Réseaux sociaux et liberté d’expression : la guerre ouverte de Zuckerberg et Musk contre l’Europe

Les annonces récentes de Mark Zuckerberg sur la réduction de la modération des contenus et la promotion de l’IA générative, et l’influence d’Elon Musk sur les démocraties européennes, déclenchent une véritable crise entre la Silicon Valley et Bruxelles. Face aux risques accrus de désinformation et de manipulation politique, l’Union européenne riposte et cherche à renforcer ses régulations pour préserver l’intégrité du débat démocratique.

Un coup de tonnerre dans l’espace numérique

Depuis janvier 2025, une nouvelle bataille s’est engagée entre l’Union européenne et les grands patrons des réseaux sociaux. Le patron de X (anciennement Twitter), Elon Musk, cherche à influencer les élections en Europe. Mark Zuckerberg (Meta) annonce quant à lui vouloir diminuer drastiquement la modération des contenus sur ses plateformes. Prétendant défendre la « liberté d’expression », ces deux figures de la tech entendent notamment, à travers ces prises de positions,  favoriser les contenus générés par intelligence artificielle et renoncer à la suppression des publications controversées, au risque d’ouvrir la porte à une vague massive de désinformation et de deepfake. Le débat démocratique se retrouve ainsi menacé par les mastodontes du numérique.

Cette position, qui s’oppose frontalement à la régulation européenne, notamment au Digital Services Act (DSA), a été immédiatement critiquée par Bruxelles. Au-delà d’un simple bras de fer juridique, cette annonce marque une véritable déclaration de guerre contre les principes démocratiques d’une information vérifiée et encadrée.

Une offensive contre la régulation européenne

La réglementation européenne en matière de numérique s’est renforcée ces dernières années avec le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA). Ces lois visent à imposer des obligations strictes aux grandes plateformes afin de lutter contre la propagation des fake news, de protéger la vie privée des utilisateurs et d’assurer une concurrence équitable. Le DSA, en particulier, impose des obligations de transparence sur les contenus sponsorisés, le signalement des contenus illicites et la modération des publications nuisibles.

Or, l’abandon du fact-checking par Meta et la liberté totale laissée aux utilisateurs sur X vont à l’encontre de ces principes. Henna Virkkunen, vice-présidente exécutive de la Commission européenne, a déclaré à ce sujet :

« Notre tâche est de nous assurer que les droits des citoyens européens sont respectés et que notre législation est appliquée. Cela garantit des conditions équitables et un environnement en ligne sûr pour tous. »

Ces propos résonnent comme une réponse directe aux attaques de Zuckerberg et Musk, qui voient dans le cadre réglementaire européen une contrainte incompatible avec leur vision du business.

L’explosion annoncée de la désinformation

En renonçant à la modération et en favorisant les contenus générés par intelligence artificielle, Meta et X prennent le risque de transformer leurs plateformes en zones de non-droit informationnel.

L’historique récent montre pourtant que les réseaux sociaux ont déjà joué un rôle central dans la diffusion de fausses informations. Que ce soit lors du Brexit dès 2016, ou lors des élections américaines, les fake news se sont multipliées à une vitesse inédite.

Avec la prolifération des deepfakes, ces vidéos ultraréalistes manipulées par IA, associée à la fin du fact-checking, le danger est encore plus grand. Désormais, il sera possible de fabriquer de fausses déclarations attribuées à des responsables politiques ou de créer des vidéos truquées d’événements qui n’ont jamais eu lieu. Dans un contexte pré-électoral en Europe, cette situation inquiète particulièrement les institutions bruxelloises.

Une menace directe pour les démocraties européennes

Si l’Europe a décidé d’agir rapidement, c’est parce que les conséquences sur la démocratie sont immenses. En limitant la transparence et la responsabilité des plateformes, Zuckerberg et Musk laissent proliférer des stratégies de manipulation de l’opinion publique à grande échelle. Ils en ont même une grande influence.

Elon Musk a déjà influencé la campagne américaine en affichant de manière affirmée son soutien à Donald Trump, qui le lui a bien rendu en le nommant à la tête du Département de l’Efficacité Gouvernementale (Department of Government Efficiency, ou DOGE), avec pour objectif de réduire la bureaucratie, les dépenses publique, et de rationaliser les opérations fédérales. Il continue sa lancée en tentant cette fois-ci de s’immiscer dans les élections législatives en Allemagne. Il a apporté explicitement son soutien à l’AfD, le parti d’extrême droite allemand, en participant à une discussion retransmise en directe sur X avec Alice Weidel, dirigeante de l’AfD, une semaine après l’investiture de Donald Trump. Son intervention lors de cette investiture avec un geste stupéfiant pouvant être interprété à un salut nazi, au regard de ce contexte, ne peut pas sembler anodin. Elon Musk n’a cessé depuis plusieurs mois, comme l’a également rappelé Le Monde, « de multiplier les références à l’antisémitisme et à l’idéologie nazie ».

Elon Musk saluant la foule lors de l’investiture de Donald Trump.
Crédit : Christopher Furlong / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP / RTL

La manipulation de l’opinion publique est présente également dans d’autres pays européens, comme par exemple la Roumanie. En effet, lors de l’élection présidentielle de 2024, la Cour Constitutionnelle a annulé le scrutin. La raison : des publicités politiques ciblées sur TikTok ont manipulé des électeurs sans qu’ils en soient conscients. De plus, des rapports des services de renseignement roumains, déclassifiés par la présidence, ont révélé une vaste opération d’influence  menée sur TikTok en faveur du candidat d’extrême droite pro-russe Cãlin Georgescu. Cette campagne impliquait notamment le financement d’influenceurs locaux pour promouvoir ce candidat, ainsi que des faux comptes pour amplifier artificiellement sa popularité.

Ce type d’intervention pourrait se généraliser dans toute l’Europe si les plateformes ne sont pas contrôlées. De nombreux experts s’inquiètent également du rôle croissant de la Chine et de la Russie dans ces campagnes de désinformation. En laissant leurs réseaux sociaux devenir un champ de bataille informationnel, Musk et Zuckerberg ouvrent la porte à des ingérences étrangères massives.

L’Europe va-t-elle contre-attaquer ?

Face à cette escalade, Bruxelles envisage des réponses drastiques. Parmi elles :

  • Des sanctions financières massives contre Meta et X en cas de non-respect du DSA
  • Un renforcement des outils de contrôle et de signalement des contenus illégaux
  • Une meilleure coordination avec les États membres pour surveiller les campagnes de désinformation

La Commission européenne a déjà infligé aux géants de la tech des milliards d’euros d’amendes pour violation des règles de protection des données et de concurrence au cours de ces dix dernières années. Stéphanie Yon-Courtin, eurodéputée française, a d’ailleurs interpellé la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, l’appelant à « ne pas trembler sous la pression américaine ».

L’affrontement entre Bruxelles et la Silicon Valley ne fait que commencer, mais il est crucial pour l’avenir de l’information et de la démocratie en Europe. Si Meta et X persistent dans leur stratégie, la régulation européenne devra réagir avec fermeté pour éviter que le continent ne devienne un terrain de jeu pour la manipulation numérique.

Dans ce duel aux enjeux historiques, une question demeure : les régulateurs européens auront-ils les moyens de faire plier cette nouvelle « broligarchie » ?

Selim Amara

Sources

Cinéphilie, gamification et prestige social, comment Letterboxd nous incite à voir plus de films

Le 8 janvier dernier, la communauté néo-cinéphile était en ébullition à l’idée de recevoir les rétrospectives personnalisées Letterboxd, le réseau social aux 15 millions d’utilisateurs permettant de partager les films que l’on voit. Sur le même modèle que Spotify, Letterboxd propose un retour sur l’année écoulée, nous dévoilant nos statistiques de consommation. La sentence est tombée, j’ai vu 381 films, ce qui me place deuxième dans mon groupe d’amis. Deuxième derrière mon ami sans activité, belle performance. Mais ex-aequo avec mon compagnon, cinéphile lui aussi, de quoi sortir de cette compétition sans mauvais perdant. Compétition, oui. Cet été, quelques jours avant que je parte en vacances pendant une semaine, il m’annonçait “ Je vais pouvoir te rattraper sur Letterboxd”. Horreur ! Il avait osé briser le tabou suprême de la communauté cinéphile : nous scrutons les compteurs Letterboxd des autres. Si j’affichais une attitude détachée, je n’en étais pas moins inquiet. Je comblais ma cinéphilie encore naissance par une boulimie de films qui m’avait permis de prendre une dizaine de points (mince, films !) d’avance par rapport à mon groupe d’amis. Je m’empresse donc de télécharger deux films sur Mubi pour les regarder dans le train…

https://twitter.com/letterboxd/status/1877059202473972216

Il y a ici quelque chose de paradoxal. Le cinéma est un art correspondant à la vision des réalisateurs, auteurs et autres personnes permettant de créer les films. Par essence, l’art devrait être détaché de toute idée de productivité. On ne le consomme pas, on le vit et on le ressent. Comment ce réseau social, destiné à un public de cinéphiles conscients de la dimension artistique et culturelle des films, nous incite-t-il à voir toujours plus films ?

La gamification comme mécanisme incitatif

Ce n’est pas un hasard si mes amis et moi nous y livrons à une compétition silencieuse. Letterboxd nous y incite en intégrant des éléments de gamification 1: des mécanismes de jeu qui favorisent l’engagement. 

Cette stratégie passe par la mise à disposition de statistiques. Quantifier la consommation d’un utilisateur, c’est lui faire prendre conscience de comment il agit, et l’inciter à modifier son comportement. En rendant ces données publiques, on lui donne l’opportunité de se comparer aux autres et donc d’entrer dans une compétition. Il y a donc le score de films vus, affiché directement sur le profil des utilisateurs. On y voit à la fois le nombre total de films visionnés, et le nombre de films vus durant l’année. Cette logique de score s’applique également de manière plus classique avec le système de likes. Les critiques les plus likées sont mises en avant, sur la page du film et sur le profil de l’utilisateur. On peut également aimer les différentes listes et classements créés.

Ces listes sont l’incarnation d’un autre mécanisme de gamification : relever des défis. La plus populaire, Official Top 250 Narrative Feature Films, regroupe les 250 films les mieux notés sur la plateforme. Bien que créée par un utilisateur classique, elle est largement relayée par Letterboxd et directement accessible depuis sa page de recherche. Voir ces 250 films, majoritairement considérés comme « classiques », représente le défi suprême pour les cinéphiles. Un pourcentage de progression est affiché, pour rappeler à chacun où il se situe dans cette mission. Ce pourcentage s’affiche également sur les pages d’acteur ou de réalisateur, transformant la filmographie de tous ces artistes en quête à accomplir.

Mais la gamification atteint son paroxysme avec la rétrospective de l’application. On y retrouve le score définitif de films vus lors de l’année, le temps consacré au visionnage de films ou encore le réalisateur et l’acteur les plus vus. Se crée alors un facteur d’identification pour les utilisateurs, qui peuvent se regrouper lorsqu’ils ont des statistiques communes (mes proches cités précédemment et moi-même partageons Chantal Akerman comme réalisatrice la plus vue, quelle union !). La rétrospective nous offre aussi les Diary Milestones, les paliers de visionnages tous les 50 films vus, de quoi nous rappeler le système de niveaux des jeux vidéo.

Il serait cependant trop facile d’attacher le succès de Letterboxd à de simples mécanismes incitatifs. Ils y participent sans doute, mais interviennent auprès d’une population dont le visionnage de film est codifié et lié à des normes sociales.

Capture d’écran du Letterboxd Wrapped 2024 de l’utilisateur @louis_crtti

Cinéma et prestige social

La première étape d’édition d’un compte, c’est le choix de ses 4 films préférés. C’est le cœur du profil de l’utilisateur, le premier élément qui apparaît. C’est en voyant ce top qu’on comprend quel cinéphile un utilisateur est. Se met alors en place une difficile curation : comment illustrer ses goûts et prouver son éclectisme avec seulement quatre films ? Parce que le nouveau cinéphile a compris que c’était cette capacité à regarder différents genres de films qui lui procurait du prestige. Le sociologue Richard A. Peterson met cette notion d’éclectisme au cœur de ces recherches2. Exit Bourdieu et sa consommation de culture légitime comme simple vecteur de distinction sociale3. Désormais, les élites se distinguent par un omnivorisme, une capacité à apprécier des objets culturels issus de courants différents. N’est plus in le film-bro qui se cantonne aux films de Scorcese et Coppola, ni l’intellectuel du quartier latin qui regarde en boucle les films de la Nouvelle Vague. Oui, il faut avoir vu la trilogie Le Parrain et Le Mépris, mais pas seulement ! On valorise ceux qui diversifient leurs visionnages, on jalouse celui qui a trouvé LE film étranger indépendant qui n’a bénéficié d’aucune campagne de promotion. Bourdieu, que l’on ne va finalement pas mettre de côté si vite, nous parlait déjà de ce double choix entre distinction et intégration. On se conforme aux normes du champs social cinéphile en ayant vu les grands classiques, puis on s’en distingue en trouvant le moyen de voir ce que les autres n’ont pas vu pour devenir un consommateur précurseur. Dans les deux cas, on cherche à acquérir un capital symbolique, un prestige social.

Une cinéphilie à l’épreuve des nouvelles technologies

En nous basant sur les travaux de l’historien du cinéma Thomas Elsaesser et de leur reprise par le professeur à l’Université des Arts de Londres David McGowan, nous serions actuellement dans une forme de cinéphilie 3.0. Ce qu’Elsaesser appelait cinephilia take one4 (première cinéphilie) correspond à une pratique liée aux salles de cinéma, seul endroit où l’on pouvait voir des films. Ils ne sont donc pas possédés par leurs spectateurs, qui dépendent d’une programmation. Le cinéma est une expérience collective : on voit le film aux côtés d’autres spectateurs, puis on en discute dans les cafés, centres névralgiques de la critique. Arrivent les années 1980 et les VHS. Puis, une vingtaine d’années plus tard, les DVD. Sans abandonner l’expérience de la salle qui reste encore très importantes, les cinéphiles se tournent vers une consommation individuelle, chez eux. Désormais, on possède les films et on ne dépend plus de la programmation des diffuseurs. C’est la cinephilia take two. Ces deux états de la cinéphilie ont été définis en 2005, à une époque où les nouvelles technologies n’ont pas encore révolutionné les méthodes de diffusion. C’est là qu’intervient David MacGowan, qui, en 2024, propose une c5inephilia take three, orientée autour des SMAD. Les consommateurs font face à deux problèmes : l’accessibilité et la possession. Les films ne sont plus totalement possédés et donc constamment accessibles, mais dépendent à nouveau d’une programmation d’un diffuseur. Un paradoxe à une époque de la sur-disponibilité. Un aspect non traité de la cinéphilie 3.0 par David MacGowan est le degré de collectivité de l’expérience. Tout comme les supports physiques, les plateformes font partie du home entertainment, le divertissement à domicile. L’expérience reste, dans la prolongation de la cinephilia take two, individuelle. C’est là que Letterboxd intervient. En tant que réseau social, Letterboxd peut être un vecteur d’une nouvelle expérience cinéphile collective, qui pallierait le problème d’individualité de la consommation de films en streaming. On suit d’autres personnes, on lit et commente leurs reviews : on interagit. De manière plus générale, les réseaux sociaux, les blogs, forums et internet sont, depuis leur création, des lieux de partage de l’expérience cinéphile. Avant même l’arrivée du World Wide Web, existait sur Usernet en 1990 la base de données rec.arts.movies, qui deviendra plus tard IMDB6. Letterboxd serait alors l’aboutissement de cette appropriation de la technologie. En permettant à ses utilisateurs de retrouver tous les films qu’ils ont vus, la plateforme permet également de constituer une bibliothèque numérique et donc de créer une nouvelle forme de possession de ces films.

Ainsi, les mécanismes de gamification mis en place sur Letterboxd fonctionnent car son public est déjà enclin à voir un grand nombre de films. La gamification n’est qu’un mécanisme d’entretien de la plateforme, mais pas de captation d’utilisateurs. Le système de score de films vus ne pourrait être que le reflet de cet éclectisme valorisé au sein de ce groupe social. On voit beaucoup de films car on doit se construire un capital solide, que l’on entretiendra en cherchant de nouveaux chefs d’œuvre. Me voilà déculpabilisé, ma cinéphilie n’est pas vide de toute dimension artistique, bien au contraire ! En 2025 je débloquerai donc le pallier des 350 films vus.

MAILLE Louis

Sources:

  1. Duarte, A. et Bru, S. (2021). La boîte à outils de la gamification. https://doi.org/10.3917/dunod.duart.2021.01. ↩︎
  2. Peterson, R. A. (2004). Le passage à des goûts omnivores : notions, faits et perspectivesSociologie et sociétés36(1), 145–164. https://doi.org/10.7202/009586ar ↩︎
  3. Bourdieu, Pierre. La Distinction. Critique sociale du jugement. Paris, Les Éditions de Minuit, 1979. ↩︎
  4. Elsaesser, Thomas: Cinephilia or the Uses of Disenchantment. In: Valck, Marijke de;Hagener, Malte: Cinephilia. Movies, Love and Memory. Amsterdam: Amsterdam University Press 2005, S. 27-43. DOI: 10.25969/mediarep/11988. ↩︎
  5. McGowan, David. (2023). Cinephilia, take three?: Availability, reliability, and disenchantment in the streaming era. Convergence: The International Journal of Research into New Media Technologies. 30. 10.1177/13548565231210721. ↩︎
  6. Prat, Nico. Il y a 20 ans, IMDb voyait le jour. Rockyrama. ↩︎

Stockton, Mia. Letterboxd’s Spotify Wrapped for films. The Bubble, 12 décembre 2024.

Elon Musk et Donald Trump : Une alliance qui redéfinit le discours politique en ligne


L’ère numérique a profondément transformé la communication politique, et peu de figures illustrent mieux cette mutation qu’Elon Musk et Donald Trump. En prenant le contrôle de Twitter (désormais X), Musk a bouleversé les règles du jeu médiatique, en mettant en avant une conception radicale de la liberté d’expression. Son alliance de plus en plus évidente avec Trump, figure emblématique du populisme américain, suscite des interrogations majeures sur l’avenir du discours politique en ligne et ses conséquences sur la démocratie. Cette dynamique a des répercussions bien au-delà des États-Unis, notamment en Europe, qui tente de se positionner comme un rempart face à cette montée en puissance des discours polarisants et de la désinformation.


Elon Musk et sa vision de la « liberté d’expression »

L’acquisition de Twitter par Elon Musk en octobre 2022 pour 44 milliards de dollars a marqué un tournant dans l’histoire des réseaux sociaux. Se définissant comme un « absolutiste de la liberté d’expression », Musk a rapidement mis en œuvre des réformes radicales : dissolution des équipes de modération, réintégration de comptes bannis, dont celui de Donald Trump, et suppression de nombreuses restrictions sur le contenu.

Toutefois, cette vision idéalisée d’un espace d’expression libre s’est rapidement heurtée à la réalité. Si Musk a prôné une plateforme ouverte à tous, il n’a pas hésité à suspendre des journalistes critiques et à favoriser un climat propice à la diffusion de fausses informations. Son approche sélective de la liberté d’expression, oscillant entre idéalisme libertarien et intérêts économiques, a provoqué une montée des discours polarisants et une multiplication des controverses. Une étude de l’Arxiv a montré que les comptes diffusant des informations erronées ont vu leur portée considérablement augmentée après l’acquisition de Twitter par Musk.

Musk semble s’inspirer de la pensée de John Stuart Mill sur la liberté d’expression, en particulier de son principe selon lequel la confrontation des idées permet de révéler la vérité. Mill défendait un espace de débat ouvert où toutes les opinions pouvaient être exprimées afin de favoriser l’épanouissement intellectuel et démocratique. Cette approche se retrouve dans la philosophie de Musk, qui rejette toute forme de censure au nom de la diversité des points de vue et du droit de chacun à s’exprimer librement.

Seulement pour Mill il existe des limites, notamment lorsque la « liberté d’expression » incite directement à la violence (et non à la haine), ici la critique est acceptable de lors qu’elle ne nuit pas à autrui. La question prédominante de notre débat serait donc : à quelle moment les paroles (sur les réseaux sociaux) deviennent des actes ou non ?


L’émergence du duo Musk/Trump pendant la campagne présidentielle

L’alliance entre Trump et Musk s’est consolidée au fil de la campagne présidentielle américaine de 2024. Ce rapprochement repose sur une stratégie commune : mobiliser leur base de « followers » en exploitant au maximum les réseaux sociaux. En effet, X et Truth Social, la plateforme de Trump, ont joué un rôle clé dans la diffusion massive de contenus visant à discréditer les institutions américaines et à renforcer le sentiment d’injustice parmi les électeurs conservateurs.

Musk, bien que n’occupant pas de poste officiel dans l’administration Trump, est devenu un conseiller influent, notamment sur les questions de dérégulation et de réduction des dépenses fédérales. Ses prises de position politiques se sont multipliées, allant jusqu’à attaquer des dirigeants étrangers et à soutenir des partis d’extrême droite en Europe.

Cette rupture avec le cadre institutionnel traditionnel n’est pas seulement une stratégie électorale ; elle traduit un repositionnement plus profond du débat politique américain. En misant sur la fragmentation et l’indignation permanente, Trump et Musk ont créé un écosystème informationnel où la confrontation directe et le sensationnalisme priment sur la réflexion et l’analyse.


La polarisation du discours et la banalisation des fake news

L’impact de l’alliance Musk-Trump sur le débat public est considérable. La politique de modération allégée de X a ouvert la porte à une explosion des contenus polémiques, des théories du complot et des fausses informations. Selon une étude de NewsGuard, 74 % des contenus les plus viraux lors du conflit entre Israël et le Hamas provenaient de comptes certifiés payants sur X, mettant en évidence les effets pervers de la nouvelle politique de la plateforme.

Trump et Musk ont compris que la provocation et la polarisation captivent l’attention. En inondant l’espace médiatique de déclarations controversées et en attaquant les médias traditionnels, ils ont contribué à la défiance croissante envers les institutions démocratiques et journalistiques. Cette approche, si elle leur est politiquement et économiquement bénéfique, menace le fondement même du débat démocratique en instaurant une guerre permanente de l’information où la vérité devient secondaire au profit du sensationnel.


L’Europe comme « bouclier » face au duo Trump-Musk

Face à cette montée en puissance du discours populiste et de la désinformation, l’Union européenne tente d’adopter une posture défensive. La mise en place du Digital Services Act (DSA) vise à encadrer les plateformes numériques et à responsabiliser leurs propriétaires quant à la diffusion de contenus nocifs. Toutefois, la tâche est ardue, car Musk a ouvertement rejeté les contraintes réglementaires européennes, retirant X du Code de bonnes pratiques contre la désinformation.

L’Europe est directement ciblée par cette offensive idéologique. Musk et Trump ont critiqué les gouvernements européens pour leurs politiques de régulation et de taxation des géants de la tech. Par ailleurs, le soutien affiché de Musk à des figures politiques européennes populistes, telles qu’Alice Weidel en Allemagne, figure de l’AfD, accentue les tensions entre l’Europe et la droite radicale transatlantique.

Certains États membres, comme la Belgique et l’Allemagne, réagissent en menaçant X de sanctions financières sévères en cas de non-respect des réglementations européennes. Une enquête étant en cours pour évaluer comment X amplifie certains contenus et s’il respecte les obligations de transparence imposées par le DSA. Mais la division persistante entre les pays de l’UE et la dépendance économique à l’égard des technologies américaines compliquent la riposte. L’enjeu est de taille : laisser Musk et Trump imposer leur vision du monde numérique, ou affirmer un modèle européen fondé sur la transparence, la responsabilité et la lutte contre la désinformation.

L’un des défis majeurs de l’Europe réside dans sa capacité à faire appliquer ses réglementations. Des enquêtes menées par la Commission européenne sur les pratiques de modération de X ont mis en évidence des failles dans l’application des règles européennes.

La montée de la polarisation et des fake news plonge le peuple dans un état émotionnel intense, favorisant une désignation simpliste de boucs émissaires. Ce phénomène s’inscrit dans un cycle bien documenté de la violence des émotions collectives, étudié par René Girard. Or, cet état d’esprit, largement véhiculé par les réseaux sociaux, va à l’encontre des principes fondateurs des démocraties européennes, qui reposent sur le droit international, la reconnaissance des frontières et des nations, ainsi que sur des régulations juridiques et institutionnelles garantissant une alternative à la loi du plus fort.

Ces principes fondateurs sont fragiles face à la violence émotionnelle des contenus, qui l’emportent souvent sur la rationalité humaine. En effet, les peuples européens n’ont pas toujours conscience de la richesse de ces constructions, régulatrices de la paix en Europe depuis ces 80 dernières années.

Cependant, cette régulation s’annonce difficile pour une Europe politiquement et économiquement affaiblie, ainsi que militairement vulnérable, qui risque ainsi de peiner à s’imposer face aux grandes puissances concurrentes.

Commission européenne, Bruxelles


Conclusion : un modèle de gouvernance en péril ?

L’ascension du duo Trump-Musk soulève des questions cruciales sur l’avenir du discours public et des régulations numériques. En fusionnant leurs influences politiques et économiques, ils ont redéfini les contours du débat démocratique, privilégiant la confrontation et la viralité aux dépens de la véracité et de la délibération rationnelle.

L’Europe, consciente des dangers posés par cette nouvelle ère de communication politique, tente d’opposer une résistance institutionnelle et juridique. Cependant, l’ampleur de l’influence de Trump et Musk, combinée à l’absence d’un front uni au sein de l’UE, rend la tâche difficile.

Renforcer les cadres réglementaires, encourager une transparence accrue des plateformes et promouvoir une éducation aux médias sont autant de leviers à explorer pour limiter l’impact de cette nouvelle ère du débat public.

Julien BOULOC

Sources

Le DSA : Entre ambitions européennes et défis pour les plateformes sociales et vidéos

Adopté pour encadrer les géants du numérique et protéger les utilisateurs européens, le Digital Services Act (DSA) s’impose comme une réglementation phare de l’Union européenne. Mais derrière ce cadre juridique ambitieux, se posent des questions : comment s’applique-t-il concrètement aux plateformes comme TikTok, Meta ou X ? Et ses objectifs peuvent-ils vraiment transformer l’écosystème numérique ?

© Image générée par l’intelligence artificielle Copilot représentant le contrôle de l’Union européenne sur les plateformes sociales et de vidéos.

Une législation ambitieuse : les bases du DSA

Le Digital Service Act (DSA)1, entré en vigueur en 2023, vise à moderniser la régulation des services numériques en Europe. Conçu comme une réponse aux abus des grandes plateformes technologiques, il repose sur trois piliers principaux :

  1. Lutter contre les contenus illicites : en exigeant des mécanismes efficaces de signalement et de suppression des contenus illégaux.
  2. Garantir la transparence : notamment sur les algorithmes de recommandations et les publicités ciblées.
  3. Protéger les utilisateurs : en assurant des recours clairs et en renforçant la lutte contre les abus, notamment pour les mineurs.

Ce texte s’adresse aussi bien aux petites plateformes qu’aux géants technologiques2 , mais il impose des règles particulièrement strictes aux  plateformes dépassant 45 millions d’utilisateurs actifs en Europe. Ces dernières, comme YouTube ou TikTok, doivent répondre à des obligations renforcées sous peine de sanctions pouvant atteindre 6 % de leur chiffre d’affaires mondial.

Un impact concret : les géants de la tech sous pression

© Image libre de droit récupérée sur Unsplash

Des algorithmes sous surveillance

En octobre 2024, la Commission européenne a exigé des comptes détaillés de YouTube, TikTok et Snapchat sur leurs systèmes de recommandations3. Ces plateformes doivent réduire l’opacité de leurs algorithmes afin de comprendre les actions mises en place en matière de protection des mineurs et d’atteinte à la santé mentale des utilisateurs.

La publicité ciblée en ligne de mire

Le DSA oblige également les grandes plateformes à tenir des registres publicitaires accessibles au public pour encadrer les annonces ciblées. Ces bibliothèques doivent recenser des informations clés comme l’identité des annonceurs ou l’objet des publicités.

Pourtant,un rapport de Mozilla et Checkfirst4 montre que plusieurs plateformes, dont Snapchat, et surtout X, peinent à respecter ces obligations. X est notamment critiqué pour l’absence de recherche ou de filtrage, ainsi que pour ses restrictions d’accès aux données.

© Fondation Mozilla/Checkfirst

TikTok et Meta s’en sortent un peu mieux, mais leurs outils restent imparfaits : seulement 83 % des publicités affichées dans le fil « Pour toi » de TikTok et 65 % des publicités sur Facebook sont répertoriées dans leurs bibliothèques d’annonces.

Des exemples concrets des actions du DSA

Meta : Entre abonnements payants pour la publicité et laxisme face à la désinformation  

Pour tenter de se conformer au DSA concernant la publicité ciblée, Meta,  en septembre 2023, a annoncé la possibilité pour les utilisateurs européens de souscrire à un abonnement payant pour éviter les publicités sur Facebook et Instagram5. Les utilisateurs pouvaient choisir de payer environ 10 euros par mois sur ordinateur et 13 euros par mois sur mobile pour une expérience sans publicité. 

Sauf qu’en novembre 2023, Meta a obligé les utilisateurs à choisir entre payer pour éviter les publicités ou accepter le suivi publicitaire pour continuer à utiliser les services gratuitement6.

© Captures BDM

Cette approche, surnommée « Pay or Okay », a été vivement critiquée par les utilisateurs. Une approche qui a constitué, en juillet 2024, par la Commission européenne une violation du DMA7. En effet, cette pratique forçait les utilisateurs à faire un choix binaire entre payer ou consentir au suivi publicitaire, ce qui contrevenait aux règles de consentement libre et éclairé prévues par le RGPD. 

Face à ces critiques, Meta a annoncé, en novembre 2024, une réduction du prix de son abonnement sans publicité, le faisant passer de 9,99 € à 5,99 € par mois sur le web, et de 12,99 € à 7,99 € par mois sur mobile8. Mais elle risque aujourd’hui une amende à hauteur d’un pourcentage de son chiffre d’affaires.

Mais ce n’est pas tout puisqu’en avril 2024, une enquête a été ouverte contre Meta, accusée de ne pas lutter efficacement contre la désinformation et les publicités trompeuses sur ses plateformes9. Meta est accusée de ne pas consacrer suffisamment de ressources à la modération des contenus politiques.
De plus, la fermeture de l’outil CrowdTangle, indicateur de performance des pages Facebook , a suscité des inquiétudes quant à la transparence des actions de Meta.

Mais en réponse à ces accusations, l’entreprise a publié en novembre 2024 une série d’audits réalisés par le cabinet indépendant Ernst & Young (EY) visant à démontrer sa conformité avec le DSA10. Meta assure que plus de 90 % des mesures prises étaient conformes. 

Cependant, l’audit a révélé des lacunes importantes. Par exemple, Meta n’a pas toujours indiqué les raisons du retrait de certaines publicités dans sa bibliothèque publicitaire, limitant ainsi la transparence de ses actions.

X : Première plateforme à être sanctionnée ?

Depuis le rachat de X en octobre 2022 par Elon Musk, il proclame être un fervent défenseur d’une liberté d’expression sans entrave. X a alors adopté une approche largement permissive en matière de modération. De plus, mai 2023, X a officiellement quitté le Code des Bonnes Pratiques contre la désinformation, un engagement volontaire signé par plusieurs grandes plateformes pour endiguer les contenus trompeurs et haineux. Ce retrait a suscité des inquiétudes au sein de la Commission européenne, d’autant plus que la plateforme a vu proliférer des bots.11

En octobre 2024, l’Union européenne a officiellement averti X en rappelant qu’en cas de non-conformité pourraient inclure des amendes allant jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires annuel mondial de la plateforme12. En parallèle, des voix ont évoqué la possibilité d’étendre les sanctions à d’autres entreprises détenues par Elon Musk, telles que SpaceX, Neuralink, et The Boring Company, dans le but de garantir une conformité totale au DSA13.

Mais un nouvel élément est venu complexifier la situation. Elon Musk a récemment affiché son soutien au parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) en Allemagne14. Cette posture a alarmé les autorités européennes, qui s’interrogent sur l’utilisation de la plateforme pour influencer l’opinion publique, particulièrement à l’approche des élections allemandes. Les régulateurs craignent que X ne devienne un vecteur de désinformation et de manipulation politique, en amplifiant les discours polarisants et en négligeant ses responsabilités de modération. Soutien qu’il a réaffirmé le 25 janvier 2025 en intervenant en visioconférence stipulant que l’extrême droite était “le meilleur espoir pour l’Allemagne »

©AFP

La Commission européenne envisage des mesures plus radicales, telles qu’une suspension temporaire ou permanente des services de X sur le territoire européen . À l’instar du Brésil, il y a plusieurs mois15.

TikTok : La suppression de son programme TikTok Lite pour se conformer 

En 2023,  TikTok a annoncé une série de mesures pour se conformer au DSA16 notamment en permettant aux utilisateurs de signaler les contenus illégaux et en désactivant la personnalisation du fil « Pour toi ».

Mais il semblerait que ces différentes actions n’ont pas convaincu les instances européennes puisqu’en février 2024 le DSA a ouvert une enquête contre de possibles infractions17 notamment pour la protection des enfants et adolescents. En effet, TikTok est épinglée pour sa conception jugée addictive, notamment à travers des mécanismes incitant les jeunes utilisateurs à prolonger leur temps d’écran. (Programme TikTok Lite) Le DSA estime aussi que TikTok manque de transparence publicitaire et exige la mise en place d’un répertoire public des publicités diffusées sur la plateforme. 

En réponse au DSA, TikTok a ouvert un centre de transparence en Europe, plus précisément à Dublin, ouvert à la presse internationale pour la première fois18. L’objectif pour la plateforme est d’obtenir la confiance des autorités de régulations et de l’opinion publique. 

