Le rôle des femmes dans les médias : un combat loin d’être achevé

Une du Parisien – 5 Avril 2020

C’est drôle on dirait qu’il n’y a que des hommes… Ah mais oui, il n’y a pas de femme dans “le monde d’après”, j’avais oublié…
Étrange, dans la rue j’ai l’impression de voir autant d’hommes que de femmes. 
C’est bon j’ai compris, ils se sont trompés, mais bon une fois de plus, une fois de moins, c’est pas si grave. 
Si en fait c’est assez grave et c’est entre autres à cause de cette couverture du Parisien qu’un rapport sur la place des femmes dans les médias en temps de crise a été commandé par plusieurs ministres en avril 2020

Retraçons le temps d’un article l’histoire des femmes dans les médias et voyons où nous en sommes aujourd’hui et notamment dans le contexte actuel de crise sanitaire. 


Histoire

Pendant longtemps le travail de journaliste était réservé aux hommes. Si les femmes ont pu un jour percer ce milieu c’était en tant que femme pour parler aux femmes de “thématiques de femmes”…
En 1880, le premier journal “féministe” apparaît. Marguerite Durand crée La Fronde, entièrement dirigé par des femmes. Certains noms comme ceux de Dick May et Nelly Bly ont marqué les esprits, l’une pour la création de l’école des hautes études sociales, l’autre en tant que première journaliste d’investigation. 

Couverture du journal La Fronde,
Premier journal entièrement composé de femmes.

Cependant jusque très tard, très peu de femmes avaient accès à des rôles importants au sein de la presse. « En 1930, elles ne représentent que 2% de la profession. En 1950, elles sont 5%. Puis en 1960 : 15% ». Depuis les années 60 le combat a été de ne pas rester cantonnées aux sujets féminins mais d’aborder la société dans son ensemble.

Récapitulatif des décrets et déclarations en faveur des femmes dans les médias


Dans les années 80, beaucoup d’initiatives sont mises en place, et d’associations créées, mais les chiffres évoluent lentement (Années 80 – 25% de journalistes femmes, 1997 – 38%). Les années 2000 sont marquées par une forte évolution de la place des femmes et de leur présence dans les médias, à la fois dans la représentation (métiers, reportages, fictions…) ainsi que dans les administrations. Mais la crise sanitaire actuelle a soulevé certaines questions concernant la place donnée aux femmes en temps de crise et c’est ce que nous allons décrypter.



Le rapport

Le 5 Avril dernier, la couverture du Parisien (ci-dessus) nous explique le monde d’après selon les hommes. Cette “erreur” va pousser la commande d’un rapport sur la place des femmes dans les médias en temps de crise. 

Après une grande enquête de plusieurs mois par la député Céline Calvez, le constat est le suivant, la représentation des femmes dans les médias pendant la crise sanitaire s’est fortement dégradé, partant d’une base (2019) déjà pas très solide.

Mars 2020 : moins de 10% d’expertes sur les journaux télévisés (un moyen d’information particulièrement prisé pendant la période de confinement), contre 35% en temps normal. 



Avec l’aide de l’INA via plusieurs outils, le rapport a pu s’appuyer sur des statistiques, obtenues par l’analyse des bandeaux d’incrustation (poste ou titre des intervenants), ainsi que par leur intelligence artificielle, afin de calculer le temps de parole des femmes par rapport à 2019. De même, le CSA a participé à la récolte de données afin de réaliser les statistiques nécessaires. Avec ces analyses des bandeaux d’incrustation, au-delà du temps de parole “pur”, on constate que les femmes ont des titres moins importants que ceux des hommes, et notamment lorsque l’on traite d’expert.e.s.

Du côté des organisations, nous retrouvons le même problème, les femmes sont moins présentes dans les postes à responsabilité, et ce, notamment dans les postes éditoriaux.

Certains ont estimé que dans une période comme celle-là l’égalité des genres n’était pas une priorité, mais c’est justement dans ces moments-là que le monde de demain se construit, que les enfants sont exposés à des représentations et qu’il faut leur montrer l’étendue des possibilités d’avenir pour chacun. La question de la responsabilité des médias se pose évidemment dans ce contexte, faut-il montrer les inégalités ou au contraire, les combattre et représenter un monde plus égalitaire que celui dans lequel nous vivons ? Si parmi les solutions, les quotas dans les administrations sont respectés, la réalité devient le modèle à représenter. 

Plusieurs préconisations ont donc été proposées, et ce, au-delà du seul cadre de la crise sanitaire. 


Les propositions

Les outils et la mesure 

Il faut mesurer à l’aide des outils dont les différentes administrations disposent.

  • Ina speech segmenter, IA pour analyser des heures de médias, différence entre tessiture homme et tessiture femme. 
  • Paritomètre (journal suisse, Le Temps), le nombre de fois où un homme ou une femme est cité. A la disposition des autres médias, en open source. 

Le contenu

D’autre part, il est important de faire intervenir de manière égale les hommes et les femmes sur tous les sujets, et ne pas laisser les thématiques « plus fortes » aux hommes.

Extrait du rapport : Seulement 2,42% des articles de l’Équipe (version papier) ont été consacrés aux conséquences de la Covid-19 sur le sport au féminin, entre le 14 mars et le 10 mais 2020. (…) Le 31 août 2020, au lendemain de la septième victoire de l’Olympique Lyonnais Féminin en ligue des Champions, l’Équipe décidait de consacrer les ¾ de sa Une au cycliste Julian Alaphilippe – qui s’imposait sur une étape du tour de France – avec un simple bandeau pour l’exploit de l’équipe de football féminin.”

Incitation

La mise en place de bonus ou de malus à l’égard des éditions et administrations en fonction du respect de l’égalité, et une meilleure sensibilisation du public et des entreprises sur ce sujet afin que tout le monde se mobilise, sont de bons accélérateurs (rapports réguliers, missions d’éducation ou encore création de nouveaux indicateurs).  Le CNC est un exemple à suivre dans le domaine du cinéma, puisqu’il accorde une aide automatique de 15% supplémentaire pour les films dont les équipes de tournage sont paritaires. 

Surveillance

De plus, au delà de l’amont, de l’administration et de la représentation chiffrée, il est nécessaire de surveiller le “résultat produit”, les clips musicaux sont pour certains de bons exemples de dégradation de l’image des femmes, ils ne peuvent en aucun cas bénéficier d’aide, il faut donc aussi mettre en place un contrôle à posteriori

Clip Blurred lines – objectivation des femmes

Encourager

De bonnes initiatives sont mises en place, comme le site les expertes qui recense plus de 3000 expertes afin de montrer aux administrations qui se justifient en arguant qu’il y a peu de femmes expertes, qu’il en existe finalement beaucoup. 

Éduquer

Il est important d’insister sur le rôle des médias dans l’éducation des enfants ainsi que dans la sensibilisation de manière générale, vis-à-vis du public de tout âge. La représentation de la société dans les médias doit montrer le champ de possibilité d’avenir, de spécialités, d’intérêts ou encore de passions pour toutes les petites filles et tous les petits garçons. Au-delà de ce que les enfants peuvent voir, il est nécessaire pour tous d’entendre la diversité des points de vue, qui passe notamment par la diversité des profils et ce pas seulement par le genre, mais aussi par toutes autres formes de minorité ou de diversité. 

Si les femmes n’interviennent pas toujours, cela peut aussi être dû à un manque de confiance en elle ou à une peur de non-légitimité, il faut donc aussi mettre en place des formations pour aider les femmes à ne pas développer le syndrome de l’imposteur.

La représentation dans la culture 

Les femmes du monde du cinéma au festival de Cannes 2018

Une des préconisations du rapport est d’adapter le test de bechdel à d’autres types de programmes comme les reportages, les émissions de plateau ou les interviews, en utilisant d’autres critères et en visant d’autres cibles. (le test de bechdel “ vise à mettre en évidence la surreprésentation des protagonistes masculins ou la sous-représentation de personnages féminins dans une œuvre de fiction”)

De la même manière, la fiction, au cinéma, à la télévision, dans les livres ou les BD par exemple, joue un rôle très significatif dans la représentation du monde et l’environnement direct côtoyé par les enfants, entre autres. Les BD Culottées (Pénélope Bagieu) sont des exemples parfaits permettant à tous et toutes d’envisager de nouveaux modèles, un peu oubliés dans l’histoire.

Il reste encore un bout de chemin à parcourir avant d’atteindre une égalité « parfaite », mais les propositions évoquées et les initiatives lancées nous permettent d’espérer.

“Olympe de gouge : la femme à le droit de monter sur l’échafaud, elle doit également avoir le droit de monter à la tribune. “ Citation de Céline Calvez lors de la remise du rapport.

Valentine Daruty

Sources

Vidéo et publication rapport sur la place des femmes dans les médias en temps de crise.
http://videos.assemblee-nationale.fr/video.10129936_5ffeadbf95c2c.commission-des-affaires-culturelles—rapport-sur-la-place-des-femmes-dans-les-medias-en-temps-de-c-13-janvier-2021

https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Rapports/Rapport-sur-la-place-des-femmes-dans-les-medias-en-temps-de-crise

La représentation des femmes dans les médias audiovisuels pendant l’épidémie de Covid-19
https://www.csa.fr/Informer/Collections-du-CSA/Observatoire-de-la-diversite/La-representation-des-femmes-dans-les-medias-audiovisuels-pendant-l-epidemie-de-Covid-19

L’évolution de la place des femmes dans les médias
https://omagazine.fr/levolution-de-la-place-des-femmes-dans-les-medias/

Le CNC présente le premier bilan de son bonus pour la parité des équipes de tournage
https://www.cnc.fr/professionnels/actualites/le-cnc-presente-le-premier-bilan-de-son-bonus-pour-la-parite-des-equipes-de-tournage_992733

Chronologie des droits des femmes
https://www.vie-publique.fr/eclairage/19590-chronologie-des-droits-des-femmes

Mesurer la place des femmes dans les médias, et après ?
https://larevuedesmedias.ina.fr/mesurer-la-place-des-femmes-dans-les-medias-et-apres

Cinéma Comment les inégalités hommes-femmes au cinéma influencent nos comportements
https://www.lesinrocks.com/2019/10/09/cinema/actualite-cinema/que-nous-apprend-letude-qui-analyse-comment-les-inegalites-homme-femme-au-cinema-faconnent-le-comportement-des-jeunes-femmes/

Les femmes dans les médias – Brigitte Grésy
https://www.youtube.com/watch?v=hxuX3MyU1GU

L’époque des salles de cinéma bientôt révolue ?

Source : wallpapertip

Après avoir fermé leurs portes pendant plus de 100 jours durant le printemps dernier, les salles de cinéma ont de nouveau été contraintes de baisser le rideau le 30 octobre 2020, et ce pour une durée toujours indéterminée. Pendant plus d’un tiers de l’année passée, l’ensemble des cinémas aura été fermé, une première depuis la création du 7ème art sur le territoire français. 

Aucun scénario n’aurait pu prédire la période inédite que nous vivons aujourd’hui et qui a profondément bouleversé l’industrie du cinéma, et plus largement le secteur de la culture. L’année 2020 a également connu le développement du streaming, avec notamment l’augmentation du nombre d’abonnements et l’arrivée sur le marché de la nouvelle plateforme Disney+. L’expérience des salles de cinéma et celle de la vidéo à la demande sont-elles compatibles ? Les décisions récemment prises par les grands studios américains, comme Warner ou Disney, condamnent-elles l’exploitation en salles ? Il est actuellement difficile d’apporter des réponses évidentes à ces interrogations, et donc un peu de prospective semble de mise pour tenter d’éclaircir l’avenir.

L’opposition de deux modèles très différents : les États-Unis et la France

D’un côté, la France possède un modèle de production relativement vertueux rythmé par une chronologie des médias rigoureuse, à laquelle s’ajoutent les aides du CNC et d’autres organismes de financement spécialisés, comme Coficiné, censés permettre à l’ensemble des maillons de la chaîne d’exister, dont les exploitants indépendants qui disposent de moins de moyens. De l’autre, les États-Unis semblent privilégier la politique du « chacun pour soi », en délaissant les salles de cinéma, dans la précarité, au profit des plateformes.

Source : DFCG

La situation est dramatique aux États-Unis. Fin septembre, après 6 mois de lutte contre la pandémie, Hollywood a publié un appel à l’aide au niveau du gouvernement fédéral en expliquant que sans aides financières, l’industrie du cinéma pourrait ne pas survivre. Aujourd’hui, 70% des exploitants de petites et moyennes salles sont menacés de faillite et 93% des exploitants de salles ont vu leurs revenus plonger de 75% et plus depuis le début de la crise. L’industrie emploie 150 000 personnes, dont beaucoup travaillent à temps partiel, si bien que les deux tiers des emplois sont menacés. Au mois de décembre dernier, la chaîne AMC Theaters, figurant dans le top 3 des plus gros circuits de salles aux États-Unis, a annoncé être à cours de liquidités et au bord de la faillite. Pour cause, sur leurs 598 salles, 494 ne fonctionnaient qu’avec une capacité de 20 à 40%.

Différentes stratégies ont alors été élaborées par les grands studios américains, mais sauver les salles de cinéma ne semble pas avoir fait partie de leurs priorités… En effet, la Warner a pris la décision de sortir l’ensemble de ses films de 2021 simultanément au cinéma et sur HBO Max pendant 1 mois, délai après lequel ils seront retirés de la plateforme pour être exclusivement diffusés en salles. La société Disney, quant à elle, a préféré dévoiler MulanSoul, et bientôt Raya et le Dernier Dragon, uniquement sur Disney+. Les productions américaines semblent ne plus vraiment compter sur le système des salles. Ces choix vont inéluctablement changer les modes de production de l’industrie hollywoodienne. En effet, par exemple, la série The Mandalorian, diffusée sur Disney+, étant un véritable succès, pourquoi investir 200 millions de dollars dans un blockbuster comme Wonder Woman, destiné aux salles, alors que 10 épisodes de The Mandalorian pourraient être produits grâce à cette somme ? 

On peut alors légitimement se demander si les salles de cinéma américaines ne projetteront bientôt plus que des films indépendants ou désireux de continuer la course aux Oscars. Par ailleurs, entre HBO Max, Disney+ ou encore Apple+, l’univers des plateformes n’a jamais été aussi fourni, mais à raison d’environ 10 euros par abonnement, pas sûr que les consommateurs puissent souscrire à l’ensemble des offres, là où les abonnements de certaines salles françaises peuvent ne coûter guère plus d’une vingtaine d’euros, à l’instar des cartes UGC ou Gaumont-Pathé, et ce pour un accès illimité. Ce système n’existant pas aux États-Unis, les plateformes y sont plus que jamais sollicitées, afin que le stock de gros films soit écoulé. 

Source : JournalDuGeek

En France, difficile d’imaginer cette stratégie, puisque la chronologie des médias en vigueur n’autorise pas ce système de sortie simultanée des films en salles et en streaming. Le problème qui se pose cependant est de savoir quel serait l’intérêt pour un distributeur français de montrer en salle un film américain susceptible d’être piraté des milliers de fois, du fait de sa présence en ligne. Dans l’Hexagone, bien que certains films aient été vendus aux plateformes, comme Bronx et Forte à Netflix ou encore Brutus vs César à Amazon Prime, ceux-ci sont minoritaires. En outre, 700 films sortent chaque année sur le marché français, soit parfois 15 par semaine, ainsi pourrions-nous émettre l’hypothèse suivante : certaines œuvres ne devraient-elles pas sortir uniquement en e-cinéma, afin que les salles privilégient les films que le public a réellement envie de voir ? Pour Patrick Fabre, directeur artistique du Festival de Saint Jean-de-Luz, le cinéma français est capable d’évaluer quel support serait le plus approprié pour une œuvre donnée. Il prend ainsi l’exemple du film Claire Andrieux, réalisé par Olivier Jahan et diffusé sur Arte, dont le succès n’aurait probablement pas été aussi important s’il était sorti en salles, hors pandémie. 

Peut-être faut-il accepter les évolutions du système et en tirer profit, comme les salles se sont servies de l’absence de films américains pour justement capitaliser sur le cinéma national, et peut-être rééduquer les spectateurs pour continuer à les faire venir.

Les gens aiment toujours aller au cinéma…

À partir du mois de septembre dernier notamment, les salles françaises ont su attirer un public important, et ce sans films américains. Cette évolution encourageante a pu être observée dès juillet 2020 : avec une part de marché de 53% pour les films français à l’été 2020, ceux-ci ont augmenté de 13% leurs entrées par rapport à l’année passée, récompensant ainsi les producteurs et distributeurs français qui ont sorti leurs films malgré les risques et qui ont pu profiter des salles initialement prévues pour la diffusion d’œuvres américaines. Les films d’auteur français sont ainsi restés plus longtemps à l’affiche, à l’instar d’Antoinette dans les Cévennes, réalisé par Caroline Vignal, qui a fait un meilleur score qu’escompté avec plus de 500 000 entrées. En moyenne, 54% des distributeurs français ont enregistré une progression de leurs films à l’été 2020 par rapport à l’été 2019.

Constat similaire pour Adieu les cons, film d’Albert Dupontel sorti au cinéma le 21 octobre 2020, qui a cumulé plus de 600 000 entrées en moins de 10 jours d’exploitation. C’est bien la preuve qu’aujourd’hui encore, le public est attiré par un cinéma français de qualité. Les gens ont besoin de s’aérer, de s’oxygéner, et ils ont prouvé leur affection pour la salle, de quoi redonner un peu d’espoir à cette industrie dans ce ciel bien noir… 

… Mais l’industrie doit se diversifier et évoluer

La France compte aujourd’hui plus de 2000 cinémas, soit 6000 salles, toutes paralysées depuis de longs mois par la crise. Parties intégrantes de la culture française, la population est profondément attachée à ses salles de cinéma qui participent au rayonnement international du pays.

Source : La Croix

Si rien n’est fait, tant du côté des exploitants que du gouvernement, il est probable que certaines salles de cinéma, et notamment les plus modestes, soient vouées à fermer. Ainsi, Sophie Dulac, présidente de la structure Maison du Lac, productrice, distributrice et exploitante de salles à Paris, estime que la diversification est l’une des clés qui permettraient d’assurer la pérennité des salles de cinéma. En effet, pour elle, la priorité doit être de considérer ces salles comme des lieux culturels, en ce sens qu’il faudrait imaginer pouvoir y diffuser, comme certains exploitants le font déjà, autre chose que du cinéma (opéra, théâtre, danse…), même si celui-ci doit rester prioritaire, afin également d’attirer un public plus jeune dans les salles obscures. 

En résumé, plateformes et salles de cinéma sont-elles compatibles ? De toute évidence, oui. D’abord, les abonnés récemment cumulés par ces services ne sont peut-être pas forcément des habitués du cinéma, ensuite, pour Sophie Dulac, « aller au cinéma est aujourd’hui un acte militant » auquel beaucoup sont vraisemblablement prêts à participer. 

Source : Le mag Seine-Saint-Denis

Comment les films en attente vont-ils sortir ? 

En 2021, est prévue une arrivée massive de blockbusters américains, risquant de laisser peu de place aux films français. Comment éviter l’embouteillage ? Certains films pourraient sortir directement sur les plateformes, mais à côté, les exploitants de salles devront résister aux conditions des studios américains, qui les ont visiblement oubliés pendant la pandémie, et ne plus diffuser systématiquement leurs films. Même si ce n’est pas évident, l’industrie française doit à présent imposer ses propres règles, afin de valoriser le cinéma national et mondial, y compris (mais plus seulement) hollywoodien.

« Il faut croire à la magie. Lorsque le monde ne cesse d’empirer, on a besoin de magie. »

Steven Spielberg

Victor ALRIC

Sources

  • Publication du ministère de la culture : impact de la crise du Covid-19 sur les secteurs de l’audiovisuel et du cinéma, mai 2020 : www.culture.gouv.fr > Media > Medias-creation-rapide
  • À l’heure du coronavirus, les plateformes de streaming se placent en sauveurs des studios de cinéma, 27 juillet 2020, La Dépêche: https://www.ladepeche.fr/2020/07/27/a-lheure-du-coronavirus-les-plateformes-de-streaming-se-placent-en-sauveurs-des-studios-de-cinema- 8996496.php
  • Disney : après Mulan et Soul, ce nouveau gros film sortira sur Disney+, 11 décembre 2020, Hitek : https://hitek.fr/actualite/disney-nouveau-film-disneyplus_26041
  • Warner Bros : tous les films 2021 seront diffusés en salles ET en streaming, 4 décembre 2020, Allociné : https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18695097.html
  • Les salles de cinéma sont-elles menacées de disparition ? Notre débat en podcast, 27 novembre 2020 : https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18694715.html

Google Maps devient-il un réseau social ?

Google Maps : de la simple application de navigation au réseau social de proximité ?

            La puissance du géant du web Google n’est plus à débattre. Des smartphones à la publicité digitale, en passant par la santé, l’aire de jeu de la firme de Mountain View est vaste. L’un de ses terrains de prédilection est la cartographie et la navigation du fait du très populaire Waze, mais surtout de l’incontournable Google Maps. Selon un article paru dans Les Echos, l’application, lancée en 2005, représentait 67% du marché états-unien, en 2018. Le service a connu de nombreuses évolutions telles que la possibilité de personnaliser ses cartes, réserver une table dans un restaurant, et même trouver une trottinette électrique en location. Au cours de son existence, le service a agrégé de nombreuses données de déplacement et est passé d’un simple outil cartographique à une plateforme dédiée à la mobilité. Sa croissance ne semble pourtant pas terminée. Le journal Les Echos rapporte qu’un analyste de Morgan Stanley a estimé le chiffre d’affaires à 2,95 milliards en 2019 et qu’il atteindrait 11 milliards en 2023. La dernière mise à jour remet en question le positionnement de l’application au milliard d’utilisateurs actifs mensuels (chiffres du JDN). Google Maps semble encore évoluer et faire un pas supplémentaire vers l’univers du « social ». Désormais, un utilisateur dispose d’un profil et peut s’abonner à un compte tiers sur le même modèle qu’un réseau social traditionnel. 

Des fonctionnalités qui reprennent les standards des réseaux sociaux

            Le fil d’actualité est une fonctionnalité incontournable pour un réseau social. Il est maintenant présent sur Google Maps et constitue une véritable avancée pour l’application. Dans l’onglet « Découvrir », le fil propose les derniers ajouts d’utilisateurs ou des commerces de notre zone géographique. L’ajout du bouton « J’aime » s’avère utile pour réagir à un poste. De son côté, l’onglet « Actualités » informe, entre autres, des nouveautés (comme les restaurants récemment ouverts), mais il recommande aussi des Local Guides et permet de s’y abonner.

Exemple d’une page de l’onglet « Découvrir » de Google Maps (Capture d’écran)

            Par ailleurs, Google travaille depuis longtemps à développer une véritable communauté avec les Local Guides. D’après un article de l’entreprise Partoo, il s’agit d’un statut attribué à un utilisateur qui remplit certains critères. Via un système de points et de niveaux, l’individu est incité à générer du contenu sur la plateforme (commentaires, notes, photos, suggestions, etc). Plus l’utilisateur est actif, plus il obtient de points, et gagne des avantages comme une plus forte visibilité de ses postes. Selon Guest Suite et Google, le nombre de Local Guides dans le monde a atteint 120 millions en 2019. La firme de Mountain View n’y est pas pour rien dans cette croissance. Elle a entretenu un lien étroit avec ces utilisateurs, notamment grâce à un rendez-vous annuel nommé « Local Guide Summit ». Par ce biais, Google peut encourager l’engagement de ses Local Guides dont les contributions sont précieuses pour maintenir les informations de la plateforme à jour. 

         Avec sa dernière mise à niveau, Google Maps réitère sa confiance auprès d’eux. Avec les pages profils et la possibilité d’avoir des « followers », le service ne veut plus seulement développer une communauté de Local Guides mais plutôt encourager la création de communautés autour de ces derniers. Par conséquent, le nouveau système se rapproche du principe des influenceurs qui existent sur les réseaux sociaux connus.

Quelle utilité pour Google ?

            Alors que l’application est actuellement associée à un usage de recherche de lieu et de déplacement, elle pourrait bientôt devenir l’endroit idéal pour découvrir le nouveau restaurant tendance ou le fromager tant recherché dans son quartier. Ainsi, la nouvelle utilisation serait radicalement différente. En plus d’offrir des fonctionnalités uniques comme Street View, la partie sociale de l’application fidéliserait les utilisateurs et serait un argument supplémentaire en faveur de Google Maps. Cette fidélité ne serait plus forcément liée à des fonctionnalités pratiques, mais à une utilisation plus émotionnelle liée à l’attachement à d’autres internautes. Ce changement d’usage constituerait donc une source de différenciation forte vis-à-vis de ses concurrents.

            De plus, développer l’engagement signifie multiplier les contributions des utilisateurs qui alimentent la plateforme et assurent la pertinence des informations affichées. Par exemple, les internautes peuvent suggérer des modifications sur une fiche Google My Business si cette dernière n’est pas à jour, ou simplement publier un avis. Ces données générées par les utilisateurs sont précieuses pour la firme californienne puisqu’en plus d’être utiles au service de cartographie, elles sont utilisées pour les résultats de Google Search.

            Enfin, du fait d’une audience engagée et d’un usage tourné vers l’interaction, on peut imaginer que l’offre publicitaire de Google Maps pourrait être valorisée. D’après Presse Citron, en 2018, Google a lancé le format publicitaire « local » à destination des établissements souhaitant cibler une audience de proximité. Selon le même article sur la publicité (de Presse Citron), l’avenir semble très prometteur puisqu’il est rappelé que « l’intérêt des recherches locales est 350 fois » supérieur à celui des débuts de l’application. Une telle proposition semblerait donc pertinente pour les annonceurs et attirerait davantage de commerces de proximité. Si ces nouvelles fonctionnalités sont adoptées, alors les revenus publicitaires de la plateforme pourraient s’accroître à long terme. 

Quels enjeux pour les commerçants ?

            Du côté des entreprises avec pignon sur rue, Google Maps constitue une opportunité de gagner en visibilité, avec notamment l’optimisation de la fiche Google My Business. Cette dernière contient des données sur l’établissement. Par exemple, elle permet de connaître les horaires ou l’itinéraire vers un magasin, mais aussi de laisser un commentaire ou une note.

            Toutefois, la dernière mise à jour semble être en faveur du développement des Local Guides. Les avis de ces derniers sont mis en avant par rapport à ceux d’utilisateurs classiques. De ce fait, ils peuvent avoir un impact positif ou négatif sur l’e-réputation d’une entreprise. Les commerçants sont donc encouragés à actualiser les informations et répondre aux avis clients pour éviter que ce ne soit fait par des tiers. Le fil d’actualité peut, lui aussi, être un outil efficace pour communiquer avec les clients et les tenir informés de la vie de la boutique. Malheureusement, bien qu’elles soient importantes, ces tâches CRM représentent un temps d’investissement conséquent pour des commerçants dont l’emploi du temps est déjà bien rempli.

            De plus, en développant sa communauté, le Local Guide augmente son pouvoir d’influence. Ainsi, ceux dotés d’un grand nombre d’abonnés pourraient, à long terme, devenir des leviers de communications utiles pour une marque. Sur le même modèle qu’un influenceur avec du contenu sponsorisé, il est tout à fait possible d’imaginer qu’un Local Guide soit rémunéré pour promouvoir un commerce auprès de ses fans. Son impact sera, quant à lui, d’autant plus fort que sa communauté est grande.

Google et les réseaux sociaux : une histoire compliquée

         Il faut rappeler que ce n’est pas la première fois que Google s’essaie au développement d’un service à la vocation sociale. L’exemple le plus marquant est Google+, lancé en 2011. Dans son article, le quotidien Le Monde rappelle que, pour le géant états-unien, ce service n’était pas un réseau social mais « une couche sociale » ajoutée à Google. Il a pourtant été considéré comme tel par la plupart des personnes. Google+ offrait la possibilité de partager et d’interagir avec différents « cercles ». Cependant, cette nouvelle plateforme a très vite connu des déboires. Comme le souligne l’article du Monde, la maison mère ne communique pas sur le nombre d’utilisateurs actifs et son succès semble relatif. De plus, la firme a tenté plusieurs fois de doper la croissance de son réseau en proposant, à chaque internaute, la création d’un compte Google+ à l’inscription sur Gmail. Cependant, cela n’a pas permis au service d’engager ses utilisateurs qui sont, pour une grande partie, restés inactifs. En 2018, dans son papier, Le Monde souligne que le service n’a pas réussi à convaincre son public car, 90% des sessions étaient inférieures à 5 secondes. Cette même année, l’entreprise annonce la fin de l’aventure Google+.

Ainsi, bien que le passé ait prouvé qu’une nouveauté de Google ne rime pas toujours avec « succès », les nouvelles possibilités marquent une évolution dans la stratégie de Google Maps. Il semblerait que le géant californien veuille rendre sa base d’utilisateurs plus active en proposant des fonctionnalités engageantes. L’aspect social inédit de l’application lui permet de s’éloigner de sa simple utilité de navigation pour, peut-être, devenir le réseau social adapté à la vie de quartier. La concrétisation des éléments évoqués dépend maintenant des utilisateurs. Adopteront-ils ces nouveautés ?


Thomas Soares

Sources :

Damien Leloup, “Une brève histoire de Google+ », Le Monde, le 13/03/2015. Lien :https://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/03/02/une-breve-histoire-de-google_4585853_4408996.html

Damien Leloup et Morgane Tual, « ‘Mais c’est quoi Google+ ?’ et autres questions sur sa fermeture », Le Monde, le 13/10/2018. Lien : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/10/09/mais-c-est-quoi-google-et-autres-questions-sur-sa-fermeture_5366794_4408996.html

Matt Southern, “Google Maps goes social giving each user their own profile”, Search Engine Journal, le 30/072020. Lien : https://www.searchenginejournal.com/google-maps-goes-social-giving-each-user-their-own-profile/376194/#close

Auteur inconnu, « Google Maps devient véritablement un réseau social avec cette nouvelle fonction », Frandroid, le 01/08/2020.Lien : https://www.frandroid.com/marques/google/744573_google-maps-devient-veritablement-un-reseau-social-avec-ce-nouveau-bouton

Benoît Georges, « Google Maps les cartes au trésor », Les Echos, le 19/02/2020. Lien : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/google-maps-les-cartes-au-tresor-1173111

Sarah Perez, “Google Maps tests a social networking feature with the ability to ‘follow’ Local Guides”, Tech Crunch, le 18/11/2019. Lien : https://techcrunch.com/2019/11/18/google-maps-tests-a-social-networking-feature-with-the-ability-to-follow-local-guides/

Els Bellens, « Google Maps solidement étoffée par des fonctions sociales et des numéros de maison », Datanews, le 04/12/2020. Lien : https://datanews.levif.be/ict/actualite/google-maps-solidement-etoffee-par-des-fonctions-sociales-et-des-numeros-de-maison/article-news-1365431.html

Caleb Potts, “You can now follow people on Google Maps, the company’s newest social network”, Android Police, le 30/07/2020. Lien : https://www.androidpolice.com/2020/07/30/you-can-now-follow-people-on-google-maps-the-companys-newest-social-network/

Julio Cachila, “Google Maps is now a social network”, International Business Times, le 31/07/2020. Lien : https://www.ibtimes.com/google-maps-now-social-network-3020405

Andrew J. Hawkins, “Is Google Maps trying to be a social network”, The Verge, le 13/02/2017. Lien : https://www.theverge.com/2017/2/13/14581028/google-maps-location-list-share-social-network

Shayak Majumder, “Google Maps now allows users to follow each other’s recommendations”, Gadget 360, le 31/07/2020. Lien : https://gadgets.ndtv.com/apps/news/google-maps-follow-social-profile-page-topic-filters-update-feature-2272019

Ben Smith, “Project Strobe: protecting your data, improving our third-party APIs, and sunsetting consumer Google+”, Blog de Google, le 08/10/2018. Lien : https://www.blog.google/technology/safety-security/project-strobe/

Arthur Vera, « Google Maps, nouvel Eldorado de la publicité en ligne ? », Presse Citron, le 26/02/2020. Lien : https://www.presse-citron.net/google-maps-nouvel-eldorado-de-la-publicite-en-ligne/

Charlie Perreau, « Google : un anniversaire, des records », Journal du Net, le 04/092018. Lien : https://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1211137-les-20-chiffres-de-google/

Lucas, « Qu’est-ce qu’un Local Guide Google My Business ? Quels avantages et impacts sur les fiches ? », Partoo. Lien : https://help.partoo.fr/fr/articles/1785698-qu-est-ce-qu-un-local-guide-google-my-business-quels-avantages-et-impact-sur-les-fiches

Karlee Onstad, “How can Google Maps benefits your business”, Evolve Systems. Lien : https://evolve-systems.com/how-google-maps-can-benefit-your-business/

Steven, « La publicité sur Google Maps », Grizzlead, le 28/02/2020. Lien : https://www.grizzlead.com/la-publicite-sur-google-maps/

 « Points, niveaux et badges », Support Google. Lien : https://support.google.com/local-guides/answer/6225851?hl=fr

Page du Local Guides Summit. Lien : https://maps.google.com/localguides/event/connectlive

Austin Wells, “Discover new places with gelp from top Local Guides”, Blog de Google, le 15/11/2019. Lien : https://www.blog.google/products/maps/discover-new-places-with-help-from-local-guides/

Loïc, « Local Guide Google My Business : définition et fonctionnement », Guest Suite, le 12/07/2020. Lien : https://www.guest-suite.com/blog/local-guide-google-my-business

Facebook joue avec le cloud

Facebook annonce le lancement de son offre de cloud gaming 

Le 26 octobre 2020, Facebook a annoncé le lancement de son offre de cloud gaming. Le lancement de cette offre fait suite à une phase de test grandeur nature, regroupant près de 200 000 personnes par semaine dans certaines régions. L’offre est accessible sur Android ainsi que directement sur le web. La fonctionnalité n’est pour le moment pas disponible sur iOS, Apple et sa politique de traitement des jeux ralentissant le processus. Les premiers jeux proposés sont : Asphalt 9 : Legends, Mobile Legends Adventure, PGA TOUR Golf Shootout et Soliraire : Arthur’s Tale.

Qu’est-ce que le cloud gaming ?

Avant de poursuivre, il est important de comprendre ce qu’est le cloud gaming, ou jeu à la demande en français. Cette technologie permet de jouer aux jeux vidéo en streaming. Traditionnellement, lorsqu’on lance un jeu sur un PC ou une console, ce jeu est exécuté grâce aux processeurs de la machine. Avec le cloud gaming, le jeu est désormais exécuté sur les serveurs du fournisseur de service et l’image est transmise en temps réel sur l’écran de l’utilisateur.

Les acteurs en puissance 

Facebook n’est certainement pas le premier acteur à se lancer dans ce secteur. De nombreuses entreprises se sont lancés dans le cloud gaming, qu’il s’agisse d’acteurs du jeu vidéo ou de nouveaux entrants dans ce secteur.

L’un des pionniers en la matière est l’entreprise française Shadow. Créée en 2015, cette entreprise est précurseur en matière de cloud gaming. L’offre de cette entreprise est l’accès à un ordinateur haut de gamme et puissant pour 12,99 euros par mois. L’utilisation de Shadow ne se limite cependant pas aux jeux vidéo puisqu’avec l’accès à cet ordinateur, les utilisateurs peuvent également exécuter des logiciels. On note aussi que, contrairement aux offres suivantes, Shadow ne propose pas de jeux et que les utilisateurs doivent être propriétaires des différents jeux et applications qu’ils lancent.

Parmi les autres concurrents en lice, on note deux éditeurs de jeux et fabricants de consoles : Sony et Microsoft. L’offre Playsation Now de Sony permet un accès à un catalogue de jeux sortis sur les différentes générations de consoles de l’entreprise. Ainsi, pour un abonnement mensuel de 9,99 euros, les joueurs peuvent avoir accès, depuis une PS4 ou un PC, à plus de 600 jeux en streaming. Sortie en septembre 2020, l’offre de cloud de Microsoft, nommé Xbox Game Pass, est fondée sur le même modèle que l’offre de Sony. Pour 12,99 euros par mois, les joueurs ont accès un catalogue de jeux comprenant les licences phares de Microsoft, telles que Halo et Gears of Wars, mais aussi des jeux de studios tiers ou encore de studios indépendants. L’offre est accessible depuis un ordinateur, un IPhone ou un IPad.

Autre acteur du jeu vidéo, Nvidia a lancé son service GeForce Now en février 2020. Leader sur les cartes graphiques, l’entreprise propose dans son offre une sélection de jeux compatibles issus de distributeurs de jeux tels que Steam, Uplay ou encore Battle.net. 2 abonnements sont possibles : un gratuit qui permet des sessions de 1 heure maximum, et un abonnement à 5,49 euros par mois qui permet un accès prioritaire et une durée de session étendue. L’affichage est pour le moment limité à 1080p et 60 images par seconde.

Le cloud gaming marque aussi l’incursion de deux entreprises majeures dans le monde du jeu vidéo : Google et Amazon. Avec Google Stadia,  Google met le pied dans l’industrie du jeu vidéo. Ce service de cloud gaming permet, via un abonnement de 9,99 euros par mois, un accès à un large catalogue de jeux et propose un également une qualité d’affiche en 4K. De son côté, Amazon a lancé en Early Access aux Etats-Unis son service Amazon Luna. L’abonnement est fixé pour le moment à 5,99 dollars par mois et permet également de jouer à tout un catalogue de jeux.

D’autres concurrents sont encore à venir. On note notamment la volonté de l’éditeur de jeux vidéo Electronic Arts de se lancer dans le cloud gaming. Depuis l’annonce lors de l’E3 2018, très peu d’informations circulent sur le sujet cependant. 

La stratégie de Facebook

Les offres concurrentes de cloud gaming reposent, à quelques détails près, sur le même modèle : en contrepartie d’un abonnement, les utilisateurs ont accès un catalogue de jeux. La concurrence cherche également à se démarquer sur des questions de performance (affiche 4K, 60 FPS, etc …) et d’accessibilité.

Facebook base son offre sur un modèle totalement différent. Ici, l’offre est gratuite et les jeux proposés aux joueurs sont plutôt modestes en termes techniques et sont également disponibles gratuitement.

Pourquoi une telle différence dans l’approche de Facebook, tant en termes de modèle économique que de performance technologique ? Les ambitions ne sont pas les mêmes. Contrairement à ses concurrents, Facebook cherche, non pas à vendre un abonnement ou encore des jeux, mais à garder l’utilisateur sur le réseau social.

Pourtant, il est bien possible que Facebook change sa stratégie avec le temps. En effet, depuis le rachat de la start-up espagnole PlayGiga fin 2019 , Facebook a montré son ambition de se diversifier et d’offrir un service de cloud gaming à ses utilisateurs. Bien que pour le moment, elle ne propose pas de jeux payants utilisant toutes les possibilités techniques du cloud gaming, elle reste ouverte à cette possibilité. Comme l’a exprimé Jason Rubin, VP du pôle Gaming de Facebook, l’offre d’un jeu « premium » fera sens un jour, mais le lancement de ce service était surtout l’occasion de mettre un pied dans ce secteur, quitte à monter en gamme plus tard.

Le cloud gaming, futur du jeu vidéo ?

Le cloud gaming démarre à peine et pourtant, la concurrence est déjà rude. Le jeu à la demande est-il le futur de l’industrie du jeu vidéo ? Il n’est, pour le moment, pas possible de répondre catégoriquement à cette question. Le jeu à la demande est trop dépendant des connexions internet des utilisateurs et une connexion puissante n’empêche pas les temps de latence. Cette technologie prometteuse est encore à développer et il y a donc fort à parier que les machines de jeux ont encore quelques beaux jours devant elle.

Léo Aksas


Sources :

Denn, A. L. (2019, 19 décembre). Facebook rachète la start-up espagnole PlayGiga, spécialiste du cloud gaming. usine-digitale.fr.

https://www.usine-digitale.fr/article/facebook-rachete-la-start-up-espagnole-playgiga-specialiste-du-cloud-gaming.N914664

Gianoli, J. (2020, 2 décembre). Carte graphique, la part de marché d’AMD s’effondre de 16% en une année. GinjFo.

https://www.ginjfo.com/actualites/politique-et-economie/carte-graphique-la-part-de-marche-damd-seffondre-de-16-en-une-annee-20201202

Huvelin, G. (2020, 27 octobre). Facebook part à l’assaut du cloud gaming avec une offre totalement gratuite. Frandroid.

https://www.frandroid.com/marques/facebook/790913_facebook-part-a-lassaut-du-cloud-gaming-avec-une-offre-totalement-gratuite

Ketfi, C. (2020, 24 décembre). Stadia, Shadow, Xbox Game Pass, GeForce Now, Luna… quelle est la meilleure offre de cloud gaming ? Frandroid.

https://www.frandroid.com/produits-android/console/575680_cloud-gaming-tout-savoir-sur-le-futur-du-jeu-video-et-les-differents-services-disponibles

Shadow – Le PC gamer basé sur la technologie du Cloud Gaming. (2020). Shadow.tech.

https://shadow.tech/fr

Webster, A. (2020, 26 octobre). Facebook takes its first small steps into the world of cloud gaming. The Verge.

https://www.theverge.com/2020/10/26/21528438/facebook-cloud-gaming-beta-android-web-jason-rubin-interview

Wikipedia contributors. (2020a, novembre 19). Blade (entreprise). Wikipédia.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Blade_(entreprise)

Wikipedia contributors. (2020, 21 décembre). Jeu à la demande. Wikipédia.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_%C3%A0_la_demande

Algorithmes prédictifs : la fin du libre arbitre ?

Akindo – Getty Images

Omniprésents dans notre quotidien, les Géants du Net semblent satisfaire tous nos besoins numériques. L’émergence d’outils technologiques et d’algorithmes toujours plus performants facilite largement nos possibilités de communiquer, de nous informer, nous divertir, et même de consommer. Mais à quel prix ?

Derrière la gratuité de ces services, se cache en effet une addition peu ordinaire : l’exploitation de nos données et de nos préférences personnelles.

Cette monétisation des données utilisateurs voit le jour au début des années 2000, lorsque Google introduit la publicité dans son nouveau modèle économique. L’idée est simple : utiliser les données de navigation pour établir des profils utilisateurs et appréhender les préférences de chacun, afin d’orienter les annonceurs vers les individus susceptibles d’être intéressés par leurs offres. Progressivement, la donnée est ainsi devenue l’or noir des Géants du numérique, et les stratégies de ciblage se sont, depuis, normalisées. Aujourd’hui, nos parcours en ligne sont constamment analysés par les mastodontes qui établissent des profils utilisateurs toujours plus précis. Entre systèmes de recommandation et algorithmes prédictifs, nous sommes en permanence confrontés à des contenus qui nous ressemblent, favorisant notre intérêt et notre dépendance.

Mais cette personnalisation ne rimerait-elle pas avec manipulation ? En effet, derrière cette volonté de satisfaire nos attentes, les Géants sont accusés d’utiliser nos données pour affirmer leur position sur le marché numérique. Mais ce n’est pas tout. Il semblerait que leur influence ne se limite plus à nos simples écrans. Au-delà du bouleversement économique et politique dont ils sont l’origine, les grands acteurs du Web orienteraient désormais nos choix et notre jugement.

Face à cette emprise, une question apparaît donc comme légitime : quel espace reste-t-il à notre libre arbitre ?  

Vers un capitalisme de surveillance ?

Pour la sociologue Shoshana Zuboff, les Big Tech ont impulsé un basculement vers une nouvelle ère capitalistique, celle de la surveillance. Dans son ouvrage « L’âge du capitalisme de surveillance », elle montre comment ce nouveau modèle repose sur quelques acteurs dominants, qui ne se contentent plus de collecter et monétiser les données utilisateurs, mais bien de les exploiter selon leurs propres intérêts. Là où le capitalisme industriel exploitait la nature pour produire des sources d’énergie, le capitalisme de surveillance utiliserait désormais la nature humaine comme source de profit. Face à ces algorithmes prédictifs qui anticipent tout ce qui est susceptible de nous plaire et de nous maintenir en ligne, la sociologue est donc inquiète pour nos libertés fondamentales.

« Leur connaissance remplace notre liberté »

Alessandra Montalto – New York Times

Comment les géants du numérique s’immiscent dans nos vies ?

