dans Fortnite que de jouer. Des événements virtuels et exclusifs sont régulièrement organisés au sein même du jeu. En février 2019, plus de 10 millions d’utilisateurs ont par exemple assisté à un concert en direct du DJ Marshmello.[15] Ce genre de propositions contribuent à faire de Fortnite un tiers-lieu, « un lieu de rencontre où les joueurs disposent d’une très grande autonomie pour mener les expériences qu’ils souhaitent ».[17] Ainsi, si le fondateur d’Epic Games considère encore Fortnite avant tout comme un jeu, il semble toutefois évident que ce produit possède le potentiel de devenir quelque chose de bien plus vaste.[18]

L’enjeu de la régulation

Pour finir, se pose la question de la régulation de ces plateformes de jeux vidéo. Comme les autres réseaux sociaux, elles font face à des enjeux spécifiques de monétisation, de modération des contenus problématiques ou encore de gestion des données personnelles. Malgré les belles histoires d’amitiés entre joueurs « qui ne se rencontreraient pas forcément dans la vrai vie », l’univers des jeux vidéo peut se révéler toxique. Par exemple, lorsqu’une « voix féminine se fait entendre, elle s’expose aux insultes et au harcèlement ».[19] D’autre part, dans le cadre du RGPD, « le traitement des données personnelles d’un enfant fondé sur le consentement » n’est pas licite lorsque l’enfant est âgé de moins de 15 ans. Epic Games s’est dédouané de toute responsabilité concernant le contrôle de l’âge des utilisateurs de ses jeux en arguant que celui-ci relève des plateformes d’inscription des joueurs. Le chinois Tencent a choisi une autre solution, en obligeant certains éditeurs à utiliser la reconnaissance faciale pour identifier les joueurs mineurs.[20]  

De manière générale, on sait que le régulateur a bien du mal à s’adapter aux plateformes numériques qui ont atteint une taille considérable en quelques années. Plusieurs textes visent à adapter le cadre juridique à ce nouveau paradigme. À l’aune du développement des plateformes de jeux vidéo et de leur tendance à dépasser les réseaux sociaux « classiques », on ne peut qu’inciter le régulateur à y porter une attention particulière. 

Agathe Charbonnel


[1] https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2019/12/20/au-secours-mon-enfant-est-accro-a-fortnite_6023616_4497916.html

[2] https://www.pwc.fr/fr/espace-presse/communiques-de-presse/2019/juillet/medias-et-loisirs-croissance-et-personnalisation-a-horizon-2023.html

[3] https://www.20minutes.fr/high-tech/2588139-20190826-pourquoi-ados-francais-desertent-autant-facebook

[4] https://linc.cnil.fr/fr/jeux-video-voix-et-reseaux-sociaux

[5] https://discordapp.com/

[6] https://www.meta-media.fr/2019/05/14/avec-plus-de-250-millions-dutilisateurs-discord-nest-plus-reserve-quaux-gamers.html

[7] https://www.playstation.com/fr-fr/explore/playstation-network/your-psn/

[8] https://wearesocial.com/fr/blog/2019/01/global-digital-report-2019

[9]  https://blog.pex.com/what-content-dominates-on-youtube-390811c0932d

[10] https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/streaming-twitch-bat-tous-les-records-961834

[11] https://www.telerama.fr/medias/twitch,-la-plateforme-de-streaming-de-jeux-videos-qui-fait-monter-ladrenaline,n5567303.php

[12] http://www.netimperative.com/2019/06/is-fortnite-becoming-the-next-big-social-network/

[13] https://www.bondcap.com/report/itr19/

[14] http://www.jeuxvideo.com/news/1140462/les-jeux-video-nouveaux-reseaux-sociaux-majeurs.htm

[15] https://www.begeek.fr/le-concert-de-marshmello-sur-fortnite-est-le-plus-gros-evenement-du-jeu-a-ce-jour-308100

