Médiamétrie 2024 : Nouvelle ère de mesure d’audience TV et défis de l’intégration des réseaux sociaux

Dans une ère où le numérique bouscule les traditions, Médiamétrie franchit un pas de géant avec une révision capitale de son système de mesure des audiences télévisuelles. L’entité de référence pour les statistiques médiatiques, Médiamétrie, dévoile une initiative audacieuse qui a commencé à prendre effet le 1er janvier 2024 : l’intégration des interactions sur les réseaux sociaux dans le calcul des audiences.

L’audience totale : au-delà du téléviseur

En décembre 2023, Médiamétrie, fidèle à son image innovante, a annoncé étendre son panel d’audience à 12 000 individus, y compris 500 foyers sans téléviseurs, à partir du 1er janvier 2024. Médiamat, outil emblématique de Médiamétrie, enregistrera désormais une audience « tous lieux (domicile, hors domicile, en mobilité), tous écrans (téléviseur et écrans Internet – ordinateur, smartphone et tablette), toutes temporalités (Live, différé, replay/preview) », pour une représentativité plus complète de l’audimat français. L’entreprise reconnaît ainsi que la télévision a dépassé les frontières du salon pour se diffuser dans chaque recoin de notre vie quotidienne. Pour connaître l’intégralité de la réforme rendez-vous sur le site de Médiamétrie.

Dans cette volonté de couvrir « l’intégralité des comportements de consommation », l’outil comptabilise désormais les clips des émissions diffusés sur des plateformes telles que TikTok, Facebook, Instagram ou encore X. Les statistiques quotidiennes, publiées chaque matin à 9 heures, ne se limitent donc plus à la consommation passive devant le petit écran, mais englobent désormais l’interaction active des téléspectateurs dans l’espace numérique. 

https://twitter.com/Mediametrie/status/1735629447099818095

Mais pour bien comprendre ces changements, il est crucial de reconnaître l’influence significative de ces chiffres d’audience révélés tous les matins à 9h. Depuis de nombreuses années, ils dictent les tendances, influencent les décisions des annonceurs et orientent les stratégies des chaines de télévisions. En embrassant le numérique, Médiamétrie ne se contente pas de suivre l’évolution ; elle redéfinit les règles du jeu, posant ainsi les jalons d’une industrie télévisuelle française plus connectée et réactive. 

La conquête du numérique par les chaînes télévisuelles : embrasser le concept de Social TV

Pour s’aligner sur les innovations de Médiamétrie et rester compétitives dans un paysage médiatique en perpétuelle évolution, les chaînes de télévision doivent faire leur place sur les réseaux sociaux. Cela implique l’adoption du concept de Social TV, une stratégie qui utilise les réseaux sociaux pour enrichir l’expérience télévisuelle. Elle permet aux spectateurs de participer activement aux conversations en temps réel, de partager leurs opinions et même d’influencer le contenu à l’antenne. Ce phénomène transforme la télévision d’une activité traditionnellement passive en une expérience communautaire et interactive. Cette approche est utilisée essentiellement pour capter l’attention du spectateur souvent partagée entre l’écran télévisuel et un second écran, généralement celui du téléphone.

Pour saisir l’ampleur de la Social TV, observons l’émission « Touche Pas à Mon Poste » (TPMP), émission qui s’est taillé une place de choix dans le paysage audiovisuel français, ayant même valu à son hôte le surnom de « Parrain du PAF ».

La recette de TPMP se prête parfaitement à l’interactivité des réseaux sociaux. Chaque épisode, riche en débats, en « clash » et en séquences mémorables, déclenche des vagues de réactions en ligne, entraînant une avalanche de tweets, de partages, et de commentaires sans oublier son lot de polémiques.

Pour tirer parti de cette effervescence, la production de TPMP a élaboré une stratégie digitale complète et réfléchie. Elle s’appuie sur des équipes dédiées qui orchestrent la conversation numérique en direct, favorisant ainsi une connexion instantanée entre les téléspectateurs et le plateau. Le live-tweet durant l’émission est encouragé, rendant chaque diffusion un événement en soi, où le public peut influencer le déroulement ou le contenu par ses réactions. Les meilleurs moments de l’émission sont rediffusés quasiment instantanément sur le compte X de l’émission. 

En outre, TPMP tire parti de contenus exclusifs destinés aux plateformes sociales pour maintenir l’intérêt et stimuler l’engagement en dehors des heures de diffusion. Cette stratégie bien rodée crée un écosystème cohérent où contenu télévisuel et numérique se renforcent mutuellement, transformant ainsi TPMP en un véritable phénomène de Social TV.

Ainsi, la décision de Médiamétrie d’englober les interactions sur les réseaux sociaux dans ses mesures d’audience est un vent favorable pour des émissions comme « Touche Pas à Mon Poste » (TPMP). En reconnaissant l’impact des plateformes digitales, Médiamétrie valorise l’engagement qui est au cœur de la stratégie de TPMP. 

Toutefois, cette évolution ne favorise pas uniformément toutes les émissions. « Quotidien », le principal rival de TPMP, se trouve dans une position délicate depuis son retrait de Twitter en 2023. L’émission est contrainte de déployer des stratégies transverses pour amplifier sa visibilité et compenser l’absence d’une plateforme autrefois cruciale pour l’engagement des téléspectateurs.

https://twitter.com/Qofficiel/status/1737929527446122990

Pour contrebalancer cette absence, « Quotidien » mise sur la popularité de ses chroniqueurs pour générer du buzz et augmenter ses chiffres d’audience. Par exemple, la présence sur les réseaux sociaux de Jean-Michel Apathie, connu pour ses interventions tranchées et sa notoriété, est un levier puissant. L’approche de « Quotidien » s’appuie sur le rayonnement individuel des figures de l’émission pour attirer et fidéliser les audiences, tout en cherchant à créer un contenu partageable qui puisse virer à la tendance et notamment sur X. En exploitant intelligemment la résonance de ses chroniqueurs et en diversifiant ses points de contact avec le public, « Quotidien » s’efforce de rester compétitif dans le nouveau paysage audiovisuel redéfini par Médiamétrie.

Mais quels défis face à cette transformation de la mesure de l’audience ?  

La quête d’audience et le péril du sensationnalisme

Le premier est la tendance inquiétante à privilégier les contenus provocateurs ou sensationnels afin de stimuler les réactions sur les réseaux sociaux. Cette course effrénée au « clash » risque de marginaliser les programmes de qualité, ceux qui privilégient l’information pertinente ou le divertissement constructif. Les chaînes pourraient être tentées de renforcer des dynamiques qui favorisent les controverses et les débats clivants, plutôt que d’encourager une programmation diversifiée. En somme, cette nouvelle méthode de mesure d’audience pourrait involontairement dévaloriser les programmes du PAF qui ne génèrent pas un buzz immédiat sur les réseaux sociaux, redessinant le paysage télévisuel non pas sur la base de la qualité, mais de la capacité à provoquer une réaction instantanée.

Le Risque d’Enfermement dans une Bulle de Filtre

Un autre risque majeur de cette nouvelle mesure est le phénomène de la « bulle de filtre ». Ce concept décrit une situation où les algorithmes des réseaux sociaux filtrent et présentent aux utilisateurs du contenu basé sur leurs interactions précédentes, leurs préférences et leurs comportements en ligne. Ce processus crée un écho personnalisé où l’individu est principalement exposé à des idées, des opinions et des contenus qui lui « correspondent ». Le danger est que l’on croit choisir activement le contenu auquel on est exposé, alors qu’en réalité, notre environnement informationnel est orchestré par des algorithmes qui visent à maximiser notre engagement.

Dans le contexte de la Social TV, cela signifie que les programmes qui deviennent viraux ou qui sont personnalisés pour nous sur les réseaux sociaux peuvent obtenir une visibilité disproportionnée. Cette situation contraste avec la sélection intentionnelle d’un programme à regarder en direct ou en replay, où le choix et l’attention sont exercés de manière plus consciente et délibérée. Les téléspectateurs risquent de perdre une part de leur autonomie, étant de plus en plus influencés par ce que les algorithmes déterminent être le plus susceptible de retenir leur attention, plutôt que par leurs propres choix.

Finalement, une interrogation subsiste quant à l’avenir du PAF. Alors que Médiamétrie redéfinit ce qui fait ou défait les succès télévisuels, restera-t-il assez de place pour la qualité quand le sensationnel semble régner en maître ?

Solène Gautier

Sources

  1. « Nouveau calcul des audiences : pourquoi vous n’en avez pas fini avec le buzz à la télé », Le Parisien, 14-04-2024,
  2. « La mesure d’audience de la télévision, c’est quoi? », Médiamétrie
  3. « Social TV : un vivier d’opportunités pour les annonceurs », Ruche & Pollen
  4. « Que sont les bulles de filtre? », 50A

Quel est l’impact des influenceurs sur la perception de l’authenticité des marques par les consommateurs ?

Introduction

L’impact des influenceurs sur la perception de l’authenticité des marques par les consommateurs est un sujet de plus en plus pertinent dans le monde du marketing digital. À une époque où la publicité traditionnelle perd peu à peu de son efficacité, les marques se tournent vers des influenceurs aux communautés ciblées pour gagner plus facilement la confiance des consommateurs. Cet article explore comment les interactions entre les influenceurs et leurs abonnés peuvent affecter la perception de l’authenticité d’une marque et, par conséquent, influencer le comportement des consommateurs.

La notion d’authenticité

Définition et importance

L’authenticité, dans le contexte du marketing d’influence, fait référence à la perception qu’ont les consommateurs de la vérité, de la sincérité et de l’intégrité d’un influenceur lorsqu’il recommande un produit ou une marque. Cette perception est cruciale car elle influence directement la manière dont les messages publicitaires sont reçus par les audiences.

Dimensions de l’authenticité

Selon des études récentes, l’authenticité d’un influenceur se décompose en quatre dimensions principales : l’originalité, la naturalité, la continuité et la fiabilité (Bruhn M., Schoenmüller V., Schäfer D., Heinrich D. 2012). Chacune de ces dimensions contribue à façonner l’image que les consommateurs se font de l’influenceur et, par extension, de la marque qu’il représente.

Influence des interactions sur la perception de l’authenticité

Engagement et authenticité

L’engagement des consommateurs avec les publications d’un influenceur est souvent perçu comme un indicateur de son authenticité. Un taux élevé d’interaction (likes, commentaires, partages) suggère que l’audience trouve l’influenceur crédible et digne de confiance, ce qui, par projection, renforce l’authenticité perçue de la marque.

Transparence et confiance

La transparence, désormais obligatoire par la loi sur l’influence en France (LOI n° 2023-451 du 9 juin 2023, alinéa 1 de l’article 5) en ce qui concerne les partenariats rémunérés, est une pierre angulaire pour maintenir la confiance des consommateurs dans l’ensemble. Son importance est décuplée dans l’actuel paysage numérique où les frontières entre contenu organique et contenu sponsorisé peuvent parfois sembler floues, notamment dans des formats comme les vidéos TikTok ou les stories Instagram. En étant clairs et explicites sur la nature de leurs partenariats, les influenceurs édifient un climat de confiance avec leur public, élément fondamental pour la pérennité de leur relation.

Effets de la perception de l’authenticité sur le comportement des consommateurs

Les perceptions d’attractivité, de confiance et d’expertise des influenceurs, renforcées par leur authenticité, ont un impact direct sur la propension des consommateurs à engager un bouche-à-oreille positif (Wang, E.S.-T. et Weng, Y.-J.,2024). Ce comportement est crucial pour les marques car il peut significativement amplifier la portée et l’efficacité des campagnes marketing. De plus, ce phénomène est souvent accentué par les interactions para-sociales, qui se développent lorsque les abonnés commencent à percevoir leurs relations avec les influenceurs comme étant proches et personnelles, bien qu’ils ne se rencontrent jamais en réalité. Ces interactions peuvent créer un sentiment de familiarité et d’attachement envers l’influenceur, renforçant ainsi la confiance et l’engagement du consommateur envers les produits ou les marques promues.

Bien que le marketing d’influence soit souvent moins coûteux et plus efficace que les méthodes plus traditionnelles, et malgré une réglementation croissante dans le secteur, les influenceurs les moins consciencieux sont encore souvent au centre de controverses. Nous avons pu en constater de nombreux exemples, notamment avec la vague d’« influvoleurs » de Dubaï (terme créé par le rappeur Booba suite aux polémiques), une controverse qui a en partie incité la France à légiférer sur le secteur.

Plus récemment, une vidéo de « Simon Puech » a souligné qu’il reste encore beaucoup à faire du côté des influenceurs en ce qui concerne les produits et services qu’ils promeuvent car beaucoup ne savent même pas ce qu’ils vendent.

Nonobstant, l’influence peut être à double tranchant. Bien que de nombreux influenceurs utilisent leur plateforme pour promouvoir des produits ou services, il est également possible que leur influence puisse nuire à l’image d’une marque, d’une personne ou d’une cause. Un exemple récent implique l’influenceur Marques « MKBHD » Brownlee, un Youtubeur spécialisé dans les critiques de nouvelles technologies. Il a reçu de nombreuses critiques désobligeantes concernant une de ses vidéos, craignant que celle-ci ne ternisse l’image de marque du produit en question et en la jugeant contraire à l’éthique.

Cependant, c’est précisément dans cette situation que réside l’essence même de Marques. Il est apprécié en tant qu’influenceur pour son authenticité et son expertise concernant les nouvelles technologies. Ses dimensions d’authenticité associées sont par ailleurs :

Originalité : Son approche unique des critiques de produits technologiques et sa capacité à présenter des informations complexes de manière accessible et engageante.

Naturalité : Sa communication décontractée et honnête crée une connexion authentique avec son public.

Continuité : Il maintient une qualité constante dans ses vidéos au fil du temps.

Fiabilité : Sa réputation d’influenceur de confiance, fournissant des critiques objectives et transparentes.

Conclusion

En conclusion, l’impact des influenceurs sur la perception de l’authenticité des marques et sur le comportement des consommateurs est indéniable. À une époque où la confiance des consommateurs est essentielle pour la réussite des stratégies marketing, les influenceurs jouent un rôle central en établissant des relations authentiques avec leur public. Leur capacité à incarner les dimensions de l’authenticité telles que l’originalité, la naturalité, la continuité et la fiabilité contribue à renforcer la confiance des consommateurs et à stimuler l’engagement envers les marques qu’ils représentent.

Cependant, il est également important de reconnaître les défis et les controverses auxquels sont confrontés les influenceurs, en particulier en ce qui concerne la transparence, l’éthique et la responsabilité dans la promotion de produits et services. La réglementation croissante dans le secteur et les récentes polémiques soulignent la nécessité d’une réflexion continue sur les meilleures pratiques et les normes éthiques dans le marketing d’influence.

En fin de compte, le potentiel positif des influenceurs pour les marques et les consommateurs est immense, mais il est essentiel que les influenceurs, les marques et les régulateurs travaillent ensemble pour garantir que cette industrie reste authentique, éthique et bénéfique pour toutes les parties prenantes.

Adrien Louÿs

Sources :

  • Agnihotri, D., Chaturvedi, P., Kulshreshtha, K. and Tripathi, V. (2023), « Investigating the impact of authenticity of social media influencers on followers purchase behavior: mediating analysis of parasocial interaction on Instagram », Asia Pacific Journal of Marketing and Logistics, Vol. 35 No. 10, pp. 2377-2394. https://doi-org.proxy.bu.dauphine.fr/10.1108/APJML-07-2022-0598
  • Ardley, B. , Craig, C. , Hunt, A. and May, C. (2022) “Product Endorsements on Instagram: Consumer Perceptions of Influencer Authenticity”. Open Journal of Business and Management, 10, 1196-1214. doi: 10.4236/ojbm.2022.103065.
  • Wang, E.S.-T. and Weng, Y.-J. (2024), « Influence of social media influencer authenticity on their followers’ perceptions of credibility and their positive word-of-mouth », Asia Pacific Journal of Marketing and Logistics, Vol. 36 No. 2, pp. 356-373. https://doi.org/10.1108/APJML-02-2023-0115
  • Bruhn, Manfred and Schoenmüller, Verena and Schäfer, Daniela and Heinrich, Daniel, Brand Authenticity: Towards a Deeper Understanding of its Conceptualization and Measurement (October 4, 2012). Advances in Consumer Research, Vol. 40, 2012, Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=2402187

La mesure d’audience TV et streaming : vers une mesure d’audience unique ?

En France les audiences sont historiquement mesurées par Médiamétrie, une entreprise détenue par tous les principaux acteurs du paysage audiovisuel français, des diffuseurs télévision et radio aux annonceurs principaux. Les audiences TV étant la pierre de voûte du financement traditionnelle des chaînes de télévision française, ces données sont extrêmement sensibles et doivent être traitées avec impartialité pour éviter toute ingérence ou influence mal placée.

L’audience à la télévision

Depuis sa création, Médiamétrie recueille ces précieuses informations sur un panel de cinq mille foyers représentatifs de la société française. Avec six chaînes de télévisions la mesure était simple et claire pour tout le monde, le nom du panel, Audimat, rentrera dans le langage courant pour qualifier le nombre de téléspectateurs. Cependant avec le développement des chaînes du câble et plus tard de la TNT gratuite puis du replay, la mesure s’est complexifiée. D’autant plus avec l’avènement des « set top box » dans les foyers français, massivement déployées par les opérateurs de télécoms.

On a également assisté à un affinement spectaculaire de la mesure d’audience, aujourd’hui avec le panel Mediamat. Les informations fournies par Médiamétrie tous les jours à 9h proposent une exhaustivité et une finesse difficilement concevable pour les générations précédentes. Ses informations sont volontairement données par les panélistes et Médiamétrie interprète statistiquement les résultats en les rapportant à la population française totale. Ces données sont mises à la disposition des équipes dédiées de chaque chaîne qui peuvent à travers le logiciel RestitTV façonner la masse de données pour créer leur rapport d’audience en interne.

Longtemps restée hégémonique sur le marché du divertissement, la télévision a vu sa position remise en question par l’irruption des plateformes de streaming, Netflix en tête. Proposant une expérience radicalement différente en laissant au téléspectateur le soin de devenir son propre chargé de programmation, le streaming vient faire vaciller les logiques séculaires de la télévision de papa pour faire rentrer le spectateur dans l’ère de l’ATAWAD (Any Time, Any Where, Any Device).

Cette transfiguration lance un défi de taille, comment mesurer une audience sur de telles plateformes ? Qu’est-ce qu’un succès sur ces plateformes ? Comment comparer un programme Netflix d’un autre diffusé en linéaire ?

L’audience en streaming

La mesure de l’audience TV, en plus de fournir une indication claire sur la popularité d’un programme, permet surtout de valoriser les espaces publicitaires mis à disposition par les chaînes aux annonceurs. Les audiences sont donc d’un intérêt capital pour l’annonceur qui cherchera à faire le plus efficacement de la publicité pour son produit. Les plateformes de streaming étant initialement dépourvues de pub, la mesure d’une audience leur a dès lors paru vaine et se limitait à appuyer des communications marketing sporadiques. Cependant, depuis l’adoption par les plateformes d’un modèle hybride publicité/abonnement (similaire à celui de la télévision payante par câble), la mesure de la valeur d’un espace publicitaire se pose.

Aujourd’hui les plateformes publient les performances de leurs programmes avec des indicateurs de masse comme les heures vues et les « vues ». Autrefois avare en chiffres, Netflix fait montre de bonne volonté depuis quelques années en publiant régulièrement des chiffres de consommation plus ou moins précis. Dernièrement la plateforme s’est engagée à mettre à disposition de tous, deux fois par an, les performances des précédents mois de ses programmes avec plus de 50 000 heures vues. Une mesure globale sans distinction par pays, et fournissant seulement une masse d’heures vues difficilement interprétable.


Concrètement, la nouvelle série Netflix, Griselda, sortie le 25 janvier dernier, comptabilise 20,6M de vues, tout territoire confondue en 4 jours. Ce chiffre ne permet pas, évidemment, de la comparer avec la série française Rivière-perdue qui a rassemblé 4,8M de téléspectateurs sur TF1 jeudi 25 janvier. Ces chiffres mis à disposition publiquement par les deux diffuseurs, divergent fondamentalement et empêche quelconque analyse de fond.

Si un tel geste peut être considéré comme un pas en avant pour la plateforme, ce genre de données d’audience reste sans commune mesure avec celles de la télévision, beaucoup plus exhaustives. Ainsi il faudrait réussir à établir une mesure unique permettant la comparaison des performances d’un programme à la télévision et en streaming.

Quelles technologies pour une mesure unifiée ?

Médiamétrie parvient déjà à mesurer les performances des programmes regardés en non-linéaire disponibles en replay, mais non sans contraintes. En effet l’outil de Médiamétrie peut réaffecter les performances d’un programme en replay seulement si ce dernier a déjà été diffusé en linéaire et est donc doté de son « watermark ». Médiamétrie identifie ce que regarde les panélistes grâce à à la technologie du « watermark », chacun des panélistes du Mediamat est doté d’un boîtier similaire à une box tv qui, à chaque fois que la télévision ou un écran du foyer est allumé, détecte un signal sonore inaudible à l’oreille humaine. Ainsi, si la séquence d’une émission TV, diffusée sur les réseaux sociaux, devient virale, les audiences « replay » remontées par Médiamétrie peuvent être gonflées.

Cette technologie pourrait être théoriquement appliquée aux programmes diffusés sur les plateformes de streaming et permettre une mesure d’audience comparable à celle de la télévision. Mais le watermarking doit être fait à l’initiative du diffuseur et présente des contraintes techniques importantes. Une technologie complémentaire, le « fingerprinting » peut remédier à ces problématiques car elle ne nécessite pas une modification du contenu. Le fingerprinting consiste à prélever un extrait vidéo ou sonore d’un contenu audiovisuel et de le comparer à une base de données préexistante pour identifier le contenu regardé.

Médiamétrie envisage depuis quelques mois de s’affranchir du consentement des plateformes pour mesurer leur audience, on peut donc s’attendre à ce que des technologies comme le watermarking ou le fingerprinting soient celles choisies par l’institut de mesure pour enfin unifier la mesure d’audience de la télévision et du streaming.

Hadrien Pigache


Sources :

Médiamétrie réinvente ses mesures d’audience pour 2024 – Challenges
Médiamétrie veut désormais mesurer les audiences des plateformes de streaming (bfmtv.com)
Comment évoluent les audiences de la télévision à l’heure des plateformes ? (e-marketing.fr)
Top 10 TV Shows on Netflix Right Now
TOP 10 on Netflix in the World on January 31, 2024 • FlixPatrol
Netflix Top 10: ‘Griselda’ Debuts at No. 1 on English TV Chart (variety.com)
Médiamétrie – Le Fingerprinting (mediametrie.fr)
Médiamétrie – Le watermarking, une innovation technologique pour mesurer l’audience de la Télévision et de la radio (mediametrie.fr)

La chronologie des médias à l’ère de la SVOD : Quelles problématiques ?

Le « Nouveau Monde de la Distribution »

L’essor du streaming et l’augmentation rapide des contenus audiovisuels en ligne, combinés à l’évolution de nos habitudes de consommation, ont radicalement transformé l’industrie du cinéma traditionnelle. Cette métamorphose a engendré un nouvel écosystème où les films sont diffusés via une multitude de canaux et génèrent des revenus de diverses sources. Selon Peter Broderick (producteur américain), nous sommes en présence d’un « Nouveau Monde de la Distribution« , qui se distingue par des coûts réduits, des stratégies personnalisées, des sources de revenus variées et un accès direct aux spectateurs.

Dans ce cadre, Internet occupe une place centrale dans la désintermédiation de l’industrie cinématographique, affaiblissant les intermédiaires traditionnels tels que les distributeurs et les exploitants, au profit d’une relation directe entre producteurs et consommateurs. Autrefois, la chronologie des médias, qui garantissait plusieurs fenêtres d’exploitation pour les films, permettait de segmenter les sources de revenus, de la sortie en salle à la diffusion en DVD, puis à la télévision payante et gratuite. Cependant, avec l’apparition des services de vidéo à la demande, de plus en plus proches de la sortie en salle, chaque fenêtre d’exploitation se rétrécit.

La chronologie des médias actuelle en France…

Initialement conçue pour protéger les salles de cinéma de la concurrence de la télévision, puis de la vidéo, la chronologie des médias avait pour objectif de garantir un équilibre dans le paysage audiovisuel. La France s’est distinguée en adoptant une approche singulière, tant au niveau européen qu’international, en édictant des textes contraignants. Ces derniers étaient d’abord intégrés aux cahiers des charges des chaînes publiques durant l’ère du monopole dans les années soixante et soixante-dix, puis inscrits dans la loi en 1982. Aujourd’hui, ces principes sont régis par des décrets découlant d’accords interprofessionnels.

En effet, la chronologie des médias est ponctuellement actualisée, pour tenir compte des usages qui émergent, de l’arrivée de nouveaux concurrents et de l’évolution du paysage audiovisuel. Révisée en 2018 puis en 2022, voici les grandes lignes de la chronologie des médias actuelle :

Source : Numerama

… et à l’international ?

Un bref tour d’horizon à l’étranger révèle qu’aucun autre pays au monde ne possède une réglementation aussi rigoureuse et précise que la France en matière de chronologie des médias. La directive européenne SMA accorde aux États membres la liberté d’appliquer des règles plus strictes ou plus détaillées que celles prévues au niveau européen pour les services relevant de leur compétence.

Cependant, la majorité des pays ont choisi de ne pas légiférer sur la question de la chronologie des médias. Certains pays européens, à l’instar de l’Allemagne, ont néanmoins adopté des dispositions législatives, bien que moins contraignantes. En Allemagne, par exemple, l’obtention d’aides publiques est conditionnée au respect de délais de diffusion spécifiques : six mois pour les services à la demande, douze mois pour les chaînes de télévision payantes et dix-huit mois pour les chaînes de télévision gratuites. Le Portugal dispose également d’une réglementation via un décret-loi datant de 2006, mais les dispositions de ce décret peuvent être modifiées dans le cadre d’accords entre les ayants droit et les diffuseurs.

En outre, dans ces pays, une œuvre qui ne sort pas en salle peut être diffusée directement à la télévision ou sous forme de DVD, ce qui n’est pas possible en France actuellement, risquant de perdre une part significative des financements prévus pour une sortie en salles. Cependant, la plupart des autres pays, comme la Grèce, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Danemark, la Roumanie, n’ont tout simplement pas de dispositions sur la chronologie des médias, tout comme aux États-Unis où la question de la diffusion est réglée contractuellement, film par film.

Les « petits films » souffrent-ils de la chronologie des médias ?

En 2013, le Bureau Européen des Unions des Consommateurs (BEUC) a souligné que la chronologie des médias en vigueur ne correspondait pas à la réalité du marché, en particulier en donnant la priorité à l’exploitation en salle malgré l’émergence des nouveaux canaux de distribution comme les services de SVOD1. Selon le BEUC, l’ordre chronologique des fenêtres d’exploitation nuit particulièrement aux films « modestes » dont les budgets de promotion sont limités. Ainsi, rendre les œuvres disponibles rapidement après leur sortie en salle serait plus avantageux sur le plan commercial.

L’ordre traditionnel de sortie des films est de plus en plus remis en question, comme le souligne Xavier Rigault, producteur français et co-président de l’Union des producteurs de cinéma. Selon lui, permettre à un film de sortir directement en vidéo pourrait contribuer à « décongestionner les salles » et à réduire le piratage des œuvres, un problème majeur actuellement au sein de l’industrie du cinéma. Actuellement, lorsqu’un film est retiré rapidement de l’affiche, il doit attendre quatre mois avant de pouvoir être diffusé en vidéo. Cependant, promouvoir cette « deuxième sortie » nécessite un nouvel investissement dans une campagne publicitaire, ce qui pose un réel défi pour de nombreux distributeurs. Cette difficulté est accentuée par le fait que la durée de vie d’un film en salle est courte, généralement entre 10 et 15 jours, en raison du nombre important de films sortant chaque semaine, d’autant plus que les blockbusters américains laissent peu de place à la diversité.

Qu’est-ce qu’une œuvre cinématographique en 2024 ?

La salle de cinéma a longtemps représenté le principal lieu d’exploitation des films, étant même déterminante dans la définition d’une « œuvre cinématographique », qui est officiellement reconnue comme telle une fois qu’elle a obtenu un visa d’exploitation, lequel nécessite une diffusion en salles.

Cependant, de nos jours, de plus en plus de diffuseurs produisent leurs propres contenus, parfois réalisés par des cinéastes renommés, qui suivent les mêmes codes que les films traditionnels, mais sont diffusés exclusivement sur leurs plateformes de streaming, contournant ainsi le circuit traditionnel des cinémas. Cette évolution soulève la question de savoir si des films tels que « A l’Ouest rien de nouveau » (Edward Berger, 2022), « The Killer » (David Fincher, 2023), « The Power of The Dog » (Jane Campion, 2021), ou encore « The Irishman » (Martin Scorsese, 2019) doivent être considérés comme des œuvres cinématographiques, même si leur première diffusion se fait sur une plateforme de SVOD telle que Netflix. Malgré cela, ces films démontrent une qualité de réalisation, d’écriture et de technique qui les distingue davantage des téléfilms que des œuvres cinématographiques conventionnelles.

The Irishman (Martin Scorsese, Netflix, 2019)

Cette question de classification suscite des débats, notamment lors de festivals de renom comme Cannes, où les films non destinés à sortir en salles en France ne sont pas éligibles à la compétition. En revanche, la Mostra de Venise a décerné le Lion d’Or à une production Netflix (« Roma » d’Alfonso Cuaron, 2018) et les Oscars ont récompensé en 2021 le dernier film de Jane Campion, « The Power of the Dog« .

Cependant, au-delà de cette question de désignation, se pose celle de l’accès aux mécanismes de financement de la production cinématographique. Il est donc crucial de déterminer si de telles œuvres peuvent bénéficier des aides financières du CNC, même si elles ne sortent pas en salles. De nombreuses voix plaident en faveur d’un assouplissement de l’obligation de première diffusion en salles, proposant que les films puissent obtenir leur statut cinématographique en étant diffusés directement en vidéo, ce qui pourrait favoriser une diversification des modes d’exploitation et une évolution du paysage cinématographique français.

Quel avenir pour la chronologie des médias ?

Face à l’évolution rapide des plateformes de SVOD, les autorités pourraient choisir une approche plus flexible en assouplissant les règles de la chronologie des médias, en renonçant à son caractère contraignant au profit de recommandations, éventuellement assorties d’incitations fiscales ou budgétaires. Cette tendance reflète celle observée dans de nombreux pays étrangers, où les ayants droit ont plus de latitude dans la gestion de la chronologie des médias, permettant ainsi une plus grande souplesse dans la diffusion des films. Cette approche favorise l’expérimentation et pourrait permettre de distinguer les approches bénéfiques à long terme de celles moins favorables.

Selon Jean-Yves Mirski, délégué général du Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN), il y a une tendance à réduire les délais entre la sortie en salle et la diffusion sur d’autres supports. La sortie universelle, où un film est lancé simultanément sur tous les supports, est de plus en plus envisagée. Cette pratique n’est plus taboue, notamment depuis la sortie du film de Steven Soderbergh, « Bubble« , en 2006, qui est sorti au cinéma et sur la chaîne coproductrice HDNET, puis en DVD quatre jours plus tard. Des stratégies similaires sont de plus en plus courantes, comme la diffusion en VOD premium avant la sortie en salles de « Melancholia » de Lars von Trier en 2011, ou la mise à disposition gratuite sur YouTube du film « Home » de Yann Arthus-Bertrand dix jours avant sa sortie en salles, à la télévision et en DVD, qui a rencontré un réel succès auprès du public (à noter qu’il s’agit d’un film militant destiné à être vu par l’audience la plus étendue possible).

Cependant, bien que certaines expériences de diffusion simultanée sur plusieurs supports rencontrent un succès réel, elles restent exceptionnelles et résultent souvent d’un financement particulier ou d’une stratégie publicitaire spécifique.

Il est ainsi légitime de remettre en question l’intervention de l’État dans l’établissement de la chronologie des médias. Plutôt que d’imposer des règles, pourquoi ne pas laisser chaque acteur décider de ses propres règles en concluant des contrats avec les détenteurs des droits de films et les différents circuits de distribution ? En d’autres termes, serait-il possible de privilégier les mécanismes du marché, basés sur l’offre et la demande, plutôt que des décisions publiques dans le domaine de la chronologie des médias ? Les professionnels du secteur se verront confrontés à ces questions dans les années à venir, avec une nécessité de révision de la chronologie des médias envisagée d’ici début 2025.

Anne-Lise MAGNIEN


Sources

Pascal Lechevallier, 2020, La Chronologie des médias en Europe

Alex Scoffier, 2019, Repenser l’industrie du cinéma à l’ère du numérique

Alain Le Diberder, 2020, Chronologie des médias : attention danger !

Observatoire européen de l’audiovisuel, 2019, La chronologie des médias : une question de temps


  1. Livre vert : Se préparer à un monde audiovisuel totalement convergent, 2013
    https://www.beuc.eu/sites/default/files/publications/2013-00586-01-e.pdf ↩︎

Publicité et live streaming : Netflix confirme sa nouvelle stratégie de diversification défensive

2024 marque l’entrée de Netflix dans l’arène du live streaming. La plateforme a annoncé le 23 janvier 2024 avoir signé un accord de diffusion avec la société TKO – la maison-mère de la WWE, la plus importante fédération américaine de catch – et de l’UFC – l’organisation spécialisée dans les combats de MMA (arts martiaux mixtes). Signe d’investissements colossaux dans la programmation en direct, l’accord de 10 ans évalué à plus de 5 milliards de dollars assure à Netflix de devenir le nouveau foyer de l’émission de catch à succès « Monday Night Raw ». Avec une entrée en vigueur en janvier 2025, l’accord réserve au streamer les droits exclusifs sur l’émission aux États-Unis et ses droits de distribution dans plusieurs pays dont le Canada, l’Amérique latine et le Royaume-Uni. Comme un passage de témoin de la télévision linéaire à la diffusion en continu, la chaîne USA Network qui diffusait jusqu’alors l’émission vieille de 31 ans renonce à trois heures de programmes en direct par semaine tout au long de l’année. Selon la chaîne CNBC, cette annonce représente pour Netflix « son plus grand saut dans le domaine du divertissement en direct » (“its biggest jump into live entertainment[1]”). Plus qu’un saut dans le divertissement en direct, Netflix opère depuis plus d’un an un revirement de stratégie dont l’accord avec la WWE n’est pas l’unique volte-face. Désormais, le cahier des charges de la plateforme affiche comme priorités autant l’élargissement de son offre de divertissement – des événements en direct, des contenus sportifs et des jeux – que le développement de son activité publicitaire.

Une stratégie de diversification portée par le live streaming, les contenus originaux et ceux sous licence

Recette enviée de ses concurrents, la formule du succès de Netflix reposait originellement sur des contenus originaux, l’absence de télévision en direct et de publicité, et une bibliothèque inégalée de films et de séries à diffuser dans le monde. Mais la perte historique d’un million d’abonnés en 2022 a contraint la firme américaine à trouver de nouveaux relais de croissance. Parmi eux, le partenariat avec la WWE permet à Netflix d’accéder aux millions de téléspectateurs annuels de « Raw » lors de rendez-vous hebdomadaires en direct. Netflix n’en est cependant pas à son coup d’essai. En 2023, la société avait annoncé qu’elle organiserait son tout premier événement sportif en direct avec des pilotes de F1 et des golfeurs professionnels s’affrontant lors d’un tournoi de golf. Quelques mois plus tôt, elle s’était déjà essayée à la diffusion en direct avec l’émission de stand-up du comédien américain Chris Rock. Avec la WWE, l’arrivée de Netflix sur le marché du live streaming implique un nouvel usage de la plateforme – la possibilité de regarder plus régulièrement des émissions sur rendez-vous -, et avec lui, de nouvelles recettes – les annonceurs et les abonnés. Pour le Wall Street Journal, cette stratégie « s’inspire des chaînes de télévision que Netflix a commencé à remplacer dans le cadre de ses efforts pour devenir la principale source de divertissement des ménages » (“It takes a page from the TV networks Netflix has started to replace as the streamer works to become the main source of households’ entertainment[1]”). On peut aussi considérer l’accord avec la WWE comme une mesure défensive permettant à Netflix d’égaler l’étendue du contenu sportif en direct disponible sur les services rivaux, tels que Max de Warner Bros Discovery et Peacock de NBCUniversal.

La création de films originaux et d’émissions de téléréalité comme « Too hot to handle » ou « Love is Blind » complète ce nouveau portefeuille de programmes. « La société s’est lancée dans la télé-réalité, les romans à l’eau de rose et les séries internationales, tout en confiant de grosses sommes d’argent à des scénaristes de renom tels que Shonda Rhimes et Ryan Murphy » explique le Financial Times[2]. Netflix prévoit de dépenser jusqu’à 17 milliards de dollars en contenu en 2024[3]. « Aucune société de divertissement n’a jamais essayé de programmer à cette échelle et pour autant de goûts et de cultures[4] », Netflix a-t-il écrit, glorieux, à ses actionnaires le 23 janvier 2024.

La poussée de Netflix dans le domaine du live streaming, ses investissements dans la création originale ainsi que sa décision d’accorder des licences pour davantage de programmes télévisés à ses concurrents interviennent alors que l’entreprise tente de relancer la croissance de son volet publicitaire, son autre cheval de bataille dans la course aux abonnés.

Le pari de la publicité ou le virage stratégique d’un modèle économique qui s’essouffle

Grâce notamment à sa politique plus stricte en termes de partage des mots de passe et à son abonnement moins coûteux avec de la publicité lancé en novembre 2022, Netflix a recruté 13,1 millions d’abonnés au cours du trimestre de décembre 2023[1], ce qui représente la plus forte croissance d’abonnés jamais enregistrée au cours du quatrième trimestre.

L’accord avec la WWE intervient alors que le streaming se rapproche de l’omniprésence de la télévision par câble. Marc DeBevoise, PDG de la société de technologie de diffusion en continu Brightcove, déclare à propos du catch professionnel que « c’est l’une des rares choses qui génère une audience de plus de 10 millions de téléspectateurs, ce qui est nécessaire pour développer une activité publicitaire[1] ». Cette stratégie de contenus s’inscrit donc pleinement dans la lignée des efforts de Netflix pour faire de la publicité une source significative de revenus d’ici à 2025.

Dans sa course aux abonnés, Netflix a engagé une stratégie de diversification tant de ses contenus que de ses revenus, s’inspirant du modèle traditionnel de la télévision câblée. L’arrivée du catch en direct doit permettre de gagner en abonnés ainsi que de contribuer à la nouvelle activité publicitaire du groupe, ce qui offrira probablement une justification supplémentaire pour augmenter les prix des abonnements à l’avenir. Le cahier des charges de Netflix évolue au gré des innovations et des usages, redistribuant sans cesse les cartes de la consommation audiovisuelle en ligne.

Adèle de Crépy

Sources : 

–      « The Netflix Pivot is Complete », Angela Watercutter, Wired, 23 janvier 2024. 

–      « Netflix to stream WWE’s Raw starting next year in its biggest jump into live entertainment », Alex Sherman et Jacob Pramuk, CNBC, 23 janvier 2024. 

–      « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024. 

–      « Netflix profite des fêtes et engrange 13 millions d’abonnés supplémentaires », Capital, 24 janvier 2024. 

–      « Netflix s’inspire de l’ancien modèle de la télévision câblée en ajoutant le sport en direct », Zone Bourse, 24 janvier 2024.

–      « Liens vagabonds : Le modèle de Netflix évolue et rabat les cartes du « old streaming » », Kati Bremme, Alexandra Klinnik et Aude Nevo, Méta-Media, 27 janvier 2024. 


[1] « Netflix s’inspire de l’ancien modèle de la télévision câblée en ajoutant le sport en direct », Zone Bourse, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix profite des fêtes et engrange 13 millions d’abonnés supplémentaires », Capital, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.

[2] « Liens vagabonds : Le modèle de Netflix évolue et rabat les cartes du « old streaming » », Kati Bremme, Alexandra Klinnik et Aude Nevo, Méta-Media, 27 janvier 2024.

[3] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.

[4] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix to stream WWE’s Raw starting next year in its biggest jump into live entertainment » , Alex Sherman et Jacob Pramuk, CNBC, 23 janvier 2024.

Les chaînes gratuites diffuseront-elles encore des évènements sportifs en 2030 ?

La retransmission sportive est devenue de plus en plus prisée des chaînes gratuites et payantes pour réaliser d’importantes audiences, fidéliser les spectateurs et générer de substantielles recettes publicitaires.

Mais ce marché stratégique a aussi suscité l’intérêt des géants technologiques et les GAFA, Amazon et Apple, ont récemment consolidé leur présence sur ce secteur.

Selon une étude de l’ARCOM parue en 2022, l’audience moyenne annuelle des retransmissions sportives, qu’il s’agisse d’événements récurrents ou d’émissions, connaît une légère baisse sur les chaînes TV historiques de la TNT depuis 2014.

Cette tendance concomitante de la montée en puissance des nouveaux arrivants du secteur souligne une évolution du paysage médiatique, marquée par des dynamiques changeantes et des enjeux concurrentiels croissants.

Un marché de la retransmission sportive en mutation 

La multiplication des éditeurs et l’arrivée de plateformes américaines à gros moyens, dont certaines, à l’image d’Amazon Prime Video, sont déjà bien établies sur le marché français de la captation sportive, ne cesse d’ébranler le marché global des droits TV en constante hausse depuis 2012 (+57% entre 2012 et 2019) selon l’ARCOM.

La diffusion des internationaux de tennis français reflète bien les mutations du marché.

Le tournoi, historiquement diffusé uniquement par les chaînes du service publique (France TV) a désormais, depuis 2019, ses sessions de nuit proposées par Amazon sur sa plateforme vidéo. Suite à la renégociation des droits en 2019, la FFT avait ainsi pu se réjouir d’avoir augmenté ses revenus issus des droits TV de « plus de 25% ».

Elle a toutefois suscité de nombreuses critiques sur la méthode utilisée pour atteindre ces recettes « d’environ 25 millions d’euros » avec les droits de diffusion (lot 2+ Co-diffusion ½ finales et finales) cédés à Amazon. On pense par exemple à la polémique autour du quart de finale opposant Novak Djokovic à Rafael Nadal diffusé uniquement sur Prime Video et privant de nombreux fans de tennis de suivre cette rencontre gratuitement.

On pourrait citer également le groupe TF1 qui a perdu au profit de Canal+ les droits de retransmission de la F1 alors qu’il en était le diffuseur historique jusqu’en 2012.

De même, W9, diffusa de 2010 à 2018 des matchs de la ligue Europa jusqu’à ce que le groupe payant RMC en reprennent les droits.

Sur un marché des droits sportifs aux tendances inflationnistes, les chaînes gratuites se font de plus en plus concurrencer sur la diffusion des compétitions majeures.

L’analyse de l’ARCOM, montre aussi une réelle érosion des heures de retransmissions sportives en télévision gratuite (cf. graphique).