D’une part, en prenant le contrôle de nos paniers. Et leur influence sur nos achats ne se limite plus au simple ciblage publicitaire. L’exemple évoqué par Shoshana est celui de Pokémon Go. Ce jeu de réalité augmentée sur téléphone, visant à chasser des Pokémons dans la rue, guidait en fait les joueurs vers des enseignes bien réelles. Pokémon chassé, client appâté. Google avait en effet passé des accords avec certains commerces, comme McDonald’s ou Starbucks, pour multiplier les Pokémons dans ces zones-là, et pousser le client à la consommation.

Mais ce n’est pas tout, l’ultra-ciblage auquel nous sommes confrontés va également introduire les Géants dans notre intimité.

Plus nous passons de temps en ligne, plus nous sommes confrontés à des publicités, et plus les revenus des grandes entreprises numériques ont une chance d’augmenter. Ces dernières vont donc tout faire pour accroître notre temps passé devant les écrans, en nous proposant uniquement les contenus susceptibles de nous intéresser. Les algorithmes prédictifs vont ainsi garantir une offre sur mesure, à partir de critères précis de notre personnalité et de notre activité numérique (contenus likés et commentés, recherches effectuées, pages consultées par exemple). Notre existence est ainsi examinée avec soin : opinion politique, centres d’intérêt, préférences, déplacements, parcours en ligne … Et bien que l’offre qui en découle puisse s’avérer conforme à nos attentes (fils d’actualité dépouillés de tous contenus qui ne nous ressemblent pas), les algorithmes prédictifs viennent finalement nous conformer. Ils brident notre curiosité et nous privent d’une certaine autonomie dans nos jugements. Notre approche de l’information est impactée, et nous voilà enfermés dans des bulles de filtres, pour reprendre le terme du militant Eli Pariser.

Rose Wong

Sur les réseaux sociaux particulièrement, nous voyons ainsi défiler des contenus allant dans le sens de nos opinions. Confortés dans nos idées, trop peu confrontés à celles des autres. L’absence de débat nous donne l’impression que notre façon de penser est la bonne, ce qui vient largement influencer notre raisonnement. Ces bulles de filtres viennent aussi isoler l’utilisateur, amené à penser que sa perception est celle qui prévaut dans le monde extérieur. En effet, l’approbation excessive de notre opinion garantie par la bulle, engendre finalement une forme d’inconscience face aux réalités de l’actualité. A l’image de l’élection de Donald Trump en 2016, qui a surpris plus d’un démocrate. Dans le fil d’actualité des partisans d’Hillary Clinton, rien n’indiquait en effet que le candidat républicain pouvait réunir une majorité.

Les Géants du Net, par le biais des algorithmes prédictifs, viennent donc cloisonner notre vision du monde, entacher la remise en question et limiter la sérendipité. En nous proposant des contenus pertinents pour nous, ils viennent finalement contrôler notre accès à l’information et à la culture.

Reconquérir notre liberté

Les grandes entreprises numériques sont faciles à blâmer, mais il ne faut pas oublier qu’elles cherchent simplement à défendre leurs intérêts économiques. Alors oui, nos choix sont influencés et les services numériques opaques peuvent nuire à notre libre arbitre. Néanmoins, nous ne pouvons pas nier notre part de responsabilité dans cet enfermement, dans la mesure où nous choisissons la place que nous laissons aux algorithmes dans notre quotidien, et que ces derniers se basent sur nos propres comportements d’origine. Il est donc important de revoir nos habitudes de navigation et de ne plus interagir uniquement avec les contenus qui nous ressemblent. Il faut continuer de s’informer auprès de médias variés, entretenir notre esprit critique. Il est également essentiel de prendre du recul sur les services numériques, de mesurer notre dépendance, et de ne pas se laisser aveugler. C’est à nous de briser nos chaînes et de quitter le confort de notre bulle informationnelle. A nous de faire d’Internet un outil clé de la diversité d’opinions et de la démocratie, en multipliant nos recherches, nos sources d’informations, en nous confrontant aux idées divergentes. Diversifions nos centres d’intérêt et n’ayons pas peur de l’inconnu.

En bref, soyons curieux !

Free Your Mind par Akindo – Getty Images

Zélie Duban

Sources

La dé-twitterisation de Trump : la stratégie de l’oiseau a-t-elle du plomb dans l’aile ?

Muet de toute harangue depuis quelques jours des différents réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter notamment), Donald Trump, futur ancien Président des Etats-Unis d’Amérique a été « fired » comme il aimait à le répéter dans son ancienne vie en téléréalité. Banni et isolé sur le plan politique, retour sur un événement qui questionne la violence numérique illégitime et les choix stratégiques des grands acteurs du numérique que suscitent le bannissement d’un homme élu démocratiquement.

Cette fois-ci, est-ce bien la fin des annonces virulentes et élucubrations de Donald Trump sur le réseau qui gazouille ? Après avoir été réduit une première fois à 11 minutes de silence sur Twitter en 2017, l’assaut du Capitole par ses partisans, temple de la démocratie américaine de ce 6 janvier marque une nouvelle ère et sonne le glas de l’un des meilleurs contributeurs sur ce réseau. L’histoire entre Trump et Twitter était tumultueuse. Commencée en 2009, oscillant des années durant entre mésamour, attaques et consensus, et ponctuée quasiment quotidiennement de rebondissements. Depuis 2017, entre avertissements du réseau, tweets en lettres majuscules colportant des informations à la véracité discutable et trafic généré sur la plateforme, Twitter était devenu le relais de parole préféré du Président sortant. Depuis 2018 entre 6900 et autour de 8500 tweets par an ont été générés par Trump. Et puis…silence radio depuis le 9 janvier. Au détour d’un communiqué de presse, Jack Dorsey, CEO de Twitter, annonce que le réseau a suspendu définitivement le compte du Président américain. Cet événement marque à plusieurs titres un changement de paradigme fort par sa portée politique, tout en interrogeant dans le même temps sur les choix proprement stratégiques du réseau à l’oiseau.

S’il est bien impossible d’avoir un avis définitif concernant ce bannissement ad vitam æternam tant la complexité de la situation relève de domaines variés, de nombreuses questions méritent d’être posées et interpellent sur la position de censeur qu’ont pu prendre les plateformes, pour commencer le réseau de Jack Dorsey. Fruit d’une relation ambiguë avec Trump, Twitter n’a-t-il pas fait la plus grande erreur de stratégie en bannissant l’un de ses plus influents apôtres ?

C’est avec le motif d’appel à la violence que la plateforme a décidé de mettre fin au droit de parole du locataire de la Maison Blanche, entraînant la même décision – provisoirement – de Facebook quelques heures plus tard, puis des autres réseaux sociaux. Si certains se réjouissent de voir enfin ce compte fermé, les consternations et condamnations de la classe politique mondiale se multiplient contre les plateformes. Le débat sur le bannissement des plateformes de l’homme le plus puissant du monde et cela à quelques jours de la passation avec Joe Biden est une des illustrations des nouveaux équilibres en puissance.

Démocratie 0 – Twitter 1 : Comment le bannissement relance un nombre de questions morales et démocratiques.

Difficile d’écarter de l’analyse la forte période de tension qui existe entre les Etats et les acteurs du numérique : lois et politiques de régulation et bras de fer successifs se multiplient tout autour du globe. Si jusque-là les instances politiques régulaient -du moins en avaient la conviction et la volonté affichée- les acteurs numériques, cette décision d’outrepasser le politique marque un profond changement de paradigme tant par ce fait les législations sont rendues inopérantes.

Porte-paroles revendiquées et autoproclamées de la liberté d’expression, garantes de la neutralité du Net, les plateformes ont démontré un nouvel aspect de leur puissance : celui d’être censeur et juge à la fois. C’est donc là qu’une première contradiction apparaît : assurer garantir la liberté d’expression sur les plateformes tout en effaçant toute trace d’existence d’un homme politique, sans base légale et sans légitimité démocratique (dans le sens où aucune élection par suffrage). La complexité de la situation tant les leviers légaux, politiques et judiciaires doublés au poids vertigineux de ces acteurs économiques et leur rôle dans le débat démocratique vient encore de franchir un nouveau pallier : celui de la souveraineté. Le Ministre de l’Economie français, Bruno Le Maire, va jusqu’à craindre une « oligarchie digitale » opposant de fait les deux systèmes et dénonçant le quasi pouvoir de censure de ces mastodontes et les libertés politiques qu’ils se permettent. Cela questionne en profondeur le poids d’une entreprise dans le secteur des nouvelles technologies, plus symboliquement des médias sociaux sur ses droits, son pouvoir dans la modération et dans son accès.

Entre gouvernance et choix stratégiques. La fin de Trump sur Twitter : la fin de Twitter ?  

Si les interrogations politiques et démocratiques sont centrales, la décision de Jack Dorsey –qu’il semble d’ailleurs déjà regretter– a largement dépassé le cadre de la plateforme et celle-ci interroge aussi sur l’ambiguïté de ce réseau social. Est-ce que la fin de Trump sur Twitter n’est pas la plus grande erreur de stratégie de Twitter ?

Machine médiatique privilégiée de communication, Trump totalisait à la veille de son éviction pas moins de 88 783 778 followers. Cœur de sa stratégie politique de communication, Trump était le maître absolu de la « politique du tweet ». Twitter incarnait le moyen pour Donald Trump de contourner les médias traditionnels américains (CNN, New York Times tout particulièrement) : qu’ils lui soient hostiles politiquement ou qu’ils soulignent les contractions de sa politique et poussent Trump dans ses retranchements. En se détournant des acteurs médiatiques traditionnels, c’est en Twitter que le Président trouve son public et sa caisse de résonnance. Véritable relais de parole, le cas Twitter incarnait pourtant les relations tendues du futur ancien Président avec les acteurs de la Tech : ambivalente. Ambivalente d’une part car formidable opportunité de visibilité et de prosélytisme, symbole de réussite mondiale si chère à cette Amérique « des winners » vantée par Trump. Dans le même temps ces grands acteurs le viseur des lois antitrust, anti-start-up mindset, et symboles de l’hostilité au Parti Républicain. C’est paradoxalement cette même Tech qui offrait à Trump, par sa technologie, une liberté de ton bien souvent polémique et lui assurait des bases solides dans les classes moyennes/populaires en retrait de la mondialisation.

Trump : un vecteur de croissance pour Twitter, et après ?

C’est justement cette liberté de ton qui a contribué au succès de Twitter ces dernières années : roi du tweet qui dérange, prince de la fake news, le compte de Donald Trump était une véritable machine à interactions voire un sujet à dérisions. Le cercle des interactions et échanges étant au cœur du modèle économique de Twitter, la vente d’espaces publicitaires sur le réseau poussé par celui-ci a contribué à accentuer une source de revenus. L’augmentation des utilisateurs et des effets de réseaux peuvent aussi rentrer en compte : Reuters a remarqué une augmentation de 9 millions d’utilisateurs dans les semaines qui ont suivi l’investiture de Trump (corrélation bien entendu, pas de causalité révélée mais chiffre intéressant à prendre en considération).  La vente de publicité a explosé et a enrichi le réseau à l’oiseau jusqu’à constituer une part stratégique de ses revenus : 562 millions de dollars de revenus publicitaires au second semestre 2020 sur un chiffre d’affaire global de 683 millions de dollars (bien que l’ensemble de ces chiffres soit en baisse par rapport aux années précédentes). La personnalité explosive et la manière très personnalisée d’écrire de Trump ont donc contribué au développement des réseaux sociaux et par la même occasion de Twitter.

La temporalité et l’agenda politique rentrent aussi en ligne de compte : si les idées véhiculées par Trump étaient aussi dangereuses que Jack Dorsey l’a prétendu, pourquoi avoir attendu lors de l’assaut du Capitole pour fermer ce compte. Comment réguler les tweets à caractères antisémites, racistes ou bien encore homophobes ? Les exemples de violence ou de danger politique induit par le Président au cours des quatre dernières années sont multiples (attaques sur la Corée du Nord, prises de position contestés, gestion de la crise sanitaire, remise en doute de sa réélection etc.) et tout aussi dangereux pour la démocratie tant le pays sort de cette parenthèse divisé.

Fort de constater que c’est au moment où Trump est le plus isolé, le plus contesté que les choix des acteurs du numériques apparaissent comme une solution de facilité voire une hypocrisie pour l’investisseur Chris Sacca. Après avoir développé, fidélisé ses clients à son réseau, bénéficier des effets de réseaux, et enrichi son offre par des recettes publicitaires en surfant en partie sur les déboires numérique du 45ème Président des Etats-Unis, Twitter balaye ses principes et se dédouane de sa bête numérique. En recul de 8% à Wall Street ce lundi 11 janvier 2020, est-ce que finalement ce contre-coup pour Twitter n’était pas prévoir ? N’est-ce pas le fruit d’une négligence ou d’une trumpisation du réseau : tweeter, déclarer et attendre les retombées. Après des années à avoir surfé sur la vague Trump, le choix politique et stratégique du média social laisse dans son sillage une nuée de questions.

Armance de Lavigne

Salto, en passe de réussir son pari ?

Lancé le 20 octobre dernier, le « Netflix à la française » propose une expérience inédite dans l’univers de la SVOD.

Source : France Info

La SVOD, au cœur de la mutation des usages

La consommation des contenus connaît depuis quelques années des mutations profondes qui bouleversent l’ensemble de la chaîne de valeur. Le délinéaire ne cesse de progresser, et la vidéo à la demande porte la croissance de l’industrie des contenus au niveau mondial. C’est dans ce contexte que les plateformes de SVOD, ces services de vidéos à la demande par abonnement, sont en plein essor, avec 3 acteurs qui trustent le marché : Netflix, Disney+ ainsi qu’Amazon Prime Video. Ces plateformes rencontrent une adhésion massive du public, avec Netflix et Amazon qui captent près de 70% des parts de marchés de la SVOD au niveau européen. Alors que le taux de pénétration de la SVOD devient conséquent dans de nombreux pays, que le nombre d’abonnement par foyer ne cesse d’augmenter (2,2 aux Etats-Unis en 2019), la France fait figure d’élève en retard, avec un marché de la SVOD encore en consolidation.

En 2019, 18 millions de Français ont utilisé un service de SVOD. Ce chiffre témoigne d’une part de l’intérêt que porte notre pays à ce mode de consommation des contenus, d’autre part de la marge de progression encore possible lorsque l’on compare la France à ses voisins européens : entre 70 et 90% de taux de pénétration pour les pays nordiques, près de 45% pour les Pays-Bas (source : études Kagan 2018). C’est dans ce contexte que les grands groupes audiovisuels français ont voulu à leur tour tenter l’expérience, et proposer un service de SVOD à la française. Le 15 juin 2018, le Groupe TF1, France Télévisions et M6, annonçaient ainsi leur ambition de créer une plateforme commune, enterrant la hache de guerre afin de concurrencer les géants américains, et d’adapter leurs modes de diffusions aux nouvelles attentes des consommateurs.

Salto, une réponse française

Il aura fallu attendre plus de 2 ans pour que le service devienne accessible dans l’Hexagone, mais le 20 octobre 2020, Salto est finalement lancé. D’abord disponible en OTT (accessible sur internet), des accords auraient depuis été trouvés avec plusieurs Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI), afin d’être intégré aux box des opérateurs. Bouygues (propriétaire du Groupe TF1) et Orange seraient ainsi en passe de proposer Salto à leurs utilisateurs.

La promesse est-elle au rendez-vous pour les passionnés de contenus français ? Gilles Pélisson, PDG du Groupe TF1 et Président du Conseil de Surveillance de la plateforme, insistait bien lors du Festival Médias en Seine en octobre dernier sur le fait qu’il s’agissait de proposer une offre complémentaire aux services proposées par les géants de la SVOD. En clair, l’ambition initialement affichée de devenir le « Netflix à la française » a été revue à la baisse, et pour cause : la capacité d’investissement de Salto s’élèverait à 250 millions d’euros sur les 3 prochaines années, là où Netflix dépense près de 17 milliards d’euros… pour l’année 2020.

Salto n’a pour autant pas à rougir de sa prestation jusqu’alors. Avec 10 000 heures de contenus disponibles dès son lancement, la plateforme réunit le meilleur des catalogues des 3 groupes, le direct de l’ensemble de ces chaînes, ainsi que de nombreux inédits de grands succès américains ou canadiens. Thomas Follin, Directeur Général de Salto, insiste sur le fait de mettre en avant les contenus, quel que soit leurs types de diffusion (direct, replay, avant premières…). La plateforme se veut différenciante de ces compétiteurs, en excluant les mécanismes de recommandations de contenus personnalisés qui ont été tant décriés sur Netflix ou encore Amazon Prime. Coups de cœur de personnalités, Thématiques (Plaid et chocolat chaud, frissons…), Sélection des critiques, Collections (Belmondo, Catherine Deneuve, François Truffaut…), l’angle est décidément mis sur les contenus, avec l’idée de prolonger l’expérience vécue autour de la télévision, de vivre des émotions partagées, avec des marques fédératrices. On retrouve bien là le slogan de Salto, « On a tout à voir avec vous ». Exit l’ultra personnalisation, les séries sur la politique danoise, place aux contenus au plus proches des préoccupations des Français (à l’exception de quelques séries anglo-saxonnes).

Les collections proposées par Salto (Source : France Info)

Les chiffres parlent d’eux-mêmes, alors que seulement 3 semaines après son lancement, Le Figaro révélait que près de 100 000 abonnés s’étaient laissés tenter par l’expérience. Les données démographiques présentées par Thomas Follin sur Europe 1 dans l’émission Culture Médias de Philippe Vandel permettent d’ailleurs de remettre en question la vision stéréotypée des consommateurs de SVOD. Un quart des utilisateurs auraient ainsi plus de 50 ans, et près de 80% d’entre eux habiteraient hors de Paris, reniant avec l’image d’un public jeune et de CSP+. Salto fédère, avec l’ambition affichée par son Directeur Général d’être le plus inclusif possible. Autre enseignement tiré des premières semaines d’exploitation, une consommation de près de 2h par jour en moyenne, qui grimpe jusqu’à 2h30 le week-end, témoignant de l’ancrage de l’usage de ce nouveau service (10 connexions par semaine et par foyer en moyenne). Ces chiffres sont tout de même à relativiser, dans la mesure où le 1er mois d’abonnement est offert, et qu’il faudra attendre longtemps encore avant de tirer un bilan du taux de conversion d’abonnements.

Un modèle économique viable ?

C’est bien là que le bât blesse. La guerre des contenus fait rage, avec une multiplication des offres disponibles auprès des consommateurs. Apple TV+, HBOmax, Peacock, tous rêvent de grandeur, de faire de l’ombre aux mastodontes, et ce via 2 leviers : les contenus proposés, et le prix. En la matière, le catalogue de Salto, s’il révèle quelques agréables surprises, et malgré son positionnement innovant, soutient difficilement la comparaison. La grille tarifaire définie est là aussi particulièrement ambitieuse : avec un prix d’appel situé à près de 7€, soit à peine 1€ de moins que Netflix, mais similaire à Disney+, Salto vise la rentabilité d’ici 5 ans. Avec la volonté à moyen terme de pouvoir investir dans la production de contenus originaux, diffusé en exclusivité sur sa plateforme, stratégie particulièrement employée par Netflix afin d’accroître sa stickiness.

On est finalement en droit de s’interroger sur le fait de lancer un service de SVOD à destination nationale. Britbox au Royaume-Uni (BBC et ITV), ZDF en Allemagne, ViaPlay dans les pays nordiques (Nent), de nombreux acteurs de l’audiovisuels européens, publics comme privés, visent à adresser un public à une échelle modeste. Delphine Ernotte, Présidente de France Télévisions, insistait pourtant dans une Tribune du Monde en 2017 sur la capacité de l’audiovisuel public européen de peser sur la scène internationale : leur capacité d’investissement dans les contenus s’élevait en cumulé à 14 milliards d’euros par an, permettant d’envisager une véritable concurrence aux géants de la SVOD. Difficile de ne pas rêver d’une plateforme européenne, permettant le visionnage des grands contenus produits par l’Europe. Borgen (Danemark), 10% ou Call My Agent (France), les 1ères saisons de La Casa de Papel (Espagne), tous ces succès que l’on retrouve sur Netflix ont d’abord été produits et distribués par des groupes audiovisuels nationaux. Arte tente bien de prendre les rênes d’une plateforme européenne de contenus, sans pour autant adhérer à l’idée d’un abonnement payant.

Il faudra s’armer de patience avant de pouvoir déclarer avec certitude que Salto a su s’ancrer dans les usages et dans le quotidien des Français. Si l’ambition portée par la plateforme est à la hauteur des enjeux de la mutation des usages de consommation des contenus, tout est encore à construire, afin de proposer un catalogue exclusif, pertinent, en phase avec les attentes des consommateurs. Salto est-il en passe de réussir son pari ?

Thibaud Mousset

Pascal Lechevallier, La SVOD européenne estimée à 53 milliards d’euros de recettes en 2022, ZD Net le 18 février 2018

Pascal Lechevallier, La SVOD européenne estimée à 53 milliards d’euros de recettes en 2022, ZD Net le 18 février 2018

https://www.zdnet.fr/blogs/digital-home-revolution/la-svod-europeenne-estimee-a-53-milliards-d-euros-de-recettes-en-2022-39864252.htm

Matteo Tiberghien, Dans l’Europe de la SVOD, l’audiovisuel public se la joue David contre Goliath, Nouveaux Médias le 13 aout 2020

https://nouveauxmedias.fr/europe-svod-audiovisuel-public-david-contre-goliath/

Benjamin Fau, Les points forts et les faiblesses de Salto, la SVOD à la française, Le point POP le 22 octobre 2020

https://www.lepoint.fr/pop-culture/les-points-forts-et-les-faiblesses-de-salto-la-svod-a-la-francaise-22-10-2020-2397608_2920.php

Bastien Lion, Salto plus ambitieux que jamais deux mois après son lancement, Les Numériques le 18 décembre 2020

https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/deux-mois-apres-son-lancement-salto-se-montre-plus-ambitieux-que-jamais-n158591.html

Philippe Vandel, Salto : quel bilan après un mois d’existence ?, Podcast Europe 1 le 24 novembre 2020

https://www.europe1.fr/emissions/linfo-media-du-jour/salto-quel-bilan-apres-un-mois-dexistence-4007728

Gilles Pélisson, la SVOD peut-elle s’imposer face à la TV traditionnelle, Conférence Médias en Seine le 19 novembre 2020

https://www.mediasenseine.com/fr/conferences/la-svod-peut-elle-simposer-face-a-la-tv-traditionnelle/

Retour sur l’émergence de théories complotistes sur les réseaux sociaux en 2020 : le mouvement QAnon

Nul n’a pu échapper dans son expérience sur les réseaux sociaux et dans sa quête d’information, à ces fameuses « théories complotistes » qui émergent sur internet. Entre les personnes croyant que la terre serait plate, celles qui pensent que la Norvège n’existerait pas, que les Américains n’ont jamais été sur la Lune, qu’une société secrète impliquant des personnes de pouvoirs régirait le monde dans l’ombre ou encore que le coronavirus ne serait qu’une machination, nous ne comptons plus les théories conspirationnistes relayées sur les réseaux sociaux. Les trois plateformes sociales particulièrement touchées par ce flot d’informations sont Facebook, Twitter et Youtube, qui peinent à supprimer ou du moins modérer ces théories. Mais comment des milliers de personnes peuvent se réunir autour de sujets aussi saugrenus ? Comment alimentent-ils leur croyance ? Quel rôle jouent les réseaux sociaux dans cette affaire ? Quel impact cela a-t-il sur notre société ? Retour sur une théorie qui s’est enraciné dans les élections présidentielles américaines de 2016 à aujourd’hui : le mouvement QAnon, pour lutter contre la désinformation et l’émergence de nids du complot.

Bien qu’il existe depuis toujours des groupes d’individus prônant des théories conspirationnistes, cette mouvance s’est accélérée avec l’apparition des réseaux sociaux et de façon massive en cette année 2020. Permettant à des groupes assez marginaux de diffuser leurs théories à leur guise sur la toile et d’avoir de plus en plus d’adeptes. Ces « fake théories » quelque peu déroutantes sont marquées au fond par une perte de confiance dans les médias traditionnels puisque de nombreuses personnes ne s’informent à présent que sur des sites dont l’information n’est pas vérifiée ou sur les réseaux sociaux. Et bien que certaines de ces théories puissent prêter à rire sans devenir un réel danger pour notre société, d’autres théories du complot sont de vraies menaces qui ont de plus en plus de poids dans certaines élections présidentielles, ou touchent à des sujets sensibles telles que le réchauffement climatique ou la santé (les anti-vaccins par exemple).

Source : L’Observatoire Mesdatas&moi

Retour sur le mouvement « QAnon » 

La rumeur du « Pizzagate » naît sur internet en 2016 ; s’ensuit une fusillade dans une pizzeria se voulant être un haut lieu de trafic d’enfants orchestré par Hillary Clinton et la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle. L’histoire prend vie et est relayée sur de nombreux réseaux sociaux complotistes : le mouvement QAnon est né. Porté par un certain internaute nommé « Q » qui dénonce un Etat dans l’Etat, affirmant qu’il existerait un réseau de pédophilie souterrain aux Etats-Unis, étroitement lié au parti démocrate, à certains milliardaires ou personnalités influentes (telles que Hillary Clinton ou encore Bill Gates). Ce mouvement a déjà conquis des milliers voire des millions d’Américains du plus crédule au plus averti. Il est né dans une « bulle » qu’est internet, les adeptes de ce mouvement sont désormais partout, à tous les meetings de Donald Trump aux Etats-Unis, brandissant des affiches avec la fameuse lettre Q, symbole du mouvement. Il règne d’ailleurs une ambiguïté sur la proximité du président Trump avec la théorie conspirationniste QAnon dont les fidèles en ont fait leur figure de proue. Fervents soutiens à ce dernier, cela soulève de nombreuses questions sur son implication ou non dans ce mouvement, soutien auquel il a répondu par je cite « D’après ce que j’ai compris, ils m’aiment beaucoup, ce que j’apprécie. Je ne sais pas grand-chose de ce mouvement, mais j’ai entendu dire qu’ils gagnaient en popularité ». 

Mais ce qui est le plus étonnant, c’est l’ampleur qu’a pris cette théorie, le nombre d’adeptes que comprend le mouvement et la force de leur visibilité sur internet, en particulier sur Facebook depuis le début de l’épidémie de la covid-19. Certaines études ont montré que depuis le début de l’épidémie, l’audience de la page du mouvement QAnon aurait augmenté de plus de 600% sur Facebook.

Le rôle joué par les réseaux sociaux 

Dans une société où les réseaux sociaux jouent un rôle crucial dans le partage d’informations, ils se doivent également de lutter contre tout contenu haineux, le relais de fausses informations ou la montée en puissance de groupes radicaux sur leurs plateformes. Dans ce cas précis, il s’agit de supprimer les contenus de la mouvance conspirationniste QAnon. A l’approche de l’élection présidentielle, la société dénonce les inactions des réseaux et de la propagation des théories du complot liées à l’extrême droite ultra-conservatrice. Facebook décide alors de supprimer les comptes liés au mouvement QAnon et d’endiguer leurs audiences sur sa plateforme ainsi que sur son autre réseau social Instagram. C’est ensuite au tour de YouTube d’interdire les contenus violents de ce mouvement et de ceux faisant la promotion de cette théorie. YouTube a également annoncé que ces mesures viennent compléter celles déjà prises sur la modification de ses règles d’utilisation, en voulant « interdire tout contenu qui vise un groupe ou des individus en s’appuyant sur des théories conspirationnistes qui ont déjà motivé des actions violentes ». Quant à Twitter, le réseau social avait déjà pris comme mesure en Juillet dernier de supprimer plus de 7 000 comptes appartenant au mouvement Q.

Même si la prise de position des réseaux sociaux montre une volonté d’endiguer les phénomènes conspirationnistes, nous sommes loin d’avoir régler tous les problèmes liés aux groupes extrémistes qui agissent sur les réseaux. Cela est en parti lié à l’algorithme utilisé par les réseaux sociaux qui par nature recommandent ce type de contenu aux personnes déjà enclin à les apprécier, ce qui crée une réaction en chaine importante. Par exemple, sur Youtube, plus de 70% des vidéos qui sont regardées quotidiennement sont directement recommandées par l’algorithme, en Automne 2018 YouTube avait massivement recommandé des vidéos QAnon avant de modérer quelques mois plus tard ces contenus. Du côté de Facebook plus de 64% des comptes qui ont rejoint des groupes complotistes ou extrémistes l’ont fait car l’algorithme de Facebook leur avait recommandé ces groupes au préalable. De plus, en 2018, Facebook a décidé de modifier sa stratégie en promouvant davantage les contenus produits par les groupes et les profils d’utilisateurs et de restreindre la visibilité algorithmique des pages (souvent utilisées par les médias). Cela a permis à des groupes conspirationnistes comme QAnon d’émerger à travers les groupes Facebook. On ne peut donc pas nier l’effet qu’ont les algorithmes dans la propagation des théories conspirationnistes et le rôle d’accélérateur qu’ont les réseaux sociaux. Une formule utilisée par les américains représente très bien cette pensée dont l’objectif n’est en rien de réduire le « freedom of speech » mais plutôt le « freedom of reach ». Le rôle des algorithmes finit par réduire notre horizon informationnel puisque les contenus recommandés convergent tous dans la même direction. Cela est encore plus flagrant avec les contenus radicaux ou complotistes, ce procédé étrique notre façon de penser avec une vision clivante du monde.

Source : Le Monde, ADRIA FRUITOS

Une menace pour nos démocraties 

Enfin, le groupe QAnon qui a pris beaucoup d’ampleur ces derniers mois ne s’arrête pas aux frontières des Etats-Unis puisqu’elle gagnerait en popularité Outre-Atlantique et s’immiscerait au sein d’autres mouvements contestataires partout en Europe, tel que celui des Gilets Jaunes en France. Pour appréhender le développement fulgurant de ces théories en 2020, il faut également comprendre le contexte dans lequel il a été permis. La crise du coronavirus qui a touché le monde entier, a soulevé de nombreuses questions au sein de nos démocraties. Certains questionnent même l’existence du virus, ne « croient » plus en l’Etat et pensent être manipulés constamment par les médias. Le film documentaire « Hold-up » sorti en Novembre en est la preuve, leurs propos : tout ne serait que complot pour anéantir la population mondiale dont l’outil numéro un serait la covid-19. En donnant de la lumière aux théories complotistes et en essayant de les justifier, ce documentaire octroie une crédibilité aux groupes conspirationnistes et sème le trouble dans la société. Une fois de plus pointées du doigt pour leur manque de rapidité dans la modération de contenu, les plateformes apparaissent comme des acteurs puissants dans le relais de l’information.

Bien que la modération sur les lieux où naissent et se propagent les théories soit essentielle, elle reste insuffisante. Les croyances de ces groupes sont enracinées dans une défiance envers les institutions politiques et médiatiques. Pour tenter d’inverser la tendance et de gagner de nouveau la confiance, il faut nécessairement en comprendre les causes profondes. La confiance dans les médias et les institutions politiques a besoin d’être restaurée, la lutte contre les fake news approfondie et la régulation des contenus haineux et complotistes intensifiée si nous voulons faire cesser l’émergence de théories conspirationnistes qui divisent notre société et met à mal nos démocraties.

Louise Varnusson

Sources :

La Section 230 du Communications Decency Act : Un bouclier en danger ?

La section 230 du Communications Decency Act, plus communément appelée par les autorités américaines le bouclier des réseaux sociaux, est plus en danger que jamais depuis l’annonce des résultats des élections présidentielles américaines. Avec l’avènement des procès concernant les réseaux sociaux depuis début 2020, leur rôle et leur place prédominante sur le marché du net est de plus en plus controversée. Une modification de la section 230 pourrait remettre en question le fonctionnement fondamental sur lequel nos réseaux sociaux reposent aujourd’hui : la liberté d’expression. 

Quelle est donc la particularité de cette disposition ?  

Historique et contenu de la Section 230

La section 230 est une pièce du Communications Decency Act qui entra en vigueur en 1996 et fut rédigée dans l’intention de protéger un internet bien différent de celui que l’on connait aujourd’hui. Le souhait premier de cette loi était avant tout d’imposer de strictes responsabilités aux médias afin de protéger les enfants de tout contenu obscène qu’ils pourraient diffuser. 

Le Congrès a cependant rencontré un premier dilemme en rédigeant cette oeuvre législative. La loi américaine distingue traditionnellement les publishers des distributors. D’un côté les publishers sont responsables du contenu qu’ils publient, et de l’autre côté les distributors sont épargnés de toute responsabilité à moins qu’ils aient connaissance de l’illégalité du contenu qu’ils auraient publié. Cette distinction n’a pas été créée pour y intégrer les réseaux sociaux d’aujourd’hui. Les acteurs d’internet posent un problème en ce qu’ils agissent simultanément comme publisher et distributor. L’enjeu de cette qualification était important car en découlait le régime juridique applicable. 

Le Congrès décida donc d’ajouter à son entreprise législative ce qu’il a appelé le « Good Samaritan Statute » par lequel il ajouta la section 230. Sa volonté était de ne pas entraver la bonne marche des affaires en retirant une potentielle responsabilité qui aurait pu  dissuader les entreprises d’investir dans le marché de l’internet. 

La section 230 contient deux alinéas décisifs. Le premier dispose : « Aucun fournisseur ou utilisateur d’un service informatique interactif ne doit être traité comme l’éditeur ou l’auteur d’une information provenant d’un autre fournisseur de contenu informatif ». 

On voit bien que le Congrès n’a pas souhaité faire tomber les géants du net dans une catégorie particulière mais a choisi de leur imposer un régime juridique particulier. Il refuse de les considérer comme des publishers traditionnels en leur conférant une immunité. 

Le deuxième alinéa offre une exonération de responsabilité civile pour les opérateurs de services informatiques interactifs sur « toute mesure prise volontairement et de bonne foi pour restreindre l’accès ou la disponibilité de contenu que le fournisseur ou l’utilisateur considère comme obscène, lascif, dégoûtant, excessivement violent, harcelant ou autrement répréhensible, que ce matériel soit ou non protégé par la constitution ». 

Les controverses autour de cette Section

source: NBC News

Le principal challenge aujourd’hui est cette immense liberté qui est conférée aux réseaux sociaux via cette section 230 avec une absence de régulation. Il leur est aujourd’hui reproché de laisser circuler une large quantité de FakeNews. Leur système de « fact checking » ne serait pas assez efficace. On constate en particulier des pics d’émergence de fake news lors des élections présidentielles de 2016 et 2020. Il a également été démontré que même en période d’après-élection, l’engagement de Facebook avec des sites de fake news est aux alentours de 70 millions par mois le plaçant donc en diffuseur majeur de désinformation. 

Il leur est d’autant plus reproché d’être arbitraire dans leur modération de ces contenus, déterminant ainsi ce qui est à leur égard inapproprié ou non. Il en résulte une absence de neutralité qui est fortement pointée du doigt par les conservateurs. 

Nous avons un exemple récent avec un post du New York Post ayant mis en avant le fait que Hunter Biden, fils de Joe Biden aurait reçu un email d’un ukrainien le remerciant d’une rencontre avec son père. Facebook et Twitter ont considéré ce contenu comme douteux et nécessitant une vérification des faits plus approfondie. Ils ont donc empêché la circulation de cet article sur leurs plateformes. Cette mesure provoqua une forte réaction des républicains dénonçant une non-neutralité des réseaux sociaux et une nécessité de les réguler. 

Le problème est qu’il en résulte une méfiance accrue de la part des acteurs politiques envers ces plateformes. Ce manque de fiabilité des réseaux sociaux représente également un argument de plus pour contester chaque information qui est diffusée. On voit que la section 230 n’est plus adaptée à l’internet d’aujourd’hui et qu’elle empêche de mettre de l’ordre dans le chaos. 

Les menaces gravitant autour de cette Section

source : Daily Mail UK

C’est indéniable, la place de la section 230 dans le paysage législatif est compromise. Les deux partis politiques souhaitent une régulation des réseaux sociaux et cela risque de passer par une modification de cette section. Cependant, le consensus sur les suites à donner est loin d’être acquis. Nous avons d’un côté les conservateurs qui veulent que les réseaux sociaux restent neutres, alors que de l’autre côté nous avons les démocrates qui souhaitent une éradication de chaque contenu blessant qui peut avoir un effet négatif sur la société. 

Il s’agit donc d’un fort enjeu politique d’autant plus que Donald Trump a récemment menacé d’utiliser son veto si la Section 230 n’était pas complètement éradiquée. Il l’a qualifiée d’injuste et de très dangereuse en ce qu’elle permet aux réseaux sociaux de censurer les discours des conseravteurs comme ils le souhaitent. Le président avait déjà ordonné à la FCC en mai dernier, de trouver un moyen d’utiliser cette section pour réguler ces contenus. Le Sénat a également confirmé la nomination de Nathan Simington à la FCC, supporter des opinions de Donald Trump sur les questions d’abrogation de la Section 230. Cela ne plaide surement pas en la faveur de cette pièce législative.

Une abrogation susceptible de heurter la liberté d’expression

Les réseaux sociaux sont compliqués à réguler. La Section 230 est le socle de ce qui fait aujourd’hui leur succès : elle conserve la liberté d’expression sur internet. Cette dernière est fortement protégée aux Etats-Unis par l’amendement n°1, les dérogations s’y attachant sont rares. Si on décide de modifier cette section, c’est cette liberté qui risque d’être touchée de plein fouet. Plusieurs propositions ont été données par le Congrès comme par exemple une immunité accordée à la condition d’instaurer un impossible système de modération neutre. 

Brendan Carr (Federal Communications Commissioner) a en effet mentionné le fait que beaucoup de régimes à travers le monde accepteront volontiers de disséminer le contenu de leur opposition politique en utilisant la notion de « harmful speech ». La notion de désinformation pourrait être détournée au profit du mouvement politique en place. Si on réduit l’immunité accordée, la modération des réseaux sociaux serait donc en risque d’être influencée par le gouvernement politique en position. 

Il y a un impératif fondamental à ce que le Congrès maintienne un droit d’expression que ce soit pour les opinions populaires ou non populaires. Oui, il y aura bien une réforme de la Section 230, mais dans quelle mesure ? Quelles-en seront les conséquences ? Il s’agit ici d’une épreuve d’une haute délicatesse. Quoi qu’il en soit, tout projet de loi qui portera atteinte à la liberté d’expression garanti par le premier amendement sera bloqué. 

Adélaide Rocherolle

sources : https://www.numerama.com/politique/627321-donald-trump-vs-twitter-quest-ce-que-la-section-230-que-le-president-veut-abroger.html

https://en.wikipedia.org/wiki/Section_230

True history about the section 230 by Senator Hawley https://www.hawley.senate.gov/sites/default/files/2020-06/true-history-section-230.pdf

https://about.fb.com/wp-content/uploads/2018/10/fake-news-trends.pdf

The case against social media content regulation https://cei.org/issue_analysis/the-case-against-social-media-content-regulation/

Trump: I will veto section 230 https://www.nexttv.com/news/trump-i-will-veto-sec-230-less-ndaa

Nomination of Nathan Simingtonhttps://techcrunch.com/2020/12/08/senate-confirms-nathan-simington-as-fcc-commissioner-potentially-setting-up-years-of-stonewalling/

https://www.brookings.edu/techstream/how-section-230-reform-endangers-internet-free-speech/

Jeux vidéo et cinéma : Une love story

La frontière entre le jeu vidéo et le cinéma semble ne jamais avoir été aussi petite qu’à cet instant. Utilisant parfois les mêmes technologies comme la motion capture, ces 2 univers ne cessent de s’inspirer réciproquement.

Des points de convergence – L’exemple de The Volume

Pour la série The Mandalorian, première série Star Wars en images réelles, 2 des plus grands acteurs mondiaux du cinéma et du jeu vidéo se sont associés afin de créer une technologie qui pourrait révolutionner la façon de produire des contenus audiovisuels. ILM (Industrial Light & Magic), boîte d’effets spéciaux créé par Georges Lucas et aujourd’hui un des leaders du marché, a décidé de travailler avec Epic games, grosse boite de production de jeu vidéo et notamment du jeu à succès Fortnite. En résulte « The Volume », véritable incrustation du jeu vidéo dans le monde du cinéma.

The Mandalorian / Saison 1 – Lucasfilm

Le principe de cette technologie est simple: remplacer la technique du fond vert et de l’incrustation en post-production, considérées comme longues et couteuses. ILM et Epic games ont alors créé un immense écran LED à 270° de 6 mètres de haut sur 22 mètres de long où l’on peut projeter le décor voulu en temps réel (un désert, une montagne, une planète…).

The Mandalorian / Saison 1 – Lucasfilm

Tout cela fonctionne avec un moteur 3D, le Unreal Engine 4 d’Epic games. Ces moteurs 3D ont la particularité de pouvoir générer quasi instantanément des effets spéciaux et de les diffuser sur grand écran. On pourrait dire qu’il n’y a rien de révolutionnaire là-dedans étant donné que les films en noir et blanc utilisaient déjà ce type de technique à l’époque : des personnages au premier plan avec un écran diffusant un décor en arrière-plan. Seulement ici, en plus d’avoir des environnements d’un réalisme bluffant, la caméra possède également des capteurs permettant au décor de s’adapter en fonction de ses mouvements. Ainsi à l’image d’un jeu vidéo, on se retrouve dans un environnement 3D photo réaliste où le réalisateur peut naviguer afin de filmer comme il le souhaite la scène. Le principe est le même que dans un jeu à la 3e personne comme Fortnite sauf qu’ici on filme avec les acteurs d’une série. La caméra est la manette et le réalisateur est le joueur.

Jon Favreau, show runner de la série a d’ailleurs déclaré :

« Cette technologie va révolutionner la manière de filmer »

Jon Favreau

Selon nous, ce n’est pas simplement la manière de filmer qu’elle va bouleverser mais également la manière de produire des contenus.

Réponse aux problématiques de production : moins chers, plus rapide

Déjà sur la partie artistique, une telle technologie permet aux équipes de directement voir le rendu sur le plateau. Pour les acteurs, ils sont plongés au cœur de la scène, dans ces décors somptueux et arrivent ainsi à s’immerger beaucoup plus facilement qu’en face d’un fond vert. Enfin en termes d’éclairage, ils ne correspondent pas toujours bien avec les décors qu’on incruste des mois après le tournage par CGI (computer generated imagery). Avec cette technologie, on facilite le travail du directeur de la photographie qui n’a plus à anticiper ce que l’éclairage devrait rendre sur le décor qui va être créer des mois plus tard.

Pour ce qui est de la partie production. La réduction de coûts est considérable. Certes il faudra plus de temps en préparation afin de créer tous les environnements numériques. Néanmoins la post production, souvent très couteuses en effets spéciaux, sera extrêmement réduite. De plus on gagne en efficacité. Le même jour sur le même décor on peut tourner sur des tas d’environnements différents. Si on se rend compte que quelque chose ne fonctionne pas sur le plateau, on peut le changer quasi instantanément. On n’est plus obligé d’aller tourner dans un vrai désert par exemple et de déplacer tout une équipe ce qui est souvent extrêmement couteux. Les ingénieurs d’Epic games ont d’ailleurs penser la création de ces environnements en préproduction sous forme de plateforme collaborative ce qui permet aux différentes équipes : réalisation, photographie, décors… d’apporter des modifications quand ils le souhaitent plutôt que d’attendre parfois des semaines.

L’ensemble de la production est finalement accéléré. Hors nous sommes dans un monde où les choses vont de plus en plus vite, en particulier en ce qui concerne les séries où savoir maitriser son temps de production est essentiel. Avec la plupart des studios qui veulent désormais sortir une saison par an et ce en bluffant toujours plus les spectateurs, c’est typiquement le genre de technologie qui peuvent résoudre ces problématiques.

Une histoire d’amour ancienne

Si sur l’exemple de The volume, on voit le jeu vidéo apporter une révolution dans le cinéma, c’était plutôt l’inverse qui s’opérait jusqu’à présent. Le cinéma a largement contribué à la démocratisation du jeu vidéo et ce depuis la première adaptation vidéoludique d’une franchise cinématographique, Shark Jaws sortie en 1975, inspirée du film de Steven Spielberg, Jaws. S’en est suivi de nombreuses adaptations permettant aux studios de cinéma d’exploiter au mieux leurs droits et de toucher une audience plus large. Pour le jeu vidéo, ce dernier a gagné en crédibilité afin de pouvoir se revendiquer 45 ans plus tard comme le 10e art.