[16] https://www.lefigaro.fr/cinema/une-scene-exclusive-de-star-wars-ix-devoilee-sur-fortnite-20191215

[17] https://signauxfaibles.co/2018/12/26/pourquoi-il-faut-serieusement-sinteresser-a-fortnite/

[18] https://www.millenium.org/news/355140.html

[19] https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2019/12/22/yannick-rochat-fortnite-est-un-espace-de-liberte-loin-des-parents_6023795_4497916.html

[20] https://linc.cnil.fr/fr/jeux-video-voix-et-reseaux-sociaux

Plateformisation des médias : nouveaux défis pour les éditeurs

Une page se tourne dans l’histoire mouvementée des médias à l’ère numérique. Les médias traversent actuellement une période de changement drastique, symptomatique de la révolution du mobile. En moins de cinq ans, la migration des audiences sur le mobile a renversé le rapport de force entre les éditeurs et les plateformes sociales qui distribuent leurs contenus. Désigné par le terme anglais « distributed content », l’expression française est encore plus parlante : la transformation des médias trouve sa suite dans la « plateformisation » des contenus, phénomène selon lequel le succès d’une marque média dépend de sa capacité à distribuer habilement ses contenus hors de son site, sur une multiplicité de plateformes. Les plateformes dont il est question sont bien connues : il s’agit principalement de réseaux sociaux comme Facebook, Snapchat, Instagram, Twitter ou Periscope, d’applications de curation de contenu comme Apple News ou Flipboard, d’applications de messagerie (Viber ou Wechat par exemple) ou de solutions d’intégration de vidéos. Des médias tels que MinuteBuzz en France ou NowThis aux États-Unis capitalisent sur les nouveaux usages en distribuant 100% de leurs contenus via une trentaine de plateformes fédératrices d’une audience mondiale, sur lesquelles nous passons une partie considérable de notre temps. Chacun de ces nouveaux canaux de distribution met en place des technologies pour conserver cette large audience dans son environnement applicatif, au détriment des sites web des éditeurs de contenus. Un tour de passe-passe qui plonge les médias dans une ère où le site web n’est désormais plus le centre de gravité d’une marque média. Quel impact sur l’industrie de contenus ?

Une audience mouvante rendue captive par les plateformes sociales

L’argument principal des réseaux sociaux tient en deux mots : « user first ». Une expérience de lecture optimisée pour le mobile, un temps de chargement significativement réduit, des formats publicitaires maîtrisés et parfaitement intégrés, telle est la logique invoquée par les plateformes sociales pour justifier la mise en place de leurs outils à destination des éditeurs de contenus. De plus, ce mode de consommation est assez naturel, étant donné que les utilisateurs passent déjà une grande partie de leurs temps sur ces plateformes. L’intégration directe des contenus ne fait qu’uniformiser l’expérience. Aux articles, on préfère désormais des formats vidéo courts, basés sur l’émotion, propices à la consommation sur les réseaux sociaux. Les formats live et les productions originales se multiplient également. Ces formats intégrés au sein même des plateformes pourraient devenir une norme pour les médias : Facebook a mis au point les Instant Articles pour permettre aux éditeurs d’héberger leurs contenus directement sur le réseau social, et leur promettant de distribuer leurs contenus là où l’audience se trouve. Snapchat avec Discover, touchant la cible si convoitée des 15-34 ans, distribue les contenus des médias

sélectionnés au sein de sa plateforme, sous des formats repensés pour le réseau social. Google est également dans la course, en développant AMP (Accelerated Mobile Pages), un format allégé, qui à défaut d’être une plateforme sociale, devient un standard à adopter par les éditeurs pour figurer en bonne position sur les résultats de recherche via Google. On pourrait citer encore beaucoup d’autres exemples illustrant ce phénomène de désintermédiation entre marques médias et utilisateurs. En s’appuyant sur leurs audiences colossales pour convaincre les éditeurs, et en proposant aux mobinautes de consulter des contenus dans les meilleures conditions possibles sans être redirigés sur les sites des médias, les plateformes sociales réussissent progressivement à s’accaparer une partie de l’activité de distribution des contenus, et à rendre captive une audience réputée pour sa volatilité et son insubordination.