Elle constate également une écrasante domination des chaînes payantes, sur le secteur de la captation sportive, en termes d’heures de diffusion malgré une diminution du nombre de chaînes payantes diffusant des programmes sportifs depuis plusieurs années. Ainsi, sur les 145 335 heures de programmes sportifs diffusés en 2019, 95 % sont proposées par des chaînes payantes (137 553 heures), contre 5 % par des chaînes gratuites (7 024 heures).

L’inflation sur ce marché de la diffusion sportive résulte d’une part de l’arrivée de nouveaux éditeurs (Bein en 2012, SFR en 2019). On peut aussi citer désormais Amazon et bientôt peut-être DAZN (positionné sur la ligue 1) ou même Apple et Netflix. D’autre part, une stratégie systématique de maximisation des droits par les ligues professionnelles sportives et les organisateurs contribue à la hausse des prix. On l’a vu récemment avec la polémique sur les enchères de la LFP concernant les droits de ligue 1 et le retrait des négociations de Canal+ (diffuseur historique de la compétition).

Cependant, les chaînes gratuites restent compétitives sur la diffusion sportive, portée par les chaînes du service public

Car, en dépit de la hausse des droits TV et de l’érosion constante des heures de retransmission sportive depuis 2016, les chaînes gratuites conservent les droits de diffusion des courts extraits d’évènements sportifs et bénéficient d’une liste de diffusion d’évènements sportifs d’importance majeur établie par la loi relative à la liberté de communication.

Par ailleurs, hors de ce cadre juridique, elles détiennent toujours des droits de diffusion stratégiques payants comme certains matchs attractifs de coupe du monde de football pour TF1 ou des matchs d’Europa League pour le groupe M6.

La chaîne thématique L’Équipe reste aussi très attractive pour les « fans » de sport avec de nombreux contenus sportifs (émissions, gala du ballon d’or, reportages, extraits de match et résumés) comme certains matchs de coupe du monde en phase éliminatoire, par exemple, ou l’intégralité de la ligue des nations, d’intérêt plus « secondaire ».

Laurent-Éric Le Lay, l’actuel directeur des sports de France Télévisons soulignait dans un entretien au journal Le Point en 2021 qu’au-delà de la loi précitée : « le sport a besoin d’être vu par le plus grand nombre ».

            Même si la tendance globale à la baisse de la diffusion de contenus sportifs audiovisuels en télévision gratuite s’inscrit dans un mouvement plus global de baisse de consommation de contenus sur ces chaînes, les retransmissions sportives atteignent souvent des niveaux d’audience très élevés en télévision gratuite, notamment en « prime time ».

Les chaînes gratuites ont en effet, pour l’instant, une plus grande capacité à toucher une cible large que les chaînes et les plateformes payantes car elles touchent une audience moins spécialisée qui découvre ainsi de nouvelles disciplines sportives.

« …quand vous êtes diffusés sur une chaîne gratuite, vous avez des audiences incroyablement supérieures. Et parmi cette audience se trouvent des gens qui sont moins fans et qui découvrent de nouveaux sportifs et de nouvelles disciplines » (Le Lay, L-E)

Source : article de Rebucci, J. LePoint.fr

Elles se positionnent généralement sur des compétitions « événementielles » et développent un solide « partenariat avec l’organisateur de la compétition » et « les fédérations », pour toucher le plus grand nombre de spectateurs. La qualité de la relation entre les chaînes historiques et les ligues sportives professionnelles compte également dans cette course aux retransmissions sportives, les ligues cherchant les partenariats et les modèles de diffusions les plus adaptés à leurs sports et à leurs besoins.

Laurent Éric Le Lay, rappelle dans l’entretien mentionné ci-dessus que la valorisation d’événements « passe … aussi par la capacité des chaînes gratuites à réaliser divers reportages et émissions autour du sport et des athlètes concernés ».

Les chaînes payantes, visent ainsi plus fréquemment des compétitions à dimension « feuilletonnante » (ligue 1, Top 14) et une programmation régulière avec un objectif de fidélisation de leur audience.

Les chaînes gratuites restent compétitives sur la retransmission sportive mais à quel prix et pour combien de temps ?

La compétitivité des chaînes gratuites sur le marché de captation sportive reste cependant très liée à leurs capacités d’investissements et d’acquisitions de droits TV d’évènements sportifs qu’ils soient « secondaires » ou « premium ».

Mais les chaînes gratuites enregistrent des taux de croissance de leurs CA globalement peu dynamiques. Le groupe FTV enregistre une baisse de 9% sur la période 2012-2022, en raison de la baisse des dotations de l’État et des recettes publicitaires. Le taux de croissance des chaînes privées gratuites est en baisse de -2% depuis 2006. Les chaînes historiques TF1 et M6, ont vu leurs CA baisser constamment sur cette période. Cela s’explique, en partie, par une baisse du chiffre d’affaires publicitaire pour la grande majorité des groupes TV. Les chaînes historiques privées TF1 et M6 ont ainsi constatées une baisse de 23% de leurs recettes publicitaires depuis 2006 (-518 M €). Moins impacté, car dépendant à 80% des recettes publiques, le groupe France TV constate tout de même une diminution de 4% de ses recettes liées à la publicité sur la période (-137 M €).

Cette situation, surtout quand on sait que les chaînes privées dépendent à plus de 50% des investissements des annonceurs, (cf. Bilan financier des chaînes gratuites – 2022 – Arcom), si elle devait perdurer ou s’accentuer questionne la capacité future des chaines gratuites à investir encore sur du contenu sportif « premium » et pas seulement « secondaire » et dont la rentabilité n’est pas immédiate lors de sa diffusion.

D’autant que les plateformes GAFA comme Amazon deviennent de plus en plus attractives pour les annonceurs et acquièrent de nouveaux droits TV sportifs au détriment des chaînes gratuites françaises (mais aussi des chaînes à péage).

Valorisés à plusieurs centaines de milliards de dollars, les éditeurs numériques américains s’intéressent de plus en plus aux retransmissions sportives.

On les voit arriver sur ce marché, y compris en France, avec Amazon en tête de peloton.

Plus récemment Apple, un temps évoquée pour l’acquisition des droits de ligue 1 sur la période 2024-2027, a racheté, pour 2,5 milliards de dollars sur 10 ans, les droits de la MLS (Major League soccer) pour en être le diffuseur exclusif dans le monde.

La plateforme Netflix investit massivement dans les séries documentaires sportives et, preuve d’un intérêt croissant sur ce segment de contenus, l’entreprise a récemment annoncé la diffusion de son premier événement sportif en direct : un match amical qui opposera Rafael Nadal à Carlos Alcazar.

Dès lors, l’effet de ciseau crée par la contraction des chiffres d’affaires des chaines gratuites suite notamment à la réduction des revenus publicitaires et la force de frappe économique des plateformes pourrait bien fragiliser à terme les chaines gratuites sur le segment de la captation des événements sportifs.

ANTOINE BARRET

Bibliographie :

E-SPORT : Comment les plateformes ont aidé à faire de l’E-sport un divertissement grand public ?

Le Championnat du monde 2022 de League of Legends bat un nouveau record d’audience en enregistrant un pic de 5,1 millions de spectateurs lors de sa finale. Selon la société de données Esports Charts, il s’agit d’une augmentation de 1,1 million par rapport à l’édition 2021. L’une des réussites les plus emblématiques de la compétition organisée par Riot Games est d’avoir renoué avec son pic d’audience sur la plateforme de streaming en ligne Twitch en atteignant près de 3,1 millions de spectateurs simultanés lors du match décisif.

En devenant le tournoi League of Legends le plus regardé de l’histoire, ce record traduit une réalité bien plus significative : les compétitions rendues de plus en plus accessibles par les plateformes contribuent à faire de l’E-sport un divertissement grand public indétournable.

La montée en puissance de l’E-sport : un divertissement à l’ère du numérique

Le sport électronique, plus communément appelé E-sport désigne la pratique de jeux vidéo en compétition organisée sous forme de tournois et réunissant les plus grands joueurs professionnels de la planète.

Bien que numérique, la discipline reprend tous les codes d’un sport traditionnel. En effet, les compétitions se déroulent dans des arènes accueillant des milliers de spectateurs et dont la scénographie est travaillée pour rendre le tournoi divertissant et impressionnant. Tout comme la diffusion d’une coupe du monde de football ou d’une finale de NBA, les compétitions sont rythmées par les interventions animées de commentateurs du monde entier. Enfin, les joueurs exercent à un niveau professionnel d’excellence et sont accompagnés de leurs coach. L’atteinte de ce niveau exige, comme tout sport, un entraînement quotidien intensif.

Unique en son genre, la discipline offre aux fans de jeux vidéo une nouvelle expérience de divertissement.

Lors de la cérémonie d’ouverture des Championnats du monde 2022 de League of Legends, de nombreux artistes internationaux étaient présents comme Lil Nas X ou encore Jackson Wang. Les visuels et la scénographie mise en place prouvent encore une fois à quel point les compétitions sont divertissantes pour le public.

Ainsi, les plus grands champions de League of Legends, DOTA 2, Call of Duty ou encore Counter-Strike : Global Offensive sont parfois presque autant adulés que les plus grandes stars du football et rassemblent alors une communauté de fan conséquente et ce, notamment sur les plateformes digitales telles que Twitch, YouTube, Twitter ou encore Instagram.

Cette croissance rapide connue par l’E-sport ces dernières années est tout sauf anodine : les médias sociaux ont joué un rôle déterminant dans la démocratisation de la discipline en attirant un public de plus en plus important et diversifié.  

Une opportunité de connexion avec les fans du monde entier

Twitch est certainement l’un des principaux acteurs des médias sociaux dans l’Esport. Classée première plateforme de streaming de jeu vidéo, Twitch comptabilise environ 31 millions de visiteurs en ligne chaque jour et offre ainsi l’accès à une audience large et variée.

En diffusant l’intégralité des compétitions E-sport régionales, nationales et internationales qui se déroulent à travers le monde, la plateforme rend la discipline plus accessible non seulement aux communautés de fans des différentes franchises mais également aux fans de jeux vidéo qui ne sont pas encore familiers avec cet univers niche du gaming.

L’argument de la masse est évidemment décisif sur la plateforme : plus il y a de monde, plus le stream remonte dans les classements et est donc exposé à une plus large audience. C’est notamment en permettant à certains streamers comme Ibai de couvrir la finale des Championnats du monde 2022 de League of Legends que la compétition a établi de nouveaux records d’audience. Le streamer espagnol a rassemblé à lui seul plus de 481 000 spectateurs simultanés lors de l’événement, preuve que la force des communautés fait la différence.  

L’argument du divertissement l’est alors encore plus. Ce qui fait l’attractivité de Twitch, c’est son expérience de visionnage interactive avec la mise à disposition d’un chat de discussion. Les fans du monde entier peuvent alors se connecter entre eux en réagissant et interagissant en temps réel. Mais dans le cadre des compétitions e-sport, la plateforme pousse l’expérience immersive encore plus loin en intégrant de nombreux mini-jeux. Par exemple, Chat Clash permet aux fans de voter pour l’équipe qu’ils soutiennent en utilisant des émoticônes spécifiques dans la discussion en direct. Ceux-ci sont ensuite affichés à l’écran lors de la diffusion de la compétition. Des jeux de pronostics et des quiz interactifs sont également intégrés afin de tester les connaissances des fans et leur permettre de gagner des récompenses.

Ces fonctionnalités permettent d’immerger et d’engager l’audience de manière forte, ce qui renforce la culture du divertissement de l’e-sport.

Twitter joue également un rôle majeur dans la popularisation de l’E-sport. Le réseau social constitue le canal principal utilisé par les fans afin de rester à jour sur les dernières actualités du secteur. La viralité particulière de la plateforme permet de diffuser rapidement des informations mais aussi d’atteindre une audience conséquente. Twitter parvient à réunir les fans grâce à l’utilisation massive de hashtags qui permettent de facilement regrouper les publications autour d’un sujet commun et d’ainsi rassembler les communautés. Par exemple, le joueur de Call of Duty, Scump, utilise régulièrement le #GreenWalI afin de rassembler sa communauté de fans sur les réseaux sociaux.

https://twitter.com/OpTic/status/1650304863224430593?s=20

L’influence étendue à l’E-sport

Comme les plus grands athlètes, les joueurs professionnels d’E-sport ont une portée immense sur les médias sociaux : sur Twitch et Youtube les plus grandes stars touchent des millions de personnes chaque jour dans des livestreams. Ainsi, on retrouve de plus en plus la logique d’influence appliquée aux gamers notamment sur Instagram.

Des joueurs, comme le professionnel coréen Faker (de son vrai nom, Lee Sang-hyeok), partagent les coulisses des compétitions (entrainements, gameplay, vie personnelle en dehors des entraînements). Leur apparition avec d’autres stars influentes, comme ici le célèbre joueur de foot coréen Son Heung-min, accroit son influence auprès d’une autre audience.

D’autres partagent du contenu exclusif afin de se rapprocher et de fidéliser leur communauté. Par exemple, l’équipe américaine TSM (Team SoloMid) diffuse depuis 8 ans sur YouTube sa série documentaire « TSM Legends » dans laquelle ils révèlent les coulisses des compétitions.

Ces initiatives permettent de rapprocher la communauté de fans de ses « héros » en apportant un regard plus humain à leur profession et en cultivant leur influence via différents canaux.

Gentle Mates ou l’E-sport pour tous

En avril 2023, les streamers et Youtubeurs Squeezie, Gotaga et Brawks ont lancé leur première structure E-sport « Gentle Mates » sur le jeu Valorant.

Cette association n’est pas anodine pour l’avenir du E-sport français car elle s’appuie sur des communautés de fans très diversifiées et promet de participer à la popularisation de la discipline du fait de leur notoriété respective. On y retrouve Gotaga et Brawks, deux acteurs majeurs dans le domaine de l’E-sport puisqu’ils sont les co-créateurs de la Team Vitality (équipe française d’E-sport). Le duo s’associe à Squeezie, premier Youtubeur français aux 18 millions d’abonnés. Ce dernier touche un large public sur YouTube, plateforme où il offre du contenu divertissant et varié. Il possède également une solide communauté sur Twitch où il a dernièrement battu des records d’audience avec la diffusion du Grand Prix Explorer.

Ce qui rend ainsi cette structure unique, c’est qu’elle ne s’adresse pas qu’aux adeptes de l’E-sport. Gentle Mates utilise ainsi les médias sociaux pour promouvoir sa structure et ses joueurs à une large audience. Par exemple, la diffusion du trailer de promotion a notamment contribué à toucher un public nombreux et a suscité un fort engagement sur les réseaux sociaux au-delà des fans d’E-sport traditionnels.

Sur tous les gens qui jouent aux jeux vidéo, la moitié ne connaissent pas l’E-sport. Plus on est nombreux à suivre cette discipline, plus la discipline a du potentiel et plus il va se passer de choses autour de celle-ci. Dans l’intérêt de tout le monde, c’est cool de faire des ponts pour rendre ça accessible aux gens.

Squeezie

L’engagement d’une communauté variée de fans sur les réseaux sociaux répond ainsi à la volonté de Gentle Mates de réussir à décloisonner le milieu niche que peut constituer l’E-sport, divertissement encore en expansion.

Par l’influence de ces personnalités et l’engagement de leur communauté sur les différentes plateformes, la structure promet de populariser encore un peu plus l’E-sport au sein du paysage français.

Évolutions en perspective

L’avenir de l’E-sport est plus que prometteur et travaille sur de nombreuses perspectives pour son développement. Les technologies émergentes, comme la réalité virtuelle et augmentée peuvent offrir de nouvelles opportunités pour les joueurs et les fans de se connecter entre eux, en créant des expériences de jeu encore plus immersives et en augmentant la qualité des tournois.

Les plateformes vont-elles réussir à s’adapter à ces nouveaux enjeux ?

Emmanuelle YOG


SOURCES

Flamm. (2022, 6 novembre). League of Legends : Un pic à plus de 5 millions de personnes pendant la finale des Worlds 2022 de League of Legends, un nouveau record. Team aAa. https://www.team-aaa.com/fr/actualite/un-pic-a-plus-de-5-millions-de-personnes-pendant-la-finale-des-worlds-2022-de-league-of-legends-un-nouveau-record_127688#:~:text=C’est%20au%20cours%20de,l’histoire%20de%20League%20of

GOTAGA. (2023, 16 avril). JE LANCE MA STRUCTURE ESPORT (avec Squeezie et Brawks) [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=kego3hlrVUc

Marchandet, W., & Marchandet, W. (2022). Worlds 2022 : une audience globale en demi-teinte. Trente Trois Degrés : Le média de toute une génération. https://trentetroisdegres.fr/worlds-2022-une-audience-globale-en-demi-teinte/

News_13052021_eSports_ISPO_Netzwerk. (s. d.). ISPO.com. https://www.ispo.com/fr/theme/esports

Reisacher, A. (2023, 22 février). Chiffres Twitch & # 8211 ; 2023. BDM. https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-twitch/

Les bulles de filtre : une influence sociale et politique ?

Parmi les nombreuses critiques récentes issues de la presse occidentale du réseau social TikTok, revient souvent l’idée que l’application du géant chinois Byte Dance favoriserait la création de bulles de filtre, et ce bien plus que ses concurrents comme Facebook, Instagram, Twitter ou même LinkedIn.

L’existence des bulles de filtre

Concept souvent répandu au sein des presses presque lobbystes « anti réseaux sociaux » mais finalement assez peu démontré, la bulle de filtre est décrite par Eli Rider comme « l’état dans lequel se trouve un internaute lorsque les informations auxquelles il accède sur Internet sont le résultat d’une personnalisation mise en place à son insu ».

Ainsi, en utilisant diverses données collectées sur les utilisateurs, des algorithmes déterminent les contenus qui leur seront accessibles. L’expression « bulle de filtres » illustre l’isolement résultant de ce mécanisme : chaque utilisateur navigue dans une version unique du web, adaptée à ses préférences et créant donc une « bulle » personnalisée.

Stratégies d’audience et algorithmes

En conséquence de leurs modèles d’affaires centrés sur le contenu et la data, les grandes entreprises d’internet développent des stratégies d’audience reposant sur la hiérarchisation des pages web dictée par l’implémentation d’algorithmes, comme le Page Rank de Google, qui offre plus de visibilité aux pages les plus citées, liées et commentées. Et l’on retrouve également ces mêmes types de stratégies sur les réseaux sociaux.

Dans A quoi rêvent les algorithmes ? , Dominique Cardon explique que « les calculateurs reproduisent l’ordre social ».

Ces algorithmes trient et hiérarchisent les informations, sans que l’on sache précisément leurs composantes techniques. Ces actions ont des visées commerciales, en présentant aux utilisateurs des publicités adaptées à leur profil. On assiste donc à une « personnalisation » de l’information.

De plus, les algorithmes renforcent la culture du « winner takes all » : grâce aux recommandations, plus un contenu est vu, plus il sera suggéré à d’autres utilisateurs. Celui-ci entre alors dans un cercle vertueux (ou vicieux ?), au détriment des autres contenus qui sont complètement négligés. C’est pour cette raison que les algorithmes ont tendance à rendre certaines informations invisibles. Et ces derrière ces deux concepts que se cache celui de la chambre d’écho, au cœur du débat sur les bulles de filtre. Cette notion fait référence à l’idée que les réseaux sociaux, en créant un environnement cognitivement homogène, nous renvoient une image emprisonnant de nous-mêmes, validant ainsi nos opinions et croyances préexistantes et annihilant notre libre arbitre.

Renforcement de l’entre-soi idéologique et fragmentation de la réalité sociale

Ce constat un tant soit peu dramatique est susceptible d’entraîner des conséquences directs sur la politisation des individus. L’entre-soi idéologique serait donc favorisé par Internet et plus particulièrement par les réseaux sociaux. Les forums tels que « jeuxvideo.com » sont connus pour abriter une communauté d’extrême droite ou de droite radicale, créant une chambre d’écho où ces idées sont renforcées. Les utilisateurs opposés à ces idéologies évitent généralement ce site, ce qui explique le faible nombre de signalements. En revanche, Facebook et Twitter rassemblent des communautés et opinions diverses, ce qui peut entraîner des confrontations idéologiques et plus de signalements de contenus discriminatoires. De plus, les algorithmes de recommandation sur des plateformes comme Instagram ou TikTok maintiennent ces bulles en utilisant les traces numériques telles que les likes, les re-visionnages ou les commentaires sur du contenu d’extrême droite par exemple. Le contenu suivant sera alors influencé par ces traces. Cela conduit à une information biaisée, concentrée sur des thématiques réactionnaires, identitaires, racistes ou xénophobes.

En fin de compte, les individus se retrouvent dans une réalité fragmentée, contribuant ainsi à la segmentation de la société. Les groupes sociaux continuent d’exister sur Internet et l’idée d’un internet en dehors du monde est illusoire. Les nouvelles technologies ne modifient pas fondamentalement les rapports sociaux hors ligne. Les conflits et dynamiques sociales existent indépendamment de l’Internet. Les individus ont une existence sociale qui dépasse le contexte en ligne et leur comportement sur Internet est souvent influencé par leur réalité sociale et leur identité en dehors de la sphère numérique. Cependant, cette existence sociale est renforcée par ces réseaux. Pendant les années 2015 et 2016, marquées par une vague d’attentats terroristes en France, le nombre de signalements de contenus haineux en ligne a connu une augmentation significative. Les catégories de contenus les plus signalées étaient celles impliquant des « provocations publiques à la haine et la discrimination raciale, ethnique ou religieuse », des « apologies de crimes de guerre et contre l’humanité », ainsi que des « injures ou diffamations xénophobes ou discriminatoires ».  Cette corrélation entre les événements majeurs tels que les attentats et l’augmentation des signalements démontre en partie que les réseaux sociaux peuvent refléter voire amplifier les phénomènes sociaux qui se produisent à l’extérieur comme en témoigne l’augmentation des rixes mortels entre jeunes dans les quartiers populaires.

Au-delà des limites des bulles de filtre : la démocratisation de l’espace public

Ce constat ne doit cependant pas devenir dogmatique car Internet reste selon Dominique Cardon un des meilleurs moyens de démocratisation  de l’espace public. Dans La démocratie Internet, Internet est décrit comme le moyen d’un élargissement de l’espace public, favorisant sa démocratisation. L’auteur soutient que l’apparition de nouveaux acteurs dans l’espace public a entraîné la levée des obstacles qui bloquaient l’accès à la parole, et a multiplié des formes des expressions publiques plus subjectives, personnelles et privées via les réseaux sociaux.

« Internet pousse les murs de l’espace public, tout en enlevant le plancher ».

Internet a bouleversé la hiérarchie des émetteurs de savoir et de vérité, autrefois presque incontestable dans les médias de masse traditionnels. Aujourd’hui, l’autorité ne repose plus uniquement sur quelques institutions médiatiques établies, telles que les journaux, les chaînes de télévision et les radios. Internet a permis à n’importe qui de devenir un émetteur potentiel de savoir et d’informations. Les plateformes en ligne, comme les blogs, les réseaux sociaux et les sites web indépendants, offrent à chacun la possibilité de partager ses idées, opinions et connaissances avec un public potentiellement mondial. Cette démocratisation de la production de contenu a donné lieu à une multitude de sources d’information accessibles aux individus, renforçant en théorie l’idée de neutralité globale des réseaux. Cela remet en question les médias de masse, les nouveaux médias étant perçus à différents moments comme une avancée, une libération des formes de communication traditionnelles, favorisant une meilleure interconnexion entre les individus et un nouveau lien social.

Fractures informationnelles et polarisation du paysage médiatique

Si le marché de l’information s’est profondément transformé avec l’émergence des réseaux, les médias traditionnels restent assez consommés en particulier en France. Il semble donc intéressant d’analyser la polarisation de l’espace médiatique français pour comprendre les fractures informationnelles auxquelles contribuent les bulles de filtres des nouveaux médias.

Selon un rapport publié par l’Institut Montaigne, Bruno Patino, Dominique Cardon et Théophile Lenoir affirment que le champ médiatique en France est structuré selon un axe vertical, avec d’un côté les médias du centre et de l’autre les médias périphériques, tandis qu’aux États-Unis, il est polarisé selon un axe gauche droite horizontal. Cependant, quel que soit le pays, les réseaux sociaux proches du centre sont utilisés par une population d’individus diplômés de l’enseignement supérieur : « C’est en fait un monde social qui élargit le champ des dominants : hommes politiques, journalistes, urbains, etc. ».

Ainsi, cette polarisation se répercute sur les réseaux sociaux. Dans les médias du centre, les plus institutionnalisés, dont Twitter et Facebook sont relativement proches, la circulation de l’information fonctionne différemment que dans les espaces les plus éloignés de ce centre. Une fraction de la population se voit exclue de l’espace public prédominant où elle forge sa relation avec le monde, en s’opposant aux médias centraux. Les « fake news » résultent alors d’une opposition sociale entre le public central et le public périphérique. Pour qu’une fausse information soit crédible, elle doit être soutenue par une personne ayant une certaine autorité. Ce phénomène, appelé « blanchiment d’information » développé par Dominique Cardon, implique que des personnalités influentes légitiment cette information. Les « fake news » ne peuvent se propager que si des individus y croient, les diffusent, les ciblent et les adaptent pour les intégrer à l’agenda médiatique, souvent en créant une communauté. Les milieux d’extrême droite identitaires utilisent principalement cette tactique en diffusant des informations exagérées, manipulées ou sorties de leur contexte, renforçant ainsi les bulles de filtres et confortant leurs partisans. Et on assiste de plus en plus à un glissement dangereux de certains médias et réseaux sociaux.

Une influence palpable pour qui ?

En conclusion, Internet et les réseaux sociaux reflète nos comportements dans le monde réel en les modifiant légèrement. Si un individu évolue dans un environnement socialement homogène, fermé ou de niche comme les mouvements identitaires, la « bulle » aura une influence significative amplifiante. Nonobstant, beaucoup de progrès techniques offrent désormais la possibilité aux individus même marginalisés de retrouver leur libre arbitre par un contrôle technique des filtres.

Mais pour la majorité de la population, il est compliqué de prouver que les réseaux sociaux via les bulles de filtre emprisonnent les individus. Les réseaux sociaux formeraient en fait une multitude de communautés où les informations circuleraient entre elles via les liens faibles augmentant ainsi la neutralité. En outre, l’irrationalité psychologique des individus est telle qu’il est difficile d’affirmer avec certitude que les propositions de contenu des algorithmes exercent une grande influence sur nos comportement sociaux et politiques, pour une majorité modérée aux sources informationnelles diverses en tout cas…

Bibliographie

  • Dominique Cardon : A quoi rêvent les algorithmes ?
  • Dominique Cardon : La Démocratie d’Internet
  • Institut Montaigne : Bruno Patino, Dominique Cardon et Théophile Lenoir
  • ENS Lyon
  • Wikipédia
  • Le Monde
  • Le Bilan
  • Le Figaro
  • Radio France
  • L’Obs
  • France Culture
  • Libération
  • Le Parisien
  • Le Journal du Net
  • La Gazette des Communes
  • L’internaute

Un article écrit par Jonathan Lévy Guillain

La réglementation des influenceurs, quel état des lieux ?

Au cours des dernières années, le nombre de plaintes et accusations d’escroquerie s’est multiplié, devenant ainsi un problème majeur pour les réseaux sociaux.

Les arnaques et escroqueries mises en place par certains influenceurs sont devenues monnaie courante, mettant en danger les utilisateurs des réseaux sociaux et obligeant les plateformes à trouver des moyens pour limiter ces pratiques frauduleuses et protéger leurs utilisateurs. La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes s’est exprimée sur le sujet dans un communiqué fin 2021, confirmant l’augmentation inquiétante des pratiques commerciales trompeuses en ligne, en grande partie de la part d’influenceurs.

« Plusieurs dossiers traités récemment par la DGCCRF confirment la montée inquiétante des pratiques commerciales trompeuses en ligne dans le domaine des services financiers, notamment de la part d’influenceurs. »

Un nouveau terme, les « Influvoleurs », a même été créé pour dénoncer les influenceurs qui ont promu les investissements dans des produits financiers, souvent de manière irresponsable, incitant leurs abonnés à prendre des décisions financières risquées basées sur des recommandations peu scrupuleuses.

Alors que le métier d’influenceur continue de se développer et d’attirer de plus en plus de jeunes, le manque de contrôle et d’encadrement se fait de plus en plus ressentir. Bien que le marketing d’influence soit en grande partie autorégulé, il y a un besoin croissant de réglementation par des autorités compétentes.

C’est dans ce contexte que Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, a présenté le 24 mars 2023 une nouvelle réglementation visant à encadrer les plateformes et les influenceurs. Mais dans quel cadre de réglementation sur les acteurs du marketing d’influence cette proposition s’ajoute ?

Quelles dispositions sont déjà existantes ?

Si le marketing d’influence n’est pas encadré par des codes spécifiques, il n’en reste pas moins encadré par des dispositions plus larges. 

La Chambre de Commerce Internationale, présente depuis 1937, révise régulièrement ses articles pour une meilleure identification des contenus commerciaux, et sur toute question traitant des influenceurs et des algorithmes. Ces décisions vont influencer les structures nationales d’autorégulation de la publicité, telles que l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) en France ou encore la Federal Trade Commission (FTC) aux États-Unis, qui est chargée de surveiller le droit de la concurrence déloyale et le droit de la consommation depuis 1914. En Italie, c’est l’Institut d’Autodiscipline Publicitaire italien (IAP) qui est en charge de ces questions. Les décisions prises par la Chambre de Commerce Internationale permettent ainsi d’obtenir une certaine unité dans le contrôle de ces acteurs.

En Europe, la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales des entreprises s’adresse également aux influenceurs. Ces derniers doivent désormais spécifier si leur publication présente un caractère promotionnel, permettant ainsi une meilleure transparence envers les consommateurs.

Quel contrôle est mis en place ?

Un certain nombre d’autorités sont également déployées pour contrôler le respect des décisions.

En France, de nombreuses autorités administratives indépendantes (AAI) mais également des autorités extrajudiciaires comme la DGCCRF (qui dépend du ministre de l’Economie) veillent au respect du droit de la consommation. Celles-ci ont permis d’établir plusieurs constats, comme celui fait depuis 2021 sur 60 influenceurs ayant un nombre significatif d’abonnées ou ayant fait l’objet de signalement, qui montre que 60% des créateurs de contenus ne respectent pas la réglementation en vigueur. En faisant notamment la promotion de produits et/ou services risqués ou encore étant accusés de tromperie sur les propriétés des produits vendus. Les enquêtes ont conduits à des avertissements et des transmission de procès-verbaux d’infraction au procureur de la République, mais ces autorités administratives n’ont pas de moyen direct de sanctionner.  L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP), association indépendante des pouvoirs publics, elle aussi sensibilise, émets des rapports sur la publicité déguisée, et définit des plans d’action pour favoriser les bonnes pratiques, notamment avec la mise en place de deux plateformes spécialisées pour détecter les cas litigieux. 

La proposition de loi par Bruno Le Maire, en consultation avec différents acteurs, dont l’ARPP a pour but de protéger davantage l’exposition des jeunes, car l’appropriation des règles par les plateformes et les influenceurs en activité dessus est encore insuffisante. De nombreuses interdictions y sont ajoutées, tel que celles de la promotion de la crypto monnaie et de la chirurgie esthétique mais également des obligations, comme celle de mentionner l’utilisation de filtres sur la base de la réglementation des photographies publicitaires, avec la mention obligatoire si la photo a été retouchée. Une brigade de l’influence commerciale sera également créée au sein de la Répression des Fraudes afin d’assurer un meilleur suivi des activités. Pour autant, protéger les influenceurs et les accompagner pour qu’ils ne soient pas victimes de partenariats frauduleux n’est pas écarté de la proposition avec la volonté de mettre en place un meilleur accompagnement. La protection des influenceurs mineurs, et plus spécialement de ceux de moins de 16 ans, est étudiée avec la création d’un agrément obligatoire auprès des services de l’État. 

Une question à intérêt international

La France n’est pas le seul pays à prendre ses dispositions. Le Royaume Uni développe son cadre réglementaire pour les plateformes numériques au sein de l’Autorité de la Concurrence (CMA), publiées en fin 2020. 

D’autres pays étendent le champ des pratiques considérées comme commerciales, ainsi dans le cas d’un compte associé à de la chirurgie esthétique un « like » a été considéré par la FTC à caractère promotionnel. 

La cour de Berlin, elle, a émis l’hypothèse de considérer directement les post d’influenceurs en tant que publicités pour éviter toute confusion, voulant ainsi appliquer aux influenceurs la présomption de commercialité. Certains pays comme la Belgique, a contrario, se basent uniquement sur la présence d’une contrepartie monétaire pour déterminer si une publication est commerciale ou non, sans prendre en compte le contenu du post.

Il est intéressant de noter que les mesures prises par la France servent également d’exemple à d’autres pays à l’international. C’est le cas de l’Inde qui suit exemple de la France en créant Advertising Standards Council of India (ASCI), qui permet la mise en place d’une surveillance automatique pour relever les dérives sur les réseaux sociaux. On note ainsi que les dispositions prises par chaque pays ont une influence sur les autres pays à l’échelle mondiale, témoignant de l’intérêt international croissant pour la régulation des activités des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Quel futur pour la réglementation ?

Même si aujourd’hui il n’existe pas de règlementation européenne sur le marketing d’influence, nous ne sommes pas en présence d’un vide juridique pour autant. Les autorités nationales ont su s’adapter et transposer des dispositions législatives spécifiques à certains secteurs. Des projets européens sont également en cours de préparation afin d’harmoniser la réglementation entre les pays tels que le Digital Service Act qui va faire peser une plus grande part de responsabilité sur les influenceurs par rapport au caractère non trompeur et légal du contenu qu’ils publient mais également sur les plateformes, qui devront mettre en place des moyens facilités et plus efficaces de signalements.

Si le marketing d’audience a toujours été compliqué à contrôler, c’est une thématique de plus en plus importante, notamment avec l’intérêt grandissant pour le marketing d’influence visible par la hausse conséquente des post sponsorisés sur les réseaux sociaux. Désormais le marketing d’influence concerne tous les types d’influenceurs puisqu’il est également mis en œuvre par des influenceurs avec des audiences plus modestes, ce qui rend la surveillance plus complexe, dû au nombre d’acteurs plus important. Et cette dynamique n’est qu’au démarrage, avec la reconnaissance de ce nouveau métier et le développement des formations spécialisées et des écoles d’influenceurs.

Emma Levesque

Références :
[Vidéo] Influenceurs et créateurs de contenu : les mesures d’accompagnement et de protection. (s. d.). economie.gouv.fr. https://www.economie.gouv.fr/influenceur-createur-contenu-mesures-encadrement
 
DI MAGGIO Alexandra, « Contrôle des influenceurs aux frontières : petit tour d’horizon de quelques réglementations nationales », Légipresse, 2021/HS2 (N° 66), p. 64-80. DOI : 10.3917/legip.hs66.0064.  https://www.cairn.info/revue-legipresse-2021-HS2-page-64.htm
 
Marketing d’influence : 60 % des influenceurs ciblés par la DGCCRF en anomalie. (s. d.). economie.gouv.fr. https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/marketing-dinfluence-60-des-influenceurs-cibles-par-la-dgccrf-en-anomalie
 
Les influenceurs : obligations et responsabilité en Europe. (2022, 7 novembre). https://www.europe-consommateurs.eu/achats-internet/les-influenceurs.html
 
Mansoura, S. (2023, 23 janvier). “Influvoleurs” : cinq questions sur les plaintes pour escroquerie déposées contre des influenceurs français. France Inter. https://www.radiofrance.fr/franceinter/influvoleurs-cinq-questions-sur-les-plaintes-pour-escroquerie-deposees-contre-des-influenceurs-francais-7190836

La stratégie digitale de développement d’audience de la NBA

La NBA est partout. Bien que ce ne soit pas la ligue de sport numéro un aux États-Unis quant aux audiences, elle a depuis longtemps conquis le monde grâce à son côté spectaculaire. Elle a toujours été à la pointe en termes de stratégies d’exportation et de diffusion, et s’est montrée novatrice très rapidement sur le digital. En 2021, le mot-clé « NBA » était le quatrième plus recherché sur Google, et le premier aux États-Unis.

Comme de nombreuses autres ligues sportives, la NBA est largement financée par les énormes sommes dépensées pour acquérir les droits de diffusion. Actuellement, la NBA gagne environs 2,7 milliards de dollars par saison, et ce montant pourrait bientôt être revu à la hausse car le contrat actuel se terminera avec la saison 2024/2025. Il semblerait que la NBA et son président Adam Silver espèrent doubler les revenus de la ligue, et l’arrivée de nouveaux acteurs tels que les plateformes n’y sont pas pour rien. En effet, nous avons pu voir qu’Amazon s’intéressait de plus en plus à la diffusion d’évènements sportifs comme avec Rolland Garros ou la Ligue 1, mais aussi la NFL avec la rencontre du jeudi pour 1,2 milliards de dollars. Ainsi, en proposant un package de seulement quelques matchs par semaine, la NBA espère récupérer jusqu’à 1 milliard de dollars par saison. Et cette nouvelle offre ne devrait pas faire trop d’ombre aux chaînes de diffusions historiques aux États-Unis qui n’hésitent pas à payer d’énormes droits de diffusion malgré la concurrence que représente l’offre « NBA League Pass » depuis de nombreuses années.

En effet, depuis 1999, la NBA a fait le choix de proposer une offre d’autodiffusion, d’abord par l’intermédiaire d’une chaîne du câble. Depuis 2006 (!!!), ce service est proposé sur le net pour regarder les matchs en streaming. Cette alternative représente pour beaucoup l’avenir de la retransmission sportive, à travers une offre personnalisée et segmentée. En proposant plusieurs formats d’abonnements, le NBA League Pass offre une formule où l’on peut voir tous les matchs, une autre pour ne suivre que son équipe favorite ou encore un forfait pour quelques matchs à l’unité. Cette offre a séduit les fans du monde entier qui ont la possibilité de visionner les matchs en replay ou de mettre en pause au milieu d’un match. La ligue ne passe pas à côté de son engouement à l’international et l’entretient à travers des matchs aux horaires « européens » le week-end ou en se déplaçant pour venir directement à la rencontre des fans comme lors des récents NBA Paris Game. Cette mondialisation se caractérise aussi sportivement, de plus en plus de talents venus du monde entier viennent garnir les bancs de la NBA depuis une vingtaine d’années jusqu’à représenter plus de 25% de joueurs non-américains sous contrat.

Le NBA League Pass a aussi pour objectif d’attirer les plus jeunes générations qui semblent s’éloigner de plus en plus du modèle classique du sport à la télévision. Les « millennials » passent de plus en plus de temps devant les écrans mais de moins en moins devant la télévision, par conséquent, atteindre ce marché par le biais d’appareils numériques était une stratégie exemplaire pour maintenir sa base de fans aussi fidèle qu’auparavant. Ces générations sont aussi bien plus attirées par la flexibilité des contenus et leur facilité d’accès. Ainsi, la NBA a tenté plusieurs formules ces dernières années qui vont dans ce sens, comme de proposer une fenêtre de 10min d’accès à la plateforme pour regarder n’importe quel match pour 0,99$. Avec des micro-paiements d’un montant aussi bas qu’un dollar et sans engagement, ce système est clairement conçu pour répondre aux tendances d’achat des millennials.

En termes de stratégie digitale, la NBA a fait un choix fort quant à sa présence sur les réseaux sociaux et les plateformes comme Youtube. Dans de nombreux sports, on remarque qu’il est très compliqué de trouver des extraits de match tant les ligues tiennent à garder le contrôle de leurs droits de diffusion. Au contraire, la NBA a elle choisit d’opter pour une stratégie inverse depuis qu’Adam Silver a succédé à David Stern au début des années 2010. Ainsi, la NBA n’hésite pas à rendre accessible les highlights (résumé des actions les plus marquantes) de ses matchs ou des extraits de ses émissions, qui se retrouvent diffusés en masse sur les réseaux sociaux. Le PDG et Commissionnaire de la NBA décrit cette stratégie comme celle de l’apéritif : « Nous poussons à la diffusion large de nos highlights sur Internet (…) Nous comparons notre stratégie à celle de l’apéritif et du repas. Si nous offrons un apéritif à nos fans, ils auront toujours envie du repas que constituent nos matchs ». La ligue peut aussi s’appuyer sur ses stars planétaires pour faire rayonner son image sur les réseaux sociaux, l’impact de joueurs comme LeBron James ou Stephen Curry ayant des répercussions énormes.

Les résultats de cette stratégie sont probants, puisqu’en 2021 la NBA était la ligue sportive ayant la plus forte exposition en ligne. Avec plus de 14 milliards de vidéos vues (en cumulant YouTube, TikTok, Facebook et Instagram), et une communauté de 125 millions de followers, la NBA s’est imposée comme la référence numéro 1 concernant le développement des réseaux sociaux pour les ligues sportives.

Récemment, la NBA a aussi totalement refondé son application, la NBA App, en partenariat avec Microsoft. Encore une fois les résultats sont au rendez-vous car depuis le lancement en septembre, l’application a connu une hausse de 50% de visionnage, le nombre de vidéos vues a augmenté de 150% et les abonnements à la plateforme ont connus une croissance de 41%. Avec l’arrivée de « Clipper Vision » sur l’application, on pourrait voir arriver de nombreuses autres équipes qui jusqu’alors préféraient vendre leurs droits à des diffuseurs locaux et régionaux. Tout cela rentre parfaitement en adéquation avec la recherche de personnalisation pour chaque fan en fonction de l’équipe qu’il supporte, ses habitudes de consommation de la NBA, etc… La ligue met par exemple beaucoup en œuvre pour investir dans les datas, notamment en fonction de la localisation de chaque fan. L’application a aussi permis de développer les vidéos verticales qui sont parfaitement adaptées aux nouvelles habitudes de consommation, et certains matchs sont désormais proposés avec une prise de vue de ce type.

Pour finir, un peu de chauvinisme et parlons de Victor Wembanyama, jeune prodige français promis à devenir le numéro 1 de la prochaine NBA Draft 2023. Le potentiel du joueur de Boulogne-Levallois fait saliver toute la planète basket et la NBA l’a bien compris en signant un accord avec la Ligue Nationale de Basket (LNB). Ainsi, tous les matchs des Metropolitans 92 sont désormais retransmis gratuitement sur l’application NBA, et il y a fort à parier que de nouveaux partenariats avec d’autres ligues voient le jour dans les années à venir.

À travers une stratégie digitale à la pointe, la NBA s’est donc imposée comme le leader incontesté dans ce domaine pour les ligues sportives. L’autodiffusion à travers le NBA League Pass en particulier, tout en continuant de vendre (très cher) ses droits de diffusion aux partenaires historiques et nouveaux sur le marché, représente une nouvelle donne qui devrait donner matière à réfléchir pour d’autres ligues sportives pour attirer une nouvelle audience.