Depuis le jeu vidéo ne cesse de se rapprocher du cinéma, de ses univers, de son esthétisme. Celui-ci a longtemps opéré un mimétisme d’image cinématographique ayant marqué la population, allant jusqu’à recruter des grands acteurs de cinéma pour jouer dans ses productions tels que Norman Reedus, William Dafoe ou plus récemment Keanu Reeves.

A l’inverse les adaptations de jeu vidéo aux cinémas sont loin de faire l’unanimité, donnant des films pour la plupart oubliables comme la très regrettable adaptation Super Mario Bros sortie en 1993. Néanmoins le cinéma utilise toujours plus d’images de synthèse, grande caractéristique du jeu vidéo, et voit également arriver des scénarios interactifs comme avec le Bandersnatch de chez Netflix

Black Mirror – Bandersnatch – Netflix 2018

Vers une rupture au profit du jeu vidéo ?

Le jeu vidéo prend une place de plus en plus importante. Pendant de nombreuses années il a eu une connotation assez négative, beaucoup le considérant comme chronophage, antisocial ou encore addictif. Même si ces problématiques demeurent, elles s’effacent progressivement en raison du potentiel énorme que constitue ce marché. S’étant appuyer sur le cinéma pour gagner en crédibilité, les jeux vidéo peuvent désormais s’émanciper. Défendu sur un précédent article de ce blog, on peut quasiment les considérer comme de véritables médias sociaux. On se pose alors la question : allons-nous assister à un futur où le jeu vidéo aurait englober toutes les industries créatives ?

Source: Unsplash

Le cinéma était la réunion de plusieurs industries créatives à son émergence : la peinture, la musique, l’art de la scène, la photographie. En plus de ces éléments, le jeu vidéo vient rajouter une couche supplémentaire, celle du spectateur comme véritable acteur de l’oeuvre. Il n’est plus passif comme au cinéma, il devient partie prenante et décide. On touche à de l’ultra personnalisation, on a presque un jeu vidéo par personne. En découle une expérience unique, à l’inverse d’un film qui est le même pour chaque personne qui le visionne. Cette puissance grandissante du jeu vidéo pourrait ainsi l’amener au centre de l’attention culturelle pour les années à venir.

Un futur à écrire à deux

Et le cinéma dans tout ça ? Sera-t-il dévoré par l’ogre jeu vidéo et cette tendance d’ultra personnalisation ? Rien n’est moins sûr. Les œuvres culturelles communes, dont les « films cultes » font partis, ont la particularité de créer du lien social, les spectateurs ayant l’impression d’avoir partager la même expérience, les mêmes émotions, le même ressenti, que les autres. C’est ainsi que l’être humain se construit, en créant ou non des groupes d’affinités selon ce qu’ils ont vécu au travers de ces œuvres. A l’inverse, l’ultra personnalisation crée moins d’univers communs sur lesquels les spectateurs peuvent s’accorder.

Ceci expliquerait d’ailleurs le succès de Twitch. Pourquoi les joueurs adorent regarder des streamers pendant des heures ? Ils pourraient tout simplement créer leur propre expérience de jeu, unique, personnalisée, plutôt que de regarder l’expérience d’un autre. C’est une construction sociale. En regardant des lives de joueurs qu’ils apprécient, ils ont l’impression d’appartenir à une communauté, quelque chose qui semble beaucoup plus difficile à créer avec de l’ultra personnalisation. On a plusieurs exemples récents des limites de la personnalisation, à commencer par Netflix. Celui qui revendiquait d’avoir créer « un Netflix par personne » finit par proposer un Top 10 basé sur un critère aussi basique que le territoire.

Source: Unsplash

Au cinéma, il y aurait des millions de façons de représenter chaque histoire. Pourtant c’est le fait d’avoir derrière chaque film un réalisateur avec une vision qui nous touche. C’est cette vision unique qui crée du lien, tout comme l’expérience d’un streamer crée du lien pour l’ensemble de la communauté qui le suit. Cette même expérience que l’on retrouve dans une salle de cinéma, chaque spectateur étant rivé sur une œuvre : joie, pleurs, colère, rires… en ressortent, les mêmes émotions ressenties au même moment.

Le cinéma et le jeu vidéo ont encore un futur à écrire ensemble, en continuant à s’agrémenter, chacun ayant à apprendre de l’autre afin de nous faire vivre des émotions. La fusion de ces 2 modèles pourrait bien constituer l’avenir du monde culturel.

Tom Flamand

Source: Unsplash

Sources

Master_Chef. « Cinéma et jeux vidéo : univers parallèles ? | Culture Games – Culture, Encyclopédie et Histoire du jeu vidéo ». Consulté le 16 décembre 2020. https://www.culture-games.com/transmedia/cinema-et-jeux-video-univers-paralleles.

Upopi. « Jeu vidéo et cinéma – 1e partie | Ciclic ». Consulté le 16 décembre 2020. https://upopi.ciclic.fr/analyser/d-un-ecran-l-autre/jeu-video-et-cinema-1e-partie.

Redbull « Jeux vidéo et cinéma: “je t’aime, moi non plus” Gaming ». Consulté le 16 décembre 2020. https://www.redbull.com/fr-fr/jeux-video-cinema.

usine-digitale.fr. « L’équipe de The Mandalorian dévoile les innovations technologiques derrière la série ». Consulté le 16 décembre 2020. https://www.usine-digitale.fr/article/l-equipe-de-the-mandalorian-devoile-les-innovations-technologiques-derriere-la-serie.N932724.

Unreal Engine. Real-Time In-Camera VFX for Next-Gen Filmmaking  | Project Spotlight | Unreal Engine, 2019. https://www.youtube.com/watch?v=bErPsq5kPzE&feature=youtu.be.

ILMVFX. The Virtual Production of The Mandalorian, Season One, 2020. https://www.youtube.com/watch?v=gUnxzVOs3rk&feature=youtu.be.

NETFLIX ET LES CONTENUS INTERACTIFS : L’EFFORT DE DIFFÉRENCIATION

Depuis 2017, Netflix multiplie les formats interactifs. En trois ans, la plateforme a sorti huit épisodes spéciaux (L’épopée du Chat Potté, Bandersnatch de la série Black Mirror, Carmen Sandiego : mission de haut vol, Stretch Armstrong L’Evasion, Buddy Thunderstruck et L’aventure interactive de Capitaine Superslip, etc.) ainsi que deux séries entièrement interactives (You Vs Wild et Minecraft : mode histoire). En 2019, le vice-président produit de Netflix, Todd Yellin, a déclaré que la plateforme comptait bien accélérer le développement de tels contenus. « Attendez-vous à voir davantage de storytelling interactif d’ici un an ou deux. Il ne s’agira pas nécessairement de science-fiction, ou de quelque chose de sombre. Cela peut être de la comédie, ou une romance dans laquelle le public choisit si la protagoniste sort avec tel ou tel personnage » a-t-il affirmé[1].

Capture d’écran de la catégorie interactive de Netflix

Le modèle performant du jeu vidéo incite la création audiovisuelle à se renouveler

« Nous sommes en compétition (et perdons beaucoup plus) face à ‘Fortnite’, plus que face à HBO »[2]. Ce propos tenu par Reed Hastings dans une lettre adressée à ses actionnaires, en janvier 2019, témoigne de la rivalité entre la fiction audiovisuelle et le jeu vidéo et met en même temps le doigt sur un élément décisif : le modèle performant du jeu vidéo incite la production audiovisuelle à se renouveler. Dans l’économie de l’attention, les jeux vidéo deviennent le principal concurrent à l’instar du jeu Fortnite qui aurait rapporté « plus de 4 milliards de dollars en deux ans,  atteignant 250 millions de joueurs »[3]. Pour certains, l’épisode interactif Bandersnatch de la série Black Mirror serait interprété comme un début de réponse à Fortnite[4]. Constituant l’archétype de la nouvelle industrie de l’attention[5], le jeu vidéo devient à la fois référence et rival. L’alliance Ubisoft-Netflix – pour adapter la franchise à succès Assassin’s Creed – illustre ce rapport et surtout les synergies qui sont à l’œuvre.

Les contenus interactifs : offrir une expérience proche de celle du médium vidéoludique

Dans les contenus interactifs de Netflix, les nœuds narratifs, c’est-à-dire ces moments où le spectateur doit prendre une décision face à deux propositions, se mêlent à la mise en scène. Ces nouvelles narrations témoignent de manière explicite du renouvellement de la fiction audiovisuelle classique dans une logique d’hybridation. En effet, elles proposent une expérience proche de celle qu’offre le médium vidéoludique via l’ouverture actancielle et les possibilités narratives. Ces synergies créatives illustrent l’hypothèse de Bolter et Grusin : « chaque média entre dans une relation d’influence et de modélisation réciproques avec les autres. Chaque « pensée » du média est potentiellement susceptible de colorer la forme des autres, jusqu’au point de les « refaçonner » en partie (autrement dit) toute médiation est par essence une remédiation »[6].

Exemple de séquence interactive dans l’épisode Bandersnatch de la série Black Mirror [7]
Exemple de la présentation du choix dans l’épopée du Chat Potée[8].

Les contenus interactifs captent des promesses inhérentes au jeu vidéo : la jouabilité, l’expérience de liberté, la personnalisation, la possibilité de recommencer, la métamorphose du temps. Même si on peut parler de jouabilité, celle-ci reste en deçà du jeu vidéo. Les choix restent assez sommaires et ils n’en sont pas vraiment lorsqu’il s’agit simplement de choisir l’ordre d’un événement amené à se produire dans tous les cas.

Dans l’épisode Bandersnatch, si aucun choix n’est fait au bout de dix secondes par le spectateur, il sera dirigé vers la version la plus basique de l’histoire, déterminée par le créateur Charlie Brooker. Certaines décisions peuvent nous faire atterrir dans des impasses. Comme dans un jeu vidéo, le spectateur est alors de nouveau jeté au milieu de la chronologie narrative pour effectuer un autre choix. À la fin de l’épisode, il est possible de revenir à certains moments clés pour explorer d’autres branches narratives. L’épisode peut durer entre 40 minutes et 120 minutes (la branche la plus longue). Les spectateurs peuvent découvrir treize fins différentes. Un internaute a réalisé un schéma avec tous les arcs narratifs, qu’il est possible d’emprunter au cours de l’intrigue. Ces organigrammes ressemblent à l’organisation interne ou aux outils d’arborescence des jeux vidéo puisqu’il y a certains choix qui ne mènent à rien ou nous ramènent à zéro tandis que d’autres nous permettent d’accéder à une nouvelle branche narrative.


Source : Numerama – Traduction de l’arbre posté par u/alpine sur Reddit.

Une tendance qui résiderait dans son objet : les séries

La force de la tendance des contenus interactifs semblerait résider dans son objet : les séries. Les séries sont un produit phare du divertissement et du commerce culturel mondial. C’est notamment la création de séries originales qui a permis à Netflix d’asseoir sa réputation et son image, à l’instar de House of Cards, Orange is the new black, Narcos, Stranger Things, The Crown, etc. Comme le souligne A. Venel, « quoi de plus satisfaisant que de voir la destinée de son personnage préféré bouleversée en un simple clic ? »[9]. Les fictions interactives inaugurent, en plus d’un dispositif de pratique et de réception, un modèle d’exploitation et de rentabilisation des séries. Elles repensent la création de biens culturels dans le domaine de la fiction. En effet, pour Netflix, la réalisation d’épisodes interactifs dérivés de ses contenus s’inscrirait aussi dans une stratégie de marketing et de promotion.

Les séries interactives ou les épisodes interactifs de série soulignent également la volonté de diversification de Netflix. Le 14 juin 2018, Netflix et Telltale Games, studio connu pour ses jeux narratifs Games of Throne et The Walking Dead, ont officialisé leur partenariat pour le développement de nouveaux jeux et séries interactives[10]. Pour Netflix, les jeux narratifs de Telltale ne sont pas que du jeu vidéo mais aussi des histoires interactives, qui ont donc leur place sur la plateforme, à l’instar du jeu Minecraft. C’est un nouvel atout pour l’entreprise de Reed Hastings qui va continuer à miser sur le contenu, d’une manière différente des séries habituelles.

Dans une offre d’emploi pour un poste de « manager of interactive licensing », l’entreprise de Reed Hastings détaille ainsi : « Nous nous intéressons aux séries interactives et aux jeux vidéo parce que nous pensons qu’ils peuvent amener une notoriété/un buzz significatif à une série (…) Nous voulons que la catégorie interactive aide à promouvoir nos titres (…) pour attirer l’attention et ravir nos abonnés »[11]. L’extension de la narration audiovisuelle conduit à l’émergence de nouveaux métiers. 

Depuis les années 2000, on assiste à l’accroissement exponentiel du nombre de séries produites. Ce phénomène, appelé Peak TV et théorisé par John Landgraf, patron de la chaine américaine FX, montre qu’il est de plus en plus difficile de lancer une série car elle a une chance sur deux de se noyer dans la masse[12]. Avec l’arrivée de nouveaux acteurs SVOD (Apple TV+, Disney +, Peacock, HBOmax ou encore Facebook qui se lancent dans la création originale de séries), la production sérielle est en pleine expansion et l’ère de la Peak TV bat son plein.

Face à ce phénomène, l’usage de l’interactivité dans les séries permettrait (entre autres) à Netflix de se démarquer dans une offre toujours plus abondante, en proposant des expériences de visionnage d’un genre nouveau. En effet, les contenus interactifs renouvellent les spectacles offerts au public et créent l’événement, c’est une nouvelle manière de concevoir le streaming.

Néanmoins, il faut garder à l’esprit qu’avec ce genre de contenus, Netflix récolte une mine de données personnelles concernant les choix effectués par les utilisateurs.

Annabelle Descudet.


[1] PALLARUELO Olivier, « Après Bandersnatch, la prochaine série interactive de Netflix sera avec Bear Grylls », Allociné, 19/03/2019. Disponible sur http://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18679908.html

[2] DEZERAUD Pierre, « Netflix dit craindre plus Fortnite et Youtube que Disney, Amazon et HBO », Puremedias, 21/09/2019. Disponible sur https://www.ozap.com/actu/netflix-dit-craindre-plus-fortnite-et-youtube-que-disney-amazon-et-hbo/573633?platform=hootsuite

[3] OIHAB Allal-Chérif, « Fortnite, un phénomène économique, social, sportif et culturel », The Conversation, 10/10/2019. Disponible sur https://theconversation.com/fortnite-un-phenomene-economique-social-sportif-et-culturel-124543

[4] DEZERAUD Pierre, « Netflix dit craindre plus Fortnite et Youtube que Disney, Amazon et HBO », Puremedias, 21/09/2019. Disponible sur https://www.ozap.com/actu/netflix-dit-craindre-plus-fortnite-et-youtube-que-disney-amazon-et-hbo/573633?platform=hootsuite

[5] BOUILLER Dominique, Les industries de l’attention : fidélisation, alerte ou immersion, La Découverte, « Réseaux » n°154/2009, p240. Consulté sur cairn.info et disponible sur https://www.cairn.info/revue-reseaux-2009-2-page-231.htm

[6] AÏM Olivier, « Le transmédia comme remédiation de la théorie du récit  », Terminal [En ligne], 112 | 2013, mis en ligne le 15 mai 2015. URL : http://journals.openedition.org/terminal/558 ; DOI : https://doi.org/10.4000/terminal.558

[7] Source de l’image : https://www.francetvinfo.fr/culture/series/quot-bandersnatchquot-la-serie-netflix-quot-black-mirrorquot-a-lavant-garde-de-lepisode-interactif_3303671.html

[8] Source de l’image : https://www.numerama.com/pop-culture/424160-black-mirror-saison-5-netflix-va-produire-un-episode-interactif-dont-vous-etes-le-heros.html

[9] VENEL Ambre, « Les nouvelles séries interactives coup de com’ ou révolution », FastNCurious, 01/11/2018. Disponible sur http://fastncurious.fr/2018/11/01/les-nouvelles-series-interactives-coup-de-com-ou-revolution/

[10] WESSBECHER Louise, « Netflix flirte avec le jeu vidéo pour une série interactive autour de l’univers Minecraft », France 24, 14/06/2018. Disponible sur https://www.france24.com/fr/20180614-netflix-flirte-le-jeu-video-une-serie-interactive-autour-univers-minecraft

[11] SIGNORET Perrine, « Le jeu vidéo Minecraft : Story mode va débarquer sur Netflix », Le Monde, 14/06/2018. Disponible sur https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/06/14/minecraft-story-mode-va-debarquer-sur-netflix_5314956_4408996.html#:~:text=La%20derni%C3%A8re%20annonce%20en%20date,version%20de%20Minecraft%20%3A%20Story%20Mode.

[12] OLITÉ Marion, « À Séries Mania, quelques voix émergent du raz-de-marée de la Peak TV », Biiinge Konbini, 29/03/2019. Disponible sur https://biiinge.konbini.com/insight/series-mania-quelques-voix-raz-de-maree-peak-tv/ 

Influencer Marketing: What Challenges does the Industry Face Today?

Influencer marketing industry reached $6.5 billion in 2019 according to Statista and is expected to grow to $22.3 billion by 2024. While many marketers have already understood the lucrative potential of creators’ publications, the industry itself is often seen as the one lacking transparency and regulation. How should marketers calculate the fair remuneration of a creator? Should brands disclose paid partnerships? These questions represent a major concern for the industry community. Before we go into details, let’s have a look at what influencer marketing represents today.

Influencer marketing is a practice which is utilized by a broad range of brands. Instagram solidly remains the main platform for creator campaigns which comes as no surprise considering major advantages the platforms offers both to brands and creators. According to Business Insider, nearly four in five brands predominantly tap Instagram for influencer campaigns. Commonly, brands which fall into categories of fashion, beauty, travel and photography enjoy the highest engagement rates. Aesthetics matter on Instagram, thus, brands which have it as inherent advantage benefit the most from campaigns with creators.

Industry size evolution according to Influencer Marketing Hub

Nevertheless, brands such as TikTok, Coca Cola and KFC actively advertise on the platform showing that on Instagram there is enough audience for any brand. Another type of brands which actively use creator potential is digital native vertical brands. Being born on the Internet or exactly on Instagram, such brands see creators as the main communication and advertising strategy. According to the State of Influencer Marketing in 2020 provided by Influencer Marketing Hub, more than 380 new influencer marketing-focused agencies and platforms were established only in 2019. What’s more, large companies have nearly doubled the number of creators they engage per campaign in the past 2 years.

The industry has been growing steadily, however, the challenges that it faces have not reduced in number. So, what are those challenges that the industry confronts? What should be noted is that the way community responds to these issues not only impacts the ROI of advertising campaigns and brand image. Actions taken and practices used equally influence the overall state of the industry contributing to setting norms and standards which influencer marketing lacks today.

Challenge 1. To Disclose or Not to Disclose?

Disclosure of sponsored partnerships has been a controversial issue which industry experts have mixed feelings about. The Federal Trade Commission in the US and The Competition & Markets Authority in the UK impose strict rules in terms of paid partnerships disclosure. They require utmost transparency in sponsored publications and provide precise guidelines on how to mark posts. The issue with the sponsored publications is that they are negatively perceived by social media users, especially when the product placement looks awkward because of the incoherence between a creator profile and a product. We all, as consumers, do not like blatant promotion: we would rather see a genuine recommendation, than one doing product endorsement just for money. Thus, once the post is marked as sponsored, it often receives lower engagement, and due to this negative dependency brand managers may infringe disclosure rules.

The joint study of Influencer Intelligence and Econsultancy focused on the American and British market and revealed that a third of brands surveyed deliberately choose not to disclose influencer marketing as sponsored content. Their decision was based on the belief that this would negatively impact consumers’ trust. What these brands opted for was coming up with some alternatives to explicit disclosure while being fully aware of the advertising codes established in their countries.

The rate of sponsored publications disclosure according to the Influencer Marketing Hub survey

You may wonder why disclosure rules are imposed at all. Authorities would probably not be that strict in this regard if there had not been several loud cases of companies trying to sell harmful products via creators. When a brand discloses a partnership, it explicitly claims itself responsible for its products. Therefore, if the marketing of some product is done in a way that infringes the guidelines of any community a.k.a. the marketplace, this brand will be held accountable. What should be noted, apart from the US and UK, other countries yet remain on the level of recommendations in terms of advertising norms.

However, the disclosure of the paid nature of a publication does not make it automatically genuine in the eyes of social media users. The importance of genuine brand endorsement has been highlighted numerous times as well as of the affinity between creators’ profile and a product advertised. But these are only two of the important criteria and the third key one we will study below.

Challenge 2. The Omnipresence of Fraudulent Practices

Some researches claim that the half of all likes on the Instagram is fake. This may seem as an exaggeration, however, according to the estimations of Cheq, a cybersecurity company focused on the digital media space, and University of Baltimore, fake followers cost brands $1.3B in 2019. Purchasing fake followers or, in other words, bots are one of the most widely used ways to artificially increase engagement numbers. While purchased bots put likes, comments or participate in polls in IG stories, the industry is losing money and its reputation.

Despite the presence of many tools on the market which allow to verify creators’ authenticity, members of the influencer marketing community do not have the same level of awareness of this issue. One the possible explanations to it would be the permanent emergence of new, enhanced fraud techniques. Long gone the days when purchased followers were enough: today, follower’s authenticity check takes several seconds. However, not every software is capable of detecting complex fraud techniques, for example, when fake elements of engagement are provided in a package in which they are mixed in a balanced way so that to minimize the possibility of fraud disclosure. Thus, unawareness itself can be expensive, but what to do if not all existing tools are effective in detecting fraud?

Challenges that industry experts face according to Mediakix 2019 survey

Challenge 3: No Established Guidelines for Setting Creator Rates

One the main challenges for professionals in the influencer marketing industry is the absence of standards as for creators’ remuneration. There are literally no generally accepted guidelines which marketing specialists could rely on. Often the eventual remuneration is a product of the negotiation of two sides – a creator and an influencer marketing manager. What specialists tend to look at in the first place is the number of followers that a profile has and the engagement that it receives – the infamous vanity metrics. More experienced specialists equally verify the evolution and authenticity of profile, what practices the creator used to grow the account and what share of the profile’s followers is actually real people.

This challenge of creators’ remuneration might be the most important one for brands. The existing guidelines do not give any precision as for setting prices and largely just show what the collaboration price depends on: the medium used, creator’s engagement metrics, campaign duration etc. So far, regulatory bodies like FTC have been mostly and solely focused on ad disclosure and the issue of influencer rates has been left aside. This gave ground to criticism especially since it is rather easy to find creators who receive “unfairly” high remuneration. In 2019, the issue provoked even more debate. According to one of the biggest influencer marketing platforms, IZEA, the cost of the average influencer post shared on Instagram went up by a factor of twelve in the period from 2014 to 2019, from $134 to $1,642. Thus, even though today the issue of influencer rates is not as much discussed as the ad disclosure, it is likely that in several years to come this topic will be appearing on the agenda more often since brands will be requiring more transparency and norms in terms of creators’ remuneration.

How to Preserve the Positive Image of the Industry?

Reasons why brands invest in advertising with creators according to Mediakix 2019 survey

Promotion of dubious products, companies sued for non-disclosure, creators buying fake engagement elements in bulks – this is exactly what you may stumble upon while reading about influencer marketing on the Internet. So, you may wonder what’s the power of it? The clue is simple: people believe those who they can or want to identify themselves with. Many marketing experts believe that ads with creators are significantly more efficient than the ones with celebrities and that conventional TV ads cannot be even compared to creators. However, compared to the TV, Internet and social media precisely remain significantly less regulated. The lack of established norms gives ground to the proliferation of fraudulent practices and also may result in harmful or potentially dangerous messages being spread on media.

Platforms, for example Instagram, do implement some stricter community guidelines, however these regulations do not concern the whole industry. Thus, it does not help to establish a single industry standard. What we may forecast is that the more brands will be investing in influencer marketing activities, the more the transparency of the industry will be questioned and the more it will be subject to regulation. Compared to establishing regulation, bringing more transparency is less complicated. Thus, we may assume that in the years to come regulatory authorities will keep focus on increasing transparency around creators’ remuneration and on the elimination of fraud, just like they are already focused on ad disclosure.

Ekaterina Karnaukhova

Sources:

CONSTINE, Josh. “FTC votes to review influencer marketing rules and penalties”. February 12th, 2020:  https://techcrunch.com/2020/02/12/ftc-influencer-marketing-law/ 

GUTTMANN, A. Global influencer marketing value 2016-2019. February 3rd, 2020: https://www.statista.com/statistics/1092819/global-influencer-market-size/

IAB UK. “Views from the industry: influencer marketing”. August 12th, 2019: https://www.iabuk.com/research/views-industry-influencer-marketing

Influencer Marketing Hub. “Influencer Rates: How Much do Influencers Really Cost in 2020?”. July 6th, 2020: https://influencermarketinghub.com/influencer-rates/

Influencer Marketing Hub. “The State of Influencer Marketing 2020: Benchmark Report”, 2020: https://influencermarketinghub.com/influencer-marketing-benchmark-report-2020/

LIPSKIER, Viviane. (2018), « D.N.V.B. : Les surdouées du commerce digital (Digitally Natives Vertical Brands) », Maxima, 354 p.

Mediakix. “Influencer marketing 2019 industry benchmarks”, 2019: https://mediakix.com/influencer-marketing-resources/influencer-marketing-industry-statistics-survey-benchmarks/

SCHOMER, Audrey. “Influencer Marketing: State of the social media influencer market in 2020”. December 17th, 2019: https://www.businessinsider.com/influencer-marketing-report?IR=T

TESSERAS, Lucy. “A third of brands admit to not disclosing influencer partnerships”. November 14th, 2018: https://www.marketingweek.com/influencer-marketing-partnerships/

Brut : le média en ligne qui connaît une ascension fulgurante

D’ovni de l’information à une marque reconnue du paysage médiatique

C’est en regardant ses enfants, jeunes adultes, « scroller » sur leur portable que Renaud Le Van Kim réfléchit à l’idée de Brut en constatant que « toute cette génération Z ne regarde plus la télévision, lit peu la presse, mais cherche vraiment à s’informer. » En avril 2016, Guillaume Lacroix suit l’intervention du président François Hollande dans l’émission « Dialogues citoyens » sur France 2 et prend conscience de l’ampleur des commentaires qui sont partagés sur les réseaux sociaux lors de ce programme. Ce soir-là, il décide d’envoyer un message à Renaud Le Van Kim pour le convaincre « [d’oublier] les médias traditionnels [et de] parler aux jeunes en utilisant les réseaux sociaux. »

Ainsi est fondé le média Brut qui naît de l’association d’anciens de Canal + : Renaud Le Van Kim, ex-producteur du « Grand Journal », Guillaume Lacroix, fondateur de Studio Bagel, Roger Coste, ancien patron de la régie publicitaire de Canal+, et Laurent Lucas, ancien rédacteur en chef adjoint du « Petit Journal ». 

Le 16 novembre 2016, à Bobigny (Seine-Saint-Denis), Emmanuel Macron se déclare candidat à l’élection présidentielle. Rémy Buisine, récemment embauché, retransmet en direct l’événement sur les réseaux sociaux pour le compte de Brut. Ce live marque le lancement du média et comptabilisera au total 10 vues. Deux années plus tard, lors d’une mobilisation des gilets jaunes, le journaliste spécialisé dans les mouvement sociaux réalise une retransmission en direct pendant 10 heures qui sera, elle, visionnée plus de 22 millions de fois. Le 4 décembre 2020, aux côtés de Thomas Snégaroff et Yagmur Cengiz, Rémy Buisine a interviewé le chef de l’État désireux de s’adresser à la jeunesse, laquelle s’est massivement détournée des médias traditionnels mais dont Brut capte l’essentiel de l’audience (15-35 ans).

Ces événements témoignent de la montée rapide en puissance de ce pure player et de sa croissance exponentielle de notoriété. Avec 39 millions de spectateurs uniques par mois,  soit deux fois plus que la BBC, Brut a été désigné comme le premier média social d’Europe fin octobre 2020. En France, si ce média en ligne – qui touche 13 millions de français chaque jour – était une chaîne de télévision, il serait à la 5ème place en termes d’audience.

La ligne éditoriale et les contenus

Guillaume Lacroix explique que la ligne éditoriale du média repose « sur un ensemble de valeurs partagées par les jeunes dans le monde comme la responsabilité des pouvoirs, la lutte contre les discriminations, l’environnement, la solidarité et l’impact social des actions positives ». Bien que Brut revendique de ne pas avoir de ligne éditoriale à proprement parler et se vante de « [de fédérer] des talents autonomes qui prennent des décisions », ses journalistes restent, malgré tout, supervisés par le directeur éditorial Laurent Lucas.

Le média en ligne propose une offre éditoriale très vaste allant de la courte vidéo de décryptage, en passant par des entretiens sous la forme de témoignages jusqu’à des formats plus longs s’apparentant à des reportages. Ces contenus sont diffusés essentiellement sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat) et sur YouTube mais aussi sur la chaîne en continue Franceinfo. Depuis février 2019, Brut diffuse également ses contenus sur son propre site web et son application mobile.

Les formats produits par Brut se veulent percutants. En mettant en avant les déclarations ou les images fortes dans les premières secondes, le tout, accompagné d’une musique rythmée et de phrases courtes en sous-titre, permet de renforcer l’attractivité des vidéos et de capter au mieux l’attention des internautes. Les interviews se déroulent en gros plan, face caméra, sans aucun journaliste présent à l’image. Le média s’attache à « ne pas mettre de filtres entre [ses] contenus et [son] audience ». L’objectif est de donner des éléments de contexte à son audience afin de générer des discussions sur divers sujets. Selon le cofondateur Guillaume Lacroix, la conversation est « au cœur du succès » de Brut qui revendique être le média dont les vidéos sont les plus commentées sur les réseaux sociaux partout dans le monde.

Un groupe de plus en plus international

Brut s’est décliné dans une soixantaine de pays et a ouvert des bureaux  notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni ou encore en Espagne. Le groupe produit ainsi une offre locale tout en s’appuyant sur des contenus exportables partout dans le monde – qui représentent 50 % de ses productions – en les traduisant dans 5 langues différentes. Cela lui permet de se différencier d’un média traditionnel qui va produire une vidéo pour un pays en particulier. De cette façon, cette organisation réduit ses coûts de production et lui permet in fine de réaliser des économies au fur et à mesure de son installation dans de nouveaux pays.

De multiples sources de revenus  

En 2017, le média a noué un partenariat avec le groupe France Télévisions concernant la monétisation de ses vidéos qui est effectuée par la régie publicitaire du groupe audiovisuel public. Les revenus issus de la publicité représentent 30 % de ses recettes globales. Cette collaboration permet également d’élargir l’audience du pure player en diffusant une partie de ses contenus sur Franceinfo sur la tranche 18/20 heures. Brut s’est aussi allié avec le journal 20 minutes qui diffuse l’une de ses vidéos quotidiennement sur le thème de l’environnement. La branche Nature de Brut a également produit « L’Émission pour la Terre » diffusée sur France 2 le 15 octobre 2019 en partenariat avec la Fondation pour la nature et l’homme fondée par Nicolas Hulot.

Désireux d’accroître la notoriété de son onglet « Watch » et d’y promouvoir des marques de médias connus, Facebook a également conclu un partenariat avec Brut en 2019. Le géant américain finance l’intégralité de certains programmes réalisés par Brut. En contrepartie, ces contenus sont diffusés en exclusivité pour une courte période sur l’espace dédié à la vidéo du réseau social.

Par ailleurs, Clear Channel, acteur majeur de la communication extérieure, a voulu développer la communication digital out of home en partenariat avec Brut. En lançant le concept dénommé « Hyperstories », cette collaboration inédite permet de réinventer le storytelling publicitaire et de prolonger les stories du média en ligne dans la rue. L’absence de son n’est pas une contrainte au moment où 85 % des vidéos sur Facebook sont visionnées de cette manière.

Enfin, Brut tire la majeure partie de ses revenus grâce à la confection de vidéos sponsorisées en partenariat avec des marques. En échange de la diffusion d’un contenu de marque à son audience composée de plusieurs dizaines de millions de personnes, celles-ci rémunèrent le média. Cependant, le pure player refuse de faire de la publicité pour « certaines entreprises ou secteurs comme Total ou l’industrie pharmaceutique ». Par ailleurs, le média a séparé ses activités purement journalistiques et éditoriales de sa branche de brand content qui ne sont pas opérées par les mêmes employés. Il indique également, de façon claire, à son audience quels sont les contenus qui relèvent du native advertising afin qu’il n’y ait pas de risque de confusion.

Exemple de native advertising pour le compte de la  plate-forme de paiement en ligne Paypal

Ses financements 

Brut était détenu, à sa création, par la société de production Together Studio lancée par Renaud Le Van Kim (l’un des fondateurs du média) et détenue à 39 % par le réalisateur Luc Besson. Celle-ci produit aussi des émissions de télévision à l’instar de « C politique » animée par Karim Rissouli sur France 5.

En 2018, le média a  effectué une levée de fonds de 10 millions d’euros dont Xavier Niel a contribué afin de financer son internationalisation et des outils lui permettant de mieux « connaître son audience ». Fin 2019, Brut réussit de nouveau une levée de fond, pour un montant de 36 millions d’euros, dans le but de consolider son développement aux États-Unis.

Bien que le groupe soit déficitaire au global, il est très rentable en France où il perçoit l’essentiel de ses revenus. Ce dernier réinvestit les profits engrangés dans l’hexagone  pour s’installer dans de nouveaux pays. Guillaume Lacroix prévoit que l’ensemble du groupe qu’il dirige sera bénéficiaire « d’ici un ou deux ans » et se montre rassurant concernant les opportunités à l’avenir « tant que le coût de production n’augmente pas aussi vite que la base d’utilisateurs, nous pouvons continuer à investir ».

Arnaud Lodola

Sources

BAŸT-DARCOURT Célyne, « Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il choisi Brut pour son interview ? », Franceinfo, 4 décembre 2020. Disponible sur https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/info-medias/pourquoi-emmanuel-macron-a-t-il-choisi-brut-pour-son-interview_4188475.html

MAIRE Jérémie, « Brut, le média en ligne qui part à la recherche des jeunes », Télérama, 21 novembre 2016. Disponible sur https://www.telerama.fr/medias/brut-le-media-en-ligne-qui-part-a-la-recherche-des-jeunes,150256.php

CAZERES Florian,« Brut, le média des “millennials”, explose sur les réseaux sociaux », Le Monde, 14 Mars 2017. Disponible sur https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2017/03/14/brut-le-media-des-millennials-explose-sur-les-reseaux-sociaux_5093962_3236.html

LEJEUNE Léa, « Brut, C Politique… Renaud Le Van Kim, enquête sur le producteur le plus puissant de Paris », Challenges, 22 novembre 2020. Disponible surhttps://www.challenges.fr/media/brut-c-politique-renaud-le-van-kim-enquete-sur-le-producteur-le-plus-puissant-de-paris_738186

AFP, « Brut, le média aux 20 milliards de vidéos vues qui a décroché une interview de Macron », Maddyness, 4 décembre 2020. Disponible sur https://www.maddyness.com/2020/12/04/qui-est-brut-media-interroge-emmanuel-macron/

RENAULT Enguérand, « Brut et Loopsider, ces médias qui prospèrent sur les réseaux », Le Figaro, 1er décembre 2020. Disponible sur https://www.lefigaro.fr/medias/brut-et-loopsider-ces-medias-qui-prosperent-sur-les-reseaux-20201127

DEVILLERS Sonia, « Brut : nouveau journalisme ou nouveau sensationnalisme ? », France Inter, 24 juin 2019. Disponible sur https://www.franceinter.fr/emissions/l-instant-m/l-instant-m-24-juin-2019

BFM Business, « Guillaume Lacroix (Brut) : Brut devient le premier média social en Europe, devant la BBC », 2 novembre 2020. Disponible sur https://www.bfmtv.com/economie/replay-emissions/good-morning-business/guillaume-lacroix-brut-brut-devient-le-premier-media-social-en-europe-devant-la-bbc-02-11_VN-202011020022.html 

Le Figaro, « Le média Brut va lancer son site et son appli », 10 février 2019. Disponible sur https://www.lefigaro.fr/flash-eco/2019/02/10/97002-20190210FILWWW00025-le-media-brut-va-lancer-son-site-et-son-appli.php

RAHMIL David-Julien, « Brut, Loopsider : quel modèle économique pour les médias 100% réseaux sociaux ? », L’ADN, 9 octobre 2019. Disponible sur https://www.ladn.eu/media-mutants/tv-et-nouvelles-images/modele-economique-medias-brut-loopsider/

Clear Channel, « Clear Channel lance les HYPERSTORIES », communiqué de presse. Disponible sur https://www.clearchannel.fr/presse/clear-channel-lance-hyperstories/

France Télévisions, « L’Émission pour la Terre : tout le monde au vert ! », 15 octobre 2019. Disponible sur https://www.francetelevisions.fr/et-vous/notre-tele/on-sengage/lemission-pour-la-terre-1364

AFP, « Le média vidéo Brut lève 36 millions d’euros pour grandir aux Etats-Unis », Le Monde, 30 octobre 2019. Disponible sur  https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2019/10/30/medias-brut-leve-36-millions-d-euros-pour-grandir-aux-etats-unis_6017483_3236.html

PIQUARD Alexandre, « « Brand content » : quand les médias jouent aux agences de pub » , Le Monde, 7 juillet 2013. Disponible sur https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2013/07/05/quand-les-medias-jouent-aux-agences-de-pub_3443029_3236.html

LEFILLIÂTRE Jérôme, « “Brut” prépare son lancement aux Etats-Unis », Libération, 16 février 2017. Disponible sur https://www.liberation.fr/futurs/2017/02/16/brut-prepare-son-lancement-aux-etats-unis_1548672

WOITIER Chloé, « 20 Minutes s’engage dans de nouveaux territoires », Le Figaro, 25 septembre 2019. Disponible sur https://www.lefigaro.fr/medias/20-minutes-s-engage-dans-de-nouveaux-territoires-20190924

EL AZZAZ Yassine, « Brut :  “Nous nous apprêtons à lever 10 millions d’euros” », Le Monde, 25 mai 2018. Disponible sur https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/05/25/brut-nous-avons-leve-10-millions-d-euros_5304635_3234.html 

RENAULT Enguérand, « Le média social Brut lève 10 millions d’euros », Le Figaro, 4 septembre 2018. Disponible sur https://www.lefigaro.fr/medias/2018/07/04/20004-20180704ARTFIG00291-le-media-social-brut-leve-10millions-d-euros.php

WOITIER Chloé,« Facebook renforce son offre Watch en France et en Europe » , Le Figaro, 16 octobre 2019. Disponible sur https://www.lefigaro.fr/medias/facebook-renforce-son-offre-watch-en-france-et-en-europe-20191015

Face à la multiplication des plateformes, l’AVOD peut-elle tirer son épingle du jeu ?

Un marché saturé ?

Lorsque Netflix crée sa plateforme en 2007, ils mettent en place une stratégie de « blue ocean », c’est à dire utiliser simultanément des stratégies de différenciation et de faible coût (rappelons qu’ils n’ont rien produit avant 2013), afin de conduire à la création d’un nouveau marché et d’une nouvelle demande. C’est un marché dans lequel Netflix a longtemps nagé seul. Néanmoins, l’un des principaux aspects de la stratégie de « blue ocean » est qu’elle ne dure pas éternellement. Devant le succès d’une telle offre (195 millions d’abonnés à ce jour), d’autres entreprises sont entrées sur le marché. Et un raz-de-marée de plateformes a eu lieu ces deux dernières années. 

Que ce soit les majors américaines (Disney+, HBO Max pour Warner, Paramount+, Peacock pour Universal), les chaînes de télévision (Britbox pour la BBC et ITV au Royaume-Uni, Salto en France), ou même des entreprises non spécialisées dans le secteur audiovisuel (Amazon et Apple), nombreux sont ceux qui ont créé leur propre plateforme. Aujourd’hui, le streaming est devenu un secteur extrêmement concurrentiel. Et la crise sanitaire, en forçant les gens à rester chez eux, n’a fait qu’aggraver cette concurrence. En effet, nombreux sont ceux qui, à la recherche de divertissement, ont souscrit à plusieurs plateformes. Mais lorsque la crise sera passée, garderont-ils tous leurs abonnements ? 

Quoi qu’il en soit, cette multiplication des plateformes engendre une saturation du marché et toutes n’y trouvent pas leur place, comme l’a montré l’échec de Quibi, une plateforme spécialisée dans du contenu premium destiné aux smartphones, qui a déposé le bilan après seulement 6 mois.

C’est ici que réside le problème: les plateformes se sont démultipliées et les gens ne sont pas prêts à souscrire à un trop grand nombre. Quand Netflix est arrivé, l’un des intérêts principaux était le fait de trouver un catalogue riche, avec des programmes de tous les studios. Maintenant qu’ils ont créé leur plateforme, le contenu s’est dispersé. Et malgré la popularité du streaming, le budget des utilisateurs est limité, comme on peut le voir sur cette étude américaine: 

Le coût étant le facteur de désabonnement le plus important, de plus en plus de foyers se tournent vers les services AVOD. 

L’AVOD, un business model qui gagne du terrain

L’AVOD est l’acronyme de « Advertising video on demand », ce qui signifie que le financement du service vidéo se fait grâce à la publicité. Alors que Netflix avait justement développé un système sans publicité, il semble que cette dernière soit finalement l’une des solutions au problème de la « subscription fatigue », cette lassitude face à la démultiplication des offres par abonnement (surtout si l’on ajoute un abonnement à un service de musique, le câble TV, etc). Une étude du Trade Desk et YouGov a montré que plus d’un tiers des américains préfèrent utiliser une plateforme gratuite avec publicité ou payer un prix réduit pour des abonnements comprenant certaines publicités. Dans le cas spécifique de Netflix, l’étude montre qu’environ un tiers des abonnés seraient prêts à passer à une offre financée par la publicité si elle était proposée. Ainsi, l’AVOD a une réelle demande. 

En 2020, selon Deloitte, le marché de l’AVOD devrait représenter 32 milliards de dollars US. C’est moitié moins que la SVOD, mais c’est un secteur en forte croissance (47% en 2020). Notons également qu’en Asie, les plateformes, qui ont plusieurs centaines de millions d’utilisateurs, fonctionnent principalement sur le business model de l’AVOD, et c’est seulement depuis quelques années qu’elles proposent un abonnement. Aujourd’hui encore, une bonne partie de leurs revenus provient de la publicité, comme c’est le cas par exemple pour iQIYI, la plateforme chinoise de Baidu:

La plateforme la plus connue d’AVOD est Youtube, qui a d’ailleurs du mal à imposer son offre premium sans publicité. Nous pouvons aussi mentionner Facebook et Snapchat. Ces trois services proposent en effet du contenu vidéo original et exclusif, accessible gratuitement: Youtube Originals (« The Age of AI » avec Robert Downey Jr.), Facebook Watch (« Sorry for your loss » avec Elizabeth Olsen) et Snap Original (« Coach Kev » avec Kevin Hart). 

Mais il existe également des plateformes entièrement dédiées à l’AVOD, qui comptent pour certaines des millions d’utilisateurs. Au vu du succès de l’AVOD et de sa forte croissance, la plupart des entreprises ayant déjà une offre SVOD investissent en rachetant  ou créant une plateforme AVOD. C’est par exemple le cas d’IMDb TV pour Amazon, de Tubi acheté par la Fox pour 440 millions de dollars ou encore Pluto TV acquis par ViacomCBS pour 340 millions de dollars. Ces 3 plateformes AVOD ont entre 20 et 40 millions d’utilisateurs, essentiellement aux Etats-Unis. Notons également les offres hybrides, comme Peacock de NBCUniversal et Hulu appartenant à Disney, également très populaires. La première, lancée en avril 2020, a déjà atteint 22 millions d’abonnés, mais la part d’AVOD n’a pas été communiquée. 