En août 2024, pour répondre aux critiques à l’égard de son concept jugé trop addictif, notamment pour TikTok Lite. Programme qui incitait les utilisateurs à passer plus de temps sur la plateforme en les récompensant avec de la monnaie virtuelle convertible en cartes-cadeaux. TikTok a donc annoncé le retrait définitif de son programme dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne19. Aujourd’hui la page TikTok destiné à ce programme affiche une “page erreur 404”20

© Capture d’écran de la page « TikTok Lite » sur le site de TikTok.

Un bilan contrasté : le DSA, entre succès et limites

Un an après l’entrée en vigueur du DSA, le bilan révèle une mise en œuvre progressive, mais encore incomplète. Alan Walter, avocat spécialisé, observe que « la plupart des acteurs ont essayé de rentrer dans le rang », mais souligne également les défis financiers et humains que cette mise en conformité engendre.21

Si ces premières actions marquent une volonté de contrôle accru, certaines critiques émergent : les obligations de modération imposées par le DSA suscitent des craintes sur leur impact potentiel sur la liberté d’expression, un équilibre délicat à préserver22.

Alors que les acteurs numériques s’adaptent progressivement, l’avenir du DSA dépendra de sa capacité à évoluer avec un secteur technologique en constante mutation. Une question demeure : comment articuler des règles strictes sans entraver l’innovation ni restreindre des droits fondamentaux comme la liberté d’expression ?

Paul Rottement

Références

  1. https://www.vie-publique.fr/eclairage/285115-dsa-le-reglement-sur-les-services-numeriques-ou-digital-services-act ↩︎
  2. https://www.blogdumoderateur.com/dsa-liste-geants-tech-nouveau-reglement-euopeen/ ↩︎
  3. https://siecledigital.fr/2024/10/04/la-commission-europeenne-met-la-pression-sur-youtube-snapchat-et-tiktok-pour-conformite-a-la-legislation/ ↩︎
  4. https://www.blogdumoderateur.com/dsa-geants-tech-manquent-transparence-publicitaire/ ↩︎
  5. https://www.blogdumoderateur.com/meta-abonnement-sans-publicite-facebook-instagram/ ↩︎
  6. https://www.blogdumoderateur.com/instagram-choisir-payer-ou-accepter-publicite/ ↩︎
  7. https://www.blogdumoderateur.com/abonnement-sans-publicite-meta-violation-dma-selon-ue/ ↩︎
  8. https://www.blogdumoderateur.com/meta-reduit-prix-abonnement-sans-publicite-dma/ ↩︎
  9. https://www.blogdumoderateur.com/lutte-desinformation-meta-enquete-ue/ ↩︎
  10. https://www.blogdumoderateur.com/meta-publie-audits-dsa/ ↩︎
  11. https://www.lexgo.be/fr/actualites-et-articles/13861-le-dsa-face-a-x-twitter ↩︎
  12. https://siecledigital.fr/2024/07/08/la-premiere-plateforme-sanctionnee-au-nom-du-dsa-sera-t-elle-x/ ↩︎
  13. https://www.euractiv.fr/section/plateformes/news/dsa-la-commission-etend-son-enquete-a-lencontre-de-x/ ↩︎
  14. https://www.euractiv.fr/section/plateformes/news/dsa-la-commission-etend-son-enquete-a-lencontre-de-x/ ↩︎
  15. https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/09/03/la-cour-supreme-du-bresil-confirme-la-suspension-du-reseau-social-x_6302769_4408996.html ↩︎
  16. https://newsroom.tiktok.com/fr-fr/dsa-day-1 ↩︎
  17. https://www.euractiv.fr/section/plateformes/news/protection-des-mineurs-la-commission-europeenne-ouvre-une-enquete-contre-tiktok/ ↩︎
  18. https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/obtenir-la-confiance-prend-du-temps-tiktok-mise-sur-ses-centres-de-transparence-pour-tenter-de-redorer-son-image-20241202 ↩︎
  19. https://www.arcom.fr/presse/retrait-du-programme-tiktok-lite-au-sein-de-lunion-europeenne-larcom-salue-la-mise-en-oeuvre-du-reglement-sur-les-services-numeriques-en-matiere-de-protection-des-mineurs-en-ligne ↩︎
  20. https://support.tiktok.com/fr/using-tiktok/exploring-videos/tiktok-lite-app ↩︎
  21. https://www.blogdumoderateur.com/alan-walter-bilan-dsa/ ↩︎
  22. https://www.village-justice.com/articles/reglement-sur-les-services-numeriques-dit-dsa-menace-liberte-expression-sur-les,51032.html ↩︎

Les ReelShort : Une révolution du divertissement ou un effet de mode éphémère ?

Les ReelShort, ces mini-séries au format ultra-court (moins de 90 secondes), connaissent un succès fulgurant aux États-Unis. S’inspirant des dynamiques de TikTok, Instagram Reels ou YouTube Shorts, ce concept développé par Crazy Maple Studio associe narration captivante, stratégie de production optimisée, et intégration publicitaire ingénieuse. Pourtant, malgré leur popularité incontestable, ces séries soulèvent des questions quant à leur pérennité et leur contribution réelle à l’évolution des formats narratifs. Représentent-elles une avancée dans le divertissement ou une tendance éphémère répondant à des habitudes de consommation spécifiques ?

Une Stratégie de Production Astucieuse

La force d’un storytelling efficace

Les ReelShort doivent leur succès à un storytelling conçu pour captiver dès les premières secondes. Crazy Maple Studio, fort de son expérience avec l’application interactive Chapters, propose des intrigues simples et percutantes, articulées autour de thèmes universels tels que l’amour, le suspense ou les dilemmes quotidiens.Ces récits sont conçus pour s’adapter au format ultra-court en maximisant l’intensité émotionnelle et narrative sur une durée limitée, permettant aux spectateurs d’être immédiatement immergés.

Une production optimisée, mais minimaliste

Avec des budgets moyens de 300 000 dollars par série, Crazy Maple Studio fait preuve d’une remarquable efficacité. En employant de petites équipes et des acteurs émergents, la société parvient à produire des contenus visuellement attractifs à moindre coût.

Un Format Conçu pour un Public Connecté

Les ReelShort s’adressent principalement à une audience jeune, féminine et mobile, en proposant un contenu adapté à leur rythme de vie rapide et multitâche. Les caractéristiques principales de ce format incluent :

  • Une durée réduite : Chaque épisode, de moins de 1 minute 30, est conçu pour s’intégrer dans des moments de transition, comme les pauses ou les trajets en transports.
  • Un visionnage optimisé pour le mobile : Le format vertical s’aligne sur les habitudes de consommation des plateformes sociales.

Toutefois, cette stratégie n’est pas sans inconvénient. Le format ultra-court, bien que pratique, restreint considérablement la richesse narrative et le développement des personnages. De plus, le format vertical, parfois critiqué comme moins immersif, pourrait rebuter certains spectateurs habitués à des expériences plus traditionnelles, comme celles offertes par le cinéma ou les séries classiques.

ReelShort vs Quibi : Une Comparaison Éclairante

Le succès des ReelShort est souvent comparé à l’échec retentissant de Quibi, une plateforme de streaming lancée en 2018 dédiée aux formats courts, disparue après seulement six mois d’existence. Si les deux concepts partagent certaines similitudes, leurs stratégies diffèrent significativement :

  • Un modèle économique flexible : Contrairement à Quibi, qui reposait uniquement sur un abonnement payant, ReelShort adopte un modèle freemium. Les utilisateurs peuvent visionner gratuitement quelques épisodes avant de choisir entre regarder des publicités ou payer pour débloquer le reste de la série.
  • Une meilleure intégration aux codes des réseaux sociaux : Quibi avait une approche trop rigide, limitée à une expérience mobile exclusive, tandis que ReelShort s’adapte aux attentes des utilisateurs de TikTok ou Instagram, en rendant ses contenus plus flexibles et accessibles sur divers supports.
  • Une gestion des coûts maîtrisée : Là où Quibi investissait massivement dans des stars et des productions coûteuses, ReelShort privilégie des productions à budget réduit, misant sur la simplicité et l’efficacité.

Si ReelShort a su éviter les erreurs de Quibi, son avenir dépendra néanmoins de sa capacité à maintenir sa pertinence dans un marché où les attentes des utilisateurs évoluent rapidement.

Un complément au divertissement traditionnel, mais pas un remplaçant

Joey Jia, le CEO de l’application ReelShort, précise que les ReelShorts ne prétendent pas rivaliser avec le cinéma ou les séries classiques. Leur objectif est de répondre à des besoins spécifiques : offrir des contenus rapides et légers, adaptés aux courtes pauses et à un public en mouvement. Cette complémentarité les place davantage en concurrence avec TikTok ou YouTube qu’avec Netflix ou Disney+. Toutefois, cette position comporte des risques. En misant principalement sur l’instantanéité et le contenu de consommation rapide, ReelShort pourrait négliger une opportunité de revaloriser les formats courts comme une forme narrative à part entière.

Une tendance prometteuse, mais à surveiller

Les ReelShort incarnent une réponse audacieuse aux nouvelles habitudes de consommation. Leur capacité à raconter des histoires captivantes en quelques secondes, tout en maximisant leur visibilité sur les réseaux sociaux, en fait un modèle innovant et séduisant. Cependant, leur succès repose sur une logique fragile : le contenu rapide et léger pourrait finir par lasser un public plus exigeant, et la concurrence croissante nécessite une constante évolution. Si Crazy Maple Studio parvient à relever ces défis, les ReelShort pourraient bien s’imposer comme une nouvelle norme du divertissement mobile. Dans le cas contraire, ils risquent de devenir un simple phénomène de mode, rapidement éclipsé par des formats plus pérennes.

SAKIC Artemia

Vins et réseaux sociaux : comment les marques contournent la loi Évin pour séduire les jeunes

Alors que la consommation d’alcool est en baisse chez les jeunes et que les boissons sans alcool gagnent en popularité, les marques de vins et spiritueux doivent redoubler d’ingéniosité pour attirer une nouvelle génération de consommateurs. Entre les contraintes imposées par la loi Évin et la baisse de la consommation les marque doivent s’adapter. Mais ces pratiques ne sont pas sans risque, notamment en raison de l’exposition des jeunes à des messages subtils incitant à la consommation.

Dans cet article, nous allons plus particulièrement nous intéresser aux stratégies mises en place pour la promotion du vin.

Un cadre légal contraignant

La publicité pour les boissons alcoolisées est strictement encadrée par la loi Évin depuis 1991. Elle interdit toute publicité à la télévision et au cinéma et impose des restrictions drastiques à l’affichage, à la presse écrite et à la radio. Seuls des contenus à caractère informatif sont autorisés, et toute incitation à la consommation est prohibée. Le parrainage d’émissions télé ou radio est également interdit.

Depuis 2009, la publicité en ligne pour l’alcool est autorisée, offrant ainsi de nouvelles opportunités aux alcooliers. Contrairement aux médias traditionnels, le numérique est bien plus difficile à réguler. Les réseaux sociaux, notamment, échappent largement aux contrôles. C’est ainsi que, depuis quelques années, les marques ont déplacé une bonne partie de leurs investissements vers le digital. Ici, aucune contrainte horaire, aucun jour interdit, et une grande liberté en termes de formats et de créativité.

Les réseaux sociaux, un eldorado pour le vin

Sur les réseaux sociaux, l’alcool est largement présent. Selon un rapport d’Addictions France, 79 % des jeunes de 15 à 21 ans sont exposés chaque semaine à des contenus qui valorisent sa consommation. Un chiffre qui montre à quel point les marques d’alcool ont investi ces plateformes pour séduire une nouvelle génération.

Leur stratégie est bien rodée : plutôt que d’afficher directement leurs produits comme dans une publicité classique, elles s’appuient sur des influenceurs qui intègrent naturellement l’alcool dans leur quotidien. Ces créateurs de contenu, souvent suivis par un public jeune, montrent un verre de vin lors d’un dîner entre amis, un cocktail lors d’une soirée d’été ou encore une dégustation en voyage. Ce type de communication a pour objectif de normaliser la consommation et l’associer à un mode de vie attractif, loin des messages de prévention sur les risques liés à l’alcool.

Et les chiffres confirment cette tendance. En 2023, toujours selon le rapport d’Addictions France, plus de 11 300 contenus faisant la promotion de l’alcool ont été identifiés sur les réseaux sociaux, impliquant plus de 800 marques et 483 influenceurs. La récente loi du 9 juin 2023 sur les influenceurs encadre les pratique promotionnels mais n’interdit pas les publicités liées à l’alcool.

Ainsi, les marques exploitent les codes du digital. Elles sponsorisent des influenceurs, qui eux-mêmes participent à des événements populaires où l’alcool est présent. Certaines collaborations sont assumées, comme celle entre SCH et la marque Féfé pour un cocktail au cognac, ou encore Lady Gaga avec Dom Pérignon. D’autres sont plus implicites : des influenceurs « lifestyle » partagent du contenu où l’alcool est intégré naturellement, tandis que des YouTubers comme McFly et Carlito ont récemment été rappelés à l’ordre pour leurs vidéos de dégustations d’alcool.

En 2024 c’est l’influenceuse Anna RVR, qui s’est vu condamné à 3 000€ d’amende avec sursis pour « publicité illégale pour une boisson alcoolique ». En effet, celle-ci avait proposé à la vente, en juillet 2022, un kit « Rosé Moment » en partenariat avec les vins Côtes des Roses de Gérard Bertrand.

Les influenceurs vins, une stratégie plus sûre ?

Désormais, les domaines viticoles reconnus évitent les influenceurs lifestyle et se tournent vers des créateurs spécialisés dans le vin. Pourquoi ce choix ? D’abord parce que ces influenceurs touchent une audience plus qualifiée : les amateurs de vin. Ensuite, parce qu’ils sont perçus comme des figures de confiance. Beaucoup sont diplômés ou en cours de formation dans le domaine oenologique notamment.

Prenons l’exemple de @rougeauxlevres, une influenceuse vin. Margot, est animatrice d’un club oenologique à Paris et Bordeaux, entre articles, newsletter et organisation de dégustations, la parisienne propose un contenu varié. C’est sur son compte Instagram qu’elle anime sa communauté et notamment à travers des posts comme des jeux concours en partenariat avec des domaines viticoles. A titre d’exemple, le 18 décembre dernier, @rougeauxlevres a proposé un jeu concours avec le vignoble Jacques Frelin en mettant en jeu « un lot exceptionnel de 12 bouteilles de Pinot Noir bio ».

Ce qui interpelle ici, c’est l’absence de mentions légales, notamment la phrase : « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. » Pourtant, la loi Évin impose cette mention sur toute publicité liée à l’alcool. Or, un jeu concours est considéré comme une loterie publicitaire selon la section 9 du Titre II du Code de la consommation, et doit donc respecter les mêmes obligations qu’une publicité classique.

En théorie, ce post aurait donc dû afficher cet avertissement. Mais sur les réseaux sociaux, le cadre légal semble bien plus souple, faute de régulation efficace. Il est donc difficile de surveiller chaque publication, surtout lorsque les marques passent par des influenceurs, rendant le contournement des règles d’autant plus discret.

Quand les marques deviennent des médias

Le marketing du vin ne se limite plus seulement aux partenariats avec des influenceurs. Ces dernières années, les marques et domaines viticoles ont investi massivement les réseaux sociaux, au point de devenir de véritables médias à part entière. Finies les simples publications promotionnelles sur leurs bouteilles : aujourd’hui, ils produisent du contenu immersif et éducatif, qui va bien au-delà de la publicité traditionnelle.

Sur Instagram, TikTok ou YouTube, de nombreux domaines partagent les coulisses de leur production, mettent en avant le travail des vignerons et racontent l’histoire de leurs maisons. Les formats courts comme les Reels et TikTok permettent de démocratiser le vin auprès d’un public plus jeune et curieux, en abordant des sujets variés : comment déguster un vin, quel verre utiliser, ou encore quelles sont les subtilités des cépages. Ces contenus mêlent pédagogie et storytelling, avec un ton plus accessible et engageant que les médias traditionnels.

Cette stratégie leur permet non seulement de contourner les restrictions de la loi Évin, mais aussi de créer une véritable communauté autour de leur marque. Les consommateurs ne se contentent plus d’acheter une bouteille : ils suivent l’évolution d’un domaine, découvrent ses méthodes de vinification et interagissent directement avec les producteurs. Certains vignobles vont encore plus loin en organisant des lives interactifs, des FAQ avec des sommeliers, voire des masterclass en ligne.

En transformant leur communication en média éducatif et immersif, les domaines viticoles s’assurent une visibilité durable et fidélisent une nouvelle génération d’amateurs de vin, bien au-delà d’une simple publicité.

Une réglementation à la traîne

Face à ces nouvelles stratégies, la réglementation peine à suivre. La loi du 9 juin 2023 sur les influenceurs a posé un cadre, mais elle ne remet pas en cause la promotion de l’alcool. Du côté des plateformes, les règles restent floues. Instagram, TikTok et Snapchat interdisent théoriquement la publicité pour l’alcool aux mineurs, mais dans les faits, le contrôle est quasi inexistant. L’âge déclaré par les utilisateurs est rarement vérifié, laissant ainsi la porte ouverte à une exposition massive des plus jeunes.

Pour l’instant, aucune mesure concrète n’a été prise pour adapter la réglementation aux réalités du marketing digital. Mais alors que la consommation d’alcool chez les jeunes tend à diminuer, les marques, elles, ne cessent de redoubler d’inventivité pour séduire cette cible. Un bras de fer qui risque de durer encore longtemps.

GAUTIER Solène


Sources

actionsaddictions. « ALCOOL / Quelles sont les techniques marketing des alcooliers et comment lutter contre ? » Addict Aide – Le village des addictions, 15 mai 2017. https://www.addictaide.fr/alcool-quelles-sont-les-techniques-marketing-des-alcooliers-et-comment-lutter-contre/.

Brelier, Edwige. « L’essor de la communication autour du vin ». JUPDLC (blog), 6 novembre 2023. https://jai-un-pote-dans-la.com/communication-vin/.

« Différence entre un jeu, un concours, une loterie et une tombola ». Consulté le 31 janvier 2025. https://www.winbuz.com/concours/difference-jeu-concours.html.

France Inter. « Comment les industriels de l’alcool poussent les jeunes à la consommation sur les réseaux sociaux », 26 septembre 2024. https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-info-de-france-inter/l-info-de-france-inter-3991220.

« La consommation d’alcool et ses conséquences en France en 2023 | OFDT ». Consulté le 31 janvier 2025. https://www.ofdt.fr/publication/2024/la-consommation-d-alcool-et-ses-consequences-en-france-en-2023-2437.

« Les influenceurs, nouveaux VRP du vin ». Consulté le 31 janvier 2025. https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2024/07/15/les-influenceurs-nouveaux-vrp-du-vin_6250038_4497319.html.

« L’essor de la communication autour du vin ». Consulté le 31 janvier 2025. https://jai-un-pote-dans-la.com/communication-vin/.

« L’industrie de l’alcool crée le buzz grâce au marketing digital – Toast Studio ». Consulté le 31 janvier 2025. https://www.toaststudio.com/articles/lindustrie-de-lalcool-cree-le-buzz-grace-au-marketing-digital/.

« “Marketing de l’alcool” : comment les réseaux sociaux poussent-ils les jeunes à la consommation ? » Consulté le 31 janvier 2025. https://www.sudouest.fr/economie/reseaux-sociaux/marketing-de-l-alcool-comment-les-reseaux-sociaux-poussent-ils-les-jeunes-a-la-consommation-21530938.php.

« Promotion de l’alcool : les dérives du marketing sur les réseaux sociaux ». Consulté le 31 janvier 2025. https://addictions-france.org/actualites/promotion-de-lalcool-les-derives-du-marketing-sur-les-reseaux-sociaux-10718/.

Swarte, Marie Seignol de. « Les 6 influenceurs vin en France à suivre en 2024 ». Meltwater, 14 février 2023. https://www.meltwater.com/fr/blog/influenceurs-vin.

Hollywood au tribunal du hashtag : la cancel culture, entre justice populaire et lynchage moderne ?

Du « politiquement correct » à la « cancel culture », l’ère du hashtag a profondément transformé la façon dont nous percevons et discutons la culture. La cancel culture, même si elle apparaît comme une nouvelle forme de justice, reste cependant incontrôlable : elle ne s’organise autour d’aucun juge ou jury, et rien ne garantit donc la justesse de ses sentences. À la faveur des réseaux sociaux, des mouvements comme #MeToo ou #OscarSoWhite ont offert un puissant échos à des voix longtemps ignorées, tout en instaurant une vigilance inédite sur les œuvres, leurs créateurs et les représentations qu’ils véhiculent. Dans ce nouveau paysage hollywoodien, où un simple # peut enclencher un boycott, Hollywood se retrouve au cœur d’un débat brûlant entre responsabilité et liberté de création. Faut-il y voir un élan de justice sociale ou une forme de lynchage moderne ?

Comprendre la « cancel culture » dans le cinéma étasunien

La « cancel culture » est, à première vue, un phénomène contemporain : ce terme est brandi dès qu’un artiste, une personnalité médiatique ou une institution adopte un comportement jugé inapproprié, les médias sociaux s’enflamment et une partie des utilisateurs appellent au boycott ou à l’exclusion. Historiquement, des modes de protestation collective (boycotts, manifestations) ont permis à des groupes marginalisés de faire valoir leurs droits, en parallèle des voies juridiques. Les réseaux sociaux ont simplement décuplé la puissance de ces stratégies en rendant chaque scandale instantanément international.

L’industrie du cinéma est un terrain favorable à cette dynamique pour plusieurs raisons. D’abord, les figures hollywoodiennes jouissent d’une exposition médiatique hors du commun : un scandale lié à une personnalité connue se diffuse en quelques heures à l’échelle mondiale. Ensuite, la logique de public shaming (mise au pilori) n’a rien de nouveau. Mais les réseaux sociaux — Twitter, TikTok, Instagram — ont démultiplié l’effet de masse et la visibilité de ces campagnes, obligeant les studios à réagir très vite pour préserver leur image.

Par ailleurs, le mouvement #MeToo a démontré qu’Hollywood pouvait longtemps fermer les yeux sur des comportements inappropriés ou criminels. Les révélations successives telles que les affaires Weinstein ont nourri chez le public un sentiment d’urgence morale : désormais, toute accusation peut donner lieu à une réaction virulente en ligne, parfois avant même que la véracité des informations puisse être prouvée.

Aujourd’hui, nombreuses sont les illustrations montrant la façon dont les studios, soucieux de garantir leurs images et la pérennité de leurs projets, se plient souvent à la pression du public. En 2022, l’actrice américaine Gina Carano1 : de la série de Disney+ The Mandalorian, a été écartée par Lucasfilm en quelques heures seulement, à la suite d’une story Instagram, dans laquelle elle comparait le sort des républicains américains (pro-Trump) à celui des juifs durant la Shoah.

L’opinion publique face aux grands studios

Les majors (Disney, Warner Bros., Netflix…) sont désormais hyper attentives à leurs « risques réputationnels ». Les contrats des artistes incluent souvent des clauses de moralité : si un acteur se retrouve associé à des faits graves tel qu’une agression ou des propos discriminatoires la collaboration peut être rompue pour protéger la marque. L’exemple de Kevin Spacey, accusé d’agressions sexuelles, évincé de House of Cards, et remplacé en urgence dans All the Money in the World, a montré que nul n’est irremplaçable face à la pression publique.

Au-delà de ces mesures drastiques, les studios recourent à d’autres stratégies. Ils n’hésitent plus à contextualiser leurs anciens contenus : Disney+ avertit ainsi sur Dumbo ou Les Aristochats de la présence de clichés racistes ou datés. Certains films sont reportés ou retouchés pour minimiser la polémique.

Parfois, les polémiques sont telles que les calendriers de sortie se retrouvent chamboulés. Le cas du film The Hunt2 illustre d’ailleurs une situation où la « cancel culture » ne se limite pas à un seul bord de l’opinion. Perçu par certains comme une satire politique trop violente — avec, entre autres, une idée que les libéraux chassent des conservateurs —, The Hunt a cristallisé de vives réactions dans un contexte déjà tendu aux États-Unis. Cette levée de boucliers n’est pas venue uniquement de militants progressistes à qui on attribue la création de la cancel culture, mais aussi de franges conservatrices outrées par la représentation qu’elles jugeaient caricaturale et hostile. Universal a alors choisi de reporter la sortie du film, craignant un backlash qui aurait pu nuire à la fois aux recettes et à l’image du studio.

L’influence sur la carrière des artistes et la création

La « cancel culture » a des conséquences immédiates sur la trajectoire des personnalités concernées. La réputation peut s’effondrer en quelques heures, rendant un artiste soudainement jugé comme répréhensible. Par contraste, certains réussissent un retour en grâce : James Gunn, renvoyé par Disney après des tweets polémiques, a été finalement réembauché grâce au soutien massif de fans et de stars.

Cette polarisation de l’opinion impacte aussi la création : par peur d’un prochain « bad buzz », les scénaristes et producteurs s’autocensurent parfois. Les sujets politiques, religieux ou raciaux trop sensibles peuvent être édulcorés, voire évités. Marvel, de son côté, a promis de « réécrire » en partie l’histoire de la super-héroïne israélienne Sabra dans le prochain Captain America : Brave New World, afin de désamorcer la polémique liée à son affiliation au Mossad.

Pourtant, l’exigence de diversité et d’inclusion a parfois des effets positifs : la pression du public pousse Hollywood à se montrer plus vigilant, à apporter des rôles plus variés et mieux représentés.

Quelle différence entre cancel culture et harcèlement ?

Le procès pour diffamation entre d’Amber Heard intenté par Johnny Depp, son ex-compagnon, illustre parfaitement comment la « cancel culture » peut être utilisée afin de forcer les studios à suivre ce qui leur apparaît comme l’opinion publique. Malgré le fait qu’il soit avéré qu’elle soit victime de  violences conjugales, l’actrice s’est retrouvée au cœur d’une campagne3 de cancel virulente, notamment sur Twitter et TikTok. Cette hostilité, pour partie orchestrée et amplifiée par de faux comptes sur les réseaux souligne un schéma de manipulation intentionnelle sur Twitter pour mettre fin à la carrière de l’actrice. Plus de 600 comptes étaient dédiés exclusivement à poster du contenu négatif à l’encontre d’Amber Heard, recourant parfois à des techniques délibérées (telles que l’utilisation de fautes d’orthographe dans les hashtags) afin de tromper l’algorithme de Twitter et amplifier le sentiment hostile. Ces comptes encourageaient notamment à la suppression du rôle de l’actrice dans la suite de la saga Aquaman. En pratique, cette campagne de boycott a contribué à noircir l’image publique du film, mais surtout la présence d’Amber Heard.

Face à cette hostilité, le studio s’est retrouvé dans une position délicate : la question de la pérennité du rôle de Mera (incarné par Heard) a plusieurs fois été posée, et de nombreuses séquences mettant en scène l’actrice auraient été coupées ou réduites. En somme, même si Aquaman 2 n’a pas été officiellement reprogrammé ou retiré, la campagne de cancel orchestrée par ces faux comptes a alimenté une surenchère médiatique qui a pesé lourdement sur la réputation et l’anticipation du film avant même sa sortie.

Entre responsabilisation et lynchage

La « cancel culture » cristallise un profond clivage. Pour ses défenseurs, il s’agit d’un mécanisme puissant de responsabilisation : il met fin à l’impunité dont bénéficiaient des figures publiques, encourageant une prise de conscience dans les milieux du pouvoir (studios, festivals, institutions). Par cette action collective, des victimes autrefois contraintes au silence peuvent être entendues.

Toutefois, la viralité de ce phénomène le rend difficile à contrôler. Sur Twitter, TikTok ou Instagram, un hashtag peut se transformer en véritable traque, sans qu’aucun juge ni jury n’examine les faits. Les accusations non vérifiées prolifèrent et débouchent sur une radicalisation du débat où la moindre nuance disparaît. Comme le montre une étude du Pew Research Center4, les Américains sont eux-mêmes partagés : une partie y voit un levier nécessaire d’“accountability”, d’autres dénoncent un outil punitif parfois infondé.

Pour l’industrie cinématographique, naviguer entre ces attentes et la liberté d’expression relève de l’équilibrisme. Un « bad buzz » peut nuire à la billetterie, mais une censure trop visible peut aussi irriter un public attaché à la création sans entraves. Finalement, ce sont souvent les spectateurs, par leur consommation ou leur boycott, qui valident ou non, les décisions prises. Reste à savoir si ce nouveau rapport de force conduira à davantage de justice sociale ou à un climat d’angoisse, où l’autocensure et la suspicion seraient la règle.

L’ère de la « cancel culture » révèle à quel point la culture hollywoodienne est désormais soumise au tribunal d’internet, sans garantie d’équité ni de modération impartiale. Bien qu’elle puisse permettre de dénoncer des abus autrefois étouffés, sa dynamique incontrôlable fait craindre une dérive vers le lynchage en ligne, alimentée par l’émotion et la viralité. Entre responsabilité légitime et risque d’excès, les studios et le public tentent de réinventer un équilibre dans lequel la parole des victimes est enfin entendue, sans pour autant sacrifier la liberté de création et le discernement. Le cinéma, ce miroir de nos tensions sociales, doit désormais composer avec une culture du hashtag qui rebat les cartes du pouvoir et de la légitimité.

GUEGUEN Juliette

  1. francetvinfo (2022, January). “Gina Carano : ex-actrice de l’univers Star Wars poursuit Disney pour licenciement abusif”.
    https://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/star-wars/gina-carano-ex-actrice-de-l-univers-star-wars-poursuit-disney-pour-licenciement-abusif_6350644.html
    ↩︎
  2.  Télérama (2021). “The Hunt”, le film qui a ulcéré (à tort) Donald Trump et les réacs américains.
    https://www.telerama.fr/cinema/the-hunt-le-film-qui-a-ulcere-a-tort-donald-trump-et-les-reacs-americains-6655057.php
    ↩︎
  3. Dellatto, M. (2022, July 18). “Anti-Amber Heard Twitter Campaign One Of ‘Worst Cases Of Cyberbullying,’ Report Says.” Forbes.
    https://www.forbes.com/sites/marisadellatto/2022/07/18/anti-amber-heard-twitter-campaign-one-of-worst-cases-of-cyberbullying-report-says/
    ↩︎
  4. Anderson, M., Vogels, E. A., Porteus, M., Baronavski, C., Atske, S., McClain, C., Auxier, B., Perrin, A., & Ramshankar, M. (2021, May 19). “Americans and ‘Cancel Culture’: Where Some See Calls for Accountability, Others See Censorship, Punishment.” Pew Research Center.
    https://www.pewresearch.org/internet/2021/05/19/americans-and-cancel-culture-where-some-see-calls-for-accountability-others-see-censorship-punishment/ ↩︎

Sources

Anderson, M., Vogels, E. A., Porteus, M., Baronavski, C., Atske, S., McClain, C., Auxier, B., Perrin, A., & Ramshankar, M. (2021, May 19). Americans and ‘Cancel Culture’: Where Some See Calls for Accountability, Others See Censorship, Punishment. Pew Research Center.
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https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/07/08/mark-lilla-margaret-atwood-wynton-marsalis-notre-resistance-a-donald-trump-ne-doit-pas-conduire-au-dogmatisme-ou-a-la-coercition_6045547_3232.html

Lofton, K. (2022). Cancel Culture. The Yale Review.
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https://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/cesar/cesar-2020-comment-l-onde-de-choc-du-prix-decerne-a-roman-polanski-secoue-le-cinema-francais_3850051.html

francetvinfo (2022, January). Gina Carano : ex-actrice de l’univers “Star Wars” poursuit Disney pour licenciement abusif.
https://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/star-wars/gina-carano-ex-actrice-de-l-univers-star-wars-poursuit-disney-pour-licenciement-abusif_6350644.html

L’essor des shops intégrés : TikTok et YouTube en tête de l’innovation digitale

Shutterstock : Image libre de droit, collectée le 27 janvier 2025

En 2023, TikTok rassemble 1,6 milliard d’utilisateurs, tandis que YouTube atteint 2,5 milliards d’utilisateurs connectés chaque mois, selon les données de Hootsuite et We Are Social. Ces deux plateformes dominent les usages et la consommation audiovisuelle grâce à une diversité quasi infinie de contenus et une expérience utilisateur interactive. Pourtant, elles sont en constante évolution.

Avec l’intégration de shops directement au sein de leur écosystème, TikTok et YouTube amorcent une mutation profonde : de simples réseaux sociaux, elles tendent à devenir de véritables marketplaces hybrides. Une évolution qui transforme leur rôle et redessine les frontières entre divertissement et consommation, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle ère dans l’économie numérique.

À l’origine du succès : Le modèle initial de TikTok et YouTube

TikTok, lancé sous le nom de Musical.ly, s’est rapidement imposé comme un acteur incontournable des réseaux sociaux grâce à ses vidéos courtes, simples et spontanées. Sa recette ? Un algorithme redoutablement efficace qui propulse des créateurs inconnus sous les projecteurs, atteignant parfois des millions de vues en quelques heures. Cette mécanique a non seulement conquis un public jeune, mais aussi permis l’émergence d’une nouvelle génération d’influenceurs, plaçant TikTok au cœur des tendances.

De l’autre côté, YouTube, créé en 2006, a démocratisé la création vidéo bien avant l’arrivée de TikTok. Sa bibliothèque immense, capable de satisfaire tous les goûts et toutes les tranches d’âge, reste une référence incontournable pour des milliards d’utilisateurs. Contrairement à TikTok, YouTube s’appuie sur un algorithme plus modéré, mais tout aussi puissant, qui personnalise les recommandations en fonction des données des utilisateurs : historique, localisation ou encore temps passé à visionner.

Image générée par l’IA à l’aide de DALL-E, représentant l’importance de TikTok et de sa popularité.
Image générée par l’IA à l’aide de DALL-E, représentant l’étendue des vidéos YouTube et leur influence dans le paysage numérique.