Valentin Bernadou

Références :

  • Meacham, N., 2023, Sport Pro Media, How the NBA’s evolving media strategy is driving international audience growth ; Disponible via : https://www.sportspromedia.com/analysis/nba-media-strategy-app-data-international-audience-ralph-rivera/?zephr_sso_ott=257CRO
  • Mangwani, D., 2019, Digital Sport, The NBA League Pass micropayment strategy is a sure-fire way to win over Millennials ; Disponible via : https://digitalsport.co/the-nba-league-pass-micropayment-strategy-is-a-sure-fire-way-to-win-over-millennials
  • Fontanieu, B., 2022, Trashtalk, Tout savoir sur le nouveau NBA League Pass ; Disponible via : https://trashtalk.co/2022/10/18/tout-savoir-sur-le-nouveau-nba-league-pass-prix-abonnement-options-et-comment-en-profiter-gratuitement-pendant-7-jours/
  • Auclert, F., 2022, Basket USA, Droits TV : la NBA veut attirer les plateformes de streaming comme Apple et Amazon ; Disponible via : https://www.basketusa.com/news/674413/droits-tv-la-nba-veut-attirer-les-plateformes-de-streaming-comme-apple-et-amazon/
  • Compayrot, T., 2019, Dico du sport, Pourquoi les autres sports et championnats devraient s’inspirer de la NBA ; Disponible via : https://dicodusport.fr/blog/pourquoi-les-autres-sports-et-championnats-devraient-sinspirer-de-la-nba/
  • Ghaddar, E., 2022, Basket Pack, Comment la stratégie digitale de la NBA influence-t-elle les ventes d’équipements ? ; Disponible via : https://www.basketpack.fr/11418-comment-la-strategie-digitale-de-la-nba-influence-t-elle-les-ventes-dequipements#:~:text=Quelle%20est%20la%20strat%C3%A9gie%20de,dans%20les%20enceintes%20des%20franchises.

Apple privacy vs. mobile ad ecosystem

Apple’s ATT is « Privacy by default, abuse by design »

Thomas Hoppner / Philipp Westerhoff – Hausfeld Competition Bulletin, Spring 2021

            La mise à jour d’iOS14.5 introduit pour les détenteurs d’un iPhone : l’Apple Tracking Transparancy (ATT). Cette fonctionnalité est imposée aux développeurs qui veulent voir leur application téléchargeable au sein de l’Apple app store. L’ATT est la fenêtre qui s’ouvre lors de la première ouverture de n’importe laquelle de vos applications mobiles et qui vous demande de choisir :

Apple prompt. Source : Apple Inc.

Elle a, de ce fait, eu des conséquences sur l’écosystème publicitaire mobile en réduisant certaines possibilités de ciblage et d’analyse des campagnes, ce qui s’est traduit en premier lieu par une augmentation des coûts d’acquisition. C’est une mesure qui est d’un côté, saluée et de l’autre critiquée. En effet, la demande, soit les mobinautes et certains acteurs publics en sont contents dans la mesure où elle s’ancre dans une logique grandissante de protection des données personnelles, mais de l’autre côté de ce marché biface se trouvent les annonceurs publicitaires et développeurs qui estiment que la marque à la pomme fait preuve d’hypocrisie, se réservant la data pour ses propres usages. 

Apple possède 18% des parts sur le marché mobile qui est estimé à 5,31 milliards d’utilisateurs en 2022. Même si les systèmes Android sont largement dominant à l’échelle mondiale, les utilisateurs iPhone sont de précieux clients puisqu’ils ont tendance à dépenser plus d’argent (et sont en majorité sur le marché nord-américain). De plus, fin 2021, 89% des utilisateurs d’iPhone auraient fait la mise à jour système (ce chiffre a nécessairement augmenté). Nous sommes ainsi sur une base d’utilisateurs entre 800 millions et 1 milliard dont les données personnelles sont un élément structurant de business modèles basés sur la gratuité financée par la publicité ciblée. Ces derniers possèdent leur propre DSP, gestionnaire publicitaire de mise en relation entre annonceurs et mobinautes et selon certaines estimations auraient connu une perte de revenus total de 16 milliards de dollars. 

Il est difficile de faire un exposé précis et chiffré de l’impact de l’ATT sur ce marché puisqu’un grand nombre de causes peuvent venir perturber les enchères programmatiques, je vais tenter aujourd’hui d’en expliquer les raisons. 

L’impact technique de l’Apple Tracking Transparancy ?

Les utilisateurs d’iPhones pouvaient déjà avant cette mise à jour restreindre le traçage publicitaire de leurs applications téléchargées, ils avaient la possibilité d’activer le Limited Ad Tracking (LAT) dans les réglages. Le grand changement avec iOS 14.5 est qu’ils doivent se prononcer au premier lancement de chacune de leurs applications. Ainsi, si un usager accepte le traçage publicitaire, Apple communiquera au développeur de l’application un identifiant à usage publicitaire IDFA (identifier for advertisers). C’est une chaîne de caractère unique et anonymisée qui est assignée par Apple à votre terminal (nous pouvons la comparer à une version iOS du cookie tiers de Google qui va lui aussi bientôt disparaître). Concrètement, cet identifiant permet retracer le parcours d’un utilisateur, faisant des liens inter-applications ou inter-sites web, depuis son exposition à une publicité à son potentiel succès et ainsi permettre aux annonceurs de faire des analyses de KPI au sein de leur campagne. L’IDFA permet :

  • Le retargeting : pouvoir cibler les internautes qui ont déjà interagis avec un annonceur.
  • De mesurer les conversions et attribuer à un network les évènements recensés. 
  • De cibler d’audiences pertinentes avec contrôle de la fréquence d’exposition.

Ainsi posé, sans IDFA, la prévision, l’optimisation des coûts et budgets devient compliquée. Refuser le traçage publicitaire signifie que le développeur n’a à sa disposition que les données dites first-party. Apple met à disposition des développeurs, et ce sans demande de consentement, l’IDFV (identifier for vendors) qui lui permet de récolter les données des usages dans l’application. Cet identifiant est différent pour chaque application mais unique par développeur (Par exemple : il sera le même pour Facebook et Instagram tous les deux possédés par Meta). Il y ainsi deux catégories d’utilisateurs, ceux qui ont accepté le traçage (opt-in) et ceux qui ont refusé (opt-out). 

Apple propose tout de même une API pour la remontée des données du nom de SKAdNetwork. Tant les ad network, les apps qui diffusent la pub que celles qui cherchent à se promouvoir doivent s’inscrire auprès d’Apple pour pouvoir utiliser le service. Ce dernier ne peut être aussi précis que posséder l’IDFA (puisqu’il était un lien direct entre l’app et son utilisateur) :  

  • Il ne fait pas la distinction entre les opt-in et opt-out (progressivement les annonceurs n’auront pas le choix que de passer par SKAN)
  • Le nombre de campagnes pouvant être lancé est limitée
  • Il n’y a aucune remontée en dessous d’un certain seuil et elles ne sont pas en temps réel (les premiers chiffres mettent 24 à 48h – le temps de perdre pas mal d’argent).

Cette mise à jour a donc provoqué des changements au sein de l’écosystème puisqu’il est plus difficile et moins rentable de tester ses formats publicitaires. Ceci complique l’optimisation des campagnes et implique une réduction des budgets annonceurs. En effet, les dépenses publicitaires pour les apps mobiles ont diminué de 5% en 2022, les grands perdants seraient Meta et Snapchat, mais il est difficile d’attribuer cette baisse uniquement à l’ATT.

Le prompt obligatoire n’est pas si efficace 

Le choix de l’utilisateur est une variable au sein de l’ATT et les taux d’attribution des IDFA ont augmenté depuis le printemps 2021 (la publicité est-elle l’ennemi?), les développeurs adaptent les messages affichés. Certaines projections étaient pessimistes, allaient chercher un taux d’opt-out de 98%, d’autres se positionnaient plus aux alentours des 50%. Cependant, ces taux sont différents en fonction :

  • des applications : les réseaux sociaux et notamment Facebook dont les polémiques liées à l’usage des données personnelles ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières années accuse des taux d’opt-in les plus bas)
  • des pays (en décembre 2021 la France compte un taux d’opt-in à 55% là où les États-Unis sont à 37%). 

De plus, certaines applications trouvent des moyens pour contourner le système de l’ATT. Nous retrouvons des techniques de suivi de cohorte ou l’identification d’individus de manière probabiliste (technique de fingerprinting : des applications calculent et acceptent un identifiant dérivé de l’empreinte digitale en utilisant un code côté serveur). Nous pouvons penser aussi au studio français Voodoo qui a été condamné par la CNIL en fin d’année dernière pour avoir utilisé l’IDFV à des fins publicitaire ou l’annonce récente de Shopify qui s’allie à Google et Meta dans le cadre d’un partage de leurs données. 

Une conjoncture économique défavorable mais tout de même lucrative

La pandémie a également amené une certaine imprévisibilité dans les dépenses médias. De plus, le gain en popularité de Tiktok met également à mal ces réseaux puisqu’il vient prendre dans le budget marketing des annonceurs. Cependant, les réseaux sociaux mobiles continuent de croître en utilisateurs, ces nouveaux médias prennent leur parts dans les médias traditionnels ainsi que les médias numériques qui ne peuvent que difficilement rester indépendants face aux réglementations sur le respect de la vie privée. 

Toutes les prévisions annonçaient un impact important sur Facebook mais qui en même temps perd en DAU l’année dernière alors qu’il investit massivement dans les technologies liées au métavers. En effet, le manque à gagner de $10 milliard annoncé par le groupe est équivalent aux dépenses qu’il réalise. Cette année, eMarketer prévoit que les annonceurs américains dépenseront 58,11 milliards de dollars en publicités Facebook, soit une hausse de 15 % par rapport à l’année précédente, malgré les modifications apportées à iOS.

L’écosystème publicitaire, terrain de jeu pour les entreprises de la tech ?

Apple qui jusque lors était une entreprise spécialisée dans le hardware, opère – en même temps que la baisse progressive de ses ventes – sa transition vers une entreprises de software et avec son dispositif publicitaire Search Ads au sein de l’Apple Store, vers une part des budgets marketings, précisément gardés par Facebook. Les deux géants de la technologie auraient par ailleurs étés en pourparlers sur un accord de partage des revenus, il était mention d’une éventuelle version de Facebook sans publicité et par abonnement. Apple aurait ainsi considéré les revenus d’abonnements à Facebook comme un achat In-App qui lui aurait rapporté 30% de commission. Quelques temps après le non-aboutissement de ces négociations, Apple propose iOS14.5 et une campagne marketing qui met l’accent sur le respect de la vie privée de ses consommateurs. L’entreprise creuse ainsi son conflit existant avec la coalition d’éditeurs d’applications qui sont contre son pouvoir monopolistique.  

Ainsi, même si le suivi des utilisateurs individuels est plus difficile aujourd’hui, les changements renforcent le pouvoir de marché existant d’Apple (ou d’Amazon qui ne dépend aucunement de données tierces) ayant accès à de grandes quantités de données de première main et motivent un contre-mouvement n’allant pas nécessairement dans le sens du respect des données personnelles.

Alexandra Levigne.

Sources et pour aller plus loin : 

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APPLEYARD Bryan, « Facebook et Apple : la pomme de discorde », Books, 2021/4 (N° 116), p. 41-45. DOI : 10.3917/books.116.0041. URL : https://www-cairn-info.proxy.bu.dauphine.fr/magazine-books-2021-4-page-41.htm

Konrad Kollnig, Anastasia Shuba, Max Van Kleek, Reuben Binns, Nigel Shadbolt (06-2022), “Goodbye Tracking? Impact of iOS App Tracking Transparency and Privacy Labels". FAccT '22: 2022 ACM Conference on Fairness, Accountability, and TransparencyJune 2022 Pages 508–520https://doi.org/10.1145/3531146.3533116

Rapports sur les opt-in et opt-out : 
Tableau de bord interactif par Appsflyer (consultée le 17/01/23)
Carte interactive des IDFA par remerge (consultée le 24/01/23)
Prévisions des eMarketers (consulté le 24/01/23) 
Prévisions de Flurry (consulté le 24/01/23)
Prévisions par AdAge (consulté le 27/01/23

Prédictions des tendances mobile marketing 2023 par Appsflyer (consulté le 17/01/23)
Rapport par Lotame : IDFA impact on big tech (consulté le 24/01/23)

Condamnations de la CNIl : 
Apple : 
CNIL (04-01-2023), "Identifiant publicitaire : sanction de 8 millions d’euros à l’encontre de APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL"
https://www.cnil.fr/fr/identifiant-publicitaire-sanction-de-8-millions-deuros-lencontre-de-apple-distribution-international (ouvert le 3 Janvier 2023)
Voodoo :
CNIL, (17-01-2023), "Jeux mobiles : la CNIL sanctionne VOODOO à hauteur de 3 millions d’euros"
https://www.cnil.fr/fr/jeux-mobiles-la-cnil-sanctionne-voodoo-hauteur-de-3-millions-deuros (ouvert le 24 Janvier 2023)

Shopify s’allie à Google et Meta : 
Claudia Cohen, (03-01-2023), "Publicité ciblée: Shopify s’allie avec Meta et Google"
https://www.lefigaro.fr/medias/publicite-ciblee-shopify-s-allie-avec-meta-et-google-20230103 (ouvert le 24 Janvier 2023)


Coalition app fairness et France Digitale : 
https://francedigitale.org/combat/france-digitale-rejoint-la-coalition-for-app-fairness/
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Dr. Google and his friend psychiatrist TikTok

Do you have an appointment with Dr. Google?

“Do you think I might have ADHD?”. I asked my sister, who is a general practitioner, this question 6 months after first downloading TikTok. She asked the reasons behind this questioning, and I had to tell her that I related closely to many TikTok videos that I had been seeing on my ‘For You Page’. For example, I did have trouble staying focused for an extended period of time. She answered that, no I did not have ADHD (attention deficit hyperactivity disorder) and I did not have OCD (Obsessive–compulsive disorder) and I did not have BPD (borderline personality disorder) as well. She did say that while you could have some of the traits that were in these mental disorders it did not necessarily mean that you had it. While short attention span is, indeed, a sign of ADHD, it can also be the result of spending time on a phone and getting used to more and more attention-grabbing videos and scrolling.  

Self-diagnosis and misdiagnosis have always existed and even more so with Google which could be used to search any kind of symptoms and find a disease that matched most of them. A colloquial term has been invented to describe this act of searching on Google for a pathology, it is called ‘Dr Google’. This highlights the prevalence of individuals that turn to the Internet instead of going directly to a doctor or psychiatrist.

Self-diagnosis on TikTok

Yet, with Google you had to search for those symptoms. An action was needed by the user. This is where TikTok differs from this. On TikTok the algorithm pushes this kind of content onto the user, the action becomes passive, and it seeps through the thought process as they interact with one TikTok. They then see ten more a few minutes later. You interact with content on this app because you relate to it. Self-diagnosis and trying to find a community on TikTok have been amplified with lockdowns as it was harder than before to receive professional medical help.

This TikTok received 9.4 million views – @milliemclay

Of course, some creators are genuinely using their platform to give a sense of community to those who have the same mental disorder as them or, are trying to raise awareness. Sharing their experiences and struggles has opened a wide pathway to discussing mental. Some creators are jumping on these trends and make trendy and relatable content on the topics to increase their views and interactions on their videos. They make simplified content with videos saying things such as ‘3 things I did not know where signs of ADHD’ and one of them will be ‘picking at my nails’. This can lead to minimizing many mental illnesses and disorders. Influencers and companies can also be capitalizing on the attention that mental illnesses awareness is getting to sell products. This is the case with a telehealth startup called Cerebral that sells expensive treatments.

Self-diagnosis on TikTok can also lead to teenagers portraying the mental disorders that they think they have. An increase of young girls displaying Tourette’s like symptoms came to a hospital in Chicago. They did not have Tourette, but they convinced themselves that they might have it. This has been called a ‘horoscope effect’, it is a sort of self-fulfilling prophecy (Financial Times, 2022)

There are no tangible proofs of this increasing self-diagnosis trend. It is still too early to have research papers and it would be complicated to record as it is a personal matter and hardly quantifiable. However, many professionals are testifying on this matter “A number of mental health providers say that they are seeing an uptick in teenagers and young adults who are diagnosing themselves with mental illnesses — including rare disorders — after learning more about the conditions online.” (The New York Times, 2022). We only have records of the individuals who were seeing or chose to see a psychiatrist or therapist after a self-diagnosis. For many of them, they decide either not to see one or they do not have the resources to do so. Generation-Z is less likely compared to other generations to seek help according to a study done by McKinsey.  And when they do seek help Gen-Zers rely mainly on “emergency care, social media, and digital tools” (McKinsey, 2022).

Many fidget products selling companies, such as rings or toys, also targets anyone that has or think they have ADHD. This means that the individuals seeing ADHD awareness content, are also likely to be targeted with an ad for a quick relief of the condition.

Consequences of self-diagnosis

Self-diagnosis can indeed lead to getting a diagnosis done by a professional. This diagnosis can either confirm what the patient thought they had, find the illness or condition, or even just reassure the patient that they do not have anything. This is what happened to 23-year-old Matilda Boseley who discovered that she had ADHD thanks to content on TikTok. ADHD is widely less diagnosed for women than for men and many young girls who have ADHD are trying to bring awareness on this matter on TikTok.

However, a self-diagnosis can be harmful in many ways. First off, most individuals do not have the medical knowledge or expertise to diagnose their symptoms accurately. It can also delay treatment if the individual is convinced that they have made an accurate self-diagnosis, they can delay going to a doctor or a psychiatrist to receive help or treatment. Misdiagnosis can also lead to self-medication and induce a wrong treatment, and this can be harmful. It can also cause a lot of anxiety which could be easily avoided, as they do not have any guidance in the diagnosis. Finally, self-diagnosis can lead to a sort of dependence on unreliable sources such as TikTok where they will find both the diagnosis and the treatment which is most likely to be wrong. For example, borderline personality disorder is extremely rare with only 1.4% of U.S Population that has this disorder. Yet, on TikTok the #bpd has around 8.2 billion views as of January 2023 (TikTok, 2023).

People who self-diagnose themselves should not be shamed as it can sometimes be seen online but rather, it should be used to open discussion about their feelings. There are reasons why they thought they had this illness or mental disorder, and it can lead to going to see a professional to solve any matter that they could have.

Bibliography

Ashekian Health Sciences Researcher & PhD Student, T.L. (2023) The rise of ‘dr. google’: The risks of self-diagnosis and searching symptoms online, The Conversation. Available at: https://theconversation.com/the-rise-of-dr-google-the-risks-of-self-diagnosis-and-searching-symptoms-online-180278 (Accessed: January 21, 2023).

Boseley, M. (2021) Tiktok accidentally detected my ADHD. for 23 years everyone missed the warning signs | Matilda Boseley, The Guardian. Guardian News and Media. Available at: https://www.theguardian.com/commentisfree/2021/jun/04/tiktok-accidentally-detected-my-adhd-for-23-years-everyone-missed-the-warning-signs (Accessed: January 21, 2023).

Caron, C. (2022) Teens turn to TikTok in search of a mental health diagnosis, The New York Times. The New York Times. Available at: https://www.nytimes.com/2022/10/29/well/mind/tiktok-mental-illness-diagnosis.html (Accessed: January 23, 2023).

Mohamed, Z. (2022) Young women are self-diagnosing personality disorders, thanks to Tiktok, ELLE. Available at: https://www.elle.com/uk/life-and-culture/a39573245/young-women-self-diagnose-personality-disorder-tiktok/ (Accessed: January 21, 2023).

Murphy, H. (2022) Self-diagnosis ads on TikTok Blur Mental Health fears with reality, Subscribe to read | Financial Times. Financial Times. Available at: https://www.ft.com/content/dd63fb93-fa81-4a29-918e-93fa06fb8c4c (Accessed: January 13, 2023).

Emma Le Vourch

Les nouveaux enjeux du marché de l’attention  

Les récentes études menées par Google pointent du doigt la baisse du niveau d’attention des générations Y et Z. La durée d’attention est estimée à 9 secondes, soit une seconde de plus que celle du poisson rouge. Conséquence ? La durée de vie des contenus se réduit. Dans un article publié en juin 2019 par Maxime Tellier sur France Culture, ce journaliste souligne l’accélération dans la diffusion des contenus et ce même en dehors d’Internet. Il prend l’exemple des nouvelles expressions linguistiques qui se maintiennent en moyenne pendant un mois au XXIe siècle contre six mois au XXe siècle. Sur Internet, les vidéos publiées sur les réseaux sociaux doivent capter l’attention du spectateur pendant les 10 premières secondes au risque de le perdre. 

Le nouveau défi des géants de le tech est alors de réussir à capter l’attention des générations distraites de la distraction. La récente publication : « La civilisation du poisson rouge, petit traité sur le marché de l’attention»(2019) par Bruno Patino, s’interroge sur les mécanismes utilisés par les réseaux sociaux et les plateformes numériques pour capter notre attention. Le président d’Arte France, spécialiste des médias et des questions numériques, met en avant différentes théories qui expliqueraient notre addiction. 

Il cite notamment : la boite de Skinner, la théorie de la complétude, la prise en charge de la fatigue décisionnelle et la théorie de l’expérience optimale qui structurent, selon lui, le fonctionnement des applications les plus utilisées. A noter que cet ouvrage présente un point de vue qui n’est pas toujours scientifiquement validé, mais qui promet en tout cas une réflexion intéressante sur la course au marché de l’attention.

La science comportementale au coeur du marché de l’attention 

La boite de Skinner est une théorie développée par le professeur Burrhus au début des années 1930. Ce scientifique décide de placer une souris dans une boite qui dispose d’un bouton, lui fournissant de la nourriture à des quantités aléatoires. La souris, plutôt que de se détourner du bouton, se met à appuyer frénétiquement dessus, car elle finit par être plus intéressée par le gain que par la nourriture. Ainsi, le professeur Burrhus met en lumière le biais comportemental que produisent les systèmes de récompense aléatoire. Il explique que l’incertitude produit une compulsion qui se transforme en une addiction, consolidée par la satisfaction instantanée du gain. Ce principe est appliqué aux machines à sous dans les casino, mais aussi aux réseaux sociaux tels que Tinder ou Facebook. L’application pourrait choisir de ne fournir qu’uniquement des profils compatibles avec le profil de l’utilisateur ; pourtant, Tinder entretient l’alternance entre profils proches des choix passés, éloignés de l’historique des choix ou susceptible de plaire afin de maintenir l’attention et la participation de l’utilisateur. Dans le cas de Facebook, le feed est aléatoire et non chronologique, car plus la récompense est imprévisible, plus l’addiction grandit.

Autre théorie celle de la complétude, aussi appelée « effet Zeigarnik », développée par la psychologue Russe, Bluma Zeigarnik en 1929. Elle énonce que : ne pas finir une tâche renvoie à un sentiment d’incomplétude, de frustration qui pousse à toujours continuer et favorise l’effet d’addiction. Ce mécanisme est particulièrement présent dans les médias sociaux comme Tik Tok, Youtube ainsi que sur les plateformes tels que Netflix ou Prime Video. Dans le cas de Tik Tok, la quantité de vidéos à regarder est telle que l’utilisateur ne ressent jamais l’effet de complétude. L’utilisateur peut scroller le feed de l’application en permanence sans jamais être rassasié. Ce sentiment est renforcé dans le cas de Youtube ou Netflix qui dispose de la fonction « autoplay » permettant d’enchainer les vidéos sans avoir à faire un geste ou exprimer une volonté.

Les « ordinateurs charismatiques » ou la manipulation transparente 

Bruno Patino va encore plus loin et explique que certains mécanismes sont mis en place pour orienter les décisions et actions des utilisateurs. Il cite les travaux de B.J Fogg, fondateur du Persuasive Lab au sein de la Silicon Valley, qui s’est notamment fait connaitre grâce à sa thèse sur les « ordinateurs charismatiques ». Ce dernier postule que : « la façon dont les ordinateurs s’adressent à leurs utilisateurs, leur graphisme, la conception de leur interface et leur langage, sont aussi importants que les informations qu’ils délivrent » (extrait de l’ouvrage de Bruno Patino). C’est la naissance du concept du « design d’attention » ou « persuasive design » théorisé dans les années 2000 par Nir Eyal dans son ouvrage Hooked – Comment créer un produit ou un service qui ancre des habitudes (Hook: hameçon en français). Selon Nir Eyal, il y a 4 étapes pour orienter les actions de l’utilisateur. Tout d’abord, il faut un déclencheur qui peut être interne (comme une émotion telle que la FOMO – Fear of Missing Out) ou externe (comme une notification qui entraine ce que Yves Citton appelle une « attention captive »). Cela amène ensuite à une action puisque l’utilisateur est poussé à regarder son téléphone et à ouvrir l’application qui mène à une récompense (un like, une nouvelle personne qui le suit, une actualité) et qui le pousse à maintenir son utilisation et à investir (soit utiliser l’application) pour recommencer le cycle. B. J Fogg résume ses étapes par : la motivation, l’habileté (la capacité à mener à bien l’action) et l’élément déclencheur. 

Ainsi, l’addiction qui découle de l’utilisation des plateformes numériques n’est pas un dommage collatéral mais plutôt la conséquence de la recherche vers toujours plus de rentabilité par les géants du Net. Comme théorisé par de nombreux ouvrages scientifiques depuis les années 1990, l’économie de l’attention est un bien rare. C’est un bien d’autant plus rare que les géants du numérique doivent réussir à capter l’attention d’une génération de plus en plus distraite face à la surabondance de choix, d’informations et d’usages auxquelles elle fait face. 

Caroline Caye

La nouvelle ère de la Télé ? Retour sur le phénomène FAST

Pluto TV, Roku, FreeVee, Freeview et d’autres pourraient révolutionner la TV

« Nous gardons donc un œil sur ce segment, c’est certain » : voici ce que Ted Sarandos, Co-CEO de Netflix pense du développement du géant américain sur le marché des FAST. Alors qu’Amazon, Comcast, Fox Corporation, Paramount et d’autres y sont déjà présents. Les FAST (Free Ad-Supported Television) représentent selon certains l’avenir de la télévision. Dans quelle mesure les audiences sont-elles prêtes à recevoir ce nouveau mode de diffusion ? Quel avenir dans la distribution des FAST ?

Un nouvel usage adapté à l’évolution de la consommation

D’après Bearing Point, le succès des plateformes de diffusion de contenus ne résiderait plus uniquement dans la qualité et l’exclusivité du contenu mais aussi dans la réflexion sur leur pricing et l’optimisation du fonctionnement des plateformes technologiques. Or, la tension actuelle sur le pouvoir d’achat des ménages pousse les consommateurs à réduire leur budget en loisir et divertissement, quitte à se passer des dernières sorties sur les plateformes.  C’est là qu’interviennent les FAST : Free Ad-Supported Television. Il s’agit de services de streaming gratuits permettant d’accéder à des contenus disponibles à la demande ou de manière linéaire, financés par la présence de publicité avant, pendant et après les contenus. Ce modèle serait apprécié par 71% des français, en particulier par les 18-34 ans.

Un triptyque : éditeur, plateforme, fabricants

Trois principaux types d’acteurs afférant aux contenus existent dans ce marché des FAST : des éditeurs de chaines, mobilisant ou acquérant un catalogue de contenus ainsi que des plateformes agrégeant différentes chaines et enfin les fabricants de device et notamment de télévisions connectées (CTV).

Certaines plateformes sont exclusives à un système (tel que Samsung TV+ sur les Smart TV Samsung), ou sont agnostiques et disponibles en OTT (Over-the-top), c’est le cas de Pluto TV par exemple.

Certains acteurs combinent aussi plusieurs rôles, éditant et distribuant via leur propre plateforme des chaines FAST.

Des performances rémunératrices

Ces audiences sont en pleine croissance, en 2022, l’exposition publicitaire a presque doublé

Entre ces acteurs réside une relation commerciale basée sur la publicité rémunérant les différents acteurs, celle-ci peut être opérée par des régies tierces ou directement par l’un des acteurs précédent. Plus cette publicité est ciblée et interactive, plus son CPM (coût pour mille) sera élevé : estimé entre $40 et $50 pour les FAST contre entre $10 et $25 pour une chaine du câble traditionnelle, ces revenus sont partagés entre éditeur, plateforme et distributeur selon différents modèles en fonction des acteurs.

Si les audiences des FAST sont en hausses depuis le lancement de Pluto TV en 2014, celles-ci sont mesurées pour l’instant par deux indicateurs clés : les HOV (hours of viewing) et l’exposition publicitaire (ad impressions, nombre de répétitions où une publicité s’affiche sur le digital). Ces méthodes de mesure de l’audience pourraient être amenées à évoluer puisqu’elles sont ciblées comme étant un champ d’amélioration du marché des FAST selon Mike Shields (consultant TVREV). Ce-dernier identifie aussi un manque de transparence des éditeurs et plateformes FAST sur la diffusion des publicités. Les marques ont en effet du mal à surveiller les programmes pendant lesquels leurs publicités sont diffusées, mettant alors à mal leur brand safety. Les annonceurs souhaiteraient donc une meilleure transparence, similaire à ce qu’ils peuvent observer en télévision. Toutefois, le niveau élevé du CPM des FAST étant rendu possible par la vente d’espaces publicitaires en programmatique, le manque de transparence devient inhérent aux FAST.

Ces audiences sont en pleine croissance. En 2022, l’exposition publicitaire a presque doublé. Nous avons observé une hausse de 51,3% des HOV et les sessions de visionnages durent de plus en plus longtemps (+32,86%). L’attention accordée aux FAST est en pleine croissance tandis que l’industrie se rode encore.

Quelle expérience FAST ?

Mais alors quelle expérience attire les utilisateurs, de plus en plus nombreux ? Ils sont séduits par une expérience « lean-back », où la facilité d’utilisation prime et où le temps de sélection d’un programme, toujours plus long (celui-ci est notamment passé de 7 à 9 minutes en 2020), peut être réduit. 80% du temps passé sur des services FAST l’est sur le plus grand écran du foyer, illustrant cette envie de facilité d’utilisation.

En termes de contenus, nous observons une domination des genres du cinéma et de l’information (respectivement 15,5% et 14,3% des HOV), les documentaires (12,6%), la musique (11,5%), les sports (9,6%), les programmes faune et flore (6,5%), la télé-réalité (5%) représentent eux aussi une part importante des HOV. Toutefois, la rentabilité des programmes n’est pas la même, l’information et la faune et la flore ne représentent que 6,3% et 4,7% de l’exposition publicitaire (contre 14,3% et 6,5% des HOV), quand le cinéma, les documentaires, la musique, les sports et la télé-réalité permettent tous plus d’exposition publicitaire (notamment concernant la musique).  Il est toutefois identifié que les contenus attractifs sur les FAST sont issus de marques fortes, sont bouclés (tel une série procédurale ou une sitcom) et disponibles dans de larges volumes. Jeff Shultz (Paramount Global) nous apprend ainsi que la chaine dédiée aux Experts est devenue numéro 1 le jour de son lancement et l’était toujours en décembre 2022.

Nous retrouvons ainsi trois types majeurs de chaines FAST :

  • Des chaines d’infos (ABC News Live, NBC News NOW…)
  • Des chaines basées sur une série, une marque, une IP (South Park, Alerte à Malibu, Forensic Files)
  • Des chaines agrégées : plus thématique, elles alternent les marques et formats (on retrouve des chaines d’action, de comédie, pour les enfants …)

Les chaines FAST permettent ainsi de proposer aux audiences du contenu de niche avec une utilisation très lean-back.

Différent en fonction des territoires

Ces données ne sont toutefois pas représentatives de tous les territoires. Le genre dominant en Allemagne est par exemple le documentaire (42%), il s’agit de la musique pour l’Espagne et des sports pour l’Italie (52% des HOV). Nous observons aussi une domination de la faune et la flore dans les expositions publicitaires espagnoles (29%). Ces chiffres correspondent aussi bien sûr à l’offre de contenus et à l’actualité. Le décès de la Reine Elisabeth II a par exemple représenté un pic de consommation des FAST en Grande-Bretagne (+51,44% par rapport à la moyenne).

Afin de maximiser l’attention de ses utilisateurs, les FAST sont à la recherche d’engagement et de fidélité. Dans cette optique, il est important d’avoir accès à des marques, IPs reconnaissables et proches des cultures de chaque pays. Il est aussi important de proposer des contenus dans la langue du pays concerné.

En Europe, l’audience se concentre dans 7 pays : le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie et les Pays-Bas qui représentent 85,4% des HOV. D’autres territoires européens émergent et semblent favorables aux FAST.  L’Autriche, l’Albanie, la Hongrie, la Grèce, la Bulgarie, la Slovénie, la Serbie, la Roumanie, la Croatie font partie de ces pays.

Cohérent dans des stratégies de groupe

Alors que Warner Bros. Discovery a annoncé son souhait de diffuser certains de ses titres sur des chaînes FAST tierces ainsi que celui de développer ses propres FAST en 2023, nous observons de nombreux groupes mobiliser les chaines FAST dans leur stratégie. C’est le cas pour Samsung qui déploie sa plateforme FAST Samsung TV Plus uniquement sur ses télévisions connectées. Plus généralement, une activité d’un groupe peut permettre de favoriser la rentabilité des activités FAST. C’est notamment le cas des données pouvant être générées par l’utilisation de la télévision connectée (CTV) de Samsung, ou par l’utilisation de la boutique ou de tous les services proposées par Amazon. Celles-ci permettront d’améliorer le ciblage de la publicité et d’en augmenter son CPM. De la même manière, un enjeu principal des FAST étant sa facilité d’utilisation, l’enjeu de la distribution est clé. Dans ce rôle, les fabricants de télévisions ont une longueur d’avance. Lorsque 6 foyers sur 10 possédant une CTV utilisent au moins ponctuellement un service FAST, les fabricants peuvent plus facilement introduire les utilisateurs de TV à leur service FAST.

Les usages des audiences évoluent et nous amènent à une révolution FAST. Si les préférences de contenus des utilisateurs sont en train d’être définies, elles restent assez dépendantes du pays et de ses habitudes culturelles. L’adoption par ces-derniers des FAST est certes en croissance, mais le marché reste fortement cantonné aux Etats-Unis qui représentent 90% du revenu publicitaire des FAST à l’heure actuelle et devraient représenter plus de $10 milliards des $12 milliards de revenus générés par les FAST en 2027.

L’audience des FAST se développe mais avec ses aspérités locales. Les acteurs internationaux devront veiller à proposer une offre de contenu adaptée aux goûts de chaque utilisateur. Chaque acteur devra veiller à favoriser des modes de distribution facilitant les principaux avantages des FAST : leur facilité d’utilisation et le rapide choix des contenus.

Julien PIVETTA


Bibliographie

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Salome Hailu (2023) Yanked HBO Max Series Like ‘Westworld’ to Land at Third Party Ad-Based Streamers As Warner Bros. Discovery Plans to Launch Its Own. Variety [En ligne]. Disponible via : https://variety.com/2022/tv/news/warner-bros-discovery-hbo-max-fast-1235461623/#recipient_hashed=5b382bad8c564821973d4bdf492f54027f1e61ea31a1f803738f07171d6b208a&recipient_salt=0f5eb306feee5c833d37c0e471c80a297976b1ac62418d258ea66b566252d8ab [Consulté le 21/01/2023]

Chanteurs, influenceurs, labels, comment faire de la musique sous le règne de TikTok ?

https://dittomusic.com/en/blog/how-to-promote-music-on-tiktok-and-go-viral/


Quoi de mieux qu’un confinement pour faire exploser une application dont l’additivité et le caractère chronophage en sont les principales ressources ?

Lancée en 2016 par l’entreprise chinoise Byte Dance, c’est l’épidémie de Covid-19 qui sera l’occasion parfaite pour TikTok de s’immiscer dans le quotidien d’une population qui navigue entre son lit et son canapé, smartphone toujours au bout du bras.

Challenges, chorégraphies, lives, etc., l’application TikTok, dérivée de Musical. Ly, propose à ses utilisateurs la création de vidéos courtes (30s à 3min) sur la musique de leur choix. Idée simple, carton planétaire. En 2020, 75% des 13-24 ans l’utilisent quotidiennement, pour pas moins d’1 milliard d’utilisateurs mensuels. Atteignant des audiences comparables à ses ainés zuckerbergiens, Instagram et Facebook, TikTok s’impose comme le réseau social de ce début de décennie. Plaçant le son au cœur de son fonctionnement – chaque vidéo en étant accompagnée – l’application devient la première source de découverte musicale pour les moins de 25 ans. La musique est partout sur TikTok et devient ce que la radio a pu être pour la précédente génération : un nouveau canal de découverte musicale. Et un très bon canal. En 2020, Byte Dance déclare que 176 morceaux ont dépassé le milliard de vues sur la plateforme et 90 titres devenus viraux sur l’application ont tutoyé le top 100 des Charts aux États-Unis.

Au-delà des chiffres, TikTok a donc un impact qui va outre la barrière de sa propre application, et redessine une industrie musicale en plein trouble, dans le rapport d’un artiste à sa musique, à ses fans, remodelant la fabrication du succès, et parfois la composition même de la musique.

Naissance et renaissance d’artistes

Depuis 2016, TikTok se fraie un chemin entre l’auditeur et l’artiste, enfilant parfois, la casquette habituellement celle des maisons de disques.

Lil Nas X, Olivia Rodrigo, Kid Francescoli, la liste des artistes ayant « percés » sur la plateforme ne cesse de s’allonger, et la suite de leur succès musicale ne peut que démontrer l’impact que TikTok provoque dans cette sphère. En voici quelques exemples :

  • Lil Nas X, explose en 2019 avec Old Town Road, cumule plus d’1 milliard de vues sur YouTube, et signe chez Columbia
  • Wedjene, se fait connaitre avec Anissa, signe chez Universal, son album « 16 » est certifié disque d’or
  • Pierre de Maere, son morceau Un jour je marierai un ange repris par un TikToker, explosion des streams (20 millions en 2 mois)
Clip de Lil Nas X – Old Town Road – 1 068 410 130 vues au 31/01/2023

Tremplin pour les certains nouveaux, TikTok est aussi le moyen de renouer avec une notoriété perdue pour d’autres :

  • Fleetwood Mac retrouve un second souffle après qu’un internaute reprenne leur chanson Dreams en fond de son TikTok à skateboard, elle est ensuite streamée 36 millions de fois et intègre en 2020 le top 20 américain des chansons les plus écoutées
  • David Guetta dévoile en avant-première sur l’application son single Let’s Love et atteint les 500 000 vidéos, générant plus d’1 milliard de vues
TikTok de @420doggface208 sur Dreams – Fleetwood Mac, 89.3M de vues au 31/01/2023

TikTok est puissant, mais il n’est donc pas une fin en soi. Plutôt un nouveau chemin empruntable par les artistes voulant être découverts ou redécouverts par le public – essentiellement jeune.

Poule aux œufs d’or des maisons de disque

En 2020, 70 musiciens révélés sur la plateforme ont ensuite trouvé un contrat avec une maison de disque. En 2021, 430 artistes ont vu leur son dépasser le milliard de vue. Il n’en faut pas plus pour qu’artistes, labels et maisons de disque fassent de l’application, un nouvel outil marketing ultra puissant.

La rémunération sur TikTok, aujourd’hui en phase de test et n’allant pas forcément à l’artiste (mais à l’auteur de la vidéo), c’est loin d’être le moteur de ces nouveaux usages, en tout cas loin derrière la perspective de notoriété. TikTok est une nouvelle vitrine, interactive, mouvante et à l’algorithme furieusement secret, mais une vitrine de taille pour qui sait s’y exposer.

Chanteur influenceur

Les maisons de disque, dont les revenus viennent essentiellement des plateformes de streaming, ont compris que les utilisateurs basculaient de TikTok à Spotify en quelques secondes, et possèdent maintenant des équipes dédiées à l’application, aussi bien dans la recherche de nouveaux talents que la promotion de leurs poulains. Ont aussi vu le jour des agences spécialisées dans le marketing musical sur TikTok – comme Monsieur Darmon – proposant la promotion par des influenceurs. Quand ce ne sont pas des influenceurs qui sont payés à la faire, ce sont parfois les artistes eux-mêmes qui se voient mettre en scène leur chanson, rendant la frontière entre influence et musique de plus en plus poreuse. Alors que la signature d’un artiste avec un label est censée lui assurer sa promotion, les artistes se retrouvent parfois à jouer les deux rôles, quitte à privilégier le buzz et à effacer l’aspect artistique personnel de leur travail.

Site Web Monsieur Darmon qui explique « quelques succès » de leurs campagnes sur TikTok, https://monsieurdarmon.com/

La TikTok-compatibilité

TikTok permet une toute nouvelle façon pour les artistes d’interagir avec leur communauté, naissante ou déjà constituée. Like, partage, commentaires, duo, reprises des sons, etc., un lien direct se crée entre le créateur et l’utilisateur. L’algorithme différant des autres médias sociaux par la mise en avant de contenue « aléatoires » mais « personnalisés » (on ne nous montre pas des personnes que l’on suit, mais du contenu devant nous plaire), les maisons de disque ne peuvent plus rien laisser au hasard. Si l’utilisateur n’est pas convaincu par la vidéo dans les premières secondes, la probabilité qu’il « swipe » vers un autre contenu est bien plus grande qu’ailleurs. Il faut donc plaire, et rapidement. C’est tout l’ambivalence d’une plateforme pouvant « créer » un artiste en un rien de temps, tout en laissant de côté tous les autres n’ayant pas « buzzé ».

Les artistes, sous les impulsions de leurs labels, vont se former au moule TikTok, dans leur communication mais aussi dans leur œuvre musicale même. La campagne marketing commence alors dès le studio ou les agences d’influence et labels aident les artistes à déterminer « quel sera le titre TikTok-compatible, pour modifier les paroles d’un morceau, pour qu’il soit le plus percutant sur l’appli ». Samuel Skalawki, cofondateur de l’agence Follow explique « On travaille avec des artistes de chez Believe, Sony ou Warner en France. On les conseille sur les punchlines d’une chanson qui peuvent être mises en avant sur TikTok, les mises en scène ou les chorégraphies qui peuvent aller avec ». Tout est calculé, calibré pour que la génération Z qui peuple l’application fasse de ces morceaux les prochaines tendances.

@davidguetta

#letslove Can we go over difficult times together?Use #letslove to show us how you stay positive. it’s your time to shine ✨

♬ Let’s Love – David Guetta & Sia
Promotion par David Guetta en avant-première sur son compte TikTok de son dernier single Let’s Love

Fin du marketing, retour au bouche-à-oreille ?

Sur TikTok il faut buzzer, et pour ça il faut étonner, sortir du lot, mais en même temps, en utilisant les codes spécifiques qui rendent la plateforme si caractéristique.

Les maisons de disques jouent maintenant un tout autre rôle dans la chaine de construction de l’artiste. Auparavant repéré en premier lieu par un label qui soumettait une promesse de promotion du créateur auprès du public, le chemin peut désormais se faire en sens inverse, trouvant l’approbation du public qui lui permet d’arriver aux oreilles des Warner, Sony et compagnie. La découverte est plus que jamais entre les mains du public qui a le pouvoir de lancer ou non une carrière. Serait-ce le retour du bon vieux bouche-à-oreille ?