Car la plateforme propose en effet 3 offres différentes: la version premium à $9,99 (formule SVOD), la version gratuite financée par 5 minutes de publicité par heure mais avec un catalogue restreint (formule AVOD) et la formule hybride pour $4,99 avec accès à tout le catalogue avec la même quantité de publicité. En ce qui concerne Hulu, 70% de ses 32 millions d’utilisateurs ont souscrit à la formule hybride avec publicité. 

En Europe, le numéro un est Rakuten TV, avec 8 millions d’abonnés. Le Royaume-Uni et l’Allemagne sont les locomotives de l’AVOD. En ce qui concerne la France, « elle a deux ou trois ans de retard sur ces deux marchés » selon Sébastien Robin, consultant spécialiste de l’OTT. En même temps, l’offre disponible est encore restreinte. Actuellement, les porte-drapeaux de ce marché sont les offres de replay: MyTF1 et 6play.

Rentabilité et contenu

Les plateformes avec une offre hybride y gagnent-elles à proposer une offre gratuite? Qu’en est-il de la rentabilité de l’AVOD par rapport à la SVOD? Selon Deloitte, le revenu annuel moyen par utilisateur (ARPU) d’une plateforme SVOD est de $98, contre environ $60 pour une plateforme AVOD. Dans le cas spécifique de Hulu, d’après Matthew Ball, ancien responsable de la stratégie chez Amazon Studios, les abonnements à $5,99, avec un peu de publicité, seraient plus rentables que les abonnements premium à $11,99. En effet, le revenu mensuel moyen par utilisateur serait d’environ $15 : $5,99 + $9 de publicité. Le potentiel est si grand que l’entreprise a renoncé à 500 millions de dollars de revenus annuels en baissant son prix financé par la publicité afin d’encourager les utilisateurs premium à «rétrograder» et pour que les nouveaux abonnés choisissent le niveau avec publicité. 

En outre, la plus grosse dépense des plateformes provient de l’acquisition de contenu. Or les plateformes AVOD peuvent baser les contrats d’acquisition sur les ventes publicitaires, ce qui permet aux dépenses de contenu d’être en cohérence avec les revenus. Et toujours concernant ce contenu, les utilisateurs bénéficiant d’une offre gratuite n’ont pas les mêmes attentes en terme de qualité. En effet, si les utilisateurs payent chaque mois, c’est pour avoir du contenu premium, c’est-à-dire exclusif ou nouveau et de bonne qualité, là où sur une plateforme gratuite, ils acceptent de regarder une veille série comme Friends. Or le coût pour la énième diffusion d’une série n’est pas du tout le même que celui de la production de séries originales.

Ainsi, les catalogues des services AVOD sont-ils de moindre qualité que la SVOD? Comme on l’a vu précédemment, les formules AVOD de Hulu ou Peacock ne donnent pas accès au même catalogue que la formule SVOD. La formule premium de Peacock donne par exemple accès à 5000 heures en plus de contenu. Et les nouveautés sont parfois disponibles avant pour les abonnés premium. Mais cette tendance pourrait être sur le point de changer. En effet, certaines entreprises espèrent miser sur leur service AVOD en proposant du contenu original ou exclusif, comme par exemple IMDb TV qui a diffusé en exclusivité la série anglaise « Alex Rider » aux Etats-Unis, ou Crackle de Sony qui produit ses propres films et séries.

Enfin, le développement du business model de l’AVOD va de pair avec l’amélioration des stratégies adtech et de la donnée. Afin de ne pas exaspérer les utilisateurs avec des publicités trop redondantes ou nombreuses, les plateformes prévoient un temps limité à 5-7 minutes de pubs par heure, ce qui reste bien inférieur à la télévision. Elles mettent également de la publicité ciblée, à partir des données socio-démographiques et comportementales collectées sur les utilisateurs, comme cela se fait sur Internet, mais de façon plus premium. Les marques peuvent par exemple mettre leur publicité sur une série spécifique, ou cibler une audience précise, le tout dans un environnement propice à leur brand safety. Mais, si la plateforme est gratuite, c’est que l’utilisateur en est le produit…

Ainsi, face à un marché de la SVOD saturé et dominé par des grands groupes et face à la « subscription fatigue », l’AVOD possède un réel atout – sa gratuité- et devrait rapidement prendre des parts de marché à la SVOD. A moins qu’elles ne soient tout simplement complémentaires.

Auriane Morel

SOURCES

BALL Matthew, « The Flaws of « Subscription Fatigue », « SVOD Fatigue », and the « Streaming Wars » », 10 février 2020: https://www.matthewball.vc/all/misnomers

CSI, « Trends and predictions – the rise of AVOD (and adtech) », CSI Magazine, 19 décembre 2019: https://www.csimagazine.com/csi/Trends-and-predictions-the-rise-of-AVOD-and-adtech.php

DE ROCHEGONDE Amaury, « L’AVOD, modèle en vogue », Stratégies, 25 février 2020: https://www.strategies.fr/actualites/medias/4040786W/l-avod-modele-en-vogue.html

DIXON Colin, « Will Hulu and Peacock miss out on the AVOD boom? », 1 juin 2020: https://nscreenmedia.com/hulu-peacock-avod-growth-boom/

FRATER Patrick, « China’s Tencent Video Eyeing Takeover of Streaming Rival iQIYI », Variety, 16 juin 2020: https://variety.com/2020/biz/asia/tencent-iqiyi-china-video-streaming-takeover-merger-1234636656/

JAIMES Nicolas, « Les plateformes d’AVOD peuvent-elles percer en France ? », Journal Du Net, 4 mai 2020: https://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1491055-les-plateformes-d-avod-peuvent-elles-percer-en-france/

LECHEVALLIER Pascal, « Peacock, le service de streaming de Comcast, atteint 22 millions d’utilisateurs », 1 novembre 2020: https://www.zdnet.fr/blogs/digital-home-revolution/peacock-le-service-de-streaming-de-comcast-atteint-22-millions-d-utilisateurs-39912299.htm

LOVELY Stephen, « Are There Too Many Ad-Supported Streaming Services? », 20 juin 2020: https://www.fool.com/investing/2020/06/20/are-there-too-many-ad-supported-streaming-services.aspx

Marketing Charts : « How Much Are Consumers Willing to Spend on SVOD Services? », 23 janvier 2020: https://www.marketingcharts.com/digital/video-111659

Marketing Charts: « Ad-Supported SVOD Services Gain Steam », 31 janvier 2020: https://www.marketingcharts.com/digital/video-111743

PAOLI-LEBAILLY Pascale, « L’AVoD, un modèle gagnant pour exister face aux géants du secteur ? », La Tribune, 6 novembre 2019: https://www.latribune.fr/technos-medias/l-avod-un-modele-gagnant-pour-exister-face-aux-geants-du-secteur-832366.html

SOYEZ Fabien, « Face à Netflix, l’AVoD (Tubi, Rakuten TV…) débarque (et lorgne sur nos données ?) », CNET France, 29 juin 2020: https://www.cnetfrance.fr/news/face-a-netflix-l-avod-tubi-rakuten-tv-debarque-et-lorgne-sur-nos-donnees-39892771.htm

Wikipedia:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Vid%C3%A9o_%C3%A0_la_demande

https://en.wikipedia.org/wiki/Peacock_(streaming_service)

https://en.wikipedia.org/wiki/IQIYI

Comment Twitter lutte-il contre la désinformation ?

C’est en 2016 avec la victoire des partisans du Brexit lors du référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne, puis aux États-Unis, avec l’élection de Donald Trump que l’on prend conscience de la nécessité impérieuse de combattre les fake news.  Twitter en particulier a été le lieu d’instrumentalisation et de manipulation de l’opinion publique. En effet, selon une étude de City, University of London, environ 13 500 faux comptes Twitter auraient agi en masse pour influencer le référendum du Brexit tenu durant le mois de juin 2017. Au total, 13 500 bots Twitter russes auraient posté près de 65 000 tweets pendant un mois. De même, Trump déclare lors d’une interview à Fox News le 15 mars 2007 «  Sans Twitter, je ne serais probablement pas là. J’ai près de cent millions d’abonnés sur Facebook, Twitter et Instagram. J’ai mon propre média. Je n’ai pas besoin de m’en remettre aux faux médias ». Donald Trump a utilisé les réseaux sociaux pour contourner les médias traditionnels, qui lui étaient majoritairement hostiles. Passé maitre dans l’art de la rhétorique sur tweeter, sachant magner avec perfection l’art des tweets et des retweets, c’est à travers les reseaux sociaux qu’il a pu s’affranchir des médias traditionnels afin de diffuser directement son message à son auditoire. De nombreux commentateurs, à commencer par la journaliste rédactrice en chef du Guardian, Katharine Viner, ont interprété ces résultats comme la conséquence du fait que de plus en plus de citoyens anglo-saxons s’informent non plus par l’intermédiaire de la presse institutionnelle mais via les réseaux sociaux, comme Twitter ou Facebook, dont les utilisateurs ne sont pas soumis à la déontologie journalistique, notamment à la règle de vérification des faits, et peuvent donc véhiculer impunément de grandes quantités de mensonges. Une étude publiée le mardi 27 octobre par l’Ipsos démontre que pour s’informer, dans tous les pays, ce sont la télévision (74%) et les réseaux sociaux (72%) qui sont privilégiés devant les sites d’info (62%) et les applications dédiées pour mobiles (61%). Force est de constater que Facebook, Twitter et Youtube sont devenus des sources d’information. Des sources d’information qu’il est devenu crucial de contrôler et de réguler. On peut donc se demander quelles sont les mesures mises en place par Twitter pour lutter contre la désinformation ?

La mise en place de labels 

Twitter est devenu un lieu d’expression où les utilisateurs eux-mêmes sont devenus des médias. Ils expriment leur avis et leurs opinions sur différents sujets. Parfois ses affirmations et déclarations faites sur le réseau sont fausses et ne sont pas contextualisées. Pour éviter les réactions vives et la propagation de fausses informations, Twitter a mis en place des labels. Ces labels permettent de contextualiser l’information. La contextualisation, permet de prendre du recul, de réfléchir et de ne pas répondre en twittant trop hâtivement. Twitter a commencé à mettre en place des labels pour combattre la circulation de mauvaises informations lié à l’épidémie de Coronavirus. Il était vraiment devenu nécessaire pendant le confinement de lutter contre la désinformation. C’est pourquoi Twitter a mis en place ces labels d’abord liés au virus « Get facts about COVID 19 » qu’il a maintenant étendu à toutes les informations fallacieuses ou douteuses liées aux élections et aux processus électoraux. Ces labels sont donc des liens qui renvoient vers des faits vérifiés et fiables. ils permettent à l’utilisateur de se faire un avis plus objectif. Par exemple le 26 mai 2020, le gouverneur de Californie avait annoncé pendant la pandémie vouloir étendre  la procédure de vote par correspondance. Donald Trump a protesté avec violence en affirmant sur twitter que le fait de voter par correspondance pouvait fausser les résultats du vote car cela pourrait provoquer des vols de boites aux lettres…

De ce fait, Twitter a réagi en mettant un label sous le tweet de Donald Trump. C’était la première fois que Twitter déposait un label sur un tweet de Trump. En cliquant sur le label, on atterrissait sur une page expliquant pourquoi selon Twitter ces informations étaient fallacieuses. 

Depuis août 2020, Twitter a également mis en place des labels : 

  • pour que les utilisateurs identifient facilement  les comptes gouvernementaux et les médias d’Etat.  « Nous pensons que c’est une étape importante pour que, lorsque les gens voient un compte discutant des questions géopolitiques d’un autre pays, ils aient du contexte sur son affiliation nationale et soient mieux informés sur ce qu’il représente. » déclare Tweeter sur son blog.
  • Mais aussi des labels pour les élections de 2020. On peut les identifier facilement car ils sont accompagnés d’un petit icone en forme d’urne. Ces derniers contiennent des informations sur le candidat, expliquant quel parti représente le candidat, dans quel état… 

Twitter travaille actuellement à rendre ces labels plus visibles sur le réseau. Yoel Roth (head of site integrity) déclare vouloir développer encore plus de fonctionnalités sur les  labels en avertissant les autres utilisateurs si un utilisateur a été plusieurs fois labélisé pour la diffusion de mauvaises informations 

Les impacts

Dans les faits, la première fois que Twitter a labellisé l’un des tweets de Trump, cela a pris 8h avant que le label n’apparaisse. Or sur le réseau, il ne suffit que de 20 à 30 minutes pour que l’information soit déjà propagée et relayée. Même si en septembre Twitter a réussi à labelliser les tweets de Trump en 2 heures, cela reste insuffisant et des progrès sont encore à réaliser. Les chercheurs Election Integrity Partnership déclare certes que cela ralentit la propagation de la mauvaise information mais cela reste « too little and to late »

Une nouvelle stratégie impliquant l’utilisateur dans la lutte contre la désinformation

Twitter développe donc une autre stratégie. Et si la solution la plus efficace n’était pas plutôt d’impliquer les utilisateurs pour lutter contre la désinformation ?Twitter travaille actuellement sur un outil permettant à un utilisateur de pouvoir alerter la communauté sur un tweet contenant des informations fallacieuses. Cet outil prendra la forme d’un bouton « Add to birdwatch ». Si un utilisateur veut signaler un tweet, il appuiera sur ce bouton qui le dirigera vers un formulaire à remplir. Ce formulaire permettra d’évaluer à quel point le tweet est mensonger. Globalement la nomenclature du questionnaire permet d’établir précisément quel dommage pourrait avoir le tweet. En effet le questionnaire à choix multiples demande : pourquoi le tweet est trompeur ? S’il est largement relayé sur le réseau, combien pourront le croire ? Quel dommage pourrait-il provoquer ?  Enfin, on demande d’expliquer à l’utilisateur d’écrire une petite note pour aider les autres utilisateurs à comprendre en quoi ce tweet est mensonger. Ce questionnaire serait alors authentifié par les fact checkers qui décideraient ou non de rendre publique le birdwatch, qu’on pourrait repérer grâce à un petit sigle représentant des lunettes, en bas d’un tweet. 

Cet outil encore à son état de balbutiement et dans sa phase de test, ne pourra être fini pour les élections présidentielles, pourtant moment opportun pour mettre en pratique cet outil, impliquant l’utilisateur dans la bataille contre la désinformation

Des nouvelles mesures et les mesures existantes renforcées pendant les élections présidentielles 

Pendant les élections présidentielles, Tweeter était dans son état d’alerte maximum. Ne voulant répéter les erreurs passées, il a mis en œuvre un tas de précautions supplémentaires pendant cette période sensible. Il prépare cet évènement en amont depuis longtemps. En effet, depuis 2019, il a dejà banni la publicité politique du réseau considérant que  «  la portée des messages politiques ne doit pas être liée à un investissement publicitaire » affirme Twitter sur sa page business. Le jour de l’éléction, la stratégie de Twitter était double. D’une part détruire les fausses affirmations et les bots diffusant des informations fallacieuses. D’autre part mettre en avant des informations fiables dans les sections « Explore » et « Trends » de son service. Les personnes qui cherchaient des actualités sur l’état d’avancement des votes pouvaient les trouver dans le Hub électoral mis en place par Tweeter pour l’élection.Un peu avant les élections Tweeter a également limité la fonction de retweeter un message de manière temporaire en obligeant l’utilisateur s’il veut retweeter à le commenter en quelques mots. Par ailleurs, twitter avait prévu d’ajouter des étiquettes aux tweets des candidats qui revendiquaient la victoire avant que les résultats du vote n’aient étés officiellement déclarés par instances compétentes.  Trump a fait les frais de ces nouvelles mesures en twittant « On est devant et de loin, mais ils essaient de voler l’élection. Jamais nous ne les laisserons faire. Les bulletins ne peuvent pas être déposés après la fermeture du scrutin ».En réaction à ce tweet, twitter l’a labélisé et masqué. Le message n’était ainsi plus visible immédiatement. Twitter a pour politique de ne jamais supprimer les messages du président des États-Unis, considérant qu’ils sont d’intérêt public. Cependant, Il fallait volontairement cliquer sur le message de modération pour l’afficher entièrement. Enfin, twitter a attendu qu’au moins deux maisons de presse ne publient les résultats avant qu’un candidat puisse utiliser Twitter pour célébrer sa victoire. 

Ainsi, Twitter a été loin dans sa politique de lutte contre la désinformation, plus loin que Facebook sous bien des aspects. Ce dernier n’ayant même pas encore à ce jour banni la publicité politique de son réseau. Il n’en demeure pas moins que, les algorithmes des réseaux sociaux continuent de nous présenter un flux d’information ultra personnalisé en fonction de ce qu’on aura aimé, et nous donner des informations toujours dans le sens de ce que nous avons aimé sans avis contraires nous permettant d’être plus objectif. L’utilisateur manque à ce jour encore cruellement d’une vision complète et d’une mise en contexte de l’information. Ces mesures sont donc t’elles suffisantes et satisfaisantes ? Twitter ne devrait-il pas étendre sa politique de fact checking à toutes les informations et revoir son algorithme afin de proposer une information plus neutre ? 

Julie Roland-Billecart

SOURCES

New York Times (3 novembre 2020), “What to Expect From Facebook, Twitter and YouTube on Election Day” https://www.nytimes.com/2020/11/02/technology/facebook-twitter-youtube-election-day.html

Blog de Twitter (6 aout 2020), “New labels for government and state-affiliated media accounts » https://blog.twitter.com/en_us/topics/product/2020/new-labels-for-government-and-state-affiliated-media-accounts.html

ABC news (27 mai 2020), “What to know about Twitter’s fact-checking labels” https://abcnews.go.com/Business/twitters-fact-checking-labels/story?id=70903715

Siècle digital (4 novembre 2017), « Des bots Twitter auraient influencé les votes du Brexit au Royaume-Uni » https://siecledigital.fr/2017/11/14/bots-twitter-influence-brexit-royaume-uni/

Page business de Twitter, Contenus politiques https://business.twitter.com/fr/help/ads-policies/ads-content-policies/political-content.html

Siècle Digital (5 octobre 2020), « Twitter prépare Birdwatch, un nouvel outil communautaire pour lutter contre la désinformation » https://siecledigital.fr/2020/10/05/twitter-birdwatch-desinformation/

Le jeu-vidéo et le streaming en direct sont-ils l’avenir de l’industrie musicale ?

Industrie musicale : éléments de contexte

Après 16 années consécutives de décroissance, l’industrie musicale a vu son chiffre d’affaires repartir à la hausse pour la première fois en 2016 après une restructuration du secteur, notamment autour du streaming. Dans ce contexte, la crise sanitaire qui frappe la planète depuis le début de l’année 2020 déstabilise une industrie encore fragile et risque d’avoir un impact considérable sur l’ensemble de sa chaîne de valeur. La musique va donc devoir trouver des alternatives pour continuer de croître ou a minima se maintenir à flot. L’une d’entre elles est de multiplier les collaborations avec un secteur qui ne semble pas connaître la crise : le jeu-vidéo, qui bénéficie d’une croissance annuelle proche de 20% et dont l’écosystème s’est considérablement développé ces dernières années, tant en termes de variété et de qualité des nouveaux produits qu’en termes d’élargissement de sa communauté.

Twitch, meilleure solution de repli pour les festivals annulés ?

Cette effervescence s’accompagne de l’essor de Twitch, plateforme de streaming de jeux-vidéos, dont le taux de fréquentation augmente logiquement d’environ 20% chaque année. C’est vers elle que se sont tournés bon nombre d’organisateurs de festivals afin de créer une édition en ligne de leur événement. C’est l’option qu’a choisi le Rolling Loud Festival, référence de la culture hip-hop, en organisant une série de trois festivals en direct depuis la plateforme. Les premières éditions (mi-septembre puis fin octobre 2020) ont permis à des artistes de renommée mondiale (Trippie Redd, Iann Dior etc) de performer face à un public virtuel fait de retours webcam et d’un livechat défilant sur un écran géant. Le show a été un succès puisqu’il a réuni, au total, près de 5 millions de viewers. De plus, Rolling Loud a d’ores et déjà commencé à diffuser des émissions hebdomadaires sur sa chaîne. A long terme, la firme souhaite investir le milieu du live streaming afin d’étendre son offre et proposer « un contenu qui croise les cultures hip-hop, mode, gastronomie, art et jeu vidéo et […] créer un hub virtuel ». D’autres festivals ont également fait le choix d’une édition numérique, comme le français We Love Green, qui a créé une carte virtuelle sur laquelle l’e-festivalier pouvait se déplacer et interagir avec les différentes scènes. Ce fut aussi le cas pour Tomorrowland qui a mis en place des expériences interactives pour les participants qui étaient invités à recréer leur propre « Dreamville ».

Scène de l’édition en ligne du Rolling Loud Festival

Le développement des concerts virtuels : une immersion croissante

Ces nouveaux formats de festivals en ligne intègrent donc souvent une logique de gamification, devenant une sorte d’hybride entre musique et jeu-vidéo. Ils pourraient bientôt décupler leur potentiel immersif, notamment en se produisant directement à l’intérieur d’un jeu. L’exemple le plus récent d’expérimentation en la matière est certainement le concert du rappeur Travis Scott qui s’est déroulé sur la licence d’Epic Games : Fortnite. En lançant une partie de jeu, les joueurs ont pu apprécier un concert virtuel à la mise en scène créative, au sein duquel ils pouvaient se déplacer librement autour de l’avatar de la star dans une performance réalisée grâce à des techniques de motion capture. Très vite, le développement conjoint des technologies de réalité virtuelle et de 4D pourrait repousser les limites de l’immersion et de l’interaction inhérentes à l’expérience d’un concert virtuel, c’est en tout cas ce sur quoi travaillent des entreprises comme WaveXR, pionnière en la matière. Enfin, la collaboration entre Travis Scott et Fortnite témoigne de la porosité grandissante entre les deux industries et ouvre la voie à un marketing plus créatif et engageant que jamais.

Avatar de Travis Scott lors de son concert virtuel dans Fortnite

Musique et jeu-vidéo : deux industries interconnectées

Ce rapprochement n’est pas récent, il est plutôt le fruit de nombreuses collusions entre les deux secteurs au cours des dernières décennies. On pense par exemple aux bandes sons de jeux qui, par leur qualité mais aussi l’émotion qu’elles peuvent raviver chez les joueurs, deviennent parfois des musiques très populaires, à l’instar de celles des jeux Zelda ou Metal Gear Solid. A l’inverse, des morceaux peu connus sélectionnés pour figurer dans des jeux tels que FIFA ont été propulsés vers un succès commercial. Autre exemple, la playlist du jeu de basket NBA2K, très proche de la culture hip-hop aux Etats-Unis, est chaque année très prisée par les maisons de disques dans la mesure où parvenir à y placer un titre promets des retombées financières certaines. D’autres partenariats ont vu le jour à l’occasion de grands événements Esport, comme lorsque le groupe Imagine Dragons a composé l’hymne officiel des championnats du monde 2014 de League of Legends. Par ailleurs, Riot Games, éditeur du jeu, a déjà mis un pied dans la musique en créant plusieurs groupes virtuels, incarnés par des personnages 3D issus son univers. Aussi, il existe des exemples de streamers devenus des stars internationales de la musique comme le rappeur américain Post Malone, qui a commencé sur Twitch et qui continue encore aujourd’hui à interagir avec sa communauté tout en jouant au jeu de tir PUBG.  Toutefois, il est important de préciser que ces échanges se font principalement entre le jeu-vidéo et un pan de la musique en particulier, à savoir plutôt les mouvances hip-hop et pop, en raison d’une relative proximité générationnelle.

KDA, groupe de K-pop virtuel créé par Riot Games

Twitch devient un acteur incontournable de l’écosystème des médias digitaux

Autre preuve de l’intérêt grandissant que représente le streaming de jeux-vidéos pour l’industrie musicale : la signature, en septembre dernier, d’un partenariat entre Twitch et la Sacem. Celui-ci aura pour but de rémunérer les membres de la Sacem lorsque leurs productions seront diffusées en live. Ainsi, d’un côté les artistes voient leur rémunération et leur visibilité en ligne augmenter, et de l’autre, les streamers peuvent proposer autre chose que de la musique libre de droit à leur audience, améliorant sensiblement la qualité globale de leur contenu. Twitch est donc en train de devenir un partenaire de choix pour les artistes et les maisons de disques cherchant à se faire une place au sein de l’écosystème digital. A ce titre, un autre rappeur américain de renom, Logic, est devenu le premier artiste sous contrat avec la plateforme d’Amazon, en signant un accord d’exclusivité à 7 chiffres. Il a notamment offert à ses fans une avant-première de son dernier album en live, signal fort de l’évolution du rapport de force entre le streaming et des médias plus traditionnels. A ce sujet, Tariq Cherif, co-fondateur du festival Rolling Loud, explique : « Depuis longtemps nous voulions prendre une place plus importante dans les médias […] Ce partenariat avec Twitch nous permet d’étendre notre business au-delà de la sphère physique. Après le covid, nous allons continuer à nous renforcer dans le digital et cela va se ressentir dans nos prochains concerts grâce aux progrès réalisés pendant la pandémie. » Pour eux, les collaborations avec l’univers du live streaming ne sont pas uniquement une solution de repli liée au coronavirus mais bien une perspective d’avenir, voire une prérogative à un développement optimal.

Le jeu-vidéo : nouveau média social dominant ?

L’industrie musicale, pour des raisons conjoncturelles, économiques et culturelles, tend donc à pénétrer l’univers du gaming et du streaming en direct. Cependant, en se penchant sur l’évolution intrinsèque du jeu-vidéo, une autre vision du phénomène est possible et amène à s’interroger : se pourrait-il que le gaming, du fait de son impressionnant développement technologique, finisse par englober toutes les différentes sphères des industries créatives ? Au-delà d’une nette amélioration en termes d’offre et de qualité, les jeux tendent à devenir de véritables médias sociaux, sur lesquels les utilisateurs ne se connectent plus uniquement pour jouer mais également pour discuter avec leurs amis et avoir des interactions sociales. A ce titre, le jeu « Animal Crossing », développé par Nintendo, fait office de référence en la matière, tout comme Fortnite, que certains considèrent comme un « digital square ». En d’autres termes, un parc virtuel dans lequel les adolescents se rejoignent après les cours pour jouer, certes, mais aussi et peut-être surtout pour se réunir. Les jeux-vidéos sont pour la plupart multi-joueurs et assez largement accessibles sur mobile, ce qui rend leur expansion d’autant plus fulgurante et qui fait d’eux des plateformes de plus en plus attractives pour tous les créateurs, y compris les musiciens. Selon des experts du numérique tels que Matthew Ball, Fortnite est en passe de devenir le « plus sérieux concurrent de Netflix », ce qui a été confirmé peu après par Reed Hasting lui-même, directeur de la plateforme de SVOD. Ces acteurs se mènent une guerre pour l’attention du consommateur, ainsi, celui qui parviendra à la capter au mieux entraînera avec lui une majorité de créateurs, puisqu’il leur offrira de meilleures chances d’exposer leur travail au plus grand nombre.

Interface permettant d’inviter ses amis dans Animal Crossing

Du gaming au métavers : futur proche ou science-fiction ?

Enfin, l’industrie du jeu-vidéo compte dans ses rangs des acteurs financièrement très puissants comme Tencent, actionnaire majoritaire de Riot Games (League of Legends) et second actionnaire d’Epic Games derrière Tim Sweeney, son PDG. Ces grandes sociétés prospèrent et disposent des moyens nécessaires pour continuer d’innover et développer de nouveaux jeux toujours plus sensibles d’attirer un nouveau public. Tim Sweeney lui-même ne cache pas ses ambitions et n’hésite pas à évoquer son rêve : créer un « métavers », un monde virtuel complètement immersif ou « second life », en capitalisant sur les progrès réalisés en matière de réalité virtuelle, de capture de mouvements et de puissance des moteurs de jeux-vidéos. Un tel programme pourrait s’apparenter au monde imaginé par Ernest Cline dans son roman Ready Player One. Bien que nous en soyons toujours loin, l’apparition d’un tel jeu au cours des prochaines décennies est tout sauf improbable, en témoigne cette déclaration de Mark Zuckerberg après le rachat d’Oculus, leader du marché de la VR, par Facebook : « C’est un pari à long terme sur le futur de l’informatique […] L’immersion dans une réalité virtuelle fera un jour partie de la vie quotidienne de la population ». Enfin, en décembre 2019 sur Twitter, voici ce que Tim Sweeney répondait à la question : Fortnite est-il un jeu ou une plateforme ?

Par conséquent, si de telles évolutions venaient à se produire, si le jeu-vidéo devenait cette plateforme virtuelle tentaculaire englobant la plupart des sphères de la vie réelle, il est alors évident que l’industrie musicale n’aurait d’autre choix que d’investir massivement dans cette direction, puisque c’est sur ces plateformes que la musique serait en grande partie consommée.

Nils ADAMUS

SOURCES :

Chaîne Twitch de « Rolling Loud » : https://www.twitch.tv/rollingloud

MILLMAN, Ethan. « Rolling Loud will Air Virtual Music Festivals Exclusively on Twitch ». Rolling Stone, 30 août 2020 :

https://www.rollingstone.com/pro/news/twitch-rolling-loud-content-partnership-1052799/

MIMS, Taylor. « Rolling Loud teams with Twitch For Digital Festival Series and Channel ». Billboard, 31 août 2020 : https://www.billboard.com/articles/business/9441863/rolling-loud-twitch-digital-festival-series-channel

BALL, Matthew. « 7 Reasons Why Video Gaming Will Take Over ». 4 janvier 2020 : https://www.matthewball.vc/all/7reasonsgaming

PETERS, Jay. « How to throw a party in Animal Crossing: New Horizons ». The Verge, 8 avril 2020 : https://www.theverge.com/2020/4/8/21212779/animal-crossing-new-horizons-party-island-how-to

BALL, Matthew. « On Fortnite’s Travis Scott Concert ». 26 avril 2020 : https://www.matthewball.vc/all/fortnitetravisscott

BALL, Matthew. « Fortnite is the future, but probably not for the reasons you think ». 5 février 2020 : https://www.matthewball.vc/all/fornite

Site web de « We Love Green » :

SANTO , Flora. « Il pourrait ne pas y avoir de festivals avant 2022 ou 2023 ». Trax, 19 octobre 2020 : https://www.traxmag.com/il-pourrait-ne-pas-y-avoir-de-festivals-avant-2022-ou-2023/

Site web de « WaveXR » :

Home

RIVERO, Nicolas. « How the NBA is using virtual fans to make games feel normal ». Quartz, 14 août 2020 : https://qz.com/1891805/how-the-nba-is-using-virtual-fans-to-make-games-feel-normal/

LA FASHION-WEEK EN LIGNE : UNE NOUVELLE TRANSFORMATION DIGITALE DE L’INDUSTRIE DE LA MODE

La pandémie mondiale et le confinement ont bouleversé l’industrie de la mode. Les marques ont fait face à la fermeture de leurs boutiques (voire de leurs e-shop), au ralentissement des impressions de magazines papiers où ils avaient de la publicité, ou encore à la désertion des rues et transports en commun, principaux vecteurs de campagnes d’affichage. Leurs réseaux sociaux, et particulièrement leurs comptes Instagram, font figure de derniers survivants. En juin dernier, les Fédérations de la Mode du monde entier ont géré la mise en place digitale des défilés. Précurseur européen en matière de numérique, l’Angleterre s’est illustrée en inaugurant une version 100% digitale de la London Fashion-Week (FW) Homme, alors que Paris décidait d’annuler sa semaine de la Haute Couture. 

Une Fashion-Week digitale, oui, mais où ? 

Les sites officiels des marques et des Fédérations de la Mode ont évolué pour devenir des plateformes accueillant défilés digitaux, interviews et showrooms. Pour preuve, la Paris FW s’est associée à l’entreprise technologique Launchmetrics pour construire sa plateforme digitale. La Fédération de la Haute Couture et de la Mode (FHCM), quant à elle, a renouvelé ses partenariats avec les réseaux sociaux YouTube, Google, Instagram et Facebook, et poursuit sa collaboration avec Hylink, principale agence de communication numérique indépendante de Chine, lui permettant de renforcer ses liens avec les principaux réseaux sociaux et de distribution sur le territoire chinois. 

Pré-enregistrés ou en Livestream, les défilés ne sont plus des évènements exclusifs réservés aux détenteurs d’invitations, mais bien ouverts au grand public, derrière des écrans. Pour la New-York FW (NYFW), le Council of Fashion Designers of America s’appuiera sur la plateforme digitale créée pour l’occasion, Runway360 (ouverte aux revendeurs, média et consommateurs), pour héberger les livestream, rediffusions et présentations photos des collections de designers. Les marques peuvent accepter ou non d’être diffusées sur cette plateforme. Néanmoins, le site officiel de la NYFW souhaite rester le hub digital principal, agrégeant les calendriers et les shows. Repensé pour l’occasion, le site offre de nouveaux outils aux designers pour les aider dans cette activation digitale : des possibilités d’achat de la collection de la saison, la diffusion des défilés, des coulisses, de tutoriels et des photoshoots.

Cependant, les réseaux sociaux s’imposent aussi comme canaux de diffusion. Si Instagram reste le favori des marques, certaines voient une opportunité chez TikTok. L’application aux 800 millions d’utilisateurs actifs mensuels va diffuser les défilés de Louis Vuitton, Saint Laurent ou encore Dior, et créé depuis début septembre de l’interaction avec ses hashtag « #TikTokFashionMonth », « #GetTheLook », « #Fashion101 ». Vidéos exclusives, livestreams, et événements rythmeront ce mois de la mode sur l’application, qui s’achèvera le 8 octobre avec un défilé mettant à l’honneur de nombreux créateurs montants, ainsi que des capsules exclusives.

Pinterest collabore avec Launchmetrics pour permettre à ses 350 millions d’utilisateurs de suivre les défilés Printemps/Été 2021. Dès le 28 septembre (date du coup d’envoi de la Paris FW), on retrouvera sur la plateforme des vidéos des défilés, des interviews de créateurs, ainsi qu’un accès virtuel aux backstages. Les utilisateurs pourront également accéder aux différents looks et à des décryptages pour s’en servir comme source d’inspiration.

Pour autant, Burberry a pris le parti de se tourner vers la plateforme Twitch. Elle a ouvert la London FW (LFW) Printemps/Été 2021 avec la diffusion d’un défilé pré-enregistré sur les sites officiels de la marque et de la LFW, mais aussi sur Twitch. Pour la première fois, une marque de luxe partageait son défilé sur cette plateforme de streaming, popularisée pour la diffusion de jeux vidéo. Avec près de 40 000 spectateurs, Burberry pouvait compter sur le soutien d’artistes, dont le top model Bella Hadid (33 millions d’abonnés Instagram), qui commentaient le défilé sur une discussion Twitch. De quoi attiser la curiosité des spectateurs. 

D’ailleurs, comment stimuler le spectateur à travers un écran ?

Tout d’abord, via une communication privilégiée. Si le défilé digital répond aux problématiques des conditions sanitaires, il challenge les marques sur leur habilité à mobiliser leurs communautés. Le contexte pandémique oriente leurs discours vers une communication centrée sur l’identité, les valeurs, et vers une volonté de transparence. Ainsi, le label Off White créait en juillet dernier un compte Instagram sur les coulisses de la marque, partageant les croquis, les conversations Whatsapp entre designer et équipe créative, ainsi que les essayages.

Lors de l’ouverture de la LFW, Burberry présentait une scénographie intimiste qui débutait avec une mannequin filmant sa préparation pour le défilé, avec son iPhone et sans assistant, qui s’achevait sur un plan large au drone, dévoilant l’envers du décor (installations techniques, techniciens). Un point de vue aussi surprenant qu’innovant, qui créé ce lien de confiance avec le spectateur, au cœur des stratégies marketing des marques désormais. 

La FW digitale est aussi rendue possible grâce à la création d’outils. En collaboration avec la FHCM, Instagram expose dans un playbook intitulé « INSTAGRAM FASHION WEEK 2020 PLAYBOOK », des astuces pour bien préparer son évènement et maintenir l’attention de l’audience. En d’autres termes, il accompagne les marques pour créer avec elles le défilé virtuel idéal : de l’invitation au « gift bag », le réseau social a pensé à tout. 

Pour gérer leurs invitations, les marques n’ont qu’à poster une story avec le Stories Countdown Sticker indiquant la date et l’heure du show. L’utilisateur répond en s’inscrivant à l’évènement. Le décompte en temps réel jusqu’au jour-J créé une attente autour de l’expérience. Le petit plus ? La création de nouvelles polices d’écriture pour personnaliser posts et stories, et appuyer leur identité digitale.

Pour le défilé ou showroom digital, les marques disposent des fonctionnalités Live, IGTV et AR effects. Le live permet une expérience partagée en temps réel. Instagram guide les marques à travers des astuces pour réussir leurs lives, mais aussi générer, captiver et interagir avec l’audience. Une fois terminé, les marques peuvent le poster sur leur InstagramTV (IGTV), le rendant accessible à ceux qui souhaitent le visionner. Elles aussi partager les coulisses en dévoilant l’effervescence des préparatifs et en recréant des interviews avec les maquilleurs et coiffeurs. Elles peuvent inviter des personnalités grâce au hashtag @LiveWith, expliquer leurs inspirations en partageant des photos aux spectateurs, et répondre aux questions à l’aide du sticker « Q&A ». Pour divertir leurs abonnés, les marques peuvent aussi créer une série de vidéos IGTV présentant leurs collections. Pour agréger plus d’audience, Instagram propose également l’option « poster une preview ». Ainsi, pour chaque vidéo IGTV postée, sa preview apparaîtra sur le compte Instagram de la marque et dans les feeds des abonnés, captant l’attention des utilisateurs. Enfin, les marques peuvent prolonger leur identité digitale grâce à des effets en réalité augmentée, qu’elles peuvent elles-mêmes créer. Cela construit, lors du live, un univers immersif pour le consommateur.

            Les FW sont aussi synonymes de « street style » (looks photographiés dans la rue) et « front row ». S’il est difficile d’en créer une version digitale à la hauteur, Instagram propose la story et le hashtag pour permettre aux utilisateurs de poster leurs tenues de FW, et de les montrer aux marques en les « taguant ». Pour interagir avec leurs communautés, ces dernières peuvent repartager ces looks.

Enfin, un défilé se termine toujours par des gift bags. Pour ce point, Instagram s’appuie sur l’élan de solidarité qui a émergé depuis le début du confinement et propose aux marques de conclure leurs shows sur un partenariat avec l’association caritative de leur choix. Ainsi, elles peuvent proposer à leurs abonnés de participer à une bonne cause à l’aide de dons, sur lesquels Instagram ne prend aucune commission. Le réseau social conseille de partager régulièrement le montant des dons pour valoriser le niveau d’implication des donateurs.

La pandémie a également remis en cause un fondamental de la mode : le calendrier de présentation des collections. Jugé trop demandant, certains designers comme Oscar de la Renta, ont décidé de décaler la présentation de leurs collections Printemps/Été 2021 pour se concentrer sur la collection de la saison en cours. C’est la stratégie « see-now-buy-now ». Pour ces marques, Instagram propose des shopping tags. Ils permettent à l’utilisateur d’acheter l’article directement à partir du post ou de la story comportant le tag, et ce, avant ou après l’évènement (défilé, showroom). C’est la décision de Rebecca Minkoff qui a choisi d’activer Instagram pour la présentation de sa collection Automne/Hiver 2020, le 15 septembre 2020. Un Livestream durant lequel la designer elle-même guide les spectateurs pour une expérience shopping intimiste, en lien avec la saisonnalité, et avec des pièces disponibles immédiatement à l’achat. 

Vers la dématérialisation totale du défilé ? 

Les contraintes sanitaires ont donc poussé les sites officiels et plateformes à muter pour devenir les diffuseurs de la FW, et les marques à adopter des stratégies de diffusion et de communication adaptées pour gagner en visibilité, à l’aide d’une identité digitale propre. Les réseaux sociaux ont saisi cette opportunité, et créé de nouveaux outils pour satisfaire les besoins des marques et donner accès à un évènement très fermé à des millions d’abonnés. Bien que les défilés se tiennent actuellement en version « phygital », certains créateurs imaginent les défilés du futur. C’est le cas du label GCDS qui a travaillé avec le géant de la réalité virtuelle Emblematic group sur son défilé digital du 24 septembre 2020. Sa collection Printemps/Été 2021 a été présentée sur une plateforme dédiée, comportant plusieurs salles de showroom où les mannequins sont remplacés par des avatars en réalité virtuelle, ainsi qu’une salle de jeux d’arcade des années 1990 qui reprenait les motifs et graphiques de la collection. Tout cela grâce à la technologie REACH.love, développée par Emblematic group, qui permet de créer de la réalité virtuelle volumétrique. La vision ? Permettre à l’audience de voir, du point de vue du « front row », le director’s cut du défilé lors duquel les spectateurs pourront se déplacer librement, de salle en salle, en passant par les backstages, faisant connaissance avec les maquilleurs et les coiffeurs. Un défilé 100% virtualisé et interactif, ouvert à tous. 

Fiona Arena

SOURCES : 

Fédération de la Haute Couture et de la Mode – Communiqué de presse du 6 mai 2020

“Digital Schedule”. LFW, 17 septembre 2020. Disponible sur https://londonfashionweek.co.uk/schedule/174/digital-schedule

CHEN, Eva. “Instagram Fashion Week 2020 Playbook”FHCM, 9 juin 2020. Disponible sur https://fhcm.paris/fr/2020/06/09/playbook-instagram/

CARRERA, Martino. “EXCLUSIVE: GCDS Spring 2021 Show to Feature VR, Gaming and More”. WDD, 8 septembre 2020. Disponible sur https://wwd.com/fashion-news/designer-luxury/gcds-spring-2021-show-vr-gaming-1234575564/

LOCKWOOD, Lisa. “A New York Fashion Week Like None Other”. WDD, 2 septembre 2020. Disponible sur

DIDERICH, Joelle. “Chanel Plans to Stage Métiers d’Art Show at French Chateau”. WDD, 15 septembre 2020. Disponible sur

AFP. « A Londres, Burberry ouvre une Fashion Week réinventée ». FashionNetwork, 17 septembre 2020. Disponible sur https://fr.fashionnetwork.com/news/A-londres-burberry-ouvre-une-fashion-week-reinventee,1244325.html

AFP-Relaxnews. « TikTok rend les défilés de la Fashion Week acessibles au public ». FashionNetwork, 15 septembre 2020. Disponible sur https://fr.fashionnetwork.com/news/Tiktok-rend-les-defiles-de-la-fashion-week-accessibles-au-public,1243168.html

AFP-Relaxnews. « Pinterest rend la Fashion Week accessible a ses 400 millions d’utilisateurs ». FashionNetwork 25 septembre 2020. Disponible sur https://fr.fashionnetwork.com/news/Pinterest-rend-la-fashion-week-accessible-a-ses-400-millions-d-utilisateurs,1246105.html

ETANCELIN, Valentin. « La Fashion Week de Londres va se tenir entièrement en ligne, une première ». HuffingtonPost, 21 avril 2020. Disponible sur https://www.huffingtonpost.fr/entry/londres-fashion-week-en-ligne_fr_5e9eb3c3c5b6b2e5b837a2a2?utm_hp_ref=fr-homepage

CAMARA, Shanon. « Virgil Abloh dévoile les coulisses de Off-White sur un compte Instagram ». FashionUnited, 3 août 2020. Disponible sur https://fashionunited.fr/actualite/mode/virgil-abloh-devoile-les-coulisses-de-off-white-sur-un-compte-instagram/2020080324436

MAURIN, Chloé. « La Fashion Week de Londres sera 100% digitale et publique ». Grazia, 22 avril 2020. Disponible sur https://www.grazia.fr/mode/news-mode/la-fashion-week-de-londres-sera-100-digitale-et-publique-956184

LANGÉ, Clémence. « Coronavirus : comment les marques de mode utilisent-elles Instagram pour surmonter la crise ? ». Grazia, 6 avril 2020. Disponible sur https://www.grazia.fr/mode/news-mode/coronavirus-comment-les-marques-de-mode-utilisent-elles-instagram-pour-surmonter-955123

BERTIN, Magali. « Paris Fashion Week : la Haute Couture sera elle aussi digitale ». Grazia, 7 mai 2020. Disponible sur https://www.grazia.fr/mode/news-mode/la-prochaine-fashion-week-de-paris-se-deroulera-en-ligne-957646

LeLive : Dissection d’un lancement raté

Le Lundi 3 février, Webedia, une entreprise française spécialisée dans les médias en ligne a lancé une nouvelle web TV : leLIVE.