Si TikTok séduit par son format court et viral, YouTube offre une diversité et une profondeur de contenu qui touchent un public allant des enfants aux seniors. Ces différences de positionnement expliquent leur complémentarité sur le marché, mais aussi leur évolution constante face à un public toujours plus exigeant.

Enfin afin d’être rentable, les deux plateformes ont fait de la publicité leur principale source de revenus. TikTok mise sur des campagnes virales où marques et influenceurs collaborent, tandis que YouTube exploite les publicités mid-roll et les partenariats avec des créateurs. Une stratégie commune : capter l’attention et transformer chaque clic en opportunité économique.

L’intégration du Shop : Quand les plateformes deviennent des marketplaces

Pour répondre à une audience toujours plus connectée et diversifier leurs sources de revenus, TikTok et YouTube ont ajouté des fonctionnalités e-commerce, transformant leurs plateformes en véritables écosystèmes de consommation.

TikTok Shop : L’essor du live shopping

TikTok, déjà célèbre pour son algorithme viral, franchit une nouvelle étape avec TikTok Shop, lancé en 2022. En Asie du Sud-Est, cette fonctionnalité a généré 4,4 milliards de dollars de ventes en 2022, un chiffre qui atteint 2,1 milliards de dollars pour le premier semestre 2023, selon ByteDance.

Le concept est simple : permettre aux créateurs de contenu et aux marques de vendre leurs produits en direct via des vidéos ou des lives interactifs. Par exemple, SooSlick a réalisé une campagne virale en intégrant son catalogue de produits de modelage corporel sur TikTok Shop. Résultat ? Un million de dollars de revenus supplémentaires en 30 jours, grâce à des vidéos achetables réalisées avec des créateurs TikTok.

Image générée par l’IA à l’aide de DALL-E, représentant le TikTok Shop et son évolution en tant que plateforme de commerce intégré.

Ce modèle, inspiré du live shopping chinois, transforme l’acte d’achat en une expérience immersive et sociale. Les influenceurs y jouent un rôle central, leur proximité avec leur audience générant confiance et achats impulsifs. Si ce concept séduit massivement en Asie, TikTok prévoit d’implanter TikTok Shop en Europe, avec un lancement en France fixé au 11 décembre 2024.

YouTube Shop : La diversification comme stratégie

Suivant la tendance, YouTube a introduit YouTube Shop, permettant aux créateurs et marques de taguer des produits directement dans leurs vidéos. Déjà bien implantée dans le domaine du divertissement, YouTube aspire désormais à devenir un acteur incontournable du e-commerce.

Image générée par l’IA à l’aide de DALL-E, représentant le YouTube Shop.

Un exemple marquant : la campagne Samsung Galaxy Note9 au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA). Grâce à des outils avancés comme les audiences d’affinité et les formats interactifs, cette campagne a atteint :

  • +60 % de rappel publicitaire en Égypte, +35 % au Levant et +25 % dans les pays du Golfe ;
  • Une hausse de 20 % des recherches liées à la marque ;
  • Un taux de conversion de 10 %, tout en réduisant les coûts publicitaires de 30 %.

En 2023, YouTube a également annoncé des chiffres impressionnants : 30 milliards d’heures de visionnage consacrées à des vidéos liées au shopping et plus de 350 millions de vidéos hébergées dans cette catégorie.

Les plateformes : Vers des marketplaces hybrides ?

Avec l’intégration de TikTok Shop et YouTube Shop, ces plateformes ne capturent plus uniquement l’attention des utilisateurs, mais aussi leurs achats. Elles évoluent vers des marketplaces hybrides, mêlant contenu, interactions et transactions.

En exploitant leurs algorithmes et des données comportementales sophistiquées, elles offrent aux annonceurs un accès direct à des audiences ciblées. Cette stratégie transforme la manière dont les consommateurs découvrent et achètent des produits, effaçant progressivement la frontière entre divertissement et commerce.

La diversification de TikTok pose une question : la plateforme évoluera-t-elle vers le modèle de super-app à la manière de WeChat ? Avec ses fonctionnalités allant du divertissement au e-commerce, TikTok semble se diriger vers une centralisation des activités numériques de ses utilisateurs.

YouTube, de son côté, privilégie une stratégie différente. Bien qu’elle renforce son aspect commercial, la plateforme conserve son identité centrée sur la créativité et la diversité de contenu.

Une chose est certaine : cette transformation redéfinit le paysage audiovisuel et commercial. Désormais, le divertissement et la consommation ne sont plus des univers séparés, mais des dimensions interconnectées qui façonnent l’avenir des plateformes numériques.

Image générée par l’IA à l’aide de DALL-E, représentant YouTube et TikTok évoluant vers des superapps, à l’instar de WeChat.

DELEVOYE Mathilde

Bibliographie

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Les rappels de produits – Un retour en arrière systématique ?

Findus – Très à cheval sur la provenance de ses ingrédients ? 

En janvier 2013, en Irlande et au Royaume-Uni, des tests réalisés sur des produits surgelés à base de bœuf produites par la marque Findus révèlent la présence de viande de cheval non déclarée. Le scandale explose et très vite des tests réalisés partout en Europe révèlent la même chose. Findus se voit obligé de procéder à des rappels massifs de produits. Assez vite, l’entreprise se tourne vers ses sous-traitants afin de comprendre l’origine de l’erreur et porte plainte contre ces derniers. Le sous-traitant Comigel met en cause le sous-traitant Spanghero qui accuse elle-même son fournisseur roumain. À la suite de l’enquête, Spanghero sera placée sous liquidation judiciaire, en effet, il est prouvé que les dirigeants de Spanghero étaient au courant de la présence de cheval dans la viande. Depuis, l’ex-directeur de l’entreprise a été condamné à six mois de prison ferme pour son rôle dans l’affaire.

Ce scandale reste l’un des plus scandales de l’industrie agroalimentaire les plus marquants du début de ce 21èmesiècle. Son aspect sulfureux y joue grandement. Lors de cette crise médiatique, les réseaux sociaux ont joué un rôle prépondérant dans la diffusion rapide des informations, tout en agissant à la fois comme un outil d’alerte immédiate mais aussi un catalyseur de réactions en chaîne parmi les consommateurs. Le rôle des réseaux sociaux lors des rappels de produit apparait alors comme un enjeu majeur. Est-ce que les rappels de produits sont toujours un problème si la crise est bien gérée grâce aux réseaux sociaux et de quelle manière les réseaux sociaux sont utilisés pour gérer la perception publique et engager les consommateurs durant une crise.

Le rôle des réseaux sociaux dans les rappels de produits 

Il est possible de parler de rappel de produit dès lors qu’une marque organise le retour d’un produit sur son lieu de production alors que certains exemplaires de ce produit sont déjà entre les mains des consommateurs. L’enjeu de ce type de situation repose sur la rapidité. En effet, si le produit n’est pas conforme, il présente un risque, l’enjeu est d’en informer le plus rapidement les consommateurs afin de limiter les dégâts et les risques sur ces derniers. Le temps est donc l’enjeu principal. Ce qui est intéressant avec les réseaux sociaux c’est qu’étant donné leur nature, ils ont la capacité de jouer ce rôle grâce à leurs capacités de diffusion massive et immédiate de l’information. En d’autres termes, grâce à leur viralité. 

Les rappels de produits sont inévitables, notamment dans l’industrie agro-alimentaire. En effet, le risque zéro étant inexistant malgré les avancées technologiques les rappels de produits sont fréquents. Les réseaux sociaux sont utilisés comme relais d’alertes de produits dangereux comme en témoigne le compte X (anciennement Twitter) @RappelConso, Twitter officiel de la République Française. Ainsi, les réseaux sociaux sont un vaisseau important des rappels de produits, notamment les réseaux qui ont une portée informationnelle, comme X (anciennement Twitter) qui est considéré comme une plateforme de micro-blogging. 

Néanmoins, tous les rappels de produits ne sont pas à l’origine d’une crise médiatique. En effet, les rappels de produits sont fréquents mais tous ne déclenchent pas de scandale. Ainsi quand nous pensons à de récents scandales alimentaires, nous pensons aux pizzas de la marque Buitoni qui ont tué deux enfants début 2022 à cause d’une contamination de bactéries mais peu d’entre nous aurons en tête le rappel de produit du Fromage de Bergues pour présence de listeria monocytogènes.

Quand la gestion de la crise galope vers le chaos 

Au début de sa crise médiatique Findus opte pour une stratégie opaque, peu d’informations sont fournies et cela laisse place à des dérives. Ainsi au début du mois de février 2013 le compte @Findus_France est créé sur X (appelé Twitter à l’époque). Dans un premier temps, une communication plutôt rassurante y est menée. Les tweets indiquent que des contrôles sur les matières premières sont menés et des engagements sont faits sur la qualité et la traçabilité des produits. Très vite, le contenu des tweets change drastiquement et menace les comptes Twitter de particuliers. Les tweets prennent alors tous la même forme « @xxx retirer ce contenu illicite sous peine de poursuites judiciaires. ». Le compte sera rapidement suspendu après une plainte de la part de Findus indiquant qu’ils ne sont pas à l’origine de la création de ce compte. Néanmoins, si cette situation a eu lieu c’est bien car la marque Findus n’a pas communiqué lors de ce début de crise, est restée floue et n’a pas investi tous les réseaux sociaux. L’e-réputation de la marque en prend un coup. 

L’enjeu de l’e-réputation

L’e-réputation se définit comme l’opinion commune sur le Web d’une marque. L’e-réputation est l’identité de la marque telle qu’elle est perçue par les internautes.  

Très vite, ayant compris l’importance de l’e-réputation sur les réseaux sociaux, Findus embauche une société spécialisée dans l’e-réputation, Reputation Squad et procède à un « nettoyage du web ». En effet, la page Wikipédia de la marque est modifiée, la page officielle Facebook est vidée. Cependant, ce type de communication n’est pas forcément plus efficace. Ne pas mentionner le scandale et chercher à l’effacer ont souvent l’effet totalement inverse.  Ce concept est assez connu et porte un nom et c’est l’effet Streinsan. C’est l’idée qu’essayer à tout prix d’interdire la circulation d’une information ne fait qu’apporter de l’attention et la visibilité sur cette dernière. Ainsi, à l’inverse de ce qui peut parfois sembler logique, communiquer de manière claire sur un scandale permet de diminuer son ampleur. En effet, en l’absence de spéculation, quand la situation est assumée et transparente, cela affaiblit la viralité d’un évènement.

Une communication loin d’être glaciale

Nous pouvons comparer la gestion de cette crise médiatique avec cella de Blue Belle Ice Cream qui a été détaillée par Kelsi Opat, Haley Magness et Erica Irlbeck. En 2015, toutes les crèmes glacées de cette marque sont rappelées à cause d’une contamination à la bactérie listeria. La réaction immédiate de la marque est différente de celle de Findus. En effet, dès le début la marque poste sur son compte Facebook des messages contenant des informations sur le rappel et le réapprovisionnement des produits. 

Ces messages à destination des consommateurs mais également des consommateurs potentiels ont créé un sentiment de confiance et de transparence vis-à-vis de la marque. Ainsi, en assumant l’entière responsabilité du problème, Blue Bell Ice Creal créé un sentiment de loyauté et de responsabilité. À l’inverse, la réaction initiale de Findus a été de rejeter la faute sur ses fournisseurs au lieu de prendre tout de suite ses responsabilités. Ce type d’action créé une perte de confiance. 

Nous pouvons dès lors supposer qu’à la différence de Findus, Blue Bell Ice Cream avait une ligne éditoriale claire en cas de rappels de produits et ou de scandale médiatique. Le cas de Blue Bell Ice Cream est encore plus intéressant car la marque a profité de cette crise médiatique pour se rapprocher de ses consommateurs en répondant à leurs questions et en mettant en avant ses employés. Cette stratégie a payé, ainsi en 2016, la marque procède à un rappel de produit spontané, c’est-à-dire un rappel de produit sans que le danger ait été avéré, sur la base d’un danger potentiel. La marque communique cette information sur Facebook qui est accueillie chaleureusement par ses consommateurs comme l’en témoignent les images ci-dessous. 

Ainsi, un rappel de produit n’est pas une fin en soi pour une entreprise, cela peut même être l’occasion pour une marque de développer une image de marque responsable, transparente et engagée. Ainsi même si plus d’une dizaine d’années après le scandale médiatique pour Findus, l’entreprise continue de prospérer, la crise médiatique de la viande de cheval n’a pas été correctement gérée et aurait pu l’être si Findus avait anticipé ce risque potentiel.  

Ce qu’il est important de retenir c’est qu’un rappel de produit peut arriver à n’importe quelle marque et qu’il est important de créer une ligne éditoriale sur les réseaux sociaux claire en amont. Le but étant de pouvoir réagir le plus vite possible et au mieux tout en étant honnête et transparent. 

Chloé Bordenave


 

La communication de crise de Dove face à sa publicité jugée raciste

Que s’est-il donc passé ? 

Le 6 octobre 2017, Dove, une marque du groupe anglais Unilever, poste une publicité Facebook faisant la promotion de son gel douche. Cette dernière met en scène trois femmes enlevant à tour de rôle leurs t-shirts. Une femme noire retire son t-shirt laissant place à une femme blanche qui à son tour ôte son t-shirt laissant place à une femme sud-asiatique. Jusque-là tout va bien. Cependant, le jour suivant, une influenceuse (@NayTheMua) reposte la publicité en s’indignant de son caractère raciste. Très vite, le post devient viral et est relayé par des milliers d’internautes sur les réseaux sociaux (cf. figure 1) dont certaines figures publiques comme l’actrice américaine Gabrielle Union. Determ dénombre ainsi plus de 30 000 posts sur ce sujet et pas moins de 12 000 mentions faisant le lien entre Dove et le terme « raciste » au cours de la semaine. L’opinion est majoritairement négative et l’utilisation d’hashtags tels que #DoneWithDove, #DoveIsRacist et #BoycottDove appellent au boycott de la marque comme c’est souvent le cas lors de crises médiatiques (vandalisme de magasins H&M en 2018, perte d’abonnés de Balenciaga en 2022 etc.). Le sujet est ensuite très vite repris par les médias traditionnels comme le New York Times qui dénonce le colorisme présent historiquement dans certaines pubs pour savons. Le savon étant utilisé dans ces publicités pour « laver » la peau noire jugée « sale ». (cf figure 2)

A gauche la figure 1 (Post Facebook de NayTheMua) et à droite la figure 2 (Ancienne publicité de savon)

De quoi est accusé Dove ? 

Dove est donc accusé par certains de perpétuer une idéologie qui valorise les peaux claires au détriment des peaux foncées, c’est ce que l’on appelle le colorisme. Le problème étant que cette idée pousse encore aujourd’hui à l’utilisation de produits éclaircissants dangereux pour la santé. L’aspect dit « coloriste » de cette publicité va donc à l’encontre des valeurs de la marque qui s’est engagé depuis 2004 à redonner confiance aux femmes et promouvoir une forme de beauté « naturelle » face à des standards de beauté toujours plus exigeants (avec le lancement de la campagne « Dove Campaign for Real Beauty »). En adoptant une position de marque activiste, Dove se doit donc de concerver une bonne image de marque, en préservant une relation de confiance et d’authenticité avec ses clients. Un « scandale » de la sorte, si mal géré, aurait pu venir entacher durablement la réputation de la marque et de facto ses ventes. D’autant plus, que le brand activism de Dove est souvent remis en question du fait de son affiliation au groupe Unilever qui est à l’origine de Fair & Lovely, une marque de produits éclaircissants produit depuis 1975 en Inde, un pays où le colorisme est exacerbé par la société des castes. Chose qui encore une fois est contraire aux valeurs de la marque.

Comment la marque est-elle parvenue à contenir cette nouvelle crise ?

Face à ce tollé, Dove a très rapidement réagi en publiant une série d’excuses sur les réseaux sociaux le jour suivant la polémique. La marque postera ainsi sur X, anciennement connu sous le nom de Twitter, et sur Facebook les posts suivants :

Dove prend ainsi l’entière responsabilité de ses actions sans chercher à trouver un bouc émissaire comme l’a fait Balenciaga en 2022 (Shifting the Blame Strategy, Bradford & Garrett (1995)), ce qui peut avoir un effet contreproductif et agacer le public.

Le 9 octobre, Dove publiera un communiqué plus long sur Facebook expliquant que l’intention de la publicité était de célébrer la diversité des femmes conformément à son engagement[1] tout en reconnaissant son caractère offensant. 

As part of a campaign for Dove body wash, a 3-second video clip was posted to our US Facebook page. It featured three women of different ethnicities, each removing a t-shirt in matching skin tones to reveal the next woman. The visual was intended to convey that Dove body wash is for every woman and be a celebration of diversity, but we got it wrong and as a result offended many people. We are deeply sorry. We have removed the post and have not published any related content. We do not condone any activity or imagery that insults any audience. We are re-evaluating our internal processes for creating and reviewing content.

Dove sur Facebook

En faisant cela, Dove adopte une stratégie d’endiguement pendant la crise en s’excusant pour désamorcer la situation qui est une technique couramment utilisée dans les stratégies de communications de crises (Coombs (2007, 2014), Bradford & Garrett (1995) etc.). Sa réactivité a permis de faire face efficacement à la viralité de la publicité puisque qu’une semaine plus tard les mentions faisant allusion au scandale avaient diminué comme le montre la figure 3 créée par Determ.

Figure 3 : évolution des mentions de Dove en octobre 2017

En cas de crise médiatique, les marques tentent également de mettre en place des mesures correctives (Liu, Jin, Briones & Kuch, 2012) : dans le cas de Dove, la marque a retiré la publicité visée par les accusations en assurant qu’à l’avenir ils seront plus vigilants sur le type de contenus produits afin d’éviter d’avoir des contenus dits « offensants » associés à leurs images. Ils s’engagent ainsi à revoir leur processus de création de publicité ce qui reste tout de même assez vague puisque aucunes actions concrètes n’ont été communiquées. La marque aurait pu par exemple mentionner leur volonté d’investir dans la formation de leur personnel sur ces problématiques.

Enfin, pour redorer son image de marque post-crise et éviter des répercussions négatives sur ses ventes et ses actions (comme ça a été le cas pour H&M en 2018 [2])  Dove adopta les deux stratégies suivantes :

  • La première a été de contacter la mannequin présente dans la vidéo, Lola Ogunyemi, qui a pu expliquer d’elle-même son ressenti face à la situation. Elle se confia ainsi dans plusieurs interviews, exprimant son choc face à la tournure des évènements. La publicité aurait été selon elle prise hors de son contexte original. Et ce, tout en réitérant son expérience positive avec la marque lors du tournage. 

 I can see how the snapshots that are circulating the web have been misinterpreted, considering the fact that Dove has faced a backlash in the past for the exact same issue. There is a lack of trust here, and I feel the public was justified in their initial outrage. Having said that, I can also see that a lot has been left out. The narrative has been written without giving consumers context on which to base an informed opinion 

Lola Ogunyemi, The Guardian

Son intervention a permis à Dove de réitérer indirectement que le caractère dit raciste (qui va à l’encontre de ses principes) de la publicité n’était pas intentionnel.

  • Enfin la deuxième stratégie adoptée par Dove a été de publier des publicités s’alignant davantage avec leurs valeurs comme la vidéo « Let’s Break the Rules of Beauty video », publiée l’année suivante célébrant le caractère multidimensionnel de la beauté qui ne relève pas seulement de l’apparence physique.
Figure 4 : Publicité de Dove de 2011

Malgré les excuses de Dove qui reprennent à la lettre les codes de la communication de crise, de nombreux internautes ont tout de même souligné que Dove n’en était pas à son premier coup d’essai et que la marque avait déjà était accusée, 6 ans plus tôt, d’avoir posté une autre publicité jugée raciste (cf figure 4). On pourrait donc s’interroger d’une part sur la façon dont Dove crée ses publicités et ses choix artistiques qui ne sont pas toujours en adéquation avec ses valeurs et d’autre part sur les plans d’actions concrets que la marque compte mettre en place afin d’éviter à l’avenir d’autres maladresses.

Alicia Nkeletela

Références :

How Social Media Is Changing Crisis Communication Strategies: Evidence from the Updated Literature, Yang Chang, 2016

Crisis Communication Stages of Dove  2017 Racism Issue, Angelia Loreta, Aminy Andawi, 2020

Dove ad isn’t only racial problem for parent company Unilever, Aimee Picchi, CBS News, 2017

I am the woman in the ‘racist Dove ad’. I am not a victim, Lola Ogunyemi, The Guardian, 2017

Dove Is « Deeply Sorry » For Its Insensitive Ad — But There’s Still Work To Do, KHALEA UNDERWOOD, Refinary 29, 2017

H&M ‘racist’ ad adds to company’s woes, RFI, 2018

Dove: real beauty and the racist history, 2017, la Trobe University

Brand Activism as a Marketing Strategy: A Bright Idea Turned Sour, Emma DA PALMA, 2020

Dove Drops an Ad Accused of Racism, Maggie Astor, New York Times, 2017

How Dove’s Reputation Crisis Unraveled On Social Media, Iva Glavinić, 2017, Determ

Dove’s Advertising Campaign Highs and Lows: From Real Beauty to Real Success
to Real Controversy, Bradley Brooks , Dawn Chanland, Steven Cox, Queens 

 Dove Issues Apology  for Ad that appears to show a black woman turning white, Lindsay Schallon, The Glamour

The Power of Consumers on Social Media: A Case Study of Balenciaga’s Crisis Communication, Paula Gárgoles, Gabriela Ambás

A Case Study on Black Twitter’s Reactions to the Framing of Blacks in Dove’s 2017 Facebook Advertisement, June 2020,  Shereena Farrington University of South Florida 


[1] « Chez Dove, notre mission est de faire de la beauté une source de confiance et non d’anxiété. Afin d’atteindre cet objectif, nous aidons les prochaines générations de femmes à developper une relation positive avec leur apparence, nous les aidons à gagner en estime de soi afin qu’elles puissent réaliser leur plein potentiel. » Site de Dove

[2] Après le scandale de 2017, H&M enregistra une baisse de 4% de ses ventes au quatrième trimestre de 2018 ainsi qu’une baisse de ses actions de 35% de janvier à décembre 2017(source : RFI)

L’authenticité à l’ère du marketing d’influence : une étude de cas de la marque Aprizo et de la créatrice de contenu Salimata

À l’ère numérique actuelle, où les consommateurs sont constamment les cibles de messages marketing, l’authenticité est devenue un facteur crucial pour les marques qui souhaitent établir une connexion durable avec leur public. Le marketing d’influence, lorsqu’il est utilisé de manière stratégique et responsable, s’avère être un outil puissant pour promouvoir l’authenticité, tirer parti de la créativité des influenceurs et renforcer la confiance des consommateurs. C’est pourquoi on observe une montée des collaborations entre marques et influenceurs depuis l’avènement des réseaux sociaux.

Cependant, avant même d’élaborer une quelconque stratégie de collaborations avec des micros ou macro-influenceurs, les marques doivent déjà  avoir une très bonne communication avec leurs abonnés et cela passe par un community management et un contenu original et captivant.

La marque Aprizo – anciennement « Infinitus » -, née en 2001, l’a très bien compris. En seulement deux ans, elle a su conquérir sa cible : les femmes âgées de 18 à  35 ans, passionnées de mode et ayant un petit budget. Elle propose des produits de qualité à des prix défiant toute concurrence, dans son magasin situé au centre commercial Torcy Bay 2, en Île-de-France. Son secret réside dans sa stratégie Social Media, dirigée par leur récente employée prénommée Salimata, qui excelle dans la maîtrise des codes de la vidéo virale.

Dans un paysage numérique saturé de contenu sponsorisé, comment la collaboration entre la marque Aprizo et la créatrice de contenu Salimata sur les réseaux sociaux impacte-t-elle la perception de l’authenticité de la marque par les consommateurs ?

Analyse du cas

Aprizo, jeune marque française de mode féminine, a donc choisi de collaborer avec une créatrice de contenu beauté et authentique sur les réseaux sociaux. La collaboration entre Aprizo et Salimata s’est basée sur une compréhension mutuelle des valeurs de chaque partie. Aprizo a d’une part reconnu la créativité et l’engagement de Salimata auprès de son public, tandis que Salimata a d’autre part été convaincue par l’engagement d’Aprizo envers des produits à prix cassés et durables.

À ce jour, Salimata n’est pas qu’une employée de l’enseigne. Elle incarne véritablement « l’essence même de la marque Aprizo sur TikTok » (cf. blog d’Apolline Studio). Salimata a su conquérir les utilisateurs de cette plateforme grâce à son charisme, son humour et son talent d’acting. Les vidéos d’Aprizo la mettant en scène combinent humour et promotion des produits, en plus de créer un lien authentique avec le public. En captivant rapidement l’audience dès les premières secondes à partir de vidéos de chutes, la marque contourne les défenses des consommateurs contre la publicité en ligne.

Origine du phénomène viral

Cette tendance du détournement de videos de chutes virales a des fins promotionnelles provient d’une marque brésilienne nommée « Liliani ». Elle a été l’une des premières à user de ce stratagème en février, avec une video présentant une chute suivie d’un contenu commercial vantant ses matelas. Elle compte aujourd’hui plus de 5 millions de vues.

Ce phénomène a ensuite inspiré un concessionnaire Nissan dans le Texas, qui a publié en mars une video d’un combat de boxe1, utilisant la chute comme transition pour promouvoir ses voitures, cumulant alors 3 millions de vues. Et dans notre cas, cela a incité la marque francilienne à suivre le mouvement dès le 26 mars dernier.2

Impact sur la perception de l’authenticité

La collaboration entre Aprizo et Salimata a eu un impact positif sur la perception de l’authenticité de la marque par les consommateurs. Les publications de Salimata sur les réseaux sociaux ont été reçues avec enthousiasme par ses followers, qui ont apprécié la transparence et l’authenticité de son message.

Plusieurs éléments ont contribué à ce succès :

  • Cohérence entre les valeurs de la marque et de l’influenceur
  • Transparence et divulgation : Salimata a clairement indiqué a ses followers qu’il s’agit de videos créées dans le cadre de son travail de chargée de communication, ce qui renforce la confiance et la crédibilité de sa recommandation
  • Contenu engageant et de qualité : création de contenu créatif et informatif mettant en avant les produits Aprizo d’une manière authentique, drôle et pertinente pour son public
  • Engagement avec la communauté : Salimata répond fréquemment aux commentaires et aux questions de ses followers – via le compte d’Aprizo et via le sien -, ce qui a permis de renforcer l’interaction et la confiance avec sa communauté

Parallèle avec le livre La Vache Pourpre (The Purple Cow) de Seth Godin

Le livre « La Vache Pourpre » de Seth Godin explore le concept de la différentiation dans le marketing. Godin soutient que dans un marché saturé de produits et de services similaires, les entreprises doivent créer des produits « remarquables » qui se distinguent de la concurrence.

Selon l’auteur, les produits remarquables, ou « vaches pourpres », sont ceux qui attirent l’attention des consommateurs et les incitent à en parler. Ils sont uniques, innovants et répondent à un besoin réel ou à un désir des consommateurs.

Pour créer des produits remarquables, Godin recommande aux entreprises de :

  • Oublier les 4 P du marketing mix (produit, prix, place et promotion), qu’il considère comme étant dépassés et ne permettant pas de se différencier efficacement.
  • Prendre des risques : Godin encourage les entreprises à sortir de leur zone de confort et à prendre des risques pour créer des produits innovants.
  • Se concentrer sur la passion en affirmant que les produits remarquables sont créés par des personnes passionnées par ce qu’elles font.
  • Mettre en avant les influenceurs en recommandant aux entreprises de s’associer à des influenceurs qui peuvent aider à promouvoir leurs produits remarquables.

Cas pratique : Aprizo et Salimata sur TikTok

La collaboration entre Aprizo et Salimata sur TikTok incarne parfaitement les principes de Seth Godin. En utilisant Salimata, une influenceuse authentique et passionnée, Aprizo a réussi à créer du contenu remarquable qui a attire l’attention des consommateurs et a renforcé la perception de d’authenticité de la marque.

Les videos de Salimata sur TikTok mettant en avant les produits Aprizo sont à la fois drôles, divertissantes et authentiques.

Aprizo et Salimata : Un duo gagnant sur TikTok pour une marque authentique

Les résultats de cette collaboration sont probants : les vidéos de Salimata ont accumulé des millions de vues, suscitant un fort engouement pour les produits Aprizo. La marque a ainsi bénéficié d’une visibilité accrue et d’une image positive auprès de son public cible.

Notamment, ses deux vidéos les plus vues sur TikTok ont obtenu des taux d’engagement de 8,95% et 10,58%, bien au-dessus de la moyenne habituelle de 3% à 6% sur la plateforme. Cela démontre l’efficacité de la stratégie mise en place par Aprizo et Salimata pour captiver et fidéliser leur audience.

On peut également noter, dans certains commentaires TikTok et Instagram, qu’une partie de leurs abonnés les suivent uniquement pour voir Salimata en action, user de sa créativité pour mettre en avant des produits. Cela pourrait cependant représenter une limite à ce modèle de stratégie de communication. En effet, le but premier d’attirer de nouveaux clients sur place ne serait ici pas atteint, tandis que la notoriété et le nom de la marque seraient bien connus d’un grand nombre de personnes – pas nécessairement clients cependant.

Leçons à retenir

Le cas Aprizo et Salimata illustre plusieurs principes clés du marketing d’influence réussi :

  • Sélection minutieuse de l’image de marque
  • Contenu original et engageant via un format et un ton du contenu s’adaptant à la plateforme et au public cible
  • Transparence assumée à travers la divulgation du contenu commercial renforce la confiance du public cible
  • Engagement avec la communauté via l’interaction avec les followers, indispensable pour diffuser le message de manière organique

En appliquant ces principes, les marques peuvent tirer parti du pouvoir du marketing d’influence pour établir une connexion authentique avec leur public et renforcer leur image.

Conclusion

La collaboration Aprizo et Salimata démontre qu’en misant sur l’authenticité, la créativité et l’engagement, le marketing d’influence peut être un outil puissant pour atteindre les objectifs marketings des marques.

Mélanie MADABOYKO FINTOBAKILA

Références :

1. Tania SOILIHI, stratège des médias sociaux des entrepreneurs

   – Lien : [Tania SOILIHI LinkedIn Post]

https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7178812229901799424?updateEntityUrn=urn%3Ali%3Afs_feedUpdate%3A%28V2%2Curn%3Ali%3Aactivity%3A7178812229901799424%29

2. Naim BENHEBRI, co-fondateur de The Next Influence

   – Lien : [Naim BENHEBRI LinkedIn Post]

https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7182028905032110080?updateEntityUrn=urn%3Ali%3Afs_feedUpdate%3A%28V2%2Curn%3Ali%3Aactivity%3A7182028905032110080%29

3. Laurent BARSANTI, chef de projet chez FoodAffairs

   – Lien : [Laurent BARSANTI LinkedIn Post]

https://www.linkedin.com/posts/laurent-barsanti-b6b474144_un-exemple-de-purple-cow-et-dinnovation-activity-7186713117945397248-n5Nh?utm_source=share&utm_medium=member_desktop

4. [Critique du livre “La Vache Pourpre” (The Purple Cow) de Seth Godin]

https://www.conseilsmarketing.com/referencement/critique-du-livre-the-purple-cow-de-seth-godin/

5. [Apolline Studio : « Le pouvoir des trends Tiktok avec la marque Aprizo »]

https://apolline-studio.fr/le-pouvoir-des-trends-tiktok-avec-la-marque-aprizo/

6. [20 minutes, TikTok : Des magasins parodient des chutes virales pour faire la promotion de leurs produits, et ça marche (vraiment)]

https://www.20minutes.fr/arts-stars/insolite/4087188-20240418-tiktok-magasins-parodient-chutes-virales-faire-promotion-produits-ca-marche-vraiment

7. [Kolsquare : COMMENT CALCULER SON TAUX D’ENGAGEMENT SUR TIKTOK ?]

https://www.kolsquare.com/fr/blog/comment-ameliorer-son-taux-dengagement-sur-tiktok

  1. Vidéo TikTok – Central Houston Nissan – 22/03/2024 ↩︎
  2. Vidéo TikTok – Aprizo – 26/03/2024 ↩︎

« Community Notes » sur Twitter : un outil efficace contre les fausses informations ?

En octobre 2023, suite à l’attaque du Hamas contre Israël, la Commission européenne, ainsi que l’Arcom, a adressé un avertissement à la plateforme de réseaux sociaux Twitter, désormais connue sous le nom de X. L’intervention des autorités visait à modérer la diffusion de contenu inapproprié lié à cet événement, incluant de nombreuses vidéos, images et informations fallacieuses. La mise en garde de la Commission européenne et de l’Arcom à l’encontre de X, s’inscrit dans une continuité réglementaire. En effet, cette intervention n’était pas la première du genre. Déjà en octobre 2022, peu après le rachat de la plateforme par Elon Musk, l’Arcom avait rappelé à X ses obligations légales concernant la modération des contenus en ligne. Ces rappels successifs soulignent l’attention accrue des autorités régulatrices sur les pratiques de modération des réseaux sociaux, particulièrement dans le contexte de gestion des crises et de la désinformation.

La lutte contre la désinformation s’intensifie, confronté à des obstacles majeurs tels que la prolifération rapide de nouveaux contenus et la difficulté à discerner le vrai du faux. Cet enjeu, qui doit aussi ménager un équilibre délicat entre la liberté d’expression et la nécessité de limiter la propagation de contenus illicites ou préjudiciables, pousse les plateformes à innover dans leurs approches. En réponse à cette complexité croissante, plusieurs d’entre elles ont récemment adopté des stratégies de modération participative, invitant les utilisateurs à jouer un rôle actif en signalant les publications susceptibles de transgresser leurs règles. L’une des méthodes de modération les plus notables est celle mise en œuvre par la plateforme X : les Notes de la communauté. Initialement testée aux États-Unis en 2021, cette approche a été adoptée à grande échelle à l’international suite à l’acquisition de la plateforme par Elon Musk.