Oui et non car, même si le commun des mortels possède entre ses mains le sort de ces musiciens, cela résulte de fortes stratégies en coulisse pour prendre avantage dans la For You Page.

Une gloire éphémère et associée à TikTok

Cette glorification par vidéos aussi courtes révèle des effets pervers sur les artistes, devant jongler avec une notoriété nouvelle. Premier constat, quand une musique perce sur la plateforme, elle est très souvent modifiée – accélérée, remixée – pour coller davantage aux autres contenus. La version originale est donc parfois totalement méconnue et oblige les artistes à redoubler d’effort pour imposer leur composition. C’est ce qui est arrivé à Pierre De Maere qui, suite au succès d’une reprise de sa chanson, a dû faire un TikTok pour en dévoiler l’originale. Cela montre aussi la difficulté qu’ont les artistes à faire reconnaitre leur œuvre sur une plateforme ou la limite entre reprise et usurpation semble mettre à mal les droits d’auteur.

Les chansons ne sont reprises souvent que partiellement – toujours dans ce souci de rapidité – laissant un goût faussé d’une œuvre aux internautes. Si on sait que le passage entre TikTok et les plateformes de streaming audio se fait bien, cela ne le rend pas automatique. Certains interprètes s’en sont rendu compte lorsque lors de concerts ; les fans huaient les 10 lignes qui ont fait la trend, se retrouvant muet à la seconde suivante, comme si la vidéo s’était stoppée en direct, devant l’incompréhension de l’artiste.

Vidéo de Konbini sur un concert de Steve Lacy dont 20s du morceau Bad Habits a percé sur la plateforme, laissant le reste de la chanson totalement inconnue du public

TikTok crée des chansons TikTok, et c’est aussi là le risque. Au-delà d’une harmonisation certaine mais pas vraiment nouvelle – on retrouve le même fonctionnement dans les chansons en radio – c’est aussi l’association à une certaine tendance, défi ou juste à l’application qui peut porter préjudice à une œuvre. Les chansons trop associées à l’application, au même titre que l’on pourrait l’associer à une publicité à la télévision, peuvent subir une « décrédibilisation » aussi bien par une saturation de son audience qui y a été trop exposée (les tendances sont très éphémères) que par l’association trop forte au réseau social – assez peu valorisé socialement.

Les outils de diffusion ont toujours modifié l’industrie musical, ce petit monde se façonnant à la manière dont le public va pouvoir recevoir l’œuvre, pour qu’elle fonctionne et colle aux codes du moment. Les nouveaux artistes apparaissent et disparaissent aussi vites que les vidéos sur notre smartphone. Alors il faut vite capter l’attention. Les chansons les plus écoutées sur TikTok ont un impact sur les écoutes des plateformes de streaming qui sont aujourd’hui’ une des principales sources de revenu des maisons de disque. On en use alors, faisant des interprètes des objets d’influence, et de leurs œuvres un placement de produit. Quand 9% du temps musical se fait sur TikTok, le monde de la musique ne peut plus rester perméable au géant chinois et doit s’y adapter, sans perdre l’essence même de leur métier et de leur art.

Sophie PINIER

Sources

Bellery, S. (2022) Comment Tiktok Bouscule l’industrie Musicale, les artistes et nos habitudes, www.rtl.fr. RTL. Available at: https://www.rtl.fr/culture/musique/comment-tiktok-bouscule-l-industrie-musicale-les-artistes-et-nos-habitudes-7900199977 (Accessed: January 31, 2023).

Echelard, G. (2022) Pourquoi tiktok fait enrager l’industrie musicale, Challenges. Available at: https://www.challenges.fr/entreprise/des-millions-de-vues-pour-dix-euros-tiktok-ne-rapporte-pas-gros-a-l-industrie-de-la-musique_825954 (Accessed: January 31, 2023).

Félix, D. (2021) C’est quoi un label, Une Maison de disques, une maison d’édition ?, Didier Felix Avocat. Available at: https://www.didierfelix-avocat.com/cest-quoi-un-label-une-maison-de-disques-une-maison-dedition/ (Accessed: January 31, 2023).

Hugo (2019) Le rôle des maisons de disque, Marionmayer.fr. Available at: https://marionmayer.fr/le-role-des-maisons-de-disque/ (Accessed: January 31, 2023).

Lafay, Q. and Demeyère, V. (2022) Comment Tiktok bouleverse l’industrie musicale, France Culture. Available at: https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/et-maintenant/et-maintenant-du-jeudi-07-avril-2022-2170697 (Accessed: January 31, 2023).

L’impact de Tiktok Sur l’industrie Musicale (2022) Brut. Available at: https://www.brut.media/fr/entertainment/l-impact-de-tiktok-sur-l-industrie-musicale-68d4ab27-6cf0-4f00-8f63-7333f8734318 (Accessed: January 31, 2023).

Meghraoua, L. (2022) Comment Tiktok Vient Bouleverser l’industrie Musicale ?, L’ADN. Available at: https://www.ladn.eu/mutawants-media/tiktok-industrie-musicale/ (Accessed: January 31, 2023).

Richaud, N. (2020) Comment Tiktok Est Devenu Central dans l’industrie de la musique en lançant des carrières ou en ressuscitant des hits, Les Echos. Les Echos. Available at: https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/comment-tiktok-est-devenu-central-dans-lindustrie-de-la-musique-en-lancant-des-carrieres-ou-en-ressuscitant-des-hits-1276215 (Accessed: January 31, 2023).

Richaud, N. and Madelaine, N. (2020) L’application Phare des adolescents tiktok dans le Viseur de l’industrie de la Musique, Les Echos. Les Echos. Available at: https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/lappli-phare-des-adolescents-tiktok-dans-le-viseur-de-lindustrie-de-la-musique-1193250 (Accessed: January 31, 2023).

Seignol de Swarte, M. (2023) Statistiques Tiktok : Les Chiffres Clés pour 2023, Meltwater. Meltwater. Available at: https://www.meltwater.com/fr/blog/statistiques-tiktok (Accessed: January 31, 2023).

https://www.meltwater.com/fr/blog/statistiques-tiktok

Directive SMA et plateformes de SVOD : une nouvelle illustration de l’exception culturelle française

Face à la numérisation croissante des usages, les services de vidéos par abonnement américain sont progressivement intégrés aux modèles de financement du cinéma et de l’audiovisuel. Ceci est particulièrement vrai depuis l’actualisation de la directive SMA en 2018. Ce texte régit, à l’échelle européenne, la coordination des législations nationales couvrant tous les médias audiovisuels. Les États-membres de l’Union Européenne ont dû transposer le contenu de cette directive en droit interne avant septembre 2020.

Tandis que les précédentes versions de la directive concernaient les obligations des éditeurs nationaux, cette actualisation vient élargit le champ d’application aux plateformes de partage et de vidéos, aux réseaux sociaux, et au livestreaming. A l’échelle des États-membres, il existe des disparités d’application de cette directive. Tandis que certains États ont pris le parti de ne rien imposer aux services de SVOD, d’autres États comme la France ont signé des conventions historiques avec les plateformes de streaming américaines.

Les composantes et les objectifs de l’actualisation de la directive SMA

Dans la continuité de la directive SMA de 2007 et des modifications qui lui ont été apportées en 2010, l’actualisation de 2018 traduit la volonté de défendre une production audiovisuelle européenne.

Elle exige des pays membres qu’ils œuvrent, par les moyens appropriés, pour que les productions européennes soient majoritaires dans les émissions de télévision. Les États membres doivent par ailleurs encourager les organismes de radiodiffusion télévisuelle à inclure dans leurs programmations une part adéquate de coproductions européennes ou d’œuvres européennes originaires d’un autre pays. Les États membres doivent aussi veiller à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle réservent au moins 10% de leur temps d’antenne et 10% de leur budget de programmation à des œuvres européennes émanant de producteurs indépendants.

De leur côté, les services de médias audiovisuels à la demande doivent favoriser la production et la diffusion d’œuvres européennes afin de promouvoir activement la diversité culturelle. Ce soutien aux œuvres européennes peut par exemple prendre la forme de contributions financières de ces services à la production d’œuvres européennes, ou à l’acquisition de droits sur ces œuvres. Ce soutien peut aussi se matérialiser par le respect d’un pourcentage minimal d’œuvres européennes dans les catalogues de vidéos à la demande, ou de la présentation attrayante des œuvres européennes dans les guides électroniques des programmes.

Tandis que la directive SMA impose des quotas d’œuvres d’origine européenne et d’œuvres indépendantes aux organismes télévisuels, elle encourage les plateformes à favoriser la production et la diffusion d’œuvres européennes, sans donner d’objectifs chiffrés. C’est pour cette raison que les transposition en droit internet des articles concernant les plateformes de SVOD diffèrent beaucoup d’un pays à l’autre.

Une inégale transposition de l’article 13(6) en droit interne

Tandis que de nombreux pays européens n’ont pas imposé de nouvelles obligations aux services de vidéo à la demande, certains pays comme la France sont rapidement entrés en négociations avec les plateformes américaines.

Le cas français 

Les précédents textes législatifs consacrés aux SMAD – je pense ici au décret du 12 novembre 2010 relatif aux SMAD – encadraient uniquement l’activité des SMAD établis en France : les services de SVOD les plus populaires n’étaient donc pas concernés par ces textes. Netflix, Amazon Prime et Disney + sont désormais concernés par ces textes européens grâce à l’extension des obligations aux services établis dans d’autres pays.

Il est ainsi prévu que les services américains de vidéo à la demande par abonnement doivent consacrer 20% ou 25% de leur chiffre d’affaire réalisé en France dans des dépenses consacrées au cinéma et à l’audiovisuel français et européens. 85% de ces dépenses devront être consacrées aux œuvres d’expression originale française. Le décret prend aussi en compte la production indépendante en exigeant des éditeurs qu’ils consacrent une grande partie de leurs obligations d’investissement dans ces productions.

Ces investissement doivent majoritairement prendre la forme de préachats avant diffusion. Ils pourront aussi se matérialiser par des achats de droits de diffusion d’œuvres existantes ou à des restaurations d’œuvres de patrimoine français.

En contrepartie de ces investissements, les plateformes américaines ont obtenu une modification de la chronologie des médias. Les délais pour voir des films à la télévision ou sur un service de SVOD ont été réduits de 36 à 17 mois, voire 15 en cas d’accord avec le cinéma français – c’est le cas pour Netflix. Pour en savoir plus, ne pas hésiter à consulter l’article de Marc Le Roy pour l’INA.

Ce n’est pas la première fois que la France impose aux géants américains de financer le système de création audiovisuel national. La SVOD américaine paie également depuis 2018 la taxe vidéo – qui comprend notamment la taxe sur les entrées dans les salles de cinéma –  qui alimente le budget du CNC. L’exception culturelle française se verra ainsi financer à hauteur de 200 millions d’euros supplémentaires en obligation d’investissement, et ce montant est voué à augmenter chaque année.

Et ailleurs en Europe ?

Selon Alexandra Labret, directrice générale du European Producers Club, la France est le pays européen le plus ambitieux, à ce jour, dans les obligations imposées aux plateformes de SVOD américaines.

Comme le détaille Variety dans cet article, l’Italie est aujourd’hui le seul pays qui tente d’imiter la France, mais pour l’instant sans succès. Aucun accord n’a été trouvé après des mois de négociations. Le pays a tout de même promulgué unilatéralement une législation en 2021 qui impose un quota d’investissement compris entre 12,5% et 20% des revenus locaux des plateformes.

Les producteurs italiens se battent pour empêcher les plateformes d’acquérir des droits d’auteur en négociant directement avec des acteurs locaux car ils veulent garder la main sur le développement des nouvelles créations italiennes. En outre, l’Italie a une fiscalité intéressante en matière de production puisque les producteurs locaux bénéficient d’un abattement fiscal de 30% sur ces dépenses. Netflix, en coproduisant avec des acteurs locaux, profite indirectement de cette fiscalité.

Les exemples français et italiens illustrent les innombrables spécificités des systèmes de financement de l’audiovisuel en Europe et matérialisent les difficultés d’application des textes européens.

Pour en savoir plus : L’observatoire européen de l’audiovisuel a mis en place un outil permettant de savoir quels pays ont transposé la directive SMA, et de quelle manière. Cette base de données est particulièrement précieuse pour comparer la façon dont différents pays ont transposé un article en particulier.

Une nouvelle manifestation du protectionnisme culturel français

Cette surtransposition du droit européen incarne parfaitement ce qu’on appelle l’exception culturelle française. L’exception culturelle garantit la survie d’un système d’aide et de protection, et permet de rester compétitif face aux géants américains. Ce système de redistribution semble encore avoir de beaux jours devant lui – dans le domaine culturel, en tout cas.

Cependant, on peut craindre que les plateformes s’accaparent les productions françaises et européennes. La création française sera-t-elle aussi riche et diversifiée dans 20 ans, quand les plateformes auront fait leur place dans le système de financement du cinéma français ? Faut-il craindre une homogénéisation des contenus ? L’influence des géants américains sur les contenus permettra-t-elle de faire revenir du public en salle ?

Agathe MORNON

#Booktok : un nouveau chapitre pour l’industrie du livre

Nouvelle page, nouvelle vie pour le marché du livre. Aujourd’hui, dès lors que vous vous promènerez dans n’importe quelle librairie, la première chose que vous verrez, avoisinant les nouveaux livres de poche et les recommandations du personnel, est une table couronnée d’une affiche « #BookTok ». Mais quel est donc ce nouvel outil marketing de plus en plus en vogue ? Comment a-t-il permis une toute nouvelle pensée et réflexion sur les recommandations littéraires ? Comment les éditeurs ont-ils adopté cette tendance ?

Source : ActuaLitté, septembre 2022

Le réseau social au service de la littérature malgré lui

BookTok, rencontre du terme du terme « book » (« livre ») avec le terme « TikTok », c’est tout simplement une tendance du média chinois où les amoureux des livres réalisent de courtes et rapides vidéos en utilisant de la musique, des effets sonores et des photos pour donner vie aux œuvres littéraires. Certaines des vidéos les plus populaires sont centrées sur la réponse émotionnelle du lecteur au livre, par opposition au format typique de la critique. Au lieu de se concentrer sur l’intrigue ou l’auteur, les lecteurs parlent du voyage émotionnel qu’offre l’ouvrage. Une vidéo BookTok typique consiste à montrer à la caméra un certain nombre de livres. Certains contenus sont d’abord présentés avec les pages directement coupées, de sorte que l’on ne voit ni le dos ni la couverture, puis les titres sont progressivement révélés. D’autres vidéos montrent une pile de livres, dont les couvertures sont montrées à la caméra une par une. Certaines vidéos présentent des notes sur 10 pour chaque histoire, d’autres présentent le lecteur qui raconte une ou deux phrases maximum sur les livres. Il s’agit du type de contenu le moins complexe, mais il a depuis eu un impact extraordinaire sur les ventes de livres, en raison de sa portée.

Le phénomène a pris son envol avec TikTok pendant la pandémie de 2020, alors que le monde entier était coincé à l’intérieur et a commencé à redécouvrir les joies et l’évasion de la lecture. En parallèle, tout le monde recherchait une connexion humaine et BookTok a ainsi su satisfaire ces besoins. Et, contrairement aux cercles littéraires parfois étouffants, cette plateforme a l’avantage d’être accessible : il s’agit de personnes comme tout le monde, dans leur chambre et leur salon, discutant avec vous de ce qu’ils ont lu et apprécié. C’est la possibilité de se connecter avec des personnes partageant les mêmes idées qui rend #BookTok si populaire. Personne au sommet de la hiérarchie ne dicte quels livres doivent être lus. Les recommandations sont partagées entre les lecteurs, dans une sorte de bouche-à-oreille numérisé.

Suivant les pas de la tendance Bookstagram, aujourd’hui des milliers d’utilisateurs publient des vidéos sur leurs livres préférés sur l’application en utilisant le hashtag #BookTok. Au total, les vidéos portant cet hashtag ont obtenu plus de 100 milliards de vues pour 13 millions de vidéos associées à cette catégorie en janvier 2023.

Source : Capture d’écran de la plateforme TikTok le 31/01/2023

Alors pourquoi est-ce que cette trend marche-t-elle mieux sur TikTok que sur Instagram et les autres réseaux sociaux, vous demandez-vous ? Et bien TikTok peut remercier son algorithme pour cela. La plupart des réseaux sociaux, tels qu’Instagram ou Facebook, s’appuient davantage sur une dimension sociale, le but étant de vous connecter au sein d’un réseau de toutes les personnes avec lesquelles vous avez une relation, de près ou de loin. TikTok, en revanche, base son algorithme sur vos intérêts. Il fonctionne à partir de vos centres d’intérêt et du contenu avec lequel vous interagissez, en capturant vos goûts et vos dégoûts et en vous associant à d’autres groupes d’utilisateurs qui partagent ces intérêts. De cette manière, son reach (la portée d’un contenu) sera plus efficace.

#Booktok : le nouveau chouchou des éditeurs

A la tête des genres qui cartonnent sur BookTok : les livres de fantasy, de thrillers et de romance pour jeunes adultes. Parmi les noms qui reviennent le plus souvent et, selon les internautes, l’écrivaine américaine Colleen Hoover maîtrise ce genre à la perfection. Ses romans touchent manifestement une corde sensible chez les jeunes lecteurs : suspense, drame et grandes émotions sont au rendez-vous. Les fans BookTok de Colleen Hoover se filment en train de fondre en larmes en lisant ses livres. C’est le cas pour son roman It Ends with Us, vendu aujourd’hui à plus de 3,4 millions de copies. Chez nos libraires depuis août 2016, sa popularité a bondi en 2021 grâce à l’influence de BookTok et de ses rats de bibliothèque. En janvier 2022, le livre était numéro 1 sur la liste des meilleures ventes du New York Times et la semaine dernière, le casting pour son adaptation au cinéma était annoncé, avec Blake Lively en tête d’affiche.

Aujourd’hui, l’éventail des genres se déploie. La poésie s’immisce sur les écrans des utilisateurs avec le recueil Lait et miel de Rupi Kaur, tout comme le genre policier, avec l’arrivée sur la plateforme en octobre 2022 de l’auteur de La Vérité sur l’Affaire Harry Québert (Prix Goncourt des Lycéens 2012), Joël Dicker. Cette diversification de genres provient notamment d’un partenariat entre TikTok et Editis, groupe d’édition français. Alors pourquoi l’industrie de l’édition s’intéresse-t-elle à Booktok ?

De nombreux éditeurs et librairies essaient maintenant d’adopter la foule de BookTok. En effet, où trouver une audience si ce n’est sur une plateforme accueillant 1,2 milliards d’utilisateurs chaque mois ? De grandes maisons d’édition comme HarperCollins Publishers, Macmillan Publishers et Simon & Schuster sont présentes sur TikTok ; elles sont de plus en plus rejointes par de petites maisons d’édition, tout aussi avides de faire leurs études de marché. La maison d’édition Penguin Random House a d’ailleurs fait un partenariat avec le réseau en y créant une fonctionnalité pour retrouver plus facilement leurs livres  et ainsi leur donner plus de visibilité. Les grandes maisons d’édition envoient aux créateurs populaires des coffrets remplis de livres tout frais sortis de presse et destinés à être examinés. Les éditeurs et les libraires traditionnels ont compris l’influence de BookTok et essaient de trouver des moyens de l’utiliser dans leurs efforts de marketing en y dédiant un stand ou une rubrique internet. En 2022, TikTok a d’ailleurs été choisi pour être partenaire de la Foire du livre de Francfort, l’un des plus grands salons de la littérature. Cependant, certains ont du mal à trouver un moyen de maintenir l’authenticité du style de contenu de BookTok. En raison de la nature complexe de l’algorithme de TikTok, les initiés du secteur affirment qu’il peut être difficile de discerner ce qui ferait décoller la popularité d’un livre.

Les auteurs obtiennent également des contrats de publication grâce à leur exposition sur BookTok. En mars 2021, Alex Aster a posté sur TikTok une vidéo astucieuse sur un livre qu’elle voulait écrire, interpellant les utilisateurs de la manière suivante : « Liriez-vous un livre sur une île maudite qui n’apparaît qu’une fois tous les 100 ans pour accueillir un jeu permettant aux six souverains du royaume de briser leurs malédictions ? ». Il s’agissait en réalité des prémices d’un roman fantastique pour jeunes adultes sur lequel elle travaillait depuis quelques années. Le livre d’Aster avait déjà été rejeté par plus d’une douzaine d’éditeurs. En l’espace de quelques jours, sa vidéo BookTok avait été visionnée plus d’un million de fois. Il y avait des milliers de commentaires de personnes disant que, oui, elles l’achèteraient et le liraient. BookTok a été absolument fou de ce livre. Résultat : une semaine plus tard, Aster avait un contrat pour son livre. Le livre est sorti en août 2022, et avec sa publication, la nouvelle que Universal va en faire un film.

Il ne fait donc aucun doute que TikTok a eu un impact sur le monde du livre. Autrefois, la plupart des livres sortaient, avaient leur heure de gloire et disparaissaient ensuite, à moins qu’il ne s’agisse des rares ouvrages qui faisaient ensuite l’objet d’un film ou d’une série télévisée. Mais BookTok ne se soucie pas de savoir quand les livres ont été publiés. Il s’intéresse simplement à ce qui plait. Et en effet, il était grand temps que les livres sortent de l’ombre du succès des produits skincare et chorégraphies en tout genre et se hissent dans les tops des trends. La littérature revient enfin sur le devant de la scène médiatique et apparait désormais au creux de la main des internautes.

Victoria Kubisa

Sources :

Bainier, L. (2022) Les Succès de Librairie s’écrivent Aussi Sur TikTok, www.20minutes.fr. 20minutes. Accessible à : https://www.20minutes.fr/livres/4006724-20221023-phenomene-booktok-litterature-retrouve-influence (Lien visité le 26 janvier 2023).

Fasseur, B. (2022) Booktok : Tiktok ouvre une nouvelle fonctionnalité autour des livres, ActuaLitté.com. Accessible à : https://actualitte.com/article/107954/reseaux-sociaux/booktok-tiktok-ouvre-une-nouvelle-fonctionnalite-autour-des-livres (Lien visité le 25 janvier 2023).

Courrier international (2022) On en parle. Alex Aster, star de la rentrée littéraire grâce à #BookTok, Courrier international. Courrier International. Accessible à : https://www.courrierinternational.com/article/on-en-parle-alex-aster-star-de-la-rentree-litteraire-grace-a-booktok (Lien visité le 24 janvier 2023).

Chojnacki, R. (2022) Young adult fiction books maintain sales momentum in 2022, NPD says, The NPD Group. Accessible à : https://www.npd.com/news/press-releases/2022/young-adult-fiction-books-maintain-sales-momentum-in-2022-npd-says/ (Lien visité le 24 janvier 2023).

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2023 pourrait être une année décisive pour les services de streaming

Il est clair que les plateformes de streaming sont là pour rester, tandis que les groupes média traditionnels sont en pleine transformation. En 2022, Apple a remporté l’Oscar du meilleur film pour CODA, Amazon a racheté MGM, et Netflix a investi dans les jeux et développé des offres contenant de la publicité pour la première fois. En outre, le nouveau PDG de Disney, Bob Chapek, est en train de restructurer l’entreprise pour qu’elle se concentre davantage sur le streaming.

Une étude réalisée par Morgan Stanley (2022) a démontré que si ces efforts ne parviennent pas à produire des bénéfices significatifs en matière de streaming, les options pour ces entreprises seraient de se retirer ou de se consolider. Par conséquent, 2023 sera une année cruciale pour les nombreux acteurs du streaming.

La pression est de plus en plus forte pour équilibrer les réseaux linéaires en déclin et les services de streaming non rentables

Il est probable que la qualité du contenu souffrira en 2023. Jusqu’à maintenant, les services de streaming payaient des frais de production et de licence exorbitants, et ce n’est tout simplement pas une voie durable vers la rentabilité à long terme. C’est pourquoi, dans un futur proche, nous risquons de voir un mélange de contenus contenant probablement plus de contenus bon marché et renouvelables au détriment des séries et films originaux de qualité (Ubertalli, 2023). Ceci est problématique car c’est souvent la qualité du contenu qui incite les utilisateurs à s’abonner. Les services de streaming doivent trouver le bon calcul économique qui leur permettra de maintenir la qualité tout en augmentant leur rentabilité. Selon le groupe de recherche Ampere, la croissance globale des dépenses en contenus originaux devrait passer de 6% en 2022 à seulement 2% en 2023 (Ampere Analysis, 2023). Si l’on exclut les arrêts de production pendant la pandémie de coronavirus, le taux d’expansion est le plus faible depuis plus de dix ans, période pendant laquelle les dépenses mondiales totales sont passées de 128 milliards à 243 milliards de dollars (ibid.).

Cette nouvelle analyse s’aligne sur un rapport précédent d’Ampere, qui montrait une diminution des commandes de séries scénarisées dans l’ensemble du secteur (Ampere Analysis, 2022). Une façon de réduire les coûts de contenu est de produire des séries non scénarisées, qui sont moins coûteuses par heure de divertissement. Le déclin du streaming à gros budget est déjà en cours, puisque des sociétés comme Warner Bros. Discovery ont déjà procédé à des annulations très médiatisées et arrêté des productions. De même, on s’attend à ce que Disney, sous la direction de Bob Iger, apporte des changements importants à sa stratégie de streaming. Quant à Netflix, le service a déclaré qu’il maintiendrait ses dépenses de contenu à environ 17 milliards de dollars pour 2023, comme il l’a fait en 2021 et 2022, mais qu’il dépenserait cet argent de manière plus efficace (Ubertalli, 2023).

Réduire les dépenses de contenu tout en augmentant le prix des services : une combinaison dangereuse

La plupart des nouveaux services de streaming s’efforcent de générer des revenus plus élevés par utilisateur en 2023. Pendant ce temps, Netflix descend en gamme avec son nouveau niveau de service financé par la publicité. Les deux stratégies visent à maximiser la croissance totale des revenus. Disney a déjà mis en œuvre sa hausse de prix, et de nombreux autres diffuseurs en continu prévoient de le faire également, si ce n’est déjà fait. Warner Bros. Discovery prévoit de fusionner HBO Max et Discovery+, ce qui pourrait s’accompagner d’une hausse des prix (Charp, 2022). Faire payer plus tout en offrant moins est une opération difficile pour les diffuseurs. En 2022, les consommateurs se sont déjà montrés sensibles aux prix, passant d’un service de streaming à un autre. Netflix, en particulier, a eu du mal à faire progresser le nombre de ses abonnés après avoir augmenté ses prix au début de l’année (Bayard, 2022).

Alors que les consommateurs sont aux prises avec l’inflation et tentent de réduire les dépenses non essentielles, Apple a servi à ses clients une autre pilule difficile à avaler. La société augmente les prix d’Apple TV+ et d’Apple Music et Apple One, citant une augmentation des coûts de licence et la qualité de ses services comme des raisons justifiant cette décision (Grably, 2022). À compter d’aujourd’hui, chacun des services mentionnés ci-dessus verra son prix mensuel augmenter de 1 à 3 dollars par mois, et les prix des abonnements annuels augmenteront en conséquence.

La décision d’Apple d’augmenter ses prix de streaming intervient quelques mois seulement après que Netflix et Disney, leaders du marché, ont pris des mesures similaires. En janvier, Netflix avait annoncé sa deuxième augmentation de prix en moins de deux ans, portant le prix de son forfait standard à 15,49 dollars par mois. Disney, quant à lui, a fait passer le prix de son abonnement standard Disney+ à 10,99 dollars en décembre dernier. Cette dernière série d’augmentations de prix intervient à un moment désagréable pour les consommateurs, qui doivent désormais faire des choix difficiles en ce qui concerne leur budget divertissement.

Selon les résultats récents de l’enquête mondiale sur la consommation de Statista, deux tiers des adultes américains ont déclaré qu’ils réduiraient leurs abonnements pour économiser de l’argent en période de forte inflation, et les augmentations de prix pourraient contribuer à forcer la main des gens (Statista, 2022). Si l’on exclut Netflix, Morgan Stanley (2022) estime que les services de streaming ont subi des pertes d’exploitation d’environ 10 milliards de dollars en 2022. Les pertes devraient culminer pour certains services en 2023 dans ce que les analystes appellent une « année de basculement », où il sera clair que les coûts atteindront des niveaux insoutenables.

Certains services trouvent déjà d’autres voies pour réaliser des bénéfices

Les plateformes de streaming sont confrontées à un environnement difficile en raison de la concurrence et de la télévision linéaire traditionnelle. Si elles ne parviennent pas à générer suffisamment de bénéfices grâce à leur service de streaming, elles risquent d’avoir du mal à rester à flot. Par conséquent, celles-ci peuvent être amenées à envisager d’autres manières de réaliser des bénéfices.

En 2022, le « free, ad-supported television streaming » (FAST) a continué à s’accélérer. Pluto TV de Paramount, Tubi de Fox, Freevee d’Amazon et Roku Channel ont enregistré des gains qui, dans certains cas, ont dépassé la croissance des services par abonnement (Paoli Lebailly, 2022). Aujourd’hui, d’autres cherchent à se lancer dans cette voie rapide, notamment Warner Bros. Discovery qui a annoncé son intention d’accorder des licences pour certains contenus diffusés sur HBO Max (notamment Westworld) à des partenaires FAST tiers (Hailu, 2022). En outre, David Zaslav, responsable de Warner Bros. Discovery, a déclaré que la société allait « attaquer agressivement » le marché du streaming avec sa propre offre FAST qui sera lancée en 2023 (ibid.).

Néanmoins, des services comme Netflix n’ont pas la possibilité d’accorder des licences sur leur contenu à d’autres plateformes car il est exclusif à leur service. Pour pallier cette situation, Netflix a introduit un niveau de service soutenu par la publicité et prévoit de sévir contre le partage de mots de passe à l’avenir afin de diversifier ses sources de revenus et de conserver ses abonnés existants (Fougères, 2022). Les plateformes venant de lancer des offres avec publicité comme Netflix et Disney+ prévoient que le revenu moyen par compte sera égal ou supérieur à celui de l’abonnement équivalent sans publicité (AFP, 2022). Mais le marché est confronté à un grave ralentissement des dépenses publicitaires, de sorte que cela pourrait ne pas apporter la même augmentation des revenus que celle à laquelle pensaient les équipes de direction lorsqu’elles ont élaboré leurs plans.

Quant à Disney et Warner Bros. Discovery, les deux groupes sont fortement tributaires des bouquets de chaînes câblées, les fameux « bundles » (Bunch, 2022). Sur un marché saturé, Amazon, HBO Max et d’autres fournisseurs de services de streaming explorent également les forfaits à prix réduit et les partenariats avec leurs rivaux. Les principaux acteurs du secteur ont du mal à se développer sur un marché aussi encombré et réalisent qu’ils doivent proposer leurs offres sous de nouvelles formes. Cela signifie moins de « commandes à la carte » et l’apparition d’une nouvelle ère de forfaits.

D’autre part, certains services de streaming espèrent ajouter leurs services aux abonnements des grands retailers. Paramount Global a conclu un accord pour que son service de streaming Paramount+ soit proposé dans le cadre du programme d’adhésion Walmart+ à 98 dollars par an (Cagan, 2022). Pour que les acteurs du streaming puissent conclure des partenariats avec les retailers, ils doivent surmonter un certain nombre de difficultés, notamment savoir qui peut accéder aux données des clients et comment répartir les ventes de publicité. Cela explique en partie pourquoi les négociations dans ce secteur ont progressé lentement. De plus, les partenariats peuvent comporter des risques financiers. Si une offre groupée n’est disponible que pour une durée limitée, de nombreux clients risquent de la quitter à son expiration.

Conclusion

En 2023, ce sera au plus fort de se débrouiller. Les services de streaming qui ont le soutien, l’envergure et la diversité financière nécessaires pour jouer le jeu à long terme et fonctionner avec des marges plus faibles, ou des marges d’équilibre, seront les mieux placés pour survivre. La pression est désormais forte pour que ces services soient rentables. L’abondance des options de streaming proposées aux consommateurs aujourd’hui laisse penser que ce seront les choix du public qui définiront de manière significative l’avenir du secteur du streaming.

Capucine CHAPPEY

Bibliographie

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Hailu, S., (2022). Yanked HBO Max Series Like ‘Westworld’ to Land at Third Party Ad-Based Streamers As Warner Bros. Discovery Plans to Launch Its Own. Variety [En ligne]. Disponible via : https://variety.com/2022/tv/news/warner-bros-discovery-hbo-max-fast-1235461623/ [Ouvert le 21/01/2023].

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Ubertalli, O., (2023). Streaming vidéo : la fin de l’âge d’or. Le Point [En ligne]. Disponible via : https://www.lepoint.fr/economie/streaming-video-la-fin-de-l-age-d-or-07-01-2023-2504003_28.php#11 [Ouvert le 19/01/2023].

SVOD, quels seront les acteurs de demain ?

Le marché de la SVOD s’apparente à un oligopole à frange concurrentielle, comme pour beaucoup d’acteurs des industries culturelles. On retrouve quelques géants qui accaparent la majorité du marché alors qu’une quantité de petits acteurs se partage une part de marché très réduite. 

Au rang de leaders mondiaux, on retrouve évidemment Netflix et ses quelques 230 millions d’abonnés révélés avec le rapport financier du dernier trimestre de l’année 2022, devant Amazon Prime et Disney+. Toutefois, c’est bien Walt Disney Company qui s’impose en tant que leader si l’on comptabilise les abonnés de ses 3 plateformes : Hulu, Disney+ et ESPN+.

Mais dans cet environnement ultra-concurrentiel et dynamique, quels seront les vrais leaders d’aujourd’hui et surtout, quels seront ceux de demain ?

Les États-Unis sont souvent utilisés comme point de comparaison afin de prévoir les tendances de marché. Les industries culturelles n’échappent pas à ce constat et l’économie de la SVOD non plus. En effet, bien que le déploiement et l’adoption de la SVOD soit un phénomène mondial, les différents marchés géographiques n’affichent pas tous la même maturité.

Étude du cabinet Parks Associates parue en 2022

Les plateformes de SVOD américaines, hégémoniques dans le monde, s’appuient toutes plus ou moins sur des studios de production, préexistants ou non, mais surtout sur des majors et/ou des activités parallèles comme les GAFAM Amazon et Apple, que d’autres tentent de compenser avec le déploiement d’une offre publicitaire. 

Prime semble tenter de concurrencer tous les acteurs en capitalisant sur son propre studio, à la manière d’Apple et de Netflix, ainsi qu’à l’aide d’une major historique rachetée l’année passée, MGM (et sa plateforme, MGM+, ex-EPIX). Une stratégie qui semble porter ses fruits puisque le géant se positionne à présent en tant que leader sur le marché américain en termes d’abonnements et de streams. 

Netflix, dans la lumière l’année passé face à sa chute d’abonnés, demeure néanmoins une marque importante et plébiscité dans le monde, notamment chez les jeunes et aux États-Unis. Les enjeux pour le géant semblent résider dans sa capacité à générer de la valeur face à des concurrents supportés par de grands groupes puissants auxquels il a répondu avec le déploiement d’une offre publicitaire.

Face à ces acteurs, Walt Disney s’impose également un peu plus grâce à sa franchise incontournable mais surtout ses trois plateformes distinctes (Disney+, ESPN+, Hulu) qui lui permettent en cumulé de s’imposer devant Netflix dans la course aux abonnés. Une véritable solution pour le groupe qui lui permet également de lutter contre la volatilité des jeunes abonnés, tout en leurs proposant une offre publicitaire sur ses plateformes Disney et Hulu qui disposent d’un bon taux de pénétration auprès des jeunes. 

Autre membre des GAFAM, Apple et sa plateforme AppleTV+ affiche de bons résultats mais ne s’appuie ni sur des studios extérieurs au sien (malgré sa tentative d’achat de la société de production en vogue A24, en 2021 selon Variety) ni sur un modèle de publicité. Le géant du numérique, à la manière d’Amazon, peut néanmoins compter sur son importante activité de vente de terminaux audiovisuels, lui procurant un certain avantage de par sa présence sur la fin de la chaîne de valeur de l’audiovisuel. 

Paramount+ semble également se positionner de manière intéressante dans cette course avec un modèle sans publicité pour le moment, à la manière d’Apple et Prime. Cet acteur dispose également de gros moyens financiers, d’une diversité et d’une innovation au sein de ses activités (lancement de la FAST FuboTv) au sein d’un groupe possédant à la fois un studio et des salles de cinéma via sa maison mère, National Amusement. 

Autre gros acteur américain, HBO max, plateforme de Warner-Discovery, depuis leur fusion l’année passée, s’appuie à la fois sur une major de l’industrie et sur une offre publicitaire avec des contenus plébiscités dans l’industrie, réelle valeur ajoutée créative. Tout comme Peacock (la plateforme du groupe NBC-Comcast qui inclut notamment Universal studio et ses filiales telles que DreamWorks et Illumination Pictures) et Lionsgate+ (la plateforme du groupe et studio américano-canadien éponyme) qui fonctionnent selon le même modèle. 

Enfin Youtube TV, également plébiscité chez les jeunes américains de la GenZ, donne un indice sur les futures tendances. La plateforme de Google, positionnée sur un contenu très différent, n’en demeure pas moins annonciatrice de changements plus profonds dans la consommation de contenus, nous orientant aussi vers la future place des réseaux sociaux dans l’économie du contenu ou des FAST, en pleine essor grâce aux TV connectées.

Le marché de la SVOD aux États-unis étant aujourd’hui considéré comme saturé, certaines tendances pourraient néanmoins continuer d’apparaître et bouleverser d’autres marchés géographiques.

Que peut-on en déduire pour la France, l’Europe et le reste du monde ? 

La France


Le marché français de la SVOD, bien qu’ayant une maturité moindre par rapport au marché américain devient de plus en plus difficile à pénétrer. On retrouve, d’après JustWatch, les géants Netflix, Prime, Disney+ et, à moindre mesure, Apple TV ainsi que l’acteur local Canal+ qui renforce son marché avec le rachat récent d’OCS, illustrant l’échec des télécoms à s’imposer dans ce secteur. Salto, acteur du secteur a quant à lui définitivement quitté le marché, ne parvenant pas à faire briller l’alliance des chaînes TV des groupes Bouygues et RTL. 

Le marché reste cependant mouvant dans ce secteur comme l’illustre le départ et le rachat évoqué ci-dessus. On note également l’arrivée express de Lionsgate+, déjà disparu de nos écrans tandis que Paramount+ a fait son grand lancement français fin 2022. HBOmax a décidé d’amorcer une arrivée en douceur sur le marché via un partenariat avec Prime video qui diffusera les contenus de la plateforme avec son offre Pass Warner dès le mois de mars prochain dans l’attente d’un potentiel lancement de manière indépendante pour l’année prochaine.

Face à ces nouveaux arrivants, Canal + semble tout de même en posture de consolider sa position. L’entreprise dispose en effet de son propre studio, porté par le groupe Vivendi, actif dans la presse (Prisma), la publicité (Havas), l’édition (Lagardère, Éditis) et plus récemment le jeu vidéo (Gameloft). 

Reste toutefois des acteurs minoritaires tels que Mubi, SOFAVOD, La cinetek, Universcine ou FilmoTV (disponible via des offres de FAI) qui s’installent avec des offres de niche moins large à destination des cinéphiles. 

Europe, Asie, Afrique

En dehors de la France et des États-Unis, les leaders du marché demeurent sensiblement les mêmes. Cependant, certaines plateformes telles que, DAZN, le “netflix du sport”, Showmax, la plateforme Sud-Africaine qui se classe en 3e position sur l’ensemble du continent Africain selon une étude de digital TV research ou encore Jio en Inde (avec Jio TV et Jio Cinema) tentent de se faire une place.  

En somme

L’hégémonie américaine tend à se renforcer, s’implantant de manière autonome à l’aide d’acteurs américains déjà implantés ou via la collaboration ou la création de coentreprises avec des acteurs locaux. On peut continuer de s’interroger sur l’avenir de Sony dans cet écosystème. Bien ancré dans différents secteurs tels que celui du jeu vidéo, Sony incarne la dernière major américaine n’ayant pas encore éclos sur le marché de la SVOD, bien qu’elle propose une offre très limitée et Premium, Bravia Core.

Concernant le modèle économique, seuls Prime, Paramount et Apple ne proposent pas d’offre moyennant de la publicité. On peut supposer qu’elles y parviendront également progressivement. Cette alternative offrant à la fois un revenu complémentaire et une cible intéressante dans l’ère actuelle du phénomène de « churn and return », bien connu de la genZ et des millenials. 

Les différences culturelles persistantes dans le monde peuvent toutefois représenter une opportunité d’émergence pour des acteurs non-américains qui pourraient s’allier avec ces derniers. Enfin, l’indépendance dans ce secteur semble s’avérer de plus en plus complexe, destinée à viser un marché de niche, plus petit, dans une économie de la SVOD elle-même en concurrence avec des social medias et notamment Youtube. La qualité des contenus et la “découvrabilité” de ces derniers n’en seront que de plus en plus importantes dans les années à venir. 

Hannah Roux-Brion

Sources :

Stéphane Loignon (2023). Amazon Prime Video s’allie avec Warner pour diffuser les séries HBO en France [en ligne] Disponible via : https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/amazon-prime-video-sallie-avec-warner-pour-diffuser-les-series-hbo-en-france-1896640

Pascal Lechevallier (2022). “Churn and Return” : menaces sur la SVOD. [en ligne] Disponible via : https://www.zdnet.fr/blogs/digital-home-revolution/churn-and-return-menaces-sur-la-svod-39939775.htm

Influecia avec NPA (2022). Après la TV, les 15/24 ans désertent déjà la SVoD [en ligne] Disponible via : https://www.influencia.net/apres-la-tv-les-15-24-ans-desertent-deja-la-svod/ 

Influencia avec NPA (2022). SVOD, découvrabilité des programmes [en ligne] Disponible via : https://www.influencia.net/coupe-du-monde-de-rugby-le-signal-dalerte-lance-par-tf1-m6-et-france-televisions/

Héloïse Décarre (2023). Guerre du streaming : l’âge d’or des plateformes de SVOD est-il vraiment derrière nous ? [en ligne] Disponible via : https://leclaireur.fnac.com/article/222486-guerre-du-streaming-lage-dor-des-plateformes-de-svod-est-il-vraiment-derriere-nous/

Hrowitz research (2022). Study Reveals Differences in Media Behaviors Between Older and Younger Gen Z Consumers, With TV Becoming Increasingly Relevant as the Cohort Matures [en ligne] Disponible via  : https://www.horowitzresearch.com/all/study-reveals-differences-in-media-behaviors-between-older-and-younger-gen-z-consumers-with-tv-becoming-increasingly-relevant-as-the-cohort-matures/

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Statista (2021). Share of consumers who subscribed to selected video streaming services in India as of May 2021 [en ligne] Disponible via : https://www-statista-com.proxy.bu.dauphine.fr/statistics/684108/india-popular-video-streaming-services/

La montée en puissance des GAFA sur le marché des droits sportifs

Traditionnellement diffusés par les chaines de télévision, publiques ou privées, les évènements sportifs attirent de plus en plus les géants du numérique.  