LeLive est selon Webedia, un format audiovisuel entre le réseau social et une webTV. C’est donc un nouveau média hybride qui va accueillir des personnalités venant du web avec notamment des youtubeurs connus comme Norman, Cyprien, John Rachid etc, mais aussi de la télévision avec Agathe Auproux Michel Cymes et Kevin Razy. C’est un média en direct quotidien de 17 à 23h, en simultané sur Dailymotion, Youtube, Facebook Live et Twitch une plateforme en livre de streaming.

Au lendemain matin, la chaîne a perdu sa diffusion sur Twitch et près de 300.000 tweets sont émis sur le sujet. On parle alors de lancement chaotique.

Comment ce nouveau média a donc pu rater son lancement ?

L’idée de départ est pertinente. Le streaming est un format audiovisuel prometteur et qui marche. Il existe des formats comme LeStream, Accropolis, même Radio Sexe (des webTV existantes) qui ont montré que Twitch pouvait aller au-delà du simple gaming (avec des lives qui font des audiences de très bons résultats).

Webedia, qui rappelons-le, fait 400M de chiffre d’affaires, et qui est propriétaire de nombreux portails, dont Allociné, http://jeuxvidéo.com, PurePeople, mais gère aussi l’image et les activités de Cyprien, Natoo, Norman, Squeeziez, McFly & Carlito…

On a donc le deuxième groupe média online de France qui se lance dans un pari assez fou, avec en off, des projections sur 3 ans et un investissement total sur 3 ans.

Là où LeStream (deuxième webTV de Webedia spécialisée dans le gaming) ou Radio Sexe (radio libre sur Twitch) ont été brillants dans leurs formats respectifs, c’est qu’ils ont un esprit radio libre, des profils originaux, des sujets qui regroupent, du fond. Avec LeLive, ils ont voulu faire de la TV, avec ses vieux codes sur une plateforme qui les rejette.

La TV avec des vieux codes, ça passe par des présentateurs légitimes sur le papier, mais pas fait pour animer un contenu de ce type. L’idée de fond du Live, c’est de faire la télé des millennials. Kevin Razy, Cyprien, Norman, ne sont malheureusement plus aujourd’hui suivis par les jeunes de 15-18ans.

Jouer la carte de prendre des talents de Webedia et de les mixer à des talents hors-agence, ou à des personnalités connues des médias, c’est intelligent. Ça développe l’image des personnalités en interne permet de découvrir de nouveau talent et en recruter.

Mais pour cela des qualités sont essentielles et lors du lancement, on a pu voir présentateurs sans aucun sens de l’improvisation, aucune écriture, des formats de jeux pauvres ainsi que vus et revus.

Mais comment le lancement s’est attiré les foudres des internautes ?

En effet, le succès recherché auprès du public n’est pas au rendez-vous pour le lancement de LeLive. La soirée cauchemardesque que Webedia a vécue va commencer avec des problèmes techniques qui vont apparaître dès l’ouverture du live. On peut lire de la part des internautes la présente d’un décalage entre le son et l’image, couplé à une mauvaise qualité de son.

Lancer un média, ça se fait en connaissance de la cible. Les communautés respectives des incarnant ne forment pas une cible, ils ne forment non pas une audience, mais des audiences. Comment cibler les millennials quand on ne sait ni parler, ni écrire pour les millennials ?

Pour un média qui se veut interactif. En effet, les différents streamings ont la particularité de contenir un chat qui permet à l’animateur d’interagir avec son public en direct. C’est une des grandes différences avec la télévision et ça l’équipe de LeLive l’a mal préparée. Pour tenir un chat, il faut une équipe de modération, qui lors de la soirée de lancement va se faire accuser de bannir les différents spectateurs dès lors que ceux-ci vont se plaindre. Un comble pour un média interactif.

À noter que plusieurs des chats lors du lancement se sont retrouvés désactivés et/ou rendus accessibles aux abonnés seulement (sont considérés abonnés les spectateurs qui soutiennent la chaîne financièrement mensuellement), alors que l’abonnement à la chaîne était désactivé.

Autre point noir de la soirée, après quatre heures d’antenne, LeLive est interdit de diffusion sur sa principale plateforme, Twitch. La cause ? Il y en a plusieurs. Très vite, lors de la présentation des différentes équipes par Kevin Razy, le présentateur, va utiliser un mort alors interdit par Twitch : le N-Word. De la même façon que lors de jeu particulièrement douteux organisés par les futurs « talents » de la chaîne, des blagues sont faites sur Hitler ainsi que Kobe Bryant, joueur de basket-ball décédé quelques jours avant le lancement. Un tout qui pousse Twitch à fermer la chaîne, alors en plein live.

Ultime provocation pour cette soirée : un utilisateur de la plateforme Twitch va reprendre un pseudonyme similaire à celui de la webTv alors bannie et va alors lancer un live avec comme commentaire : « Si Webedia veut racheter mon pseudo c’est 5000€ merci ».

La gestion de crise par Webedia du lancement ? Absolument nulle. La communication de la chaîne se veut positive et nie en tout point un mauvais lancement. Lancer un média à vocation énorme sans prévoir toute crise, c’est être complètement prétentieux. Et c’est la problématique de Webedia.

Louis Martin

La story Instagram : un contenu interactif et engageant qui permet de nouvelles narrations.

Depuis son lancement en 2010, Instagram a connu une forte croissance en termes de nombre d’utilisateurs. Le rachat du réseau social par Facebook lui a également permis de faire face à ses concurrents sur le marché, et d’y garder une place prépondérante. Cela est notamment passé par le développement de fonctionnalités telle que la story, caractéristique de l’application Snapchat, qu’Instagram a intégré à son application pour finir par dépasser son concurrent en termes d’utilisateurs actifs. Aujourd’hui, Instagram est un des réseaux sociaux les plus important et influent pour les marques et les consommateurs. Le nombre d’utilisateurs de la plateforme est de plus d’1 milliard d’utilisateurs actifs mensuels, chiffre qui est en croissance constante.

Les Stories Instagram sont des contenus courts (photo ou vidéo) qui ne restent que quelques secondes à l’écran et s’effacent complètement au bout de 24 heures. Elles représentent dans l’application Instagram, un outil séparé du fil d’actualité que les utilisateurs peuvent choisir de visionner ou non. Lorsqu’un utilisateur se rend sur l’application, il a accès aux stories des profils qu’il suit. S’il visionne la totalité des stories d’un compte auquel il est abonné, la storie disparaît pour laisser place à un contenu non visionné, encerclé en couleur. Pour visionner ce contenu, il suffit ensuite de cliquer sur le contenu encerclé, puis de faire défiler les contenus en appuyant sur l’écran. Un fonctionnement très intuitif. L’objectif premier des stories sur Instagram est de mettre en avant des moments spontanés de la vie des utilisateurs, pris en direct. Cependant, si les Millenials sont les principaux utilisateurs de stories sur Instagram, 33% des stories les plus regardées sur le réseau proviennent des entreprises, qui ont su s’emparer de ce contenu à succès. En effet, ce sont plus de 500 millions de comptes qui utilisent chaque jour les storie Instagram.

La story : générateur d’interaction avec les utilisateurs  

Les stories peuvent générer de l’engagement auprès des utilisateurs. En effet, leur format rapide et éphémère a permis aux marques de créer des contenus qui n’ont pas besoin d’être trop travaillés, et qui permettent de créer une image plus authentique et vivante à leur entreprise. Internet augmenté considérablement le nombre d’images auxquelles nous sommes confrontés chaque jour. Qu’elles apparaissent sur des affiches, des panneaux lumineux, des sites internet ou sur les réseaux sociaux que nous fréquentons, les images, publicitaires ou non, sont partout. En effet, chaque jour, nous observons près de 1 200 images publicitaires. Sur internet, la visibilité de ces images est très courte et une photo ou une vidéo n’est plus d’actualité au bout de seulement quelques heures. Les stories permettent en cela de communiquer directement avec le consommateur de manière plus courte certes, mais plus répétée.

De plus, la story est une communication entièrement visuelle qui suscite de l’émotion et de la curiosité chez les utilisateurs, et permet d’interagir avec eux. En effet, un utilisateur peut réagir à une story via des messages ou simplement des réactions. Instagram a également créé de nombreux outils applicables directement sur les stories, comme les sondages, les quizz, ou bien les questions auxquelles les utilisateurs peuvent répondre.

Un format économique et à la portée de tous

La story, contrairement à un post classique publié sur le fil d’actualité d’Instagram, génère donc de l’engagement en rendant l’utilisateur pro actif. Dans le cas des marques, une enquête Ipsos commandée par Facebook a montré que les utilisateurs s’intéressent davantage à une marque ou à un produit après l’avoir vu dans une story. L’enquête révèle également que le lien créé entre la story et les utilisateurs semble plus authentique que celui généré par un simple post. Il est également intéressant de noter que le CPC d’une story est deux fois moins cher qu’une publication classique. De plus, l’algorithme d’Instagram tend à davantage mettre en valeur les profils utilisant toutes les fonctionnalités que l’application propose. Les marques ont donc tout intérêt à utiliser ce format, qui ne nécessite pas une qualité d’image exceptionnelle, car le contenu est destiné uniquement au smartphone, et donc à un écran de taille réduite. C’est également ce qui a permis de nombreuses institutions culturelles et médias à réaliser des campagnes créatives sur Instagram, et qui a également permis à de nombreux influenceurs de s’imposer sur ce média via des courtes photos et vidéos.

Un format créatif : le cas de Été et de l’Instraviata d’Arte

L’Instraviata, une BD décalée publiée sur Arte Concert

La story est également un format créatif qui ne séduit pas seulement les marques. En effet, les institutions culturelles et les médias ont su adopter ce format dans leur communication sur les réseaux sociaux. C’est le cas par exemple d’Arte qui a publié plusieurs narrations entièrement dédiées à Instagram développées par le studio de production Bigger Than Fiction, qui est responsable de l’animation éditoriale des réseaux sociaux français et allemands d’Arte Cinema, Arte Creative et Arte Concert. Ils ont par exemple développé l’Instraviata pour Arte concert. L’Instraviata est une adaptation décalée et fantaisiste de La Traviata, le célèbre opéra en trois actes de Giuseppe Verdi, diffusée sur Instagram sous forme de bande dessinée durant 1 mois, afin d’offrir au public digital d’Arte une autre manière d’appréhender l’opéra classique via Instagram. Les trois actes de l’opéra ont été divisés en 30 épisodes, avec des personnages décalés et une touche d’humour. La diffusion a duré tout le long du mois de mars 2019, avec chaque jour à 12h, un épisode de BD animée et en karaoké accompagné d’un épisode documentaire publié à 18h sur la page, afin de rentrer dans l’univers de la chanteuse lyrique Elsa Dreisig.

Le studio Bigger Than Fiction est également à l’origine du projet Été, une narration inédite sur Instagram, également en collaboration avec Arte. Dessinateurs, scénaristes et spécialistes en narrations interactive sur les nouveaux médias se sont réunis afin de mettre en place cette bande dessinée publiée pendant le mois de juillet et aout, au rythme d’un épisode par jour. Été nous fait rentrer dans la vie d’Abel et Olivia, un couple qui décide de se séparer le temps d’un été afin de réaliser leurs projets personnels, avant de passer leur vie ensemble. Instagram a permis à ces projets narratifs de voir le jour et d’aller directement à la rencontre de leur public via les fonctionnalités que permettent les stories. En effet, le projet Été a récemment lancé une campagne de crowdfunding afin de s’auto-produire, indépendamment d’Arte. Une campagne réussite puisque le compte Instagram de la BD compte désormais 87,8 mille abonnés.

Un contenu adapté aux usages des millenials

Le succès de la story Instagram s’explique également par le fait qu’il correspond aux usages des millenials, principaux utilisateurs du réseau social. En effet, face à l’abondance de contenus et de plateformes et applications auxquels ils sont confrontés, un contenu court tel que la story s’impose comme un format judicieux, qui peut être consommé rapidement, et dans lequel l’utilisateur est pro actif et peut swiper à sa guise. Le fait que les stories soient éphémères pousse les marques et les médias à être davantage créatifs et à se renouveler sans cesse afin de capter l’attention des utilisateurs. Dans le cas des formats de bande dessinées comme ceux qu’Arte a développé avec le studio de production Bigger Than Fiction, la découpe sous formes de courts épisodes diffusés chaque jour est fortement adapté à un public ultra-connecté qui serait peu familier du milieu fermé de l’Opéra.

Le succès d’Instagram a permis à des marques et des médias de créer des narrations créatives dédiées à un public ultra connecté, et de rajeunir leurs cibles, en utilisant toutes les fonctionnalités que proposent ce réseau social. La story a pris une place centrale dans l’usage qui est fait d’Instagram, et divers médias ont su s’approprier ce nouveau format court, éphémère et spontané, afin de développer des narrations innovantes et interactives. De plus, ces narrations ont permis de sensibiliser un public à des milieux encore peu touchés par la révolution numérique, comme l’Opéra ou la BD, qui ne sont pas au cœur des centres d’intérêts du public touché par Instagram, à savoir les millenials.

Sophie Petter

Sources

https://blog.digimind.com/fr/tendances/instagram-chiffres-essentiels-2019-france-monde

https://www.blogdumoderateur.com/rencontres-video-mobile-medias-stories/

https://lareclame.fr/social-insight-instagram-stories-207112

https://www.kolsquare.com/fr/blog/stories-instagram-strategie-acquisition

https://www.meltwater.com/fr/blog/instagram-stories-marketing-influenceurs/

https://www.franceculture.fr/emissions/hashtag/les-techniques-publicitaires-sont-beaucoup-plus-agressives-et-intrusives-quauparavant

https://www.telerama.fr/medias/sur-linstagram-darte-concert,-swipez-la-traviata,n6146529.php

https://www.anthedesign.fr/sociaux/stories-instagram/
https://www.ladn.eu/adn-business/news-business/actualites-media/igtv-stories-tendances-social-media-instagram-brand-content/

Canal+ obligé de repenser complètement sa stratégie pour éviter sa disparition

Les origines du géant de la télévision à péage 

En 1984, les créateurs de Canal+ avaient pour ambition de créer une chaîne de télévision généraliste nationale française privée et cryptée, axée sur le cinéma et le sport, différente et libre. 

En effet, du fait de son importance dans le circuit de financement des longs-métrages, Canal+ est devenue la seule chaîne payante diffusant les films en avant première, c’est à dire avant leur diffusion sur les chaînes de télévision gratuites. Elle s’est également progressivement placée sur le devant de la scène en tant qu’acheteuse de droits sportifs (notamment avec les droits de diffusion des matchs de football).

Depuis ses débuts, Canal+ opère avec la même stratégie. Ce groupe de médias audiovisuels se démarque en tant qu’agrégateur de contenus mais également en tant que fabricant et producteur de contenus originaux.

Cependant, il semble pertinent de s’interroger sur la longévité de son modèle économique. En ce sens, il est intéressant d’observer les menaces pesant, aujourd’hui, sur une entreprise autrefois si performante et les moyens mis en place par celle-ci pour y faire face. 

L’innovation au coeur de la stratégie de Netflix, son principal concurrent

Apparu à la fin des années 1990 et, aujourd’hui, leader mondial du streaming vidéo, Netflix fait de l’ombre à Canal+. Cette plateforme de vidéo-à-la-demande par abonnement représente l’une des principales raisons de la remise en cause de son modèle. 

Tout a commencé lorsque Reed Hasting, son fondateur, s’est emparé d’une innovation datant de 1997, l’apparition des DVD, pour créer une entreprise qui envoie et reçoit les films par la Poste.

À la fin de la décennie 2010, en pleine croissance, Netflix procède à une transformation radicale de sa stratégie de distribution et diversifie ses activités en développant la distribution de film dématérialisée grâce au streaming et à la distribution sur PC. En prenant cette décision, Reed Hasting s’auto-cannibalise : il crée, en interne, son propre concurrent.

Par conséquent, l’apparition et la croissance de Netflix ouvrent l’entrée sur le marché à d’autres concurrents tels qu’Amazon Prime Video, OCS… et bientôt Apple+, Disney+ et d’autres encore. 

Sachant que l’innovation a un impact majeur sur l’activité économique d’une entreprise et sur le service rendu à l’utilisateur, il est désormais nécessaire pour l’entreprise voulant évoluer tout en restant compétitive de se « disrupter » elle-même en changeant ses métiers et ses compétences historiques. Les nouvelles plateformes de streaming l’ont bien compris, surtout Netflix qui a littéralement révolutionné nos habitudes de consommation des contenus audiovisuels. 

En effet, la plateforme doit sa réussite à son système de recommandation personnalisé qui utilise une variété d’algorithmes permettant de faire correspondre les contenus proposés aux utilisateurs à leurs préférences. De plus, en passant d’une offre de location de DVD à une offre de divertissement, elle s’est différencié sur la création de programmes originaux. Le but étant de créer de l’intérêt, Netflix n’a fait qu’agrandir sa base de fans fidèles.

Il parait ainsi évident que, peu à peu, mais rapidement, l’univers concurrentiel de Canal+ a changé et son monopole s’est vu faiblir. Le premier groupe de médias audiovisuel français, qui « revendiquait de ne pas faire de la télévision mais en était un expert, a été dépassé sur son marché par des concurrents qui ne sont pas des chaînes de télévision ».


L’inévitable transformation radicale de la stratégie du groupe Canal+

Le groupe média a donc dû se confronter à une inflation de ses coûts de production ou de l’achat de droits (notamment de droits sportifs), car ses concurrents, souvent dans la recherche d’une rentabilité massive de leurs investissements à l’échelle mondiale, ont eu tendance à dépenser des sommes folles. 

Face à toutes ces évolutions et menaces, Canal+ s’est donc retrouvé dans l’obligation de se réinventer et de miser sur ses atouts de toujours pour éviter de disparaitre. Grâce à ses « créations originales », le groupe a développé un plus grand nombre de séries d’une qualité unique, à haute valeur ajoutée pour ses abonnés. 

En 2020, Canal+ aura produit plus de séries que dans son histoire entière : 12 séries seront proposées aux abonnés cette année (environ une par mois).

Mais cela n’est pas suffisant pour assurer la pérennité du groupe. Par conséquent, Canal+ optimise sa transformation en gardant l’objectif de toujours augmenter sa base de clients pour amortir ses coûts. Pour ce faire, Maxime Saada compte sur l’internationalisation de Canal+, il s’agit désormais d’un « groupe mondial avec 20 millions d’abonnés dont 12 millions hors de France ». 

Malgré la baisse des abonnements en direct, il affirme avoir compris que « la seule stratégie qui peut fonctionner, c’est la stratégie mondiale ». Le Président de Canal+ vise donc à étendre l’influence de l’entreprise sur tous les territoires (en Afrique, en Asie, Europe de l’Est et Centrale…).

Afin de prouver qu’il peut tirer parti de la révolution numérique et de l’explosion de la création de contenus, Canal+ doit imaginer de nouveaux services personnalisés pour ses abonnés et élaborer de nouvelles offres pour séduire et attirer de nouveaux abonnés. Dans cette logique, l’inespéré s’est produit le 15 octobre dernier, lorsqu’un accord a été conclu entre Canal+ et Netflix permettant aux abonnés du pack Ciné/Séries de Canal+ d’être aussi abonnés à 20 chaînes cinéma et Netflix à partir de 15 euros par mois.

Toutefois, même si Netflix et Canal + ont déjà coproduit ensemble plusieurs programmes, comme les séries « Safe » ou « Les Demoiselles du téléphone », aucune clause dans cet accord n’étendrait un partenariat aux coproductions de films ou de séries.

Maxime Saada précise qu’à travers cet accord il était question de résoudre plusieurs problèmes.  Effectivement, depuis quelques temps (comme expliqué précédemment), de nombreuses offres ont vu le jour et certaines sont encore en cours d’élaboration (notamment celles de Warner Bros, Universal…). Cela a ainsi provoqué une fragmentation de l’offre et l’apparition d’une contrainte pour les utilisateurs qui étaient désormais obligés de devoir sans cesse passer d’une application à une autre pour pouvoir choisir leurs programmes, ainsi qu’un enjeu de prix conséquent. De plus, cela a également engendré la fragmentation des droits sportifs représentant également un problème de prix pour les abonnés. 

Donc, tout en sachant que Netflix n’a imposé aucune exclusivité de la part de Canal+, leur accord a permis la diminution de tous ces problèmes. Désormais, il ne semble pas impossible, voire envisageable, pour Canal+ de commencer des négociations afin de pouvoir intégrer Amazon, Apple… à ses offres. Il en a d’ailleurs été question avec OCS dont Canal+ est, à l’heure actuelle, le premier distributeur en France (devant Orange) et avec géant américain Disney, avec lequel un nouvel accord a été conclu en vue de la distribution exclusive en France du service de vidéo à la demande Disney+ à partir de mars 2020.

Les enjeux de 2020

En voulant assurer sa mutation, en tant que chaine cryptée, vers le streaming numérique, Canal+ pourrait finir par se retirer de la TNT fin 2020 ou candidater “sous conditions”. En effet, l’autorisation accordée par le CSA à Vivendi pour la diffusion de la chaîne Canal+ sur la TNT expire le 5 décembre 2020. Si Canal+ souhaite conserver sa position de quatrième chaîne sur la télévision hertzienne, le groupe devra représenter sa candidature sauf s’il décide de se retirer pour se concentrer sur le satellite et les FAI. Le CSA lancera donc très prochainement un appel à candidatures afin d’attribuer la ressource hertzienne rendue disponible. 

Cet décision fait ainsi partie des différents enjeux dans la processus de réflexion stratégique de Canal+. Maxime Saada affirme ainsi que « la question se pose » car les « coûts de diffusion propres à la TNT sont extrêmement élevés ».

Il s’agit donc d’une décision importante car elle risquerait de faire perdre à Canal+ un partie non négligeable de sa base client : 

  • Les abonnements TNT représentent près de 10% de la base totale soit près de 500 000 abonnés (offre chaînes Canal+).
  • 200 000 abonnés utilisent la TNT comme second écran, en complément de leur abonnement principal par internet ou satellite. 

Ainsi, jusqu’à 700 000 abonnés utilisent la réception TNT pour regarder la chaîne.

Néanmoins, Maxime Saada se félicite en avançant « En quelques mois, nous avons sécurisé pour nos abonnés l’accès à Netflix, à la Ligue des champions et à l’Europa League dès 2021, à la Ligue 1 jusqu’en 2024 et désormais à Disney+, aux chaînes Disney en exclusivité, aux films Disney et Fox seulement huit mois après leur sortie en salle. » 

Malgré les enjeux majeurs auxquels Canal+ doit encore se confronter, les efforts déployés par le groupe semblent payer et les résultats prometteurs. 

Mathilde Bureau

« Netflix, 10 innovations qui ont changé le monde ». Le VPN, janvier 2019. Disponible sur : https://www.le-vpn.com/fr/netflix-10-innovations-ont-change-monde/

STARON, Alain. « Quelle stratégie pour survivre à Netflix ? ». Forbes, juillet 2019. Disponible sur : https://www.forbes.fr/business/canal-quelle-strategie-pour-survivre-a-netflix/

BARROUX, David. « Pourquoi Canal+ a l’obligation de se réinventer ? ». Les Echos, aout 2019. Disponible sur : https://www.lesechos.fr/2016/03/pourquoi-canal-a-lobligation-de-se-reinventer-1110379

« Netflix distribué par Canal+ : « On a compris que seule une stratégie mondiale peut fonctionner », affirme Maxime Saada ». France Info, septembre 2019. Disponible sur : https://www.francetvinfo.fr/culture/series/netflix/video-netflix-distribue-par-canal-on-a-compris-que-la-seule-strategie-qui-peut-fonctionner-c-est-la-strategie-mondiale-affirme-maxime-saada_3620051.html

BARONIAN, Paul. « Netflix sur Canal+, c’est pour le 15 octobre ». Le Parisien, septembre 2019. Disponible sur : http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/netflix-sur-canal-c-est-pour-le-15-octobre-16-09-2019-8153070.php

RABY, Maxime. « Canal+ : la chaîne cryptée pourrait se retirer de la TNT fin 2020 ou candidater “sous conditions” ». Univers Freebox, janvier 2020. Disponible sur : Canal+ : https://www.universfreebox.com/article/54048/canal-la-chaine-cryptee-pourrait-quitter-la-tnt-ou-candidater-sous-conditions

« Canal+ sera le distributeur exclusif du service VOD de Disney en France ». Le Monde, décembre 2019. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/12/15/canal-sera-le-distributeur-exclusif-du-service-vod-de-disney-en-france_6022949_3234.html

Le Floodcast, ou le témoignage des premiers vidéastes

Issus des communautés de vidéastes amateurs sur Youtube, Adrien Ménielle et Florent Bernard bénéficient aujourd’hui d’une audience largement méritée sur leur podcast Floodcast. Il s’agit de l’émission la plus écoutée sur Spotify, malgré un format qui semble, de prime abord, peu engageant. 

Comment leurs expériences passées de vidéastes amateurs expliquent le succès que rencontre aujourd’hui leur émission ?

Le Floodcast,
Florent Bernard (à droite) et Adrien Ménielle (à gauche)

C’est l’expérience de vidéaste amateur qui vient nourrir ce podcast – et le refus de garder close la barrière qui sépare les profanes des professionnels (ou nouveaux professionnels). Les amateurs ont longtemps été considérés comme à la marge de la création audiovisuelle. Il s’agit d’une industrie du risque, où la reconnaissance du professionnalisme, de la qualité du travail est cruciale pour pouvoir engager toute manoeuvre commerciale. Ce podcast est le résultat de carrières qui se sont affranchies de ces gate-keepers, et comporte les témoignages des routes qui ont été empruntées par Adrien M., Florent B., ainsi que par toutes les personnes qui gravitent autour d’eux. Ils naturalisent et rendent concrets ce travail qu’est la création audiovisuelle. 

Entre amateurisme et vidéaste amateur, deux visions de la création profane

En 2008, Andrew Keen publie The Cult of the Amateur. Brulot contre les nouvelles pratiques de création apparues avec l’avènement du numérique, il y expose sa vision de l’ »amateur », profane auquel on aurait donné les clés de l’espace public. Singes derrière leurs claviers, alimentant une nouvelle jungle de médiocrité que sont Internet et ses plateformes d’échange, les « amateurs » d’Andrew Keen menacent la culture en la défigurant par leur créativité bas de gamme. 

Avec Le Sacre de l’Amateur, Patrick Flichy prend le contrepied d’Andrew Keen. Il présente sous des augures bien plus mélioratifs cet individu caractéristique des nouveaux espaces créatifs d’Internet. L’amateur y est définit comme binaire : il peut être celui qui réalise pour le plaisir, sans rechercher la rémunération, ou celui qui apprécie la création. Actifs ou passifs dans leurs centre d’intérêts, ces deux amateurs évoluent dans les mêmes sphères sociales virtuelles en tant qu’ils partagent les mêmes passions. Ces communautés peuvent avoir pour place les réseaux sociaux traditionnels, ou les plateformes de diffusion de contenus comme Youtube qui à travers les commentaires, abonnements, likes, permettent l’interaction entre émetteurs et récepteurs. C’est donc un enjeu majeur, d’autant plus si elles font l’objet d’une monétisation d’orchestrer et entretenir ces communautés de manière organisée.

« L’amateur sur Youtube, c’est celui qui s’est lancé avec un micro et une caméra dans sa chambre, dans son bureau » – une conception réductrice.

Il a été confronté à deux lacunes majeures : le manque de connaissances techniques, et le manque de reconnaissance du public. Compte tenu de la nature de la consommation sur Youtube et des biais induits par le tri de l’algorithme, ce sont là les deux facteurs les plus décisifs pour que la croissance d’une chaîne (reconnaissance quantitative) et la qualité des vidéos (reconnaissance qualitative) augmentent. 

La professionnalisation des vidéastes amateurs s’explique par ce catalyseur qu’est la concurrence entre eux. La compétitivité technique, éditoriale, communautaire étant primordiale pour assurer une valeur à sa chaîne en terme de monétisation ou simplement pour bénéficier d’un effet de signal grâce à la qualité des contenus, les vidéastes amateurs s’efforcent d’améliorer leurs compétences, ou de les mettre en commun. 

Et c’est précisément cette dynamique qui va permettre à certains vidéastes de sortir du bois, dont Adrien Ménielle et Florent Bernard. Entre 2012 et 2016, ils s’investissent dans le collectif Golden Moustache, où ils jonglent entre l’écriture de scénario, la réalisation de courts-métrage, le jeu, et la direction artistique. Au sein de ce groupe d’auteurs qui deviendra plus tard un studio de création, non seulement ils développent leurs compétences techniques, artistiques, mais ils sont au contact de toute une nouvelle garde de créatifs, issus d’internet.

C’est de cette expérience dont il est question dans le Floodcast.

Le podcast est né il y a 5 ans sur Soundcloud. Si de nouvelles possibilités techniques ont fait leur apparition au fil des saisons, le ton et le contenu de l’émission n’a que peu varié.

Floodcast est une émission de talk, une table ronde, qui réunit autour de FloBer (Florent Bernard) et Adrien Ménielle des invités issus majoritairement du Youtube des courts métrages Golden Moustache/Studio Bagel/Suricate. Ce sont donc des personnes qui ont investi pleinement les communautés de création dont il est question plus haut : elles sont quasiment toutes passées par la création audiovisuelle d’abord en amateur – puis de plus en plus professionnelle à mesure que les collectifs se sont structurés et ont gagné en réputation auprès des agents « légitimes » de l’audiovisuel. 

Les épisodes sont construits en plusieurs grands instants : la présentation des invités et des discussions sur leurs projets passés, en cours, à venir, des recommandations culturelles, et du « flood ». Ce terme, qui a pris tout son sens dans les forums virtuels, renvoie à un type d’échanges bien précis : l’ »inondation » de la discussion par des paroles peu pertinentes, voire dénigrantes pour ce qui vient d’être dit – et au final la dérive du débat et la perte de son sérieux. 

C’est exactement là l’objectif de l’émission. Construire une ambiance, une discussion qui sera amenée à dériver complètement au gré des prises de paroles des invités. Et loin de n’être qu’une libre-antenne, tout cela se fait selon une organisation qui est très familière aux invités – les réunions entre créatifs. 

C’est de l’expérience des invités dans la création audiovisuelle dont il est question dans le Floodcast. De l’aveu même des invités qui confient dans le micro pendant l’émission regretter les séances d’écritures comme ce qui se passe pendant l’enregistrement. L’innovation majeure et la valeur ajoutée du format reposent sur cette reproduction naturelle des séances de réflexion à plusieurs, des processus d’idéations pendant lesquels les auteurs partent d’un constat, d’un fait, d’un thème et dérivent sur ce qui viendra plus tard nourrir la réflexion, l’univers. 

Une fenêtre privilégiée sur le travail des vidéastes

Pour les auditeurs, le Floodcast est une fenêtre privilégiée sur le travail de ces vidéastes qui ont décidé un jour de créer leurs propres contenus malgré le manque de moyens. 

La production du podcast est d’abord toute entière tournée vers la facilitation de la libération de la parole chez les invités. Aucun studio, aucun sponsor, aucun apport financier tiers. Le Floodcast est une émission auto-produite et distribuée sur les plateformes gratuites. Le montage, quand il ne coupe pas certains rares dérapages comme la citation de personnes tierces à l’antenne ou l’évocation de projets confidentiels, est quasiment inexistant, si bien que l’émission retranscrit dans son intégralité la discussion qui a eu lieu pendant l’enregistrement. 

C’est l’occasion pour les intervenants de développer un jargon qui leur est propre et qui plonge l’auditeur dans des discussions qui ne diffèrent pas de ce qu’elles sont dans leurs rendez-vous professionnels entre eux. Des scènes sont évoquées, des situations de travail, problématiques ou non – pour un auteur, cette tribune permet une présentation de son travail avec un ton bien différent de ce que font les médias dits « traditionnels ». 

Déjà très engagés dans la revue des travaux des vidéastes qu’ils suivaient, les auditeurs profitent désormais d’un lieu où l’on rend compte non seulement de la réalité du travail d’auteur, de réalisateur, d’humoriste, mais également des liens qui lient ces différents acteurs. Le même public qui les a découverts dans leurs collectifs prolonge son engagement avec eux grâce à ces émissions de talk. Et pour cause, pour l’enregistrement en public au Bataclan d’un épisode spécial, toutes les places ont été vendues en 20 minutes – la vente la plus rapide de l’année…

Victor SOOD

Le consommateur de programmes audiovisuels: dictateur de tendances?

Selon le rapport annuel du CNC de l’année 2018 qui fait un état des lieux du cinéma en France, 684 films sont sortis en salle cette année, dont 356 productions françaises. Pour pouvoir voir tous les films de 2018 en un an, il faudrait regarder environ deux films par jour.

C’est sans compter sur les 2366 films diffusés à la télévision française cette année, comptant à la fois téléfilms et rediffusions.
C’est également prendre en considération les milliers de films disponibles sur les plateformes de vidéo à la demande, qui a généré cette année 671,9 millions d’euros de revenus.
Enfin, ces résultats n’incluent pas non plus les sorties de films
uniquement sur les plateformes de streaming comme Amazon Prime Video ou Netflix.

Des chiffres évocateurs

Ces chiffres nous permettent de tirer deux conclusions.
La première montre que par rapport au nombre de personnes travaillant dans l’industrie du cinéma en France, il y a en fait peu de films qui sortent, démontrant la difficulté de produire un film dans notre pays.
La seconde, évidente, est que le consommateur de films est confronté à un choix extrêmement exhaustif.
Il ne pourra pas tout regarder et cette situation le fait devenir alors maître du jeu. Si l’audience a toujours été mesure du succès d’un film, elle est dorénavant bien plus fragmentée qu’il y a cinquante ans car nous sommes dans une ère de l’hyper choix.

Une évolution des pratiques de production

Dès le début des années 2010, on assiste à une explosion du monde de la série, qui est lui-même caractérisé par des tensions (les productions coûteuses et qualitatives HBO contre les productions moins coûteuses, plus rapides et parfois plus « grand public » de Netflix.)
Ainsi, de plus en plus de réalisateurs du cinéma se mettent à créer des série ou réaliser des épisodes: Scorsese avec Boardwalk Empire, Jean-Marc Vallée avec Big Little Lies, Baz Lurhmann avec The Get Down.
L’esthétique de la série se précise avec des séries presque
Hollywoodiennes comme Game Of Thrones, ou des styles distinctifs avec des univers très puissants comme Peaky Blinders.
Cette situation a pour conséquence principale que le consommateur est devenu maître des tendances, car c’est à celui qui attire le plus de monde de montrer la voie à suivre pour tous.


La série et le film comme objets de consommation

En ce qui concerne la consommation de films et de séries, on peut établir une sorte de jugement de valeurs basé sur les goûts et les pratiques.
Dans « Théorie de la classe de loisir » (1923), Veblen parle d’un art de la consommation réservé aux élites sociales.
Dans le cas de ces deux contenus audiovisuels, les individus les plus cultivés vont compter parmi leurs films préférés des grands classiques hollywoodiens ou des séries diffusées sur Canal+, chaîne payante.
L’accès à ces contenus est plus difficile et la culture de masse (les films de super-héros, les comédies snobées aux Césars) est considérée comme «vulgaire » par ces élites.
Par ailleurs, une personne de classe moyenne va plutôt consommer les films et séries diffusés à la télévision (par exemple « Le Père Noël est une ordure », disponible sur les chaînes pratiquement chaque Noël).
Toute la société ne pourrait échapper à ce conditionnement intellectuel. La culture de masse transformerait la subjectivité et uniformiserait les goûts et
les aspirations des classes sociales.
Les goûts des uns et des autres ont une portée symbolique qui révèle quelque chose de la personnalité de son public.

Toutefois, la révolution digitale a une fois de plus fait évoluer ces pratiques et les goûts du public en rendant accessible bien plus de contenus à travers les plateformes de replay ou de streaming. La disponibilité des films piratés illégalement permet également à ceux qui ne peuvent pas se permettre un abonnement mensuel de regarder des films et des séries reconnues et primées. Ces distinctions sociales s’en retrouvent bouleversées, avec une segmentation du public.


Le public n’est plus un corps homogène déterminé par des règles, mais une multitude de fragments d’individualité.
Ces fragments sont étudiés par des algorithmes qui déterminent des
recommandations basés sur les contenus choisis au préalable.
C’est non seulement valable pour Netflix, mais aussi pour n’importe quelle plateforme sur laquelle on peut trouver des rubriques « vous aimerez aussi… ».
On détermine donc un public avec une une moyenne de cible composée d’individus de différents âges, sexes, classes de la société, c’est en ce sens
une notion quantitative.
Avec ces algorithmes, on continue de soumettre le consommateur à un rapport de force qu’il ne maîtrise pas totalement, mais plus qu’avec la télévision qui impose sa grille de programmes.
Cependant, un média va toujours chercher la diffusion maximum auprès d’une audience, il est donc important que les contenus soient tout de
même accessibles par tous. Paradoxalement, on est confrontés à une volonté de média de masse individualisé. On en arrive à un schéma cyclique : les pratiques font évoluer la consommation, de même que la consommation fait évoluer les pratiques.

Mais alors, comment peut-on considérer que la tendance est aujourd’hui dictée par le consommateur, si le diffuseur choisit quel contenu diffuser à qui ?

En 2008, Anne-Marie Dujarier défend l’idée que le consommateur est de plus en plus mobilisé comme partie prenante du processus de production. Elle parle notamment de crowdsourcing (dans la cadre de l’entreprise, mais que l’on va appliquer ici aux séries et films).
L’idée est de faire du consommateur un travailleur productif sans qu’il le sache : il va faire des choix qui vont déterminer le succès global d’un projet. Il va être encouragé à commenter les programmes qu’il regarde.
On peut par exemple utiliser l’exemple de la saison 8 de Game Of Thrones,
dont le hashtag #GOTS8EP suivi du numéro de l’épisode s’est retrouvée tous les lundis matins en Top Tendances Twitter pendant toute la durée de la diffusion de la saison.


Le consommateur va également choisir sa pratique du média : homochrome (la temporalité lui est imposée par le média, comme le cinéma) ou hétérochrome (il choisit sa temporalité).
A noter aussi que selon le média, il va y avoir ou non une logique de rendez-vous ou d’immédiatement. Avec Netflix, le média propose une production quasi-quotidienne, qui encourage le binge- watching. A l’inverse, HBO va proposer des rendez-vous ponctuels pour événementialiser la sortie des contenus.
Ces choix de pratiques et de contenus font donc du consommateur le dictateur de ce qui fonctionne, même si ce n’est pas attendu.
On peut prendre pour exemple la série Casa de Papel, série télévisuelle espagnole dont les droits internationaux ont été rachetés par Netlix. Elle a été l’une des séries les plus regardées en Europe en 2018, connaissant un succès tel qu’elle fut renouvelée pour une saison 3 contre toute attente.

Il existe donc un contrat de lecture entre le spectateur, qui a des attentes d’un contenu, qui est créé par un producteur avec une idée, diffusé par un média qui doit répondre à ces attentes.
Le média doit en règle générale se plier aux désirs du consommateurs, aller dans sa direction et le rencontrer sur son terrain pour connaître un succès national ou global.

Sarah Hamdad

Sources:

Podcasts natifs : quelles opportunités pour les groupes de presse historiques ?

En janvier dernier, le média Brut annonçait le lancement de sa gamme de podcasts d’actualité, disponibles en exclusivité sur Spotify. Une nouvelle activité à première vue assez éloignée du format vidéo qui a rendu célèbre le pure player. A l’image de Brut, de nombreux médias ont quelque peu délaissé leur savoir-faire historique pour s’aventurer dans la production de contenus audios, à commencer par les éditeurs de presse traditionnelle. Si Libération a fait figure de précurseur en 2007 en lançant ses premiers podcasts (56kast, Silence on joue), ils sont aujourd’hui nombreux à avoir tenter l’expérience : le Parisien (Code Source), Le Monde (Sept ans de trahison), le Figaro (La semaine des médias) … et la liste s’allonge chaque année. Le podcast serait un moyen pour la presse historique de se renouveler et de s’adapter aux usages, surtout à ceux des nouvelles générations ultra connectées : d’après une étude de Médiamétrie, les podcasts seraient en effet davantage écoutés par les 15-24. Ce format est alors pensé comme un produit d’appel susceptible d’amener les jeunes vers l’écrit, mais aussi comme un nouveau moyen d’engranger des recettes publicitaires à l’heure où les annonceurs désertent les médias traditionnels pour le digital. Il faut dire qu’aux Etats-Unis, où la tendance est née après le succès retentissant de Serial (340 millions de téléchargements), puis de The Daily (2 millions d’écoutes quotidiennes), deux podcasts créés par le New York Times, le marché du podcast semble prometteur : les revenus publicitaires ont augmenté de 65% entre 2015 et 2018, et devraient s’élever à 863,4 millions de dollars en 2020 d’après une étude menée par PwC.  

Mais qu’est-il du marché français ? Les contenus audios représentent-ils une véritable opportunité économique pour des titres de presse traditionnelle en souffrance, ou un simple mirage qui s’estompera une fois la tendance essoufflée, comme le fut le web documentaire au début des années 2010 ? 

Mais au fait, qu’est-ce qu’un podcast ? 

Résumé simplement, un podcast est un contenu audio numérique que l’on peut écouter n’importe où. On distingue ensuite les replays d’émissions de stations de radio mis à disposition à la demande (on parle alors de “radio de rattrapage”) des “podcasts natifs”, contenus ayant été conçus en vue d’une diffusion à la demande sans passage à la radio.  En termes de contenu, le genre le plus écouté est le podcast d’actualité : en France, 34% des épisodes les plus populaires disponibles sur Apple appartiennent à cette catégorie. C’est d’ailleurs sur ce genre que les éditeurs de presse écrite ont concentré leurs efforts, et en particulier sur le format d’approfondissement, dont le Daily du New York Times est le parfait exemple. Ce blockbuster audio a d’ailleurs été une source d’inspiration majeure lors de la création du podcast “La Story” par Les Echos en partenariat avec Binge Audio. L’objectif du format selon Pierre Chausse, directeur adjoint des rédactions au Parisien (groupe Les Echos): “raconter quelques histoires différemment, avec un podcast d’actualité quotidien d’une vingtaine de minutes”. Mais le développement de ces nouveaux formats représente un investissement important, alors même que les podcasts peinent à trouver un business model pérenne. 

Un business-model encore balbutiant et une rentabilité incertaine 

Le Parisien et les Echos disposent d’une équipe de 4 ou 5 personnes dédiée à la création des podcasts quotidiens (tandis que le New York Times en emploie 15 pour la production de The Daily). La production de contenu de qualité exige également des investissements en termes de matériel et de formation professionnelle pour les journalistes venant de l’écrit. Mais comment rentabiliser ce format plus coûteux qu »il n’y parait ?  

La première solution est le financement par des annonceurs, via la vente d’espaces publicitaires au CPM ou via un système de parrainage. Pour séduire les annonceurs, le podcast disposent de plusieurs avantages : les données des éditeurs suggèrent que les auditeurs de podcast écoutent en moyenne entre 60 et 90% d’un programme, et le font de manière active. Les podcasts se distinguent ainsi à la fois de la radio linéaire, consommée souvent passivement par les utilisateurs qui la mettent en simple fond sonore, et d’Internet où la qualité d’exposition de l’utilisateur à la publicité n’est pas garantie. « Prenez un podcast et une vidéo de cuisine, analyse Charlotte Pudlowski, ancienne rédactrice en chef du site d’information Slate et confondatrice de Louie Media, et comparez leur audience. La vidéo va faire des millions de vues sur Facebook. Mais elles se seront lancées automatiquement et les usagers ne vont pas se souvenir de ce qu’ils ont vu.” Les podcasts offrent également aux annonceurs des audiences très qualifiées : Les Echos ont ainsi choisi de cibler l’écosystème entrepreneurial avec son podcast Tech Off. Enfin, ils promettent aux annonceurs un espace “brand safe”, où les utilisateurs sont exposés à peu de publicités et passent rarement les pré-rolls, comme le suggère une étude de Médiamétrie. Cette qualité de l’exposition explique que les espaces au sein des podcasts se vendent généralement à un coup plus élevé que dans l’écosystème digital classique : le CPM se situe entre 15 et 20€ pour un spot de 30 secondes en pré-roll. Le parrainage, modèle dans lequel un unique annonceur finance la production du podcast pendant une période de temps donnée, est une alternative utilisée entre autres par le groupe Challenge, qui a réalisé une série de podcasts sponsorisés par Renault. Mais cette monétisation par l’apport des annonceurs connait un frein majeur à son développement : le manque de données.  Comparé à la vidéo, le podcast ne permet pas, ou peu, de récolter les données sur le comportement des auditeurs une fois le podcast téléchargé, rendant ainsi difficile la qualification des audiences. Mais les choses évoluent, notamment avec le développement d’outils de mesure à l’image du dispositif américain Podtrac :  Médiamétrie propose depuis 2019 à ses clients eStat Podcast, un outil capable de qualifier les téléchargements, tandis l’ACPM (l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias) a présenté en novembre dernier sa certification des mesures de diffusion des podcasts natifs et réécoutés.  