Qu’est qu’une note de communauté et comment cela fonctionne ?

Les notes de communauté sur Twitter (X), un outil novateur de modération participative, visent à lutter contre la désinformation en permettant aux utilisateurs de la plateforme de contribuer à la vérification des faits. Ce système fonctionne grâce à l’engagement collaboratif des membres de Twitter (X), qui peuvent apposer des annotations sur les tweets qu’ils jugent trompeurs ou inexacts. Ces notes sont ensuite visibles par tous, offrant un contexte additionnel qui aide les autres utilisateurs à mieux interpréter les publications.

Le fonctionnement est relativement simple : une fois qu’un tweet est signalé, il est examiné par des contributeurs qui évaluent son exactitude. Si une note est approuvée par suffisamment de vérificateurs, elle est publiée sur le tweet en question, offrant ainsi une forme de validation ou de correction publique. Cette méthode vise non seulement à décourager la diffusion de fausses informations, mais aussi à encourager une culture de la transparence et de la responsabilité parmi les utilisateurs.

L’impact de ces notes se manifeste particulièrement dans les domaines sensibles comme la politique et la publicité. Par exemple, lorsqu’un politicien prétend à tort que les écoles françaises ont historiquement exigé le port de l’uniforme, une note basée sur des sources fiables, telles que des articles de presse vérifiés, peut corriger cette affirmation. De même, dans le cas des conditions d’utilisation d’un réseau social, les notes peuvent clarifier des malentendus courants en s’appuyant sur des documents officiels ou des archives web pour démontrer que certaines pratiques, comme l’utilisation des contenus des utilisateurs, étaient déjà en place bien avant leur mention récente.

Les publicités ne sont pas épargnées par cette vérification ; des notes ciblent souvent des annonces prétendant des bénéfices exagérés ou pratiquant le « dropshipping » sans transparence. Ces interventions permettent de protéger les consommateurs contre des pratiques commerciales douteuses, en exposant la réalité derrière des offres trop alléchantes pour être vraies.

Parfois, le zèle des contributeurs peut mener à ce que certains considèrent comme du « pinaillage » — des corrections de détails minuscules qui, bien que techniquement corrects, peuvent sembler excessifs. Cependant, même ces interventions minimes jouent un rôle dans l’élaboration d’un discours en ligne plus précis et mesuré, reflétant la mission de la plateforme d’encourager une communication honnête et informée.

Des limites à considérer…

Les Notes de la communauté de Twitter (X), bien qu’efficaces dans la lutte contre la désinformation, rencontrent cependant des limites inhérentes à leur popularité et à leur mode de fonctionnement. Prévues pour enrichir le débat public par des corrections et des clarifications, ces notes sont parfois victimes de leur propre succès. En effet, leur usage excessif tend à diluer leur impact, transformant potentiellement un outil de vérification en un moyen de surinformation.

Un autre problème réside dans leur structure même : rédigées et évaluées par les utilisateurs via un système de votes, les Notes de la communauté peuvent être manipulées par des groupes organisés. Ces derniers, agissant de concert, peuvent influencer la visibilité des corrections, en promouvant ou en supprimant des notes selon leurs intérêts, qu’ils soient politiques ou autres. Cette dynamique peut compromettre l’objectivité et la neutralité des informations, permettant à certaines vérités factuelles de se retrouver injustement écartées ou à des narratifs biaisés de prévaloir.

Les notes de la communauté de Twitter (X) sont-elles efficaces ?

Dans une étude récente, des chercheurs de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de HEC Paris ont examiné l’efficacité des Notes de la communauté de Twitter (X),. L’objectif était de déterminer si ajouter des annotations contextuelles à des tweets potentiellement trompeurs pourrait réduire leur viralité.

L’analyse s’appuie sur une base de données de quelque 285 000 notes collectées via le programme de Notes de la communauté de Twitter (X). Les résultats montrent une réduction notable de la diffusion des tweets annotés. Concrètement, la présence d’une note diminue de presque 50% le nombre de retweets. De plus, les tweets avec notes ont 80% plus de chances d’être supprimés par leurs auteurs, un indicateur que les utilisateurs reconsidèrent peut-être le contenu partagé en présence de contexte supplémentaire.

Cependant, l’étude révèle aussi une limitation majeure : l’efficacité des notes est fortement dépendante de leur rapidité de publication. Avec un délai moyen de 15 heures avant qu’une note ne soit publiée, la plupart des tweets atteignent déjà une large audience avant que l’intervention n’ait lieu, ce qui limite l’impact global du programme.

Face à ces constatations, les chercheurs recommandent une mise en œuvre plus rapide des notes pour améliorer leur efficacité. Ils soulignent que, bien que la modération de contenu pilotée par la communauté montre un potentiel certain, sa capacité à contrer efficacement la propagation de fausses informations est entravée par les retards dans l’application des annotations.

Cette étude vient enrichir le débat sur les stratégies de modération de contenu sur les réseaux sociaux, en démontrant l’importance de la rapidité et de la précision dans les interventions visant à réduire la diffusion de l’information trompeuse. Les résultats encouragent d’autres plateformes à envisager des approches similaires, tout en soulignant la nécessité d’améliorations technologiques et organisationnelles pour maximiser leur impact.

Quel avenir pour ces Notes de la communauté ?

En matière de régulation et d’impact sociétal, les Notes de communauté émergent comme un modèle potentiel pour d’autres plateformes désireuses de responsabiliser leurs utilisateurs dans le combat contre la désinformation. Ce système de modération participative pourrait bien servir de référence pour les législateurs et les organismes de régulation, à l’heure où s’esquissent de nouvelles législations sur la gestion des contenus numériques tels que le Digital Service Act. L’efficacité croissante de cette méthode, sous réserve de certaines améliorations essentielles, la positionne comme un futur standard industriel susceptible d’améliorer la transparence et l’intégrité des informations partagées sur les réseaux sociaux. Malgré les défis présents, l’évolution des Notes Communautaires pourrait marquer un tournant dans les pratiques de modération en ligne, s’inscrivant dans une démarche collective vers des espaces numériques plus fiables et véridiques.

Si Hao Li

Bibliographie et sitographie

https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/sur-twitter-x-une-montee-de-la-desinformation-depuis-lattaque-du-hamas-1986245

https://www.radiofrance.fr/franceinter/avec-les-notes-de-communaute-twitter-x-marche-sur-les-pas-de-wikipedia-8574656

https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/vrai-ou-faux-les-community-notes-du-reseau-social-x-luttent-elles-efficacement-contre-la-desinformation_6051188.html

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/veille-sanitaire/veille-sanitaire-du-jeudi-31-aout-2023-8788843

https://www.bloomberg.com/graphics/2023-israel-hamas-war-misinformation-twitter-community-notes

https://theconversation.com/les-utilisateurs-de-x-doivent-lutter-seuls-contre-la-desinformation-qui-y-sevit-216779

Casilli, A. A. (2019). En attendant les robots-Enquête sur le travail du clic. Média Diffusion.

Chuai, Y., Tian, H., Pröllochs, N., & Lenzini, G. (2023). The Roll-Out of Community Notes Did Not Reduce Engagement With Misinformation on Twitter. arXiv preprint arXiv:2307.07960.

Renault, T., Amariles, D. R., & Troussel, A. (2024). Collaboratively adding context to social media posts reduces the sharing of false news. arXiv preprint arXiv:2404.02803.

Intelligence artificielle et réseaux sociaux : quel avenir ?

Près de vingt ans après la création de Facebook, les réseaux sociaux se retrouvent à un moment décisif de leur évolution, marqué par l’avènement de l’intelligence artificielle.

Les réseaux sociaux sont devenus indispensables dans notre quotidien, remodelant nos interactions sociales et notre manière de consommer l’information, ainsi que notre participation à la sphère publique. Ces plateformes offrent à chacun la possibilité de partager du contenu potentiellement viral. Toutefois, la création de contenu original, la gestion d’audiences étendues et le maintien d’une présence constante face à la masse de publications incessantes peuvent s’avérer complexes.

Facebook a été parmi les premiers à intégrer ces avancées technologiques à tous les niveaux de sa plateforme. En 2013, Mark Zuckerberg fait appel à Yann Le Cun, chercheur français en intelligence artificielle et figure de proue de l’apprentissage profond, pour superviser son laboratoire dédié à l’IA. Ces avancées sont mises en œuvre lorsque le réseau social propose du contenu basé sur les centres d’intérêt des utilisateurs, recommande des contacts en fonction de leur activité, identifie automatiquement les personnes dans les photos grâce à la reconnaissance faciale, ou analyse les images publiées pour garantir leur conformité aux règles de la plateforme.

Alors que ces plateformes ont déjà intégré l’IA depuis leur création, l’avènement d’outils tels que ChatGPT, Gemini ou encore DALL-E pourrait transformer radicalement les pratiques de création et d’utilisation sur ces plateformes. Les possibilités offertes par l’intelligence artificielle sont tellement vastes qu’il est difficile d’en dresser une liste exhaustive.

Une amélioration des fonctionnalités déjà existantes grâce à l’IA

Depuis son intégration dans les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle ouvre de nouvelles perspectives, enrichissant les fonctionnalités des plateformes et offrant une expérience utilisateur plus personnalisée et pertinente. Cette technologie va bien au-delà des capacités des CRM traditionnels en collectant et en analysant des quantités massives de données. Cette analyse en profondeur permet de comprendre les préférences des utilisateurs, aidant ainsi les marques à ajuster leurs campagnes en temps réel en se basant sur des métriques clés telles que les taux de clics et de conversion.

En outre, grâce à des algorithmes d’apprentissage automatique, l’IA analyse le comportement des utilisateurs pour leur recommander du contenu pertinent, des contacts potentiels ou des groupes d’intérêt. Elle est également utilisée par les annonceurs pour le ciblage et les recommandations publicitaires. Cette personnalisation renforce l’engagement des utilisateurs et facilite les connexions entre les consommateurs et les marques. Des plateformes telles que YouTube, Spotify ou encore Netflix proposent des vidéos, de la musique et des films en fonction de l’historique de navigation de chaque utilisateur, alimentant ainsi leurs modèles d’intelligence artificielle avec les données récoltées.

Par ailleurs, l’IA est également utilisée pour détecter automatiquement les contenus inappropriés, tels que les discours de haine ou le harcèlement en ligne. Cette capacité renforcée permet de maintenir des environnements en ligne sûrs et respectueux, favorisant ainsi la confiance entre les utilisateurs et les marques. Facebook, par exemple, a récemment eu recours à l’IA pour rejeter automatiquement les contenus identifiés par un humain comme des fausses informations.

Enfin, sur les réseaux sociaux, l’IA peut automatiser certaines tâches telles que la planification et la publication de contenu. Cette automatisation libère du temps pour les spécialistes du marketing, leur permettant de se concentrer sur la création de stratégies de contenu innovantes et créatives.

De nouvelles interactions

Au-delà des fonctionnalités natives des plateformes, l’intelligence artificielle ouvre un champ immense de possibilités pour révolutionner nos interactions en ligne et, par extension, la manière dont les marques exploitent les médias sociaux pour accroître leur notoriété et leur visibilité.

De nos jours, de plus en plus d’entreprises font appel à l’intelligence artificielle pour créer des chatbots sur les réseaux sociaux. Ces agents conversationnels, de plus en plus sophistiqués, peuvent répondre instantanément et de manière personnalisée aux questions des utilisateurs, permettant ainsi aux entreprises d’offrir un service client plus réactif et efficace.

Grâce à l’intelligence artificielle, la barrière linguistique n’est plus un obstacle majeur. Cette technologie permet aux utilisateurs de communiquer et de partager du contenu dans différentes langues, favorisant ainsi la diversité et l’inclusion en ligne. Pour les marques, cet outil représente une opportunité précieuse pour conquérir de nouveaux marchés à l’international.

Par ailleurs, l’intelligence artificielle peut jouer un rôle essentiel dans le filtrage et le tri des informations circulant sur les réseaux sociaux en fonction de leur fiabilité. Cette fonctionnalité permet aux utilisateurs d’accéder à des contenus de qualité et de lutter contre la propagation de fausses informations. En conséquence, les marques bénéficient d’une protection contre le risque de désinformation, préservant ainsi le lien de confiance avec leur audience.

L’impact de l’IA générative

En plus de son utilisation traditionnelle, l’intelligence artificielle générative a profondément remodelé les réseaux sociaux. Par exemple, depuis l’été 2023, TikTok propose une fonctionnalité permettant de générer automatiquement un avatar. De même, Snapchat Plus a lancé « MyAI« , une fonctionnalité réservée aux abonnés, capable de tenir des conversations sur divers sujets, d’analyser des images et de créer des filtres.

La création de contenu est également devenue plus accessible. Grâce à des outils tels que ChatGPT ou DALL-E, il est désormais très simple de produire des contenus textuels, des photos ou des vidéos susceptibles de devenir viraux. Nous pouvons même anticiper l’émergence d’outils de création de plus en plus sophistiqués, capables de générer du contenu plus attractif, de meilleure qualité et parfois indiscernable de celui créé par un être humain.

Parallèlement, l’IA générative est de plus en plus exploitée dans le domaine de la publicité sur ces plateformes. Google Ads a intégré cette technologie dans ses outils d’optimisation publicitaire, permettant ainsi aux marques d’interagir directement avec Google Ads pour configurer leurs campagnes. De son côté, Meta a récemment lancé « AI Sandbox » pour les annonceurs, une sélection d’IA générative conçue pour les aider à concevoir des publicités.

L’IA et les réseaux sociaux, une menace pour l’information ?

L’émergence de l’IA peut cependant être une menace supplémentaire pour le journalisme et la vérification de l’information. Leur légitimité était déjà remise en question par la présence des réseaux sociaux. Le scandale Cambridge Analytica lors des élections présidentielles américaines de 2016, au cours duquel les données personnelles de dizaines de millions d’utilisateurs de Facebook se sont retrouvées sans leur consentement entre les mains d’une firme ayant travaillé pour la campagne de Donald Trump, est un des exemples les plus marquants de la montée de la désinformation dans le monde.

La recherche du buzz favorise-t-elle donc la diffusion de propos provocateurs et extrêmes, ces derniers étant encouragés par les algorithmes des plateformes ? De plus, avec l’avènement de l’IA générative capable de produire du contenu, que ce soit des textes ou des images, se pourrait-il que le contrôle de l’information soit exclusivement entre les mains de ceux qui maîtrisent le mieux ces nouveaux outils ? Aujourd’hui, selon Radio France, 57 % des citoyens français estiment qu’il est nécessaire d’être prudent vis-à-vis des informations diffusées par les médias sur les grands sujets d’actualité. De plus, un quart des personnes âgées de 18 à 34 ans s’informent via des influenceurs, tandis que 42 % des moins de 35 ans se montrent réceptifs à la possibilité de lire des articles rédigés par une intelligence artificielle.

La multiplication des « deep fakes » grâce à l’intelligence artificielle accélère ce phénomène de désinformation, et la défiance qu’ont les citoyens envers l’information. Aujourd’hui l’IA est utilisé pour des tentatives de manipulation de l’information. En effet, de nombreuses attaques, notamment russes, coïncide avec l’arrivée de l’IA qui donne un pouvoir colossal à la malveillance et à la volonté de déstabiliser les élections européennes, en juin prochain. L’élection présidentielle en Slovaquie à l’automne 2023 avait déjà été prise pour cible. Le candidat de gauche avait été victime d’un deep fakes audio qui a été publié pendant la période moratoire, juste avant le scrutin du week-end, causant ainsi sa défaite.

Face à cette montée des deep fakes, les principaux acteurs doivent lutter contre la désinformation. Il est impératif de rester attentif aux implications éthiques et sociales de cette évolution. Les décideurs politiques, les régulateurs et les entreprises doivent collaborer pour élaborer des cadres réglementaires solides qui protègent les droits des utilisateurs tout en favorisant l’innovation. Le vote d’un nouveau règlement nommé Artificial Intelligence Act en décembre 2023 converge vers cette idée de régulation de l’intelligence artificielle.

L’IA doit ainsi être utilisée pour lutter contre la propagation de fausses informations, en promouvant des sources d’information fiables et en vérifiant les faits. Dans ce sens, Meta a annoncé ces dernières semaines qu’il identifiera à partir de mai 2024, les sons, images et vidéos générés par l’intelligence artificielle sur ses réseaux sociaux, en apposant la mention « Made with AI » sur un grand nombre de contenus générés automatiquement.

Selim Amara

Sources :

Structuration, conception et animation des réseaux sociaux : l’avenir de la sociabilité numérique dans nos sociétés.

À l’ère de l’information numérique et de la communication instantanée, les réseaux sociaux sont au cœur de nos modes de vie. Espace virtuel de partage, ils nous permettent d’interagir sur Internet en partageant photos, vidéos, opinions, idées où un certain nombre d’évènements de la vie quotidienne. Si des géants comme Facebook, Instagram, Snapchat où Twitter dominent le paysage, ils sont néanmoins source de vives critiques qui fragilisent leur hégémonie. Une vague de plateformes alternatives, comme BeReal, Mastodon, ou des réseaux plus spécialisés tels que Truth Social et Parler, commencent ainsi à émerger. Cette diversification suggère un futur où la sociabilité numérique pourrait prendre des formes variées pour mieux répondre aux besoins spécifiques de ses utilisateurs.

Les réseaux sociaux, vers le début d’une nouvelle ère ?

L’intégration des réseaux sociaux sur Internet remonte au début du XXIème siècle avec la mise en service de Sixdegrees.com en 1996 puis quelques années plus tard de Meta (anciennement Facebook) en 2004 et de Twitter en 2006. Initialement, ces derniers furent mise en place pour donner la possibilités aux utilisateurs de combiner les interactions personnelles avec la communication de masse. Cela permettait ainsi à ces derniers de pouvoir converser avec des amis, partager des photos personnelles ou des moments de vie privée tout en ayant la possibilité de diffuser des messages à un plus large public.

Même si l’objectif n’a concrètement pas changé, la priorité de ces plateformes à trouver des sources de revenus et un modèle économique stable les a poussé à transformer leurs mode de fonctionnement. Si il est toujours possible de voir les publications de ses amis, de les commenter où de converser à travers des groupes ou des messageries privées, une partie de notre temps d’écran sur ses plateformes est désormais centré vers de courtes vidéos d’inconnus ou de médias sociaux, soigneusement choisi selon notre profil.

L’algorithme plutôt que le social ?

Dans la course effrénée pour maximiser l’engagement des utilisateurs, les réseaux sociaux ont progressivement accordé une place prépondérante à des algorithmes de plus en plus sophistiqués. Conçus pour analyser et prédire les préférences des utilisateurs, ils façonnent désormais le contenu que chacun voit sur son fil d’actualité. À l’origine, l’idée était de rendre l’expérience utilisateur plus personnalisée et pertinente, cependant, cette personnalisation a peu à peu glissé vers une logique de maximisation du temps passé sur les plateformes. En effet, les algorithmes tendent à privilégier le contenu susceptible de provoquer des réactions immédiates et répétées, telles que les vidéos virales ou les posts polarisants. Ce phénomène a ainsi réduit la visibilité des interactions plus personnelles et significatives au profit de contenus souvent superficiels et divertissants. Cette transformation a eu un impact direct sur la nature des échanges sur les réseaux sociaux, déplaçant l’axe central de « social » à « spectacle », où les utilisateurs sont guidés vers un flux continu de contenus optimisés pour capter leur attention.

Un temps d’écran qui ne cesse d’augmenter

Commençons d’abord par mettre du relief dans nos propos. Aujourd’hui, le temps d’écran sur les smartphones consomment en moyenne un quart des heures d’éveil par individu. À leur tour, le temps passé sur les réseaux sociaux correspond environ à la moitié du temps d’écran des téléphones portables. En prenant des journées de 15h, nous passons donc en moyenne pas moins de 2h de notre temps quotidien sur ces plateformes.

L’augmentation du temps d’écran est une conséquence directe de l’efficacité des algorithmes des réseaux sociaux à capturer et à retenir l’attention des utilisateurs. Cette stratégie est doublement bénéfique pour les plateformes : elle augmente à la fois le volume de publicités vues et la quantité de données collectées sur les préférences et comportements des utilisateurs.

Plus les individus passent de temps en ligne, plus ils sont susceptibles de réagir à des contenus variés, enrichissant ainsi les bases de données qui alimentent les algorithmes. Cette boucle de rétroaction crée un environnement où les utilisateurs sont incités à consommer toujours plus de contenu, souvent au détriment de leur bien-être.

Plusieurs études ont par la suite vivement critiqué le fonctionnement des réseaux sociaux en montrant que l’excès de temps passé sur les réseaux sociaux peut mener à des sentiments d’isolement social, d’anxiété, et de dépression, surtout chez les jeunes. (dès 2014, es chercheurs de l’université de Pittsburgh (Pennsylvanie) se sont intéressés à cette relation, publiant leurs résultats dans l’American journal of preventive medicine.)

Les réseaux sociaux au cœur de la désinformation

La structure même des réseaux sociaux crée un environnement propice à la diffusion rapide de « fake news ». Ces dernières se propagent en effet facilement en utilisant la tendance des algorithmes à favoriser les contenus qui génèrent de l’engagement, qu’il s’agisse de likes, de partages ou de commentaires. Le problème est d’autant plus important du fait les utilisateurs viennent à être enfermer dans des bulles informationnelles, où ils sont principalement exposés à des opinions et des faits qui renforcent leurs croyances préexistantes. Cela limite l’exposition à des perspectives diverses mais renforce également les préjugés. Les plateformes de réseaux sociaux sont ainsi devenues des acteurs puissants dans la configuration du discours public, avec une capacité sans précédent à influencer tant les individus que les dynamiques sociétales et politiques à grande échelle.

Une diversification du réseau social traditionnel

Structuration des réseaux sociaux alternatifs :

De nouveaux réseaux sociaux cherchent à se différencier des « géants du web » en adoptant des structures qui favorisent la décentralisation et l’autonomie des utilisateurs. Ces plateformes, telles que Mastodon ou diaspora*, utilisent des architectures fédérées ou distribuées où les serveurs opèrent de manière indépendante, permettant aux communautés de gérer leurs propres espaces tout en restant connectées au réseau global. Cette structure offre plusieurs avantages notables :

D’abord, elle permet de favoriser la protection des données personnelles : Contrairement aux modèles centralisés, où les données des utilisateurs sont stockées sur des serveurs uniques et contrôlés par une seule entité, les réseaux décentralisés stockent les informations de manière distribuée. Chaque « nœud » ou instance dans le réseau a son propre contrôle sur les données qu’il héberge, réduisant ainsi les risques liés à la surveillance massive et aux fuites de données.

Les réseaux décentralisés ne dépendent également pas d’un serveur central, ce qui les rend moins susceptibles aux pannes massives. Permettant une plus grande modularité, les utilisateurs peuvent choisir les instances ou les services qui correspondent le mieux à leurs besoins et valeurs.

Enfin, qui dit réseau social décentralisé implique que les utilisateurs ou les communautés qu’ils forment ont souvent un mot à dire sur la gouvernance du réseau. Cela peut inclure des décisions sur les politiques de modération, les mises à jour des fonctionnalités ou même le code source du réseau lui-même, souvent géré de manière open source.

Création de contenu et engagement communautaire

Animer un réseau social alternatif nécessite une approche qui balance l’engagement des utilisateurs avec le respect de leur autonomie et de leur vie privée. Pour se faire, encourager les utilisateurs à créer et partager du contenu reste un point vital. La modération est aussi un défi majeur. En adoptant des approches de modération communautaire où les règles et les décisions de modération sont prises collectivement par les utilisateurs ou par des modérateurs élus, les réseaux alternatifs affirmeraient la transparence dans leurs processus. Les technologies comme la blockchain et les contrats intelligents (smart contracts) offrent des possibilités nouvelles pour les réseaux sociaux alternatifs, notamment en termes de gestion sécurisée des identités numériques favorisant les transactions au sein de la communauté.

Défis et perspective d’avenir

Bien que prometteurs, les réseaux sociaux alternatifs rencontrent plusieurs défis. D’abord, ces réseaux ont des difficultés pour atteindre une masse critique d’utilisateurs, essentielle pour que le réseau soit vivant et attractif. Les crises de confiance affectant les grandes plateformes pourraient cependant inciter les utilisateurs à rechercher des alternatives aux réseaux actuels. Ensuite, il y a le défi de l’interopérabilité, c’est-à-dire la capacité des différents réseaux décentralisés à fonctionner ensemble de manière fluide. Enfin, le défi économique reste prépondérant : trouver un modèle viable financièrement sans compromettre les principes éthiques et la protection des données est crucial.

Antoine MANTEL

Références
– SiecleDigital (2023, Mars 16) – Jeremy Lipp – 2023, le début de la fin des réseaux sociaux ? https://siecledigital.fr/2023/03/16/2023-debut-de-la-fin-reseaux-sociaux
– FashioNetwork (2023, Mai 2) – AFP Relaxnews – Mode et réseaux sociaux: la fin de la lune de miel ? https://fr.fashionnetwork.com/news/Mode-et-reseaux-sociaux-la-fin-de-la-lune-de-miel-,1505240.html
– LeNouvelEconomiste (2023, Février 15) – The Economist – La fin annoncée des réseaux sociaux https://www.lenouveleconomiste.fr/la-fin-annoncee-des-reseaux-sociaux-110114/
– Forbes (2018, Août 20) – Sabah Kaddouri – Réseaux Sociaux, Le Début De La Fin ?https://www.forbes.fr/technologie/reseaux-sociaux-le-debut-de-la-fin
– RennaissanceNumérique (Non daté) – Léa Roubinet – Réseaux sociaux décentralisés : vers un Web3 éthique ?https://www.renaissancenumerique.org/publications/reseaux-sociaux-decentralises-vers-un-web3-ethique

Médiamétrie 2024 : Nouvelle ère de mesure d’audience TV et défis de l’intégration des réseaux sociaux

Dans une ère où le numérique bouscule les traditions, Médiamétrie franchit un pas de géant avec une révision capitale de son système de mesure des audiences télévisuelles. L’entité de référence pour les statistiques médiatiques, Médiamétrie, dévoile une initiative audacieuse qui a commencé à prendre effet le 1er janvier 2024 : l’intégration des interactions sur les réseaux sociaux dans le calcul des audiences.

L’audience totale : au-delà du téléviseur

En décembre 2023, Médiamétrie, fidèle à son image innovante, a annoncé étendre son panel d’audience à 12 000 individus, y compris 500 foyers sans téléviseurs, à partir du 1er janvier 2024. Médiamat, outil emblématique de Médiamétrie, enregistrera désormais une audience « tous lieux (domicile, hors domicile, en mobilité), tous écrans (téléviseur et écrans Internet – ordinateur, smartphone et tablette), toutes temporalités (Live, différé, replay/preview) », pour une représentativité plus complète de l’audimat français. L’entreprise reconnaît ainsi que la télévision a dépassé les frontières du salon pour se diffuser dans chaque recoin de notre vie quotidienne. Pour connaître l’intégralité de la réforme rendez-vous sur le site de Médiamétrie.

Dans cette volonté de couvrir « l’intégralité des comportements de consommation », l’outil comptabilise désormais les clips des émissions diffusés sur des plateformes telles que TikTok, Facebook, Instagram ou encore X. Les statistiques quotidiennes, publiées chaque matin à 9 heures, ne se limitent donc plus à la consommation passive devant le petit écran, mais englobent désormais l’interaction active des téléspectateurs dans l’espace numérique. 

https://twitter.com/Mediametrie/status/1735629447099818095

Mais pour bien comprendre ces changements, il est crucial de reconnaître l’influence significative de ces chiffres d’audience révélés tous les matins à 9h. Depuis de nombreuses années, ils dictent les tendances, influencent les décisions des annonceurs et orientent les stratégies des chaines de télévisions. En embrassant le numérique, Médiamétrie ne se contente pas de suivre l’évolution ; elle redéfinit les règles du jeu, posant ainsi les jalons d’une industrie télévisuelle française plus connectée et réactive. 

La conquête du numérique par les chaînes télévisuelles : embrasser le concept de Social TV

Pour s’aligner sur les innovations de Médiamétrie et rester compétitives dans un paysage médiatique en perpétuelle évolution, les chaînes de télévision doivent faire leur place sur les réseaux sociaux. Cela implique l’adoption du concept de Social TV, une stratégie qui utilise les réseaux sociaux pour enrichir l’expérience télévisuelle. Elle permet aux spectateurs de participer activement aux conversations en temps réel, de partager leurs opinions et même d’influencer le contenu à l’antenne. Ce phénomène transforme la télévision d’une activité traditionnellement passive en une expérience communautaire et interactive. Cette approche est utilisée essentiellement pour capter l’attention du spectateur souvent partagée entre l’écran télévisuel et un second écran, généralement celui du téléphone.

Pour saisir l’ampleur de la Social TV, observons l’émission « Touche Pas à Mon Poste » (TPMP), émission qui s’est taillé une place de choix dans le paysage audiovisuel français, ayant même valu à son hôte le surnom de « Parrain du PAF ».

La recette de TPMP se prête parfaitement à l’interactivité des réseaux sociaux. Chaque épisode, riche en débats, en « clash » et en séquences mémorables, déclenche des vagues de réactions en ligne, entraînant une avalanche de tweets, de partages, et de commentaires sans oublier son lot de polémiques.

Pour tirer parti de cette effervescence, la production de TPMP a élaboré une stratégie digitale complète et réfléchie. Elle s’appuie sur des équipes dédiées qui orchestrent la conversation numérique en direct, favorisant ainsi une connexion instantanée entre les téléspectateurs et le plateau. Le live-tweet durant l’émission est encouragé, rendant chaque diffusion un événement en soi, où le public peut influencer le déroulement ou le contenu par ses réactions. Les meilleurs moments de l’émission sont rediffusés quasiment instantanément sur le compte X de l’émission. 

En outre, TPMP tire parti de contenus exclusifs destinés aux plateformes sociales pour maintenir l’intérêt et stimuler l’engagement en dehors des heures de diffusion. Cette stratégie bien rodée crée un écosystème cohérent où contenu télévisuel et numérique se renforcent mutuellement, transformant ainsi TPMP en un véritable phénomène de Social TV.

Ainsi, la décision de Médiamétrie d’englober les interactions sur les réseaux sociaux dans ses mesures d’audience est un vent favorable pour des émissions comme « Touche Pas à Mon Poste » (TPMP). En reconnaissant l’impact des plateformes digitales, Médiamétrie valorise l’engagement qui est au cœur de la stratégie de TPMP. 

Toutefois, cette évolution ne favorise pas uniformément toutes les émissions. « Quotidien », le principal rival de TPMP, se trouve dans une position délicate depuis son retrait de Twitter en 2023. L’émission est contrainte de déployer des stratégies transverses pour amplifier sa visibilité et compenser l’absence d’une plateforme autrefois cruciale pour l’engagement des téléspectateurs.

https://twitter.com/Qofficiel/status/1737929527446122990

Pour contrebalancer cette absence, « Quotidien » mise sur la popularité de ses chroniqueurs pour générer du buzz et augmenter ses chiffres d’audience. Par exemple, la présence sur les réseaux sociaux de Jean-Michel Apathie, connu pour ses interventions tranchées et sa notoriété, est un levier puissant. L’approche de « Quotidien » s’appuie sur le rayonnement individuel des figures de l’émission pour attirer et fidéliser les audiences, tout en cherchant à créer un contenu partageable qui puisse virer à la tendance et notamment sur X. En exploitant intelligemment la résonance de ses chroniqueurs et en diversifiant ses points de contact avec le public, « Quotidien » s’efforce de rester compétitif dans le nouveau paysage audiovisuel redéfini par Médiamétrie.

Mais quels défis face à cette transformation de la mesure de l’audience ?  

La quête d’audience et le péril du sensationnalisme

Le premier est la tendance inquiétante à privilégier les contenus provocateurs ou sensationnels afin de stimuler les réactions sur les réseaux sociaux. Cette course effrénée au « clash » risque de marginaliser les programmes de qualité, ceux qui privilégient l’information pertinente ou le divertissement constructif. Les chaînes pourraient être tentées de renforcer des dynamiques qui favorisent les controverses et les débats clivants, plutôt que d’encourager une programmation diversifiée. En somme, cette nouvelle méthode de mesure d’audience pourrait involontairement dévaloriser les programmes du PAF qui ne génèrent pas un buzz immédiat sur les réseaux sociaux, redessinant le paysage télévisuel non pas sur la base de la qualité, mais de la capacité à provoquer une réaction instantanée.

Le Risque d’Enfermement dans une Bulle de Filtre

Un autre risque majeur de cette nouvelle mesure est le phénomène de la « bulle de filtre ». Ce concept décrit une situation où les algorithmes des réseaux sociaux filtrent et présentent aux utilisateurs du contenu basé sur leurs interactions précédentes, leurs préférences et leurs comportements en ligne. Ce processus crée un écho personnalisé où l’individu est principalement exposé à des idées, des opinions et des contenus qui lui « correspondent ». Le danger est que l’on croit choisir activement le contenu auquel on est exposé, alors qu’en réalité, notre environnement informationnel est orchestré par des algorithmes qui visent à maximiser notre engagement.

Dans le contexte de la Social TV, cela signifie que les programmes qui deviennent viraux ou qui sont personnalisés pour nous sur les réseaux sociaux peuvent obtenir une visibilité disproportionnée. Cette situation contraste avec la sélection intentionnelle d’un programme à regarder en direct ou en replay, où le choix et l’attention sont exercés de manière plus consciente et délibérée. Les téléspectateurs risquent de perdre une part de leur autonomie, étant de plus en plus influencés par ce que les algorithmes déterminent être le plus susceptible de retenir leur attention, plutôt que par leurs propres choix.

Finalement, une interrogation subsiste quant à l’avenir du PAF. Alors que Médiamétrie redéfinit ce qui fait ou défait les succès télévisuels, restera-t-il assez de place pour la qualité quand le sensationnel semble régner en maître ?