Le dernier gros coup en date a été réalisé par Google en décembre dernier, en obtenant la diffusion sur YouTube des matchs du dimanche de la NFL, le championnat de football américain, durant 7 ans. Pour remporter ce prestigieux « Sunday Ticket », la note est élevée puisque le New York Times l’estime à 2,5 milliards de dollars par an.

Photo de Luis Santoyo sur Unsplash

Les rencontres seront une option en plus sur YouTube TV, un service qui donne accès à de nombreuses chaînes de télévision aux Etats-Unis. Les Américains pourront également y avoir accès « à la carte », grâce aux YouTube Primetime Channels. Avec la NFL, YouTube espère augmenter son nombre d’abonnés qui, en juillet dernier, atteignait déjà 5 millions. Certes c’est une plateforme de streaming, mais puisque c’est également un distributeur, cela pourrait être bénéfique aux chaînes linéaires présentes dans le bouquet de YouTube TV.

Jusqu’à présent, YouTube ne touchait pas au direct et s’arrêtait au contenu en lien avec le sport. La plateforme disposait d’ailleurs déjà d’un partenariat avec la NFL, et diffusait des vidéos des coulisses de la compétition, ou des talk-shows. Google fait donc à son tour officiellement son entrée dans la retransmission du sport en direct.

D’autres géants ont passé le cap avant lui.

Où en sont les autres ?

Cet accord à 2,5 milliards de dollars montre à quel point les GAFA ont une importance croissante sur le marché des droits sportifs mondiaux. Depuis plusieurs années, certaines entreprises, notamment des plateformes SVOD, tentent de se diversifier et d’investir dans la diffusion du sport, un domaine à fort potentiel. C’est d’autant plus attractif pour des acteurs qui basent leur business model sur la publicité (comme Facebook) car les audiences sont généralement très fortes. Un acteur comme Amazon y voit également l’opportunité d’attirer de nouveaux clients vers son abonnement Prime, qui inclut à la fois des livraisons gratuites et une plateforme vidéo, et ainsi vers son site marchand.

À part Google et la NFL, quels deals ont été conclus ?

En 2022, Apple a annoncé avoir acheté les droits de l’intégralité des rencontres de la Major League Soccer (MLS), le championnat de football nord-américain. 250 millions de dollars au minimum par saison jusqu’en 2032, c’est ce qu’aurait accepté de payer l’entreprise. Pour regarder ces matchs, les utilisateurs pourront se rendre sur Apple TV, la plateforme de streaming d’Apple, et devront payer un abonnement supplémentaire. Avant cela, un partenariat avait été conclu entre Apple et la Ligue majeure de baseball (MLB), avec une diffusion de deux matchs en direct le vendredi, ainsi que des émissions comme le Friday Night Baseball. Cette retransmission n’est pas encore disponible en France mais elle l’est dans de nombreux autres pays, y compris des pays européens comme le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie.

De son côté, Disney a déboursé 3 milliards de dollars pour conserver les droits télévisés traditionnels du cricket en Inde, une discipline qui attire des millions de téléspectateurs. Cependant, le groupe a perdu les droits de diffusion de la compétition en streaming qui sont extrêmement précieux, avec une consommation de contenus sportifs sur portable qui explose. C’est un gros coup dur pour Disney qui pourrait perdre jusqu’à 20 millions d’abonnés sur Disney+. A travers les chaînes ABC et ESPN, qu’il détient à 80%, le groupe Disney a mis la main sur d’autres droits sportifs, notamment ceux de la NBA. Ces derniers prendront fin en 2025, mais Disney veut les renouveler.

Amazon, vrai leader

Dans la conquête des droits sportifs, Amazon reste l’acteur le plus avancé. On se souvient de son entrée fracassante dans la diffusion du football français lorsque le géant a obtenu les droits de 80% des matchs de Ligue 1 et de l’intégralité de ceux de Ligue 2 pour la modique somme de 250 millions d’euros par an. Il est désormais possible de contempler les dribbles endiablés de Neymar Jr en passant par la plateforme Prime Video, à condition d’avoir payé l’abonnement supplémentaire (le « Pass Ligue 1 »).

Le Pass Ligue 1 sur Prime Video
Source : Primevideo.com

Avant cela, Amazon avait déjà acheté les droits exclusifs de certaines rencontres de Roland Garros. Cet accord a fait grand bruit, certains estimant que les sports comme le tennis ou le cyclisme n’ont rien à faire sur des plateformes SVOD. En effet, les fans pouvaient jadis regarder tout Roland Garros gratuitement sur les différentes chaînes de France Télévisions. Ils doivent désormais s’abonner et débourser de l’argent.

Amazon avance également ses pions hors de France. Aux Etats-Unis, Prime Video retransmet les matchs du jeudi soir de la NFL ainsi que certains matchs de baseball des Yankees. La plateforme diffuse également plusieurs rencontres de la Premier League anglaise. Le groupe a même réussi à mettre la main sur les droits de la Ligue des Champions dans plusieurs pays comme l’Allemagne et l’Italie. A l’approche de la fin du mariage NBA-ESPN/TNT, les chaînes de Disney et Warner Bros, Amazon apparaît de plus en plus comme un sérieux concurrent qui pourrait rejoindre la prochaine bataille des droits du basketball. Le combat risque d’être intense, et le prix de la compétition devrait atteindre des records.

Face à la croissance exponentielle de son offre de contenus sportifs, Amazon pourrait innover. Selon certains médias, une application entièrement dédiée au sport serait en développement. Cette dernière permettrait à la fois d’alléger la plateforme Prime Video, mais aussi de mettre davantage en valeur son catalogue sportif. L’idée peut être intéressante, mais ce serait néanmoins un challenge pour Amazon qui se verrait obligé d’investir encore plus dans ce domaine. L’entreprise pourrait être tentée de mettre en place un coût supplémentaire pour avoir accès à ces contenus sportifs sur l’application. Peu d’informations ont filtré et il est tout à fait possible qu’elle ne voie jamais le jour. Cependant, ce projet montre à quel point Amazon ne compte pas s’arrêter là, et souhaite s’imposer comme un véritable leader dans la diffusion du sport en direct. C’est ce que viennent confirmer les propos du PDG de l’entreprise, Andy Jassy, qui a déclaré “I think you’ll continue to see us investing in sports. Sports is such a unique asset. If you look every year at the most watched programs, sports often occupies 75% of those spots. They drive live engagement and they drive Prime subscriptions”

Quid de Netflix ?

Amazon, Google, Apple, Disney…presque tous les géants du numérique se mettent à investir dans le sport en direct. Mais où en est Netflix ?

Comme ses nombreux concurrents, Netflix tente de se diversifier. A la fin de l’année 2022, les spéculations grandissaient sur son entrée ou non sur le marché des droits sportifs. En effet, un premier pas a été fait dans ce domaine,  avec des séries en lien avec le sport. On peut citer Formula 1 qui a eu un succès retentissant. Avec ce triomphe, Netflix pourrait avoir l’envie de se mettre à diffuser du sport en direct. La plateforme aurait en outre essayé d’obtenir les droits de diffusion en direct de la Formule 1 (aux Etats-Unis), mais aurait échoué face à Disney. Les droits de diffusion trop onéreux l’auraient également fait renoncer à retransmette des matchs de tennis de l’ATP Tour dans certains pays européens.

La série Netflix Formula 1 Pilotes de leur destin
Source : Netflix.com

Des rumeurs ont suggéré que Netflix serait en train de discuter avec certaines ligues, dans le but de diffuser des sports moins connus tel que le surf. Cependant, en décembre 2022, le co-PDG de l’entreprise a déclaré qu’elle ne pouvait pas se permettre d’investir dans les droits sportifs. Ce n’est pas faute d’intérêt, il ne ferme pas la porte, mais il indique que pour le moment, ils ne voient pas comment rendre cet investissement rentable.

GAFA et chaînes de télévision, une compétition peu équilibrée

En se mettant à diffuser du sport en direct, les GAFA viennent concurrencer les chaînes de télévision. Mais peut-on vraiment parler d’une concurrence ? En tout cas, elle semble assez déséquilibrée. Pour obtenir les droits des compétitions qu’ils souhaitent, les géants du numérique dépensent des sommes astronomiques face auxquelles les chaînes ne peuvent tout simplement pas rivaliser. Les montants de ces droits atteignent des sommets qui auraient paru inenvisageables il y a quelques années. D’autant plus que le retour sur investissement est dur à évaluer. Un acteur comme Amazon peut se permettre de perdre de l’argent. Sa stratégie vise plus à gagner en visibilité qu’à s’enrichir directement.

Actuellement, les GAFA semblent assez intouchables, et on a du mal à imaginer un futur où ils ne contrôleraient pas dans son intégralité la diffusion des sports en direct. Pour survivre, les chaînes de télévision devront se réinventer et innover. Cependant, l’argent ne fait pas tout et les échecs sont possibles, comme celui de Médiapro avec Téléfoot. Les GAFA doivent réussir à mobiliser les audiences, à recruter des abonnés, à une époque où le piratage explose.

Jeanne Lapeyre

Sources

Cousin, C. (2022) Apple et amazon avancent leurs pions dans les droits sportifs, L’AGEFI. Available at: https://www.agefi.fr/corporate/actualites/quotidien/20220616/apple-amazon-avancent-leurs-pions-dans-droits-345777

McCaskill, S. (2023) Amazon plans dedicated Prime Video app for live sports streaming, SportsPro. Available at: https://www.sportspromedia.com/broadcast-ott/amazon-prime-dedicated-sports-app-launch/?zephr_sso_ott=kUs1i1

 Rizzo, L. (2022) YouTube’s NFL ‘Sunday ticket’ deal is a win for traditional TV networks, too – here’s why, CNBC. CNBC. Available at: https://www.cnbc.com/2022/12/23/youtube-nfl-sunday-ticket-deal-win-for-traditional-media-companies.html

Guadalupe, F. (2022) Droits sportifs : Youtube s’offre du football américain, ozap.com. Puremédias. Available at: https://www.ozap.com/actu/droits-sportifs-youtube-s-offre-du-football-americain/625622

Netflix explores investing in live sports, bids for streaming rights: WSJ (2022) CNA. Available at: https://www.channelnewsasia.com/sport/netflix-explores-investing-live-sports-bids-streaming-rights-wsj-3055156

Malik, A. (2022) Amazon is working on a standalone app for Sports Content, new report claims, TechCrunch. Available at: https://techcrunch.com/2022/12/28/amazon-standalone-app-watching-sports-content-report-claims/?guccounter=1&guce_referrer=aHR0cHM6Ly93d3cuZ29vZ2xlLmNvbS8&guce_referrer_sig=AQAAAEJK-obrJz_pIQaJNSzALunJueXGw0QYL3m-luGbYd2UimPpcPZteRxSppXG4Mh7nvSSrLNEell94A0Ke1IYzJ_6fayMSZ8QUQdYuYFuPcJqegRkeDnqfgJw9SlgU9e0vfVxFMNCWacbKPctmvc7liG1ROTP4CD_5QikrRng5ncH

Fromentin, M. (2022) Amazon Travaillerait Sur une application mobile dédiée AU Sport, Begeek.fr. Available at: https://www.begeek.fr/amazon-travaillerait-sur-une-application-mobile-dediee-au-sport-377008

Piquard, A. (2022) YouTube s’offre les droits des matchs du dimanche de football américain, Le Monde.fr. Le Monde. Available at: https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/12/22/youtube-s-offre-les-droits-des-matches-du-dimanche-de-football-americain_6155424_3234.html

El Kerf, N. (2022) Droits TV du sport: Les Chaînes Frémissent Face aux Moyens des Gafa, SNRTnews. Available at: https://snrtnews.com/fr/article/droits-tv-du-sport-les-chaines-fremissent-face-aux-moyens-des-gafa-63169

Demay, J. (2022) Droits TV: Disney Ne Veut Pas Lâcher la NBA, Basket USA. Available at: https://www.basketusa.com/news/667889/droits-tv-disney-ne-veut-pas-lacher-la-nba/

Moy, T. (2021) Amazon privatise La diffusion de Roland Garros : Nouvel Assaut Contre Le Sport Populaire, Marianne. Marianne. Available at: https://www.marianne.net/societe/medias/amazon-privatise-la-diffusion-de-roland-garros-nouvel-assaut-contre-le-sport-populaire

McCarthy, M. (2022) Amazon is proving it’s a contender to land NBA rights, Front Office Sports. Available at: https://frontofficesports.com/nba-media-rights-amazon-prime-video/

Le phénomène Emily in Paris : entre placement de produit et publicité native.

Depuis le 2 octobre 2020, la folie “Emily in Paris” ne cesse d’accroître. En effet, depuis 3 saisons, la série de Darren Star produite par Netflix enchaîne les records de visionnage. La dernière saison mise en ligne par la plateforme de SVOD américaine a cumulé 177 millions d’heures de visionnage en seulement 5 jours.

Mais le phénomène Emily in Paris ne se lit pas seulement à travers le prisme des audiences. En effet, la série est aussi largement connue pour son impact publicitaire.  Depuis le lancement de la première saison, nous remarquons qu’après la diffusion des épisodes, des pics de recherche des mots-clés liés à la série sont enregistrés par les moteurs de recherche mais pas seulement, certains objets et notamment des vêtements et accessoires voient leurs ventes exploser. 

Mais ce phénomène est-il délibérément initié par les producteurs de la série ?  Et à qui bénéficie le plus son succès ?

L’impact publicitaire d’Emily in Paris est notamment dû à la très efficace utilisation du placement de produit. 

Le placement de produit est une technique marketing qui consiste à inclure des produits et/ou des marques dans différents types de programmes audiovisuels (films, séries, émissions de flux) dans le but de le promouvoir.

Bien sûr en France, ce système de promotion est très réglementé. Le placement de produit audiovisuel est autorisé en France depuis de nombreuses années. Cependant, il a été encadré par la loi en 2009 et réglementé par l‘Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) et par la Commission de Contrôle des Programmes (CCP). Il doit notamment être clairement identifié, ne pas être trompeur, ne doit pas porter atteinte aux valeurs de la société, ni aux mineurs et ne doit pas concerner alcool, tabac ou produit illicite.

Le placement de produit est donc un moyen pour les annonceurs de promouvoir leurs produits ou services d’une manière qui se différencie de la publicité traditionnelle. Le placement de produit peut être assimilé au Native advertising. C’est-à-dire le fait d’intégrer des annonces publicitaires de manière à ce qu’elles ressemblent à du contenu éditorial normal de sorte qu’elles ne soient pas immédiatement identifiées comme une publicité par les utilisateurs. 

La native publicité est considérée comme plus efficace car moins dérangeante pour les utilisateurs. Elle minimise la sensation de gêne que peut provoquer la publicité traditionnelle. 

De plus, la publicité native est souvent plus pertinente car mieux ciblée. 

Le placement de produit, quand il est bien réalisé, est la forme de publicité native la plus poussée et efficace. 

La série Emily in Paris est l’un des meilleurs exemples de l’utilisation du placement de produit et de son efficacité.

L’un des exemples le plus parlant de publicité native via le placement de produit dans la série, est lié au premier épisode de la saison 3. Dans cette épisode Emily Cooper, l’héroïne, employée d’une agence marketing de luxe doit promouvoir la célèbre chaîne de fast-food américaine Mcdonald’s

Quoi de mieux que d’utiliser un véritable Mcdonald’s parisien et des véritables produits Mcdonald’s France pour l’épisode. La placement de produit pour l’entreprise américaine est totalement imbriqué au scénario. Et la collaboration entre Mcdonald’s et la série ne va pas rester fictionnelle. En effet, la chaîne de restauration rapide va proposer à la vente le menu “créées” par Emily Cooper dans la série. 

La publicité fonctionne ici dans les deux sens. La marque est intégrée dans le média d’un côté via le scénario et de l’autre côté la marque intègre la série directement dans ses produits via une collaboration.

La barrière entre le média et le retail s’est donc estompée, média et retail se sont mélangés pour tirer le meilleur des deux parties.

Le placement produit de McDonald’s n’est pas le seul, dans la série et selon le même principe nous retrouvons de nombreuses marques comme Edgard & Cooper ou encore McLaren.

Mais l’impact de la série est encore plus important. En effet, l’influence d’Emily Cooper va encore plus loin et booster les ventes et la popularité de marque n’ayant pas financée leur présence à l’écran. 

Exemple, le sac à main modèle Scoubidou de la marque française Carel a connu une augmentation exponentielle de vente suite à la séquence où l’héroïne porte le sac. Bien sûr , la marque française n’est pas passée à côté de ce regain de publicité gratuite et a même ajouté sur son site une mention précisant qu’il s’agit bien sûr du sac présent dans la série. 

Carel n’est pas la seule marque à bénéficier de l’impact médiatique de la série. Courrèges a vu les requêtes de recherche pour une certaine jupe augmenter de 194% jusqu’à 342% de hausse pour la marque de bob Kangol. 

La mode n’est pas la seule bénéficiaire de l’effet Emily mania. La ville de Paris en profite aussi et notamment son immobilier.  En effet, depuis le lancement de la série et selon un expert de l’immobilier britannique, les recherches internet pour déménager à Paris ont augmenté de 1 416%  une semaine après le lancement de la saison 3. 

Mais pourquoi le placement de produit à la sauce Emily in Paris, ça fonctionne autant ? 

L’atout du placement de produit, c’est de proposer un placement pensé sur mesure pour la série qui va parfaitement s’intégrer dans cette dernière, sans la dénaturer et faire partie du scénario. Le spectateur ne se sent pas dérangé par la publicité, elle ne lui provoque pas de situation d’inconfort visuel ou auditif.

C’est aussi de la publicité très souvent ciblée. Effectivement, le public choisit de regarder cette série là et donc il est sensible aux thèmes qui y sont abordés ou à l’esthétisme de l’univers. 

De plus, la cible est aussi très intéressante, surtout pour les séries ou films qui sont créés et ou diffusés par les plateformes, car cela permet d’atteindre une cible qui délaisse les médias traditionnels, les 25-35, une cible qui est aussi très peu réceptive à la publicité traditionnelle. 

Cela permet aussi de couvrir une zone géographique extrêmement large. Par exemple, une série originale Netflix comme Emily in Paris est présente dans plus de 190 pays, ce qui fait autant de pays couverts par le placement de produit. 

Le placement de produit est donc un réel atout pour les marques et elles l’ont bien compris. En effet, le marché du placement de produit équivaut à 10-20 millions annuels. On peut compter en moyenne entre 10 000 et  15 000 euros pour une séquence avec un logo visible. 

Mais pour des séries comme Emily in Paris, il faut compter plusieurs centaines de milliers d’euros pour y apparaître. Les sommes sont tellement conséquentes que la série pourrait être totalement financée par les placements de produits. 

Le placement de produit à la sauce native advertising semble être la parfaite balance entre l’omniprésence de la publicité et la multiplication de la proposition audiovisuelle, tout en répondant à la problématique de la baisse de l’impact de la publicité via les médias traditionnels et du digital. 

Fiona Gouze

 Sources : 

Articles internet : 

  • Baëza J. (2023,12 janvier) Qu’apporte «Emily in Paris» à Paris ?. Slate 

Consulté le 21 janvier 2023.  Lien : https://www.ozap.com/actu/audience-netflix-emily-in-paris-demarre-en-trombe-et-renverse-mercredi/625757

  • Dahmani S. (2022, 5 avril) Le placement de produit dans les films et les séries. Hubspot. 

Consulté le 22 janvier 2023. Lien : https://blog.hubspot.fr/marketing/placement-produit-films-series 

  • Etancelin V. (2022, 12 décembre) « Emily in Paris » veut influencer votre manière de vous habiller. HuffPost. 

Consulté le 21 janvier 2023. Lien : https://www.huffingtonpost.fr/culture/video/emily-in-paris-veut-influencer-votre-maniere-de-vous-habiller_190329.html 

  • Krehl M. (2022, 15 décembre) Mode : le juteux business d’« Emily in Paris ». Les Echos 

Consulté le 22 janvier 2023. Lien : https://www.lesechos.fr/weekend/business-story/mode-le-juteux-business-d-emily-in-paris-1889642

  • Le Borgne J. (2022, 23 décembre)  « Emily in Paris » (Netflix) : la série donne envie aux Anglais de venir vivre à Paris. RTL

Consulté le 21 janvier 2023. Lien : https://www.rtl.fr/actu/economie-consommation/emily-in-paris-netflix-la-serie-donne-envie-aux-anglais-de-venir-vivre-a-paris-7900217828 

  • Métogo I. (2022, 23 juin) L’état des médias dans le monde : crédibilité, manque de ressources et déclin de la publicité. France Info. 

Consulté le 22 janvier 2023. Lien : https://www.meta-media.fr/2022/06/23/letat-des-medias-dans-le-monde-credibilite-manque-de-ressources-et-declin-de-la-publicite.html 

  • Vives E. (2022, 22 décembre) “McDonald’s s’incruste dans la série Netflix Emily in Paris !”. J’ai un pote dans la com ! 

Consulté le 19 janvier 2022. Lien : https://jai-un-pote-dans-la.com/mcdonalds-incruste-serie-netflix-emily-in-paris/ 

Podcast : 

Fay P. (2023, Janvier) Emily in Paris, le filon de la mode, La Story par Les Echos. 

L’impact de YouTube sur le paysage audiovisuel français

En janvier 2023, YouTube a mis à jour ses règles afin de démonétiser les vidéos contenant des injures. La règle étant rétroactive, de nombreuses vidéos – en particulier du gaming – furent démonétisés, privant les créateurs d’une part de leurs revenus. Suite à la réaction virulente de la communauté, YouTube a promis de revoir cette nouvelle règle. De telles régulations font penser que YouTube veut devenir plus accessible, plus grand public, quitte à se rapprocher du format de la télé, qu’on a pourtant considéré pendant longtemps comme étant son  rival. Alors que les contenus sur YouTube étaient à l’origine inférieurs en termes de qualité de production, faute de moyens, les YouTubeurs ont changé et produisent des contenus d’une qualité égale ou supérieure à la télévision. On voit même l’apparition sur la plateforme de formats vidéos qui rappellent la télévision, comme la série “Qui est l’imposteur ?” du YouTubeur numéro 1 en France, Squeezie. Ce dernier est également à l’origine du GP Explorer, un tournoi de Formule 4, qui a atteint 1 million de spectateurs en direct sur Twitch, le record pour une chaîne Twitch française. Enfin, certains YouTubeurs comme McFly et Carlito ont réalisé une vidéo avec le Président de la République Emmanuel Macron, ce qui témoigne d’une reconnaissance du métier de YouTubeur, et surtout, de l’impact de la plateforme sur l’opinion publique. 

Un des plus importants impacts de YouTube sur le paysage audiovisuel français est que la plateforme est bien plus intéressante que la télévision en termes de publicité : communiquer en digital est moins coûteux qu’une publicité sur la télévision linéaire, alors même que cela permet d’avoir de nombreux KPI sur les audiences, là où la télévision linéaire est beaucoup moins précise. En plus, il est possible de cibler bien plus précisément ses audiences, en fonction de critères d’âges, goûts, localisation. De telles fonctionnalités ont réduit l’intérêt des campagnes traditionnelles au profit des campagnes digitales, du moins pour une partie du marché.

Une entreprise gaming, Epic Games, menant sa campagne de communication sur YouTube

De manière générale, Youtube a eu un impact significatif sur le paysage audiovisuel français, en partie car il a permis aux créateurs de contenu de diffuser leur travail directement auprès d’un public mondial, sans barrière de compétence ou de revenus. Cela a conduit à une augmentation de la diversité des voix et des perspectives dans la production de contenu en France, ainsi qu’à un développement de nouveaux talents et de nouveaux formats de contenu. S’ils n’ont pas été reconnus immédiatement, les contenus sur YouTube ont progressivement monté en qualité, notamment grâce aux revenus croissants des YouTubeurs ou à des fonds d’aide tels que le fonds CNC Talent, créé en 2017, et ayant pour but de soutenir la création française sur les plateformes de vidéo gratuites telles que YouTube ou TikTok.

Une autre conséquence importante de l’apparition de YouTube est que la plateforme a permis à des genres sous-représentés ou pas représentés du tout à la télévision de trouver un canal de distribution. C’est notamment le cas du gaming, qui est très représenté sur YouTube, avec des formats originaux tels que les Let’s Play, format de vidéo dans lequel le vidéaste s’enregistre en train de jouer au jeu. Encore maintenant, 2 sur 5 des top chaînes sont des chaînes gaming.

En plus de mettre de nouveaux formats à l’honneur, YouTube a permis l’apparition de nouveaux types de contenus : les vlogs, les tutoriels, les lives, les podcasts, etc. C’est aussi les vidéos tutoriels et DIY qui sont apparues, pour rendre service au quotidien. Enfin, l’ASMR est apparu. YouTube a vu la naissance de nombreux autres formats qui ont évolué au fil du temps, et qui continuent d’évoluer, permettant aux créateurs de la plateforme d’expérimenter et d’innover.

Les créateurs de la plateforme : YouTube a donné la possibilité à de nombreux talents de se faire connaître et de se développer, tels que des humoristes ou des sportifs, des joueurs, et même des chanteurs, qui ont d’abord été connus sur YouTube, par exemple Justin Bieber. 

Cependant, ce nouveau média a conduit à des préoccupations liées à la rémunération des créateurs de contenu et à la protection des droits d’auteur. YouTube gère la protection de la propriété intellectuelle (PI) grâce à un système appelé Content ID. Content ID est une technologie d’empreintes numériques qui permet aux détenteurs de droits d’auteur d’identifier et de gérer leur contenu sur la plateforme. Lorsqu’une vidéo est téléchargée sur YouTube, le système la compare à une base de données de contenus protégés par des droits d’auteur pour voir s’il y a une correspondance. Si une correspondance est trouvée, le détenteur du droit d’auteur a la possibilité de bloquer la vidéo, de la monétiser en diffusant des publicités ou de suivre ses statistiques.

Content ID n’est disponible que pour les détenteurs de droits d’auteur qui répondent à certains critères et s’inscrivent au programme, et n’est pas accessible aux créateurs de contenu individuels. Cette situation a suscité des critiques selon lesquelles le système est trop restrictif et ne protège pas suffisamment les droits des créateurs de contenu. YouTube a également été critiqué pour ne pas avoir été suffisamment transparent sur le fonctionnement de Content ID et pour ne pas avoir fourni aux créateurs une procédure d’appel lorsque leur contenu est signalé ou retiré.

Outre Content ID, YouTube a mis en place un certain nombre d’autres mesures pour protéger les droits de propriété intellectuelle, telles que la possibilité pour les détenteurs de droits d’auteur de déposer une plainte directement sur la plateforme et la possibilité pour les créateurs de contester les revendications de droits d’auteur.

De plus, le système de Content ID de YouTube n’est pas parfait et de nombreux créateurs se sont plaints de faux positifs et d’erreurs dans le système. YouTube s’efforce constamment d’améliorer le système, mais à l’heure actuelle la solution n’est pas tout à fait au point.

Pour toutes les raisons susmentionnées, on a vu que YouTube a profondément affecté le paysage audiovisuel français.

Gaspard M-L

Le modèle de l’abonnement est-il le futur de l’industrie du jeu vidéo ?

D’après Statista, les dépenses des joueurs dans des abonnements de jeux vidéos devraient atteindre environ 8,543 millions de dollars en 2023.

Le modèle de revenus pour les jeux vidéos par abonnement consiste à facturer aux joueurs des frais réguliers, généralement mensuels ou annuels, pour accéder au jeu ou à une bibliothèque de jeux. Il s’illustre aujourd’hui de trois façons différentes : 

  • Le joueur peut s’abonner pour un jeu unique. Par exemple, il peut souscrire à un abonnement à 12,99 €/mois afin de jouer à World of Warcraft.
  • Le joueur peut également s’abonner à une plateforme qui réunit uniquement les jeux en ligne d’une console spécifique. Par exemple, il peut s’abonner à la formule PlayStation Plus Essential au tarif de 8,99 €/mois.
  • Enfin, le joueur peut s’abonner à une plateforme qui réunit des jeux de studios et d’entreprises différents. Par exemple, il peut s’abonner au Microsoft Xbox Game Pass pour console pour 9,99 €/mois.

Le modèle de l’abonnement est prédominant dans les industries de la musique, du cinéma et de la télévision. Les consommateurs, qui auparavant avaient l’habitude de louer ou d’acheter des DVDs, sont désormais abonnés en grande partie à des services de streaming populaires tels que Netflix et Disney+. Les services d’abonnement aux jeux vidéos pourraient également devenir le principal moyen de consommation des joueurs. Cet éventuel nouveau paradigme présenterait un intérêt pour les développeurs et les éditeurs, ainsi que pour les joueurs eux-mêmes.

Le modèle de l’abonnement présente plusieurs avantages pour les développeurs de jeux et les éditeurs

Financièrement, ce modèle permet aux développeurs de générer un flux de revenus stable, tandis que la majorité des revenus tend à être générée au moment de la sortie des jeux avant de rapidement décroître. Avoir cette source de financement continu peut aider les développeurs à financer les coûts de développement et de maintenance du jeu à long terme. Il s’agit d’un enjeu primordial dans les configurations de Game As A Service puisqu’ils sont conçus pour s’ancrer dans la durée. Ils sont évolutifs et doivent constamment renouveler leurs contenus afin de fidéliser leurs audiences. L’abonnement permettrait donc de créer un cercle vertueux, puisqu’une mise à jour régulière des contenus permet de renforcer l’intérêt et l’engagement des joueurs, les incitant à renouveler leur abonnement. A l’instar des grands noms du streaming tels que Netflix ou bien encore Disney+, dans cette situation, les fournisseurs des services d’abonnement capitalisent également sur l’inertie des joueurs qui n’annulent pas leurs abonnements.

Le modèle de l’abonnement permettrait de diminuer les coûts de production des jeux vidéos faisant l’objet de ventes physiques. En effet, il impacte directement la chaîne de distribution. Puisqu’il est intrinsèquement lié à la mise à disposition des jeux sur des plateformes numériques, l’étape de l’expédition n’a plus lieu. Cela permet donc de réaliser des économies.

Le modèle de l’abonnement bénéficierait également aux développeurs et éditeurs indépendants, aussi appelés indies ou indés. L’industrie du jeu vidéo est aujourd’hui extrêmement concentrée et dominée par les grands acteurs : il est très difficile pour les indies d’obtenir de la visibilité et de rentabiliser leurs productions. Or, les plateformes d’abonnement peuvent les proposer, ou bien encore financer des productions indés pour des contrats exclusifs avec certaines plateformes. Pour les indépendants, ce modèle d’abonnement leur offre de nouvelles opportunités en termes d’exposition. A titre d’exemple, Mike Rose, le fondateur du studio de production No More Robots, a affirmé que les ventes de leur jeu Descenders ont été quadruplées lorsqu’il a été ajouté sur le Xbox Game Pass. Il faut toutefois nuancer cet argument. Même si ce modèle propose aux indés une nouvelle opportunité, il n’en reste pas moins difficile de rentabiliser leurs jeux. Figurer dans une bibliothèque ou un catalogue de jeux ne reste pas une condition de réussite en elle-même. Pour illustrer, plus de 50% des jeux indés sur Steam (qui n’est certes pas un modèle d’abonnement, mais une bibliothèque de jeux) n’ont jamais généré plus de 4,000$ de revenus

Source: Pixabay

Le modèle de l’abonnement présente des avantages pour les joueurs occasionnels

D’après le rapport du cabinet de consulting Simon-Kucher, le modèle de l’abonnement permettrait d’exploiter le marché des joueurs occasionnels, réunissant ceux qui jouent cinq heures ou moins par semaine. En effet, il n’est pas intéressant pour cette audience d’investir dans plusieurs jeux uniques à plein tarif sans connaître les titres et sans avoir la certitude de pouvoir les rentabiliser. Cela ne les incite pas non plus à expérimenter de nouveaux titres. C’est dans cette situation que les plateformes d’abonnement se révèlent intéressantes pour eux, puisqu’elles permettent à ces joueurs d’avoir accès à une large variété et à diverses gammes de jeux, et ce sans se ruiner en les achetant individuellement. Au-delà même de cette audience de joueurs occasionnels, les plateformes d’abonnement permettent de toucher une large diversité de segments de consommateurs. Les catalogues mis à disposition permettent de satisfaire une grande variété de goûts, mais ce à condition que les systèmes de recommandation et de tri soient efficaces. Lorsqu’il n’y a aucun risque financier à essayer un nouveau titre, genre ou style, les joueurs sont encouragés à expérimenter de nouvelles choses. Cela peut se traduire par une augmentation du temps passé à jouer. Concrètement, d’après l’enquête Simon-Kucher, 71% des joueurs ayant souscrit à une offre d’abonnement de jeux vidéos passent plus de temps à jouer.

Mais le modèle de l’abonnement ne répond pas à tous les enjeux de l’industrie pour pouvoir s’imposer comme le modèle dominant

Le modèle de l’abonnement crée un enjeu autour de la cannibalisation des offres. Il s’agit notamment de la raison pour laquelle l’éditeur Sony a été réticent à inclure des jeux AAA dans PS Now, estimant que ce n’est pas une stratégie de monétisation qui est durable puisque les revenus générés seulement par l’abonnement ne permettraient pas forcément de maintenir la qualité des jeux de cette gamme de prix (60/80$). Les éditeurs doivent réfléchir soigneusement à la variété de jeux qu’ils mettent à disposition ainsi qu’à l’importance des titres (indie, AA, AAA) qu’ils souhaitent inclure dans un service d’abonnement. Un jeu AAA doit nécessairement être rentabilisé puisque sa production coûte en moyenne 80 millions de dollars. Ajoutant à l’incertitude du succès, il ne serait pas rationnel de sortir des jeux AAA sur abonnement aux niveaux budgétaires actuels.

Dans certaines configurations, les joueurs peuvent être réticents à souscrire à un abonnement. L’abonnement peut se révéler être une barrière à l’entrée. C’est le cas de certains Game As A Service. En effet, les jeux suivant ce modèle n’ont pas forcément les mêmes sources de revenus. Les jeux en ligne les plus populaires actuellement sont gratuits. Par exemple, Fortnite a été le jeu le plus joué sur PC en 2022 et son modèle de revenus repose essentiellement sur les transactions in-game.

Sarah Collot

SOURCES :

LoChiatto, J. (2022) Why Sony is leaving AAA games out of the PlayStation Plus launch, SVG. SVG. Available at: https://www.svg.com/859886/why-sony-is-leaving-aaa-games-out-of-the-playstation-plus-launch/

How much does it cost to develop a game (2022) Rocket Brush studio. Available at: https://rocketbrush.com/blog/how-much-does-it-cost-to-develop-a-game#:~:text=AAA%20games%20are%20the%20big,about%20%2480%20million%20and%20higher

Top 15 most popular PC games of 2022 (2022) Active Player. Available at: https://activeplayer.io/top-15-most-popular-pc-games-of-2022/

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La série Netflix comme objet marketing – Le cas de Formula 1 : Drive to survive

Source : Netflix.com

Le « Netflix effect » peut se référer à de nombreux phénomènes : l’impact que Netflix et ses contenus ont sur la manière de regarder la télévision et le cinéma, sur la popularité d’un acteur, sur le comportement des consommateurs, leurs pratiques culturelles entre autres, les conséquences économiques sur les industries relatives aux contenus… Il peut être vu d’une certaine manière comme un objet marketing permettant de mettre en lumière un produit, un service ou plus globalement une industrie.

Les prémices de ce phénomène peuvent s’entrevoir dans l’histoire du cinéma américain noyé dans un flot de films « coproduits » et financés par l’armée et le Pentagone. Et ce, le plus souvent, dans une logique de promouvoir un soft power, une certaine vision de la guerre et un patriotisme exacerbé. En France, Le Bureau des Légendes, a largement contribué à redorer le blason d’une institution -la DGSE- alors en perte de vitesse et en manque de popularité.

Dans leurs finalités, les séries Netflix ne changent donc pas vraiment des références susdites : elles impactent directement la perception du public sur une industrie ou une institution.
Néanmoins, dans le cas des séries Netflix, au-delà d’un simple objet d’« influence », nous pouvons parler de véritables objets marketing dont les finalités sont essentiellement économiques : ventes, hausse d’audience, de popularité d’un produit, d’un service, d’une industrie…
De plus, ces « séries marketing » s’appuient sur une audience extrêmement large, en l’occurrence celle de Netflix, qui amplifie largement l’impact qu’elles peuvent avoir sur la sphère réelle.

L’étude du cas de la série Netflix Formula 1 : Drive to Survive, créée en collaboration avec la Formula One Management, nous permet de mieux comprendre ce « Netflix effect » appliqué au monde de la Formule 1 et plus largement au monde du sport. Un effet qui s’est également fait ressentir sur d’autres secteurs : la vente des livres Arsène Lupin de Maurice Leblanc via la série Lupin avec Omar Sy, ou bien sur la vente de jeux d’échec (et plus largement la popularité du jeu) avec la série The Queen’s Gambit.

Formula 1 : Drive to Survive sur Netflix
Source : Netflix
.com

Les nouveaux usages du numérique comme catalyseur du « Netflix effect »

Ce « Netflix effect » ne saurait exister, bien évidemment, sans les nouveaux usages du numérique qui précédent l’avènement de la plateforme de Los Gatos, puis qui ont été induit par cette dernière. Si une série, une œuvre audiovisuelle plus globalement, peut avoir tant d’impact sur une industrie, c’est bien parce que le rapport du consommateur à celle-ci a changé. La plateforme qui la diffuse dispose d’un arsenal d’outils technologiques permettant l’attraction et la fidélisation d’une audience très large. L’avènement du numérique, des réseaux sociaux ont quant à eux favorisé le partage et la promotion de ce contenu dans une sphère plus globale que les seuls spectateurs de Netflix.

Le binge-watching, popularisé par la firme de Los Gatos, a largement contribué à augmenter l’importance que peut avoir une série dans le comportement des consommateurs. Un visionnage plus intensif (exit les visionnages hebdomadaires promulgués par les chaînes de télévision) qui a contribué à accroître l’engagement des consommateurs et leur fidélisation. La recommandation induite par des algorithmes de plus en plus perfectionnés vient renforcer ce phénomène.

Une consommation différente des séries, plus intense, combinée à un usage frénétique des réseaux sociaux, permettent ainsi de rendre très populaire un contenu et de générer des retombées conséquentes sur le secteur qui peut lui être associé (en l’occurrence la Formule 1 dans le cas de Drive to survive). Avec l’audience potentiellement atteinte par une série (ceux qui l’ont regardé, mais aussi ceux qui ont en entendu parler via le partage et les réseaux sociaux), il se pose indéniablement la question du caractère marketing de ces œuvres qui semblent à l’origine relevées simplement du domaine créatif et artistique.

Une volonté pour davantage de contenus des coulisses

Un des principaux facteurs de ce « Netflix effect » se trouve dans la volonté même de ce que souhaite retrouver le spectateur dans un contenu de divertissement audiovisuel, et notamment dans le secteur du sport où les personnalités sont ultrapopulaires et starifiées. C’est-à-dire, un désir pour davantage de contenus en « off », où les sportifs sont humanisés et authentiques. Cette demande semble trouver ses racines dans l’essor du numérique et l’ultra-connexion avec l’accès facilité au « quotidien » des sportifs via les réseaux sociaux. Plus largement, on peut parler d’un désir pour des contenus originaux, innovants, plus personnels par rapport à la diffusion linéaire classique du sport à la télévision. On comprend ainsi pourquoi de plus en plus de diffuseurs traditionnels TV diffusent davantage ce type de contenus. Récemment, TF1 a diffusé de nombreuses images des coulisses de la Coupe du Monde de Football 2022 : dans les vestiaires, à l’hôtel de l’équipe de France… puis un documentaire « résumé » sorti seulement 2 jours après la fin de la compétition.

La compréhension du comportement du spectateur pour rendre la série plus populaire

L’analyse des données, de visionnage notamment, par la plateforme Netflix permettent de mieux comprendre et déterminer les tendances, mais aussi les structures de scénarios et construction des personnages qui fonctionnent le mieux sur le spectateur. Ces analyses, aux prémices de la création d’une série mais aussi d’une saison à l’autre, permettent à Netflix d’adapter le déroulé, la construction de sa série pour contribuer à la rendre plus populaire. Dans le cas de Drive to survive, le champion néerlandais Max Verstappen, a souligné la mise en scène de rivalités comme étant « fausses ». Les choix de montage et la narration, essentiels à la « dramatisation » de la série, ont également été critiqué, prenant des distances trop importantes avec la réalité.
Néanmoins, il en reste que la compréhension et l’analyse de la demande et du comportement du consommateur ont permis le succès phénoménal de Drive to Survive, qui s’est directement répercuté sur le secteur de la formule 1.

Max Verstappen
Source : Photo de MacKrys, 2016

Un impact majeur sur le secteur de la Formule 1

L’impact réel de Drive to survive a été considérable pour le secteur de la Formule 1, la faisant passer de sport désuet, ayant du mal à renouveler son audience, à un véritable phénomène touchant un public de plus en plus jeune. Si la quantification précise de l’impact réel de la série sur la Formule 1, depuis son lancement en mars 2019, est compliquée à estimer, certains indicateurs permettent de mettre en évidence une augmentation de la popularité de la Formule 1 auprès d’un public de plus en plus large et des revenus qu’elle génère.

Quelques chiffres, diffusés en mars 2022 (source : Stake), viennent illustrer cet impact :

  • De 2018 à 2021, l’affluence aux Grand Prix de Formule 1 aux Etats-Unis est passé de 264 000 à plus de 400 000 spectateurs. Les revenus sont passés de 1,15 milliards de dollars en 2020 à 2,14 milliards en 2021.
  • Le cours des actions du Formula One Group (NASDAQ : FWONA) a connu un rendement de +62% depuis la première saison de Drive to Survive en mars 2021
  • Une croissance considérable du nombre d’abonnés sur les réseaux sociaux : plus de 50 millions d’adeptes avec une croissance annuelle de 40% depuis le lancement de la série, et un taux d’engagement très important.
  • Des audiences TV en forte hausse : une moyenne d’environs 70 millions de téléspectateurs, avec un pic à 108,7 millions pour la dernière course de la saison 2021 à Abu Dhabi (soit 7 millions de plus que le Super Bowl LVI deux mois après)
  • Un nombre total de fans proche de dépasser le milliard, dont 77% des nouveaux fans des deux dernières années dans la tranche d’âge 16-35 ans.

En raison de sa portée et son impact, une série Netflix peut donc représenter un véritable objet marketing au bénéfice de la plateforme, mais aussi au profit d’une industrie en particulier. La série Formula 1 : Drive to survive en est le parfait exemple : elle a à elle seule révolutionné le monde la Formule 1, alors en perte de vitesse, lui permettant de se régénérer et d’en faire un sport attractif pour la jeune génération.