Une autre piste en matière de financement est la stratégie du paywall, qui envisage le podcast comme une valeur ajoutée pour les utilisateurs abonnés. Dans les petits marchés où l’intérêt des annonceurs se fait désirer et où la rentabilité à long terme est plus que douteuse, comme en France, le podcast est finalement souvent envisagé comme un outil promotionnel et marketing . ‘It’s more about opening the top of our funnel and bringing Times journalism to a new audience who we think will eventually become our next generation of subscribers,’ déclare ainsi Erik Borenstein du New York Times. Même son de cloche chez l’Equipe, qui a lancé en 2018 un podcast sur le rugby et sur le golf : “le podcast propose quelque chose de différent : il a un mode de développement qui est basé sur la souscription, il y a une démarche de fidélisation. Nous sommes dans une attitude de test, nous cherchons à attirer une nouvelle clientèle, moins volatile », explique Jérôme Cazadieu, directeur de la rédaction du quotidien.

Les plateformes : un partenariat à double tranchant 

Pendant longtemps, la plateforme d’Apple a été l’agrégateur de podcasts dominant. Ces deux dernières années, elle a néanmoins vu son hégémonie faiblir avec l’apparition de nouveaux acteurs sur ce marché, notamment Deezer et Spotify qui représentent désormais 20% du marché français. Le leader mondial suédois de la musique en ligne a ainsi remarqué que ces utilisateurs consommateurs de podcasts passent près de deux fois plus de temps sur la plateforme que les autres, d’où l’annonce en 2019 d’importants investissements destinés à l’acquisition de contenus tierces mais également à la production de contenus originaux. L’arrivée des plateformes pourrait bien transformer en profondeur la technologie du podcasting : en alliant leur capacité d’audiences importantes à la puissance de leurs algorithmes de recommandation, elles permettraient d’ouvrir l’accès à ce format dont le caractère encore très confidentiel et “de niche” a rebuté nombre d’annonceurs. La production de contenus pour les plateformes pourrait-elles être une piste de développement pour les titres de presse ? Les éditeurs restent sceptiques : source de financement d’un côté, les plateformes pourraient toutefois subtiliser aux éditeurs la relation directe avec leur public et s’arroger leur création et la donnée client si nécessaire à l’amélioration du produit et la valorisation des audiences. Radio France a ainsi fait le choix en 2019 de retirer ses contenus de Spotify et Majelan afin de mieux contrôler leur distribution et le partage de la valeur créée.  

Dans l’état actuel du marché français, le podcast peine encore à démontrer son intérêt pour les groupes de presse historiques. Toutefois, le développement d’outils de mesure certifiés, l’intérêt des plateformes, mais aussi l’arrivée des enceintes connectées et des voitures autonomes sont autant de signes que ce secteur recèle encore de nombreuses potentialités. Si le podcast parvient à dépasser son statut de produit de niche destiné à une audience jeune et éduquée pour devenir un phénomène de masse, il pourrait bien être un élément déterminant du renouveau de la presse historique. 

Camille Cohen

Références 

EUTROPE, Xavier. “Pourquoi les journaux français ne font-ils (presque) pas de podcasts ?. Ina Global, février 2018. Disponible sur : https://larevuedesmedias.ina.fr/pourquoi-les-journaux-francais-ne-font-ils-presque-pas-de-podcasts 

FOUQUENET, Maelle. “Podcasts et presse écrite: comment les financer et gagner de l’argent”. ESJ Pro, mars 2019. Disponible sur: https://esj-pro.fr/podcasts-et-presse-ecrite-comment-les-financer-et-gagner-de-largent/ 

MALCURAT, Olivier. “Podcasts: un poids, deux mesures”. La lettre pro, novembre 2019. Disponible sur : https://www.lalettre.pro/Les-Dossiers-5-Podcasts-un-poids-deux-mesures_a21157.html 

NEWMAN, Nic., GALLO, Nathan. “News Podcasts and the opportunities for publishers”. Digital News Project, décembre 2019.  

PwC. “FY 2018 Podcast Ad Revenue Study: a detailed analysis of the US podcast Advertising Industry”. Juin 2019. Disponible sur: https://www.iab.com/wp-content/uploads/2019/05/Full-Year-2018-IAB-Podcast-Ad-Rev-Study_5.29.19_vFinal.pdf 

LES DIVERSIFICATIONS DES ACTEURS DES MEDIAS SONT-ELLES EFFICACES ?

Le 5 février dernier, le Groupe TF1 a annoncé la création de UNIFY, son nouveau pôle numérique, rassemblant l’ensemble des activités digitales du groupe soit, plus précisément, le groupe auféminin (auféminin, Marmiton, MyLittleParis, ect), DoctissimoNeweb (Les Numériques, ZDNet, Paroles des Maman), Gamned !, Studio 71, Vertical Station et TF1 Digital Factory.

« Une ambition nouvelle pour le Groupe TF1 », ce sont en tout cas les mots de son PDG Gilles Pellison pour annoncer la stratégie du groupe audiovisuel français de se lancer dans le numérique, à ses partenaires financiers et à la concurrence. En réalité, sur le paysage concurrentiel, la diversification des activités des groupes de média audiovisuels ou de presse écrite, apparait comme un atout stratégique dans un marché où le cœur de métier évolue très vite. C’est d’ailleurs ce qu’on a nommé dans les années 1990, les stratégies dites « pluri-média » où de grands groupes de communication ont élargi leur capacité d’intervention sur une large palette d’activités recouvrant l’ensemble des médias et celui des domaines d’édition culturelles et de divertissement. Si leur diversification s’est longtemps cantonnée à exploiter leurs marques et leurs contenus sur tous les canaux de diffusion possible, les pratiques ont évolué. L’objet de cet article n’est pas tant de comprendre les raisons qui amènent ces groupes média à opérer des stratégies de diversification que d’analyser dans quelle mesure ces dernières sont efficaces ou pas. 

La diversification : s’éloigner de son cœur de métier pour générer de nouveaux revenus 

La diversification stratégique est un développement vers un domaine d’activité stratégique inédit, donc éloigné du cœur de métier d’origine de l’entreprise. Elle passe souvent par l’acquisition de nouvelles compétences sur des domaines d’activités stratégiques inédits et par d’autres facteurs clé de succès.   C’est une stratégie de croissance qui permet de mieux répartir les risques, d’exploiter les ressources et compétences déjà existantes, et d’équilibrer financièrement les différents portefeuilles d’activités. 

Pour les médias français : quelles stratégies ? 

Pour les médias, la diversification stratégique est notamment envisagée pour trouver de nouveaux revenus ou faire la promotion de leurs marques ailleurs, ce qui donne, in fine, de nouvelles opportunités à proposer aux annonceurs par leur régies publicitaires respectives. Sur le marché publicitaire, notamment celui de la publicitaire digitale, il est indispensable, aujourd’hui, pour un media, de se diversifier, d’autant plus pour presse qui a perdu plus de 50% de ses revenus en dix ans. Il faut rappeler que Google et Facebook représentent, à présent, 80% des budgets dépensés par les annonceurs. Ainsi, la diversification des activités fait partie intégrante des nouveaux modèles d’affaire développés par ces médias :  à titre l’exemple, la diversification représente 20% des revenus générés par le groupe Les Echos-Le Parisien, de même pour le Figaro sur sa partie vente de produits et de services (Marco Vasco).   

La presse écrite 

Les stratégies adoptées au-delà d’être différentes, et n’ont pas toutes été concluantes. Dans le domaine de la presse écrite, par exemple, elles se sont, pour la plupart, heurtées à des obstacles de nature éditoriale et rédactionnelle. En effet, les nouveaux entrants que sont les pure players sont dotés d’une réelle capacité d’investissement et de création de contenus et de l’information via des outils technologiques avancés (IA), ont conduit les acteurs de la presse à sous-traiter davantage le travail journalistique en ayant recours à des agences, pigistes ou free-lance. Un journalisme hors rédaction s’est développé et une prise de distance s’est installée entre ces groupes de presse, leurs actionnaires et leur rédaction.  Le cas de Libération en 2014 est assez significatif. Le 9 février 2014, le slogan « Nous ne sommes un journal, pas un restaurant » faisait la Une de Libération. En cause, une rédaction en colère contre la reprise du journal par Patrick Drahi qui voulait s’appuyer sur l’univers et la marque Libération pour créer « un espace culturel et de conférence, un plateau télé, un studio de radio et une newsroom digitale ». Une stratégie d’exploitation de la marque plus compliquée pour la presse écrite que pour les médias audiovisuels. Selon Caroline Marti, enseignante chercheuse au Celsa Paris-Sorbonne, la presse conserve un côté artisanal et une authenticité de ses rédactions qui rendent difficile l’extension de la marque : « Les émissions de M6 sont capitalisées. En dehors de l’information, les programmes sont conçus par rapport à la possibilité d’extension de la marque. Cependant, je ne pense pas que ce soit transposable à la presse écrite puisque le journalisme a un côté artisanal, non industrialisable ». Si cette stratégie n’a pas fonctionné pour Libération, le groupe Les Echos-Le Parisien, en revanche, en a fait l’une de ses priorités de développement. Elle s’est d’ailleurs développée à travers trois approches : la création d’évènements, le rachat de sociétés (Pelham et Nextplo) et des alliances (avec Franceinfo pour Médias en Seine). La monétisation de l’audience est devenue également un axe de stratégie majeur par la création d’un pôle Partenaires qui regroupe la régie commerciale et celui de la diversification.  D’ailleurs cette notion de service fait partie intégrante des objectifs du groupe. Comme le Figaro d’ailleurs, qui a racheté en 2017 le voyagiste en ligne Marco Vasco lui permettant de réaliser 120 millions de chiffre d’affaires, ou l’Equipe qui avait ouvert, en 2016, le site de revente de vêtements sportifs l’Equipe Store.  Il faut cependant rester vigilant sur ces stratégies dites de « vente de produits », soit non-journalistiques, qui, pour le Syndicat National du Journalisme « impacte le cœur de métier qu’est l’information » En ce sens, dans le domaine de la presse, les stratégies de diversification peuvent être plus difficiles à mettre en place et à perdurer. 

Les médias audiovisuels

Pour la télévision en revanche, l’équation n’est pas tout à fait la même. Lâme d’une chaine télévision est davantage lier à ses programmes qui sont des produits, qu’à la qualité rédactionnelle d’un journal moins industrialisable. Si on prend l’exemple du groupe TF1, dont les acquisitions ont porté essentiellement sur le digital, son objectif est de se doter de nouveaux médias aux audiences fortes et d’une capacité à faire du B to C. La difficulté demeure surtout dans le succès de ces fusions acquisitions des nouvelles entités (conflit avec les fondateurs de Vertical Station) et la capacité du groupe à intégrer ces nouveaux métiers dans ces DAS. 

Quelle approche privilégier alors ?

D’après le Tank Media les media ont encore une approche de « faire » sans savoir exactement « pourquoi  en faire ». L’exemple du podcast est parlant, puisque, depuis peu, tous les medias veulent s’y lancer sans véritablement savoir pour quoi en faire. Enfaite, les media doivent penser la diversification comme une activité à part entière avant tout, avec des ressources et compétences spécifiques. 

Anne-Sophie LEROUGE 

Sources : 

Réforme de l’audiovisuel français : les assouplissements publicitaires

Le projet de loi de réforme de l’audiovisuel est un réel big bang dans le secteur et modifie en profondeur la loi du 30 septembre 1986.  

Les quatre sujets principaux de cette réforme sont la suppression du canal hertzien de France 4 et France Ô, la formation d’un trust public rassemblant France Télévision et Radio France, l’obligation des plateformes de SVOD étrangères de financer la création française et l’évolution de la publicité en télévision. Cette réforme a notamment pour objectif l’assouplissement publicitaire.  

La publicité segmentée ou publicité localisée  

Les campagnes de publicités en télévision pourront être ciblées et éventuellement personnalisées en fonction du profil et des données disponibles sur chaque individu ciblé, notamment sa situation géographique. Concrètement cela signifie qu’un téléspectateur parisien et un téléspectateur nantais ne visionneront pas le même spot publicitaire. Cependant les annonceurs ne pourront pas mentionner dans ces spots l’adresse de leur magasin ou les promotions qui y sont effectuées. Selon le Syndicat National de la Publicité Télévisée (SNPTV), il s’agirait d’un surcroit de revenus de 200 millions d’euros d’ici 2022 pour les groupes audiovisuels. Le SNPVT a fait son calcul horizon 2022, car le marché ne pourra réellement s’accroitre que lorsque les décodeurs des foyers pourront intégrer les logiciels adaptés car en 2020 seulement 20% des foyers seront adressables. Par exemple sur les six millions de boitiers Orange, moins d’un tiers permettent de faire de la publicité segmentée, mais d’ici 2025, 50% du parc télévisuel français sera adressable.  

Afin d’affiner leurs campagnes publicitaires, les annonceurs disposeront de trois types de données : la géolocalisation, le génotype du foyer et les usages et comportements. Grâce aux opérateurs, il sera désormais possible de connaitre l’adresse des téléspectateurs et donc de leur proposer une publicité adressée. Les informations sur le foyer permettront de savoir s’il s’agit d’une personne célibataire, d’un couple ou d’une famille avec des enfants. La donnée la plus intéressante pour les annonceurs est celle de la présence d’enfants ou non. De plus la connaissance des usages de consommation des programmes télévisés sera un réel atout pour les annonceurs avec les différentes affinités des téléspectateurs : affinités cuisine, affinités sport, affinités séries etc.  

La publicité segmentée sera un véritable atout pour les annonceurs car le bêta de mémorisation de la télévision est de 18,4% en 2018, alors que celui des vidéos en ligne (hors catch-up tv) n’atteint que 5,7%, il est trois fois moins élevé que celui de la télévision. La publicité localisée combine potentiellement la puissance du média télé, sur lequel les campagnes restent bien mieux valorisées que sur internet, et la précision de la publicité numérique. Telles qu’elles sont actuellement créées les grilles de programmes des chaînes segmentent bien les publics en ayant des programmes pour un jeune public, pour les femmes, pour les catégories socio-professionnelles élevées etc. Par ailleurs, la télévision est le média ayant le meilleur ROI (retour sur investissement). D’après l’étude économique Ebiquity 2017 de Dentsu Aegis Network, une livre investie en télévision en rapporte quatre tandis qu’une livre placée dans le digital ne rapporte que 0,8 livre.  

Les annonceurs pourront donc adapter le message de leur campagne publicitaire en fonction de la zone de chalandise en affichant notamment des renseignements supplémentaires localisés. La mesure de l’impact de la communication sera simplifiée. Par exemple, un annonceur pourra tester quatre spots publicitaires différents dans quatre parties de la France puis étudier son influence sur les ventes au niveau local et par conséquent définir quelle campagne est la plus efficiente. La publicité segmentée permettra également d’adapter les vagues publicitaires en fonction de données exogènes telles que la météo, les pics de pollution, les épidémies ou les pics allergènes. Concrètement cela signifie qu’un annonceur pourra choisir de communiquer davantage dans une zone géographique en fonction de la météo, les audiences étant plus élevées dans les zones où il pleut par exemple. Les données localisées permettront également de scénariser les campagnes en fonction des zones d’exposition des téléspectateurs. 

Cette évolution sera aussi une source de revenus supplémentaires pour les groupes audiovisuels privés car certains annonceurs locaux pourront acheter de l’espace publicitaire sur une zone ciblée alors que leur campagne de communication ne justifierait pas le lancement d’une campagne télévisée au niveau national. Les annonceurs pourront également affiner leur target, en ciblant par exemple uniquement des urbains affinitaires cuisine.  

Néanmoins le gouvernement souhaite limiter la portée de ces campagnes publicitaires à la télévision pour préserver les recettes générées par la publicité à la radio ou dans la presse locale. La publicité adressée en télévision sera restreinte à deux minutes par heure ainsi que par un volume journalier précis.  

Les projets d’assouplissements publicitaires TV  

La publicité localisée n’est pas la seule évolution de la publicité proposée dans le projet de loi de réforme de l’audiovisuel. La mise en place d’une troisième coupure publicitaire dans les films et téléfilms de plus d’une heure trente sur les chaînes privées est à l’étude. Cela signifiera que les groupes audiovisuels n’auront plus besoin d’espacer les coupures publicitaires de vingt minutes et cela permettra une plus grande flexibilité dans les médiaplannings. Cet assouplissement devrait être adopté par décret.  

Par ailleurs, un nouveau secteur va être ouvert à la publicité TV : le cinéma. Le cinéma pourra enfin être promu à la télévision avec le passage de bandes-annonces durant les coupures publicitaires. Un quota pour les films européens d’art et essai sera institué afin d’éviter que le secteur soit absorbé par les blockbusters américains et les productions françaises à gros budget.  

Cette réforme de l’audiovisuel permettra également l’ouverture au spot de téléachat en publicité TV, ce qui signifie faire la promotion d’un produit précis en annonçant son prix mais également en transmettant l’URL du site internet sur lequel le produit est vendu.  

Le dernier point concernant la publicité TV présent dans cette réforme de l’audiovisuel français est la mise en place des écrans partagés lors des retransmissions sportives permettant de diffuser des spots publicitaires courts. En fait, cela signifie que lors d’un match de football, quand l’arbitre fait appel à l’assistance vidéo à l’arbitrage, l’écran pourra être coupé en deux et un spots de dix secondes sera diffusé sur une partie de l’écran.  

Ce projet de loi prévoit de nombreux bouleversements dans le paysage audiovisuel français.  

Sources :  

Alexia MONTEIRO LAFFITTE

La compétition acharnée entre Hollywood et les plateformes de SVOD pour attirer les talents

Les majors et les géants du streaming font du charme aux talents les plus en vogue ou prometteurs dans une bataille féroce pour capter l’attention du public.

Que ce soit dans l’industrie du cinéma ou de la télévision, il est tout particulièrement lucratif d’être un talent convoité par les temps qui courent. Les nombreux contrats annoncés en janvier lors du Winter Press Tour de la Television Critics Association, grande messe annuelle définissant les principales tendances télévisuelles de l’année à venir aux Etats-Unis, en témoignent. C’est Amazon Prime qui s’est le plus démarqué lors de cette édition en annonçant des contrats avec Steve McQueen (12 years a Slave), Gael García Bernal (Mozart in the Jungle) et Diego Luna (Rogue One : A Star Wars Story)[1]. Ces accords conclus avec des personnalités habituées du grand écran ont donc été passés au nez et à la barbe des majors hollywoodiennes. Plus que cela, en octobre dernier, David Benioff et D.B. Weiss, les créateurs de Game of Thrones, décidaient de quitter le navire Disney pour embarquer sur celui de Netflix en renonçant à réaliser la prochaine trilogie Star Wars. A grands coups de billets verts – plusieurs médias américains portent à 250 millions de dollars le montant inscrit au contrat[2] – la plateforme est donc parvenue à détourner le duo d’une des franchises les plus populaires (et lucratives) de l’histoire du cinéma. Ces cas ne sont pas isolés : de très nombreux artistes et cadres occupant des postes clés au sein de majors ont été récemment démarchés par des services de streaming. En octobre 2019, le LA Times publiait une animation synthétisant ce phénomène qu’il qualifie « d’exode des talents ». On peut ainsi y voir représenter les flux de personnalités que Netflix, Amazon, Apple et Hulu sont parvenus à attirer dans leurs filets[3].


Produire du contenu attractif pour ne pas perdre pied face à la concurrence

Avec l’arrivée du numérique et la multiplication des écrans, certaines majors ont été poussées à créer leur propre plateforme de streaming pour s’adapter à l’évolution de la façon dont sont consommées les œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Avec le lancement de Disney+ et l’arrivée prochaine de HBO Max (la plateforme de WarnerMedia), la guerre du streaming s’intensifie et la bataille pour les talents se déroulent désormais tant le terrain du cinéma que sur celui des séries. Plus que jamais, les spectateurs sont confrontés à une multitude d’offres et à une abondance abyssale de contenu. Comment sortir du lot ? Comment attirer le consommateur dans les salles obscures ou l’inciter à s’abonner à son service ? Que ce soit sur grand ou petit écran, la bataille pour l’attention du public est plus que jamais d’actualité. Dans cette optique, studios et plateformes de SVOD conçoivent les talents comme de véritables avantages compétitifs, bien plus que de simples arguments marketing. La recherche de programmes de qualité se fait si forte et pressante que les talents viennent à manquer et l’ensemble de la filière se retrouve sous pression. Les rivalités entre cinéma, télévision traditionnelle et plateformes ne font que croître, les premières reprochant à la dernière d’aspirer les talents révélés par leurs soins[4].

Une compétition économique sur fond de conflits idéologiques

Pour attirer les talents, chaque camp fait valoir ses arguments et rapidement la compétition économique se transforme en débat d’idées. Un film est-il fait pour être visionné sur un écran de télévision ou de smartphone ? Telle est la question qui divise l’industrie du cinéma et les plateformes et sur laquelle chacune à une position bien définie. D’un côté, Hollywood argue que découvrir pour la première fois un film en streaming depuis son canapé ou dans les transports en commun amoindri l’expérience du spectateur et l’œuvre elle-même s’en retrouve desservie. En face, Netflix explique que son offre rend plus accessibles des films à tout un pan du public ayant moins la possibilité, le temps ou les moyens de se rendre dans les salles obscures. Interrogé cette semaine sur l’exposition du film The Irishman de Scorsese, Ted Sarandos, le patron de Netflix, expliquait ainsi que « l’audience pour The Irishman est aussi grande que ce qui aurait pu se faire au cinéma » avec plus de 40 millions de foyers ayant au moins lancé le film long de plus de 3h. Au-delà de la façon de consommer les films, ce sont aussi les méthodes de Netflix qui sont remises en cause. Pour les producteurs, conclure un deal avec le géant du streaming c’est aussi renoncer à son droit moral sur l’œuvre puisque la plateforme, en contrepartie d’une rémunération généreuse, en acquiert les droits globaux. Les médias traditionnels, télévision linéaire comme cinéma, se targuent donc de mieux respecter et mettre en valeur le travail des talents. Charlotte Moore, la directrice des contenus de la BBC déclarait ainsi récemment : « Nous ne voulons pas vous posséder. Vous disposez de votre programme et de votre propriété intellectuelle. »[5]. A l’inverse, certains talents préfèrent même se tourner vers les plateformes plutôt que vers les studios en espérant y trouver plus de liberté de création. Netflix et ses comparses, moins soumis à la pression de l’audience et du box-office, peuvent souvent se permettre de valider des projets plus innovants. Cette semaine, Ted Sarandos affirmait que Netflix était parti pour s’inscrire durablement dans l’industrie du cinéma en cherchant à remplir le vide créatif laisser par les studios dont tous les efforts se concentrent sur les quelques gros blockbusters garantissant leur survie. La plateforme pense pouvoir capter de l’audience en produisant des drames pour adultes et des comédies romantiques légères, genres tous deux mis de côté par les majors au profit de films de superhéros[6]. Netflix sait comment s’y prendre pour convaincre les personnalités convoitées de rejoindre ses rangs : la plateforme travaille vite, assure à l’œuvre une audience étendue et globale et est aux petits soins en mettant tout en œuvre pour que ses talents puissent travailler dans les meilleures conditions possibles, comme par exemple en leur fournissant du matériel de communication de pointe pour organiser des téléconférences[7].

Une guerre mettant en lumière l’amenuisement de la frontière entre cinéma et télévision  

Maintenant que certaines majors possèdent leur propre plateforme de streaming, les contours de l’industrie deviennent de plus en plus flous et les talents y circulent beaucoup plus librement. Le genre sériel s’est considérablement transformé au cours de la dernière décennie pour se rapprocher du cinéma sous certains aspects : liberté narrative, qualité de production, augmentation des budgets, esthétique de l’image… Là où un temps on pouvait distinguer d’un côté les professionnels du cinéma et de l’autre ceux de la télévision, les talents naviguent maintenant en toute fluidité entre le grand et le petit écran. Le cinéma, longtemps perçu comme la discipline la plus noble, se retrouve de plus en plus concurrencer par les séries dont la qualité et la popularité ont sensiblement augmenté ces dernières années. On ne compte plus le nombre de réalisateurs ou stars de cinéma s’étant lancés dans des projets de séries. Les plateformes jouent bien sûr un rôle clé dans ce phénomène.

La concurrence entre services de SVOD et Hollywood pour conquérir les talents se joue donc tant sur le cinéma que les séries et revêt une dimension économique alimentée par des débats idéologiques. Les réalisateurs, acteurs, auteurs et autres personnalités convoitées contribuent un peu plus à redéfinir les contours de l’industrie à chaque contrat signé. Il devient ainsi de plus en plus compliqué d’opposer frontalement Hollywood aux plateformes de SVOD, les premiers devenant diffuseurs et les derniers producteurs. Toujours pris dans la tempête déclenchée par l’arrivée du numérique, l’industrie et ses acteurs, désorientés, continuent leur transition en s’accrochant à la seule bouée de sauvetage palpable qui semble pour l’instant émerger : les talents.

Marion Prunier


[1] https://www.lefigaro.fr/medias/la-guerre-des-talents-fait-rage-entre-hollywood-et-les-plateformes-20191223

[2] https://www.lefigaro.fr/medias/la-guerre-des-talents-fait-rage-entre-hollywood-et-les-plateformes-20191223

[3] https://variety.com/2020/tv/news/ted-sarandos-netflix-the-irishman-movies-animation-1203487543/?fbclid=IwAR3wT2cUfYFnRImclJ7ZAnpa8vspPHl0UIjlU29_SHlMLlMEre8BbrpS_y0

[4] https://www.lecho.be/entreprises/divertissement/hollywood-vs-silicon-valley-la-guerre-est-declaree/10112455.html

[5] https://www.indiewire.com/2020/01/tca-2020-winners-losers-winter-press-tour-1202204810/

[6] https://www.francetvinfo.fr/culture/series/netflix/les-createurs-de-game-of-thrones-renoncent-a-realiser-une-trilogie-star-wars-pour-la-plateforme-de-streaming-disney_3680393.html

[7] https://www.latimes.com/projects/la-et-netflix-job-report/

ADS Reddit: “The Era of WE”

Le marketing de groupes auxquels les consommateurs revendiquent d’appartenir

Souvent peu évoqué et mis de côtés par rapport aux réseaux sociaux comme Facebook, Instagram, Twitter et LinkedIn au sein des stratégie de marketing digital, Reddit est un géant du Net, voté en 2017 comme 4eme page web plus visité aux US.  Avec un trafic de 1.29 milliards de visites et 330 millions d’inscrits en Octobre 2019, la page reste un canal très intéressant pour les marques.  Basée sur un concept de pluri-forums gratuit en vision communautaire, Reddit offre un espace de dialogue et discussions directe avec le public.  Au sein de chaque espaces (communément appelés subreddit, identifié par l’identifiant r/nomdusubreddit) les internautes échangent et discutent sur les sujets par le biais de commentaires. Les commentaires sont au centre du model UGC de Reddit, car en fonction des votes que celui-ci reçoit, positifs ou négatifs, sa visibilité s’accroît ou décroît au sein du subreddit. Dans le cas d’un vote positif le post remonte dans le fils (upvoting), au contraire il se perd dans les limbes de la page (downvoting). Pour conclure, une home-page (frontpage) générale pour chaque inscrit, en réunissant tous les contenus suivis (come Twitter)   

Quelle est la valeur ajoutée de Reddit ?

En tant qu’utilisateur, Reddit offre un contenu crée par les utilisateurs qui mixe divertissement et informations. Définit comme un espace d’échange intelligent au sein duquel l’utilisateur peut, poser des questions sur un sujet, répondre et aider d’autre utilisateurs ou s’informer sur l’actualité. La segmentation en subreddit permet de regrouper des personnes qui partagent les même signes, langages et humour. Le site devient donc un espace où s’entraider et s’amuser entre proches en partageant une étique commune (Reddtiquete).

Quelle sont les intérêts d’aller sur Reddit ?

La présence de la marque sur Reddit se traduit en engagement, image de marque, service après-vente (SAV) et notoriété. Au fil du temps ces aspects sont devenus toujours plus importants pour les firmes, en adaptant en conséquence les actions marketing. Ainsi se développent les figures de Community Manager, qui doivent assurer l’image de la marque par différents canaux. Une conversation ouverte et transparente s’instaure sur un sujet quelconque qui peut intéresser le brand en question. Pour répondre à des problématiques, demander un avis, communiquer ou vendre un produit/service. Reddit restes aussi un moyen pour suivre l’actualité d’un certain sujet ou topic en lien avec l’activité de la société.

Quelle est le service publicitaire offert par Reddit ?

La page en question, qui a reçu 300 millions de dollars d’un investissement du géant chinois Tencent, a su s’adapter aux besoins B2B en mettant en place un système enraciné dans l’économie du Net. Le service d’ADS de Reddit est clair et linéaire. En payant une certaine somme, en fonction de la discussion, le message du client accroît en notoriété, sans prendre en compte le classement organique des votes des internautes, en remontant le fil de discussion. Il s’agit donc d’un système de visibilité payante qui rappelle le Paid Search en opposition avec le référencement naturel SEO du champion moderne du web Google. Évidemment les options de revenu du site ne s’arrêtent pas au B2B en s’adressant aussi à l’utilisateur. La plateforme, définit donc en tant que multiface, permet aux utilisateurs de récompenser les utilisateurs pour leur contribution de contenus. Pour faire cela un système de monnaie virtuelle interne (les Coins) peuvent être achetées et données. Cette currency peut être ensuite échangée avec des icônes et de features à l’intérieure du site même. Posséder ces icônes devient donc emblème de l’implication de l’utilisateur. Pour finir, un service de vente d’espace publicitaires pour display est fourni, qui se base sur un ciblage en programmatique très précis. Les données qui permettent telle précision sont, comme sur Facebook, sont des données captées sur le site, basées sur les centres d’intérêts des visiteurs, leurs votes et données third-party.

Quelles sont les stratégies marketing utilisées sur Reddit ?

Les campagnes de marketing à appliquer sur Reddit sont nombreuses et changent en fonction des objectifs, du contexte et de la marque qui l’applique. Concrètement des actions payantes et des actions gratuites peuvent êtres misent en places par les firmes. Comme avec Google le payant s’impose pour une vision court terme et le référencement pour une vision long terme. Mais dans tous les cas une règle s’impose, c’est à dire maintenir une discussion horizontale avec l’utilisateur. L’idée de mettre en avant des arguments d’authenticité et parité permet d’être accepté par l’internaute. Voici quatre exemples d’action marketing sans recourir à des solutions payantes assez communs parmi les nombreux :

  • Organiser des AMA : Ask me Anything, il s’agit d’une FAQ cachée qui permet à la marque de répondre aux questions des utilisateurs et les rendre publiques. En faisant ainsi la marque peut fixer des réponses standards qui peuvent intéresser plusieurs clients et communiquer une présence et une image de marque. 
  • Fixer des Calendriers : C’est un système qui se refait à un outil de Reddit qui fixe un compte à rebours et envoie un push-up (notifications) à toute la communauté. Cela permet de créer le sentiment de hype (attente) pour les inscrits en vue d’un lancement d’une offre, un événement ou une communication.
  • Mettre en place un Contest : Lancer un défi aux utilisateurs en échange de récompense pour recueillir des informations, créer de l’engagement et agrandir la communauté.
  • Créer du contenu Viral : Créer du contenu qui est facilement partageable par l’utilisateur sur la plateforme sur d’autre subreddit pour aller toucher les membres d’autres communautés.

Le concept de communauté est donc au centre des nouvelles campagnes de digital marketing qui s’oppose en manière directe à la fragmentation des réseaux sociaux où la publicité était vu comme un élément dérageant la navigation. Au contraire avec Reddit la publicité doit être accepté par l’internaute.

 “As the social media landscape continues to fragment and people look for authentic connections based on shared interests, we’re proud that Reddit offers a place for users to find community. “Jack Koch Global Head of Marketing Sciences Reddit

THIERRY TURCO
MTM 226 DAUPHINE

Les deepfakes joueront-ils les trouble-fêtes dans les élections américaines ?

L’émergence et le perfectionnement des deepfakes suscitent de vives inquiétudes dans les sphères politico-médiatiques sans qu’aucune mesure concrète n’ait encore été prise. La déclaration de Monika Bickert, vice-présidente de la gestion des politiques mondiales chez Facebook, pourrait marquer un tournant décisif dans l’appréhension de ce phénomène, une menace réelle pour le groupe lui-même.

Donald Trump annonçant l’éradication du sida, Barack Obama insultant l’actuel président américain… Des messages étonnants, suspects et dangereux appelés deepfakes.

Pour la première fois, le géant américain se positionne réellement et annonce des mesures concrètes pour encadrer ce qui pourrait être une réelle bombe à retardement à l’approche des élections présidentielles américaines.

Une technologie demain à la portée de tous

Apparu à l’automne 2017, le terme de deepfake désigne des vidéos truquées grâce à l’intelligence artificielle permettant d’animer des images au bon gré de l’internaute, en appliquant à n’importe quel visage un comportement humain pour le faire parler et bouger selon son souhait. Contraction de « fake » et de « deep learning », ces trucages se développent grâce aux techniques des GAN, comprenez les Generative Adversarial Networks.

Le principe est simple : deux algorithmes s’entrainent mutuellement. Le premier crée des imitations les plus crédibles possibles, le second tente de détecter le faux dans l’exécution du premier. Les répétitions du programme entraînent l’algorithme et permettent d’améliorer la technique pour obtenir des résultats de plus en plus proches de la réalité. La machine se perfectionne toute seule et les résultats obtenus peuvent être stupéfiants : Donald Trump annonçant l’éradication du sida, Barack Obama insultant l’actuel président américain… Ces vidéos sont rapidement devenues virales, si bien que l’envie de rendre cette technique accessible à tous s’est imposée.

De nombreuses entreprises se lancent alors à l’assaut d’un marché qui pourrait leur rapporter gros. Des acteurs chinois ont très vite pris les devants dans cette course technologique : l’application Zao par exemple propose d’incruster votre visage dans des films célèbres. Doublicat se spécialise dans l’incrustation de visage dans des GIF. Snapchat et TikTok  comptent bien être de la partie et ont déjà annoncé le développement de fonctionnalités similaires. Parallèlement, le nombre de deepfakes explose : de 8 000 à 14 700 entre fin 2018 et automne 2019. Et ce n’est qu’un début. Cette technique devrait être réellement accessible à tous d’ici 6 mois et cela avec une qualité très satisfaisante.

Une menace bien réelle pour les démocraties

Si pour l’instant, on estime à 96% la part de deepfakes relevant du divertissement et de l’humour, la menace pourrait grandir très vite, notamment s’ils sont utilisés à des fins de communication politique.  Alors que l’élection américaine approche à grand pas, l’affaire Cambridge Analytica reste dans tous les esprits et démontre que les réseaux sociaux sont aujourd’hui un nouveau terrain stratégique pour la propagation voire la manipulation d’idées, supportée par l’accès à des données numériques permettant d’identifier des profils d’utilisateurs. Les réseaux sociaux ont révolutionné la diffusion de l’information, dans sa forme et sa vélocité. Ils impactent notre vision de l’actualité et donc parfois nos opinions personnelles. Le sensationnel dépasse bien souvent le rationnel et les algorithmes de ces machines sociales permettent la mise en avant d’informations peu fiables qui alimentent pourtant nos perceptions de la réalité.  

La menace réside dans le fait que les limites actuelles des deepfakes, technologiques, ne pèsent pas lourd face à cette nouvelle forme de diffusion.  En prêtant attention, un internaute n’aurait pas de mal à distinguer un deepfake d’une vidéo non trafiquée. Pourtant, les utilisateurs des réseaux sociaux se caractérisent par une attention souvent courte. Ils sont désireux de trouver des contenus synthétisés, percutants, consommables partout et instantanément. Pour preuve, le deepfake annonçant l’éradication du sida par Trump, pourtant une campagne de prévention contre le sida, n’a majoritairement pas été visionnée jusqu’à la fin, alors que le démenti apparaissait en conclusion de la vidéo. La fausse information est partagée en un clic, commentée, et l’information se propage. Le démenti aura ainsi beaucoup moins de visibilité et d’impact que la première vague de diffusion.

L’enjeu majeur n’est donc pas de détecter ces vidéos pour les signaler, mais bien d’être capable de les stopper ou de les identifier avant qu’elles ne soient publiées.

Ces craintes pourraient paraître trop alarmistes si les deepfakes n’avaient pas déjà été utilisés de manières fallacieuses dans un contexte politique. En effet, durant les élections législatives britanniques  de 2019, et donc dans un contexte politique tendu, deux faux enregistrements vidéos ont été diffusés sur les réseaux sociaux dans le but de déstabiliser les électeurs. Ces vidéos mettaient en scène les candidats vantant les mérites de leurs opposants. Lorsqu’on connaît l’impact qu’ont eu les fake news dans certains suffrages, tels celui du Brexit,  la réelle menace pour nos démocratie ne relève plus de la science-fiction.  

Des niveaux de sanction très variables selon les pays

Alors, nos gouvernements sont-ils parés pour lutter contre ces dérives ? Alors que la Chine applique depuis le 1 janvier 2020 une loi permettant d’appréhender les créateurs de deepfakes au même titre que des criminels, les instances politiques françaises semblent moins enclines à légiférer sur le sujet.

Le 15 octobre 2019, le secrétariat d’État au numérique publie une réponse officielle aux débats sur la nécessité de s’armer contre l’auteur d’un deepfake fallacieux. Il affirme que le droit français possède déjà le recours permettant de lutter efficacement contre cette menace : la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information, en vigueur depuis le 22 décembre 2018. Elle permet la création d’un référé habilité à stopper en urgence la diffusion d’une fausse information, l’obligation d’une plus grande transparence des sites en période électorale sur l’origine des informations, d’accorder des pouvoirs de régulation accrus au CSA. Ces mesures ne semblent cependant pas suffisantes à la CNIL qui recommande en novembre 2019 un cadre législatif et réglementaire spécifique à la reconnaissance faciale, et donc à la conception de deepfakes : « L’informatique doit être au service de chaque citoyen. […] Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ».

Les faiblesses du cadre législatif ne sont pas dénoncées uniquement en France. Aux États-Unis, le groupe de réflexion Future Advocacy, qui réunit de nombreux professionnels, pointe du doigt la préoccupation d’ordre public et la désinvolture de la sphère politique face à ces dangers.

Si la piste interventionniste est abandonnée du côté législatif, l’autre voie, cette fois-ci libéraliste, consisterait à laisser aux plateformes le soin de résoudre le problème. Jusqu’à maintenant, Facebook et les autres acteurs sont protégés par leur statut d’hébergeur, et non d’éditeur, qui les déresponsabilise sur leur contenu.

Cependant, Twitter, Pornhub, Gfycat appliquent déjà depuis peu une politique de modération drastique avec la suppression systématique des deepfakes. L’action de ces acteurs, notamment Pornhub, n’est pas anecdotique lorsqu’on connaît la création répétitive des deepfakes calquant le visage d’actrices renommées sur des vidéos pornographiques pour ensuite diffuser ces vidéos.

En revanche de son côté, Facebook a toujours été extrêmement réticent à sortir de sa neutralité et donc de sa non responsabilité légale. Cependant, la stratégie de communication du géant américain pourrait bien changer, pour éviter un nouveau scandale qui finirait de ternir son image.

Enfin des mesures plus concrètes mais pas forcément suffisantes

Les annonces ont débuté en septembre. Avec le lancement du Deepfake Detection Challenge, Facebook jetait un premier pavé dans la mare et proposait à des entreprises du secteur et à des universitaires de se rassembler le temps du challenge afin de stimuler la recherche et la production d’outils en open source. Le projet a notamment réuni Microsoft, Amazon, le MIT et l’Université de Californie.  Le réseau social avait pour cela investi 10 millions de dollars dans le projet et poursuivi ses investissements dans le laboratoire FAIR. Ce dernier a pour mission de travailler à l’avancement du projet de « désidentification » et l’utilisation de l’IA dans le but d’appliquer un filtre vidéo invisible afin d’empêcher leur exploitation par des logiciels de reconnaissance faciale qui peuvent générer des deepfakes

En décembre 2019, Facebook annonçait avoir supprimé “un réseau utilisant des photos générées par l’IA pour dissimuler leurs faux comptes. Nos équipes continuent à rechercher de manière proactive les faux comptes et autres comportements inauthentiques coordonnés[1].

Lundi 6 janvier 2020, la lutte du géant américain contre les deepfakes prend une tournure plus concrète avec l’annonce de mesures. En plus d’un partenariat avec le média international Reuters, qui aurait pour objectif d’accompagner les rédactions du monde entier en leur apprenant à identifier les deepfakes grâce à des outils et des formations en ligne, Facebook souhaite agir directement sur les publications.

Le géant propose cette fois-ci de sanctionner les contenus en empêchant la monétisation et en labellisant la vidéo comme une fakenews. Les vidéos concernées devront répondre à ces deux conditions :

  • La vidéo a été modifiée sans que le trucage soit facilement détectable par une personne lambda.
  • La vidéo a employé des techniques d’Intelligence artificielle ou du machine learning.

Cette déclaration n’est pas inopportune puisqu’elle arrive juste avant une nouvelle audition par la chambre des représentants des États-Unis, dans laquelle le réseau social, après son premier passage critiqué, devra se montrer plus convaincant s’il veut parvenir à rassurer l’opinion publique.

Mais alors, quels sont les risques à laisser Facebook comme seul modérateur ? Facebook affirme que cette modération ne s’appliquera pas aux contenus parodiques ou satiriques. Le géant américain devra donc juger le caractère humoristique d’un contenu,  un exercice très subjectif et qui, utilisé à mauvais escient, pourrait s’apparenter à de la censure.  Cependant, ces acteurs puissants semblent être les seuls réellement capables aujourd’hui de développer des techniques et des outils permettant de lutter contre les deepfakes, qui constituent une prouesse technologique indéniable, mais qui, sans encadrement pour en limiter les dérives, pourraient nuire à nos démocraties.

Louise DANIEL

https://www.lci.fr/high-tech/video-deepfake-la-menace-devient-reelle-2143709.html

https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/deepfake-la-nouvelle-bete-noire-de-facebook-836553.html

https://portail-ie.fr/analysis/2253/intelligence-artificielle-et-deepfakes-la-naissance-de-nouveaux-risques-strategiques

https://www.actuia.com/actualite/comment-facebook-compte-lutter-contre-les-deepfakes/

www.numerama.com/politique/561713-le-gouvernement-considere-que-la-loi-permet-deja-de-lutter-efficacement-contre-les-deepfakes.html

www.journaldugeek.com/2020/01/14/deepfake-application-devenir-meme/



Le nouveau business des micro-influenceurs

Avec son lancement en 2010, Instagram a rapidement su s’imposer comme levier marketing incontournable pour les annonceurs, notamment grâce à l’amplification du phénomène des influenceurs. En effet, avec la remise en cause des systèmes de publicités actuels, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à se tourner vers un marketing d’influence.

Les micro-influenceurs s’imposent comme un levier de communication à ne pas négliger. Ces derniers proposent une communauté de niche et très réactive.

Il s’agit ici de comprendre le phénomène récent des micro-influenceurs et pourquoi ces derniers sont devenus indispensables aux marques.