Solène Gautier

Sources

  1. « Nouveau calcul des audiences : pourquoi vous n’en avez pas fini avec le buzz à la télé », Le Parisien, 14-04-2024,
  2. « La mesure d’audience de la télévision, c’est quoi? », Médiamétrie
  3. « Social TV : un vivier d’opportunités pour les annonceurs », Ruche & Pollen
  4. « Que sont les bulles de filtre? », 50A

Le phénomène Telegram, à la fois messagerie et réseau social : un concurrent sérieux pour Meta ?

Quelles sont ses forces, ses faiblesses et les possibilités de son évolution future ?

Telegram ne se limite pas à être une application de messagerie instantanée qui compte plus de 900 millions d’utilisateurs actifs mensuels. C’est également un réseau social prometteur, en passe de devenir un sérieux concurrent pour les plateformes Meta. En outre, Telegram est une société privée totalement possédée par son fondateur. L’entreprise compte seulement 30 ingénieurs et ne possède pas de département des ressources humaines. Telegram mise sur la qualité et la fiabilité de ses services plutôt que sur le marketing pour attirer et fidéliser ses utilisateurs. La société s’engage aussi à préserver une impartialité politique.

Telegram a été développé en 2013 par les frères Pavel et Nikolaï Dourov. L’accent principal a été mis sur la transmission sécurisée des données grâce à l’utilisation du protocole cryptographique MTProto, qui assure un chiffrement de bout en bout, du serveur à l’utilisateur pour les chats standards, et d’utilisateur à utilisateur pour les chats secrets. Pendant longtemps, Telegram fonctionnait sans modèle de monétisation. Pendant ce période, il était financé par son PDG Pavel Dourov. En 2015 Durov a admit que le fonctionnement de Telegram lui coûtait 12 millions de dollars par an. 

Aujourd’hui, Telegram dispose de deux principales sources de monétisation : l’abonnement premium et la publicité. L’introduction de méthodes de monétisation n’a pas détérioré l’expérience utilisateur. La version premium offre seulement un petit ensemble de fonctionnalités supplémentaires, telles que la déchiffrement de messages audio et vidéo en texte et la possibilité d’interdire aux autres utilisateurs d’envoyer des messages vocaux. La publicité apparaît uniquement dans des chaînes publiques sous forme de courts messages textuels. Les publicités sont clairement indiquées et ne peuvent être confondues avec le contenu.

Examinons d’autres fonctionnalités qui distinguent Telegram de ses concurrents. D’abord, Telegram n’est pas seulement une messagerie instantanée, mais aussi un réseau social grâce à ses chaînes. Une chaîne Telegram est un outil de communication unidirectionnelle, mais les utilisateurs peuvent laisser des réactions et des commentaires. L’utilisation des chaînes est pleinement intégrée dans l’interface utilisateur : les messages des chaînes arrivent comme de simples messages privés. Il est à noter que Telegram n’utilise pas de système de recommandation : les utilisateurs voient sur la page principale uniquement les chaînes auxquels ils sont abonné, et elles s’affichent dans l’ordre chronologique des dernières publications. Cela permet d’éviter que des chaînes moins populaires mais importants pour l’utilisateur ne se perdent dans le flux de nouvelles.

Une autre caractéristique remarquable de Telegram est son stockage cloud gratuit. Tant que le compte reste actif, tous les fichiers, photos, audios et vidéos sont sauvegardés sans limitation de volume. L’application elle-même ne nécessite pas plus de 100 Mo de mémoire, et le cache peut toujours être nettoyé via le menu principal.

Telegram offre également de vastes options pour la gestion de l’envoi de messages : il est possible de programmer l’envoi, d’envoyer des messages sans notification ou de créer des messages qui s’auto-détruisent. Les utilisateurs peuvent aussi interdire la retransmission de leurs messages.

Le code de Telegram et son API sont ouverts aux développeurs. Il existe également une API pour les chat bots. Les possibilités d’interaction avec les chat bots sont presque illimitées, allant de la création de stickers à partir de photos au paiement de services, en passant par l’intégration avec des outils comme Chat GPT et Midjourney. Un chat bot ressemble à n’importe quel autre chat, l’interaction reste simple et intuitive. 

Une autre fonctionnalité utile de Telegram est la possibilité de remplacer le numéro de téléphone enregistré sur le profil par un pseudonyme. Les utilisateurs peuvent également être recherchés par ce pseudonyme, ce qui ajoute une couche de confidentialité et permet de garder le numéro de téléphone mobile secret.

Telegram possède de nombreuses fonctionnalités utiles, mais l’une des plus importantes est la présence de chats secrets, où le chiffrement de bout en bout va d’un utilisateur à l’autre. Cela signifie que les messages sont stockés uniquement sur les appareils des participants au dialogue. Pourquoi alors tous les chats ne sont-ils pas chiffrés de cette manière par défaut ? La raison en est que si l’appareil est perdu, les données des chats secrets ne peuvent pas être récupérées, et il n’est pas possible de se connecter à ces chats à partir de différents appareils via un seul compte. 

Selon DataAI, Telegram se classe actuellement sixième parmi les applications les plus utilisées dans le monde. Cette popularité attire inévitablement l’attention des services de sécurité nationaux de différents pays ainsi que de grandes corporations comme Google et Apple, qui cherchent à exercer un contrôle sur la plateforme. Apple menace parfois de retirer Telegram de l’AppStore et entrave ses mises à jour, tandis que Google a bloqué la technologie de domain fronting, qui constituait une protection importante pour le messager contre les blocages. Comment Telegram réussit-il à rester indépendant et à maintenir sa neutralité?

Premièrement, Telegram appartient à son fondateur, ce qui lui permet de prendre des décisions indépendantes sans ingérence extérieure. Deuxièmement, le siège de Telegram est basé aux Émirats Arabes Unis, un pays connu pour sa neutralité politique.

La pandémie de COVID-19 a révélé l’ampleur de la liberté offerte par Telegram, se manifestant par sa gestion de la communication durant cette période critique. Telegram est devenu l’un des rares réseaux sociaux à ne pas censurer les publications critiques sur les mesures de lutte contre le virus et la vaccination. La plateforme a collaboré activement avec les canaux gouvernementaux pour diffuser des informations officielles sur les mesures prises, mais n’a pas bloqué les voix critiques. Ainsi, différentes opinions ont pu coexister sur la plateforme, tandis que les services comme ceux de Meta supprimaient les publications contenant des informations jugées peu fiables. « Il est sensé de confronter des opinions opposées et d’espérer que la vérité émerge de ces débats, » a déclaré Pavel Dourov dans une interview.

Les principaux problèmes qui limitent la popularité de Telegram incluent les risques liés à l’utilisation de son haut niveau de confidentialité à des fins malveillantes et le nombre relativement faible d’utilisateurs dans certains pays. La sécurité et la liberté représentent un dilemme complexe. Cependant, il est important de se rappeler que le chiffrement de bout en bout protège la liberté d’expression et aide à se défendre contre le piratage, le vol de données, la fraude et la divulgation illégale d’informations. En ce qui concerne le manque d’utilisateurs, Telegram offre toujours d’importantes possibilités. Bien que tous les amis et membres de la famille ne soient pas inscrits sur cette plateforme, Telegram peut être utilisé non seulement pour communiquer, mais aussi comme un réseau social pour lire des chaînes, publier du contenu, ainsi comme un espace de stockage cloud gratuit.

Actuellement, Telegram compte 41 millions d’utilisateurs en Europe, ce qui est légèrement inférieur au seuil de 45 millions nécessaire pour être reconnu comme une « très grande plateforme ». Cependant, le site officiel de Telegram présente une section sur le Digital Service Act qui détaille les mesures prises par la plateforme pour se conformer à ces normes :

  • La plateforme définit les comportements et contenus interdits, tels que le spam, la promotion de la violence, le contenu sexuel illégal et d’autres activités illégales.
  • Telegram utilise des méthodes de modération automatiques et manuelles pour son contenu public
  • Actions possibles de Telegram inclut la suspension temporaire ou permanente de certaines fonctionnalités du compte, l’étiquetage des comptes comme « Faux » ou « Fraude », et la possibilité de bloquer ou de supprimer des utilisateurs et du contenu en cas de violations graves.
  • Telegram n’utilise pas d’algorithmes de recommandation pour promouvoir du contenu, mais propose des contenus basés sur les requêtes et abonnements des utilisateurs
  • Les utilisateurs peuvent contacter Telegram via le bot @EURegulation, qui sert de point de contact unique dans le cadre du Digital Service Act. 
  • Les autorités de l’UE peuvent contacter Telegram via un représentant à Bruxelles pour les questions liées à l’Acte sur les services numériques.

En 2018, le RGPD a été publié, et peu après, Telegram a mis à jour son application pour se conformer à cette réglementation. Selon un article sur le site officiel de Telegram, la plateforme a été initialement conçue pour protéger les données personnelles, ce qui a nécessité peu de modifications pour répondre aux exigences du RGPD. Telegram propose un chat bot où les utilisateurs peuvent demander une copie de toutes les données enregistrées les concernant et obtenir des clarifications supplémentaires sur la confidentialité.

Je pense que la popularité de Telegram continuera de croître, bien qu’il ne remplace pas WhatsApp, dont les utilisateurs sont déjà habitués à son interface et possèdent les chats et groupes nécessaires. Étant donné les nombreuses fonctionnalités de Telegram, les deux plateformes peuvent être complémentaires. De plus, il est possible que de nouveaux concurrents émergent, tels que Signal et Olvid, qui sont des plateformes plus récentes et gagnent en popularité.

Elizaveta Kolpakova

Liste de références:

BeReal et la quête d’authenticité : vers une utilisation plus saine des réseaux sociaux ?

Les téléphones qui vibrent tous en cœur, chacun attrape son smartphone pour se saisir de cette notification le plus rapidement, et porter son téléphone en mode « selfie ».
« ⚠️ C’est l’heure de BeReal ⚠️ » : voilà la notification reçue tous les jours, à un moment aléatoire et commun à tous, par les 25 millions d’utilisateurs quotidiens de BeReal.

Le principe est simple : partager avec ses amis proches un moment spontané de sa journée, choisi par l’application, avec un chronomètre de 2 minutes pour capturer une photographie hybride, avec caméra avant, et caméra arrière en même temps ! Le slogan de BeReal prône la volonté de retrouver une proximité avec votre réseau d’ami « Tes amis, pour de vrai ». D’ailleurs, c’est l’application elle-même qui vous met en garde quant au réseau que vous vous y constituez. Avant d’envoyer une demande d’ajout, ou d’en accepter une, on vous demande « Est-ce que tu connais vraiment cette personne ? » ou encore « Es-tu sûr(e) de bien les connaitre ? ». C’est ainsi quelques 119 millions de personnes à travers le monde, qui ont été tentées de rejoindre le mouvement BeReal. Et pour cause, une promesse d’authenticité assumée : on ne veut plus voir les storys léchées de ses amis sur Instagram, mais on veut les voir comme ils sont au quotidiens, naturels et spontanés. L’arrivée d’une telle application sur le marché des réseaux sociaux semblerait en avoir chamboulé les codes. On peut ainsi se poser la question : la promesse d’authenticité soutenue par BeReal. pourrait-elle mener à une utilisation plus saine des réseaux sociaux ?

Les codes traditionnels des réseaux sociaux : paraître et artifices

L’avènement des réseaux sociaux, notamment avec l’arrivée d’Instagram, est marqué par l’avènement du paraître et des artifices. Tout est porté vers l’apparence : on crée des filtres qui rendent la bouche plus pulpeuse, ou qui effacent les cernes ; on ne montre aux autres que ce qui les ferait rêver ; on fait la course aux likes en posant sur toutes ses photos. Certains parviennent même à faire de leur physique avantageux un métier, en devenant influenceurs. Sur la plateforme émergent les tendances, qu’elles soient vestimentaires ou comportementales. Instagram dicte les standards de beauté, jusqu’à avoir un réel impact sur la santé mentale de ses utilisateurs, en particulier les jeunes filles, dont la société les ramène sans cesse à leur physique.

BeReal. et l’authenticité : un réseau social d’un nouveau genre

En 2020, BeReal. émerge alors en France comme le protagoniste d’une lutte contre la superficialité. Pas de filtre, pas d’artifices : avec BeReal. tout repose sur son concept fort. Alors qu’Instagram est envahi par l’utilisation de filtres dans ses storys, BeReal se place à contre-courant en incitant les utilisateurs à se montrer au naturel.  Et si les internautes habitués à se montrer sous leur meilleur jour auraient pu être effrayés, c’est tout l’inverse qui se produit. Début 2022, deux ans après sa sortie en France, elle sort au grand jour avec plus de 28 millions de téléchargements ; aujourd’hui elle en compte 119.

BeReal. semblerait même avoir influencé le comportement des utilisateurs sur les autres réseaux sociaux.

De nombreux influenceurs, en prenant par exemple Matilda Djerf, changent la direction de ce qui se poste sur Instagram. On ne flambe plus avec des photos remplies de filtres et d’artifices à la Kylie Jenner, mais on fait désormais des « dumps », un enchaînement de plusieurs photos dans un même post Instagram, montrant notre vie quotidienne. Photos de son chien, en pyjama, ou en prenant son petit déjeuner :  Matilda Djerf incarne ce nouveau genre, cet aesthetic scandinave où la « slow life » est mise en avant. De manière générale, les filtres passent peu à peu à la trappe, alors qu’ils envahissaient les storys de tout le monde quelques temps auparavant.

On observe aussi l’émergence de storys privées, notamment sur Instagram, qui permet à ses utilisateurs de créer des sous-groupes « amis proches », dont les storys ne seront disponibles au visionnage que pour le groupe d’amis sélectionné par l’utilisateur. L’idée est la même que sur BeReal. : partager certains moments de spontanéité avec son cercle intime seulement.

BeReal. devient même un nouveau support de contenu sur les autres réseaux sociaux. Les internautes repostent leurs BeReal. en story, ou dans leurs dumps Instagram. BeReal. profite d’autres plateformes pour faire sa promotion, comme avec TikTok, où a été lancé un concours du BeReal. le plus fou.

Des nouvelles fonctionnalités controversées : vers une conformisation du réseau social ?

L’influence de BeReal. est certaine, et l’application semble être le parfait compromis : un réseau social certes, mais où l’on est soi-même, et dont la sphère se limite à son cercle d’amis proches.

Pourtant certaines mises à jour récentes sembleraient faire perdre à l’application de sa singularité, jusqu’à la mener à se conformer aux autres plateformes.

Pour lutter contre les utilisateurs contournant le principe de spontanéité, en postant leur BeReal. en retard plutôt qu’à l’heure choisie par l’application, BeReal. a mis en place un principe de « récompense » pour ceux respectant les règles du jeu. Si la photo est postée dans les 2 minutes imparties, alors l’utilisateur « gagne » le droit de poster deux autres BeReal. dans la journée, à l’instant qu’il le souhaite. Si l’objectif est de maintenir la spontanéité promise par le réseau social, le résultat semble s’en éloigner. En effet, les utilisateurs bénéficient de plus d’opportunités pour partager leurs photos, en en choisissant leur moment pour deux sur trois d’entre elles.

Il y a quelques jours, une autre fonctionnalité a été ajoutée : en plus d’un BeReal. classique par jour, les utilisateurs peuvent faire un BeReal. « roulette ». L’application sélectionne ainsi une photo issue de la galerie de l’utilisateur, qui peut choisir de la poster ou non, en bénéficiant de 5 essais (il peut relancer la roulette 5 fois).

Si ces nouvelles fonctionnalités ne sont aujourd’hui pas alarmantes, on y retrouve toutefois une similarité avec le chemin parcouru par Instagram avec ses storys. Quand Instagram a lancé son option Story en 2016, l’objectif était de permettre aux utilisateurs d’être plus naturels, de dévoiler leur vie sans artifice. Quelques années plus tard, elles sont devenues aussi calculées et filtrées que les publications classiques, en plus d’être bourrées de publicités. BeReal. pourrait donc prendre le même chemin.

Mais la mise à jour qui marque sans doute le plus gros pas vers la conformisation du réseau social est sans doute celle du 7 février 2024. Promue par les fondateurs de BeReal. comme la plus marquante depuis la création de l’application, cette fonctionnalité ouvre les portes de BeReal. aux marques et aux célébrités. Ainsi, ces « RealPeople » et « RealBrands » ne sont pas logés à la même enseigne que les utilisateurs anonymes : ils sont certifiés, et suivis par des « RealFans ». On est loin des mises en garde de BeReal. qui insistait sur l’importance de n’ajouter que ses amis proches.

BeReal. qui se plaçait à contre-courant des autres réseaux sociaux dictés par la superficialité, les artifices, et le business, devient ainsi une plateforme où l’on peut retrouver des posts sponsorisés… comme sur toutes les autres.

BeReal. promettait intimité et spontanéité, et le premier semble d’ores et déjà perdu. On peut alors se questionner sur le futur de l’application : va-t-elle se faire influencer par les géants comme Instagram, au point de perdre son essence d’authenticité ?

Marine Marzin

La chute de la Silicon Valley Bank : Réseaux sociaux et gestion bancaire en question

Le 10 mars 2023, la Silicon Valley Bank (SVB), la 16ème plus grande banque des États-Unis et un pilier du financement des entreprises de technologie et de biotechnologie, s’effondrait de manière spectaculaire. Cette faillite, la plus significative depuis la crise financière de 2008, soulève de nombreuses questions sur l’influence des réseaux sociaux dans la banque moderne et met en lumière des pratiques de gestion éloignées des standards bancaires habituels.

Un effondrement fulgurant

Tout a commencé le 8 mars, lorsque la SVB a annoncé la nécessité de lever des fonds de toute urgence après des pertes significatives sur des obligations. Cette annonce a provoqué une panique parmi les investisseurs et les déposants, majoritairement des entreprises de la tech et des startups, qui craignaient pour la sécurité de leurs actifs.

En moins de 48 heures, une vague massive de retraits s’est déclenchée, exacerbée par les réseaux sociaux où des messages alarmants circulaient rapidement. Des hashtags comme #BankRun et #SVBCollapse devenaient viraux, illustrant la rapidité avec laquelle la peur et la suspicion peuvent se propager dans l’ère digitale.

Retraits Hypothétiques de Fonds de la SVB Suite à l’Annonce

Le graphique illustre la réaction rapide et massive des déposants de la Silicon Valley Bank suite à l’annonce du besoin urgent de lever des fonds le 8 mars. On observe une escalade dramatique des retraits, commençant par 5 milliards de dollars le jour de l’annonce, suivi d’une augmentation vertigineuse à 20 milliards le lendemain, et culminant à 50 milliards le 10 mars. Cette courbe montante témoigne de l’effet immédiat des inquiétudes des déposants et de l’impact amplificateur des réseaux sociaux, où des messages alarmants ont circulé à une vitesse fulgurante, incitant à une réaction en chaîne de retraits de fonds. Ce graphique hypothétique est représentatif du phénomène de bank run accéléré par le numérique, mettant en lumière la vulnérabilité des institutions financières dans un contexte où l’information se propage en temps réel.

Les réseaux sociaux : catalyseur d’une crise de confiance

Sur Twitter, LinkedIn et d’autres plateformes, des entrepreneurs influents tels que David Sacks et Jason Calacanis partageaient leurs inquiétudes et conseillaient ouvertement aux autres de retirer leurs fonds, intensifiant la panique. Cette réaction en chaîne a souligné un aspect nouveau des crises bancaires modernes : l’impact immédiat des réseaux sociaux. Les réseaux sociaux ont fonctionné comme un amplificateur de la crise de confiance, réduisant le délai habituel pour des réactions et des corrections. La rapidité de l’information, couplée à l’écho des chambres de résonance en ligne, a transformé ce qui aurait pu être une gestion de crise interne en un spectacle public et chaotique.

Le Tweet qui a Ébranlé les Marchés : Le Rôle de David Sacks dans la Panique de la SVB

Au cœur de la crise de la Silicon Valley Bank, David Sacks, entrepreneur respecté et figure de proue de l’industrie technologique, a joué un rôle déterminant en amplifiant les enjeux de la situation sur Twitter. Ses tweets du 10 mars 2023 ont non seulement capturé l’attention immédiate de ses abonnés, mais aussi celle du monde financier à large échelle. Par ses interrogations directes – « Where is Powell? Where is Yellen? » – Sacks appelait à une action urgente des régulateurs, exprimant une exigence collective pour la sauvegarde des dépôts et la prévention d’une contagion financière plus large. Son tweet, « Stop this crisis NOW. Announce that all depositors will be safe. Place SVB with a Top 4 bank. Do this before Monday open or there will be contagion and the crisis will spread, » était un cri d’alarme soulignant l’urgence et la gravité perçue de la situation. Avec une voix résonnant dans l’écosystème des startups, Sacks a influencé la perception publique et a possiblement accentué la pression sur les décideurs.

En abordant le thème de la responsabilité fédérale, « Anybody who thinks that preventing bank runs and panics isn’t a federal responsibility missed a couple hundred years of financial history, » il rappelait la nécessité de la surveillance et de l’intervention des autorités financières dans des moments critiques. Ce faisant, il a mis en exergue la responsabilité des institutions face à un risque systémique. La clarification concernant sa propre entreprise, « Craft has no money at SVB, » visait à apaiser les spéculations et à distinguer ses commentaires professionnels des intérêts personnels. L’impact de Sacks dans cette crise n’était pas négligeable, ses tweets agissant comme des catalyseurs d’opinion parmi les entrepreneurs et investisseurs déjà nerveux, et mettant en évidence le pouvoir influent des leaders d’opinion dans le secteur technologique en temps de crise financière.

Gestion bancaire défaillante

Au-delà des réseaux sociaux, le cœur du problème résidait dans la gestion même de la SVB. La banque avait misé massivement sur des investissements à long terme, principalement des obligations d’État, qui se sont dépréciées avec la montée des taux d’intérêt par la Réserve fédérale. Cette stratégie, risquée et peu diversifiée, a rendu la banque particulièrement vulnérable à un changement de conjoncture.

De plus, la SVB avait une concentration exceptionnelle de dépôts provenant d’un secteur spécifique : la technologie. Cette homogénéité de la base de clients a exacerbé l’effet de contagion lorsque la confiance a commencé à fléchir, montrant les limites d’une stratégie de niche dans un environnement instable.

Gestion Bancaire vs. Tempête Numérique : Les Vrais Coupables de la Débâcle de la SVB

L’effondrement de la SVB peut être attribué à deux facteurs principaux qui, en interagissant, ont amplifié la crise : une gestion bancaire hasardeuse et l’influence des réseaux sociaux. D’une part, la banque avait adopté une stratégie d’investissement risquée, en plaçant une grande partie de ses actifs dans des obligations à long terme qui se sont dévaluées avec l’augmentation des taux d’intérêt. Cette gestion, peu conforme aux pratiques conservatrices typiques du secteur bancaire où la diversification et la prudence prévalent, a placé la banque dans une position financièrement vulnérable.

D’autre part, les réseaux sociaux ont joué un rôle prépondérant dans l’accélération de la crise. La propagation rapide d’informations parfois erronées ou exagérées a engendré une panique massive parmi les déposants, aggravant une situation déjà tendue.

Réactions réglementaires

La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) a rapidement pris le contrôle de la banque, garantissant les dépôts jusqu’à 250 000 dollars et cherchant à stabiliser le secteur. Ce scénario rappelle l’importance d’une régulation adaptée à l’évolution des pratiques bancaires et des technologies de l’information. La chute de la SVB incite à une réflexion sur le rôle des régulateurs et des banques elles-mêmes dans la gestion des risques. Elle pose également la question de l’impact des technologies et des médias sur la stabilité financière.

Pour répondre à ces défis, un projet de loi pourrait être envisagé, tel que le Projet de Loi N° XYZ: Loi pour l’Encadrement des Communications Financières Numériques. Cet article propose des mesures spécifiques pour encadrer les communications financières sur les plateformes numériques, afin de prévenir les mouvements de panique amplifiés par ces nouveaux médias. Il stipule que les institutions financières doivent établir des protocoles clairs pour les communications en période de crise, approuvés par l’autorité de régulation compétente, et que les plateformes numériques doivent collaborer avec les autorités pour vérifier les informations potentiellement déstabilisatrices. La loi envisagerait également la création d’une unité spéciale au sein de la FDIC pour surveiller ces communications, assurant ainsi une réponse rapide et coordonnée en cas de future instabilité financière.

Les autorités pourraient ainsi mieux contrôler l’interaction entre les communications financières et la réaction du public, minimisant le risque de panique bancaire déclenchée ou exacerbée par les réseaux sociaux et autres plateformes numériques.

La débâcle de la Silicon Valley Bank révèle l’interaction complexe entre une gestion bancaire risquée et l’effet amplificateur des réseaux sociaux. Cet événement force une réévaluation des stratégies de gestion de crise à l’ère numérique et rappelle l’importance cruciale de l’adhérence aux principes de gestion de risque et de communication efficace. Les régulateurs et les institutions financières doivent considérer ces nouvelles dynamiques pour prévenir de futures crises. Face à cette nouvelle réalité, comment les banques peuvent elles équilibrer innovation et sécurité pour gagner la confiance dans un monde hyperconnecté ?

Kelly CLAIRE

Quel est l’impact des influenceurs sur la perception de l’authenticité des marques par les consommateurs ?

Introduction

L’impact des influenceurs sur la perception de l’authenticité des marques par les consommateurs est un sujet de plus en plus pertinent dans le monde du marketing digital. À une époque où la publicité traditionnelle perd peu à peu de son efficacité, les marques se tournent vers des influenceurs aux communautés ciblées pour gagner plus facilement la confiance des consommateurs. Cet article explore comment les interactions entre les influenceurs et leurs abonnés peuvent affecter la perception de l’authenticité d’une marque et, par conséquent, influencer le comportement des consommateurs.

La notion d’authenticité

Définition et importance

L’authenticité, dans le contexte du marketing d’influence, fait référence à la perception qu’ont les consommateurs de la vérité, de la sincérité et de l’intégrité d’un influenceur lorsqu’il recommande un produit ou une marque. Cette perception est cruciale car elle influence directement la manière dont les messages publicitaires sont reçus par les audiences.

Dimensions de l’authenticité

Selon des études récentes, l’authenticité d’un influenceur se décompose en quatre dimensions principales : l’originalité, la naturalité, la continuité et la fiabilité (Bruhn M., Schoenmüller V., Schäfer D., Heinrich D. 2012). Chacune de ces dimensions contribue à façonner l’image que les consommateurs se font de l’influenceur et, par extension, de la marque qu’il représente.

Influence des interactions sur la perception de l’authenticité

Engagement et authenticité

L’engagement des consommateurs avec les publications d’un influenceur est souvent perçu comme un indicateur de son authenticité. Un taux élevé d’interaction (likes, commentaires, partages) suggère que l’audience trouve l’influenceur crédible et digne de confiance, ce qui, par projection, renforce l’authenticité perçue de la marque.

Transparence et confiance

La transparence, désormais obligatoire par la loi sur l’influence en France (LOI n° 2023-451 du 9 juin 2023, alinéa 1 de l’article 5) en ce qui concerne les partenariats rémunérés, est une pierre angulaire pour maintenir la confiance des consommateurs dans l’ensemble. Son importance est décuplée dans l’actuel paysage numérique où les frontières entre contenu organique et contenu sponsorisé peuvent parfois sembler floues, notamment dans des formats comme les vidéos TikTok ou les stories Instagram. En étant clairs et explicites sur la nature de leurs partenariats, les influenceurs édifient un climat de confiance avec leur public, élément fondamental pour la pérennité de leur relation.

Effets de la perception de l’authenticité sur le comportement des consommateurs

Les perceptions d’attractivité, de confiance et d’expertise des influenceurs, renforcées par leur authenticité, ont un impact direct sur la propension des consommateurs à engager un bouche-à-oreille positif (Wang, E.S.-T. et Weng, Y.-J.,2024). Ce comportement est crucial pour les marques car il peut significativement amplifier la portée et l’efficacité des campagnes marketing. De plus, ce phénomène est souvent accentué par les interactions para-sociales, qui se développent lorsque les abonnés commencent à percevoir leurs relations avec les influenceurs comme étant proches et personnelles, bien qu’ils ne se rencontrent jamais en réalité. Ces interactions peuvent créer un sentiment de familiarité et d’attachement envers l’influenceur, renforçant ainsi la confiance et l’engagement du consommateur envers les produits ou les marques promues.

Bien que le marketing d’influence soit souvent moins coûteux et plus efficace que les méthodes plus traditionnelles, et malgré une réglementation croissante dans le secteur, les influenceurs les moins consciencieux sont encore souvent au centre de controverses. Nous avons pu en constater de nombreux exemples, notamment avec la vague d’« influvoleurs » de Dubaï (terme créé par le rappeur Booba suite aux polémiques), une controverse qui a en partie incité la France à légiférer sur le secteur.

Plus récemment, une vidéo de « Simon Puech » a souligné qu’il reste encore beaucoup à faire du côté des influenceurs en ce qui concerne les produits et services qu’ils promeuvent car beaucoup ne savent même pas ce qu’ils vendent.

Nonobstant, l’influence peut être à double tranchant. Bien que de nombreux influenceurs utilisent leur plateforme pour promouvoir des produits ou services, il est également possible que leur influence puisse nuire à l’image d’une marque, d’une personne ou d’une cause. Un exemple récent implique l’influenceur Marques « MKBHD » Brownlee, un Youtubeur spécialisé dans les critiques de nouvelles technologies. Il a reçu de nombreuses critiques désobligeantes concernant une de ses vidéos, craignant que celle-ci ne ternisse l’image de marque du produit en question et en la jugeant contraire à l’éthique.

Cependant, c’est précisément dans cette situation que réside l’essence même de Marques. Il est apprécié en tant qu’influenceur pour son authenticité et son expertise concernant les nouvelles technologies. Ses dimensions d’authenticité associées sont par ailleurs :

Originalité : Son approche unique des critiques de produits technologiques et sa capacité à présenter des informations complexes de manière accessible et engageante.

Naturalité : Sa communication décontractée et honnête crée une connexion authentique avec son public.

Continuité : Il maintient une qualité constante dans ses vidéos au fil du temps.

Fiabilité : Sa réputation d’influenceur de confiance, fournissant des critiques objectives et transparentes.

Conclusion

En conclusion, l’impact des influenceurs sur la perception de l’authenticité des marques et sur le comportement des consommateurs est indéniable. À une époque où la confiance des consommateurs est essentielle pour la réussite des stratégies marketing, les influenceurs jouent un rôle central en établissant des relations authentiques avec leur public. Leur capacité à incarner les dimensions de l’authenticité telles que l’originalité, la naturalité, la continuité et la fiabilité contribue à renforcer la confiance des consommateurs et à stimuler l’engagement envers les marques qu’ils représentent.

Cependant, il est également important de reconnaître les défis et les controverses auxquels sont confrontés les influenceurs, en particulier en ce qui concerne la transparence, l’éthique et la responsabilité dans la promotion de produits et services. La réglementation croissante dans le secteur et les récentes polémiques soulignent la nécessité d’une réflexion continue sur les meilleures pratiques et les normes éthiques dans le marketing d’influence.

En fin de compte, le potentiel positif des influenceurs pour les marques et les consommateurs est immense, mais il est essentiel que les influenceurs, les marques et les régulateurs travaillent ensemble pour garantir que cette industrie reste authentique, éthique et bénéfique pour toutes les parties prenantes.

Adrien Louÿs

Sources :

  • Agnihotri, D., Chaturvedi, P., Kulshreshtha, K. and Tripathi, V. (2023), « Investigating the impact of authenticity of social media influencers on followers purchase behavior: mediating analysis of parasocial interaction on Instagram », Asia Pacific Journal of Marketing and Logistics, Vol. 35 No. 10, pp. 2377-2394. https://doi-org.proxy.bu.dauphine.fr/10.1108/APJML-07-2022-0598
  • Ardley, B. , Craig, C. , Hunt, A. and May, C. (2022) “Product Endorsements on Instagram: Consumer Perceptions of Influencer Authenticity”. Open Journal of Business and Management, 10, 1196-1214. doi: 10.4236/ojbm.2022.103065.
  • Wang, E.S.-T. and Weng, Y.-J. (2024), « Influence of social media influencer authenticity on their followers’ perceptions of credibility and their positive word-of-mouth », Asia Pacific Journal of Marketing and Logistics, Vol. 36 No. 2, pp. 356-373. https://doi.org/10.1108/APJML-02-2023-0115
  • Bruhn, Manfred and Schoenmüller, Verena and Schäfer, Daniela and Heinrich, Daniel, Brand Authenticity: Towards a Deeper Understanding of its Conceptualization and Measurement (October 4, 2012). Advances in Consumer Research, Vol. 40, 2012, Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=2402187

Les luttes contre la désinformation et la protection des données des personnelles sur les réseaux sociaux ont un unique sauveur : la cryptographie.

Une étude du potentiel des techniques de ZKP lors de l’identification sur les réseaux sociaux.

Et si on pouvait s’identifier sur un réseau social en ligne sans rien dévoiler de notre identité? Et si ce réseau social pouvait être certain de la véracité de cette identification en ayant accès à aucune donnée sur l’utilisateur? C’est l’utopie défendue par une technique de cryptographie de vérification d’identité: le Zero Knowledge Proof.

« The thing that we are trying to do at facebook, is just help people connect and communicate more efficiently. » C’est ainsi que, 20 ans après l’initiative de Zuckerberg, les réseaux sociaux rassemblent aujourd’hui presque 5 milliards d’utilisateurs mondiaux(Forbes). Si les gens sont bien connectés, le défi principal des plateformes sociales réside dans leur incapacité à vérifier efficacement l’identité d’un utilisateur avant la création d’un compte :  faux comptes, comptes clonés et comptes multiples compromettent la sécurité des utilisateurs, sapent la crédibilité des informations et érodent la confiance dans ces plateformes.

En bref: le FAKE (accounts, interactions, news) parasite progressivement la légitimité de ces réseaux à être des vecteurs des liens sociaux.

Aujourd’hui, comment les identités sont-elles vérifiées?