La question de la monétisation : vers la dépendance économique des médias ?

Le phénomène de plateformisation a ses conséquences : les éditeurs, privés d’une part importante du trafic sur leur sites web, deviennent rapidement le « maillon faible » dans la chaîne de valeur des médias numériques. En effet, qui dit perte de trafic dit perte de valeur aux yeux des annonceurs, entraînant la fragilisation de leur modèle économique reposant pour la grande majorité sur la publicité.

Et les régies des médias dans tout cela ? Elles sont peu à peu supplantées par celles des réseaux sociaux, qui sans les contraindre, les incitent fortement à passer par elles pour une optimisation et une intégration des formats synonymes de meilleures performances. Cela signifie néanmoins, de leur céder un pourcentage variable des recettes publicitaires. Les médias perdent donc progressivement la main sur leur audience, et sur la valeur économique qui leur est associée. Rappelons que Google et Facebook captent plus de 54% des recettes publicitaires mondiales selon les dernières estimations. La conquête de nouveaux lecteurs passe-t-elle donc nécessairement par la dépendance économique envers ces titans du digital ? Souffrant déjà du phénomène des adblockers, l’industrie des contenus en ligne peut aujourd’hui difficilement se passer de l’exposition que leur offre ces gigantesques canaux de distribution.

L’enjeu de la mesure

Une des difficultés majeures à l’ère de la plateformisation des médias est de récolter, traiter et analyser une quantité de mesures différentes provenant de plateformes différentes aux audiences différentes. Passée la première étape de récupération des données via les API des canaux de distribution, comment les analyser sans mesure commune ? Cette dispersion de la data sur des plateformes ayant souvent des définitions différentes d’un même indicateur implique de considérer la mesure de la performance autrement : moins se concentrer sur un total de vues quand on sait qu’une vue peut être comptabilisée à 3 secondes chez les uns et à 1 seconde chez les autres, et se focaliser davantage sur la couverture totale, l’interaction et le fait de toucher à chaque fois de nouveaux utilisateurs. À cela s’ajoute des rapports de mesure d’audience fournis moins régulièrement que par des instances tierces comme Médiamétrie. MinuteBuzz, le premier média européen à avoir opéré sa transformation en média 100% plateformes sociales et 100% vidéo, a suspendu son abonnement chez Médiamétrie et fonctionne désormais sans leur rapport quotidien. Le média ne raisonne donc plus en visites uniques mais en nombre de vidéos vues et en taux de complétion. Néanmoins, ce manque de standard de mesure sur toutes les plateformes complexifie les modèles d’attribution, et a donc un impact sur la monétisation.

La plateformisation des contenus, un phénomène ne pouvant plus être ignoré

Certes, l’adaptation à cette perte de contrôle sera douloureuse pour les entreprises qui ne repenseront pas rapidement leur business model dans le sens d’une distribution multi- plateformes. Mais comme lors de toute transformation de l’industrie, un temps de latence est nécessaire pour définir clairement les règles du jeu, notamment en termes de mesure, d’attribution et de monétisation. Enfin, toute transition de l’industrie offre des opportunités à saisir. Les médias pourront miser sur les options de ciblage toujours plus fines offertes par leurs hébergeurs pour augmenter leur notoriété, repenser une stratégie de contenu adaptée à chacune des plateformes, et redéfinir le rôle de leur site web, avant d’obtenir des réponses aux nombreuses questions qui se posent. D’ici là, l’Internet ne cessera pas de changer de visage.

 

Mariana Durandard
@Mariana_Drd

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