Qu’est-ce qu’un « Micro-influenceur » et pourquoi les marques se les arrachent ?

Même s’il n’existe pas réellement de définition exacte, le micro-influenceur est déterminé comme un individu comptant seulement une dizaine de milliers d’abonnés dans sa communauté. Il se situe dans la hiérarchie d’influence entre le nano et le macro-influenceur.

Mais pourquoi ces nouvelles « stars » se sont imposées comme un levier incontournable du marketing d’influence courant 2019 ?

Le premier point est que le micro-influenceur est souvent plus « influent » envers ses abonnés de par la taille de sa communauté, et devient donc plus intéressant pour les marques. Ces derniers sont souvent plus spécialisés, ont une proximité plus importante avec leurs abonnés et propose une cible de niche pour les annonceurs, et mécaniquement, l’engagement sera plus important. Pour mieux comprendre cette mécanique, rendez-vous sur l’étude Tank effectuée sur 300 000 comptes Instagram et qui semble mettre en avant la relation inverse existant entre le nombre d’abonné et le taux d’engagement

Ce dernier point est un point essentiel pour bien comprendre le phénomène du micro-influenceur. Plusieurs études récentes ont montré que l’engagement sur les publications des micro-influenceurs étaient largement supérieur à la moyenne sur les réseaux sociaux et ceci grâce à trois aspects :

  • Forte proximité avec sa communauté

Un micro-influenceur se doit d’entretenir une relation authentique avec son audience, de cultiver et diffuser une image de proximité. C’est exactement ce que recherchent les marques aujourd’hui. Grâce à lui, ces dernières peuvent s’immiscer dans l’espace privée des gens sans forcément passer par la publicité agressive classique.   

  • Spécialisation du domaine d’activité

Les micro-influenceurs, de par la fréquence de leur publication, ont la particularité d’avoir un capital confiance très important face à leur communauté. Le jugement du consommateur sera très fortement indexé sur celui de l’influenceur. Ainsi, les marque s’approprient aisément cette crédibilité à travers des partenariats et la promotion directe de leur produit par le micro-influenceur.

  • Une valeur bon marché

Les micro-influenceurs s’avèrent être plus abordables et moins exigeants que les influenceurs classiques. Là ou un gros influenceur peut prendre plusieurs milliers d’euros pour une publication, le micro-influenceur est généralement récompensé de petits cachés bien plus abordables pour les marques.

L’explosion du phénomène

En 2018, les marques ont commencé à revoir leur stratégie marketing d’influence en se tournant vers ces nouveaux acteurs. Très vite, les collaborations se sont avérées concluantes et c’est en 2019 que le véritable boom du micro-influenceur est apparu.

De nombreuses marques se lancent dans les collaborations. Un exemple de campagne a succès est Rimmel. Cette fameuse marque de cosmétique voulait à tout prix se démarquer de la concurrence. Elle a alors trouvé l’ingénieuse idée de contacter des micro-influenceur beauté sur Instagram et leur demander de poster une photo de leur nouveau produit avec le visage a l’envers. Pourquoi ? Tout simplement pour mieux capter l’attention de l’internaute.

Le résultat est immédiat :

  • 3 millions d’audience cumulée sur les réseaux sociaux
  • 75 000 favoris
  • Plus de 1000 commentaires
  • 200 tweets et partages

Quelques chiffres clefs sur les micro-influenceurs:

Une étude de Klear a estimé le prix moyen d’un post instagram (chiffres 2019) :

  • 172$ pour un micro-influenceur
  • 507$ pour un macro-influenceur (de 30 000 a 500 000 abonnés)
  • 2058$ pour une célébrité (plus de 500 000 $)

En 2018 :

  • Les micro-influenceurs ont publiés 84% des messages sponsorisés
  • 80% recommandent des produits ou services au moins une fois par semaine
  • 70% des micro-influenceurs travaillent sur moins de 5 campagnes marketing par an

Limites légales et transparence

Face à cette montée en puissance, de nombreuses limites au système sont apparues. Par exemple, certains micro-influenceurs n’hésites pas à ne pas mentionner lorsqu’il s’agit de partenariats, alors que c’est une obligation. De nombreux problèmes se posent alors : Comment réguler et assurer la transparence de ce système ? De nombreuses tentatives ont émergées mais en vain.

En France, contrairement aux États-Unis, il n’existe pas de loi spécifique pour les collaborations entre marques et influenceurs. L’ARPP (l’autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) a mis en place un certain nombre de règles pour encadrer ces partenariats ainsi qu’un jury déontologique destiné à intervenir en cas de dépôt de plainte d’un consommateur envers un influenceur qui ne respecterait pas les règles de transparence (en cas de partenariat, l’influenceur se doit de le préciser lors de la publication de son post).

Cependant, l’ARPP ne dispose d’aucun pouvoir de sanction et ne se base que sur le principe de dénonciation du « name and shame ».

Aujourd’hui, si une marque ou un influenceur ne respecte pas les règles fixées par l’ARPP, oubliant ainsi le principe de transparence, de lourdes sanctions peuvent être applicables : jusqu’à 300 000 € d’amende et deux ans d’emprisonnement.

EN 2016, la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) a lancé une série d’enquêtes afin de s’assurer du respect de ces règles de transparence.

Romain Keime

https://siecledigital.fr/2019/12/16/marques-influenceurs-quel-cadre-legal/
https://www.strategies.fr/blogs-opinions/idees-tribunes/4026389W/le-nouveau-business-des-micro-influenceurs.html
https://weekend.lesechos.fr/mode-et-beaute/actualites/0600890144855-pourquoi-les-marques-parient-sur-les-micro-influenceurs-2253296.php
https://start.lesechos.fr/societe/culture-tendances/a-qui-profite-le-business-des-influenceurs-13367.php
https://www.journalducm.com/micro-influenceurs-levier-indispensable-aux-marques
https://www.definitions-marketing.com/definition/micro-influenceur/
https://www.meltwater.com/fr/blog/chiffres-marketing-influence/
https://www.meltwater.com/fr/blog/comment-gagner-en-impact-grace-aux-micro-influenceurs/
https://blog.klear.com/influencer-pricing-2019/

Pour Facebook, « l’avenir est privé »

Le groupe Facebook souhaite mettre fin à la morosité de ses dernières années et compte progresser vers un modèle beaucoup centralisé.

FACEBOOK, UNE PLATEFORME EN MAUVAISE POSTURE

Ces deux dernières années auront été particulièrement difficiles pour la firme Facebook, passées à essuyer les retombées entraînées par le scandale des data leaks, lors duquel les informations de 87 millions de comptes ont été piratées. Cette très mauvaise presse met depuis deux ans la firme et son PDG sous pression face à une forte détérioration de leur image et de la confiance accordée par leurs utilisateurs. À tel point que le cours de l’action a diminué de 30% depuis mars dernier.

Par ailleurs, de nouveaux entrants sur le marché des plateformes sociales viennent ajouter de l’incertitude à ses horizons stratégiques. Ce sont de nouveaux noms qui apportent un vent de fraîcheur auquel les générations les plus jeunes sont particulièrement réceptives : TikTok en est la manifestation la plus parlante avec ses 1,7 milliards d’utilisateurs mensuels. Par opposition, Facebook apparaît plus vieillissant et se retrouve une nouvelle fois confronté à un concurrent, très populaire auprès de la Gen Z et peut-être plus difficile à tenir à distance que Snapchat.

LES ÉCHANGES PRIVÉS, UN MARCHÉ PROMETTEUR

Mais en dehors de ces difficultés, d’autres signaux indiquent assez clairement des évolutions de marché auxquelles il convient de répondre pour rester en adéquation avec les utilisateurs et leurs modes de consommation. Comme l’a très justement remarqué Mark Zuckerberg, « l’avenir est privé » (Conférence F8, avril 2019). 

Et pour cause, les échanges privés ont pris une part grandissante dans les interactions des individus sur les réseaux sociaux. En effet, ce qu’on appelle le « dark social » constitue une majorité des contenus partagés : il s’élève en 2019 à 63% des flux d’informations échangées, du moins aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Il y a donc un désengagement avéré des échanges sur les supports publics, qui traduit un intérêt assez généralisé pour le respect de la vie privée. 

Cette tendance assez marquée pointe un manque à gagner du côté des marques dans leurs stratégie marketing : une grande partie des échanges entre utilisateurs leur échappent manifestement, échanges qui peuvent potentiellement concerner leurs goûts et comportements de consommateurs, comme le précise Chase Buckle, responsable des tendances pour GobalWebIndex : « Alors que les plateformes de médias sociaux publiques remplissent de plus en plus le rôle de sources de consommation de contenu, les plateformes de messagerie privée sont maintenant le lieu où des conversations et des recommandations significatives ont lieu entre pairs qui s’engagent activement les uns avec les autres. Le partage de contenu avec un grand réseau d’amis accumulé au fil des ans peut avoir une portée impressionnante, mais n’est rien comparé à l’environnement des messageries privées, qui est beaucoup plus propice à la confiance dans les recommandations ».

Il y aurait donc un intérêt non négligeable pour les marques qui communiquent via Facebook pour mieux affiner leur stratégie et s’adresser plus directement au consommateur, par des conversations et chatbots par exemple. Logiquement, c’est aussi une occasion pour une plateforme telle que Facebook de s’octroyer une place d’autant plus centrale dans son écosystème vis-à-vis de ces entreprises tierces.

D’UN CHANGEMENT DE PARADIGME À L’INTÉGRATION DES PLATEFORMES

C’est dans cette perspective que Mark Zuckerberg pousse pour un virage stratégique majeur, qui vient remettre en question l’identité même de Facebook. Le 6 mars 2019, il annonçait officiellement vouloir faire progresser Facebook vers l’interaction privée ou en groupes avec deux conséquences majeures : le regroupement de ses trois plateformes principales et le cryptage des conversations privées. Ce revirement s’inscrit dans une dynamique qui se rapproche du modèle de WeChat, la super-application du groupe Tencent qui rassemble une part colossale des achats en ligne et de la vie sociale digitale sur le marché chinois. Il s’agirait donc d’opérer une intégration de ses trois fleurons : Messenger, Instagram et WhatsApp. Bien entendu, ce rapprochement ne vise pas à fondre les trois applications en une seule : Facebook s’oriente vers une centralisation de la vie numérique de ses utilisateurs, certes, mais moins appuyée que dans le cas de WeChat. Les plateformes resteront en effet distinctes les unes des autres dans leur utilisation, en revanche le rapprochement se jouera sur leurs infrastructures respectives qui seront unifiées, ce qui implique de revoir entièrement tout un pan de leurs fonctionnements différents.

L’intérêt d’une telle entreprise réside dans l’agrégation de 2,7 milliards d’individus, qui pourront interagir entre eux d’une application à l’autre, grâce à la mise en place de passerelles pour faciliter la navigation sur l’ensemble des services du groupe. C’est pour le géant des réseaux sociaux un moyen de capter leur engagement dans un écosystème davantage verrouillé, à l’abri de ses concurrents. De cette manière, le groupe pourrait du même coup renforcer le contrôle sur ses filiales, tout en consolidant son emprise sur l’essentiel de la vie sociale digitale de ses utilisateurs. On pourrait y voir une volonté de s’enraciner un peu plus dans leur vie quotidienne à l’instar du Chinois WeChat. Favoriser les interactions privées, c’est-à-dire le trafic sur ses applications, est un terrain d’opportunité crucial pour augmenter ses revenus, notamment avec la publicité. Mais de surcroît, c’est un tremplin pour se diversifier avec le renforcement de services complémentaires et donc de nouveaux revenus (avec une nouvelle forme de e-commerce ou de transaction par exemple).

Les ambitions de Facebook vont-elles donc réellement se concrétiser ? Pas si sûr ! Les relations de Facebook avec ses deux plus grosses filiales s’étaient avérées assez houleuses ces dernières années. WhatsApp et Instagram y voient le danger d’une perte de leur autonomie qui leur était promise lors de leur acquisition, à tel point que leurs fondateurs respectifs ont claqué la porte en 2018. Mais les résistances proviennent également et plus récemment des pouvoirs publics. Le projet ne semble pas être du goût la FTC (Federal Trade Commission), un organe faisant autorité sur la régulation de la concurrence américaine. Celle-ci a émit de sérieuses réserves ces derniers mois quant à ce projet qu’elle perçoit comme anticoncurrentiel.

LA PROMESSE DU CRYPTAGE FACE À LA RÉALITÉ

La deuxième promesse du PDG de Facebook, le cryptage end-to-end, manifeste plutôt sa volonté de tourner la page du scandale des data leaks et assurer le respect de la vie privée dans l’infrastructure de ses services. Le but du cryptage end-to-end, qui consiste à rendre accessible les conversations privées uniquement aux interlocuteurs, serait de garantir un espace sécurisé par défaut et non de manière optionnelle (comme c’est le cas aujourd’hui). C’est bien le principe de privacy by design déjà présent dans l’architecture de WhatsApp qui serait appliqué à Facebook Messenger. Si l’accès aux échanges se réduit aux personnes impliquées dans une conversation, cela signifierait donc que Facebook lui-même n’aurait pas de droit de regard sur ces données, contrairement aux publications publiques. Se pose alors la question de son modèle économique, qui s’est jusqu’ici largement basé sur la collecte et la monétisation de données, et qui s’en trouverait inévitablement bouleversé. Pour l’instant, la firme ne semble pas avoir apporté plus de précisions à ce sujet…

Par ailleurs, le cryptage des échanges privés se heurte encore une fois aux pouvoirs publics (notamment américains) sur le plan de la sécurité, cette fois. De manière assez logique, rendre les conversations totalement hermétiques à toute tentative extérieure expose notre société à un certain nombre de menaces. La désinformation, tout d’abord, qui a marqué l’actualité politique de ces dernières années ne pourrait vraisemblablement plus être modérée et efficacement combattue, puisqu’elle passerait sous les radars. Mais d’autres menaces au moins aussi dangereuses sont à redouter : les contenus haineux ou violents, la propagande terroriste, la pédophilie et plus généralement les activités illicites. Ce sont tous ces comportements qui seraient encouragés à proliférer sur la plateforme, puisque bien moins exposés que sur un fil d’actualité public. Mais pour Facebook, l’enjeu de sécurité concerne aussi les citoyens face à des États, qui pourraient se montrer trop intrusifs, menaçant la liberté d’expression, sous prétexte de lutter contre la criminalité.

Enfin, cette éthique de privacy semble également peu cohérente avec les fortes inquiétudes de la part d’une de ses filiales quant à l’anonymat de ses utilisateurs. En effet, si le cryptage de Messenger permet plus de sécurité sur l’application elle-même, la relier avec WhatsApp fragiliserait lourdement les garanties de cette dernière en la matière. Ses utilisateurs, pour créer un compte, n’ont qu’à fournir un numéro, rien de plus, ni leur adresse, ni même leur nom. À l’inverse, Facebook regroupe de nombreuses informations sur l’identité des personnes y possédant un compte. Si des liens sont établis entre les comptes personnels des utilisateurs sur les deux applications, la garantie d’anonymat sur WhatsApp risque bien d’en être impactée. 

Il apparaît donc clair que passer d’un modèle d’interactions publiques à un environnement privé, ça ne va pas de soi. C’est tout une identité, une infrastructure, un cadré légal et une relation groupe-filiales qui est à revoir. Le parcours de la firme vers cet horizon présente encore de nombreux obstacles venant des pouvoirs publics américains, de son écosystème et plus profondément d’une vraie rupture stratégique, qui viennent apporter beaucoup d’incertitude quant au succès de la démarche.

Hugo Salameh

Références

Wall Street Journal : https://www.wsj.com/articles/ftc-weighs-seeking-injunction-against-facebook-over-how-its-apps-interact-11576178055

New York Times : https://www.nytimes.com/2019/01/25/technology/facebook-instagram-whatsapp-messenger.html

Washington Post : https://www.washingtonpost.com/technology/2019/03/06/facebooks-mark-zuckerberg-says-hell-reorient-company-towards-encryption-privacy/

Forbes : https://www.forbes.com/sites/zakdoffman/2019/10/06/is-facebooks-new-encryption-fight-hiding-a-ruthless-secret-agenda/#268770c75699

Les Échos : https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/facebook-envisage-un-messenger-100-crypte-1145953

La Réclame : https://lareclame.fr/tendances-digitales-2020-224558

La Réclame : https://lareclame.fr/wearesocial-globalwebindex-darksocial-216777

Slate : https://korii.slate.fr/tech/place-publique-salon-prive-recentrage-zuckerberg-revolution-facebook

Les millenials, cible définitivement perdue par les médias télévisuels français?

Alors que les 15-34 ans désertent de plus en plus la télévision, la consommant désormais moins de 2 heures par jour en 2018 (vs. 2h26 en 2017), les médias français ont été obligés de revoir leur stratégie marketing pour s’adapter aux nouveaux modes de consommation des millenials. En ligne de mire: le réseau social chinois Tik Tok. Présent dans 155 pays, avec 625 millions d’utilisateurs mensuels actifs dont 41% de moins de 25 ans, il revendique également 4 millions d’utilisateurs en France qui ont uploadés pas moins de 270 millions de vidéos sur l’année 2018-2019. 

Des débuts difficiles sur le réseau pour les médias traditionnels 

Différent de Snapchat ou Instagram qui sont aussi prisés par les jeunes, le but de Tik Tok est de publier de courtes vidéos (comme Vine l’a fait quelques années auparavant), de playbacks de chansons ou d’extraits de films, avec un montage dynamique. Il est possible de rajouter des effets et des filtres. Le succès de cette application a d’abord commencé en Asie où elle est née, grâce aux reprises des chorégraphies de K-pop. 

Au vu du succès de cette application qui a racheté son concurrent Musical.y en 2017, les grands groupes français ont tenté d’investir Tik Tok pour créer du contenu sur la plateforme. L’enjeu pour ces médias est de reprendre les codes de l’ADN de Tik Tok: un contenu énergique, propice au partage et au buzz sur fond musical. Les chaînes anglo-saxonnes ont été les premières à  utiliser l’application pour faire la promotion de leurs programmes via des challenges. A ce titre, NBC a lancé un challenge de danse pour promouvoir son programme Wolrd of Dance, et a cumulé 110 millions de vues en 24H. En revanche en France, si les médias digitaux comme Konbini ont compris l’éditorialisation des vidéos, les débuts des médias télévisuels français sont timides.

Seul le groupe NRJ en France a repris cette idée en adaptant ses campagnes marketing. Il a par exemple proposé aux utilisateurs de reproduire une chorégraphie du groupe Aome en tagguant NRJ afin de gagner un voyage. A contrario, des chaînes comme TF1 ou M6 ne font pas de contenu original et teasent leurs programmes (The Voice, Koh-lanta, Qui veut être mon associé…) via des vidéos que l’on retrouve sur les autres réseaux. Néanmoins en postant régulièrement, ces médias ont vu leur communauté grimper en un peu plus de 6 mois: +98% our TF1, +98% pour NRJ et + 2052% pour TFX grâce à ses programmes de télé-réalité, regardés majoritairement par les 15-25 ans. 

Des formats publicitaires spéciaux pour faire grandir son audience

Au delà de la création de contenu encore marginale pour les médias français, Tik Tok propose des formats publicitaires qui pourraient attirer ces derniers afin d’agrandir leur communauté et la portée de leurs publications. On trouve le « hashtag challenge », utilisé par NRJ qui est promu pendant 6 jours et permet de créer un effet boule de neige et atteindre des influenceurs avec de nombreux followers, mais également d’autres formats:

Le « in feed », qui va au sein du fil utilisateur, va l’inciter à télécharger une application (par exemple My TF1) ou bien diriger celui-ci vers un profil.  Cela serait alors un « fanbase booster » pour les chaînes, dont la notoriété pourrait être accrue plus facilement. De même, le « splash page », est une vidéo qui peut être lancée au moment de l’ouverture de l’application. Investir dans cers formats pourrait être bénéfique, puisque Tik Tok a annoncé vouloir massifier les campagnes et monétiser les audiences des influenceurs. A noter qu’au dernier trimestre de 2019, le réseau a enregistré 50 millions de dollars de revenus (soit +310% entre 2018 et 2019). 

Arrivée de la plateforme Quibi: opportunité ou menace? 

Un nouvel acteur pourrait donner du fil à retordre aux groupes français : Quibi. Cette plateforme de streaming dédiée au millenials va proposer des contenus originaux de flux et de fictions courts (10 minutes), uniquement sur mobile à partir d’avril 2020 pour un abonnement fixé à 5$ avec publicité. Si elle sera d’abord lancée outre-Atlantique, l’application devrait arriver en France quelques mois après. Avec 1 milliard de dollars levés, les créateurs ont déjà pu compter  entre autres sur Steven Spielberg pour écrire une nouvelle série d’horreur. Aux USA, Quibi a séduit les networks américains comme NBC qui produira du contenu d’information pour la plateforme. En France, l’arrivée de Quibi est à double tranchant: si le succès est au rendez vous, la plateforme pourra contribuer à l’abandon de la télévision linéaire par les jeunes. En revanche, elle peut être une opportunité pour les médias télévisuels d’investir sur un nouveau support en créant un contenu original adapté à l’audience de Quibi. Néanmoins, les groupes TF1, France TV et M6 vont se heurter aux investissements qu’ils ont fait pour Salto… 

En conclusion, les médias télévisuels français semblent ne pas saisir les opportunités qui s’offrent à eux pour capter l’audience des moins de 25 ans. Alors que Tik Tok pourrait être un support de promotion de leurs programmes grâce aux millions d’utilisateurs, la plupart des groupes se contentent de reprendre des vidéos éditées sur leurs autres réseaux sociaux comme Snapchat ou Instagram, ce qui limite l’originalité et le potentiel de partage. L’arrivée de nouveaux acteurs comme Quibi montrent que les investisseurs sont prêts à miser gros pour toucher la cible jeune, mais les médias télévisuels semblent dépassés par les effets de tendances et les nouveaux usages des millenials. 

Emma Dauvin

Brand Safety : Comment garantir un environnement approprié et adapté aux marques ?

Alors que les polémiques atteignant les images des marques sur internet sont de plus en plus nombreuses, la problématique du Brand Safety prend de l’ampleur.

Le brand safety : un enjeu majeur à l’heure du bad buzz sur internet

On le sait, l’image de marque est aujourd’hui au cœur des préoccupations des entreprises. Présenter une image positive, en accord avec des valeurs prédéfinies, est ainsi devenue une condition sine qua non pour espérer voir sa marque prospérer, dans un contexte où l’opinion publique ne pardonne et n’oublie rien (peuvent par exemple en témoigner les dirigeants du Slip Français, récemment entachés par une violente polémique autour du blackface réalisé par certains de leurs employés).  

Evidemment, l’écosystème digital ne fait pas exception à ce besoin qu’ont les marques de protéger au mieux leur image, et les éditeurs se doivent donc de garantir un environnement adapté et approprié aux valeurs des annonceurs avec qui ils traitent. Néanmoins, à l’heure où l’achat et la programmation d’espaces publicitaires sont automatisés à 100%, les ratés existent et sont même plus nombreux qu’il n’y paraît : Il y a quelques semaines, plusieurs marques ont par exemple été épinglées pour avoir diffusé des publicités sur des vidéos Youtube prônant la désinformation climatique.[1] Si les marques concernées (L’oréal, Samsung ou encore Danone, pour n’en citer que quelques-unes) se sont excusées et la polémique n’a pas éclatée, ce n’est pas la première fois que la plateforme Youtube est pointée du doigt pour mauvaise gestion de ses espaces publicitaires.

Le brand safety – en français sécurité de marque – devient alors un enjeu majeur pour les acteurs du web : ce concept émet l’idée qu’il est aujourd’hui primordial pour un éditeur de s’assurer que la marque d’un annonceur n’apparaît pas dans des environnements qui pourraient présenter un risque pour son image.[2]

Une récente étude réalisée par l’IAB Europe montre ainsi que 77% des décideurs marketing voient le brand safety comme une priorité en 2020, quand seulement 1/3 du panel affirme que le marché a bien œuvré à la sécurité des marques sur la Toile (30,68% d’accord – 5,68% absolument d’accord).[3]

Dans ce contexte, comment les marques peuvent-elles s’assurer que leurs publicités digitales soient diffusées dans un environnement adapté à l’image qu’elles souhaitent transmettre ?

Dans les faits, plusieurs solutions existent, qu’elles soient propres à chaque éditeur ou mises en place à plus grande échelle.

Mise en place d’un label de « Digital Ad Trust » pour sécuriser les marques

Les annonceurs cherchent dans un premier temps à s’assurer du sérieux de leurs partenaires publicitaires. Certains éléments concrets délivrés par des organismes agréés peuvent les aider à identifier les éditeurs les plus responsables: c’est notamment le cas du label « digital ad trust ».

Lancé par le SRI, l’UDECAM, le GESTE, l’Union des Marques, l’ARPP et l’IAB France, le label « digital ad trust » est « destiné à évaluer et valoriser la qualité des sites qui s’engagent dans des pratiques publicitaires responsables, à travers 5 objectifs-clés :

• Garantir la brand safety : assurer aux marques la sécurité des environnements dans lesquels elles apparaissent,

• Optimiser la visibilité de la publicité en ligne

• Lutter contre la fraude

• Améliorer l’expérience utilisateur (UX), et maîtriser le nombre d’objets publicitaires par page

• Mieux informer les internautes en matière de protection des données personnelles »

Ce label, d’initiative française, est à l’heure où cet article est écrit attribué à 137 sites et/ou pureplayers français (20 minutes, MyTF1, Le Figaro, FNAC, Konbini, ou encore MYCanal, entre autres).  

Des outils digitaux à disposition des marques

L’émergence des problématiques de brand safety a également entraîné dans son sillage la création de nombreuses start-up spécialisées dans le contrôle de la qualité média.

Adledge, société fondée en 2008, présente une expertise dans la bonne gestion des campagnes annonceurs. Concrètement, Adlege analyse différents points de la page web sur laquelle la publicité est diffusée, pour déterminer le contexte de délivrance du message. L’annonceur peut également suivre sa campagne de manière objective, Adledge proposant des outils de mesure des KPIs pertinents.

Adloox, SA française, qui réalise du pré-bid à la conversion. Leur outil automatisé permet l’analyse de chaque emplacement publicitaire pour rassurer l’annonceur quant à la bonne délivrance de son message. L’algorithme analyse également tous les éléments de la page afin de déterminer son contenu, et ainsi de garantir le brand safety de la marque.

IAS (Integral Ad Science), entreprise américaine spécialisée dans la protection des différents acteurs intervenant dans l’écosystème de la programmatique. Pour garantir le brand safety des annonceurs, IAS propose -entre autres- une solution d’analyse sémantique très complète (analyse de l’URL, du texte, des mots-clés, et des liens entrants et sortants) des sites accueillants les publicités.

On le voit, les entreprises accompagnant les annonceurs dans leurs campagnes digitales sont légions, et s’associer à certaines d’entre elles semble être une solution efficace pour contrôler son image digitale.

Des solutions inhérentes à chaque plateforme

Qu’en est-il du côté des « géants du web » ? Ceux-ci ont très tôt compris l’importance de préserver l’image de marque de leurs annonceurs.

Le groupe Facebook, par exemple, explique sur une page dédiée prendre la problématique de brand safety très au serieux : près de 35 000 personnes sont ainsi employées par l’entreprise à la protection et à la sécurité, et se chargent de modérer les contenus publiés sur les diverses entités du groupe (Facebook, Instagram & Whatsapp). Par ailleurs, le groupe affirme « collaborer avec des partenaires du secteur pour partager des connaissances, établir des consensus et faire en sorte que toutes les plates-formes en ligne soient plus sûres pour les entreprises ». Depuis peu, le géant permet également aux annonceurs de faire appel à des entreprises tierces pour gérer le brand safety des campagnes diffusées sur la plateforme.[4]

Du côté de Snapchat, la modération des contenus est un sujet central, et sa réalisation est majoritairement effectuée de manière automatisée, via des algorithmes. L’entreprise est par ailleurs très attentive à l’environnement dans lequel les publicités de ses annonceurs apparaissent : les stories supportant des publicités sont ainsi vérifiées et modérées par une équipe dédiée. [5] De plus, le groupe s’est récemment associé à IAS (voir plus haut). Ce partenariat a pour ambition « d’offrir aux annonceurs une plus grande transparence et une meilleure mesure des photos et vidéos en mobile in-app sur Snapchat ». [6]    L’outil IAS fournira ainsi aux marques certains KPIs relatifs au brand safety, tels que le pourcentage de vues frauduleuses, le nombre et la part d’impressions visibles, ou encore le pourcentage de publicités vidéos vues dans leur intégralité.[7]  

Plus récemment, c’est l’application TikTok qui a pris certaines mesures pour conserver le brand safety de ses annonceurs : selon des informations du Financial Times Reports, le groupe travaille ainsi sur la mise en place d’un flux de contenus spécialement sélectionnés pour leur originalité et/ou popularité, et autour desquels les publicités annonceurs seraient diffusées. Ce feed serait contrôlé par des modérateurs dédiés, ce qui permettrait de garantir la pertinence des contenus.


On le voit, les éditeurs ont bien conscience de l’importance de proposer un environnement sain et adapté à leurs annonceurs. Le web étant une nébuleuse de contenus impossible à contrôler, il était nécessaire de voir émerger des solutions pour préserver les marques et leurs images. C’est aujourd’hui chose faite, pour le plus grand plaisir des annonceurs qui se montrent de plus en plus exigeants dans le choix de leurs partenaires publicitaires.

Daniéla UZAN


[1] https://www.theguardian.com/technology/2020/jan/16/youtube-ads-of-100-top-brands-fund-climate-misinformation-study

[2] https://www.definitions-marketing.com/definition/brand-safety/

[3] https://www.cbnews.fr/etudes/image-brand-safety-sera-prioritaire-2020-iab-europe-48866

[4] http://ad-exchange.fr/brand-safety-facebook-certifie-deux-acteurs-de-mesure-tiers-44344/

[5] https://support.snapchat.com/en-US/a/brand-safety

[6] https://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1197097-brand-safety-les-solutions-passees-au-crible/

[7] https://www.offremedia.com/integral-ad-science-retenu-par-snapchat-pour-la-mesure-de-la-qualite-media

Mesurer l’audience à la radio

Un jeu d’équilibriste entre exactitude et exhaustivité

Les résultats d’écoute de la radio ont été publié le 14 janvier 2019 et ils étonnent ! France Inter réalise à nouveau un record d’audience et le groupe Radio France progresse dans l’ensemble alors que la grève sévit dans la Maison Ronde et que de nombreux programmes sont annulés. C’est l’occasion pour la concurrence et divers commentateurs de remettre en cause la « 126 000 Radio » de Médiamétrie, mesure publiée quatre fois par an et qui fait référence sur le marché. Ainsi François Pesenti, ancien directeur général de RMC Sport invite l’institut à moderniser sa mesure créée en 1986. Didier Maïsto, président de Sud Radio en dénonçait en mai dernier les méthodes : « Cette mesure est contestable et contestée. Même sa méthodologie est opaque. À notre demande et en appliquant les mêmes règles, IFOP n’est pas arrivé au même résultat, nous créditant de 3,5 fois plus d’auditeurs ». Réclamant 23 millions de dommages et intérêts, le média voit pourtant sa requête refusée devant la Cour d’Appel de Paris le 8 janvier.

Twitter – 14/01/2020 – Compte de François Pesenti – https://twitter.com/FrancoisPesenti

Pour les autres, la sortie de la « 126 000 » est l’occasion de communiquer en masse sur les chiffres qui leurs sont les plus favorables. Il faut dire que l’enjeu est de taille et que les résultats sont scrutés par les annonceurs afin d’optimiser l’efficacité des publicités qui constituent le revenu principal des radios (à l’exception de Radio France). Il n’est alors pas rare de découvrir deux « 1ere radio de France » : RTL et France Inter qui communiquent selon deux indicateurs différents, la part d’audience pour l’une, l’audience cumulée pour l’autre.

Article France Culture – 24/01/2020 – Crédits : RTL, France Inter https://www.franceculture.fr/medias/audiences-radio-pourquoi-les-stations-se-proclament-toutes-premiere-radio-de-france

Ces batailles trompeuses ne viennent pas éclaircir le débat. Comment Médiamétrie mesure-t-elle l’audience radio ? Tient-elle compte de l’évolution des pratiques liées au numérique ? Quelques explications donc sur la méthode de cette mesure maîtresse et pourtant fustigée après une visite du centre d’appel de l’institut à Amiens.


LA « 126 000 RADIO » QU’EST-CE QUE C’EST ?

Aujourd’hui la « 126 000 Radio » c’est 400 interviews réalisées chaque jour par plus de 90 enquêteurs sur un panel représentatif de la population française de plus de 13 ans afin de détailler la consommation radiophonique quotidienne des Français. C’est aussi une quinzaine de minutes passées au téléphone à essayer de se souvenir des programmes, par quart d’heure, écoutés dans la journée. L’enquête est massive et rodée mais elle aussi déclarative, fastidieuse et nécessairement imparfaite. Il est aujourd’hui de plus en plus difficile de joindre les gens sur leur téléphone fixe ; Médiamétrie appelle maintenant des numéros portables mais garder un panel suffisant et représentatif est un défi quotidien pour l’institut. Pour les cibles plus précises (tranche d’âge, région, ville) et les plus petites antennes, les mesures fluctuent beaucoup d’une vague à une autre car la population test peut être insuffisante. Médiamétrie alerte ses clients et souligne l’importance des intervalles de confiance ou de la significativité des écarts. Les différentes radios sont donc invitées à être prudentes sur l’interprétation des chiffres et les usages qui en sont fait.  

L’ampleur et la régularité de la référence « 126 000 » en fait cependant une mesure robuste. Malgré les critiques aucun autre acteur ne vient réellement concurrencer l’institut dont « le capital est détenu par trois groupes distincts : les télévisions, les radios et les centrales d’achat des annonceurs ». Ceci ne plait pas à tous et certains dénoncent un petit monde clos de médias et annonceurs qui approuvent la mesure tant qu’elle leur est favorable.  

VERS UNE MESURE PLUS EXHAUSTIVE ?

Depuis quelques années, la mesure de l’audience radio tend à évoluer. Des tests réalisés en 2013, 2016 et 2018 ont annoncé progressivement l’arrivée d’une nouvelle mesure : l’audimétrie individuelle portée (AIP).  Déjà utilisée pour la mesure de l’audience à la télévision, la technique consiste à intégrer une marque inaudible et identifiante dans le signal audio d’une station. Un capteur, porté par l’auditeur, est alors capable de reconnaître la station ainsi que la date et l’heure de diffusion du programme. L’AIP devait être déployée en France à la rentrée 2019 mais rien ne s’est finalement passé. De nombreuses difficultés et interrogations viennent remettre en cause l’efficacité de cette nouvelle méthode qui fait débat.

« Cette technologie pourrait révolutionner la mesure d’audience de la radio, en passant à un mode de calcul de l’audience passif, automatique, à la minute près, sans marge d’erreur » affirme Agathe Beaujon, journaliste chez Challenge dans un article de novembre 2019. D’autres interrogent l’intérêt de mesurer les écoutes passives, celles qui se font dans les supermarchés ou dans un taxi alors que la personne n’est pas attentive au fond sonore. Ils revendiquent une mesure de l’écoute qualitative qui valoriserait davantage le travail des rédactions. Par ailleurs, l’AIP risquerait de dévoiler une audience plus fractionnée, avec des durées d’écoutes plus faibles qui pourraient casser les prix des spots publicitaires (fixés sur l’audience au quart d’heure moyen) ; les médias curieux de ce nouvel outil redoutent cependant un retournement de situation qui leur serait défavorable.  

Plus concrètement les obstacles techniques et financiers sont aussi multiples. L’écoute de la radio au casque ne serait pas perçue par l’audimètre et bien qu’un adaptateur soit envisagé il ne conviendrait pas à l’usage du Bluetooth (de plus en plus répandu). Par ailleurs l’ergonomie du boîtier de mesure reste perfectible. Puisque la radio s’écoute tout le temps et partout, l’auditeur devrait transporter avec lui le boîtier dans les différentes pièces de son domicile et lors de ses déplacements. Accroché à la ceinture, autour du cou ou en bracelet : différentes solutions sont envisagées mais toutes sont relativement contraignantes, demandant une implication considérable du panéliste. La mesure de l’audience des matinales, qui se superposent souvent au temps de préparation (réveil, douche, aller et venus entre plusieurs pièces, etc.), serait difficile et risquerait d’être sous-évaluée. Enfin, cette solution technique s’appliquerait à un panel plus réduit que l’enquête de la « 126 000 Radio » et pourrait être problématique pour la mesure de petites audiences de radios indépendantes. Ces dernières rencontreraient une seconde difficulté d’ordre financier : le financement des émetteurs à 4000 euros (conséquent pour un groupe comme Les Indés Radios qui réunit 130 radios thématiques indépendantes, locales ou régionales). Le nouveau service de Médiamétrie serait par ailleurs facturé 15% plus cher que ne l’est la « 126 000 ».

ET LE NUMÉRIQUE DANS TOUT CA ?

Evidemment avec le numérique les habitudes de consommation de la radio ont évolué et le streaming (écoute en live du flux principal d’une radio ou de webradios) ainsi que les podcasts prennent une ampleur considérable. Selon Médiamétrie plus de 25 millions d‘internautes consultent un site ou une application de radio et musique sur ordinateur, smartphone ou tablette. « Cette nouvelle donne questionne les modèles préexistants, aussi bien en termes de mesure de l’audience que de marché publicitaire. Ces enjeux s’appliquent autant aux acteurs historiques de la radio, à savoir les stations présentes sur la bande FM, qu’aux nouveaux venus, qui ont fait le choix du tout numérique et même parfois de la délinéarisation ».

La mesure Internet semble a priori plus simple et évidente. Des outils techniques, des tags placés sur chaque contenu, émission ou webradio permettent de mesurer le trafic des visiteurs des sites et applications et des auditeurs dans leur globalité. Peu coûteuses et automatisées, ces mesures présentent pourtant bien des limites. Les chiffres sont rapidement gonflés par des écoutes fractionnées (arrêt/reprise de l’application, du player ou autre) ou téléchargements intempestifs (automatiques à la sortie d’une émission récurrente sur une plateforme de podcasts par exemple) ou des bots. Il est difficile de mesurer le nombre de visiteurs uniques et l’écoute réelle des auditeurs. De plus, les méthodes de mesures diffèrent d’une station à une autre. Des systèmes de certification comme celui de l’ACPM (Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias) permettent d’attester les chiffres et de les comparer aux autres. Cependant, toutes les radios ne souscrivent pas à cette certification (RTL par exemple) et on ne peut pas parler de « mesure marché » qui considèrerait l’ensemble des acteurs. Ces certifications sont par ailleurs critiquées pour la légèreté de leurs critères.

Les mesures de ce type permettent d’envisager des volumes (qui plus est considérables) mais elles ne permettent pas de connaître vraiment son audience. Sur les sites de radio, rares sont ceux qui imposent un login comme le font les chaînes de télévision sur 6Play ou MyTF1 par exemple. Cette méthode est très efficace pour collecter de l’information sur les consommateurs et ainsi affiner son offre et surtout cibler la publicité proposée. Pour aller plus loin et proposer une mesure d’audience numérique précise, Médiamétrie a lancé en 2017 la mesure Internet Global. Cette mesure complète la « 126 000 » et fonctionne sur un panel de plus de 30 000 personnes, elle détaille les usages numériques de la radio sur portable, ordinateur ou tablette. C’est une mesure cross-device qui permet de connaître les visiteurs uniques ainsi que diverses informations socio-démographiques sur l’auditoire du digital.  


Finalement, aucune de toutes les solutions évoquées ne semble parfaite. Si le numérique est de plus en plus important et pris en compte, les solutions techniques associées ont bien des limites. Les mesures par panels permettent, elles, de mieux connaître les auditeurs toutes en reposant sur des conventions et des choix qui pourraient être remis en cause. Pourtant, ces mesures sont indispensables au marché dont elles donnent le pouls et ainsi Médiamétrie et les autres instituts d’études orientent chaque jour les stratégies éditoriales et marketing des chaînes.

Estelle Patat


Le renouveau de la publicité audiovisuelle

Le constat est simple : l’audiovisuel se porte mal et les chaînes nécessitent de nouvelles ressources. Les opérateurs historiques sont confrontés à la violence d’une concurrence frontale avec les nouveaux entrants (GAFAN – Google, Amazon, Facebook, Appel, Netflix – et grandes plateformes de SVOD internationale) qui va s’accélérer avec le lancement en 2020 d’offres SVOD d’acteurs américains intégrés verticalement dans la production, tels que Disney, Warner et NBC Universal. Cette concurrence se voit aggravée par le poids d’une régulation complexe et obsolète datant des années 90. Leur modèle économique basé sur la publicité, ressource financière principale du secteur, nécessite une restructuration profonde pour permettre la pérennité des acteurs.

Fragmentation des audiences et marché publicitaire stagnant

Depuis plus de 15 ans, les recettes publicitaires de l’ensemble des chaines françaises sont stables. Les chiffres précisent une faible évolution du chiffre d’affaires passant de 3,2 milliards d’euros en 2005 à 3,3 milliards en 2018. Le problème réside dans la multiplication des acteurs. Pour rappel, les six chaînes historiques ont été confrontées à la concurrence dès 2005 avec le passage à la TNT (télévision numérique terrestre) puis en 2012 avec le HD (haute définition) permettant de comptabiliser aujourd’hui vingt-sept chaînes diffusées sur le réseau hertzien. La prochaine étape consiste en l’UHD (ultra haute définition) qui impliquera, assurément, de nouvelles répercussions. 

Le digital comme facteur principal de la croissance publicitaire plurimédias

Malgré le constat précédent, on observe une croissance globale du marché publicitaire plurimédias et ce en faveur du digital. D’après la 21ème édition de l’Observatoire de l’e-pub du SRI (Syndicat des régies internet), le marché français de la publicité digitale atteint plus de 4,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires net sur l’ensemble de l’année 2018, soit une progression de plus de 17% par rapport à 2017. Les projections sont à la hausse pour 2019, pour atteindre près de 6,6 milliards d’euros en 2021, alors que le marché publicitaire audiovisuel n’a pas, a priori, vocation à augmenter. 

Mobilisation gouvernementale pour la modernisation de l’écosystème 

Lors de la présentation des objectifs du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique en septembre 2019, le Ministre de la culture a indiqué son souhait de « renforcer le dynamisme économique du secteur, en favorisant l’émergence de champions nationaux ». Cet objectif passe, entre autres, par l’assouplissement des règles publicitaires, afin de permettre aux chaînes de télévision de jouer à armes égales dans la concurrence avec les acteurs du numérique. Dans ce sens, la DGMIC (Direction générale des médias et des industries culturelles) a lancé une consultation publique sur l’assouplissement des règles relatives à la publicité télévisée à laquelle les chaînes ont été amenées à répondre en décembre 2019.

Soutien des autorités pour la réforme de la publicité audiovisuelle

Dans son avis du 8 novembre 2019, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) juge impératif d’assurer un haut niveau de financement du secteur audiovisuel français afin d’en assurer la compétitivité et le renouvellement de la création. Il accueille donc favorablement : « Les mesures visant à élargir les ressources financières des éditeurs de service, qu’elles relèvent du pouvoir réglementaire, comme c’est le cas par exemple pour la publicité ciblée, ou de la loi, à l’instar des dispositions du projet de loi relatives à la troisième interruption publicitaire d’une œuvre ou au placement de produits». L’Autorité de la concurrence s’est également prononcée en ce sens dans l’avis du 21 février 2019 : « La réglementation actuelle ne paraît plus adaptée aux conditions du marché, notamment en ce qu’elle empêche les chaînes de télévision de concurrencer efficacement les plateformes de type GAFA, sur plusieurs catégories de publicité ». Dans ce cadre, diverses solutions ont été proposées.

Levée de l’interdiction de la publicité cinéma

L’ouverture de la publicité cinéma est accompagnée d’un double quota à respecter pour les régies de télévision, à hauteur de 50% pour les films européens et de 50% pour ceux d’art et essai. L’objectif pour les chaînes est qu’elles acceptent de promouvoir les films américains de manière encadrée sans que les œuvres européennes ne soit écartées. Sur cette question, le PDG du Groupe M6, Nicolas de Tavernost, s’était prononcé lors de la dernière édition de Médias en Seine : « En l’état actuel des choses, la publicité pour le cinéma va rapporter quasiment zéro et avec des aménagements quelques millions d’euros ». Le décret finalisé précisera les modalités.