Les systèmes actuels reposent principalement sur des méthodes post-création pour détecter et désactiver les faux comptes. Ces méthodes comprennent des algorithmes d’apprentissage automatique qui analysent le comportement des comptes, les rapports des utilisateurs et les processus de vérification manuelle. Cependant, ces approches sont réactives plutôt que préventives, ce qui signifie que les faux comptes peuvent encore exister temporairement et potentiellement s’engager dans des activités nuisibles avant d’être détectés . Cette situation met en évidence le besoin pressant de solutions proactives capables d’authentifier efficacement l’identité réelle d’un utilisateur avant la création d’un compte, réduisant ainsi considérablement le risque et l’impact des faux comptes. 

Brève typologie des attaques sur l’identité: 

Attaque par clonage d’identité:

Les attaques par clonage d’identité se produisent lorsqu’un acteur malveillant crée un profil en utilisant le même nom, les mêmes photos et d’autres détails personnels d’un utilisateur légitime, clonant ainsi son identité. L’objectif de ces attaques consiste généralement à tromper les amis ou les personnes qui suivent l’utilisateur légitime en leur faisant croire qu’ils interagissent avec une personne authentique.

Attaque Sybil:

Une attaque Sybil implique qu’une seule entité malveillante crée de nombreux faux profils pour manipuler le réseau ou ses utilisateurs. Ces attaques peuvent influer sur divers aspects du réseau, tels que la diffusion de fausses informations, la manipulation des métriques de popularité ou le ciblage direct d’utilisateurs individuels. La lutte contre ces attaques passe généralement par la détection des anomalies, la vérification des utilisateurs et l’imposition de restrictions aux comptes nouveaux ou non vérifiés.

Marionnettes (Sockpuppet)

Il s’agit d’un modèle d’attaque par l’identité dans lequel des utilisateurs malveillants (marionnettistes) s’inscrivent sur plusieurs comptes (sockpuppets). À l’aide de ces comptes, les marionnettistes se livrent à différentes activités malveillantes. Ils font de la publicité pour de fausses choses, du spam ou provoquent des controverses sur les réseaux sociaux. Si un compte est banni par un site de réseau social, les marionnettistes en créent un autre pour poursuivre leurs activités. Les sockpuppets sont de multiples faux comptes créés par le même utilisateur. 

Qu’en dit la loi?

En France, ces atteintes à l’identité sont appréhendées légalement par le délit d’usurpation d’identité numérique (l’article 226-4-1 du code pénal), qui incrimine « le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération ». Seulement, comme souvent, le droit positif n’est pas assez armé contre le Goliath de la cyber-criminalité. Le David auquel il faut faire appel appel face aux lacunes légales s’appelle ZKP (une technique de vérification d’identité par cryptographie). 

C’est quoi ce ZKP? 

Le Zero Knowledge Proof (preuve d’absence de connaissance) est un principe cryptographique permettant à une partie de démontrer à une autre qu’elle possède un élément d’information spécifique et vérifiée, sans révéler d’autres détails que la preuve de connaissance. Associée à la nature décentralisée et immuable de la technologie blockchain, la ZKP devient un outil de confiance pour la vérification d’identité.

Pour illustrer, imaginons que vous vouliez aller dans un club et qu’il y ait une restriction d’âge – personne de moins de 18 ans ne peut entrer. Normalement, vous devriez aller voir le garde du corps et lui montrer votre pièce d’identité, qui ne contient pas seulement votre âge, mais aussi votre photo, votre année de naissance, probablement votre adresse, etc. En revanche, grâce aux ZKP, vous pouvez prouver que vous possédez un document qui vous appartient et que vous avez plus de 18 ans. Vous présentez cette preuve, qui peut être un code QR, par exemple, la personne chargée de la sécurité scanne le code et l’écran s’affiche en vert si vous remplissez la condition d’âge. C’est tout. 

Vous avez réussi à prouver votre majorité sans communiquer votre nom, votre nationalité, ni même votre date de naissance. Cette technique de cryptographie permet de garantie la véracité d’une information ou d’un utilisateur sur les réseaux sociaux sans qu’il ait à dévoiler ses données personnelles. 

Un facteur essentiel pour que les ZKP fonctionnent est la présence d’une autorité/source de confiance. Par exemple, si vous voulez prouver à vos amis que vous avez plus de 1 000 followers sur Twitter, l’étape suivante consiste à créer un ZKP sur le nombre total de followers de votre compte et à le partager avec vos amis. Vos amis sauront que le résultat est correct car la preuve est générée à partir d’un élément d’information indéniablement vrai. Vous ne pouvez pas falsifier/ inventer le nombre de personnes qui vous suivent sur Twitter, l’information provient d’une source fiable (par exemple, Twitter). Cette preuve est une preuve cryptographique qui ressemble à un ensemble de chiffres et de lettres.

Concrètement, comment la cryptographie peut-elle aider à réduire les risques de désinformation et d’atteintes aux données personnelles?

✔️Grâce au ZKP combiné à la vérification d’identité, les utilisateurs peuvent prouver qu’ils sont des êtres humains référencés et uniques aux réseaux auxquels ils s’identifient, sans leur envoyer d’informations personnelles. Cela peut contribuer grandement à lutter contre les attaques cyber liées à l’identité et assurer l’unicité des comptes. Par extension, cette technique permettrait de réduire les risques de désinformation, les robots dans les médias sociaux, l’abus de position dominante de certaines marques et de leurs campagnes…

Sources:

Thelma Tertrais

Les réseaux sociaux comme catalyseurs de changements sociaux et politiques à travers le monde : des espaces d’expression politique et de mobilisation

À l’ère numérique dans laquelle nous évoluons, les réseaux sociaux se sont imposés comme des outils incontournables de communication, de mobilisation et d’expression publique. Que ce soit sous des régimes autoritaires où la censure prédomine, ou dans des démocraties où la parole est plus libre, ces plateformes redéfinissent les interactions sociales et politiques. Examinons comment, dans ces différents contextes et en particulier en Chine, au Cameroun, et en France, les réseaux sociaux facilitent une nouvelle forme de dialogue et de contestation.

Une libération de la parole dans des contextes de coercition

Dans des contextes politiques laissant peu de place à l’expression individuelle, les réseaux sociaux se révèlent être des espaces essentiels d’expression publique. C’est par exemple le cas en Chine, où le gouvernement exerce un contrôle rigoureux sur les médias traditionnels, limitant fortement l’accès à l’information et la liberté d’expression :  « La fermeture de Facebook, Youtube ou Twitter relève en effet autant du protectionnisme économique que de la censure médiatique » (Renaud, 2014). Dans ce contexte où « l’opinion publique’’ est façonnée par le parti politique dans les médias professionnels, des réseaux sociaux Chinois ont fait leur apparition. Sina Weibo, par exemple, permet une nouvelle forme d’émancipation de ses utilisateurs en leur offrant un support d’expression, notamment pour rendre visibles leurs revendications sociales et leurs protestations. 

Dans son article La sphère publique sur les réseaux sociaux en Chine : enjeux et stratégies des acteurs (2018) publié dans la revue  Les Enjeux de l’information et de la communication, Tao Tingting dresse une analyse des préoccupations principales des utilisateurs de Sina Weibo en étudiant les discours des 100 comptes ayant un très grande influence sociale sur la plateforme. Ses résultats sont régroupés dans le tableau suivant :

source : Tao, T. (2018). La sphère publique sur les réseaux sociaux en Chine : enjeux et stratégies des acteurs. Les Enjeux de l’information et de la communication, 18(3A), 135-148. https://doi.org/10.3917/enic.hs6.0135

De cette manière, on observe que les préoccupations principales des utilisateurs de la plateforme sont autour du thème du politique (49,91%) et du social (16,41%). Egalement, dans son étude, Monsieur Tingting, explicite que les revendications politiques sont axées autour de sujets tels que la démocratie et la reforme. Quant aux revendications sociales, celles ci sont sur des sujets tels que l’égalité de richesse et l’éducation.

Ainsi, pour contrebalancer le déficit démocratique de leur pays, les chinois ont pris pour alternative d’exprimer une forme de résilience sociale en instaurant un dialogue public sur les réseaux sociaux auxquelles ils ont accès. Sina Weibo fonctionne donc non seulement comme un réseau social mais aussi comme une plateforme de contestation et de mobilisation. Les discussions qui y prennent place révèlent souvent des préoccupations sociales et politiques qui, autrement, resteraient silencieuses ou réprimées. Cela montre comment, même sous des régimes autoritaires, les technologies numériques peuvent faciliter une certaine forme de liberté d’expression et servir de catalyseur pour le changement social.

Les réseaux sociaux ont également la capacité de contourner les limitations des espaces publics physiques, permettant la mobilisation sociale et la justice dans des contextes où les manifestations traditionnelles ou les rassemblements sont réprimés ou impossibles. L’affaire Eva au Cameroun est un autre exemple de cette autre dimension des réseaux sociaux : leur capacité a contourner les limitations des espaces publics physiques. Cette affaire concerne un cas tragique survenu entre juin 2015 et décembre 2016, période durant laquelle près de soixante enfants ont disparu au Cameroun. Parmi eux, Éva, une fillette de deux ans, a été trouvée décapitée à Douala. Face à cette affaire, le gouvernement Camerounais est resté passif et aucune enquête n’a été engagée. Les médias classiques locaux étant sous le contrôle constant et permanent du pouvoir en place, l’affaire a également été étouffée au niveau de la presse écrire, de la radio et de la télévision. 

Face aux limites des médias traditionnels en place, les réseaux sociaux ont alors joué un rôle crucial en permettant aux Camerounais de briser le silence médiatique, de partager des informations, et de mobiliser le soutien public et international autour de cette tragédie.

Alors que le contexte politique Camerounais ne donnait pas la possibilité d’une mobilisation au sein de l’espace publique physique, la mobilisation s’est, en effet, faite à travers les réseaux sociaux. A travers eux, la mobilisation a pu être massive, s’appuyant sur des objectifs affectifs, cognitifs et conatifs. Ainsi, pour susciter l’émotion et donc l’engagement et le militantisme des populations Camerounaise et Internationales, la photographie de la victime ainsi que du lieu où son corps a été retrouvé a été fortement partagé sur Facebook, certains internautes changeant même leurs photos de profils à cet effet. Aussi, en lisant, commentant et partageant les internautes ont démontré leur volonté d’informer à leur tour les autres internautes, le cumul des ressentiment a alors suscité de nombreuses actions symboliques et appelé à des marches de soutien.

« Internet représente un espace ouvert qui procure aux mouvements sociaux une grande autonomie, puisque les barrières de contrôle disparaissent et les protestations, les plaintes ou les appels à la mobilisation arrivent, à peu de frais, à un nombre plus grand de partisans ».

Suarez Collado, 2013, 51

Les exemples Chinois et Camerounais mettent en lumière le rôle crucial que peuvent jouer les réseaux sociaux dans des contextes politiques et sociaux variés, agissant comme des facilitateurs de dialogue et de mobilisation là où les canaux traditionnels sont insuffisants ou inexistants.

Les Réseaux sociaux, amplificateurs des mobilisations 

En France, tandis que la liberté d’expression est un droit majeur garanti par l’article 11 de la DDHC, les Réseaux Sociaux trouvent également leurs places, dans des contextes de mobilisation sociales, cela notamment en jouant des rôles cruciaux dans l’organisation de mouvements, tels que les gilets jaune. En effet, ce mouvement de protestation commencé le 17 novembre 2018 s’est développée de manière massive via les Réseaux Sociaux. On recense par exemple à la mi décembre, soit un mois après le début du mouvement, 1548 groupes Facebook de plus de 100 membres chacun associés au mouvement. Les plateformes de Réseaux Sociaux et notamment de Facebook ont été essentielles pour structurer le mouvement et aidé à coordonner les manifestations à grande échelle, à rassembler les participants et à diffuser des informations en temps réel.

Pour démontrer l’impact des réseaux sociaux dans la mobilisation, dans « Les déterminants de la mobilisation des Gilets jaunes », Pierre C. Boyer, Thomas Delemotte, Germain Gauthier, Vincent Rollet et Benoit Schmutz ont réalisé une étude permettant de démontrer le lien entre la mobilisation en ligne et hors ligne. En utilisant deux sources de données compilées reflétant à la fois la mobilisation online et offline et en construisant trois indicateurs ( Nombre de rassemblements prévus par zone géographique, Nombre de membres de groupes Facebook associés à chaque zone géographique et Nombre de publications sur les groupes Facebook associés à chaque zone géographique), ils ont démontrer une corrélation positive entre les indicateurs de mobilisation online et offline. Plus précisément, l’étude a également démontré une forte corrélation (74%) entre le nombre de groupe Facebook par départements et le nombre de blocage ayant eu lieu dans ce département ainsi qu’une corrélation de 62 % entre le nombre de blocage dans ce département et le nombre de publications sur Facebook.

De nombreux travaux théoriques récents (Edmond [2013] ; Little [2016] ; Barberà et Jackson [2018]) se sont penchés sur l’importance des réseaux sociaux en ce qui est de l’émergence de mouvements de protestation de grande ampleur. Aussi, alors que la coordination est essentielle pour à l’action collective mais souvent limitée par les asymétries d’information et les contraintes des canaux de communication, les réseaux sociaux permettent de transformer les habitudes des citoyens comme des gouvernements.

Le dialogue en Chine, la mobilisation au Cameroun et les manifestations en France ne sont que quelques exemples de la manière dont les réseaux sociaux permettent de créer des espaces pour des voix qui autrement resteraient silencieuses et offrent des moyens de contestation et de résistance face à l’oppression. Ces plateformes ont révolutionné la manière dont nous communiquons mais ont également redéfini les paradigmes de mobilisation et d’expression dans des contextes variés à travers le monde. Ainsi, que ce soit dans des pays où la censure prédomine ou dans des démocraties où la parole est plus libre, les réseaux sociaux ont prouvé leur capacité à servir de catalyseurs pour le changement social et politique.

Louise Lefevre

Sources:

Les influenceurs sont-ils vraiment le meilleur allié d’un cinéma plus dynamique?

Le 23 février dernier, la présence de l’influenceuse Léna Situations en tant qu’animatrice du tapis rouge des César a suscité beaucoup de critiques sur les réseaux sociaux.

Léna Situations, de son vrai nom Léna Mahfouf, cumulant plus de 4 millions d’abonnés sur Instagram, s’est en effet vue confier la tâche d’animatrice du direct sur MyCanal et le compte Tiktok de Canal +. Interviewer les icônes du cinéma français à leur entrée, c’est ce qu’on reproche à cette instagrameuse qui n’aurait visiblement pas sa place à un tel évènement. Pourtant ce n’est pas la première fois que le monde du cinéma s’allie avec ce genre de créateurs de contenus, et une telle association devrait paraître évidente, et même nécessaire. Aujourd’hui des noms comme Paola Locatelli, Seb, Carla Ginola, Charlie Damelio, sont communs sur les tapis rouges. Mais Léna Situations marque un tournant : plus que faire partie du décor, une influenceuse peut avoir la main.

Un objectif : réintéresser les digital natives

Selon un rapport du CNC, les 15-24 ans représentaient la population la plus faible des spectateurs du cinéma en France en 2022 (15,7% des spectateurs), une proportion encore plus faible que les 3-14 ans (17,4% des spectateurs). À l’inverse, les 15-24 ans sont les plus présents sur les réseaux sociaux, 80% d’entre eux y participeraient selon une enquête Statista. Sur 4,8 milliards d’utilisateurs d’Internet dont 98% présents sur les réseaux sociaux dans le monde, il est aisé de comprendre que le cinéma a considérablement perdu de son influence sur une population jeune, qui ne se ferme pourtant pas complètement aux médias.

Peut-on dire que la présence croissante des influenceurs dans la liste des invités des cérémonies du cinéma a pour unique objectif d’attirer de nouveaux les jeunes vers les salles obscures ? Si l’on fait abstraction de leur présence évidente en tant que promoteurs des marques qui les invitent, on peut dire que oui. En effet, les médias sociaux ont permis une multiplication des relations « para-sociales ». Ce terme qualifie les sentiments d’amitié et d’admiration qu’une personne lambda, un fan, va éprouver envers une personnalité publique, qu’il ne connaît pas personnellement. Les influenceurs ont multiplié les interactions avec leurs admirateurs, multipliant par la même occasion le nombre de ces derniers.

Le cinéma, un média vieux au public vieillissant, prend donc le pari naturel de ces créateurs de contenus numériques pour réunir une population sur laquelle il n’a plus de prise.

Les influenceurs : des armes de pointe du marketing

Les influenceurs sont depuis plusieurs années déjà les mascottes de toutes marques espérant devenir virales. La vitalité, c’est la vitesse de diffusion d’un contenu, ou le nombre de personnes touchées par celui-ci. De nombreuses marques ont pris l’habitude de travailler en partenariats avec les créateurs de contenus : cadeaux, produits en collaboration, stories ou posts rémunérés font partie des nombreuses stratégies de promotion réalisables. Une autre s’est donc développée : inviter des influenceurs à certains illustres évènements sous le nom de la marque. C’est ce qui explique notamment le défilé des influenceurs les plus populaires sur Instagram et Tiktok, sur le tapis rouge de Cannes. Bien que leurs contenus, voir même leurs centres d’intérêts, n’aient pas grand chose, si ce n’est rien à voir avec le cinéma, ceux-ci ont droit d’accès aux évènements les plus selects du milieu, telles que les avant-premières dans le prestigieux Théâtre des Lumières.

Cette association peut poser question, pourtant elle fonctionne. Leur présence a permis de concentrer l’attention de toute leur communauté sur le Festival de Cannes. La stratégie portant ses fruits, les institutions du cinéma ont à leur tour décidé de s’y prendre au jeu. Le Festival de Cannes s’est déjà associé deux années de suite à Tiktok en tant que partenaire officiel, les César ont quant à eux engagé Léna Situations. Pari gagnant : près de 150 000 viewers suivaient l’entrée des vedettes à l’Olympia en live sur le Tiktok de Canal+, un chiffre phénoménal pour une chaîne traditionnelle sur Tiktok.

Une présence qui pose problème

Au-delà des nombreuses critiques qu’a suscité le rôle de Léna Situations aux César, la présence des influenceurs à de tels évènements du cinéma est loin d’être acceptée par la majorité. La stratégie fonctionne pour les 15-24 ans, les jeunes redécouvrent l’envie d’aller au cinéma grâce à leurs idoles. Pour les habitués il n’en est cependant pas du même son de cloche. Pourquoi? Parce que cette association ne fait pas sens de prime abord. Cannes, comme les César, sont des marques à part entière qui ont construit leur image depuis des dizaines d’années comme les évènements les plus illustres du cinéma français et international. Haut lieu de prestige, réunion d’amateurs et de connaisseurs, célébration de tout un art, la présence de créateurs de vidéos courtes et de photos Instagram fait tout de suite contraste.

Ce problème relève d’une anomalie dans le « celebrity endorsement » de ces marques, c’est-à-dire de l’image que ces associations renvoient. L’un des critères de succès d’une campagne avec une célébrité est la congruence. Il s’agit d’une question de « match » entre la marque en elle-même, et la célébrité qui la représente. Les deux sont en réalité rarement issues des mêmes secteurs, les pubs télévisées en sont d’ailleurs un parfait exemple. Cependant de manière générale, la célébrité engagée doit redorer l’image de la marque : on se rappelle tous de la pub de Jo-Wilfried Tsonga pour Kinder Bueno, ou de Brad Pitt pour Boursorama Banque. Ils n’ont aucun rapports, mais apportent une influence positive sur l’image de la marque.

Pour la communauté cinématographique, associer le cinéma à de « simples influenceurs » ne fait pas sens, et détériore même l’image de cet art. En dehors de leur propre communauté, les influenceurs ne font pas l’unanimité, et sont souvent dénigrés. Pourtant ce n’est pas la première fois que des vedettes sans rapport avec le cinéma défilent sur ces tapis rouges. Avant eux : les top models, les footballers professionnels, les candidats de télé-réalités avaient déjà leur place, et étaient pourtant des armes de marketing bien moins efficaces.

Au-delà du marketing : un postulat sur l’état des médias

Lorsque Léna Situations prend le micro pour interviewer les plus grandes figures du cinéma de l’année, l’engagement franchit néanmoins une nouvelle étape, celle de faire comprendre à la presse qu’elle n’est plus ni le média dominant, ni le média important. La journaliste Camélia Kheiredine a notamment regretté sur X que cette place lui ait été confiée, plutôt qu’à un jeune journaliste spécialisé et qualifié. En effet la presse traditionnelle est en déclin, et le cinéma semble lui aussi déjà lui tourner le dos. Nathalie Chifflet écrivait en 2017 « […] la presse a perdu le monopole de l’influence. D’ailleurs, le mot d’influence ne lui appartient même plus. Le digital lui a confisqué, signalant par là-même le déplacement des relais d’opinion« .

La décision des César de ne pas confier cette position à un journaliste signe dès lors un constat morose : une association systématique et automatique de la jeunesse aux influenceurs, une perte d’espoir totale dans un intérêt pour une presse spécialisée. La France n’en est qu’à ses balbutiements. Les États-Unis nous précèdent de plusieurs années. Les influenceurs qui s’improvisent journalistes pullulent sur les tapis rouges de tous types d’évènements culturels et ne font pour le moment pas preuve des qualités qui définissent ce métier.

Le débat est donc ouvert sur le rôle que vont vraiment porter les influenceurs pour le cinéma et le monde de la culture dans le futur. Entre dégradation de l’information et influence notoire, les institutions auront à faire un choix. Le Festival de Cannes renouvèle de nouveau son partenariat officiel avec Tiktok, qui se défend lui-même d’être un réel levier pour la culture. Entre le concours Tiktok Short Films durant le festival, qui a déjà récompensé la jeune Claudia Couchet, lui permettant de travailler sur des projets de plus grande envergure par la suite, les partenariats avec différents salons culturels, et le hashtag #Booktok, Tiktok porte ses arguments. La présence des influenceurs est cependant toujours questionnable, surtout lorsque nombreux suspectent une amputation du nombre de Pass 3 jours à Cannes (pass permettant aux jeunes amateurs d’assister au festival) au profit de plus de places pour ces derniers.

Anaëlle Mousserin

Sources:

Dévoiler la stratégie de contenu sur Instagram : Comment Reels, Lives et Stories influent sur l’engagement et la conversion ?

À l’ère numérique d’aujourd’hui, les médias sociaux sont des plateformes cruciales pour la transmission et le partage d’informations. Comment attirer l’attention de l’audience potentielle et les guider vers vos sites web ou magasins ? Comment détecter et répondre à leurs besoins? Ce sont toutes des questions clés en marketing sur les réseaux sociaux. En plus du contenu créatif, les différents approches du contenu est également très importante. Vidéo ? Images ? Texte ? Audio ? L’utilisation astucieuse de différentes formes de contenu aidera à maximiser les résultats. Cet article prendra Instagram comme exemple, pour discuter des caractéristiques de ces trois nouveaux formats : les reels, les stories et les lives, examinera leur efficacité en termes d’engagement et de conversion, et découvrira comment utiliser efficacement ces formats dans les stratégies de marketing.

Source : Later

Instagram est l’un de canal le plus important pour leurs campagnes de marketing d’influence, offrant principalement quatre formats de publication : les posts, les reels, les stories et les lives. Les posts, en tant que format le plus traditionnel et principal d’Instagram, permettent de diffuser des informations sous forme de vidéos, d’images, de carrousels, etc. Mais depuis 2019, le taux d’engagement moyen des posts dans le feed (hors réels et IGTV) a diminué de 44 %. Selon l’étude de Later portant sur 81 millions de publications Instagram, le taux d’engagement moyen des posts était de 5,16 % en 2019, mais a chuté à 2,88 % d’ici fin 2021. On constate que même si les post conservent leur place sur Instagram, les marques commencent à expérimenter de plus en plus de nouveaux formats.

  • Réel

Le Reel est un format de vidéo courte de 15 à 90 secondes, introduit sur le marché français en 2020 pour rivaliser avec son concurrent TikTok. Le taux moyen d’engagement par post pour les Reels était de 1,23 % en 2023, ce qui en fait actuellement le type de contenu le plus performant sur Instagram. 

Tout d’abord, les Réels offrent des outils d’édition intégrés, une bibliothèque audio et des divers filtres et AR effets, ce qui permet de répondre à la demande croissante des utilisateurs en matière de montage rapide et de partage. D’ailleurs, contrairement aux Stories qui ne durent que 24 heures et aux Lives qui sont diffusés en temps réel, les Reels peuvent être conservés à long terme et facilement partagés avec d’autres utilisateurs, ce qui conduit à une portée organique (Reach) plus large. De plus, le format court des Reels les rend plus interactifs et divertissants, ce qui augmente ainsi leurs chances de devenir viraux. Selon les données de Socialinsider, comparé aux carrousels et aux images, les Reels génèrent deux fois plus de portée et sont également plus susceptibles de recevoir des likes et des commentaires. De plus, selon la graphique sur l’algorithme de l’instagram, il a été constaté que la corrélation entre les impressions et les likes est la plus forte (0,85), tandis que la relation avec les commentaires (0,16) et le nombre de followers (0,12) est plus faible. Cela signifie que les Réels peuvent obtenir une notoriété élevée avec un nombre relativement faible de followers ou de commentaires, ce qui est avantageux pour les petits créateurs. 

Source : Semrush

Ainsi, pour les marques et les entreprises, les reels représentent un excellent canal de marketing pour accroître l’engagement du public et la reconnaissance de la marque. Par exemple, Sephora France est l’une des marques qui utilisent efficacement les Reels d’Instagram. La beauté Sephora a utilisé efficacement les Reels pour présenter des tutoriels de maquillage rapides avec leurs produits, obtenant plus de 2 millions de vues et des milliers de likes, commentaires et partages, ce qui a stimulé l’engagement et l’intérêt pour leurs produits.

De plus, collaborer avec les KOLs, lancer des tendances et des challenges sur les Reels et encourager les utilisateurs à la création de contenu (UGC) est aussi une stratégie efficace. Par exemple, la compagnie aérienne Delta crée souvent des Reels interactifs, invitant les utilisateurs à participer à des vidéos, par exemple, il a publié un reel avec la question « if you could squeeze in one more trip before the end of the year, where would you go ? ». Ce reel a obtenu plus de 104 000 vues et 700 commentaires. De plus, Delta partage régulièrement des vidéos sur les destinations mondiales provenant de clients, d’influenceurs et de ses employés, pour inspirer les futurs voyageurs. Starbucks fait aussi la même stratégie. Ils encouragent activement leurs clients à créer des contenu et à partager leurs expériences avec des hashtags tels que #Starbuckstumbler, #starbuckscups, #starbucksmood, etc.

  • Story 

La story est un contenu (photo ou vidéo) – ou une série de contenus – que l’on publie sur Instagram et qui s’efface automatiquement après 24 heures. Elle a été lancée par Instagram en 2016 pour inciter les utilisateurs à partager en temps réel des moments de leur quotidien. En comparant le taux moyen de portée des stories Instagram avec les post dans le feed, nous avons constaté que la plupart du temps, les stories Instagram n’atteignent que la moitié des personnes touchées par les post.  Selon le markerly, son taux moyen d’engagement se situe entre 1 % et 7 % selon la taille des abonnés, légèrement inférieur à celui des Reels (2%-8%). 

Source : Rival IQ

Cependant, les stories sont un outil très efficace pour communiquer de manière plus spontanée et authentique avec leurs abonnés. Tout d’abord, les stories offrent diverses formes d’interactivité amusantes, telles que le sondage, le quizz, le compte à rebours, etc., qui peuvent favoriser l’interaction, renforcer l’engagement du public, et créer une expérience plus immersive pour les utilisateurs. Par exemple, Nike a utilisé la sondage dans sa story, demandant aux utilisateurs de voter pour leur design Air Max préféré. Cela a non seulement suscité l’anticipation pour le lancement du produit, mais a également encouragé une participation directe de milliers d’utilisateurs. Deuxièmement, les liens « Swipe-Up » et les autocollants de liens dans les stories permettent un accès direct aux sites web, aux pages produits ou à d’autres contenus pertinents, réduisant ainsi l’écart entre l’engagement et la conversion. Troisièmement, les stories sont aussi propices d’être utilisées comme teasers, par exemple en utilisant des stories pour prévisualiser vos vidéos ou événements en lives, reels ou sur IGTV, voire sur d’autres plateformes telles que YouTube. Cela peut susciter l’attente chez le public et inciter les spectateurs de stories à regarder la vidéo complète.

  • Live 

Un live (ou salon direct) est une diffusion vidéo en direct qui permet de communiquer en temps réel avec sa communauté. Sur Instagram, les utilisateurs peuvent désormais diffuser en direct jusqu’à quatre heures avec trois co-organisateurs au maximum. Les lives sont un excellent moyen de maintenir le contact avec son public et de renforcer sa fidélité. Ils favorisent les échanges directs et permettent d’obtenir immédiatement des retours sur le contenu proposé, ainsi que de répondre aux questions des spectateurs pour dissiper leurs doutes. De plus, la nature en temps réel des lives offre une expérience authentique qui inspire davantage confiance chez les spectateurs, ce qui en fait un outil idéal pour promouvoir des produits et des services en montrant leur authenticité et en encourageant les achats. Les Q&A avec le Leadership Team, Behind the Scenes Expérience, les live d’unboxing, etc., sont tous des choix très efficaces. Cependant, les lives sont en temps réel, ce qui signifie que les spectateurs peuvent facilement les manquer. Il est donc essentiel de les annoncer à l’avance via des stories ou d’autres moyens de promotion, pour maximiser l’audience. En outre, organiser régulièrement des séminaires ou des tutoriels sur live est également une excellente façon d’attirer un public potentiel. Par exemple, Barry’s Bootcamp organise régulièrement des sessions en live pour partager des cours d’entraînement énergiques. Cela crée une communauté numérique pour sa marque, attire et fidélise les amateurs de fitness.


Pour conclure, sur la plateforme Instagram, ces trois outils offrent tous des opportunités d’engagement et de conversion, mais chacun présente des caractéristiques distinctes et ils peuvent être utilisés de manière complémentaire pour diversifier la stratégie de contenu d’une marque ou d’une personne. Les reels sont la principale tactique pour atteindre de nouveaux publics et augmenter les engagements tels que les likes et les commentaires, les lives sont efficaces pour susciter des échanges directs, et les stories sont idéales pour augmenter l’interactivité directe du public et diriger le trafic vers leurs reels, lives ou leurs site web. Lors de l’élaboration d’une stratégie de marketing, il est essentiel d’exploiter efficacement les caractéristiques et les avantages de chacun de ces outils, tout en mettant l’accent sur la qualité et l’authenticité du contenu. Après la publication, il est également important de surveiller attentivement les indicateurs tels que le taux d’engagement par portée, le taux de conversion, le taux de rétention, etc., et de les analyser pour résoudre les problèmes éventuels.

YE Jiayi


Référence: 

Blair Feehan , 《 2024 Instagram Stories Benchmark Report》, disponible en ligne sur <https://www.rivaliq.com/blog/instagram-stories-benchmark-report/>, consulté le 14  avril 2024

Jessica Worb, 《How Reels Have Impacted Feed Post Performance》, disponible en ligne sur <https://later.com/blog/instagram-reels-engagement/>, consulté le 14  avril 2024 

Stellar tech, 《The complete guide to content formats and types on Instagram》, disponible en ligne sur <https://stellar.io/resources/influence-marketing-blog/guide-instagram-formats-content/>, consulté le 15  avril 2024  

Markerly,《Engagement Metrics: Do Instagram Reels or Stories drive better engagement?》, disponible en ligne sur <https://markerly.com/pulse/engagement-metrics-do-instagram-reels-or-stories-drive-better-engagement/>, consulté le 16  avril 2024  

Elena Cucu, 《Instagram Benchmarks: What Is the Best-Performing Content Type on Instagram Based on Data》, disponible en ligne sur <https://www.socialinsider.io/blog/instagram-benchmarks/#reach>, consulté le 16  avril 2024 

Shannon O‘Shea, 《Les Avantages des Reels Instagram pour Toute Entreprise》, disponible en ligne sur <https://fr.semrush.com/blog/instagram-reels-pour-entreprise/>, consulté le 15  avril 2024 

Search engine journal, 《5 Clever Ways Brands Are Using Instagram Live》, disponible en ligne sur <https://www.searchenginejournal.com/clever-brands-instagram-live/403084/>, consulté le 17 avril 2024 

IQ hashtag, 《Top Hashtags for #starbucks Enthusiasts》, disponible en ligne sur <https://iqhashtags.com/hashtags/hashtag/starbucks>, consulté le 17  avril 2024 

Keyhole, 《Starbucks Social Media Strategy: Insights into Viral Campaigns》, disponible en ligne sur<https://keyhole.co/blog/starbucks-social-media-strategy/#2-Engaging-with-customers-through-interactive-content>, consulté le 17  avril 2024 

Jessica Worb, 《How Brands Are Going Viral With Instagram Reels》, disponible en ligne sur <https://later.com/blog/brands-on-instagram-reels/#sephora>, consulté le 17  avril 2024 

Evelyn Taylor, 《5 brands beating the Instagram Reels algorithm》, disponible en ligne sur <https://emplifi.io/resources/blog/brands-beating-the-instagram-reels-algorithm>, consulté le 17  avril 2024 

Instagram, 《Instagram Live Producer》, disponible en ligne sur <https://about.instagram.com/fr-fr/blog/tips-and-tricks/instagram-live-producer/>, consulté le 17  avril 2024 

Laura Jourdain, 《Pourquoi intégrer le format live dans sa stratégie de contenu ?》, disponible en ligne sur <https://locrea-communication.fr/blog/pourquoi-integrer-le-format-live-dans-sa-strategie-de-contenu/>, consulté le 17  avril 2024 

Être célèbre pour son succès : les influenceurs et la crypto-monnaie

La montée des influenceurs qui utilisent leurs comptes pour faire la promotion de méthodes de trading risquées.