Pierre Bosson

Sources

Garry Lu, “The Netflix Effect: A Breakdown Of How ‘Drive To Survive’ Changed Formula 1”, bosshunting.com.au, https://www.bosshunting.com.au/sport/f1/how-netflix-changed-formula-1/, Mis à jour le 13 janvier 2023

Bilal Berkat, “L’effet Netflix: comment nos séries préférées nous poussent à consommer ?, fastncurious.fr, 4 juin 2021 http://fastncurious.fr/2021/06/04/leffet-netflix-comment-nos-series-preferees-nous-poussent-a-consommer/

Andy Robinson, “The Netflix Effect & How Pop Culture Impacts Ecommerce”, venturestream.co.uk, 14 janvier 2021, https://venturestream.co.uk/blog/the-netflix-effect-how-pop-culture-impacts-ecommerce/

Farah El Amraoui, “Comment Netflix a réussi à influencer nos pratiques culturelles”, bondyblog.fr, 1 avril 2021, https://www.bondyblog.fr/culture/comment-netflix-a-reussi-a-influencer-nos-pratiques-culturelles/

Carlos Serra, “How a Netflix Docuseries Set Off a Rise in F1 Popularity”, resources.audiense.com, 10 février 2022, https://resources.audiense.com/blog/the-netflix-effect-how-an-f1-docuseries-set-off-a-meteoric-rise-in-popularity-in-the-us

Agathe Huez, “La visualisation de données, un facteur de réussite pour Netflix”, toucantoco.com, https://www.toucantoco.com/blog/visualisation-de-donnees-reussite-de-netflix-explication

https://www.instagram.com/p/Ca6AReUPBCe/?utm_source=ig_web_copy_link%2C%20Stake, Stake (Online Stock Trading Platform)

Plateformes de SVOD et stratégies : quels déploiements dans un environnement ultra-concurrentiel ?

Le 4 novembre 2022, les médias annonçaient l’arrêt de la plateforme de streaming Lionsgate + en France ainsi que dans sept autres pays européens. La cause ? Des pertes financières, qui font suite à une réorganisation de la société, et un nombre d’abonnés très restreint face aux grands autres acteurs. La plateforme française Salto connaît également des difficultés, faute de programmation attractive et de coordination entre les maisons-mères. Mais cela va également de pair avec un environnement concurrentiel qui ne cesse de croître sur le marché du streaming SVOD. Après l’arrivée et le déploiement de Netflix dans sa forme actuelle dès 2007, d’autres acteurs sont ensuite déployés sur le marché SVOD en raison de l’attractivité de ce modèle : OCS, Disney +, Prime Video, Apple TV+, Canal + Série…sans oublier HBO Max, encore indisponible en France. En France, pour la seule fin d’année 2022, nous pouvons noter l’arrivée de deux nouveaux acteurs : Paramount + et Universal +. Tous les studios américains veulent aujourd’hui se doter de leur plateforme de streaming afin de devenir acteurs sur ce marché florissant…

Source : Pixabay.fr

Et pourtant, ce qui était auparavant une offre rare, unique et novatrice avec Netflix, est devenu une norme accessible par pléthore de supports dans un environnement ultra-concurrentiel. Le sort de Lionsgate + et Salto le montre bien. Aussi, les utilisateurs ont pour la plupart multiplié les abonnements pour pouvoir accéder à un maximum de contenus à la demande comme au Royaume-Uni où 16,9 millions de foyers sont abonnés à un service de streaming à la demande par abonnement, et pour une moyenne d’abonnement à 2,4 services par foyer en avril 2022, selon l’étude Kantar relayée par Zdnet. Aux USA, 53 % des dépenses mensuelles en SVOD dépassent les 20 $ d’après l’étude Nielsen, pour en moyenne un abonnement à 4 services par foyer. Ou encore, d’après le Baromètre OTT de NPA Conseil/Harris Interactive, la France compte en moyenne l’usage de 1,9 services par utilisateur, pour une dépense moyenne qui atteint 17,5€ par mois en juin 2022. De plus, 53,2 % de Français se déclarent utilisateurs réguliers d’au moins un service fin 2022. Néanmoins, cette accumulation peut devenir difficilement supportable financièrement, et l’inflation y participe grandement. Et pour cause, environ 937000 foyers britanniques ont procédé à des désabonnements entre janvier et septembre 2022. De plus, d’après l’étude de Médiamétrie/Harris Interactive d’octobre 2022, les 15-24 ans français sont de plus en plus nombreux à abandonner les services SVOD, privilégiant les interfaces et réseaux sociaux comme YouTube ou TikTok.

Cela pousse donc les acteurs à déployer des stratégies afin de capter rapidement de nouveaux abonnés.

S’agréger à une base d’abonnés pré-existante

Aujourd’hui, les nouveaux acteurs du streaming se distinguent difficilement, car d’autres plateformes sont déjà bien implantées sur le marché. Le nouvel acteur peut alors s’appuyer sur une base d’abonnés déjà existante pour faciliter son intégration, mobilisant ainsi un partenariat avec un autre service. C’est ce que nous pouvons observer lorsqu’un acteur souhaite s’implanter sur un marché étranger comme la France. Netflix, Disney + ou plus récemment Paramount +, n’ont pas hésité à développer un partenariat avec le Groupe Canal +, qui agrège les plateformes sur son interface MyCanal. Au lieu d’inciter les utilisateurs à souscrire à un énième abonnement, ce qui pourrait les rebuter à devoir créer un nouveau compte sur des plateformes moins attractives et moins intégrées pour certaines, il leur suffit de les inviter à procéder à une seule inscription sous forme de “package” pour un service élargi. Les nouveaux acteurs peuvent ainsi bénéficier d’un panel d’abonnés déjà existants et concentrés sur un service unique.

Interface des chaînes et plateformes disponibles sur MyCanal
Source : MyCanal – Canalplus.com

Warner Bros. Discovery aura tenté une stratégie autre, en se portant candidat au rachat d’Orange Content, qui inclut notamment OCS – diffuseur des séries HBO depuis 2008 en France – avec pour objectif de transiter les 3 millions d’abonnés OCS vers son service HBO Max lors de son lancement dans l’hexagone. Un fort potentiel pour le groupe quand on sait que les abonnés OCS sont des habitués des programmes HBO, qui seraient ensuite disponibles sur la nouvelle plateforme de la Warner. D’autant qu’OCS a perdu son contrat avec HBO à l’issue de l’année 2022. Néanmoins, outre le lancement d’HBO Max mis en suspend en France, la Warner n’a pas pu acquérir OCS, en raison du droit de préemption de Canal + sur cette vente.

Elargir l’offre, le service et les forfaits

Alors que les acteurs historiques comme Netflix ne proposaient jusqu’alors qu’un service de SVOD avec une offre de films et de séries, nous avons pu notamment observer que les plateformes à l’instar de Prime Video se tournent vers des programmes que nous retrouvions initialement sur les services linéaires de télévision. La plateforme d’Amazon s’est en effet dotée de diffusions de programmes sportifs, comme Roland Garros ou la Ligue 1 et la Ligue 2 de Football par l’achat de lots par exemple. Pouvoir apporter des programmes plus diversifiés à l’instar du sport est une autre méthode de développement des abonnements et des profils qui s’opère par la diversification de l’offre. La télé-réalité se retrouve également sur les plateformes SVOD généralistes, avec Netflix ou encore Salto qui propose des programmes issus des chaînes TV de ses maisons-mères.

Outre l’offre éditoriale en développement offerte par les plateformes, nous pouvons également revenir sur l’enjeu financier qui a poussé les anglo-saxons à se désabonner. Nous avons en effet pu noter que les tarifs des offres de plateformes de streaming comme Netflix ou Disney + n’ont cessé d’augmenter depuis leurs lancements, qui se justifient par un modèle déficitaire depuis plusieurs années, avec une croissance atone, et des abonnés qui ne sont pas rentables, comme l’a relevé Alain Le Diberder. Netflix a d’ailleurs procédé au licenciement de 450 employés entre mai et juin 2022 afin de faire des économies en période de crise suite à la perte d’abonnés et une croissance en baisse des revenus. Cette situation économique pousse même la plateforme à durcir ses règles en cas de partage illégal de compte, considéré comme un manque à gagner. 

L’ajout de la publicité devient donc une alternative pour compenser ces difficultés : Disney + et Netflix sont alors précurseurs en la matière, et proposent d’ajouter de la publicité à leurs programmes avec en retour des forfaits moins chers, sans pour autant abandonner l’offre sans publicité. Certains sondages ont montré que certains utilisateurs seraient enclins à s’abonner à des forfaits moins chers, quitte à avoir de la publicité. D’après létude du Baromètre OTT publiée en novembre, 44 % des Français interrogés déclarent vouloir devenir ou demeurer abonnés à Netflix, dont un tiers à l’offre avec publicité. Ce chiffre s’élève à 25 % pour Disney +, dont deux tiers au forfait avec publicité. De la même manière, d’après l’étude relayée par Zdnet, 44 % des Britanniques abonnés à Netflix déclaraient en avril 2022 ne pas être dérangés par la publicité si l’abonnement coûtait moins cher. Cela porterait la pénétration de ces plateformes à la hausse. A cela s’ajouterait une meilleure monétisation des comptes, avec les revenus publicitaires. Une solution qui demande encore à faire ses preuves, mais qui pourrait stimuler le nombre d’abonnés.

Synergie entre les services

Enfin, les acteurs qui peuvent se le permettre vont encore plus loin et créent une synergie entre leurs services. Ce sont ceux qui peuvent détenir des données sur leurs utilisateurs et qui ont suffisamment d’activité pour en accumuler qui peuvent à ce jour développer une telle stratégie. Si Amazon était en mesure de créer une telle synergie dès le départ entre son service de vente en ligne et sa plateforme de streaming avec des forfaits préférentiels pour cumuler l’accès à ses services, Disney a également annoncé récemment vouloir faire de même. Le groupe développe une offre combinant celle de la plateforme Disney + et celle de ses sites de vente de produits dérivés et de parcs à thème. Les abonnés de Disney + bénéficieront d’avantages exclusifs. Cette synergie de services permettrait aux plateformes de proposer une valeur ajoutée aux utilisateurs, ce qui pourrait accroître le nombre de souscripteurs. Par ailleurs, elle permettrait de valoriser la donnée et de proposer des services personnalisés en dressant des profils plus précis des utilisateurs. En effet, les données générées par les seules plateformes de streaming sont faibles et peu exploitables. Enfin, rassembler les données des utilisateurs et faciliter leurs flux entre services offrirait une meilleure qualité de service, valorisant l’activité des plateformes.

Ainsi, nous pouvons observer que les acteurs de la SVOD doivent redoubler d’efforts pour rendre attractive leur offre, quitte à procéder à un développement nouveau de leur activité qui dépasse la seule activité du streaming. Les prochains mois ou prochaines années nous montreront quels sont les acteurs les plus armés pour faire face à ce marché ultra-concurrentiel du contenu numérique. L’acquisition et l’exploitation de la donnée semblent aujourd’hui primordiales pour créer un service personnalisé aux utilisateurs dans cette course à l’attention, tandis que l’arrivée imminente de nouveaux modèles comme la FAST devrait également bouleverser ce marché.

Luc HERVIO

Sources

Un aperçu de Bluesky, le réseau social décentralisé dirigé par Jack Dorsey, fondateur de Twitter.

Bluesky est une initiative à but non lucratif crée en 2019 et en phase de recherche depuis 2022. Ce projet a été créé et financé par sa société mère, Twitter. Suivant l’annonce de son lancement le 18 octobre 2022, plus de 30 000 inscriptions ont été enregistrées dans les 48 heures. Les utilisateurs peuvent encore s’inscrire à l’application beta avant que la plateforme ne soit disponible publiquement.

Mais alors, pour quelles raisons Bluesky suscite-t-il un tel intérêt ? Est-elle une alternative à Twitter ou à toute autre plateforme de réseaux sociaux ?

Logo de Bluesky

Bluesky, un protocole de réseaux sociaux

Jack Dorsey, le fondateur de Twitter et désormais de Bluesky, souhaite proposer un système de réseau social ouvert et décentralisé. En clair, il vise à interconnecter les plateformes de réseaux sociaux actuelles et à venir. Ce nouveau protocole permet aux utilisateurs de se connecter aux différentes plateformes de leur choix, via un identifiant global. Cela signifie que chaque utilisateur de Facebook, Instagram ou Twitter, sera en mesure d’interagir avec tous les autres utilisateurs de la plateforme.

Bluesky est construit avec un logiciel open source, ce qui signifie qu’aucune entreprise n’en sera propriétaire. Ainsi, chacun pourra développer son propre réseau avec ses propres règles de modération et son propre algorithme.

La décentralisation, le cœur du projet

Le cœur de la vision de Bluesky réside dans l’idée que les utilisateurs doivent avoir le contrôle sur les algorithmes. Pour ce faire, en mai 2022, la société a dévoilé son premier protocole, l’Authenticated Data Experiment ou ADX, rebaptisé depuis en Authenticated Transfer Protocol ou AT Protocol. En résumé, cette technologie veut offrir à ses utilisateurs une portabilité de leurs comptes, le choix dans les algorithmes et l’interopérabilité entre différents réseaux sociaux.

Le contrôle est le moteur du discours de Bluesky et un bon moyen de le distinguer des réseaux sociaux actuels. Le projet permettra à un utilisateur de gérer ses données et de les stocker où il le souhaite : « L’identité en ligne d’une personne ne devrait pas être détenue par des sociétés qui n’ont aucune responsabilité envers leurs utilisateurs. Avec le protocole AT, vous pouvez déplacer votre compte d’un fournisseur à un autre sans perdre aucune de vos données », expliquent les fondateurs du projet.

Un CEO venant de l’univers blockchain

Le 16 août 2021, le projet prend une nouvelle tournure avec l’arrivée à sa tête de Jay Graber, anciennement développeur de Zcash, une crypto-monnaie décentralisée et open source offrant confidentialité et sécurité à ses détenteurs.

Jay Graber publiera cette nouvelle sur Twitter : « Je suis heureuse d’annoncer que je vais diriger Bluesky, une initiative lancée par Twitter pour décentraliser les réseaux sociaux. Ma prochaine tâche sera d’embaucher pour compléter l’équipe Bluesky. Je suis impatiente d’établir un partenariat étroit avec Twitter et d’autres entreprises, alors que nous nous lançons dans cette aventure. »

Compte Twitter de Jay Graber @arcalinea

Dans quel contexte est-il né ?

Phase 1 : l’idée – 11 février 2020

Le projet Bluesky a démarré par un tweet de Jack Dorsey annonçant l’intention de Twitter de financer le développement d’un protocole ouvert pour les réseaux sociaux décentralisés. Par la suite, Twitter a réuni une douzaine d’utilisateurs dans un salon de discussion Matrix, et ce fut le début des premières discussions sur ce que devait être Bluesky.

Phase 2 : questions à la communauté – milieu d’année 2020

En 2020, Twitter a lancé une demande de proposition aux groupes communautaires. Plusieurs utilisateurs ont rédigé des propositions techniques sur la façon dont un nouveau protocole social décentralisé pourrait fonctionner, soit en s’appuyant sur des protocoles existants, soit en le construisant. Jack Dorsey, prévoit alors d’engager une équipe de 5 codeurs pour construire la plateforme tout en créant des algorithmes qui sélectionneront le contenu proposé aux utilisateurs.

Phase 3 : la critique de la centralisation des réseaux sociaux – début 2021

Le 9 janvier 2021, trois jours après les émeutes du Capitole orchestrées par des militants pro-Trump, Twitter a décidé de bannir le compte du président américain. Cela a entrainé de lourdes critiques quant à sa forte centralisation et l’opinion publique s’est alors interrogée sur la légitimité des réseaux sociaux à censurer des personnalités.

Phase 4 : la création de la société – fin 2021

Le 13 avril 2021, Bluesky est financée à hauteur de 13 millions de dollars par Twitter, sans condition ni engagement, si ce n’est celui de poursuivre les recherches. Selon Jack Dorsey : « Twitter finance une petite équipe indépendante composée d’un maximum de cinq architectes, ingénieurs et concepteurs de logiciels libres afin de développer une norme ouverte et décentralisée pour les médias sociaux. L’objectif est que Twitter devienne à terme un client de cette norme. »

Compte Twitter de Bluesky le 25 avril 2022

Le 4 octobre 2021, la société Bluesky PBLLC est créé. Parmi les membres du conseil d’administration figurent Jack Dorsey, fondateur de Twitter, Jeremie Miller, inventeur de Jabber/XMPP, et Jay Graber, PDG de la société Bluesky.

Quel type de modération pour un protocole open source ?

Alors que la plateforme sera décentralisée, Bluesky souligne qu’il n’est pas possible d’avoir un réseau social utilisable sans modération et a ainsi l’intention d’ajouter une couche nommée « Reach », décidant de mettre en avant ou non un contenu.

Compte Twitter de Bluesky le 4 mai 2022

Ces algorithmes seraient préprogrammés pour éloigner les utilisateurs des contenus polarisants et pour masquer tout contenu considéré comme un discours de haine. Ainsi, la charge de la modération du contenu ne serait plus assumée par les plateformes de réseaux sociaux elles-mêmes mais par le programme. Bluesky a également souligné que les fournisseurs d’hébergement seront toujours légalement tenus de retirer le contenu illégal conformément à leurs lois locales.

Quel avenir pour les réseaux sociaux ?

Une autre réseau social appelé Mastodon créé en 2016, profite du rachat de Twitter pour attirer de nouveaux utilisateurs. Ce réseau social prend le modèle de Twitter où l’on poste des messages de 500 caractères appelés des « Pouets ». Selon le fondateur Eugen Rochko, Mastodon séduit car « il est décentralisé et open source, il ne peut pas être vendu et ne fera pas faillite. Il respecte votre vie privée et donne le contrôle du réseau aux personnes. C’est un produit au-dessus d’un protocole, comme Twitter aurait dû l’être ». Depuis le 27 octobre, date de confirmation du rachat de Twitter par Elon MuskMastodon compte 3 millions d’utilisateurs.

À mesure que la technologie évolue et que la transition s’effectue des applications dites Web2 (l’internet centralisé tel que nous le connaissons aujourd’hui) aux applications Web3 (un internet décentralisé), les plateformes décentralisées deviendront probablement la norme.

En se concentrant sur l’intéropérabilité, la portabilité et la gestion algorithmique, Bluesky explore un nouvel environnement dans l’histoire des réseaux sociaux. Que ce soit pour s’assurer du droit à la liberté d’expression de chacun, ou pour éviter de réitérer la question sur la légitimité des réseaux sociaux à censurer, un acteur décentralisé tel que Bluesky est en mesure de répondre à un véritable besoin.

Alina Viatkina

Sources :

https://medium.com/bitcoin-news-today-gambling-news/twitter-bluesky-what-is-bluesky-social-media-78d6624ea07a

https://www.theverge.com/2021/8/16/22627435/twitter-bluesky-lead-jay-graber-decentralized-social-web

https://www.nasdaq.com/articles/is-bluesky-the-ultimate-solution-for-social-media-platforms

https://blueskyweb.org/blog/2-7-2022-overview

https://cointelegraph.com/news/decentralized-twitter-bluesky-releases-code-outlines-content-moderation

https://journalducoin.com/ethereum/le-prochain-twitter-killer-naitra-t-il-sur-ethereum/

Liens hypertextes :

  1. https://blueskyweb.xyz/blog/10-18-2022-the-at-protocol
  2. https://atproto.com/
  3. https://www.cnbc.com/2021/08/16/twitter-funded-bluesky-names-jay-graber-as-leader.html
  4. https://www.20minutes.fr/high-tech/2948775-20210109-trump-banni-twitter-reseaux-sociaux-legitimes-censurer-president-americain
  5. https://www.bizapedia.com/pro-search.aspx?id=b

Comment réseaux sociaux et télé-réalité sont-ils devenus indissociables ? 

Il y a 20 ans, pour ne pas retomber dans l’oubli, les stars de télé-réalité espéraient faire carrière à la télévision, comme Ayem, devenue présentatrice et chroniqueuse sur la chaîne NRJ12. Aujourd’hui, les programmes de divertissement représentent un tremplin pour les candidats qui profitent de la visibilité que leur offre la télévision pour débuter des carrières « d’influenceurs » sur les réseaux sociaux. En d’autres termes, ils capitalisent sur la notoriété acquise pendant la diffusion de l’émission.

150 000 euros par mois, c’est ainsi le montant faramineux que gagne la star de téléréalité Maeva Ghennam, à l’aube de ses 25 ans. Ce n’est pas grâce au salaire qu’elle touche dans le programme auquel elle participe, « Les Marseillais », sur la chaîne de télévision généraliste W9. D’après la productrice de l’émission, Florence Fayard, les candidats seraient payés entre 7000 et 13 000 euros pour quatre semaines de tournage et selon leur ancienneté. Si le montant est impressionnant, il est loin des centaines de milliers d’euros empochés tous les mois par les candidats. 

C’est donc grâce à ses 3,3 millions d’abonnés sur Instagram que Maeva construit un empire financier considérable. Les placements de produits qu’elle publie en « story » ou sur son « feed » plusieurs fois par jour sont grassement rémunérés. Pour les marques, le retour sur investissement est colossal puisque le public visé, jeune et adulant ces stars du petit écran, achète en masse les produits proposés. En gagnant en notoriété, les candidats s’émancipent : à terme, leur popularité sur les réseaux sociaux est telle qu’ils n’ont plus besoin de s’exposer à la télévision pour gagner leur vie. Ils laissent alors place à une nouvelle génération de candidats, désireux comme eux de devenir « influenceurs » à plein temps. Nous pouvons parler d’un véritable business : les candidats accumulent des abonnés pendant la diffusion puis tissent un lien fort avec ces derniers en leur partageant les étapes les plus intimes de leur vie (mariage, grossesse, accouchement) et finissent par vivre uniquement des placements de produits, certains profitant du confort financier pour se lancer dans de nouveaux projets. 

La success story de l’influenceuse star, Caroline Receveur, en est un exemple criant. Aujourd’hui mère de famille et cheffe d’entreprise au plus de 4 millions d’abonnés sur Instagram, c’est dans la première saison du programme « Secret Story », diffusée sur TF1, que le public l’a découverte. Elle s’est aujourd’hui complètement affranchie de l’étiquette de « candidate de télé-réalité » et est un modèle de réussite pour de nombreux internautes. 

Les programmes de télé-réalité profitent donc de ces exemples de carrières abouties pour attirer les candidats, essentiels à la survie des émissions. Alors que les audiences baissent d’année en année, les candidats sont eux, toujours plus nombreux. Cette année, l’émission « Pékin Express », diffusée sur M6 et présentée par Stéphane Rotenberg a enregistré 90 000 candidatures, un nombre record malgré des audiences en baisse. La part d’audience moyenne, qui culminait à 14,5% en 2018 a chuté pour atteindre 11,1% en 2022. 

Malgré ses baisses d’audience, les programmes de divertissement subsistent. En plus des candidats, c’est le public que la télé-réalité retient grâce aux réseaux sociaux. Le jeune public visé se détourne de la télévision mais y est renvoyé lorsqu’il consulte ses réseaux sociaux. En effet, ils sont devenus une extension des programmes, comme Twitter, réseau sur lequel des milliers d’internautes commentent en direct les shows. Cela créer un engouement autour de l’émission, incitant le public à la regarder. Lors de la diffusion de l’épisode le plus vu du programme « Les Marseillais », réunissant 1,32 millions de téléspectateurs le 14 avril 2020, le hashtag au nom de l’émission fut le plus posté sur le Twitter français pendant plusieurs jours d’affilés.

Télé-réalité et réseaux sociaux ne semblent donc pas incompatibles, au contraire. L’essoufflement de ces programmes n’est cependant pas anecdotique et un renouvellement, basé, pourquoi pas, sur une plus forte inclusion des réseaux sociaux, semble nécessaire à leur pérennité. 

Philippine Siméon

Présidentielle 2022 : Les réseaux sociaux ont-ils fait l’élection ?

(Montage AFP)

Il s’est écoulé une semaine depuis le second tour de l’élection présidentielle 2022. Une élection présidentielle très souvent qualifiée d’abstraite ou mise au second plan étant donné l’actualité récente, en particulier la guerre en Ukraine. Une élection présidentielle dont l’équation présentait 3 candidats potentiellement qualifiables pour le second tour. Une élection présidentielle où les réseaux sociaux étaient considérés comme un facteur déterminant, pouvant ainsi faire basculer les résultats. En effet, ces nouveaux moyens de communication sont aujourd’hui omniprésents dans la stratégie politique des candidats. Les réseaux sociaux change la manière de communiquer et sont utilisés comme de précieux procédés pour atteindre directement les électeurs, dans leur vie de tous les jours. Les candidats ont ainsi pour but d’orienter, voire de manipuler, un avis ou une opinion en leur faveur. Il a donc été possible de voir Marine Le Pen chanter sur Tik Tok, Eric Zemmour annoncer sa candidature sur YouTube ou encore Jean-Luc Mélenchon en conférence sur Twitch ! Ceci, afin de toucher un plus large public, en particulier les plus jeunes votants qui se désintéressent de plus en plus des médias classiques. Cependant, on peut se questionner sur l’utilisation des réseaux sociaux et donc de l’emploi du big data pour le compte d’un candidat. L’usage de données récoltées par les militants dans le but de convaincre l’auditoire français indécis est également questionnable aux vues de certaines techniques mises en place, pas toujours très honnêtes et transparentes.

Un ciblage d’électeurs indécis

Depuis certains scandales, il est, en effet, tout à fait normal de se demander comment sont récoltées et utilisées nos données dans le but d’influencer nos futurs choix électoraux. Rappelons l’esclandre du dossier Cambridge Analytica qui en 2015 avait recueilli les données de près de 87 millions d’utilisateurs de Facebook via une application externe (Business Insider, 2019). Des données personnelles ont été récoltées, comme les lieux de vie ou encore les pages que les utilisateurs suivaient, dans l’optique de créer des profils psychologiques, analysant les caractéristiques et les traits de personnalités des utilisateurs concernés. On sait que ces informations ont ensuite été traitées dans le cadre de la présidentielle de 2016 aux Etats-Unis qui a vu Trump se faire élire (Les Echos, 2018). Tout cela, sans le consentement des utilisateurs. Ces pratiques sont aujourd’hui abordées en France de manière précautionneuse par les politiques suite à ce scandale mais aussi aux lois instaurées, en 2018, sur le RGPD et la protection des données. Pour cette campagne 2022, Anaïs Théviot, maîtresse de conférence en sciences politiques, mentionne l’utilisation de logiciels comme Nation Builder qui permet de proposer un ciblage efficace de la communication des campagnes électorales pour influencer et inciter les potentiels électeurs à voter pour le candidat en question. Un ciblage basé sur des données recueillies via les réseaux sociaux et les données de l’INSEE (France Culture, 2022).

Le paysage des candidats suivis sur les réseaux sociaux

Un outil stratégique

Les réseaux sociaux ont joué un rôle primordial dans la campagne présidentielle française 2022 : ils ne sont plus seulement un outil de communication à destination des jeunes générations, mais bien un outil stratégique, tel une porte d’entrée pour susciter les votes envers un candidat en particulier. Véritable moyen de désintermédiation, il permet au candidat de rentrer directement en contact avec un électorat potentiel sans passer par le biais de médias classiques. Les candidats, et en particulier ceux des partis extrêmistes, sont ainsi moins exposés à la censure potentielle ou l’analyse orientée des journalistes politiques. Avec cet outil, les candidats peuvent désormais discuter avec leur électorat et plus seulement communiquer. Fabienne Greffet, maîtresse de conférences en science politique, mentionnait même : « l’espace télévisé n’est plus l’espace naturel où va se déployer la campagne » (Ouest France, 2022). Et pour atteindre le plus grand nombre de personnes, il faut être capable de se déployer rapidement, et ce, peu importe les moyens, comme le soutenait Samuel Lafont chargé de communication et de stratégie numérique pour le compte de la campagne d’Eric Zemmour. Des moyens légaux certes, mais pouvant être qualifiés de peu éthiques. Vincent Bresson, journaliste et auteur de l’enquête en inflitré dans la campagne de Zemmour « Au cœur du Z», dénonce des aspects difficilement avouables des stratégies numériques mises en place via les réseaux sociaux. La réécriture continuelle de la page Wikipédia du candidat Zemmour cherchant ainsi à minimiser ses positions extrémistes, en est un parfait exemple, lorsqu’on sait que sa page Wikipédia était une des pages francophones les plus consultées pendant la campagne présidentielle. Un autre phénomène s’est fortement développé sur les réseaux sociaux pendant cette campagne : l’astroturfing. Pour rappel, l’astroturfing est le fait de donner l’impression qu’il y a une prise de décision ou d’action collective spontanée sur un sujet en particulier, alors que celle-ci a été effectuée de manière coordonnée. Vincent Bresson met en exergue l’utilisation de messagerie cryptée sur lesquelles les équipes de campagne d’Eric Zemmour, et probablement celles des autres candidats, encourageaient les militants à lancer, par exemple, un hashtag, qu’ils devaient poster ou partager sur les réseaux. Les équipes des candidats leur envoient du contenu à copier-coller comme des textes, des photos ou des vidéos, et les incitent à les repartager de manière faussement spontanée, dans le but de se rendre visible. Le hashtag se retrouvera alors placé en top tweet et sera visible, likeable et partageable pour les autres utilisateurs, contribuant ainsi à l’effet astroturfing. Les médias classiques peuvent parfois même s’emparer de l’information sans avoir conscience de la mécanique artificielle, puisque floués par l’effet astroturfing, et ainsi la diffuser sur des médias plus classiques comme la télévision. L’astroturfing est particulièrement observable sur les groupes Facebook dont les intérêts n’ont aucun rapport avec la politique, mais dont les membres sont d’éventuels prospects. Après s’être infiltrés dans ces groupes, les militants partagent du contenu dans le but de voir celui-ci être relayé. Une technique de référencement a également pu être établie : un moteur de recherche appelé « Zemmour pour tous » qui permet de rechercher des vidéos, toutes hébergées sur Youtube, où intervient Eric Zemmour. L’algorithme de référencement de Youtube (SEO) intègre alors les recherches de ces vidéos en associant aux vidéos un mot clé rentré sur le moteur de recherche. Cela permet d’avoir en recommendation sur YouTube des vidéos d’Eric Zemmour, dès lors qu’on rentre le mot clé sur la plateforme.

Une croissance particulièrement forte chez Eric Zemmour

Une question d’adhésion

Toutes ces techniques constituent la première étape du déroulé d’une élection sur les réseaux sociaux, l’objectif étant de susciter la curiosité et l’intérêt des potentiels électeurs et des indécis. Le principal but de cette étape est de faire connaître le candidat en question et que les français en parlent. Ce qui a été le cas pour tous les protagonistes au moment de leur annonce de candidature. L’attrait des utilisateurs peut être mesurable en regardant les statistiques des réseaux sociaux, comme le nombre de followers, de likes ou de partages. Une mesure qui a démontré que les moyens déployés par l’équipe de campagne d’Eric Zemmour ont été efficaces, puisqu’il a multiplié par quatre sa base d’abonnés depuis septembre 2021 (Les Echos, 2022). Cependant, il faut garder en mémoire que des faux comptes peuvent être créés, dupliqués ou que des faux followers peuvent être achetés, pour influer sur les chiffres. Plus l’échéance de l’élection approche, plus les candidats doivent transformer cet intérêt en adhésion et donc en vote, ce qui constitue la seconde étape. L’adhésion se gagne avec une communication positive du candidat, en lui donnant une stature présidentiable grâce à deux ou trois points stratégiquement forts de son programme. Un très bon moyen de savoir si la stratégie arrive à établir une logique d’adhésion est, d’après Véronique Reille Soult spécialiste en communication et e-réputation, de regarder si la communauté adepte du candidat commence à pénétrer d’autres communautés en faisant passer ses messages (Ouest France, 2022). Les faux comptes et autres comptes fantômes n’auront donc aucun impact dans cette logique puisqu’ils seront inutiles pour communiquer envers d’autres communautés. Toujours dans cette logique d’adhésion, les réseaux sociaux peuvent aussi être employés pour décrédibiliser un candidat concurrent, à l’image des « Macron Leaks » en 2017 qui constituaient le piratage d’origine inconnue de plus de 20000 documents électroniques reliés à la campagne du futur président qui ont été rendus public quelques jours avant le vote du second tour (France Culture, 2022). Les réseaux sociaux se sont donc emparés très rapidement de l’information et ont amplifié sa propagation.

Les réseaux sociaux ne servent pas uniquement à suciter l’intérêt, ils s’inscrivent également dans une logique d’adhésion des électeurs pour un candidat.

Pour conclure, les réseaux sociaux ont eu une place importante dans l’élection présidentielle puisque la grande majorité de la population française se renseigne aujourd’hui via internet et notamment les réseaux sociaux. Tout l’enjeu de la stratégie d’une campagne numérique est d’être présent là où les électeurs se trouvent pour tenter de récolter le plus de voix possible. Néanmoins, cela n’aura pas forcément renversé la tendance pour cette élection car certains candidats n’ont pas réussi à transformer l’intérêt suscité en adhésion, puis en vote. Dans des situations de choix complexes, on ne se rapporte pas forcément à des choses de l’ordre du rationnel mais de l’ordre de l’affect (jeune, sympa, cool…), comme sur Instagram ou TikTok avec Macron se prenant en selfie vidéo ou Marine le Pen chantant du Dalida. Qu’on le veuille ou non, cela à un impact sur notre vote (Hugo Decrypte, 2022). Certains processus, passant souvent inaperçus, sont employés par les équipes de campagne pour influencer et de manipuler les choix des votants. Des techniques comme l’astroturfing encouragent le repartage d’une information, sans vérification de source, pour la rendre spontanée et ainsi renforcer sa crédibilité. Cette propagande via les réseaux sociaux sera une menace grandissante pour les futures élections, si nous n’éveillons pas la conscience des votants à l’égard des pratiques employées et si nous n’éduquons pas les électeurs sur les données qu’ils partagent, qu’ils likent ou qu’ils suivent. On constate que le débat ne porte plus principalement sur le fond mais sur la forme et que, entre punchlines et fake news, les réseaux sociaux sont adaptés à ce nouveau genre de communication. Une tendance qui va certainement s’accélérer sur les prochaines élections.

Chloé Sangiorgio

Références

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Bresson, V., 2022. Au cœur du Z. ed. Goutte d’or.

Corsan, O., (2022) . [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-comment-les-reseaux-sociaux-bousculent-la-campagne-31-10-2021-3OVRHGGXUFANNI6IWXWXXBZHX4 [Accedé le 1 Mai 2022].

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Hugo Decrypte, (2022). Le Master SIREN invite Hugo Decrypte. Université Paris-Dauphine, 26 Avril 2022.

Ma, A. et Gilbert, B., 2019. Facebook understood how dangerous the Trump-linked data firm Cambridge Analytica could be much earlier than it previously said. Here’s everything that’s happened up until now.. Business Insider, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.businessinsider.com/cambridge-analytica-a-guide-to-the-trump-linked-data-firm-that-harvested-50-million-facebook-profiles-2018-3?r=US&IR=T [Accédé le 25 Avril 2022].

Philipps, G., 2022. Les réseaux peuvent-ils destabiliser l’élection ?. France Culture, [EN LIGNE]. Disponible via : https://www.franceculture.fr/politique/presidentielle-2022-les-reseaux-peuvent-ils-destabiliser-lelection [Accédé le 27 April 2022].

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Saltiel, F et Théviot, A,. 2022. Les réseaux sociaux peuvent-ils faire basculer une élection ?. Le meilleur des mondes. [Podcast]. [Accédé le 22 April 2022]. Available from: https://www.franceculture.fr/emissions/le-meilleur-des-mondes/les-reseaux-sociaux-peuvent-ils-faire-basculer-une-election.

Tran, S., 2022. Présidentielle 2022. « L’espace télévisé n’est plus l’espace naturel où va se déployer la campagne ». Ouest France, [EN LIGNE]. /, /. Disponible via : https://www.ouest-france.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-l-espace-televise-n-est-plus-l-espace-naturel-ou-va-se-deployer-la-campagne-e1300368-7308-11ec-b5e2-f1d665483d2a [Accédé le 25 Avril 2022].

Luxe et réseaux sociaux, deux univers incompatibles ?

On pourrait penser de prime abord que le luxe et les réseaux sociaux sont deux concepts aux antipodes. En effet, le luxe représente un monde traditionnel, presque inaccessible tandis que les réseaux sociaux symbolisent la modernité, les nouvelles technologies et ont surtout vocation à toucher un large public. De fait, l’univers du luxe, jusqu’à présent réticent à ce changement, a pris beaucoup de retard dans sa transition digitale.

Les marques de luxe ont donc dû adapter leur stratégie de communication pour toucher une audience plus importante en démocratisant leur contenu grâce à un storytelling davantage universel. L’enjeu majeur auquel ces marques ont pu être confrontées est de trouver la juste combinaison, à savoir comment sembler accessible tout en restant inaccessible ? La grande difficulté à donc été de se positionner sur le même plan que leurs concurrents plus « mainstream » tout en gardant les valeurs intrinsèques au luxe. Il a donc été nécessaire de casser certains codes pour gagner en visibilité sur les plateformes et ainsi courtiser de nouveaux clients.

Les accélérateurs de cette transition

Différents facteurs ont poussé les marques de luxe à se lancer dans l’univers digital en soignant leur représentation sur les réseaux sociaux. En effet, avec la pandémie ainsi que l’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs tels que les jeunes et la clientèle asiatique, les marques ont dû s’adapter à un changement drastique dans les habitudes d’achat des consommateurs de luxe.

Le marché asiatique

Dans un premier temps, on remarque depuis quelques années un fort attrait pour le luxe dans les pays asiatiques, notamment la Chine qui représente aujourd’hui 21% de la part de marché mondiale du luxe. Pour plaire à cette nouvelle clientèle très avancée sur la plan technologique, le luxe a donc dû accélérer sa transition digitale. Les réseaux sociaux vont également avoir une place très importante au sein de la jeune génération asiatique avec l’arrivée d’un nouvel état d’esprit dans l’habillement, le « to be seen on screen », c’est-à-dire être parfaits à l’image, avoir un look « instagramable ». Les designers doivent donc réfléchir à la manière de rendre chaque pièce plus photogénique en retravaillant les matières, les couleurs, les graphismes, …

Les jeunes 

Actuellement les générations Y et Z représentent environ 60% du marché du luxe et pourraient atteindre 70% d’ici 2025. Ainsi, ce secteur va devoir s’adapter aux nouvelles exigences, comportements, usages et habitudes de ces consommateurs. La caractéristique de cette génération est qu’elle affiche énormément sa vie sur les réseaux en montrant ce qu’elle fait, ce qu’elle aime ou encore ce qu’elle achète. Ils suivent énormément de créateurs de contenu et sont très influencés par ces derniers.

Le Covid

Enfin, le Covid a également joué un rôle dans le changement de comportement des individus. Depuis la propagation du virus, les questions d’éthiques et de développement durable semblent plus que jamais influencer les comportements d’achat. L’expérience en boutique, mais aussi tous les évènements tels que les défilés, les cocktails, les privatisations ont été interdis et ont donc amené les marques de luxe à se réinventer pour continuer à rester en contact avec sa clientèle. De fait, les investissements en stratégie d’influence ont fortement progressé.

Luxe et influence

Les réseaux sociaux viennent offrir un large éventail d’outils marketing afin d’attirer ces nouvelles cibles et convenir aux nouveaux modes de consommation de ses clients. Ainsi, le but des réseaux sociaux pour une marque de luxe ne va pas être de vendre directement ses produits sur la plateforme, mais plutôt de soigner son image et surtout sa e-réputation. Ils apportent un nouveau souffle qui permet de rajeunir leur image, de gagner en transparence afin de sensibiliser plus sur certains enjeux.

Soigner sa e-réputation afin d’attirer les jeunes

A la différence des consommateurs de luxe traditionnels, les jeunes vont être très sensibles aux problématiques liées à l’environnement, l’éthique ou encore la diversité. Ainsi, c’est dans l’intérêt des marques de luxe d’utiliser cet outil numérique afin de promouvoir ces valeurs dans sa communication sur les réseaux. Ceci pourra également être l’endroit où la marque pourra faire preuve de transparence en montrant, par exemple, comment sont confectionnés ses produits au travers de vidéos (voir « focus sur Lena Situation »). La stratégie de certaines maisons à l’instar de Moncler ou encore Valentino est d’afficher clairement des messages forts pour promouvoir l’éthique ( comme suppression de la fourrure pour la protection animale) de la marque ainsi que leur démarche éco-responsable.

Le choix des influenceurs et marketing d’influence

L’ère des égéries (top modèles, actrices, …) a fait place à celle des influenceurs. Ce choix n’est plus directement imposé par la marque mais par une synergie entre popularité et éthique. L’influenceurs doit véhiculer des valeurs que partage la marque, mais qui sont également en accord avec sa propre ligne éditoriale. Il faut donc réussir à trouver une triple symbiose entre la marque, l’influenceur et sa communauté.

Pour toucher à la fois les générations Y et Z, les marques de luxe vont devoir sélectionner avec soin les influenceurs afin qu’ils continuent à porter l’image et les valeurs de la marque. Le markéting d’influence va donc être utilisé par les maisons de luxe comme un outil phare de leur stratégie de communication sur les réseaux sociaux. A titre d’exemple, aujourd’hui Dior n’hésite pas à inviter des influenceurs à ses défilés, auparavant réservés aux célébrités ou personnalités mondiales (exemple : Lena Situation, Paola, …  ) .

Le choix de ses influenceurs ne va pas se faire au hasard. Les marques vont devoir choisir des personnalités en accord avec les aspirations des jeunes en combinant de manière subtile les méga, macro et micro-influenceurs. Les top influenceurs vont venir contribuer à renforcer l’image et la notoriété de la marque tandis que les macro et micro-influenceurs vont davantage se focaliser sur un objectif d’engagement et de confiance, permettant de gagner en authenticité. Créant ainsi une relation bilatérale, dans la mesure ou la notoriété de l’influenceur varie en fonction du prestige de la marque.

In fine, les influenceurs permettent de montrer à leur audience des produits et services afin de démocratiser ce secteur autrefois perçu comme exclusif et trop fermé. A l’inverse des célébrités, les influenceurs possèdent une relation plus intime avec leur communauté. Ceci permet de donner de la valeur aux marques grâce aux recommandations faites par les influenceurs jugés comme étant légitimes et authentiques.

Par ailleurs, on remarque que lorsqu’une marque fait appel à un influenceur pour promouvoir l’un de ses produits, ceci sera davantage un produit accessible tel que du cosmétique ou encore un parfum, plutôt que des sacs ou du prêt-à-porter. L’influenceur crée ainsi une clientèle de primo accédant qui pourra ensuite se familiariser et s’intéresser à une gamme plus élevée.

Focus sur Léna Situation & Chiara Ferragni

Sans aucun doute, on peut dire que la bloggeuse et styliste Chiara Ferragni a été la pionnière dans le marketing d’influence en étant l’une des premières personnalités à faire des collaborations avec les plus grandes marques de luxe. Déjà en 2018, la maison de haute couture Dior a pu sponsoriser son mariage. Selon l’agence Launchmetrics, l’impact médiatique du mariage est estimé à 5,6 millions de dollars, et la photo de sa robe de mariée a été likée plus de 2 millions de fois sur son compte Instagram.