Mise en place de la publicité « ciblée »

L’autorisation de la publicité « ciblée » en télévision constitue une avancée significative en termes de rééquilibrage de la concurrence entre média de télévision et l’Internet. Comme l’indiquait l’Autorité de la concurrence dans l’avis précédemment cité : « En ce qui concerne la publicité ciblée, seuls en bénéficient en effet actuellement les acteurs de l’Internet, et avant tout Google et Facebook, qui captent l’essentiel de la croissance très rapide de cette forme de publicité dont l’efficacité est de plus en plus recherchée par les annonceurs ». Aujourd’hui, la question fondamentale réside dans le partage des données personnelles des téléspectateurs, sujet sur lequel le CSA et la CNIL (Commission nationale informatique et liberté) auraient intérêt à collaborer.

Concernant les autres modifications du décret et de la loi

Les autres mesures présentées dans le projet de décret, à savoir la diffusion de spots de téléachat et la suppression des 20 minutes séparant deux coupures successives dans les émissions de flux, contribuent à réduire l’écart de la réglementation française avec les dispositions en matière de publicité de la directive SMA (Service de médias audiovisuels), modifiée en 2018. Elles devraient apporter plus de flexibilité dans la commercialisation de la publicité, notamment plus de souplesse de programmation, et permettront de mieux exposer les annonceurs tout en assurant un plus grand confort aux téléspectateurs.

Impact des recettes générées par les assouplissements 

Les recettes générées par les assouplissements sur les règles s’imposant à la publicité audiovisuelle se feront mécaniquement au bénéfice de la filière de la création, dont le financement pèse avant tout sur la contribution des chaînes. En 2018, elles ont investi 1,2 milliards d’euros au titre de leurs obligations de production d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques, auxquels doivent s’ajouter environ 750 millions d’euros qu’elles versent au CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) et aux sociétés d’auteurs. Dès lors, l’enjeu de la réforme des règles en matière de publicité audiovisuelle est fondamental.

Romane Vassal

20 ans de jeux sur mobile…Et maintenant?

120 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2018 soit 13 % de hausse par rapport à 2017 selon bpiFrance, tels sont les résultats de l’industrie mondiale du jeu vidéo[1]. Cependant, ce n’est pas le jeu vidéo dit « traditionnel » reposant sur le marché des consoles et des ordinateurs qui tire le plus cette croissance, mais bien celui qui a longtemps été considéré comme l’exclu de la famille des « gamers » : le jeu mobile. Toujours selon les chiffres de bpiFrance, ce dernier représente 51 % des ventes mondiales en matière de jeu vidéo. Comment en est-on arrivé là ? 

Le téléphone portable et les jeux vidéo, une relation compliquée


Depuis 50 ans, le monde du jeu vidéo n’a de cesse de se renouveler. De la Magnavox Odyssey en 1972 à la PS5 et la Xbox Series X à venir cette année en passant par Stadia, le service de Cloud Gaming proposé depuis peu par Google, l’industrie a totalement mutée et continue de se transformer. Dans ce paysage si innovant porté par les consoles et les ordinateurs, le téléphone portable a su, petit à petit s’imposer comme support de jeu légitime. 

Dès 1997, le jeu Snake est intégré aux Nokia 6110 et connaît un succès immédiat ce qui pousse la firme à proposer en 2003 la N-Gage[2], sorte d’hybride entre un téléphone portable et une console de jeu vidéo. Si cette tentative s’avère être un échec commercial retentissant, elle symbolise la construction compliquée du rapport entre jeu vidéo et téléphones portables. En effet, le jeu mobile s’est particulièrement développé après l’apparition des smartphones dans le sillon que l’iPhone a creusé dès 2007 sans pour autant convaincre la communauté des « gamers » qu’il était une vraie forme de jeu vidéo. En 2009, l’autorisation des achats in app par Apple a favorisé l’émergence des jeux free-to-play dits « casual » pour les joueurs occasionnels. Candy Crush ou Clash of Clans sont deux exemples de ce type de proposition qui repose sur des sessions courtes, fortement addictives ou l’achat in app permet de prolonger l’expérience. Cette forme de jeu vidéo qui a très vite trouvé son public a d’abord été rejetée par la communauté des joueurs classiques. Qualité d’image, Gameplay et temps de jeu limités en était en grande partie la cause.

Une industrie en mutation portée par des investissements et des innovations

Pour autant, comme mentionné, le jeu mobile s’est facilement implanté chez un public qui ne s’essayait pas, ou peu aux jeux plus traditionnels. Alors qu’une distinction pouvait se faire entre les « gamers » et les joueurs « casuals » préférant entre autres les jeux mobiles, ces derniers ont commencé à se diversifier et à proposer de nouvelles expériences pour toucher tous les joueurs. 

Premièrement, des jeux se rapprochant des jeux indépendants sur console et PC ont vu le jour sur les stores des différents OS. On peut par exemple noter l’apparition de Her Story en 2014, un jeu produit par Sam Barlow, créateur venant de l’industrie traditionnelle, qui proposait une toute nouvelle expérience de Gameplay très loin des jeux mobiles « casual » basés sur des sessions courtes et addictives[3]. De même, des médias comme Arte ont investi dans le jeu mobile afin de proposer de nouvelles expériences sur un nouveau support à l’attention de tous. Ils ont ainsi pu participer à la production de Alt-Frequencies[4] ou encore Enterre-moi, mon amour[5] deux jeux engagés s’appuyant sur un Gameplay minimaliste propre au support. 

Deuxièmement, les innovations technologiques sur les smartphones ont participé à la légitimation des jeux sur mobiles, ces derniers étant de plus en plus beaux. On a ainsi vu émerger de nombreux MOBA (Multiplayer Online Battle Arena) ou MMO (Massively Multiplayer Online) s’appuyant sur une qualité technique avec des rendus se rapprochant de ceux sur console. Ces jeux symbolisent la volonté des créateurs de jeux mobile de toucher un public de « gamer » plus classique. Cela se traduit d’ailleurs par des investissements massifs en opération sponsorisées pour de nombreux studios. Par exemple, Plarium, le studio créateur de Raid Shadow Legend a acquis une forte visibilité via les vidéos sponsorisés des Youtubeurs Gaming s’adressant à un public de joueurs. 

Enfin, cette tendance d’attirer les joueurs traditionnels sur le mobile se traduit également par l’apparition de licences historiques sur cette plateforme. Rayman Adventures issu de la franchise Rayman a par exemple été édité par Ubisoft dès 2015. En 2019, c’est Call of Duty franchise de jeu vidéo la plus lucrative de la décennie qui sortait sur portable (devenant ainsi le jeu ayant rassemblé le plus de joueurs sur téléphone dans la même semaine avec plus de 100 millions d’utilisateurs[6]). En la matière, Nintendo a également profité du marché du mobile pour toucher un plus grand nombre d’utilisateurs, proposant une adaptation de jeux à succès tels que Mario Kart. 

Le futur du jeu mobile

Aujourd’hui, l’industrie du jeu mobile se porte à merveille dans le monde. Le chiffre d’affaires du jeu vidéo mondial est majoritairement effectué en Asie qui représente 54,3 milliards de dollars en 2018 ou le free-to-play, surtout sur téléphone, est la norme (80 % des ventes).

En France, selon une étude du Syndicat des Editeurs de Logiciel de Loisir, le jeu mobile a connu la plus forte croissance du secteur du jeu vidéo entre 2017 et 2018 (+22 %)[7]. De plus, les Français interrogés déclarent que les « jeux casual – jeux mobile » sont ceux auxquels ils jouent le plus (tous supports confondus). Ainsi, à l’aube d’une nouvelle décennie, le jeu mobile semble avoir acquis une forme de légitimité auprès d’un public de plus en plus large et ce dernier risque d’avoir un rôle prépondérant dans l’industrie de demain. 

D’abord, il est important de noter que le jeu vidéo est un secteur extrêmement innovant qui s’est toujours appuyé sur les dernières technologies. 2020 étant une année sous le signe du déploiement de la 5G, les mobiles vont pouvoir profiter de cette hausse significative du débit pour encore plus s’inscrire dans le secteur du jeu vidéo. En effet, cette amélioration non négligeable des connexions va favoriser l’émergence de solutions de Cloud Gaming par abonnement. Ces dernières consistent en la possibilité de jouer en streaming, sur un serveur à distance. Cela permet alors de brouiller encore plus la différence entre les supports en matière de jeu vidéo puisque n’importe quel titre peut être consommé sur n’importe quel écran. À la manière de Netflix, Google propose ainsi depuis fin 2019 Stadia, service de Cloud Gaming qui permet de jouer à tous types de jeux (y compris les grosses licences habituellement réservées aux consoles et aux ordinateurs) sur tous les supports, en streaming. Apple propose également, depuis l’automne 2019, Arcade service de gaming par abonnement qui s’appuie sur le nombre croissant de joueurs sur mobile en proposant des expériences de jeux inédites[8]. Microsoft a d’ores et déjà annoncé son service de jeu en streaming pour la nouvelle génération de console et Sony est également en train de peaufiner son offre. Dans ce cadre, nul ne doute que le smartphone va être de plus en plus utilisé dans la pratique du gaming et ce pour tous types de jeux.

Le jeu mobile a connu un début de relation difficile avec les joueurs, mais l’amélioration de la technique sur smartphone ainsi que l’explosion des débits internet semble lui promettre une place centrale dans les habitudes vidéoludiques de demain. 

Palluet Thibault


[1] Le marché mondial des jeux vidéo, 120 milliard de dollars en 2019, 7 juin 2019, https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Actualites/Marche-des-Jeux-video-2019-sous-le-signe-de-la-croissance-et-du-mobile-46652

[2] http://www.grospixels.com/site/ngage.php

[3] Her Story est un jeu d’enquête où le joueur doit comprendre ce qu’il s’est passé en écoutant les témoignages (en prise de vue réelle) d’une femme. La seule expérience de Gameplay réside dans la possibilité qu’a le joueur à écrire des mots clés dans l’outil de recherche pour trouver de nouvelles vidéos et ainsi avancer dans son enquête.

[4] Alt-Frequencies est un jeu d’enquête où le joueur doit passer d’une station de radio à une autre pour faire la lumière sur une question de boucle temporelle. Le jeu propose un questionnement du pouvoir des médias mais aussi du rapport du pouvoir aux choix du peuple. 

[5] Enterre-moi, mon amour est un jeu engagé mettant le joueur dans la peau d’un syrien qui suit la migration de sa compagne vers l’Allemagne via les messages qu’elle lui envoie. Le joueur peut ainsi la conseiller sur les options qu’elle a afin de l’aider à survivre et à atteindre son objectif.

[6] Le jeu call of Duty Mobile dépasse le cap des 100 millions de joueurs en une semaine, 8 octobre 2019, Chloé Woitier, https://www.lefigaro.fr/medias/le-jeu-call-of-duty-mobile-depasse-le-cap-des-100-millions-de-joueurs-en-une-semaine-20191008

[7] Bilan du marché français du jeu vidéo 2018, février 2019, Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisir, https://www.sell.fr/sites/default/files/essentiel-jeu-video/sell_essentiel_du_jeu_video_2019.pdf

[8] https://www.apple.com/fr/apple-arcade/

Jeux vidéo, les nouveaux réseaux sociaux?

C’est désormais établi : les jeux vidéo constituent une forme de média attirant un nombre grandissant d’individus, masculins mais aussi féminins, plutôt jeunes.[1] Le poids de l’industrie vidéoludique n’est pas négligeable : en France, les revenus issus des jeux vidéo et de l’e-sport devraient s’établir à $5.2 Mds d’ici 2023.[2] Ce « boom » du jeu vidéo a été porté en partie par la dématérialisation du jeu et l’apparition de plateformes dédiées rassemblant de plus en plus de monde. Avec les nouveaux acteurs du secteur que sont Twitch, Discord ou encore le phénomène Fortnite, on observe l’émergence du « jeu interactif ». Désormais, il s’agit de jouer, mais aussi de parler, écrire et/ou regarder les autres jouer, le tout en temps réel. Les plateformes de jeux vidéo ont donné naissance à de nouvelles façons de communiquer et parviennent à capter l’attention d’un public élargi, au-delà des « gamers ». Alors que les plateformes sociales « classiques » comme Facebook sont progressivement délaissées par les plus jeunes[3], peut-on considérer les plateformes de jeux vidéo comme les nouveaux réseaux sociaux ?

Le jeu vidéo, stimulateur d’interactions sociales

Les jeux vidéo disposent intrinsèquement d’une composante sociale. Ils génèrent des conversations dans des lieux physiques (cour de récréation, salons dédiés…) comme virtuels (par exemple au sein de forum généralistes ou spécialisés tels que jeuxvideo.com). 
Sur le plan des interactions sociales dans le cadre du jeu, un cap a été passé avec la mise en réseau du monde et l’émergence des jeux multi-joueurs. Des jeux comme World of Warcraft ou Minecraft poussent les joueurs à former des communautés virtuelles car le meilleur moyen de gagner dans ce type de jeu est de coopérer. Ces groupes sociaux se construisent sur la base d’intérêts partagés. Ils sont structurés autour de processus d’échange d’informations et de savoirs. Les joueurs y développent leurs propres langages. 

Parallèlement, on observe le développement d’outils de communication vocale ou textuelle permettant aux joueurs d’interagir.[4] Le chat vocal est privilégié pour la simple raison qu’il est bien plus pratique lorsque l’on a les mains occupées par des manettes. C’est aussi une forme de communication offrant un contact très spontané, plus direct que sur les réseaux sociaux « classiques ». De nombreux jeux intègrent ces outils directement sur leurs interfaces. Les joueurs utilisent aussi des logiciels d’audioconférence généralistes (Skype) ou adaptés aux jeux vidéo (Mumble, TeamSpeak). Dans cette lignée, le cas du logiciel Discord (lancé en 2015) est particulièrement intéressant. Discord se définit lui-même comme un « chat vocal et textuel tout-en-un gratuit, sécurisé, qui fonctionne sur PC et smartphone, et pensé pour les gamers ».[5] Toutefois, avec ses 250 millions d’utilisateurs et 850 millions de messages échangés par jour, Discord a réussi à attirer une population bien plus large. On y trouve désormais des groupes militants et politiques, des créateurs de contenus, mais aussi « des personnes lambda » qui viennent simplement s’y retrouver « pour parler de leur journée de cours ou s’échanger des mèmes ».[6] Ainsi, Discord se positionne comme un service à mi-chemin entre réseau social et chat, et tend à devenir une plateforme mainstream. 

Les constructeurs de consoles et éditeurs de jeux ont accompagné ce mouvement de socialisation en développant des plateformes permettant de faire des achats en ligne et jouer en réseau, mais faisant aussi office de réseau social. Ces services intègrent des fonctionnalités similaires à celles des réseaux sociaux « classiques », comme la possibilité d’ajouter des amis ou une messagerie instantanée. Le Playstation Network de Sony propose ainsi à ses 70 millions d’utilisateurs mensuels une variété de services de communication et de divertissement.[7]

Le live streaming donne naissance à de nouveaux réseaux sociaux

Les internautes passent de plus en plus de temps à regarder d’autres jouer en ligne.[8] Cette tendance est illustrée par la forte croissance du nombre de vidéos consacrées au gaming sur YouTube.[9] La plateforme Twitch s’est imposée comme principal service de streaming de jeux vidéo. Lancée en 2011, elle compterait en moyenne 15 millions de visiteurs par jour et a enregistré 9,36 milliards d’heures de visionnage en 2018 (contre 2,31 pour YouTube Live).[10] Twitch et ses concurrentes (dont Mixer, qui appartient à Microsoft) reposent sur les contenus produits par les utilisateurs. Ce sont des réseaux sociaux : on peut y retrouver ses amis ou d’autres individus partageant des centres d’intérêts similaires, s’abonner à des chaînes de vidéos, discuter avec les autres utilisateurs sur des chats. En 2019, Twitch a même acquis le réseau social Bebo, spécialisé dans l’organisation de tournois d’e-sport.  

Ces plateformes dépendent ainsi des effets de réseau. Par exemple, l’utilité que ses utilisateurs retirent de Twitch dépend du nombre de visionneurs (pour les streamers) et de streamers (pour les visionneurs). On retrouve également des enjeux liés à la notoriété des streamers. Comme sur YouTube, certains sont devenus des stars contribuant énormément à l’attractivité de la plateforme. 
Enfin, il convient de souligner l’intérêt porté par les médias d’information aux services de live streaming de jeux vidéo. Des éditeurs comme BuzzFeed ou The Washington Post développent des contenus sur Twitch pour être « là où les gens regardent des vidéos en ligne ». Cela renforce le sentiment d’une possible substitution entre une plateforme comme Twitch et les réseaux sociaux « classiques ». D’ailleurs, conscient que son retard sur ce créneau pourrait le priver d’une manne publicitaire, Facebook a lancé en 2018 « un programme pour recruter des joueurs professionnels sur sa plateforme vidéo ».[11]

Fortnite : le jeu devenu média social

Ces évolutions vers le jeu vidéo comme une pratique sociale se trouvent parfaitement illustrées à travers le cas de Fortnite, devenu phénomène de société. Selon Epic Game, qui le développe, Fortnite comptait 250 millions de joueurs fin février 2019. Il est intéressant d’observer son impact sur les autres pratiques médiatiques des utilisateurs (dont la majorité a entre 10 et 17 ans). Ses adeptes y consacreraient en effet 21% de leur temps libre. En conséquence, les autres formes de divertissement, notamment l’usage des réseaux sociaux, voient diminuer la part de temps qui leur est allouée.[12] Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce succès : la gratuité du jeu, son renouvellement constant, la possibilité d’y jouer sur tous les terminaux ou encore l’ouverture multiplateforme qui permet de jouer avec n’importe qui.  

L’impact de Fortnite sur le temps libre des joueurs

Les interactions sociales sont particulièrement développées dans Fortnite. 44% des joueurs américains considèrent que Fortnite les a aidés à se faire un ami en ligne.[13] Il s’agit typiquement d’un jeu où compte l’aspect coopératif. Le fait « d’ajouter » d’autres joueurs, comme on « ajoute » un ami sur Facebook, permet même d’obtenir des bonus.[14] De plus, les joueurs passent du temps à chercher armes et outils. Ces moments sont autant de temps morts durant lesquels ils discutent. C’est ici que Fortnite révèle son caractère de réseau social. Comme l’explique un joueur, « Fortnite est différent, parce que l’important ne réside même pas dans le fait de jouer : c’est un endroit où nous nous retrouvons tous ensemble ». Fortnite réussi ainsi là où Second Life (monde virtuel lancé dès 2003) a échoué. Il y a beaucoup d’autres choses à faire dans Fortnite que de jouer. Des événements virtuels et exclusifs sont régulièrement organisés au sein même du jeu. En février 2019, plus de 10 millions d’utilisateurs ont par exemple assisté à un concert en direct du DJ Marshmello.[15] Ce genre de propositions contribuent à faire de Fortnite un tiers-lieu, « un lieu de rencontre où les joueurs disposent d’une très grande autonomie pour mener les expériences qu’ils souhaitent ».[17] Ainsi, si le fondateur d’Epic Games considère encore Fortnite avant tout comme un jeu, il semble toutefois évident que ce produit possède le potentiel de devenir quelque chose de bien plus vaste.[18]

L’enjeu de la régulation

Pour finir, se pose la question de la régulation de ces plateformes de jeux vidéo. Comme les autres réseaux sociaux, elles font face à des enjeux spécifiques de monétisation, de modération des contenus problématiques ou encore de gestion des données personnelles. Malgré les belles histoires d’amitiés entre joueurs « qui ne se rencontreraient pas forcément dans la vrai vie », l’univers des jeux vidéo peut se révéler toxique. Par exemple, lorsqu’une « voix féminine se fait entendre, elle s’expose aux insultes et au harcèlement ».[19] D’autre part, dans le cadre du RGPD, « le traitement des données personnelles d’un enfant fondé sur le consentement » n’est pas licite lorsque l’enfant est âgé de moins de 15 ans. Epic Games s’est dédouané de toute responsabilité concernant le contrôle de l’âge des utilisateurs de ses jeux en arguant que celui-ci relève des plateformes d’inscription des joueurs. Le chinois Tencent a choisi une autre solution, en obligeant certains éditeurs à utiliser la reconnaissance faciale pour identifier les joueurs mineurs.[20]  

De manière générale, on sait que le régulateur a bien du mal à s’adapter aux plateformes numériques qui ont atteint une taille considérable en quelques années. Plusieurs textes visent à adapter le cadre juridique à ce nouveau paradigme. À l’aune du développement des plateformes de jeux vidéo et de leur tendance à dépasser les réseaux sociaux « classiques », on ne peut qu’inciter le régulateur à y porter une attention particulière. 

Agathe Charbonnel


[1] https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2019/12/20/au-secours-mon-enfant-est-accro-a-fortnite_6023616_4497916.html

[2] https://www.pwc.fr/fr/espace-presse/communiques-de-presse/2019/juillet/medias-et-loisirs-croissance-et-personnalisation-a-horizon-2023.html

[3] https://www.20minutes.fr/high-tech/2588139-20190826-pourquoi-ados-francais-desertent-autant-facebook

[4] https://linc.cnil.fr/fr/jeux-video-voix-et-reseaux-sociaux

[5] https://discordapp.com/

[6] https://www.meta-media.fr/2019/05/14/avec-plus-de-250-millions-dutilisateurs-discord-nest-plus-reserve-quaux-gamers.html

[7] https://www.playstation.com/fr-fr/explore/playstation-network/your-psn/

[8] https://wearesocial.com/fr/blog/2019/01/global-digital-report-2019

[9]  https://blog.pex.com/what-content-dominates-on-youtube-390811c0932d

[10] https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/streaming-twitch-bat-tous-les-records-961834

[11] https://www.telerama.fr/medias/twitch,-la-plateforme-de-streaming-de-jeux-videos-qui-fait-monter-ladrenaline,n5567303.php

[12] http://www.netimperative.com/2019/06/is-fortnite-becoming-the-next-big-social-network/

[13] https://www.bondcap.com/report/itr19/

[14] http://www.jeuxvideo.com/news/1140462/les-jeux-video-nouveaux-reseaux-sociaux-majeurs.htm

[15] https://www.begeek.fr/le-concert-de-marshmello-sur-fortnite-est-le-plus-gros-evenement-du-jeu-a-ce-jour-308100

[16] https://www.lefigaro.fr/cinema/une-scene-exclusive-de-star-wars-ix-devoilee-sur-fortnite-20191215

[17] https://signauxfaibles.co/2018/12/26/pourquoi-il-faut-serieusement-sinteresser-a-fortnite/

[18] https://www.millenium.org/news/355140.html

[19] https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2019/12/22/yannick-rochat-fortnite-est-un-espace-de-liberte-loin-des-parents_6023795_4497916.html

[20] https://linc.cnil.fr/fr/jeux-video-voix-et-reseaux-sociaux

Quelle stratégie marketing pour les artistes en 2020 ?

Si le Business Model de l’artiste est en pleine mutation au niveau des canaux de distribution (nouvelles plateformes de streaming) et des activités clefs (diversification des expériences), la question de business model est interdépendante de la stratégie marketing de l’artiste via la segmentation et relation client.

1. Définir La proposition de valeur de l’artiste

Quelle est la stratégie marketing qui fera que les personnes écouteront lui et pas un autre. Autrement dit, comment l’artiste arrive-t-il à se différencier ?

Tout d’abord, avant même de parler de réseaux sociaux ou autre outil. L’artiste doit comprendre en amont comment il souhaite présenter son projet, pourquoi le public porterait un intérêt à sa musique et de quels éléments voudriez-vous que le public se souvienne ? On parle de stratégie musicale propre à l’artiste.

Pour répondre à ses questions, l’artiste doit faire une introspection sur ce qu’il fait, pour analyser chaque élément qui pourrait plaire à un certain public ou à un autre et déduire par la suite le type de personne que l’on souhaite toucher. Ensuite, l’artiste doit définir sa spécificité, et reconstituer le plus fidèlement son univers autour d’une image de marque.

Une fois cette stratégie musicale bien définie, l’artiste peu enfin définir sa réelle stratégie marketing.

Selon le type d’artiste et ses objectifs, l’artiste doit en général se créer un site web, un profil sur les réseaux sociaux, et une chaîne sur les plateforme vidéo. Il doit ensuite en fonction de sa stratégie musicale choisir sur quels canaux de promotion et de distribution il souhaite retrouver sa musique, et avec quels partenaires il souhaiterait travailler (partenaires numériques ou physiques nécessaires à la construction de la chaîne de valeur de l’artiste).

2. Segmentation client

Une fois la stratégie musicale et marketing définie, l’artiste doit segmenter son public en plusieurs groupes distincts afin de se construire une base fan solide.Pour cela, il va s’appuyer sur le data mining pour l’aider à trouver au mieux la cible qui matchera au mieux avec sa musique.

 Les artistes ont de plus en plus d’outils technologiques pour analyser ces données notamment sur les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, Instagram qui génèrent des milliards de données chaque jour. L’intérêt pour les artistes de ces différentes métriques est qu’il peut ensuite adapter sa cible, et la peaufiner sur les réseaux sociaux via une campagne promotionnelle digital.

Mais ces réseaux sociaux ne sont pas les seules mines d’or à données potentielles pour les artistes indépendants. D’autres plateformes telles que les plateformes streaming hébergent un certain nombre de données relatives aux comportements du public.

 On trouve notamment Spotify qui collabore avec The Next Big Sound et lui fournit l’ensemble de ses données. En échange, cette dernière récolte et traite, agrège en temps réelles tout un panel de données relatives aux auditeurs avec notamment un classement des titres les plus populaires selon l’âge, la localisation ou le genre. Ces données ensuite corrélées et enrichies par les données relatives aux réseaux sociaux. The Next Big Sound propose ainsi d’optimiser la campagne marketing de l’artiste via un Dashboard qui sera indispensable dans sa prise de décision.

3. Relation client

Après avoir analyser les données et segmenter son public, il peut cibler le ou les segments sur lesquels il souhaite se concentrer. Cette étape va lui permettre d’acquérir de nouveaux fans et de se construire une base fan.Mais ces fans ne sont encore que des prospects. L’enjeux de la relation client va donc être de transformer le prospect en client réel.

Avant tout, l’artiste doit évaluer la valeur de ses fans pour les classer en 3 catégories distinctes énoncé par Kevin Kelly dans 1000 True Fans :

  • Causual fans : Ce sont la partie des fans les moins engagés dans la relation avec l’artiste. Ils vont « liker » la page Facebook sans pour autant porter un très grand intérêt à l’artiste. Ils ne connaissent souvent pas très bien l’artiste, en ont déjà entendu parler, ou connaissent un ou deux titres de l’artiste.
  • Regular fan : Ils représentent une grande partie de la fan base de l’artiste. Ils suivent l’artiste assez régulièrement sur les différents canaux.
  • Super fan : Ils constituent la partie centrale, essentielle pour l’artiste. Ce sont les fans les plus engagés, dévoués pour l’artiste qui cette fois-ci porte véritablement bien l’expression de « fan ».

On comprend ainsi que tout l’enjeux de la relation client pour l’artiste va donc être de maximiser le nombre de super fan et de facto de minimiser le nombre de causual fan.

Pour cela, il faut d’abord que l’artiste engage sa base fan. Il faut que l’artiste inspire le public, lui donne envie d’interagir avec lui, et l’amène à une conversation avec lui. Il est important que le public se sente reconnu dans les actions menées par l’artistes.Pour engager sa base fan, l’artiste a à sa disposition un certain nombre d’outil pour communiquer sans trop de moyens avec notamment le owned ou par la création de contenu (vidéo, clip, post, photo …).

Ensuite, il faut développer la base fan et la fidéliser pour convaincre la cible d’acheter un album, une place de concert ou un merchandising. L’idée ici est de jouer sur les différentes catégories de fan en augmentant la valeur fan en fonction de chacune de ces catégories dans le but de faire passer le fan de prospect à client réel.

Pour les Causual fans, leur disposition à acheter la musique de l’artiste est faible. Ils ont donc encore peu de chance d’acheter la musique de l’artiste. Dans ce cas, l’artiste doit favoriser avec eux l’échange gratuit de contenu, continuer à engager la conversation pour que ces derniers deviennent des regular fan.

En ce qui concerne les Regular fans, l’artiste devra varier son marketing entre la création de contenu (owned media), campagne du publicité payante (paid media) et profiter de la publicité gratuite par les fans eux même (earned media). Dès lors, il faut réfléchir à des tactiques inédites pour fidéliser et monétiser l’activité de l’artiste. Autrement dit, l’artiste doit développer un marketing innovant pour convaincre les regular fans de consommer un produit de l’artiste dans l’espoir qu’ils deviennent à terme des super fan.

Les Super fans sont les fans les plus rentable pour l’artiste car il n’y a plus besoin d’aller vers eux et de payer pour communiquer, ce sont eux qui viennent vers l’artiste. On parle en anglais d’advocacies, ambassadeurs de la marque de l’artiste, qui vont générer un certain nombre de contenus gratuitement pour l’artiste. La fidélisation passe par des récompenses (possibilité de rencontrer l’artiste, avoir des exclusivités sur des musiques, places VIP …) de ces super fans pour leur donner une reconnaissance dans ce qu’ils ont accompli en échange de ce travail gratuit.

Finalement, l’arrivée des réseaux sociaux et du Big Data ont donc considérablement améliorer « le targeting » pour les artistes qui peuvent désormais offrir une relation particulière avec chacun des segments auditeurs.

Elio Stopnicki

Réforme audiovisuelle : la contre-attaque des dinosaures, vraiment ?

« Netflix, Apple TV+ et Amazon Prime aujourd’hui, Disney+, Peacock et HBO Max demain… L’histoire s’accélère alors que la loi a pris du retard », a déclaré le PDG du groupe TF1, Gilles Pélisson. C’est justement dans le but de rattraper ce retard que le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, de son intitulé exact, sera très prochainement examiné par l’Assemblée nationale. Il fera alors l’objet d’amendements qui seront source de satisfaction ou de déception pour les acteurs historiques, soucieux de voir les normes juridiques s’adapter et prendre en compte la concurrence impulsée par les nouveaux entrants.  

Franck Riester, présentant certaines mesures phares de la réforme audiovisuelle au micro d’Europe 1, 22 septembre 2019.

Une réforme qui souhaite tirer les conséquences de l’évolution des usages

HBO Max, Disney+, AppleTV+, Amazon Prime, Netflix… Le marché de la SVOD (vidéo à la demande sur abonnement) ne cesse de se développer et d’attirer de nouveaux publics. Aujourd’hui, le Centre national du cinéma (CNC) estime que Netflix est la cinquième chaîne de France en termes d’audiences. Une profonde transformation des habitudes de consommation des contenus audiovisuels est en cours.

Les premiers services de vidéo à la demande sont apparus en 2005 en France. Ils ont ensuite connu un véritable boom en 2014 avec l’arrivée de Netflix sur le territoire national. En 2019, la Motion Picture Association of America (MPAA) estimait le nombre d’abonnés à un service de SVOD à 650 millions. Depuis, ce nombre n’a cessé de croître.

Cette croissance des abonnements s’accompagne d’une baisse générale des audiences télévisuelles sur le direct. Pour s’adapter à ces nouveaux usages, les chaînes de télévision développent de nouveaux projets tels que la plateforme de replay SALTO (commune à M6, France Télévisions et TF1) ainsi que des co-productions avec ces nouveaux acteurs, ce fut notamment le cas entre TF1 et Netflix concernant Le Bazar de la Charité.

Une volonté de rétablir une concurrence plus juste et équitable

Face à ces changements, les acteurs historiques de la télévision en linéaire demandent une adaptation de la législation et de la réglementation afin de rétablir une concurrence équitable entre les différentes parties. En effet, les chaînes estiment que les obligations qui pèsent sur elles devraient également peser sur les plateformes de vidéo à la demande.

Le projet de réforme audiovisuelle était relativement consensuel jusqu’à ces derniers mois. Puis, au fur et à mesure de la rédaction du projet par le Ministère de la Culture, les chaînes (notamment Canal+, TF1, M6 et NextRadio) ont laissé transparaître leurs doutes et insatisfactions. Elles estiment que le projet de loi n’est pas à la hauteur des ambitions initialement affichées, qu’il ne prend pas suffisamment en compte la force de la concurrence qui se joue aujourd’hui dans le paysage médiatique.

Vers un assouplissement des obligations des acteurs historiques

Le projet de loi voudrait alléger les devoirs des chaînes de télévision afin de leur permettre de se maintenir devant leurs concurrents. Notamment, le projet de loi simplifie la production cinématographique en offrant aux chaînes la possibilité de globaliser leur effort au sein d’un même groupe et non pas de le calculer chaîne par chaîne.

Les chaînes se voient également accorder une liberté plus grande quant à l’organisation de leur grille de programmation. En effet, l’encadrement de la grille horaire et journalière de diffusion des films de cinéma est rendue caduque. Il n’y aura plus de jours interdits pour la diffusion de films de cinéma à la télévision.

Le projet de loi a pour objectif de permettre aux acteurs historiques de renforcer leurs recettes publicitaires, lesquelles sont au cœur de leur business model. En effet, le nombre de coupures publicitaires autorisées au cours de la diffusion d’une œuvre cinématographie est porté à trois contre deux auparavant.

La mise en place de nouvelles contraintes sur les épaules des plateformes

Le chapitre I du titre I du projet de loi présente les mesures relatives à la création. Parmi ces mesures figure l’extension des obligations en terme d’investissement dans la production des services établis en France aux services non établis en France mais qui visent le public francais. Cette disposition aurait pour effet, par exemple, de soumettre Netflix à de nouvelles obligations économiques.

Les plateformes en ligne seront désormais soumises à la compétence de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) qui est la nouvelle autorité de régulation du secteur ; elle est le fruit de la fusion entre le CSA et la HADOPI. Les plateformes se verront donc dans l’obligation de respecter les normes de régulation définies par l’ARCOM.

Des obligations encore trop lourdes sur les épaules des chaînes linéaires

Les acteurs historiques déplorent le fait que le projet de loi ne consacre finalement pas la levée des secteurs interdits de publicité à la télévision alors même que l’Autorité de la concurrence y était initialement favorable.

Ils estiment que ce maintien est injustifié étant donné que les plateformes en ligne ne connaissent aucun secteur interdit de publicité.

L’Autorité de la concurrence a également pointé du doigt l’asymétrie des droits entre les diffuseurs et les plateformes. En effet, lorsqu’elle finance une série (parfois jusqu’à 70%), la chaîne de télévision détient les droits de diffusion sur une période limitée (environ 48 mois) alors même qu’un acteur tel que Netflix peut détenir ces droits sur plusieurs années.

Maxime Saada, le PDG de Canal+, déplorait le fait que Canal+ ait «  sorti la saison 4 du Bureau des légendes, dont nous avons financé 70 % pour un peu plus de 15 millions d’euros, mais nous n’avons déjà plus les droits de la saison 1. Netflix, Amazon ou les autres les récupèrent contre une bouchée de pain. Nous n’avons aucun droit sur la série Versailles, dont nous avons financé plus de la moitié et que nous avons diffusée, et aujourd’hui, aux États-Unis, c’est un contenu estampillé Netflix original ».

Il convient de rappeler que les dispositions présentées dans cet article sont susceptibles d’évoluer, la réforme audiovisuelle n’est pour l’instant qu’au stade de projet avant son adoption définitive par les deux chambres parlementaires. Les chaînes historiques peuvent encore défendre leurs positions lors de cette phase parlementaire.

Loren Fadika

Sources :

http://www.scam.fr/detail/ArticleId/5547/Directive-SMA-un-compromis-favorable-a-la-creation-audiovisuelle
https://www.lepoint.fr/medias/reforme-de-l-audiovisuel-ce-qui-va-changer-pour-les-telespectateurs-01-12-2019-2350683_260.php
https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/reforme-audiovisuelle-lespoir-decu-des-chaines-privees-1148047

Public television channels vs VOD platforms : how does the competition stand ?

Television is declared as dead by many specialists : general audiences have known a decrease since ten years, and it is getting old. The television viewer’s average age has reached fifty. This is a problem as the targeted young audience is not behind its television anymore. Those market shares are returning to digital medias, which are monopolizing younger’s attention. The diminution of television advertising revenues are a major threat to its ecosystem. It could in fact affect its investments, on which channels have obligation as french companies. But, despite this announcement, the leading historical channels have seem to resist. According to Mediametrie, on 2018, TF1 has kept good audience ratings on every program’s type, France Television has profited from better audiences, and Arte’s prime time have beaten records. In fact, if the audience on linear program is decreasing, the global audience on every screen is increasing. Therefore, the issue to historical actors channels is to adapt to the new ways of watching television. Subscriptions to streaming services are growing steadily. But some figures are still putting in question the whole victory of platforms, as those concerning the pay TV in Australia for instance. Where, then, is the competition standing between french television and SVOD platform on its territory ? 

Since a few years, SVOD platforms as Netflix, Hulu, or Amazon Prime Video have known an impressive growth, seeing their subscriber rate and turnover blow up, enabling them to invest always more in production. Netflix has seduced more than 4 million people in France. Its success is due to the proposition of a content constantly renewed, which is taught in order to fit with every taste. This emergence is questioning this well established media ecosystem, and especially the advertising market on which it is supported. Most of the SVOD platforms are not based on the same types of business models. But, advertisers are less interested by television advertising slots because of the increasing mass of cord cutters, besides who are young. The new ways of doing advertising have seemed to conquer television, even if experimentation are still at their early stage. A personalized advertising could be for some the solution to this cord cutting phenomena, and bring back efficiency in this business through a programmatic system. Some specialists have also evoked  a sort of Shazam application in order to screen a product on TV. However, this loss of revenues to television has been a threat those recent years. 

Initiatives have thus been taken to get back audiences, and especially young viewers. In France, Molotov has imposed itself as the aggregator for linear television content. But its financial situation is still unstable. Recently, it has been announced that Molotov has failed to achieve its CEO ambition to raise some tens millions euros to finance its international expansion. It has been evoked the buying of its technology by France Television. In fact, even if Molotov had have seven million users at the end of 2017, after a period of rapid growth, it has struggled to develop a viable economic model for its service. The situation of Molotov shows how much it could be complicated to television to structure its offer on digital. But it has also announced the new paradigm, in which the customer won’t distinguish linear from de-linear as it will appear as a whole. 

According to an NPA study, Netflix has imposed itself as the sixth channel of the audiovisual landscape. But the study doesn’t declare the end of linear television. Notably because the audience of flow programs (television games or entertainment) is stable, as a solid anchorage point for television. Plus, the offer of premium TV in France is not very developed, which is the sign that nobody would accumulate various SVOD subscription. And furthermore, television channels have developed on the digital. Besides the creation of replay platforms or their implantation on Molotov or Youtube, some channels have decided to expend their digital presence by the development of deals with OTT services. For instance recently, TF1 has struck a new distribution deal with Videofutur, a service which provides linear and on-demand services over public fibre networks. The deal will see free-to-air TF1 channels distributed over Videofutur’s network along with on-demand content associated with these channels. The agreement provides Videofutur subscribers with access to programmes available on catch-up from MYTF1 with extended distribution windows, some avant-premieres of shows and new functionalities.

Nevertheless, television channels still have to develop their brand on the digital landscape. They have to diffuse more content on the models of the American networks. In addition to catch up tv, channels are now developing VOD programs, even if it remains hard to monetize advertising on those spaces. Moreover, global SVOD platforms project are now implemented by some players, countrywide or at the European level, in order to gather the investment power of television channels, facing giants as Netflix or HBO. In terms of programmation, the competition on fiction content has been tougher, as Netflix and its Dantesque investments in production make the rhythm  of production faster. So far, television has reinforce its position in TV reality, short programs, documentaries, or even animation. 

Platforms are new competitors for people’s attention, and the daily time spent on medias are not extensible, even if it’s higher than ever. Channels are thus reorganizing their strategies to face this new paradigm.

La directive européenne sur le droit d’auteur, chronique d’une réforme controversée

En septembre 2016, la Commission européenne a présenté sa réforme du droit d’auteur, notamment à travers une proposition de directive portant sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. Cette directive, qui vise à actualiser la Copyright Directive de 2001, introduit un droit voisin pour les éditeurs de presse et une obligation pour les plateformes de filtrer les contenus violant le droit d’auteur, afin de résorber le value gap, tout en prévoyant également que les plateformes passent des accords avec les ayants droit.

Cette réforme a suscité une levée de boucliers de toutes part. En effet, d’après la Commission européenne, si le texte a pour objectif de placer les éditeurs de presse « dans une meilleure position pour négocier l’utilisation de leurs contenus avec les services en ligne qui les utilisent ou en permettent l’accès et pour lutter contre le piratage », son application induirait d’importants changements pour les acteurs du numérique.

Droit voisin, value gap, de quoi s’agit-il ?

Dans ce texte long de de 24 articles, deux d’entre eux concentrent les crispations : les articles 11 et 13. Le premier vise à créer un droit voisin pour les plateformes numériques : il s’agit d’étendre le droit d’auteur aux hébergeurs jusqu’ici majoritairement épargnés par la prise en compte des droits moraux et patrimoniaux de l’auteur – ou des ayants droit, le cas échéant – afin de réduire le value gap actuel. Le value gap est l’écart entre les revenus de la publicité touchés par les plateformes grâce aux contenus publiés, et ceux qu’elles versent aux ayants droit. Il est parfois également défini comme l’écart de valeur entre les revenus que les plateformes vivant de la publicité (YouTube, Dailymotion…) versent aux ayants droit et ceux versés par les services d’abonnement (Spotify, Deezer). Ce droit voisin s’appliquerait alors aux “éditeurs de publications de presse (…) pour l’utilisation numérique de leurs publications de presse.

L’article 13, quant à lui, dispose que les hébergeurs ne devraient pas seulement exercer un contrôle a posteriori des contenus, mais a priori, en filtrant de manière automatique les contenus lorsqu’ils tombent sous le coup du droit d’auteur et ne font pas l’objet d’un accord entre l’hébergeur et l’ayant droit. Une façon de renforcer la responsabilité des plateformes, qui sont vent debout face à cette directive.

D’âpres négociations, mais toujours pas de compromis

Après plus de deux ans de négociations, les États ont apporté beaucoup de modifications techniques, mais ont préservé les objectifs généraux du texte. Cependant, chaque institution y est allée de sa version, obligeant à entamer des négociations dans le cadre du trilogue (Parlement européen, Commission européenne et Conseil de l’UE) pour aboutir à un compromis. Pour le moment, les principaux points d’achoppement qui demeurent concernent la durée des droits accordés aux éditeurs de presse, l’application des droits aux snippets (les courts extraits d’articles) ou encore l’exclusion des PME pour les obligations de filtrage.

Si la France s’est dite assez satisfaite des négociations entre les États au niveau du Conseil, elle a toutefois décidé de prendre les devants, en soutenant la proposition de loi du sénateur David Assouline tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse. Sa rédaction a d’ailleurs fait l’objet d’une concertation avec le gouvernement. L’objectif affiché est d’anticiper toutes les issues possibles des négociations au niveau européen. Ainsi, si le trilogue aboutit dans un délai raisonnable, cette proposition de loi pourra servir de texte de transposition, d’autant qu’elle exclut volontairement des éléments de la directive qui ne sont pas encore tranchés. En cas d’échec des négociations, ce texte pourrait servir à la création d’un droit voisin au niveau français, comme il en est question pour la taxation des géants du numérique.

En attendant, les lobbies des deux camps s’affairent en coulisse pour tenter d’influencer les parties prenantes de la négociation : Europe for Creators, European Innovative Media Publishers, EDRi… Tous essayent de minimiser les effets du texte sur leurs activités. Le dernier en date : Google, qui a menacé de fermer son service Google News en Europe – comme naguère en Espagne – dans l’hypothèse où la réforme du droit voisin était adoptée.

Les négociations, redémarrée en raison de la nouvelle présidence roumaine du Conseil de l’UE, aboutiront-elles avant les élections du mois de mai prochain ? Rien n’est moins sûr.

Paul Lachner-Gaubert