Avec le développement des réseaux sociaux le nombre de personnalités “connues pour leur notoriété” a explosé, le résultat est donc qu’aujourd’hui le culte de la célébrité est à son paroxysme. On rencontre une forme de multiplication des micro-célébrités sous la forme d’influenceurs ayant ainsi leurs propres audiences et communautés, et comme toute position de notoriété en découle une forme de responsabilité vis-à-vis des communautés concernées. 

Le marketing relationnel n’est en rien un concept nouveau et existe depuis l’époque Tupperware où la marque misait sur des interventions de particuliers chez d’autres particuliers pour répandre le produit. L’idée du marketing par influenceurs est aujourd’hui similaire mais démultipliée.

C’est ici que les abus de pouvoir font surface et depuis quelques années sous une forme particulièrement complexe : les arnaques liées à la crypto-monnaie.

En effet, on a remarqué une insurgence d’influenceurs orientant leurs contenus sur la réussite financière. On entend de la part de ces influenceurs des phrases telles que « Bouge ton c*l, change ta vie », « Se faire de l’argent en dormant », « Reprends ta vie en main » illustrées par des vidéos d’opulence et succès.

Des scandales pas si récents

On pense alors aux scandales internationaux avec par exemple Jake Paul (23 millions d’abonnés) qui vient d’être poursuivi en justice pour son projet NFT CryptoZoo qui lui aurait fait gagner des millions de dollars au détriment de ses abonnés. 

En effet, avec ce projet lancé en septembre 2021, Logan Paul avait créé une application de jeu en ligne visant à rendre ludique et accessible le trading en NFT. L’idée était de permettre aux utilisateurs d’élever des œufs de créatures fictives ayant chacune une valeur en ETH (commençant à 0.285 Ethereum : 340 dollars). Ensuite les participants pourront s’échanger les œufs sur la plateforme afin de finir par les transformer en monnaie réelle. Cependant à cause de problèmes en interne dans la société et fraudes, les utilisateurs se sont retrouvés dénués revenus lors du « Hatch Day », le jour où les « œufs » crypto-monnaie devaient éclore et révéler leur valeur réelle.

Vidéo d’excuses de Jake Paul diffusée sur Youtube suite à la chute de CryptoZoo

Le youtubeur avait par ailleurs déjà participé à des scandales similaires l’année précédente avec son système Dink Doink qu’il mettait en avant sur ses réseaux sociaux. Ce projet, sous un marketing qui le personnifie par un personnage fictif de dessin animé, se voulait capable de rémunérer ses utilisateurs sans efforts à travers un système de « Tokens » NFT. Peu après le lancement de la plateforme, la valeur des Tokens en question a d’abord subi une brusque hausse de 40 000% qui s’est ensuite écrasée en seulement deux semaines. Se présentant à la base comme seulement un investisseur de la plateforme, Logan Paul est suspecté d’être un des fondateurs derrière le projet.

Publication de Logan Paul pour la promotion de Dink Doink

Le copy trading en France, une pratique en manque de régulation

Mais là où la question devient plus intéressante et pointue c’est lorsque l’on se penche sur les cas plus récents d’influenceurs français tels que le couple Blata qui ont fait la promotion de méthodes de “copy trading”. Ce 23 janvier 88 membres du Collectif d’Aide aux Victimes d’Influenceurs ont déposé une plainte contre X et pour abus de confiance contre Marc Blata sur ces sujets.

En effet, Marc Blata (qui est loin d’être un exemple isolé) a commencé à faire de la promotion sur ses réseaux sociaux (depuis Dubaï) “d’opportunités” en trading NFT. Ainsi, c’est à travers des slogans soulignant l’occasion de “se faire de l’argent en dormant” ou “100% de chances de gagner” et le fameux «Copiez, collez, encaissez.» que les abonnés de Marc Blata se sont retrouvés sur Telegram (une application de messagerie cryptée). Ils n’avaient ainsi qu’à copier des instructions envoyées par le couple Blata (Marc et Nadé) pour les placer sur des marchés financiers et plus particulièrement le FOREX: un marché particulièrement volatile sur lequel les devises sont échangées les unes contre les autres à des taux de change instables.

Ces méthodes maintenant très répandues de participer au trading crypto-monnaie sans en avoir les moindres connaissances préalables s’appellent le copy trading: une technique d’investissement dans laquelle un particulier reproduit automatiquement les transactions exécutées par un autre trader, souvent appelé « trader expert ». En substance, le copy trading permet aux investisseurs de copier les stratégies de trading d’autres personnes, dans le but de reproduire leur succès financier. Cela se fait souvent via une plateforme en ligne (dans le cas de Marc Blata Telegram) qui relie les traders, influenceurs et particuliers, facilitant la copie des transactions en temps réel.

Exemple d’instructions copy-trading destinées au “Blata Gang”

Cependant, là où le sujet devient épineux c’est que l’influenceur touche de larges commissions sur l’argent investi et plus l’investissement est élevé, plus la commission est élevée. Ainsi, il est avantageux pour ces influenceurs de ne pas mentionner les risques du copy trading. 

En effet, selon l’AMF (Autorité des Marchés financiers) 8 particuliers sur 10 perdent de l’argent lorsqu’ils s’engagent dans des pratiques de copy trading. Cela arrive car, le montant du gain est dépendant du risque choisi et de l’investissement initial du particulier. En effet, le risque dépend du coefficient multiplicateur choisi par l’utilisateur sur chaque transaction : son « lot ». Le problème est donc qu’après avoir quelques gains initiaux de quelques euros sur les premières transactions, les utilisateurs finissent toujours par augmenter leurs lots et investissements et ainsi subir de lourdes pertes. De leur côté, les traders professionnels ont une bien plus grande agilité et rapidité de réaction sur les marchés financiers que les particuliers qui copient des instructions plus datées qui ont bien plus le risque d’être obsolètes. 

Ainsi, c’est ici que se questionne la responsabilité de l’influenceur. En effet, le copy trading étant aujourd’hui toujours parfaitement légal, sa promotion en ligne est cependant dans une zone grise en discussion en ce moment même au parquet de Paris. 

Un système basé sur l’addiction

En élargissant le sujet la comparaison peut-être faite avec d’autres industries telles que les paris sportifs ou le jeu en ligne. Le point commun principal étant que le grand danger de ces plateformes, structures ou marchés est leur caractère addictif qui pousse à augmenter les risques.

En effet, ces méthodes de copy trading (ou les plateformes telles que celles de Logan Paul) permettent de rendre accessibles aux particuliers le trading sur des marchés qui demandent normalement des véritables structures technologiques et connaissances. Les particuliers sont voués à l’échec lorsqu’ils investissent en suivant aveuglément des instructions d’inconnus mieux équipés sur des marchés comme le FOREX.

« Il y a des idiots dans mes abonnés. »

De son côté Marc Blata est devenu connu à travers la télé-réalité et ce sont les réseaux sociaux qui ont permis de capitaliser et monétiser sa notoriété. Son statut d’influenceur lui a ainsi permis de transférer et individualiser une partie de l’audience qu’il avait auparavant en télé-réalité. C’est donc à travers cela que les personnalités vont monétiser leur notoriété.

Interview Cash Investigation par Elise Lucet de Marc Blata

Lorsque interviewé par Elise Lucet pour Cash Investigation (diffusé le 4 avril dernier sur sur France 2), l’influenceur se défend: “Mes abonnés, je ne les choisis pas. Mes abonnés, ils me critiquent, ils m’insultent, etc. Il y a des idiots dans mes abonnés.”. Selon lui, actuellement exilé à Dubaï, la responsabilité repose sur ses abonnés « idiots » qui ont mal suivi ses conseils.

Tom Averink

Sources:

Newsjacking ou l’art de surfer sur l’actualité pour gagner en visibilité : méthode efficace de communication ? 

Bernie Sanders, la famille royale, Macron, tous ont été la cible du newsjacking – mais qu’est ce donc ?

Le newsjacking est une méthode marketing qui consiste à diffuser une image, une vidéo ou encore un message en rapport avec un sujet d’actualité. Le but est de provoquer une réaction, un choc chez le spectateur. On parle souvent de publicité “opportuniste”.

Pour cela, la campagne publicitaire doit être déclenchée le plus rapidement possible afin de ne pas perdre cet effet d’émulsion. Sont donc privilégiés les médias permettant une mise en place rapide de cette dernière (presse quotidienne, Internet, réseaux sociaux  …).En effet, cette méthode de marketing perd tout son sens si elle est reçue “trop tard”  par rapport à l’actualité exploitée. Le message perd alors toute sa valeur. La réactivité des équipes marketing de la marque est donc un élément indispensable. 

“Le newsjacking consiste à surfer sur une vague de buzz avant qu’elle ne soit formée totalement.”Frédéric Canevet, spécialiste en marketing B2B. 

La plupart du temps, c’est l’humour et la connivence qui sont mis en avant. Les jeux de mots et images détournées sont utilisés à foison. Au-delà de développer ce lien tacite avec l’audience en profitant de la viralité d’un buzz ou d’un événement, l’idée est également de profiter d’éventuelles retombées de presse ou sociales. 

Le newsjacking n’est pas forcément le fruit d’une immense réflexion, de grandes campagnes publicitaires comprenant des films publicitaires ou encore des emballages spéciaux. Cela peut simplement être un post ou un tweet, simple mais rebondissant instantanément sur l’actualité. Prenons l’exemple de ce tweet marketing de Netflix, en septembre 2020, à la suite d’une explosion dans Paris :

Ce dernier avait atteint la barre des 100 000 likes quelques minutes seulement après sa parution. 

Ou encore ce post de Monoprix en 2014 lors de la coupe du monde :

En quelques secondes seulement, le nombre de partages avait été fulgurant. Et on le comprend, la mise en scène est bien trouvée !

Dans le domaine du marketing traditionnel et digital, le real-time marketing a donc plusieurs objectifs : 

  • Améliorer la notoriété, l’image, l’engagement de la marque auprès du grand public
  • Une croissance rapide du chiffre d’affaires de la marque
  • La promotion d’un nouveau produit ou service grâce à cette méthode innovante
  • Se démarquer par rapport aux concurrents 
  • Créer une relation avec son audience cible et surtout tâcher d’accroître cette dernière

Le newsjacking présente donc divers avantages. Au-delà de rajeunir son image et d’améliorer sa réputation, cette méthode de marketing est un réel moyen pour générer de nouveaux prospects et de nouvelles ventes. En effet, les posts sur les réseaux sociaux relatifs au newsjacking sont les plus relayés par leur caractère ludique et inédit. Grâce au newsjacking, l’entreprise augmente donc sa chance de toucher une audience bien plus large que celle ordinaire.

Renforcer la confiance créée avec l’audience en jouant de cette complicité est également un atout far de l’approche marketing. Le newsjacking relève donc du marketing émotionnel et s’inscrit parfaitement dans cette vision d’amélioration d’image et de réputation. Cette stratégie digitale est également très utilisée afin de relancer la visibilité d’une marque et réveiller une communauté endormie. De nos jours, il est crucial pour une marque d’être présente au sein de la sphère médiatique. Utiliser le newsjacking est donc une manière idéale de se démarquer au sein de cette dernière, sortir son nom du lot. Toutes les entreprises n’osent pas encore se lancer et on les comprend. Faire du newsjacking c’est tout un art. 

Comment surfer (sans couler) sur l’effervescence médiatique ? 

La créativité est le maître mot. Cependant, il est essentiel de veiller à la bonne diffusion du message choisi. Si ce dernier est maladroit ou manque de pertinence,  le newsjacking peut rapidement virer à l’échec total et l’effet inverse de celui escompté : bad buzz, perte de réputation … On pense notamment à la campagne diffusée par les 3Suisses au lendemain de l’attentat à l’encontre du journal Charlie Hebdo début d’année 2015. Une action entraînant du remue-ménage dans le mauvais sens du terme et un bad buzz considérable pour la marque. 

Pour se mettre à l’abri d’un tel fiasco, voici quelques conseils : 

  • Forcer l’activité : Surtout pas ! Le principe même du newsjacking réside dans le fait de  surprendre les internautes. Créer le buzz pour le buzz ou surfer sur la même actualité que tous ne sera en aucun cas bénéfique. 
  • Ne pas trop planifier : Au risque de perdre en spontanéité, tout réside dans la gestion de l’urgence et de la surprise une nouvelle fois !
  • Éviter les sujets sensibles, susceptibles de créer une politique négative ( conflit armés, attaques terroristes …). Ne pas oublier de prendre des pincettes avec l’ironie, tout le monde n’est pas réceptif à cette manière de communiquer.
  • Résister à la récupération : Aucun effet de surprise dans ce cas, voire pire un vieillissement de l’image de la marque, jugée trop arriérée pour être à la page de l’actualité.  

Pour un effet garanti, il est essentiel d’établir un plan rapide – le newsjacking rime avec urgence – mais surtout efficience. Afin de déployer cette stratégie de manière réussie, trois étapes de bases semblent nécessaires : 

  1. Le benchmarking ou la veille marketing : Comme explicité plus haut, il ne faut surtout pas arriver trop tard ou encore pire passer à côté des événements d’actualités. Collecter et organiser les informations auprès d’autres médias spécialisés est donc nécessaire. Effectuer une veille SEO en s’aidant d’outils tels que Google Trends ou Oncrawl est un plus. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le newsjacking permet de toucher aussi bien des audiences B2C que B2B.
  1. être réactif mais attentif : Agir vite, certes, mais en étant  innovant et surtout sûr de ses sources. Le ton, le texte, tout doit être méticuleusement réfléchi.  L’idée est de proposer le contenu le plus pertinent, impactant et surtout plaisant afin de ravir le plus grand nombre.  Connaître sa cible principale est obligatoire afin de savoir la manière la plus judicieuse pour s’y adresser. D’autres part, inclure un aspect émotionnel est vivement recommandé : message de soutien à une cause, storytelling… Enfin quelque soit la nature du contenu, l’utilisation d’hashtags renforce la popularité et donc la vitesse de partage du post. Pour les JO 2024, utiliser #Paris2024 ou encore #OlympicSpirit peut propulser une campagne à l’avant de la scène. 
  1. Miser sur une stratégie multicanale : La campagne doit être vue, entendue, visionnée mais surtout retenue. Les blogs, campagnes d’emailing ou newsletters ne sont pas à négliger. Le format vidéo est également très apprécié. Les canaux de communication les plus exploités restent ceux visuels, permettant un partage immédiat sur les réseaux sociaux. Ces derniers par leur fonctionnalités de likes, commentaires et partages sont le support idéal, favorisant viralité et engagement.

Illustrons quelque peu ces propos.

Les experts en la matière : 

Monoprix : Comment parler newsjacking sans parler de Monoprix. La marque de supermarchés est la référence française dans ce secteur. Ses packagings jouent des temps forts de l’année pour mettre en avant les produits, le recours aux jeux de mots est pratiqué à profusion. Cette manière décalée de promouvoir les produits confère à la marque une réelle valeur ajoutée. 

Campagne célébrant les 45 ans du lancement de la mission spatiale Apollon 11: 

Campagne diffusée lors de la 68e édition du festival de Cannes en 2015 :

Ikea : La branche canadienne a souvent réussi à conquérir le cœur du grand public. Cette dernière mise également sur le newsjacking pour augmenter son capital sympathie. Sa communication digitale mise sur un visuel minimaliste mais efficace qui engendre souvent des milliers d’intéractions à travers le monde et des centaines de partages et reprises média.

Campagne diffusée à l’annonce du mariage du Prince Harry avec  Meghan Markle en 2018 : 

Campagne réagissant à l’image virale du sénateur américain Bernie Sanders :

Burger King : Pour conclure cette série d’exemples, il semblait indispensable d’évoquer le géant du Whopper. Connu pour son retour et ses campagnes de communications originales, c’est sans surprise que BK s’empare, à son tour, du newsjacking. 

Campagne réagissant à l’annonce de l’éclipse solaire au Canada le 8 avril dernier : 

Campagne diffusée lors du confinement de 2020 :

Le newsjacking, pratique déjà bien comprise par un certain nombres de marques semble donc être la technique idéale pour séduire son public sur un air enfantin ! Quoi de mieux que l’humour pour être convaincant et convaincu. Attention tout de même à ne pas se louper au risque d’être mis de côté. 

Originalité et créativité, nous avons hâte de voir ce que nous réserve les marques pour l’Euro et les JO de Paris 2024 !

Sources : 

Marketing, E. (2022, September 15). Newsjacking : qu’est-ce que c’est ? [Définition, marketing et exemples]. E-marketing.fr. 

Dorle, R. (2023, May 20). Stratégies de newsjacking : conquérir l’actualité pour un marketing efficace. Journal du Net

Sitew. (s. d.). Comment développer son entreprise en ligne avec le newsjacking ? Sitew.

Gripich, M. (2019). Newsjacking as a tool of influence on the image of a company in social networks. Zaporizhzhia National University. 

Lily Madura

Le tourisme photographique – Comment Instagram a transformé le voyage et les sites touristiques

Voyage-t-on pour prendre des photos ? Dans une étude de 2011 portant sur l’expression de soi à travers le tourisme et la photographie, Russel Belk et Joyce Yeh font remarquer que la courbe de croissance du tourisme mondial est sensiblement similaire au développement et à la démocratisation des appareils photo. Corrélation rapide, certes, étant donné que ces deux courbes sont liées à une période de développement économique important, mais il n’en est pas moins que l’on place l’appareil photo en bandoulière au même niveau que le guide du routard lorsqu’il s’agit de se représenter les immanquables du touriste, toute destination confondue. Aujourd’hui, les optiques de smartphone n’ont plus rien à envier aux appareils reflex plus encombrants, et il n’y a plus grand monde qui ne s’improvise photographe en tout temps, que ce soit dans la vie de tous les jours ou, et c’est d’autant plus marqué, en voyage.

Faire de la photographie un enjeu de distinction sociale. C’est ainsi que s’est positionné le réseau social Instagram, qui réunit aujourd’hui plus de deux milliards d’utilisateurs mensuels (We Are Social), et ce développement sans précédent (création d’Instagram : 2010) a profondément réformé en moins de 10 ans un certain nombre de secteurs, dont le tourisme. Nous allons explorer dans cet article comment les codes de succès sur ce réseau social et ses mécanismes algorithmiques influencent les comportement des touristes et comment les acteurs du secteur doivent aujourd’hui s’adapter pour devenir, ou rester, « Instagrammables » (mot rentré dans le Larousse).

L’omniprésence de l’egocasting

Concaténation de « ego », le soi, la personnalité, et « cast », diffuser en anglais, la notion d’egocasting désigne le fait de s’exposer, de mettre en avant son image et sa personnalité sur un réseau social, qu’il soit en ligne ou non. Si la télévision a permis de faire apparaître cette notion, dans une mesure limitée du fait de la difficulté d’y apparaître pour le citoyen moyen, c’est bien internet, avec les blogs dans un premier temps mais surtout avec les réseaux sociaux, qui l’a poussé jusqu’à devenir la norme. Dans une étude publiée en novembre 2015 intitulée L’égocasting sur Instagram : la génération Y à la découverte du monde, Geneviève Cassan étudie ce phénomène appliqué au tourisme. Elle montre que le voyage est l’un des facteurs importants d’expression de soi à travers Instagram, c’est l’une des manières les plus efficaces de se mettre en valeur. Si bien que le caractère « instagrammable » d’une destination devient un critère de choix majeur, plus que les avis des agences de voyage ou des guides touristiques réputés. En 2019, 42 % des voyageurs français prenaient cette notion d’« instagrammabilité » comme principale orientation vers une destination (One Poll). Et ce pourcentage est loin de diminuer avec le temps. L’objectif du voyage devient les photos qu’on y prend et qu’on pourra publier. 

Mais que recherchent les utilisateurs en publiant ainsi ? On connaît bien les divers mécanismes psychologiques qui expliquent l’entrain qu’ont les utilisateurs à générer de l’engagement, des commentaires, des likes et à augmenter leur nombre de followers. La photographie de voyage est particulièrement efficace dans cette optique car elle permet de se démarquer. Pour la majorité des utilisateurs, les gens qui les suivent sont des gens qui font partie de près ou de loin de leurs cercles sociaux, et donc qui vivent plus ou moins proche d’eux, qui ont un mode de vie assez similaire. Voyager, c’est sortir de ce quotidien et proposer à ces cercles sociaux des photos qui sortent de l’ordinaire et sur lesquelles les followers vont s’arrêter, liker et commenter. L’un des effets recherchés est de susciter la jalousie, ce qui augmente l’estime de soi. Il n’est pas rare de trouver sous des photos de voyage des  commentaires du style « j’aimerais trop être à ta place » ou « tu as de la chance ».

Montrer que l’on voyage donc, mais en s’y mettant en scène. En tapant « #voyage » sur la barre de recherche d’Instagram, on se rend compte qu’une grande partie des images de voyage publiées sont des photos où les gens se prennent en photo, ce qui a pour effet de rendre l’image plus inédite mais aussi de se mettre en valeur, plutôt que de poster une image avec un paysage vierge.

L’optimisation d’Instagram autour de l’egocasting

En termes de construction algorithmique et d’expérience utilisateur, Instagram est bien en adéquation avec ce phénomène d’egocasting. Les codes de ce réseau social ont convergé vers un modèle où toutes les photos doivent être très qualitatives, travaillées, retouchées pour être mises en avant et likées par un maximum d’utilisateurs. Dans cette optique, Instagram a développé et mis à disposition des filtres et des options de retouche simples d’utilisation et qui n’ont rien à envier à des logiciels de retouche professionnelle.

La construction du mur Instagram exploite également très bien l’objectif des utilisateurs de faire de leur profil une véritable galerie permettant d’afficher publiquement les accomplissements touristiques. Une galerie qui, dans de nombreux cas, pourrait être qualifiée de galerie d’art. Dans Staging tourism : tourists as performers, 2000, Tim Edensor voit dans l’expérience touristique une performance artistique dont le voyageur est le créateur et à travers lequel il cherche à exprimer certaines émotions et aspects de sa personnalité qu’il transmet grâce à la photographie de voyage. Le mur instagram, c’est une expression de sa personnalité, avec travers des photos que l’on cherche à rendre dinstinctives et donc très souvent des photos de voyage. On y retrouve d’ailleurs assez facilement les goûts de l’utlisateur. Casse cou, amateur de sensations fortes ou au contraire de détente devant de beaux paysages. Amateur de cuisine, de culture locale, de rencontres inédites, chacun met en avant ce qu’il considère être valorisant parce que cet élément précis reflète une partie de sa personnalité, ou alors de la personnalité qu’il cherche à se donner, la personnalité de son identité numérique.

En 2003, le magazine britannique Geographical présentait un article affirmant qu’il fallait désormais impérativement prendre les choses en photo pour les rendre vraies et que celles-ci agiraient à titre de témoins de ce que l’individu a vécu. La galerie Instagram fait donc office de centre de stockage de souvenirs, de preuve de ce qu’on a vécu. Il n’est d’ailleurs plus si important d’avoir réellement vécu ces expériences, l’essentiel étant de les avoir en photo. Zeynep Arda en 2014 crée le concept de « non-événement » pour définir ce mécanisme qui consiste à se rendre à un endroit, par exemple un musée, pour s’y prendre en photo et repartir sans l’avoir visité. L’essentiel n’est plus de faire mais que les gens pensent qu’on l’ait fait.

L’adaptation des sites touristiques

Face à ces nouveaux enjeux, avoir une stratégie intagramo-centrée est crucial pour les sites touristiques. En explorant les articles de recommandations faites par des agences de marketing dans le tourisme, toutes citent l’importance de développer ses réseaux sociaux, de publier fréquemment des photos travaillées pour les rendre belles et attirantes. Mais en réalité, ce qui attire les touristes, ce n’est pas la qualité des comptes des destinations en question, mais la qualité du feedback apporté par les visiteurs actifs et influents sur ces réseaux. Pour un musée par exemple, l’enjeu n’est pas tant de travailler le compte propriétaire du musée mais plutôt de travailler le site même pour que les gens aient envie de s’y prendre en photo et de publier ces photos. C’est le positionnement qu’a pris le Manoir de Paris en ouvrant en juin 2020 la « Mad Dimension », un espace aménagé dans le but précis de prendre des photos et de les publier sur Instagram en taguant le lieu.

En faisant cela, les sites touristiques espèrent profiter du phénomène de viralité, bien connu par les utilisateurs des réseaux sociaux. Rendre une photo virale, c’est s’assurer d’un flot important de nouveaux visiteurs pendant un certain temps, qui voudront à leur tour prendre cette même photo pour montrer qu’ils ont été là. La créativité est de mise pour obtenir ce résultat. Par exemple, dans un petit village de pêcheurs quelques kilomètres au sud de Rio de Janeiro au Brésil appelé Guaratiba, une pierre disposée dans un angle particulier permet de prendre une photo qui donne l’impression d’être pendu dans le vide. Cette photo est devenue virale et attire aujourd’hui un grand nombre de touristes vers ce village qui a vu naître nombreux restaurants, hôtels et autres aménagements pour accueillir ces touristes. Ainsi, une simple photo « instagrammable » peut transformer un lieu en véritable destination touristique. C’est un enjeu important qui doit rentrer dans la conception même des lieux touristiques, au même titre que les aménagements d’accueil et de confort. 

Vianney d’Aboville

Comment TikTok influence l’industrie cinématographique ? 

Tiktok prend de plus en plus de place dans l’industrie cinématographique, que ce soit à travers les publicités qui font la promotion de films sur la plateforme, des critiques de films, des courts métrages réalisés par les créateurs de contenus ou encore la rediffusion d’extraits de films.  Le 3 octobre 2023, Paramount est allé encore plus loin et a diffusé sur la plateforme la totalité du film Mean Girls (2004). Le film avait alors été découpé en 23 parties. La date du 3 octobre fait directement référence au film puisqu’il s’agit du « Mean Girls Day » qui est devenu un véritable symbole de la culture populaire (Croquet & Trouvé , 2023). Nous pouvons également supposer que ce coup marketing a été effectué afin de relancer l’engouement pour Mean Girls alors qu’un remake est sorti le 10 janvier 2024. Paramount a alors su s’adapter à une tendance Tiktok qui propose un découpage de différents contenus (afin de s’accorder au format) allant d’un film, une série ou encore un reportage.

La promotion, le point décisif

Lors la sortie d’un film, le marketing est un facteur essentiel et déterminant pour son parcours. D’après Laurent Creton, l’objectif du marketing dans le cinéma « est de satisfaire dans les meilleures conditions les attentes et les besoins de la clientèle afin d’optimiser l’adéquation du produit avec son marché » (Creton, 2020). Si nous reprenons notre exemple Paramount et Mean Girls, c’est exactement ce que le studio a fait. Il a su adapter son format à la cible choisie (une cible jeune 15-24 ans) et au format proposé par Tiktok.

La promotion se crée autour du film et une « image de marque » se crée. L’exemple parfait est le film Barbie, sortie en 2023. Sans un budget colossal de 150 millions de dollars, l’influence du film n’aurait certainement pas été la même (Jouin, 2023). L’été 2023 fut un été en rose. Tout était aux couleurs de la célèbre Barbie, de nombreuses marques se sont également associées pour créer des collections spéciales telles que Crocs, O.P.I, AirBnb, Zara, Maserati ou encore Buger King. Grâce à cette diversité de marques et de représentations, l’influence de Barbie n’a fait que croître. Evidemment, les tendances Tiktok ont également suivi à travers plusieurs hashtags. Nous pouvons citer le #Barbiefoot où les utilisateurs reproduisent une scène du film ou Margot Robbie enlève ses talons ; #Barbieshake qui consiste à boire un milkshake rose avant de se transformer en Barbie ou encore le #Barbiemovie qui rassemble tous types de contenus autour du film. D’autres hashtags tel que #NotMyKen a lui aussi fait réagir avant la sortie du film. Cet hashtag dénonçait le fait que Ryan Gosling soit trop âgé pour jouer le rôle de Ken. Aux vues du succès du film, cet hashtag n’a pas entaché sa réputation. Tiktok, en tant que relayeur de contenu a réellement fait partie du processus de marketing 360 pour le film, a accru sa visibilité et a sans doute poussé de nombreuses personnes à se rendre en salles (1,446 millliards de dollars au box office).

Tiktok se place ainsi comme un outil marketing incontournable pour les films et leur éventuel succès. Pourquoi ? Grâce à son fort taux d’engagement, son format court/créatif et sa viralité.

Insaisissable et imprévisible

En 2023, la sortie du film Le Consentement restera un cas d’école en ce qui concerne l’influence de Tiktok sur le parcours d’un film. Le Consentement relate l’histoire de Vanessa Spingora, 14 ans, alors sous l’emprise de Gabriel Matzneff, célèbre auteur des années 1980. C’est une adaptation du roman Le Consentement de Vanessa Spingora. Lors de la première semaine d’exploitation, le film a cumulé environ 59 000 entrées. Habituellement, après la première semaine, les entrées pour un film sont divisées par deux et particulièrement pour les films d’auteurs. C’est exactement l’inverse qui est arrivé pour Le Consentement, en trois semaines, les entrées ont triplé pour arriver à un pic d’entrées de 142 000 et redescendre. Au total, le film aura comptabilisé 616 000 entrées (AlloCiné , 2023). Ces chiffres records s’expliquent par l’émergence d’une tendance Tiktok qui avait pour but de se filmer avant et après avoir vu le film. La vidéo de « l’après » met en évidence de façon nette le choc ressenti par les utilisateurs.

Le #leconsentementfilm dénombre plus de 7,8 millions de vues sur Tiktok et les vidéos liées au film ont été vues plus de 20 millions de fois (Vasseur, 2023). Marc Missonier, producteur du film avait alors déclaré, « Les ados se sont emparés du film par eux-mêmes. Il faut rester modeste par rapport à ça, c’est impossible à programmer. Mais le film les a touché au cœur, c’est certain ». Il reconnaît « n’avoir pas prévu ce phénomène ». Du fait de la popularité du film sur Tiktok, un public jeune s’est rendu en salle et un réel engouement est né. De plus, par son sujet, le film a certainement raisonné pour de nombreux jeunes qui sont de plus en plus engagés et favorisent la liberté de la parole sur des sujets tels que les violences sexuelles. Ainsi, en plus de donner de l’élan à ce film d’auteur, via la plateforme Tiktok, des sujets sociétaux sont abordés et permet une certaine forme de libération de la parole. Comme nous l’avons précédemment évoqué, Tiktok est un réseau social important dans la promotion d’un film mais cet évènement n’était pas prévu par le distributeur. La plateforme « n’a pas amplifié le succès du Consentement, il l’a créé » (Guerrin, 2023). A l’inverse de l’exemple du film Barbie où le réseau social avait justement été utilisé pour élargir le succès du film. Tiktok se démarque alors par sa viralité insaisissable et imprédictible.

Plus récemment, le film Saltburn a également pu profiter de la viralité de Tiktok et accroitre sa notoriété. Il s’agit d’un cas légèrement différent puisqu’il s’agit d’un film sorti sur Prime Video le 22 décembre 2023 et non en salle. Il est donc plus difficile de quantifier les vues puisque Prime Video ne partage pas ses données. Cependant, nous pouvons tout de même remarquer l’importance du film sur Tiktok. Saltburn, réalisé par Emerald Fennell, raconte l’histoire d’un étudiant de l’Université d’Oxford qui va se plonger dans l’univers aristocratique grâce à son camarade de classe qui l’invite dans son vaste domaine familial. A nouveau, ce film a fait parler de lui sur Tiktok pour ses scènes choquantes, les utilisateurs se filmaient alors en train de réagir. Le #Saltburn dénombre plus de 5,5 milliards de vues. Tiktok a également propulsé la chanson « Murder On The Dancefloor » de Sophie Ellis Bextor qui apparait à la fin du film. Scène durant laquelle Barry Keoghan déambule et danse dans le manoir. Cette scène finale a alors été reproduite par de nombreuses personnes sur Tiktok. La chanson « Murder On The Dancefloor » a été utilisée plus de 226 00 fois et a été écoutée plus de 1,5 millions de fois le soir du nouvel an soit une augmentation de 340% par rapport à l’année dernière (La Dépêche, 2024). Que ce soit en salle ou sur les plateformes, Tiktok offre une certaine accessibilité du cinéma au jeune public.

Quelles perspectives ?

Après avoir bouleversé l’industrie musicale, Tiktok s’en prend au fonctionnement de l’industrie cinématographique. De par un fort taux de complétion et d’engagement, le système de vidéos courtes mis en place influence directement la décision de l’utilisateur : regarder un film ou non. A noter, « 52 % des utilisateurs de TikTok ont découvert un nouvel acteur, un nouveau film ou une nouvelle émission de télévision sur TikTok. Ce taux démontre à nouveau le pouvoir que la plateforme afin de susciter des tendances et une popularité pour les films (Davies, 2023 ). Tiktok place le spectateur au cœur de la dynamique.

Après avoir étudié la façon dont Tiktok s’implante dans le but de créer un engouement et pousser le public à aller au cinéma ou regarder des films, nous pouvons ouvrir notre sujet nous demander si Tiktok ne serait pas finalement un concurrent à l’industrie cinématographique.  La plateforme opère un réel changement dans les habitudes de ses utilisateurs. Comme nous l’avons évoqué, il est possible de regarder des films en plusieurs parties. Au-delà d’être utilisé comme un outil de marketing, un outil propulseur, la plateforme Tiktok pourrait elle-même en être actrice. En 2023, Tiktok, partenaire officiel du Festival de Cannes avait déjà organisé son propre festival de court-métrages. Le « Tiktok Short Film » qui permettait aux cinéphiles du réseau social de soumettre leur création, une vidéo verticale originale de plus d’une minute. Néanmoins, cet élan peut remettre en question la légitimité de Tiktok à se positionner comme acteur du cinéma.

Solène TAGMOUNT

Références

AlloCiné . (2023). Le Consentement . Récupéré sur AlloCiné.

Creton, L. (2020). La marketing cinématographique . Dans L. Creton, Economie du cinéma (p. 157 à 177). Armand Colin .