Du côté français, on peut s’accorder à dire que l’influenceuse la plus populaire du moment est Lena Situation, très médiatisée depuis 2020. En seulement 2 ans, la créatrice de contenu a déjà eu l’opportunité de faire des collaborations avec les plus grandes marques de luxe telles que Balmain, Miu Miu ou encore Dior. Ainsi, sur la chaîne Youtube de Lena il est possible de retrouver un contenu exclusif comme la présentation des ateliers Dior ou encore de nombreux défilés de mode.

Les réseaux sociaux comme nouvel outil de vente

Les réseaux sociaux dans l’avant et après-vente

Les réseaux sociaux vont intervenir à différentes étapes dans le cycle d’acquisition d’un produit de luxe. Tout d’abord, ils vont jouer un rôle majeur dans la découverte d’un produit. De ce fait, lors du lancement d’une nouvelle gamme de produit, les marques de luxe ne vont pas hésiter à faire appel à des influenceurs pour la faire découvrir à sa communauté. On pourrait par exemple citer la campagne de Lancôme avec la sortie de son nouveau parfum « la vie est belle – l’éclat ». De plus, les influenceurs modes sont également suivis par leur communauté comme étant des modèles dans leur style vestimentaire. Ainsi beaucoup de marques vont faire du « gifting » pour qu’un influenceur porte son produit et ainsi donne envie aux individus de sa communauté d’acheter cette pièce pour faire le même look.

Ensuite les réseaux sont également très importants dans la phase d’avant-vente, lors de la prise de décision. En effet, les réseaux sont le terrain parfait pour trouver des avis sur un produit, et voir comment il rend dans « la vraie vie ».  

Offrir une nouvelle expérience

Enfin, les réseaux sociaux permettent d’étendre l’expérience luxe au delà du monde physique. On  a beaucoup vu ces dernières années des marques de luxe faisant appel à la réalité augmentée. On pourrait par exemple citer Dior qui s’est associé à Snapchat pour lancer ses nouvelles sneakers B23 avec la création d’un filtre où l’utilisateur a la possibilité d’essayer ses chaussures de manière virtuelle.

Margaux Tournois

Sources :

Léontine Parolini, L’industrie du luxe et les influenceurs : un combo gagnant, Mai 3, 2021

#TheFerragnez | L’impact digital du mariage de Chiara Ferragni & Fedez, Sep 06, 2018

Carine Zanchetta, Luxe et marketing d’influence : une union dans l’air du temps Jun 22, 2021

Caroline Boudehen, Comment les jeunes et riches Chinois bousculent le marché du luxe Mai 13, 2021

Le luxe face au défi des réseaux sociaux, Juil 31, 2017

Snapchat Shows : de nouvelles opportunités publicitaires ?

Apparus en novembre 2018, les « shows » sont des programmes vidéo quotidiens ou hebdomadaires que l’on peut retrouver dans l’onglet Discover de Snapchat. D’une durée comprise entre 3 et 7 minutes, ils combinent la volonté de proposer du contenu plus scénarisé tout en participant à la tendance des formats courts. Les annonceurs étant de plus en plus friands de la publicité sur les réseaux sociaux, quels sont les arguments de Snapchat pour les convaincre ?

Les shows au coeur du Discover

Format vertical s’imbriquant dans une série composée plusieurs épisodes, les shows Snapchat sont proposés par des éditeurs et abordent plusieurs sujets : actualité, société, cuisine, sport ou encore beauté. Contrairement aux éditions publishers également présents dans le Discover, les shows ne disparaissent pas après 24h. Proposés exclusivement par une cinquantaine de partenaires media sélectionnés par Snapchat, ils ne sont donc pas (encore) accessibles en termes de production au grand public, ni aux autres créateurs de contenu.

Les partenaires éditoriaux de Snapchat, dans la rubrique Discover

Chaque show est scénarisé, planifié en termes de fréquence et d’audience par l’éditeur, et ensuite validé par le réseau social. Il de se focaliser sur un thème ou un angle, moins développé dans les éditions publishers. Par exemple, « Témoignage » par Cosmopolitan propose chaque semaine un épisode de 300 secondes d’une prise de parole face relatant tabous persistants dans la société (troubles psychiatriques, violences, handicap etc.).

Avec une durée de quelques minutes, les éditeurs (et Snapchat) ont la volonté de créer de nouveaux rendez-vous, afin de créer de la fidélité et augmenter le temps passé sur l’application. Avec des formats courts, ils ont la volonté de séduire les générations, notamment habituées à la courte durée des Tiktoks et des Reels Instagram. La proposition par série permet donc d’installer un réel storytelling et de préserver l’attention de l’utilisateur, avec comme objectif à long terme de développer des fictions ou des mini-séries.

Un reach potentiel non négligeable

Si la motivation des éditeurs réside dans le fait d’informer leur audience, le reach potentiel de la plateforme demeure un très bon argument de vente auprès des annonceurs. En effet, selon Médiamétrie, en janvier 2022 en France, Snapchat comptait 25,2M de visiteurs uniques (+26% par rapport à 2020), et 18,1M par jour (+32% par rapport à 2020). Son score journalier le classe 5e des marques les plus visitées sur internet, derrière Google, Facebook, Youtube et WhatsApp. L’application dépasse Instagram de plus de 3M de visiteurs uniques journaliers alors qu’Instagram compte 10M de visiteurs mensuels de plus au niveau mensuel. Une preuve d’engagement pour Snapchat : un utilisateur est plus susceptible d’ouvrir Snapchat une fois par jour plutôt qu’Instagram.

Cette progression des visiteurs uniques va de pair avec les utilisateurs actifs quotidiens (DAU), qui sont près de 16,6 millions en France et 82 millions en Europe. La diffusion des campagnes publicitaires a ainsi de grandes chances d’atteindre un niveau d’impressions satisfaisant. Le potentiel d’audience de la plateforme est significatif, sachant que le temps moyen/jour d’un utilisateur Snapchat est de 49 minutes, et plus d’une heure pour les utilisateurs entre 15 et 24 ans, le faisant réseau social le plus important en termes de temps d’utilisation. Dans le cas des shows, il faut compter 2 publicités pour 5 minutes de format. Avec un plus grand temps passé pour l’utilisateur, un plus grand nombre d’affichage de publicités est possible.

PureBreak, éditeur géré par Webedia, compte en avril 2020 3,8M de visiteurs uniques. Ses trois shows, « Match ou Next », « Off Screen » et « L’interro Surprise » atteignent une audience de 2,6 millions de spectateurs uniques en moyenne sur la plateforme. Si les annonceurs peuvent craindre une audience trop jeune (spectateurs non-décisionnaires d’achats), Snapchat a récemment diffusé ses audiences, en affichant que 14,9% des audiences touchés par la publicité sont mineurs. Si ce n’est un engagement de transaction, les annonceurs peuvent organiser des campagnes avec pour objectif de la notoriété ou du branding.

Age de l’audience de Snapchat en France, par DataMind, basé sur les rapports de Snap Ads Manager

Des formats publicitaires spécifiques

Avec 2 coupures publicitaires pour 5 minutes de contenu, les annonceurs ont de quoi se positionner sur la plateforme.


Les formats publicitaires sur Snapchat, © Snap Inc

  • Les Snap Ads. GIF animé ou vidéo, cette publicité intervient entre les Snaps présents dans le Discover. Agrémenté d’un CTA (Call To Action) tel que « Voir », « Jouer », « Acheter » ou encore « S’inscrire », ce format permet de générer du traffic ou d’augmenter les téléchargements d’une application, mais aussi d’améliorer le taux de conversion. Bien que les normes de Snapchat acceptent les publicités jusqu’à 3 minutes (idéales pour les teasers ou bandes annonces), le format recommandé est de 3 à 5 secondes, afin de maximiser l’attention de l’utilisateur.
Exemple : Snap Ad de Krys

  • Les Snaps Commercials. Ce format publicitaire est considéré comme premium, car non-skippable pendant 6 secondes, en plein écran et avec le son activité automatiquement. Les annonceurs peuvent décider du placement de leur publicité, avec une réservation de l’emplacement dans le contenu éditorial des shows. Cela leur permet d’obtenir une meilleure mémorisation du message par un meilleur taux de complétion vidéo. Snapchat a communiqué la campagne exclusive de Coca Cola Light Taste, qui a été diffusée exclusivement sur Snapchat pour en mesurer la réelle efficacité. Résultat : taux de complétion moyen de 80%, mémorisation publicitaire de plus de 18 points et augmentation des ventes de 3,6%.

  • Les Collection Ads. Composé d’un carrousel d’images et/ou de vidéos, ce format est utilisé surtout dans un but de conversion pour le e-commerce. Il apparaît entre le visionnage de deux stories, et dans le cas des shows, entre deux épisodes.

  • Les Story Ads. Ces annonces viennent se mélanger aux éditions publishers et aux shows dans le discover. Comme si ces publicités étaient des émissions/contenus à part entière, elles ne s’activent que si les utilisateurs cliquent dessus.

  • Les Dynamics Ads. Ces annonces permettent de mettre en avant des publicités directement avec le catalogue produit de l’annonceur, avec un ciblage et une sélection automatique.

  • La native/partenariat éditorial. Non-gérable directement par Snap Ad Manager, ce format consiste à faire la promotion d’un produit/d’une marque à travers le journaliste qui présente le Show. Les annonceurs passent alors directement par la rédaction de l’éditeur, ce partenariat sera néanmoins toujours validé par Snapchat, car eux-seuls valident scénarios et contenus avant la diffusion.

En ce qui concerne le prix, le réseau social propose deux options : un budget quotidien (minimum de 5€) ou un budget global sur une période définie. Snapchat met à disposition, pour les annonceurs préférant collaborer directement avec leur régie publicitaire et non avec celles des éditeurs, des prévisions d’affichage et du nombre de « Swipe-Up ». Snapchat peut ainsi vendre des emplacements au sein des contenus éditoriaux et entre les épisodes des Shows des éditeurs, en leur partageant 50% des revenus. Cependant, toutes les données récoltées auprès des segments d’audience des publicités vendues par Snapchat leurs sont réservées, et les éditeurs ne peuvent y avoir accès. Du côté des régies publicitaires des éditeurs, les tarifications des formats varient entre 8 et 12€ de CPM (Coût Par Mille).

Pourquoi Snapchat ?

Tout comme ses concurrents, Snapchat propose un ciblage data précis, qui permet de viser des secteurs démographiques, des intérêts ou encore la localisation de ses utilisateurs. A l’instar de Facebook, il propose également des audiences personnalisées qui permettent de créer des Lookalikes, pour cibler des utilisateurs similaires aux clients actuels de l’annonceur. Les différents formats laissent libres les annonceurs pour exprimer leurs créativités, tout comme optimise le temps de ceux qui souhaitent réaliser les campagnes les plus simples possibles (GIF d’images par exemple). Moins populaire auprès des annonceurs, comme Facebook Ad Manager avec Instagram, la concurrence peut également être plus faible sur Snapchat. Argument de taille, l’écosystème éditorial fermé du Discover, avec seulement des partenaires médias, protège des fakes news. En contrôlant le contenu éditorial, Snapchat s’assure d’avoir un environnement sain pour ses annonceurs au sein du Discover. Par ailleurs, Snapchat possède des règles publicitaires assez strictes, avec un encadrement autour des sujets sensibles pour les annonceurs comme pour le public, avec notamment les sites de rencontre, l’alcool, les traitements minceurs, la chirurgie esthétique, les jeux d’argents ou encore les produits financiers.

Cependant, Snapchat possède des contraintes non négligeables. Par exemple, le format vertical, avec très peu de largeur peut contraindre les annonceurs qui ont l’habitude de promouvoir avec des formats horizontaux. En ayant moins d’offres publicitaires pour des normes plus strictes que ses homologues, Snapchat a également des contraintes en termes de possibilités pour les plus petits annonceurs, n’ayant pas nécessairement le budget.

Snapchat est en test pour un nouveau modèle de contenu, les Dynamic Stories, permettant aux articles d’un site de remonter directement en story dans le flux de Discover, avec en swipe up l’accès au site de l’éditeur. Deux problématiques inhérentes à cette démarche : quels seront les impacts sur les formats publicitaires des articles sur les sites, et quid de la présence exclusive des éditeurs partenaires sur le Discover.

Alice Joie

Sitographie

Influenceurs et communautés : bouleversement dans nos relations (para)sociales

Il devient presque inutile aujourd’hui de présenter les relations parasociales, tant elles ont fait l’objet d’un regain d’intérêt à l’ère de l’explosion des médias sociaux. Il est pourtant nécessaire de revenir à l’essence même du terme pour comprendre la suite du propos. Après un premier essor dans les années 1950s en parallèle de celui des médias de masse et une formulation du terme par les chercheurs américains en science sociales D. Horton et R. Wohl[1], il revient sur le devant de la scène avec l’apparition de nouveaux acteurs : les influenceurs. Désignant primairement une « relation psychologique unilatérale vécue par quelqu’un qui ressent un lien émotionnel et intime avec quelqu’un qu’il n’a jamais rencontré », le terme prend tout son sens dans l’étude du lien entre un influenceur et sa communauté au même titre qu’il y laisse apparaitre des limites nouvelles. A son apparition au siècle dernier, le but était principalement de mettre un mot sur la fascination que l’on pouvait ressentir face aux stars hollywoodiennes que l’on pouvait voir quotidiennement sur le petit écran de notre salon mais que l’on savait au même moment inatteignable, car socialement très distancée de nous. Les créateurs de contenu, les nouvelles stars d’aujourd’hui, sont alors parvenus, en apparaissant spontanément dans le paysage médiatique moderne, à remettre en lumière cette relation en la reformattant aux normes d’une société comme « horizontalisée » par les réseaux sociaux.

Première vidéo postée sur Youtube en 2005

2005, la première vidéo Youtube est postée sur la plateforme. Presque 20 ans plus tard, ce sont près de 720 000 heures[2] de contenu qui sont postées chaque jour et des milliers de créateurs / micro-entrepreneurs qui ont fait de cette nouvelle activité passion, un réel business. Le phénomène de Youtuber prend de l’ampleur dans les années 2010s pour s’étendre à toute la panoplie de réseaux sociaux actuels – Instagram, Tiktok, Twitch, Twitter, etc. – faisant de ces nouveaux influenceurs, des acteurs éminemment importants pour les utilisateurs, principalement la jeunesse. De leurs collaborations avec diverses marques aux invitations à des évènements prestigieux, ces nouvelles stars n’ont rien à envier aux stars plus « classiques » du cinéma ou de la musique. Ayant construit de bout en bout ce qu’ils nomment souvent leur « communauté » (l’ensemble des gens qui les suivent), ces influenceurs peinent souvent à se définir comme des célébrités et leurs followers comme des fans, tout en en cochant la plupart des cases.

Même s’il était difficilement envisageable, il y a 10 ans de cela, de s’imaginer faire carrière sur les réseaux sociaux, c’est aujourd’hui une réalité. Et cette réalité de célébrité est d’autant plus flagrante qu’elle est assez facilement mesurable par le nombre à côté de leur photo de profil, pouvant monter à plusieurs millions de followers. Suivre de près la carrière de Leonardo DiCaprio ou les posts Instragram de LenaSituations se résume alors au même principe d’unilatéralité, essentiel dans la qualification des relations parasociales. Les influenceurs ne dérogent pas à la règle : malgré l’appellation de « communauté », leurs followers restent cantonnés au rang de « fan ».

Compte Instragram de l’influenceuse LenaSituations

Revenons maintenant à nos relations parasociales. S’il est indéniable que la relation entre un influenceur et sa communauté relève d’une relation parasociale, elle prend une forme assez différente de celle étudiée dans les années 1950s. D’après une étude de Shupel Yan de la Northern Illinois University[3], les relations parasociales sont fortement corrélées à la proximité et la similitude qu’un individu ressent face à la personne qu’il admire. C’est sur ce point précis que la relation va changer. Les influenceurs ont cela de particulier et de nouveau de mettre en avant un contenu plus personnel et intime qui va toucher son audience d’une manière différente. Alors que, précédemment, les relations parasociales semblaient se baser sur de l’admiration pour le talent ou la personnalité de la célébrité, les nouvelles relations semblent davantage construites sur les bases de confiance et de proximités entre les parties. Les stars hollywoodiennes vont alors assez peu évoquer leur vie privée – ou de façon non-consentie par l’intermédiaire de journalistes – alors que les influenceurs auront tendance à partager cela de façon beaucoup plus naturelle, comme on le partagerait à des amis. Le climax de ce phénomène s’illustre parfaitement par les vlog – vidéos de la journée d’un influenceur, permettant à sa communauté une immersion totale dans son intimité. Au fil du temps, l’audience de ces influenceurs développe un sentiment intimiste qui reflète et reproduit les interactions sociales réelles, s’intensifiant à l’obtention d’informations personnelles sur ces célébrités. La frontière entre relations parasociales et simple relation sociale se floute en même temps que les conditions ne sont plus pleinement remplies.

Alors que l’exposition aux contenus des influenceurs est beaucoup plus intense – voir quasi quotidienne – les réseaux sociaux révolutionnent la relation par l’accessibilité accrue à l’influenceur qu’ils donnent à sa communauté. L’asymétrie qui enfermait et isolait pendant longtemps la star à ses fans se rompt en un message privé sur Instagram ou un commentaire sous une vidéo Youtube. Le fan passif devient actif de la construction de sa relation avec sa célébrité. Selon le Dr Cook, « Social media allows the untouchable to become touchable » (les réseaux sociaux permettent à l’inatteignable de devenir attaignable). La relation peut alors sortir du domaine imaginaire car même si le retour n’est pas assuré, l’espoir, lui, est bien présent, et la probabilité bien plus grande. Et même s’il est également possible de contacter Beyoncé en DM, les bases de proximité sur lesquelles se sont construites les relations entre les créateurs de contenu et leur communauté permettent bien plus facilement un échange entre les parties. Les nouvelles technologies ont permis de transformer les interactions parasociales en une représentation plus précise des interactions sociales. Cette simulation d’une amitié réelle est entretenue par les influenceurs – de manière consciente ou non – par l’intermédiaire de rencontres (meet-up), d’incitation à l’interaction (sondage, Q&A, etc.) ou même par l’utilisation du tutoiement lorsqu’ils s’adressent à eux. Les followers cherchent une relation bien différente avec les influenceurs, qu’ils voudraient souvent – et le plus possible – d’égal à égal, allant jusqu’à critiquer les créateurs qui s’éloigneraient de leur communauté en gagnant en popularité.

Vidéo Vlog de l’influenceuse Enjoyphoenix (film de ses vacances partagé à sa communauté)

Malgré l’interaction possible, l’asymétrie reste bien présente. L’influenceur ne peut pas lier une relation d’amitié avec les milliers de personnes qui le suivent sur ses réseaux sociaux. Ces derniers ont ouvert la voie à une nouvelle forme d’interactions parasociale amenant à une perte de conscience du caractère intrinsèquement parasociale de la relation.

Si un doute quant à la qualification de la relation peut persister du côté de la communauté, les influenceurs ont tendance à être plus lucides sur la question, pouvant même profiter de cette opportunité nouvelle. La célébrité offerte à ces créateurs par Youtube ou les autres réseaux sociaux et la proximité particulière créée (comme nous venons de le voir) offrent une crédibilité aux influenceurs que les marques ont très rapidement comprise. Les pseudo-amitiés entre les créateurs et leur communauté résonnent comme la traduction virtuelle d’un bouche-à-oreille (word of mouth) à plus grande échelle, tout en gardant un cadre intimiste. Plus la relation parasociale est intense, plus les produits promus par l’influenceur auront un intérêt pour sa communauté. Ainsi, les liens se complexifient encore davantage, mais il se pourrait que les deux côtés y trouvent leur compte. Si les influenceurs surfent sur leur notoriété acquise par les réseaux sociaux pour se créer un microcosme personnelle et gagner en popularité, la communauté de ces dernier peuvent, malgré l’asymétrie, se satisfaire d’une relation à sens unique qui peut les inspirer, les faire grandir tout en évitant tout rejet ou déception. Le tout est de ne pas se faire duper sur la nature de cette relation.

Sophie PINIER

Sources

Études sociologiques

CACCAMISE Samantha, Parasocial Relationships Are The Social Media Downfall Everyone Is Talking About, octobre 2021, disponible ici : https://stylecaster.com/parasocial-relationships-meaning/

RASMUSSEN Leslie, Parasocial Interaction in the Digital Age: An Examination of Relationship Building and the Effectiveness of YouTube Celebrities, The journal of social media in society, 2008, Vol.7

GLEASON Tracy R., THERAN Sally A., NEWBERG Emily R., Parasocial Interactions and Relationships in Early Adolescence, Department of Psychology, Wellesley College, Wellesley, MA, USA, février 2017, disponible ici : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2017.00255/full

SHUPEL Yan, How Social Media Influencers Foster Relationships with Followers: The Roles of Source Credibility and Fairness in Parasocial Relationship and Product Interest, Journal of interactiv advertising, mai 2020, disponible ici https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/15252019.2020.1769514

Sitographie

PETIT Paulie, Youtubeurs, podcasteurs : nos relations parasociales avec ces amis qui nous ignorent, France Culture [en ligne], septembre 2021, franceculture.fr/numerique/youtubeurs-podcasteurs-nos-relations-parasociales-avec-ces-amisqui-nous-ignorent

Podcast

BERAUD Anne-Laetitia, « Minute Papillon ! » : Du béguin à l’obsession, que sont les « relations parasociales » ?, podcast 20 minutes, octobre 2021, https://www.20minutes.fr/podcast/3153031-20211021-minute-papillon-relations-parasocialesliens-sens-unique-eprouves-celebrite

Vidéo

Cyrus North, Je ne suis pas ton ami., Youtube, 2021 https://www.youtube.com/watch?v=EQaAyHhGc7Y


[1] HORTON Donald, WOHL Richard Mass communication and parasocial interaction: Observations on intimacy at a distance, Interpersonal and Biological Processes, Volume 19, 1956

[2] BOUILLET Stéphane, Les chiffres clés de la plateforme YouTube, Indluence 4you [en ligne], janvier 2020 https://blogfr.influence4you.com/les-chiffres-cles-de-la-celebre-plateforme-youtube-maj-en-2020/#:~:text=On%20compte%20environ%202%20milliards,heures%20de%20vid%C3%A9os%20chaque%20heure

[3] SHUPEL Yan, How Social Media Influencers Foster Relationships with Followers: The Roles of Source Credibility and Fairness in Parasocial Relationship and Product Interest, Journal of interactiv advertising, mai 2020

Twitter : des communautés engagées autour du Esport – Le cas Karmine Corp

La Karmine Corp : c’est quoi ?

La Karmine Corp est une structure d’Esport française formée le 30 mars 2020 par Kamel « Kameto » Kebir, alors déjà connu en tant que streameur. En novembre 2020, il est rejoint à la direction par Amine « Prime » Mekri, notamment connu pour sa carrière sur Youtube et dans le rap. La structure possède plusieurs joueurs professionnels regroupés au sein d’équipes, qui participent à des compétitions concernant les jeux compétitifs League of Legends, TrackMania, Teamfight Tactics et Rocket League dans le but d’atteindre la première place du podium et de remporter des titres ainsi que des prix.

Aujourd’hui, la Karmine Corp est suivie par près de 315 000 personnes sur Twitter, réseau sur lequel elle est le plus active, et par près de 100 000 personnes sur Instagram, mais la structure possède également une page officielle sur LinkedIn. Toutefois, le réseau social qui a vraiment permis de construire une communauté engagée d’« ultras » est Twitter.

Twitter : un engouement autour des sujets gaming et esport

D’un point de vue global, Twitter est un terrain favorable au développement de communautés engagées autour du gaming et de l’Esport. En effet, il s’agit d’un des centres d’intérêt importants pour les utilisateurs de Twitter. Ainsi, en 2021, 2.4 milliards de tweets ont été postés sur le réseau, d’après la Retrospective Gaming 2021 de Twitter. Twitter est un des endroits de prédilection pour les fans d’Esport qui y encouragent et y supportent leurs équipes fétiches, et y commentent leurs matchs favoris. En France, on retrouve notamment parmi les jeux et franchises les plus tweetés en 2021, League of Legends. C’est notamment un des facteurs explicatifs de l’engouement populaire autour de la Karmine Corp, qui est essentiellement relatif à son équipe (roaster) de joueurs League of Legends.

Un engouement populaire et la formation d’une communauté d’« ultras »

Les bonnes performances des équipes Karmine Corp, notamment de son équipe League of Legends, ne constituent pas le seul facteur explicatif de l’engouement autour de la structure sur Twitter.

A l’origine de la Karmine Corp, il y a d’abord deux personnalités populaires sur les réseaux sociaux. Kameto, le fondateur de la structure qui commente chacun des matchs de son équipe et s’exprime majoritairement sur celle-ci via Twitter, a notamment constaté un phénomène de conversion de son audience vers l’audience de la Karmine Corp : «Beaucoup de gens ont suivi par curiosité, raconte Kameto. Ils sont venus sur le stream, ont vu qu’il y avait une ambiance de fou et sont revenus toutes les semaines. C’est comme s’ils suivaient leur équipe de foot.». De nombreux abonnés de la Karmine Corp ont découvert le club (et parfois même le Esport) par le biais de Kameto. La base conséquente des abonnés de ce dernier a rapidement permis de constituer une base solide à la communauté Karmine Corp.

Au sein de son équipe League of Legends constituée de 5 individus, deux de ses membres se placent parmi les 10 joueurs Esport les plus tweetés au monde, d’après les données de Twitter pour le premier quart de l’année 2022. On y retrouve notamment le suédois Martin « Rekkles » Larsson  à la 3ème position, ainsi que Lucas « Cabochard » Simon-Meslet à la 6ème position. Des membres influents qui attirent l’attention sur la structure au-delà des frontières.

A l’instar de certaines compétitions sportives (telles que l’UFC), la rivalité et les show matchs sont courants dans le domaine du Esport et permettent de générer un grand nombre d’impressions sur Twitter ainsi que de populariser la structure en l’amenant dans les Top Tendances. La Karmine Corp a ainsi des rivaux au sein de la Ligue Française, tels que Vitality et Solary (autre équipe portée par des streamers), donnant lieu à des confrontations sur Twitter accompagnées de hashtags, portant les deux équipes en Top Tendances. Les rivalités s’exportent également avec des structures internationales à forte renommée et se transforment en show matchs extrêmement commentés sur Twitter, comme avec l’espagnole KOI, récemment lancée et dirigée par Ibai, l’un des streamers hispanophones les plus populaires au monde.

La Karmine Corp possède une large communauté de fans qui se définissent comme des « ultras ». Reconnaissables par le sigle KC présent devant leurs pseudos Twitter, pour les plus fervents, ils sont également nombreux à afficher une photo de profil représentant un mur bleu (blue wall), un visuel associé à la Karmine Corp en référence à un mouvement produit lors des matchs. Il s’agit notamment du nom choisi par l’association officielle de la Karmine Corp qui comptabilise plus de 15 000 abonnés sur Twitter et possède son propre canal Discord. Il existe d’autres groupes sur Twitter, telle qu’une page pour les supporters « ultras » qui regroupe plus de 40 000 followers. Une des raisons de l’engagement de la communauté Karmine Corp, c’est ainsi la capacité a créer un fort sentiment d’appartenance sur Twitter.

Toutefois, la communauté peut parfois souffrir de la mauvaise publicité faite par la minorité bruyante de Twitter. Le réseau social est peu modéré et les vagues de harcèlement sont un phénomène fréquent sur la plateforme de l’oiseau bleu. Ainsi, Laure Valée, journaliste et intervieweuse des compétitions League of Legends, a subi une vague de harcèlement après la diffusion d’une vidéo contenant une séquence montrant les mauvaises performances du joueur phare de la Karmine Corp, Rekkles. Certains « ultras » lui ont fait comprendre leur mécontentement, notamment via des propos sexistes et insultants, sous couvert de l’anonymat permis par la plateforme.

La Karmine Corp mise en lumière

Aujourd’hui, la Karmine Corp est considérée comme une des équipes les plus influentes au monde dans la compétition de League of Legends. D’après les données de Twitter pour le premier quart de l’année 2022, la Karmine Corp était à la 5ème position des structures Esport les plus mentionnées sur Twitter, et la seule structure française du classement.

Les performances rapides et excellentes, ainsi que l’engouement autour de la Karmine Corp dès son arrivée en première division de la Ligue Française, ont amené d’autres personnalités populaires sur les réseaux sociaux, à exprimer et afficher leur soutien envers la structure via Twitter, la mettant ainsi en lumière. C’est notamment ce qu’ont fait Squeezie (8,4 millions d’abonnés sur Twitter) et Gotaga (1,7 millions d’abonnés sur Twitter).

Cette mise en lumière dépasse même le cadre de Twitter, puisque l’existence et les performances de la Karmine Corp parviennent jusqu’à la classe politique, qui y trouvent un moyen de s’adresser à la jeunesse française. Ainsi, Emmanuel Macron a envoyé un message de soutien le 3 mai 2021 suite à la victoire de la coupe d’Europe via message privé sur Twitter à la Karmine Corp. Il a également récemment mentionné le club français, en citant le domaine de l’Esport comme « another field of French excellence with teams like Team Vitality or Karmine Corp ».

Sarah Collot

La (re)conquête de Twitter par Eric Zemmour

66%. C’est la part des jeunes qui s’informent en premier lieu sur Internet aujourd’hui. Et c’est même un tiers des Français qui sont concernés par cette tendance. Sur ces internautes, 20% s’informent d’abord via les réseaux sociaux selon le baromètre annuel Kantar Public Onepoint pour La Croix[1]. Et pourtant, les réseaux sociaux sont souvent blâmés pour leur manque d’objectivité et de véracité : ils ne représenteraient pas systématiquement la réalité et seraient sujets à de nombreux biais algorithmiques. Ces algorithmes développés en interne et souvent bien protégés par les géants du numérique ont été parfois critiqués pour un de leurs buts supposés premiers : susciter l’émotion pour pousser l’utilisateur à interagir. Il est ainsi aisé d’imaginer des effets de propagation dans les contenus mis en avant sur ces plateformes, demeurant par conséquent bien différents de ceux des médias traditionnels comme la télévision.

C’est dans ce contexte que nous allons nous intéresser à la campagne électorale de 2022 du candidat Éric Zemmour, et plus particulièrement à sa campagne sur le réseau social Twitter, en nous appuyant sur l’ouvrage Toxic Data de Davis Chavalarias, directeur de recherche à l’Institut des Systèmes Complexes du CNRS. Son livre pose la question suivante : les réseaux sociaux peuvent-ils influencer les votes ? Pour le démontrer, M. Chavalarias a utilisé un outil, le « politoscope », pour observer le militantisme en ligne. Ont été ainsi scrutés depuis 2017 plusieurs milliers de tweets issus des différentes communautés politiques et des médias pour mettre en lumière « plusieurs actions qui ont visé à déstabiliser les élections ou influencer le choix des électeurs [lors de la dernière présidentielle] »[2].

La première observation de cet ouvrage est l’amplification des discours anti-Macron et anti-Mélenchon favorisant ainsi la montée de l’extrême-droite et donc du parti d’Éric Zemmour « Reconquête ». David Chavalarias explique alors que cette action n’a pas été seulement menée par des Français mais également par des acteurs étrangers comme des sympathisants de l’ex-président américain Donald Trump aux Etats-Unis. Selon une étude menée par la société Twitter en 2021, « Algorithmic Amplification of Politics on Twitter », les partis politiques ne seraient en fait pas tous égaux sur les réseaux sociaux car les discours conservateurs demeureraient plus largement diffusés que les autres plus modérés. Cela semble même se vérifier dans la réalité puisqu’en France les comptes avec le plus d’influence sont ceux des extrêmes avec Eric Zemmour en tête devant Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon selon le magazine Challenges[3].

Ainsi, c’est sur cette donnée que les responsables de la communication du candidat Éric Zemmour ont notamment fait reposer sa campagne sur Twitter. En effet, une enquête récente du journal Le Monde[4] explique comment l’équipe du candidat a mis en place une stratégie « d’astroturfing ».

Reprenons. Selon Paul Conge, journaliste pour le magazine Marianne, « l’astroturfing est une manière de tromper les algorithmes en appelant quelques centaines ou milliers de personnes à relayer le même message en même temps afin qu’il remonte dans les tendances. Le procédé valorise ainsi massivement un candidat ou ses idées auprès de tous les autres utilisateurs du réseau social impliqué. ». Dérivée d’AstroTurf, une marque de moquette synthétique conçue pour ressembler à de l’herbe naturelle, cette technique remonte aux années 1980 aux Etats-Unis, lorsqu’un sénateur du Texas reçut de nombreux courriers de « citoyens » qui étaient en fait une campagne de lobbying d’une compagnie d’assurance. L’astroturfing peut également être utilisé pour diffuser des « fake news » et donc désorienter le débat public notamment lors d’élections. La stratégie consiste finalement à créer des tendances grâce au volume, dans la mesure où une centaine de personnes seulement suffisent pour imposer un débat public[5].

Revenons au cas d’Éric Zemmour. Une première observation qui peut être faite est que sa communauté Twitter a « la plus forte densité de liens internes, avec une moyenne de 7,28 connexions par membre » selon le politoscope de M. Chavalarias, ce qui signifie donc que l’information circule en vase clos. Cette observation peut cependant être trompeuse. Le parti Reconquête dispose de beaucoup de comptes « les […] avec Zemmour » pour toucher un maximum de personnes externes et ainsi souder un électorat potentiel. Pourtant, ces comptes créés récemment parlent en réalité davantage de grandes tendances et pas vraiment, si ce n’est pas du tout, de la profession qui les unit (Par exemple : « Les profs avec Zemmour » ont interagit sur des thèmes comme le Covid, le voile ou encore l’Islam).

D’autre part, beaucoup de thèmes ont été placés dans les « Tendances » sur Twitter (thèmes les plus abordés dans le pays dans un laps de temps relativement court) par le parti d’Éric Zemmour en 2021 : #lesfemmesaveczemmoour, #zemmourcandidat, etc. Cela semblait ainsi présenter un large mouvement de ralliement à M. Zemmour même lorsqu’il n’était pas en campagne officiellement.

Analysons plus précisément la montée du hashtag #lesfemmesaveczemmour. Tout commence le 4 novembre 2021 avec deux comptes qui publient 44 tweets avec une image et cet hashtag. S’en suivent alors beaucoup d’autres comptes avec d’autres tweets. A titre exemple, un des comptes a publié 150 visuels en 30 minutes. Par ailleurs, certains comptes publient les mêmes tweets simultanément. En fait, si l’on observe plusieurs comptes (Génération Z, etc.), il apparaît que plusieurs mêmes tweets ont été publiés dans le même ordre, et certains utilisateurs retweetaient – repartageaient – en masse, avec par exemple 297 retweets en douze minutes, ce qui semble difficilement réalisable sans programme informatique. Il est d’ailleurs très probable, selon David Chavalarias, qu’il y ait eu une utilisation de robots et de « fermes à contenus », site web de production de contenus de faible valeur avec pour seul objectif la génération d’interactions. En effet, publier 600 tweets par jour sur le même sujet semble peu « humain », même si cette supposition demeure difficilement démontrable à cause de la confidentialité des données de ce type de plateformes. Au total, David Chavalarias dénombre plus de 1300 campagnes d’astroturfing pour un seul compte en comptant les comptes qui avaient publiés le même message « pour faire croire que ce message-là étaient défendu par plusieurs personnes au même moment ». En fait, des soutiens officiels d’Éric Zemmour comme Samuel Lafont, responsable de la stratégie numérique d’Éric Zemmour, donnaient des directives comme par exemple : « mettez le hashtag #lesfemmesaveczemmour en tendance ». Samuel Lafont résume d’ailleurs la campagne qu’il a mené comme de la communication et non de l’astroturfing. Le hashtag apparaît dans les « tendances » ce qui le rend d’autant plus populaire. En effet, certains vont tweeter par désaccord, donnant paradoxalement de la visibilité à la tendance et d’autres, avec une plus faible audience, vont se manifester pour soutenir la tendance car cela les fait sortir de leur microcosme. Le biais est ainsi construit : si tout le monde pense pareil, cela doit forcément avoir de la légitimité. Mais en réalité, la moitié des tweets proviennent de seulement 17 comptes créés spécialement pour l’opération de gonflage du parti. Cette opération a ainsi été répétée par la suite avec d’autres hashtags.

Les responsables de la communication de Reconquête ne sont pas arrêtées là. En effet, il a été prouvé que des sites internet comme petition-permis-a-points.fr ou encore lesfemmesaveczemmour.fr ont été relayés via Twitter par des sympathisants d’Éric Zemmour[6].

Ces sites, sous forme de pétition, incitaient à entrer ses coordonnées, afin de constituer une base de données pour le parti politique. Des courriels ont par conséquent été envoyés par la suite aux personnes concernées pour récupérer de potentiels adhérents. Par ailleurs, selon Paul Conge, auteur du livre « Les grands remplacés », le parti a également recruté des militants, et plus précisément des jeunes, via, par exemple, le jeu vidéo Fortnite, en les conduisant dans des espaces de discussion privés[7]. L’univers du jeu vidéo a été utilisé car il touche des jeunes gens, parfois dans la solitude de leur écran, constituant donc une cible plus encline à être influencée.

En fin de compte, là où la loi française n’interdit pas de telles stratégies, il est interdit d’amplifier artificiellement un message selon le règlement de Twitter. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une centaine des comptes mentionnés jusqu’ici ont été suspendu sur le réseau social.

Selon Amnesty Internationale ou Reporter sans frontières, il existe des solutions pour se protéger de telles pratiques. Il faudrait, selon ces organisations, réguler les plateformes voire refonder leur modèle économique pour un accès égal à toutes les expressions, car l’espace public doit permettre une délibération non biaisée avec une diversité de points de vue. Selon Christophe Deloire, Directeur général de Reporters sans frontières, on ne peut pas déléguer à des entreprises aux intérêts privés l’organisation de l’espace public et nous devons donc inventer de nouvelles obligations juridiques dédiées à ces questions[8].

Nous pouvons tout de même espérer que certaines mesures du DSA (Digital Service Act) ainsi que la volonté du nouveau propriétaire de Twitter Elon Musk de lutter contre les « spam bots »[9] permettront d’endiguer ces vastes campagnes de tentatives de manipulation de l’opinion.

Cléa Desitter

La catégorie « Discussion » sur Twitch : un nouveau relai de croissance ?

Twitch (à l’origine Justin.tv) est une plateforme de streaming vidéo en direct créée en 2011 et à l’origine non-exclusivement dédié au jeu vidéo. C’est lorsque la branche « jeux vidéo » du site a gagné en popularité que l’entreprise a décidé d’axer son contenu uniquement sur le jeu-vidéo, capitalisant notamment sur les compétitions d’e-sport. Twitch.tv était né. Mais rapidement, peu après le rachat orchestré par Amazon en 2014 pour un montant de 970 millions de dollars, la plateforme au départ très protectrice sur le contenu exclusivement jeu-vidéo s’ouvre à nouveau à d’autres catégories de contenu en créant la catégorie aujourd’hui la plus populaire sur la plateforme : « Just Chatting » (en français « Discussion »).

Merci le confinement

Comme pour la plupart des entreprises du divertissement du numérique, Twitch a connu une énorme augmentation du nombre de ses viewers au début du confinement (+43% entre février et avril 2020). Néanmoins, cette augmentation n’est pas à imputer directement à la catégorie « Discussion » puisque la part de cette dernière est resté assez stable entre janvier et juin 2020, représentant environ 9% de la totalité des viewers avant le confinement et 11% après. Cette forte augmentation est plus vraisemblablement dû à l’arrivée du jeu Valorant.

Pour autant, l’augmentation progressive de cette catégorie pendant le confinement est indéniable, avec environ 120 000 viewers en janvier 2020, puis 330 000 en janvier 2021 avant d’osciller pendant l’année 2021 entre 350 000 et 400 000 viewers. Il serait facile d’en conclure que cette augmentation n’est dû qu’à un public de non-joueurs puisque cette catégorie ne concerne pas le jeu vidéo et que le public de Twitch semblait avoir atteint une certaine forme de maturité pendant l’année 2019. Néanmoins, la frontière entre « joueur » et « non-joueur » est de plus en plus flou. Parle-t-on des « joueurs réguliers » ? Des « joueurs occasionnels » ? Des joueurs occasionnels sur Switch ? Des joueurs occasionnels sur mobile ? La pluralité de ceux qui se divertissent par l’intermédiaire du jeu vidéo vient brouiller les pistes et les recoupements envisageables. On pourrait par exemple supputer que ce nouveau public est un public de joueurs peu intéressés par les compétitions e-sportives, mais bien au fait des codes régissant le monde « geek » et numérique, avec une appétence particulière, donc, pour ce genre de plateforme.

La force de la communauté

Cela étant dit, l’engouement est là. Dans le top 20 des chaînes les plus regardées de France, Usul2000 parle politique et décortique des articles d’actualité avec en moyenne 4 200 viewers tandis que Anth0xC0lab0y réunit 4 000 viewers pour regarder des reportages en mode « détente ». Dans le prolongement des live tweets organisés par certains utilisateurs de Twitter pour suivre, dans une sorte de communion numérique, des émissions télévisées, Twitch et son tchat promettent une expérience de livestream toujours plus collaboratif, avec toujours plus d’interactions. Dans une interview accordée au blogdumoderateur, Matt Webster, VP Global Marketing Strategy chez Twitch, revient sur le rapport qu’entretien la plateforme avec la télévision :

« Pour nous, il s’agit de faire de la télévision différemment. Nous sommes une expérience de visionnage linéaire et en direct. Il y a cependant deux différences essentielles. Tout d’abord, chaque chaîne sur Twitch est une expérience personnalisée. Cela permet à la communauté de trouver du contenu qu’elle aime et qui lui est spécifiquement destiné. La seconde différence est l’interactivité. Twitch ne doit pas être associé à une consommation passive, comme la télévision, mais à une expérience où le public façonne, dirige et participe à son divertissement. En outre, nous pensons que tout le monde devrait faire de la publicité sur Twitch. Notre public est très engagé et difficile à atteindre sur d’autres canaux. »

C’est donc l’engagement de la communauté des Twitch et des différentes communautés réunies autour des streamers qui fait la valeur du modèle. En effet, une partie des revenus de la plateforme provient de la commission que prend Twitch sur les « Subs », ces abonnements payants qui permettent de soutenir son streamer préféré en échange d’avantages à faire valoir dans le tchat. C’est aussi sans doute pour cette raison que le confinement a autant profité à Twitch : il était possible d’interagir avec d’autres humains, que ce soit dans le tchat entre utilisateurs ou dans le tchat avec le streamer.