Croquet , P., & Trouvé , P. (2023, Octobre 5). Sur TikTok, le succès des films et reportages « saucissonnés ». Récupéré sur Le Monde : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/10/05/sur-tiktok-le-succes-des-films-et-reportages-saucissonnes_6192690_4408996.html

Davies, R. (2023 , Avril 21). TikTok is changing the film industry by putting the power back in the hands of fans. Récupéré sur Why Now: https://whynow.co.uk/read/tiktok-is-changing-the-film-industry-by-putting-the-power-back-in-the-hands-of-fans

Guerrin, M. (2023, Novembre 17). « En assurant le succès du film “Le Consentement”, grâce à un public jeune et populaire, TikTok réussit là où des politiques culturelles échouent depuis des décennies ». Récupéré sur Le Monde: https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/17/en-assurant-le-succes-du-film-le-consentement-grace-a-un-public-jeune-et-populaire-tiktok-reussit-la-ou-des-politiques-culturelles-echouent-depuis-des-decennies_6200560_3232.html

Jouin, S. (2023, Octobre 10). Barbie : une campagne marketing aux 150 millions de dollars. Récupéré sur Affect: https://www.afffect.fr/blog/barbie-une-campagne-marketing-aux-150-millions-de-dollars

La Dépêche. (2024, Janvier 2024). « Saltburn », le film tendance sur les réseaux sociaux. Récupéré sur La Dépêche : https://www.ladepeche.fr/2024/01/11/saltburn-le-film-tendance-sur-les-reseaux-sociaux-11691380.php

Vasseur, V. (2023, Octobre 23). « Le consentement » : comment une tendance TikTok a relancé cette adaptation du roman de Vanessa Springora. Récupéré sur France Inter: https://www.radiofrance.fr/franceinter/le-consentement-sur-tiktok-le-film-adapte-du-roman-de-vanessa-springora-plebiscite-par-les-jeunes-1978640

Le chaos informationnel généré par la certification payante sur les réseaux sociaux : étude du cas de X


La prolifération de fausses informations sur les réseaux sociaux est aujourd’hui un problème sociétal et politique majeur. Ceci s’inscrit dans un contexte où les réseaux sociaux se positionnent en tant que principal moyen d’acquisition d’information chez les jeunes. Selon une étude de Médiamétrie datant de 2018, 71 % des individus âgés de 15 à 34 ans déclarent utiliser régulièrement les réseaux sociaux à des fins d’information, surpassant ainsi l’audience des journaux télévisés (49 %), des flashs d’information sur les radios musicales (33 %) et même de la presse quotidienne, incluant sa version en ligne (29 %). 

Cette nouvelle réalité suscite un certain nombre d’inquiétudes largement discutées dans les sphères politiques et médiatiques. L’un des sujets phares concerne le fait que Facebook et X (anciennement Twitter) jouent un rôle central dans la diffusion et la propagation de « fake news », rumeurs et autres formes de désinformation. 

Pourtant, ces géants des médias proposent en majorité un service de vérification de comptes. La vérification, symbolisée par un badge ou une encoche, joue, du moins historiquement, un rôle de confirmation de l’identité du détenteur du compte.

Rapide historique des modèles de certification

Twitter a été le précurseur de la vérification des comptes sur les réseaux sociaux en 2009 après avoir conclu que les suspensions de comptes à posteriori étaient insuffisantes pour faire face aux usurpations d’identité. Au cours des années suivantes, les principales plateformes ont suivi le modèle de Twitter, proposant une vérification de compte avec une terminologie similaire et une iconographie comparable. 

Figure 1 : Historique des programmes de vérification de compte sur les principales plateformes de médias sociaux en janvier 2023 (8.)

La finalité principale de la vérification de compte, point de cohérence au fil du temps et sur différentes plateformes jusqu’aux modifications récentes de X et Meta, a été de remédier à l’usurpation de compte en confirmant l’identité du propriétaire du compte. Cependant, la vérification a rapidement pris une autre signification, notamment en tant que signe de l’importance d’un compte et de la crédibilité de son contenu.

La transition vers un modèle de certification payante

Meta et X, ont récemment entamé une transition majeure dans leurs programmes de certification de compte, évoluant d’un système de confirmation d’identité des utilisateurs à un service premium payant. 

Cette tendance semble principalement motivée par une stratégie visant à accroître les profits et à revitaliser un modèle économique éprouvé. Cependant, ces transformations ne se limitent pas à de simples ajustements de service. Elles entraînent également une refonte significative des modalités d’accès à l’information sur ces plateformes, soulignant ainsi l’impact profond de ces innovations sur la dynamique de partage et de consommation d’informations au sein de ces réseaux sociaux.

Historiquement, Twitter réservait l’attribution des encoches bleues uniquement aux comptes jugés « actifs », « remarquables » et « authentiques ». La démonstration d’authenticité impliquait notamment une preuve d’identité, telle qu’une photo d’un permis de conduire. 

Depuis décembre 2022, X est passé sous un nouveau régime à certification payante, et a assoupli ces critères, notamment en remplaçant « authentique » par « sécurisé » (actif depuis 90 jours, puis encore assoupli à 30 jours, avec un numéro de téléphone confirmé) et « non trompeur ». Il est cohérent de noter que le nouveau processus de vérification pour les coches bleues n’exige ainsi aucune preuve affirmative d’identité. 

La désinformation, enjeu majeur de cette transition ?

Les enjeux liés à ces nouvelles méthodes d’information via les réseaux sociaux se manifestent de manière particulièrement préoccupante chez les jeunes en raison de la nature nouvelle de leur consommation d’information. Un cas interessant concerne les « bulles de filtres », concept popularisé en 2011 par l’essayiste Eli Pariser, qui étend l’idée de la « chambre d’écho » formulée par Sunstein (2001). Cette notion explique un effet inhérent aux médias sociaux et révèle que, par le biais d’algorithmes prédictifs, ces plateformes exposent majoritairement les utilisateurs à des contenus a priori alignés avec leurs préférences et opinions.

En enfermant les internautes dans un univers informationnel qui les isole des citoyens aux opinions divergentes, les réseaux sociaux participent alors à la polarisation et à la fragmentation de l’espace public.

En parallèle, une étude intitulée « Vérification des comptes sur les médias sociaux : Perceptions des utilisateurs et inscription payante », datant de juin 2023 (8), a mis en évidence une méconnaissance des critères de vérification des comptes Twitter. Plus de la moitié des répondants ont démontré une incompréhension sur les critères d’attribution des coches bleues, et plus de 80 % des participants à l’étude a interprété de manière erronée les nouveaux indicateurs de vérification couleur or et gris récemment introduits par X. 

Cette refonte des modalités d’accès à l’information sur les plateformes pose ainsi une question majeure : comment garantir la fiabilité de l’information lorsque le principe même de certification est subvertit, et que cette fonctionnalité ne peut plus être considérée comme un gage de fiabilité ? 

Des conséquences dans le monde réel

L’un des exemples les plus significatifs des risques encourus par la certification payante se manifeste à travers l’exemple du New York Times.  

Seulement quelques heures après avoir déclaré ne pas avoir l’intention de « payer pour maintenir la certification de ses comptes officiels », le prestigieux quotidien américain a vu disparaître le badge bleu du compte du journal, pourtant suivi par une audience de 55 millions d’abonnés. Cet événement a été rapidement suivi d’un tweet du PDG de X, Elon Musk, accusant le média de propagande.

Un internaute possédant déjà un compte vérifié a alors tiré avantage de cette situation en renommant son compte avec le nom du célèbre média américain. Cela a conduit à une situation paradoxale où le véritable compte du New York Times s’est retrouvé non certifié, tandis que le compte frauduleux qui usurpait l’identité du journal conservait sa certification.

D’autres exemples témoignent de conséquences dramatiques de ce nouveau système de certification payante dans le monde réel. Alors que le coût de l’insuline la rend inaccessible à de nombreux citoyen aux États-Unis, un compte vérifié a pris l’identité du géant pharmaceutique Eli Lilly, annonçant faussement que l’entreprise fournirait gratuitement le médicament. En l’espace de quelques heures, le cours des actions d’Eli Lilly a connu une chute de près de 5 %, entraînant des pertes financières évaluées à plusieurs milliards de dollars de capitalisation boursière pour l’entreprise.

Dès lors, comment la certification peut-elle rester synonyme d’authenticité ? L’incapacité à distinguer ceux qui ont payé de ceux qui ne l’ont pas fait pose un défi significatif en terme de crédibilité de l’information, particulièrement au regard du prix extrêmement abordable de ce service, à environ 10 euros par mois.

Les associations tirent la sonnette d’alarme

Le chaos résultant de ces modifications du système de certification soulève des préoccupations sérieuses en matière de droits, qui sont le sujet de divers communiqués d’associations telles que Human Rights Watch ou Reporters sans frontières (RSF). 

Human Rights Watch souligne notamment que les inquiétudes soulevées pointent vers la nécessité de repenser les plateformes sociales en général, tant elles représentent des places publiques numériques et nécessitent une surveillance plus démocratique, y compris des réglementations plus strictes ancrées dans des normes de droits humains. 

« Aucun individu ne devrait détenir le pouvoir que Musk exerce sur une infrastructure d’information aussi cruciale. » Musk chaos raises serious rights concerns over Twitter. – Human Rights Watch (6.)

Reporters sans frontières (RSF) dénonce également cet outil comme dangereux et trompeur, qui instaure un régime à deux vitesses sur l’accès à l’information en ligne et qui ne garantit pas la fiabilité de l’information. RSF appelle donc à retirer cet outil et préconise de mettre en place des règles pour encadrer ces pratiques, en rappelant que les entreprises gérant les réseaux sociaux ont une responsabilité dans le chaos informationnel et que leurs intérêts économiques ne doivent pas passer avant ceux des citoyens. 

Helene Palmer


Bibliographie

  1. Aublanc, M. (2023, 9 avril). Twitter Blue : Comment l’abonnement payant va augmenter le risque de désinformation. www.20minutes.frhttps://www.20minutes.fr/by-the-web/4031545-20230409-twitter-blue-comment-abonnement-payant-va-augmenter-risque-desinformation
  2. Boyadjian, J. (s. d.). Désinformation, non-information ou sur-information ? Cairn.info. https://www.cairn.info/revue-reseaux-2020-4-page-21.htm
  3. Ganesan, A. (2022, 13 novembre). Musk chaos raises serious rights concerns over Twitter. Human Rights Watch. https://www.hrw.org/news/2022/11/12/musk-chaos-raises-serious-rights-concerns-over-twitter
  4. Les jeunes et l’information : Une étude du ministère de la Culture vient éclairer les comportements des jeunes en matière d’accès à l’information. (s. d.). https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Les-jeunes-et-l-information-une-etude-du-ministere-de-la-Culture-vient-eclairer-les-comportements-des-jeunes-en-matiere-d-acces-a-l-information
  5. Legacy Verification Policy. (2023, 5 avril). https://help.twitter.com/en/managing-your-account/legacy-verification-policy
  6. Not playing ball. (s. d.). https://blog.twitter.com/official/en_us/a/2009/not-playing-ball.html
  7. RSF réclame la fin des certifications payantes sur les réseaux sociaux et de leur logique censitaire. (s. d.). RSF. https://rsf.org/fr/rsf-r%C3%A9clame-la-fin-des-certifications-payantes-sur-les-r%C3%A9seaux-sociaux-et-de-leur-logique
  8. Xiao, M., Wang, M., Kulshrestha, A., & Mayer, J. (2023, 28 avril). Account verification on social media : user perceptions and paid enrollment. Princeton University. https://arxiv.org/abs/2304.14939
  9. X Verification requirements – How to get the Blue Check. (2023, 2 octobre). https://help.twitter.com/en/managing-your-account/about-twitter-verified-accounts
  10. York, J. (2022a, novembre 16). « Changer les règles du jeu » : les enjeux de la certification payante sur Twitter. France 24. https://www.france24.com/fr/%C3%A9co-tech/20221116-changer-les-r%C3%A8gles-du-jeu-les-enjeux-de-la-certification-payante-sur-twitter

Le Fake Out Of Home, la nouvelle tendance marketing ?

Le Fake Digital Out of Home est une nouvelle tendance de street marketing avec la particularité… de ne pas vraiment exister. Il s’agit d’incruster un objet 3D animé et photoréaliste dans le monde réel et qui va interagir avec ce monde. Les contenus FOOH sont générés dans l’objectif de repousser les limites du réel et de créer des campagnes ultra réalistes et immersives. Une tendance qui connaît un réel essor et  profite des formats “snack” que ce soit sur TikTok, Instagram, Facebook ou encore Youtube.

Le Faux fait le Vrai buzz

L’un des premier Fake Out of Home a été imaginé par le vidéaste Ian Padgham pour la promotion des produits Maybellin. Il s’agit un métro londoniens parés de cils géants puis maquillés par une brosse de mascara « Sky High » grandeur nature de la marque de cosmétique.

Il ne s’est pas arrêté là et a notamment imaginé une campagne publicitaire pour Jacquemus mettant en scène le fameux sac de la marque Bambino. Le 5 avril, la marque a publié une vidéo sur laquelle plusieurs sacs ont été transformés en bus hybrides qui circulent dans les rues de la capitale française.

Le 6 septembre, c’est au tour de l’Oréal de dévoiler sa nouvelle campagne : un rouge à lèvre géant sur le dos d’une 2CV sillonne Paris et laisse une jolie trace rouge sur sa route vers l’opéra Garnier. Réalisée en animation 3D, la vidéo est rapidement devenue virale, générant plus de 11,2 millions de vues sur Instagram et plus de 4,9 millions de vues sur TikTok.

https://www.tiktok.com/@lorealparis/video/7274925932127800608?embed_source=121374463%2C121351166%2C121331973%2C120811592%2C120810756%3Bnull%3Bembed_share&refer=embed&referer_url=blstk.art%2Floreal-paris-repeint-la-ville-en-rouge%2F&referer_video_id=7274925932127800608

Une tendance qui séduit tous les secteurs

Le FOOH ne s’arrête pas aux univers des cosmétiques et de la mode. Pour la sortie du film Napoléon, c’est Sony et l’agence de Busterwood qui en ont fait l’usage avec une mise en scène spectaculaire en déroulant une affiche XXL du film sur l’Arc de Triomphe.

La volonté du Distributeur Sony Pictures était de propager la campagne sur des emblèmes iconiques de la France et de Napoléon. Édifié sous l’impulsion de l’empereur et de renommée internationale, l’Arc de Triomphe s’imposait comme une évidence pour ce film” a déclaré Sébastien Wullems, le managing director de Busterwood.

@sonypictures.fr

Napoléon s’empare de l’Arc de Triomphe ! ⚔️ Découvrez Napoléon, le film événement de Ridley Scott avec Joaquin Phoenix, le 22 novembre au cinéma. #NapoléonLeFilm

♬ son original – Sony Pictures France

Du côté des annonceurs, La Philharmonie a été le pionnier au Luxembourg en novembre dernier en mettant en avant ses « Music Box » grâce au Studio Polenta et à FOREAL. La vidéo présente d’imposantes boîtes cadeaux chutant en cascade, telles des dominos, sur le parvis de la Philharmonie.

Ces derniers mois, les exemples de FOOH se sont multipliés. Ainsi pour livre show 2023, ETAM a ressuscité en vidéo le mythique club Le Palace ; Xiamo a mis en scène ses galeries photos sur un arrêt de bus et Playstation a dévoilé sur son Instagram une transformation ambitieuse de la Tour Montparnasse prenant l’apparence d’une console géante.

Des campagnes qui rebattent les cartes

Cette nouvelle tendance vient bousculer les codes du street marketing à l’heure où les expériences en ligne se multiplient. L’engouement autour des FOOH s’explique par l’interaction qu’ils génèrent. L’essence même de ces campagnes réside dans leur capacité à semer le doute, incitant les spectateurs à interagir activement avec le contenu sur les réseaux sociaux. La création d’un lien émotionnel avec le public séduit tant les internautes que les algorithmes des réseaux sociaux favorisent naturellement ces contenus.

Aussi, le FOOH présente une série d’avantages sur les plans logistiques et économiques. Il n’implique pas les coûts liés à la location d’emplacements physiques, à la gestion de la production ou aux permis de construction. Les créateurs de ces publicités fonctionnent selon les mêmes règles que les photographes et vidéographes en ce qui concerne les autorisations et les droits d’utilisation.

L’avenir de la publicité ?

Mode passagère ou tendance pérenne ? La publicité FOOH offre des opportunités illimitées, allant des voyages virtuels aux démos interactives. Cette fusion de réalité et d’imagination permet aux marques de se connecter de manière innovante avec leur public. Les FOOH repensent intégralement la manière dont les marques communiquent car cela oblige à penser avec un storytelling omniprésent et non un focus produit.

Cependant, si grâce aux FOOH les marques sont libres d’imaginer des expériences publicitaires uniques et mémorables, cette tendance soulève aussi des inquiétudes. Certains FOOH suscitent des interrogations éthiques, notamment en ce qui concerne l’ambiguïté entre la réalité et la fiction. Ces publicités virtuelles peuvent tromper les consommateurs en les induisant en erreur visuellement. Une préoccupation d’autant plus légitime dans un contexte où les fake news et la désinformation sont devenues monnaie courante.

Il est encore trop tôt pour savoir si cette pratique est vouée à se banaliser mais s’il ne remplace pas les méthodes existantes, le Fake Out Of Home semble être un complément des plus efficaces aux formes traditionnelles de marketing.

De Rozaven Inès

Fake news sur la guerre en Ukraine : les réseaux sociaux sont-ils plus trompeurs que les médias traditionnels?

Vous avez peut-être déjà vu des passages des émissions télé dans lesquels les réseaux sociaux sont présentés comme les principaux responsables de la propagation des fake news et dans une période dans laquelle de plus en plus de monde, notamment les jeunes, s’informe en ligne et sur les réseaux sociaux il est pertinent de se demander si les réseaux sont plus trompeurs que les médias traditionnels et en particulier la télévision, en se penchant sur un événement qui nous impacte tous depuis plus d’un an maintenant : la guerre en Ukraine.

Historiquement, les chaînes d’information avaient la priorité lorsqu’un événement important se passait, maintenant avec l’émergence des réseaux sociaux un événement qui se passe même très loin de nos frontières peut vite devenir viral et faire le tour du monde. Dans ce contexte, les chaînes d’information perdent leur avantage historique dans ce jeu de concurrence avec les réseaux sociaux, la plupart des événements n’arrivant plus à la télévision en premier, mais sur les réseaux sociaux. 

Étant donné que les chaînes d’information doivent faire preuve d’une réelle réactivité afin de tenir le cap face aux réseaux sociaux et qu’elles ont besoin de contenu en continu, il arrive parfois que les chaînes d’information n’aient pas le temps nécessaire de vérifier la véracité de toutes les informations qu’elles relaient. 

Quant aux réseaux sociaux, cet attribut qui leur permet de connecter facilement le monde est à double tranchant. D’un côté, l’information peut venir de sources diverses et arriver rapidement aux quatre coins du monde. D’un autre côté, ces mêmes sources sont souvent difficilement vérifiables et une fois l’information lancée il est compliqué d’arrêter sa propagation et donc favoriser un environnement propice à l’apparition des fake news. 

En février 2022, Ursula von der Leyen annonce l’interdiction des médias d’État russes au sein de l’Union Européenne : la chaîne de télévision Russia Today et le journal Sputnik lors de l’annonce des sanctions contre la Russie. Dans une publication sur Twitter, Ursula von der Leyen affirme : «[Ils] ne pourront plus diffuser leurs mensonges pour justifier la guerre de Poutine. Nous développons donc des outils pour interdire leur désinformation toxique et nuisible en Europe». La guerre en Ukraine se joue non seulement sur les théâtre de combat, mais dans l’information également.

Les héros de l’île des Serpents

 Une vidéo a fait le tour des réseaux au début de la guerre. Il s’agit d’une vidéo initialement diffusée par le conseiller du ministre de l’intérieur ukrainien sur son compte Telegram et reprise par plusieurs médias en ligne (comme Ukrayinska Pravda). La vidéo montre les échanges entre les soldats russes et les gardes-côtes ukrainiens sur l’île des Serpents et une célèbre phrase est restée dans la mémoire collective : «Navire militaire russe, allez vous faire fou***»  . Volodymyr Zelensky avait déclaré : «Sur notre île de Zmiinyi, en la défendant jusqu’au bout, tous les gardes-frontières sont morts héroïquement. Mais ils n’ont pas renoncé. Ils recevront tous, à titre posthume, le titre de Héros de l’Ukraine. Que la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour l’Ukraine vive à jamais». La vidéo a été reprise également dans les médias français sur des chaînes d’information comme LCI et  BFMTV ou encore le journal Le Point sur son compte Twitter. 

Quelques jours plus tard, les forces armées ukrainiennes reviennent sur cette information  dans une publication Facebook déclarant que les soldats ukrainiens sont en vie et capturés par les soldats russes. Les chaînes de télévision françaises ont également clarifié la situation par la suite.

LCI et BFM ne sont pas les seules chaînes qui relaient des informations sans toujours vérifier leur provenance et leur véracité. En effet, CNEWS, a publié le 28 avril 2023 un article en ligne «VLADIMIR POUTINE : LE PRÉSIDENT RUSSE A-T-IL ÉCHAPPÉ À UN ATTENTAT AU DRONE KAMIKAZE ? » sans que Moscou ou Kiev confirment cette affirmation. Il s’agit donc d’un exemple de clickbait car en lisant le contenu de l’article est loin de démontrer un tel événement. 

Les réseaux sociaux sont eux aussi loin d’être innocents dans la propagation des fake news et la Russie semble bien maîtriser la technique de l’astroturfing en utilisant le partage massif par des faux comptes des informations propagée soit par les officiels russes (des membres du gouvernement ou des institutions russes) soit directement par des comptes dont l’identité est difficilement vérifiable ou à travers les commentaires des diverses publications.

Depuis la création de Twitter Bleu, des faux comptes peuvent maintenant obtenir le badge bleu qui fait gagner la crédibilité du compte le détenant, en payant un abonnement mensuel. Twitter Bleu pose un problème dans la propagation des fake news car certains médias traditionnels ou des journalistes indépendants perdent leur badge en refusant de payer l’abonnement alors que d’autres comptes Twitter risquent de sembler plus véridiques aux yeux des utilisateurs.

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est l’organisme chargé de veiller sur le phénomène des fake news en France. Si pour les chaînes de télévision ce contrôle peut être plus facile étant donné le rôle historique de la CSA et le fait que chaque téléspectateur peut dénoncer des passages problématiques vus à l’antenne, sur les réseaux sociaux il est plus compliqué pour le régulateur d’intervenir directement. Chaque année l’Arcom publie les déclarations des opérateurs de plateformes (Meta, Twitter, Google, etc.) en ligne sur les moyens de lutte contre la manipulation de l’information.

Une des mesures prises par Twitter pour lutter contre les fake news est le lancement de Twitter Birdwatch, un outil qui permet aux utilisateurs d’identifier des publications qu’ils estiment trompeuses et d’écrire des notes qui fournissent un contexte informatif. 

Néanmoins, sur les réseaux sociaux le nombre quotidien de publications reste trop élevé comparé aux moyens de régulation et des fake news passent toujours à travers les mailles du filet.

Bien évidemment, en France il n’y a pas de chaîne de télévision avec un discours pro russe et donc les fake news que l’on trouve dans les médias traditionnels ont peut-être moins d’impact sur l’avis général de  la population concernant la guerre que les publications sur les réseaux où tout le monde est libre de partager ses idées, mais on peut remarquer que tous les fake news sur les réseaux sociaux ne viennent pas de faux comptes et parfois les chaînes de télévision ou les journaux sont à l’origine de celles-ci.

Et en Russie?

Malheureusement les médias indépendants sont rares voire inexistants en Russie, la quasi-totalité des médias étant des médias d’État qui sont contrôlés par le Kremlin. 

Depuis le début de la guerre, les journalistes des médias indépendants ont pour la plupart dû quitter le pays étant considérés comme des “agents étrangers”. En ce qui concerne les médias d’État, afin de maintenir l’opinion et le soutien de la population la guerre est présenté comme une opération de dénazification de l’Ukraine, souvent faisant référence à la Seconde Guerre mondiale (la “Grande Guerre Patriotique » en russe), guerre qui est resté comme une fierté nationale dans la mémoire collective russe. C’est dans ce contexte que les réseaux sociaux deviennent une autre source d’information notamment pour les jeunes génération, car c’est seulement sur les réseaux sociaux qu’ils peuvent avoir un autre discours que celui propagé dans les médias d’État russes, d’où la décision de la Russie d’interdire Facebook et Instagram. 

ARTE Tracks a produit une série des mini-documentaires sur les fake news dans les médias d’État russes.

Pour conclure, il est difficile de dire si les réseaux sociaux sont plus dangereux que les médias traditionnels et parfois il faut bien prendre en compte le contexte différent d’un pays à l’autre. Il est certes important de se rendre compte que les fakes news existent et sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels et le plus important c’est de vérifier chaque information avant de la partager afin d’éviter un effet de chambre d’écho. Finalement, peut-être qu’avec le discours généralisé qui pointe du doigt les réseaux sociaux on fait encore plus attention lorsque l’on s’informe sur ceux-ci et on risque de considérer l’information des médias traditionnels comme véridique et c’est probablement dans ce rapport de confiance que l’on peut être encore plus facilement victimes des fake news.

Sebastian Udriste

Bibliographie :

Donada, E. , de la Roche Saint-André, E. (le 25 février 2022). «Allez vous faire foutre !»: que sait-on des dernières paroles de soldats ukrainiens devenus héros en défendant l’île des Serpents?. Libération (réf le 28 février 2022) :

https://www.liberation.fr/checknews/allez-vous-faire-foutre-que-sait-on-des-dernieres-paroles-de-soldats-ukrainiens-devenus-heros-en-defendant-lile-aux-serpents-20220225_6I3QUB7QMBGX7C3KMRQRAGIGWA/

La rédaction de TF1info ( le 28 février 2022). Ukraine : déclarés morts, les 13 soldats de l’île des Serpents sont en réalité aux mains des Russes. TF1 info :

https://www.tf1info.fr/international/guerre-en-ukraine-declares-morts-les-13-soldats-de-l-ile-des-serpents-sont-en-realite-aux-mains-des-russes-2212148.html

CNEWS (le 28 avril 2023). VLADIMIR POUTINE : LE PRÉSIDENT RUSSE A-T-IL ÉCHAPPÉ À UN ATTENTAT AU DRONE KAMIKAZE ?. CNEWS :

https://www.cnews.fr/monde/2023-04-28/vladimir-poutine-le-president-russe-t-il-echappe-un-attentat-au-drone-kamikaze

La rédaction numérique de France Inter (le 16 mars 2022). Comptes complotistes, fake news, propagande : plongée dans les tweets de l’ambassade russe en France. France Inter :

https://www.radiofrance.fr/franceinter/comptes-complotistes-fake-news-propagande-plongee-dans-les-tweets-de-l-ambassade-russe-en-france-2267509

Arcom. Questionnaire 2021 aux opérateurs de plateformes en ligne soumis au titre III de la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information – Twitter :

https://www.arcom.fr/sites/default/files/2022-07/D%C3%A9claration%20Twitter%20-%20%20Lutte%20contre%20la%20manipulation%20de%20l%27information%202022.pdf

Masha Borzunova, Kobalt Productions (2022). Fake News. ARTE Tracks :

https://www.arte.tv/fr/videos/109809-001-A/fake-news/

Maxime Audinet (le 16 février 2023). Un an après l’invasion de l’Ukraine : que deviennent RT et Sputnik ?. La revue des médias, INA:

https://larevuedesmedias.ina.fr/guerre-information-russie-ukraine-medias-influence-rt-sputnik-afrique-nouveau-rideau-de-fer

Evangelical Church And Celebrity Culture Are A Match Made In Heaven

Ex- Hillsong preacher Carl Lentz is on the verge of hitting 600K followers on Instagram. He and other pastors such as Chad Veach (Zoe Church in Los Angeles), Judah Smith (Churchome in Seattle) or Rich Wilkerson Jr. (Vous Church in Miami) are used to sharing the gospel on social media. They also appear in paparazzi photos, surrounding themselves with the likes of Justin Bieber and Kanye West all the while living lavish lifestyles.

Reverend Billy Graham speaks to the crowds – Tallahassee, Florida (1943)

This trend of inspiring supporters through communication technology has been around since seventeenth-century England, and famous evangelists like Billy Graham has used secular media as a tool for their ministry. In 1989, he began a series of Crusades via satellite extending his preaching to live audiences in more than 185 countries and territories.

Although incorporating celebrity culture in religion is not new, the social media exposure of spiritual leaders is slowly closing the gap between celebrity pastor and regular celebrity.

What don’t you like about church ?

Evangelical Protestants are the largest religious group in the U.S. and are accounting for 25.4% of the population in 2023. Nonetheless, this proportion has been in decline for a long time since grapes of American adults are starting to describe themselves as atheist, agnostic, or nothing in particular.

Megachurches (i.e., Protestant congregation having 2 000 or more people in average weekend attendance) have been trying to offer something different from traditional evangelicalism. Pioneering pastor Rober H. Schuller and his disciple Bill Hybels popularized the idea that churches should heavily focus on reaching seekers, the ones who distanced themselves from God but are still seeking for meaning in their lives. He believed that leaders could use marketing strategies to find out what they didn’t like about church and tailor its service according to their answers.

 The Australian Hillsong congregation has churches in 30 countries and an average global attendance of 150 000 believers weekly. As a seeker sensitive church, Hillsong tries reaching out to the unsaved person by making the church experience more inviting, comfortable and entertaining. Hillsong managed to curate a brand image promoting a more progressive form of Christianity involving theatrics and musical skits, fashion.

Indeed, megachurches offices are using technology and celebrities guests appearance to offer a high end religious experience to the audience. The goal is to create an emotionally highly charged atmosphere designed to foster the worshipper’s connection to God. As soon as you walk into the venue, you are blinded by the lights and cannot help but notice the massive LED screens along with the multiple cameras. 

According to Kelly Bollman who has been involved on the volunteer creative team of Hillsong New York, Hillsong “off-platform” identity is has important has the “on-platform” one. The off-platform identity is curated on social media and in the persona of media-trained pastors that transcend what it means to be Christian.

Relatables narratives of Christianity

Hillsong offers a message even seekers can digest by preaching what is relevant to daily life : dating, confidence, grief and so on. Since relatability appeals to younger worshipers, pastors passionately share the ups and downs of their spiritual journey. Vox explained how evangelical church was turning into “a gathering place for the cool kids, the kids who might have had too much to drink the night before but know they’re welcome no matter what on Sunday morning”. Pastors are using the language and rhetoric of the social media-savvy Millennials and Generation Z. Services available for streaming on Hillsong’s Website display titles such as “Relevance: Hole-y Jeans or Holy Life?”.

Megachurches are also adding a dose of prosperity gospel theology to their narrative, teaching the mass that God will reward believers with material benefit and success for their faithfulness. Evangelical celebrities feed this belief with their posts showcasing lavish luxury lifestyle and A-list friends. Moreover, megachurches often cultivate the image of culturally, diverse and young communities.

Media-friendly pastors

Megachurches are producing a new generation of Celebrities for Jesus, a term coined by Katelyn Beaty in her book Celebrities for Jesus: How Personas, Platforms, and Profits Are Hurting the Church. She explores the way celebrity culture has shaped the American Church. She distinguishes fame, the attention arising from an act of virtue from celebrity that relies on the tool of mass media to project an image of ourselves. Celebrity pastors are key opinion leaders and are using different tactics to make themselves appealing to their followers.

Pastors cautiously curate their Instagram feeds with selfies, inspirational messages of self-care , promotional posts urging their followers to buy their books or the latest footage of the Sunday service. About the latter, behind-the-scenes of the worships provide leaders with an aura of importance. Ferris and Harris explain that the asymmetry of knowledge between pastors and audience is a common indicator of religious celebrity. Pastor rarely interacts off-stage with the congregation but knows that his physical absence is more than  compensated by his media presence. A media-trained spiritual leader carefully balances between privacy and publicity while shaping his persona as a celebrity.

Youth Pastor Matt Davis on stage (2020)

However, scandals can still occur, as seen in the case of Carl Lentz, the former lead pastor at Hillsong Church in New York City, who was dismissed in 2020 a moral failure. He was caught having an extramarital affair and held accountable for not upholding the values he so convincingly preached.

Rich in faith and dollars

The line between pastors and their fellow celebrities starts to be blurred when the spiritual leaders engage in a transactional relationship with their followers.

Megachurches often expose their communities to paid services, and lead pastors can make significant profits from book sales and merchandising. Both online followers and Sunday attendees serve as potential customers.

 Pastor Rich Wilkerson Jr. achieved a new level of stardom when he starred in his own TV show Rich in Faith along with his wife DawnCheré Wilkerson, also a lead pastor. The Christian couple  have their own Youtube Channel called  Official Rich & DC. Thanks to their content creation activity, their net work oscillates between 1$ to 4$ million dollars as of 2023.

Beliebers turned Believers : when celebrity become religious brand ambassadors

Selena Gomez, Kendall Jenner or Chris Pratt have been vocal about their faith online. However, Justin Bieber and Hillsong have taken their spiritual partnership to a new level.   Back in 2014, the singer was a PR disaster, regularly making headlines wherever he was illegally importing a pet monkey or spending a night in jail for underage drag racing.

Mugshot of Justin Bieber taken by Miami Beach Police – Miami, Florida (2014)

At his lowest, he got baptized in an NBA player’s bathtub by none other than Pastor Lentz. Since then, his relationship with Hillsong is an essential part of his social media brand. On Instagram, Bieber is a vocal Christian and more importantly a vocal Hillsong supporter, appearing at Hillsong events alongside Lentz and speaking in tongues on his posts.

Justin Bieber posting about Easter on Instagram (2018)

In 2017, he even posted an Instagram Live of him praising God to a heartfelt piano melody. Bieber was performing a song written by th