Popularité de la catégorie « Discussion » : Twitch propose, les utilisateurs disposent

Twitch a bien compris cette caractéristique essentielle. C’est pourquoi la plateforme a déployé une armada de nouveaux outils mis à disposition des streamers. Plus de 350 tags ont été déployés en 2021, permettant une plus forte inclusion et une meilleure reconnaissance des spécificités de chaque streamer et de la communauté qui leur est associée. Dans le même temps, Twitch a renforcé les outils de modération pour permettre de faire face aux vagues de harcèlement subits par certains streamers. Mais la diversité reste au cœur de l’expérience que Twitch veut façonner pour ses utilisateurs. Matt Webster en parle en ces termes :

« Notre rôle est de faire de Twitch le meilleur endroit pour construire votre carrière, trouver votre communauté et façonner le contenu que vous aimez. En tant que tel, nous cherchons à soutenir l’évolution organique de notre service, et la proéminence du contenu non-gaming est l’un de ces domaines. Les membres de notre communauté ont des intérêts variés et aiment les explorer sur Twitch. […] Notre communauté française en est un excellent exemple. Sur Twitch en France, vous trouverez un très grand nombre de médias traditionnels, de diffuseurs ou de journalistes (plus que partout ailleurs dans le monde). C’est parce que c’est la passion de la communauté. »

De TwitchPlaysPokemon en 2014, qui montrait déjà que l’une des plus grandes forces de Twitch est son chat, agissant comme un reflet dont s’empare le créateur de contenu, et qui montrait déjà que l’aspect communautaire est au cœur de l’expérience, aux reacts de vidéo et aux talks-shows français, Twitch a muté. Aujourd’hui, de plus en plus de chaînes se réapproprie les possibilités offertes par le tchat et le livestream pour proposer des émissions politiques qui reprennent par exemple les directs de l’Assemblée Nationale ou du Sénat. Une effervescence politique a lieu avec des chaînes comme celle de DANYetRAZ, qui a vu un succès record et une entrée dans le TOP 100 des chaînes françaises avec une moyenne actuelle de 2 000 viewers. On pourrait aussi citer le succès de Samuel Etienne et de Backseat (aussi fortement suivi grâce à la présence de Usul). Le point commun entre ces chaînes : un esprit singulier et une réappropriation des codes de la plateforme, fortement façonnée par l’impact des gamers. Preuve, s’il en fallait, que la démocratisation de Twitch à un public non-gamer à encore de beaux jours devant elle.

La preuve d’une belle synergie entre user aspect et platform aspect

Finalement, la stratégie de Twitch paye. En laissant plus de libertés à ses créateurs de contenu, en les outillant toujours mieux (ajout de la bibliothèque d’émoticônes, création du programme d’affiliation…), cela permet une nouvelle approche de sa plateforme. Ce n’est plus Twitch qui imagine, ce sont ses utilisateurs qui s’approprient les possibilités que la plateforme leur offre. Les streamers agissent en véritable médiateur de contenus. Jamais dans la complaisance et toujours « authentiques », ils saupoudrent de leur personnalité des émissions, des documentaires, des vidéos, des articles autrement jugés rébarbatifs par les non-initiés. Ce faisant, Twitch devient un havre de discussion sur des sujets aux importances diverses, mais résolument tous politiques.

Grégoire Benoist-Grandmaison

Sources :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Twitch
https://www.numerama.com/pop-culture/217493-avec-irl-twitch-poursuit-sa-diversification-au-dela-du-jeu-video.html
https://www.quora.com/Why-did-Twitch-add-the-category-for-Just-Chatting-when-they-advertise-as-a-live-streaming-platform-for-gaming-channels
https://kotaku.com/streamers-are-misusing-twitchs-just-chatting-section-b-1844557615
https://www.dexerto.fr/divertissement/le-just-chatting-sur-twitch-ecrase-tous-les-autres-jeux-en-2020-1281171/
https://gamingonphone.com/miscellaneous/just-chatting-streams-taking-over-twitch-and-content-creation/
https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/comment-parle-twitch-merci-pour-sub-marthus67/
https://twitchtracker.com/
https://www.breakinglatest.news/health/other-than-gaming-so-twitch-has-become-a-platform-for-everyone/
https://warc.cn/newsandopinion/news/mobile-gaming-gains-during-lockdown-e-sports-unchanged/43903
https://www.theverge.com/2020/5/13/21257227/coronavirus-streamelements-arsenalgg-twitch-youtube-livestream-numbers
https://www.wired.com/story/twitch-non-gamers/
https://start.lesechos.fr/societe/culture-tendances/comment-twitch-est-devenu-un-reseau-social-grand-public-avec-le-confinement-1266972
https://on-media.fr/2021/02/04/twitch-democratisation-et-diversification-de-la-plateforme-de-stream/
https://www.presse-citron.net/twitch-ailleurs-streaming-jeu-video-explose-pendant-le-confinement/
https://www.presse-citron.net/comment-twitch-prevoit-de-se-tourner-vers-de-nouveaux-programmes-interactifs/
https://gensdinternet.fr/2020/04/29/durant-le-confinement-twitch-attire-de-nouveaux-utilisateurs/
https://www.blogdumoderateur.com/twitch-presente-strategie-marketing-france-monde/
https://techonomy.com/confusing-world-gen-z-twitch-politics/
https://nytimes.com/2020/11/10/style/hasan-piker-twitch.html
https://www.nytimes.com/2020/06/18/technology/protesters-live-stream-twitch.html
https://www.wired.com/story/politicians-twitch-voters-georgia-election/
https://www.geekwire.com/2021/livestreaming-report-sudden-rise-sleep-streaming-gta-role-playing-twitch-keeps-growing/
https://www.blogdumoderateur.com/10-ans-twitch-5-dates-cles-nouveautes-emoticones/
https://blog.twitch.tv/en/2021/05/21/celebrate-yourself-and-your-community-with-350-new-tags/

Le morcellement des idées politiques dans l’écosystème numérique : l’émergence des plateformes des extrêmes

Janvier 2022, à quelques mois des élections présidentielles françaises : Jean-Luc Mélenchon a trois fois plus de followers que la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen; les ministres du gouvernement actuel se font les conquistadors de Tik Tok; la Primaire populaire a donné rendez-vous à 18h50 un dimanche soir sur ses réseaux sociaux afin d’y annoncer le ou la candidat(e) qu’elle souhaite porter à la présidentielle. En clair, le numérique et les réseaux sociaux sont au centre des préoccupations des politiques et de leurs campagnes respectives.

Cette tendance en entraîne une seconde qui s’illustre par l’émergence de nombreux nouveaux moyens de communication et de propagation d’idées propres à un bord politique, notamment extrême. C’est le cas de Truth Social, un réseau social signé Donald Trump sur lequel l’ancien Président des États-Unis a appelé ses supporters suite à son exclusion de Twitter, Facebook et Youtube. Pour cause : avoir incité les citoyens américains et notamment républicains à la violence lors de la “prise” du Capitole le 6 janvier 2021. C’est aussi le cas du moteur de recherche “Zemmour pour Tous”, par lequel l’équipe de stratégie numérique du candidat d’extrême-droite permet aux votants d’avoir accès à toutes les interventions radiotélévisées de celui-ci à l’aide de mots clés propres à chaque thème. “Les plus recherchés: Immigration, Défense, Écologie”, lit-on sur la page d’accueil.

Page d’accueil du moteur de recherche « Zemmour pour Tous » (capture)

Ces deux cas d’études permettent d’arriver à une conclusion simple : la tendance actuelle est celle de la fragmentation des idées et discours politiques dans l’écosystème numérique. Accaparer les audiences digitales sur un réseau social particulier, accumuler les apparitions médiatiques et numériques, dans l’objectif de fragmenter le discours politique. Cette conclusion est particulièrement contre-intuitive : alors qu’internet et le numérique avaient pour but premier de rendre accessible une mixité d’idées politiques dans la société, on voit aujourd’hui le contraire. Internet, les réseaux sociaux et le numérique servent, ou du moins permettent, davantage à morceler ces idées politiques, à l’image de ce que les médias traditionnels pouvaient déjà faire dans certains cas. Existaient effectivement des journaux royalistes, dreyfusards, anti-dreyfusards, révolutionnaires, socialistes, conservateurs, communistes, républicains, démocrates. Seulement, internet semblait être un moyen raisonnable et innovant pour permettre à ces différentes tendances politiques de se retrouver sous un seul socle, accessible à tous, simultanément. 

Près de 30% de hausse des audiences digitales d’Eric Zemmour

Dans le cadre des élections présidentielles, l’Observatoire politique de la plateforme Favikon enquête depuis plusieurs mois sur les personnalités politiques françaises les plus influentes sur les réseaux sociaux1. Le podium est “équitablement” partagé entre l’extrême-droite, le Président de la République, et l’extrême-gauche. Eric Zemmour, en tête, récolte un score de 90 points sur 100 et une hausse de 29,41% de ses audiences digitales sur les réseaux sociaux. Emmanuel Macron, en deuxième place, bien qu’ayant la plus haute part d’audience, ne voit quasiment pas de hausse de celle-ci (0,52%) ce qui lui vaut la tête du podium. Enfin, Jean-Luc Mélenchon témoigne d’une hausse de près de 5% de ses audiences digitales et d’un score de 86 points sur 100. Dans le top dix de ce classement nous retrouvons par ailleurs trois membres du Rassemblement national et un membre de la France insoumise. Au total, six personnalités politiques d’un bord politique extrême occupent les dix premières places des “influenceurs” de la politique française. 

Classement des personnalités politiques sur les réseaux sociaux – Observatoire politique, 2021 © Favikon (Moojito SAS) (capture)

De l’autre côté de l’Atlantique, l’extrême-droite va encore plus loin en se réfugiant, comme mentionné plus haut, dans ses propres réseaux sociaux, et en se présentant à travers ces derniers comme “garants de la liberté d’expression”2. C’est pour eux la seule manière d’échapper à la censure des réseaux classiques, qui ont banni pour des durées diverses Donald Trump depuis plus d’un an. Il a donc été possible d’observer l’apparition de Parler, Gettr et Gab notamment, bien avant l’arrivée de Truth Social prévue pour février-mars 2022. Ce dernier se lance d’ailleurs dans la chasse aux influenceurs afin de préparer son démarrage dans les semaines qui arrivent3. De nombreuses personnalités notoires sur les réseaux sociaux ont donc été invitées à “réserver leur identifiant” pour le lancement du réseau social. De quoi s’assurer une certaine notoriété auprès des populations plus jeunes et de paraître plus attractif aux yeux des utilisateurs de réseaux sociaux. Et si Truth Social se présente comme un nouveau garant de la liberté d’expression (d’extrême-droite), ses conditions d’utilisation rappellent cependant qu’il est interdit pour les utilisateurs d’”ennuyer … les employés ou agents créateurs de contenu du site4. Une liberté d’expression donc bien limitée par des facteurs plus que subjectifs. 

Pré-Commande de l’application Truth Social, dont le lancement est prévu pour le mois de février 2022 © AFP / Chris DELMAS

La politique dans le numérique a par ailleurs un impact économique et financier démesuré : la société Trump Media, fondée par l’ancien Président et qui sera la maison-mère de Truth Social, a levé en décembre 2021 plus d’un milliard de dollars en “private investment in public equity”, un procédé qui passe par l’augmentation de capital en émettant ordinairement des actions à un prix inférieur au prix du marché. Autant de fonds qui seront investis dans le lancement mentionné précédemment du nouveau réseau social républicain dans les semaines qui suivent. Il serait intéressant d’étudier dans le futur le budget de la campagne numérique mise en place par Samuel Lafont, directeur de la stratégie numérique d’Eric Zemmour, et de comparer les sommes présentées avec celles des candidats des partis non-extrêmes. Assurément, la différence sera remarquable.

L’impact du morcellement des discours politiques à tempérer


Alors que l’on remarque que les partisans des extrêmes politiques sont de plus en plus hostiles aux médias traditionnels et se réfugient premièrement dans les réseaux sociaux et le numérique, l’étape suivante de cette hostilité est de renier dans un second temps les réseaux traditionnels (Facebook, Twitter, Instagram) et de trouver refuge dans des plateformes à tendances extrêmes, tels que Truth Social notamment. L’impact du morcellement des idées politiques dans l’écosystème numérique est cependant à tempérer : les médias traditionnels mais aussi les nouveaux médias du numérique ont toujours naturellement attiré ceux qui adhèrent déjà à leurs propos, selon Thierry Vedel5, chercheur au CNRS et au Centre d’études de la vie politique. Cette hypothèse rassure : peut-être que la création de plateformes créées par des penseurs d’extrême-droite ne sera finalement pas aussi nocive à la diffusion des discours politiques dans l’écosystème numérique général que ce que l’on pourrait le croire.

Valérie Titzin

Sources

The weight of UGC in the gaming industry

© Branded Mini Games

User generated content, or UGC, is content that has been created and posted by a user on any type of online platform, from social media and streaming platforms to video games.

More and more actors of the gaming industry have UGC-based strategies as it is becoming a popular and customisable business. For example, the game World of Minecraft where users can buy land within the game and construct their houses, even entire villages, forests and so forth. This type of gaming is spreading so much that these platforms are becoming the largest digital properties in the world. In the first quarter of 2021, Minecraft had gained $350 million just by selling add-ons and gadgets to its users for better and innovating game experience.

This trend changes the way advertisement is achieved and perceived which begs the question whether User Generated Content as a business model, is the future of the gaming industry is.

Video games, a new form of social media

Permitting the players to have a semblance of power on what their interface looks like and how they want to move forward within their online experience is not a new movement, even in the gaming industry. It exists since the 1980s, in the Mario games in form of “mods”, that stand for small for modifications.

At first, this small bequeathing of control to the users was not well received. Developers were afraid that gamers would change the game’s core too much and consequently, their vision of the game. It also meant that the developers’ job shifted from conceiving a world for users, to letting the gamers create their own world. Developers must now facilitate the users’ creativity within the game and let their imagination fabricate the rules and path they wish to follow.

This strategy is presently widely accepted. Indeed, some of the biggest online gaming actors have UGC-based strategies such as, but not limited to, Fortnite, Minecraft, the SIMS, etc.

The last decade has also seen new platforms emerging, also based on UGC like Roblox, where any user can create his or her own game. In addition, other users can play the games created by the others. This concept of exchange within a platform is why Roblox is referred to as “The Youtube of Gaming”. Meaning that whatever the user’s age or mood of the moment, they can search on the platform for a game they wish to play or create it if it doesn’t exist.

Last year alone, Roblox counted over 8 million game creators and had 42.1 million daily users, including 44% of female players, in no less than 150 countries around the world.

Hence, it is only normal to question how these games, entirely based on UGC, make ends meet.

The monetisation of UGC-based games

Generating money is possible because of the social aspect of UGC-based games. This whole business plan is based on engaging users and giving them the opportunity to share the content they create with others. It is a new offer to socialise and a new way to create communities with people from all around the world.

This initiative is better supported and reflected with UGC because people create their realities as well as a space that is entirely their own. It appeals to the creativity of the users and urges them to spend money to keep their digital world going and evolving.

Therefore, UGC expends the shelf life of games and provides a steady stream of engagement content. This benefits advertisers as users are invested for a longer time and dedicated because they are now personally empowered. Nevertheless, it also changes the way advertising is done.

A good study is the latest partnership between Roblox, previously stated gaming platform and Vans, a skateboarding brand. These two companies collaborated in order to launch an interactive skate park on Roblox called “Vans World”, with characters wearing Vans products and as such, embodying their brand. The world also enables the users to buy virtual Vans merchandising like sneakers, skates and various clothing items.

The physical world of fashion was slowly drifting to the digital world, nonetheless, this new strategy seeks to blur the line between the two worlds.

Vans World, partnership between the skate brand Vans and kid gaming platform Roblox; ©Roblox

Around 99% of websites with a game guide uses advertisement as a way to monetise their content. In addition, users are more and more solicited to create content. As they become active in their game experience, the same is expected to happen with advertising. Users want to have a part in the advertisement they are shown and how the campaigns affect them. More brands take their merchandise within games to create interaction with the gaming communities and target younger audiences inside the space of their hobby.

It’s the case for Vans and likewise for more luxurious brands like Gucci. Two years ago, on Roblox, Gucci sold a virtual bag for $4,115 which is even more than the retail price, on their new online gaming platform. The latter generates items for players to experience with and in December 2021, a Gucci Garden was hosted on Roblox with interactive features and the possibility to shop for Gucci items.

The Italian luxury brand went beyond basic digital advertisement by interacting with video game players and turning them into customers for their products. Gucci adapted its marketing strategy to the gaming industry by using a UGC-based platform. Due in part to this innovative marketing campaign, the company’s revenues were up 20% in 2021.

It is not hard to speculate that these interactions between brands and users are more and more drifting towards a metaverse. As of now, there isn’t any cryptocurrency noted yet but who knows what the future might hold?

AAA-games will always have a market as they are anchored in the gaming world. Nevertheless, UGC-based games are stepping up and gaining in notoriety each day. Gaming is likely to be entering a new era where users follow specific players because of their UGC, just like the social media model, rather than following gaming development studios and their different titles.

Emma HUBERT

Articles and sources:

https://www.forbes.com/sites/adrianbridgwater/2021/12/06/a-serious-game-microsoft-azure-champions-user-generated-content/?sh=2674d0f11527

https://kylehulse.medium.com/why-ugc-is-the-future-of-gaming-faa9e8b1bf1a

https://www.thedrum.com/profile/anzu-io/news/why-the-rise-of-user-generated-content-in-video-games-should-matter-to-advertisers

https://www.slashgear.com/microsoft-making-it-easier-for-you-to-make-money-from-games-21696162/

https://www.forbes.com/sites/dbloom/2021/09/01/roblox-partners-with-vans-to-launch-interactive-skatepark/?sh=5b96d11c78b9

https://www.forbes.com/sites/forbesagencycouncil/2021/12/28/marketing-in-the-metaverse-detailed-predictions-for-business-musts-in-2022/?sh=3677da687675

https://www.pcgamesinsider.biz/interviews-and-opinion/72744/the-importance-of-user-generated-content-in-the-metaverse/

https://digitalmediaknowledge.com/medias/jeux-video-les-nouveaux-reseaux-sociaux/

https://www.glossy.co/fashion/why-luxury-brands-are-doubling-down-on-roblox/

Brand content et content marketing : quel positionnement pour les médias ?

Une étude de 2016 sur le Content Marketing (UDA&BVA Limelight), montre que 32% des directeurs et responsables du marketing digital dans les entreprises françaises, ne font pas la différence entre le brand content et le content marketing. Dans le même temps, cette étude montre que malgré le bruit qui est fait autour de ces méthodes, 36% des directeurs français n’y allouent pas plus de 10% de leur budget. À l’inverse, aux États-Unis, 59% des marketeurs estimaient que les budgets de content marketing devaient dépasser les autres canaux.

Ces pratiques se sont davantage développées depuis ces études, notamment sur les réseaux sociaux où les questions de taux d’engagement et de retour sur investissements sont une des premières préoccupations des entreprises. Cependant les médias traditionnels, nationaux et régionaux, peinent encore à suivre ces logiques. Plusieurs d’entre eux n’ont pas encore pris ce virage et se voient complètement invisibilisés sur les réseaux sociaux. Le développement de contenus de marque a même un effet néfaste pour l’équilibre des médias, puisqu’il se substitue à leurs productions. De la même façon, les médias ne parviennent pas à saisir l’importance du brand content, ce qui laisse place à des stratégies marketing et commerciales tâtonnantes et souvent peu productives.

Il faut donc définir ces deux notions tout en analysant, à travers des exemples concrets, quels leviers marketing les médias doivent-ils exploiter pour ne pas rater leur transition numérique.

Le content marketing

Le content marketing place le consommateur au centre de sa stratégie. Il consiste à livrer un produit souvent informatif qui va parler au spectateur, quitte à laisser sa marque de côté. Il faut pour mener à bien cette stratégie, connaître les besoins de son audience, ses habitudes et ses caractéristiques. Cette méthode est contre intuitive à l’échelle du marketing puisqu’elle exige un investissement qui ne mette pas spécialement la marque en avant. Le but de la démarche consiste essentiellement à drainer une nouvelle audience grâce à des contenus originaux. La visibilité est l’enjeu majeur.


Schéma du fonctionnement du Content marketing. CD : Stéphane Torregrosa

La forme que prend le contenu de marque est souvent informative, ce qui empiète sur le terrain des médias traditionnels. Valérie Patrin-Leclère, chercheuse au GRIPIC, avait déclaré dans une interview donnée aux Echos en 2019 : « Le marketing met sur le même plan des marques et des médias. Quand la marque n’a plus d’espace identifié, le média peine à rester crédible dans sa prétention à informer. »

La plupart des modèles de financement des médias reposent sur la publicité. Si la publicité elle-même s’approprie les codes journalistiques pour vendre son produit et inscrire sa marque sur le temps long, il se peut qu’elle se passe des médias plus vite que prévu. Alors l’équilibre financier de ceux-ci, déjà vacillant, pourrait tout à fait s’écrouler.

Devant ce constat alarmiste, il n’appartient qu’aux médias traditionnels de répliquer et de proposer à leur tour un contenu original et approprié aux réseaux sociaux. Comprendre que les sujets et la forme des publications ne doivent pas être les mêmes sur le compte instagram et sur le site du journal est primordial.

Capture d’écran des comptes Instagram du Parisien et du Figaro

Quelques journaux commencent à en prendre conscience comme le Parisien sur Instagram ou encore le Monde sur TikTok. Pour le reste, les efforts et les investissements sont encore trop faibles pour espérer toucher une nouvelle audience. On voit sur ces captures d’écrans que le Parisien a une approche plus intelligente sur les réseaux sociaux et a réussi avec un contenu adapté à toucher des personnes qui ne s’y seraient pas intéressé autrement. On voit qu’ils atteignent des centaines de milliers de vues, alors que le Figaro qui a plus d’abonnés arrive au mieux à quelques milliers.

Le brand content

S’il est souvent confondu avec le content marketing, il ne repose pourtant pas sur le même principe. Le brand content repose sur une stratégie brand-centric, qui va développer l’image de la marque pour la rendre attractive. L’objectif est de cultiver l’image de la marque et d’augmenter sa notoriété indépendamment des contenus qu’elle propose. Les objectifs de cette stratégie sont clairs : Apporter une forte visibilité, rajeunir l’image d’une marque, créer des ambassadeurs et des fans de la marque.

La plateforme de SVOD Mubi l’a par exemple bien compris et développe son profil « d’expert cinématographique » en publiant du contenu spécifique et niche pour attirer tous ceux qui se lassent des contenus mainstreams. Le site développe de nombreux partenariats avec des comptes spécialisés sur les réseaux sociaux et bénéficie d’une croissance d’abonnés exponentielle. Sur ses contenus sponsorisés, le logo Mubi brille au-dessus du visage de Pénélope Cruz dans un film d’Almodóvar. C’est ainsi que l’on expose au public les ambassadeurs de sa marque.

Capture d’écran du compte Instagram de Mubi

Même principe pour le média So Foot qui veut imposer sa marque comme une institution et pas seulement comme un média émergent. Celui-ci a organisé une émission unique sur les réseaux, avec trois spécialistes football et des cadeaux SoFoot à gagner. Résultat, 43 000 participants et six milliers de nouveaux followers sur les réseaux sociaux.

Dans les exemples cités le contenu ne se met pas nécessairement au service de l’audience mais davantage au service de la marque. Ses valeurs, son modèle et ses produits y sont mis en avant sur une période plus courte que le content marketing. Cette méthode est efficace et rentable puisqu’une image de marque saine et une audience croissante vont également attirer de potentiels annonceurs.

Face à ce phénomène les médias traditionnels semblent encore plus désemparés qu’avec le content marketing, dont ils maîtrisent au moins la forme. La crise de confiance qu’ils traversent les empêche probablement de développer une image saine et vendeuse sur le numérique. Cet a priori qui veut que le journaliste se mette en retrait au profit d’une information neutre empêche également ce fonctionnement. Enfin, mélanger contenus marketings et contenus politiques pose un vrai problème d’éthique.

Pourtant des solutions existent et doivent être, au même titre que le content marketing, mises en place indépendamment du contenu journalistique déjà disponible. Certains contenus tendance, mode ou sport sont plus adaptés à du brand content. Cette problématique est essentielle pour les médias, notamment du point de vue du vieillissement de l’audience. Les médias traditionnels doivent développer une identité forte sur leurs réseaux sociaux et se démarquer pour continuer d’exister. L’urgence d’une stratégie marketing et commerciale ne doit pas être une question secondaire car elle participe, au même titre que la qualité de l’information, à l’équilibre du paysage médiatique.

Capture d’écran du crowfunding de Légende sur le site KissKissBankBank

Bien que ce ne soit pas tout à fait comparable, plusieurs médias alternatifs et indépendants ont montré qu’une cohérence éditoriale et une marque forte pouvaient permettre un financement indépendant via des abonnements ou des crowfundings. Le 1hebdo a par exemple eu recours à des crowfundings pour le lancement de nouveaux magazines comme Légende, financés par des particuliers convaincus par le storytelling et l’image du média. Si cela n’est pas directement ce qu’on nomme brandcontent, c’est un signe encourageant quant à la possibilité pour des médias traditionnels d’exister à travers leur image et leur audience.

Louis Haéri

Sources

https://www.redacteur.com/blog/difference-content-marketing-brand-content/

http://www.eclaireursdelacom.fr/brand-content-une-marque-peut-elle-etre-un-media-legitime-et-credible/

https://www.docaufutur.fr/2016/06/29/etude-content-marketing-activis-uda-bva-limelight-content-marketing-brand-content/

Vine – A quick rise and fall

What has a visit to the Zoo and preparing food at home in common? Both were the first contents uploaded onto two of the most famous video platforms and marked the start of two internet success stories – YouTube and Vine. In the case of Vine, it was co-founder Dom Hofmann, that uploaded a homemade video of him making fresh steak tartar. Vine, a video-sharing app for 6 second-looped videos, has been founded in June 2012 by Hofmann and his co-creators Rus Yuspov and Colin Kro.

While the product was still being in Beta-Phase, Vine caught the attention of Twitter. In October 2012, Vine was being purchased for reportedly 30 Mio. Dollar before the app even launched. Industry experts said that this made sense, because Twitter, the 140-character text medium, did not have a video format so. Just a few months earlier, Twitter’s competitor Facebook had acquired Instagram. Vine was launched in the Appstore in January 2013. In its first month, it trended the iStore charts, and already six months later, the app counted over 13 million regular users.

Originally, the idea of its developers was to create a way of easily filming and editing videos. At the start, there was no maximum length planned, but files got too big to manage and share. Because of that reason, the developers came up with the six-second timeframe – more out of practical reasons than it being part of the original idea. This new concept created another problem – the videos were too short to make an impact on users. Therefore, the developers programmed the loop, which allowed users to see the same video in an infinite loop.

But Vine made a virtue out of necessity; the six-second loop would turn out to be the perfect medium for new internet-based sketch comedy performed by a new form of internet celebrity. These mostly young people were primarily – or only – famous for what they did in their six-second loops.

The format heralded a world of Periscope and Facebook Live that had not been invented yet. But the platform was also used for other, more serious events: a journalist in Ankara used the platform to cover 2013’s unease in the Turkish capital. In the same year, Daft Punk released a track listing on the platform, and in March “Art” vines were even being sold at auction.

One of the reasons for Vines success was the extremely lively and creative community, which consisted mainly out of teenagers. According to Mark Hoelzl, who conducted a survey for businessinsider in 2015, Vine had the second youngest follower group behind Snapchat. So, the app became quickly evident in pop and youth culture through memes, that are still being used today and finally heavily infiltrated pop culture-oriented media. Many Celebrities started to be present on Vines or started their career there. Such as Bobby Shmurda, a New York rapper, who was signed to a record deal after a clip from his music video drew millions of loops.


Source: Mark Hoelzl, Business Insider online, 2015: https://www.businessinsider.com/update-a-breakdown-of-the-demographics-for-each-of-the-different-social-networks-2015-06?r=US&IR=T

By the end of 2015, Vine counted 200 million users. But the app has already been through a noticeable decline in relevance. Many of its users have shifted to competitors, such as Instagram or Snapchat. In 2016, to the surprise of the public, Twitter announced that it would shut down the app, only 4 years after its launch. Luckily for its influencers, most of them had already opened up accounts on other platforms, but there was still a large and active community on Vine. The shutdown of the platform brutally demonstrated the dependency of the content creators and showed them, that it was important to be diversified and have a presence on different platforms at the same time.

Although the shutdown was a surprise, the downfall began much earlier and was a result of different reasons, such as Twitter lacking a clear strategy on how to implement the app in its own environment, and Vine’s failure to monetize the app.

Twitter didn’t manage to develop a coherent concept for implementing the video feature. It decided to focus on implementing its own, 30-second video feature instead of focusing on developing Vine further. Apparently, this was also due to a reluctance in Vine’s management to join Twitter creatively. Twitter also acquired several other start-ups, but never managed to align them into one clear strategy. Later on, Twitter would transform the app into vine video and integrate it into Twitter; this allowed the users to generate new videos in the vine format and style and upload them directly onto their Twitter accounts.

But more importantly, Twitter and Vine couldn’t figure out how to make money with the app. There were never explicit ads sold by Twitter on Vine itself. The company lost out on revenues from advertisers promoting tweets with the Vines embedded. The stars on the platform were successful by endorsing products in bespoke videos. But advertisers came to realize, that there were better options in the market: Facebook’s algorithm for better targeting and measuring the relevant target groups, or the direct approach of Snapchat for example. This would eventually spread to the users. In 2013, half of Vine’s “top influencers” stopped posting or deleted their accounts. These opinion leaders had several reasons to switch to its competitors: the missing monetizing options for content creators apart from brand endorsements, new features introduced by competitors, such as the 15-second Video of Instagram, or new entrants like Snapchat. All of these factors, combined with Vines unwillingness to change or introduce new features, led to the influencer exodus.

Vine’s demise was proof, that simply having users was not enough if you can’t monetize it. It would become a cautionary tale for other platforms, that have primarily focused on growth.

Byte –A failed attempt to come back

“The idea was to bring back what people remember about Vine, even if it isn’t necessarily the way that Vine was,” said Dom Hofmann, one of the co-founders of Vine, when introducing his new app, called Byte. Byte was launched in January 202, exactly 7 years after the release of Vine. Originally the app should have been called V2, but the project was later rebranded for better distinction.

The week it became publicly available, Byte was briefly the most downloaded app in the App Store, crossing a million downloads. 70% of the downloads happened in the United States, another 7% each in Canada and the UK.

Apart from the short looping videos, Byte’s design referred heavily to Vine. A familiar search and discovery page with even the same prompt for the commenters: “Say something nice.” It introduced a couple of new features, such as Floaties, which were floating texts or videos added to the videos.

To better reward its influencers, the company planned to open a partnership program to share advertisement revenues.

Despite all the changes and the good head start in January, the app never broke out to the mainstream. Only when Donald Trump threatened to ban TikTok, there was a noticeable quick rise in interest; but after the ban was held up in court, it seemed to die down quickly.

In 2021 Byte was ultimately sold to Clash, another TikTok competitor.

Tik Tok – Vine’s successor

TikTok, developed by the Chinese Zhang Yiming, became one of the hottest apps since its launch in 2016. Zhang formerly started his company with an online news service that heavily relied on AI. This knowledge in AI plays a key factor in TikTok’s success.

The app functions similarly to Vine: the user watches short videos in a loop, although the videos are significantly longer. One of the key elements to trigger engagement in the videos is the love of music by all age groups. The tie-in offers a fun twist that lends itself to new trends, memes, and challenges. Other social networks are primarily built on connections between people who know each other in real life. Tik Tok focuses on optimizing the content you see; it is entirely possible to spend hours on TikTok without seeing anyone you follow because it is driven primarily by algorithmic discovery.

This algorithm determines your interests based on how much time you spend on which type of video. Furthermore, it establishes relationships based on videos that the same users interact with. This is comparable to a “frequently bought together” section in an online shop. The algorithm also helps content creators, especially new ones, to gain reach. It rewards content above all else, which makes it easy to gain a big following fast if the content is liked by the users.

The features of the app and its active community allow brands to engage and inspire their fans in more authentic and entertaining ways. This makes TikTok also incredibly successful in monetizing its app; it is currently battling for the throne of the highest conversions in in-app-buying against Instagram.

By the end of 2021, TikTok had 1 billion active users and is growing fast.

Source: Carmen Ang, Visual Capitalist, 2021, https://www.visualcapitalist.com/ranked-social-networks-worldwide-by-users/

Article by Daniela Duque Ramos

Sources


https://influencermarketinghub.com/byte-statistics/
https://www.theverge.com/2021/1/26/22250926/clash-buys-byte-vine-successor-dom-hofmann
https://www.theverge.com/2020/1/24/21081002/byte-vine-successor-available-now-launch-dom-hofmann-ios-android
https://bettermarketing.pub/everything-you-need-to-know-about-byte-aka-vine-2-0-b22e3db911d8
https://www.businessinsider.com/update-a-breakdown-of-the-demographics-for-each-of-the-different-social-networks-2015-06?r=US&IR=T
https://inews.co.uk/opinion/comment/rise-fall-vine-short-loops-27661
https://www.nytimes.com/2020/02/22/style/byte-vine-short-video-apps.html
https://www.theverge.com/2016/10/28/13456208/why-vine-died-twitter-shutdown
http://www.differencebetween.net/technology/difference-between-tiktok-and-vine/
https://backlinko.com/instagram-users
https://www.visualcapitalist.com/ranked-social-networks-worldwide-by-users/
https://www.forbes.com/sites/tomtaulli/2020/01/31/tiktok-why-the-enormous-success/
https://www.howtogeek.com/711824/why-is-tiktok-so-popular-why-the-social-network-is-unique/

Projet de fusion TF1-M6 : enjeux et perspectives

Annoncé en mai dernier, le projet de prise de contrôle exclusif du Groupe M6 par le Groupe Bouygues (actionnaire majoritaire du Groupe TF1) consisterait, pour ce dernier, à racheter 30% des parts de son concurrent historique, actuellement détenues par RTL Group, contre 641 millions d’euros. Néanmoins, cette perspective fédère les oppositions et ne va pas sans susciter nombre d’interrogations. Tentative d’éclaircissement.

(Source : https://media.lesechos.com/api/v1/images/view/60dc32dbd286c231392a33f6/1280×720/
0611303262612-web-tete.jpg)

Quelles questions ce projet fait-il émerger ?

Un point clé de ce dossier réside dans la définition du « marché publicitaire pertinent » qu’il convient de prendre en compte afin d’analyser la faisabilité de la fusion au regard du droit de la concurrence. Faut-il considérer uniquement le marché de la publicité TV ou bien celui de la publicité numérique dans son ensemble ?

Le poids de ce nouvel acteur sur le premier marché cité dépasserait tous les seuils d’analyse et ne permettrait pas à l’Autorité de la concurrence (ADLC) d’autoriser cette fusion. Agrégés, les deux groupes représenteraient 75% du marché de la publicité télévisée (dont 50% pour les seules chaînes TF1 et M6) et 98% des écrans dits premium, à plus forte audience, d’après Le Monde.

De leur côté, TF1 et M6 promeuvent un changement radical de philosophie de l’antitrust et souhaiteraient convaincre l’Autorité de la nécessité d’adapter le critère du marché pertinent aux évolutions de l’environnement concurrentiel, marqué par l’irruption des plateformes de SVOD et réseaux sociaux. Il conviendrait alors d’ajouter le marché de la publicité numérique à celui de la publicité télévisée, dans la mesure où, le « temps de cerveau disponible » des individus étant contraint, il s’agirait d’un unique « marché de l’attention ». Ce faisant, le duo verrait alors sa part de marché réduite à 24% au premier semestre 2021. De plus, l’autorisation sous conditions, par l’ADLC en 2016, de la fusion Fnac-Darty les incite à l’optimisme.

Néanmoins, une limite à ce raisonnement réside dans la relative stabilité des investissements publicitaires télévisuels en France ces dernières années. Selon l’IREP, en 2019, ils s’établissaient à 3,403 milliards d’euros, en baisse de -0,7% par rapport à 2018 ; corroborant la puissance persistante du média TV malgré l’annonce récurrente de son agonie prochaine.

Outre cet enjeu central, cette potentielle fusion entre TF1 et M6 s’accompagne d’interrogations concernant les programmes.

Au niveau de l’investissement dans la création tout d’abord, la perspective de voir Nicolas de Tavernost, hostile aux obligations de financement en la matière, prendre la tête de ce mastodonte inquiète l’ensemble du secteur de la production.
Rappelons qu’en l’état actuel des obligations, l’investissement annuel dans la création française du nouveau groupe TF1-M6 est estimé à 280 millions d’euros, là où les plateformes de SVOD seraient amenées à injecter entre 350 et 400 millions d’euros annuels d’ici cinq ans (cf. transposition de la directive SMA de 2018).

De plus, selon un diffuseur, l’alliance posséderait 62% des tranches d’information de la mi-journée et 52% en soirée ; sans même considérer RTL, pourtant première radio de France et propriété du Groupe M6. D’un point de vue démocratique, une telle concentration de l’offre d’information entre les mains d’acteurs privés est-elle souhaitable ?

Techniquement enfin, un prérequis à la réalisation effective de cette fusion réside dans la vente de plusieurs canaux TNT. En effet, TF1 et M6 possèdent trois canaux de diffusion supplémentaires par rapport à la limite de sept fixée par le dispositif anti-concentration médiatique. Les deux groupes envisageraient donc de céder 6Ter, TF1 Séries Films, TFX ou Gulli ; chaînes aux faibles audiences et dont la numérotation n’est pas stratégique. Cette stratégie est fréquemment dénoncée par les opposants à ce projet.

(Source : https://cdn-s-www.bienpublic.com/images/3cb62475-27b3-4616-83bc-96cc57c1b481/NW_listA_M/title-1621360209.jpg)

Zoom sur les oppositions

Au vu de l’étendue de leurs périmètres d’activités, de leur puissance économique et du précédent qu’une telle opération pourrait représenter, de nombreuses voix – aux intérêts extrêmement variés – s’élèvent contre ce projet de fusion.

Au premier rang de ceux-ci, se trouvent les concurrents privés des deux groupes (Canal+, Altice Media, NRJ, etc.), inquiets pour leurs revenus publicitaires notamment. Arthur Dreyfuss, CEO d’Altice Media (BFMTV, RMC, etc.) et l’un des rares à affirmer publiquement son opposition au projet, disait à ce propos : « L’objectif semble surtout être d’affaiblir les concurrents sur le marché français ».

Suivant une logique diamétralement opposée, Delphine Ernotte-Cunci, présidente de France Télévisions, s’est prononcée en faveur de cette fusion lors du festival Médias en Seine le 12 octobre dernier – auquel j’ai eu l’opportunité d’assister. De là à y interpréter l’espoir d’ainsi obtenir une augmentation de la CAP ou un allègement des contraintes publicitaires pesant sur le service public en arguant du renforcement de la concurrence privée gratuite au niveau national…

Les annonceurs publicitaires (agences et syndicats) sont également largement opposés à ce projet. Ainsi, en affirmant la non-substituabilité entre publicité télévisée et numérique, le directeur général de l’Union des marques (240 adhérents) a sapé l’argument principal des défenseurs de ce projet. Selon lui, la fusion aurait trois conséquences principales : (i) une (très forte) hausse des tarifs publicitaires, (ii) un problème d’accessibilité au média TV pour certains annonceurs (nouvelles marques et PME) et (iii) un appauvrissement de la qualité et de la diversité de l’offre des contenus. De plus, la séparation des régies publicitaires des deux groupes – solution parfois évoquée – est jugée non pertinente en raison de leur poids sur le marché.

Comme mentionné précédemment, de nombreux producteurs et distributeurs audiovisuels garnissent également les rangs des adversaires de ce projet (syndicats professionnels mais aussi Banijay ou Mediawan par exemple). Outre la crainte de l’apparition d’un « guichet unique », la constitution d’une filiale de production/distribution d’envergure – Newen – par TF1 n’est certainement pas de nature à apaiser les craintes relatives à une internalisation croissante de ces activités.

Les agrégateurs de contenus (opérateurs télécom (Iliad) et Canal+ notamment), quant à eux, estiment que ce nouvel acteur pourrait se prévaloir d’un poids nettement plus important lors des négociations les opposant et donc demander davantage en échange de la reprise des fils linéaires de leurs chaînes.

Enfin, le secteur de la presse écrite est également opposé à ce projet. Déjà mal en point financièrement, il risquerait de perdre de nombreux annonceurs au profit de médias puissants (Internet et TV). Pour autant, la fragilité économique de certains médias doit-elle pénaliser les mieux portants ?

(Source : https://www.lerevenu.com/sites/site/files/u499351/p11-graf2.jpg)

Quelles perspectives pour ce projet ?

Passés les remous provoqués par l’annonce, le projet est entré dans une phase institutionnelle qui ne semble pas devoir aboutir avant de longs mois.

L’Autorité de la concurrence a commencé, à la rentrée, un test de marché accompagné de l’envoi d’un questionnaire aux acteurs potentiellement impactés et son avis officiel est attendu à l’automne 2022. Le non-renouvellement, fin 2021 par le Président de la République, d’Isabelle de Silva – qui avait publiquement exprimé son scepticisme à l’égard de ce projet – à la tête du gendarme de la concurrence a d’ailleurs été interprété par certains comme une volonté de l’Élysée d’influencer le verdict. 

Quoi qu’il en soit, le timing de cette fusion est malvenu pour l’exécutif tant le sujet est épineux. Signes de sa portée politique, une commission d’enquête sénatoriale sur la concentration dans le domaine des médias a été créée et rendra son rapport d’ici fin mars et un rapport conjoint IGF-IGAC sur cette question a été commandé par Bruno Le Maire et Roselyne Bachelot-Narquin.

Saisie début novembre 2021 par l’ADLC, l’Arcom rendra son avis sur ce dossier d’ici au 31 mars 2022. S’il a initialement été prêté un regard bienveillant à Roch-Olivier Maistre, président de l’Autorité, au sujet de cette fusion, celui-ci a rappelé que l’étude de ce dossier n’en était qu’à sa phase d’instruction et qu’il était donc impossible de présager des conclusions de l’autorité indépendante. 

Par ailleurs, Iliad – maison-mère de Free – a saisi, fin 2021, les services de la concurrence de la Commission européenne. Son argument ? Les décisions étant prises conjointement par Bouygues et RTL Group (actionnaire majoritaire du Groupe M6 et propriétaire de 16% des parts du nouvel acteur), il conviendrait de considérer les chiffres d’affaires de Bouygues et de Bertelsmann (propriétaire de RTL Group). Dans ce cas, les seuils pour considérer que l’opération est de dimension européenne seraient atteints. Cependant, l’avis partagé est que ce dossier relève des autorités nationales. Ce qui n’empêche pas Bruxelles de le suivre avec attention dans la mesure où il pourrait redéfinir le marché pertinent de la publicité pour les médias traditionnels et ainsi constituer un précédent à l’échelle européenne. 

Il sera extrêmement intéressant de voir comment les autorités françaises intègrent la nouvelle donne concurrentielle – sur le marché publicitaire notamment – dans leurs analyses. Il en va de la survie des médias traditionnels, et d’une partie de notre souveraineté culturelle, à l’ère du numérique.
D’autant que Benoît Cœuré, tout juste nommé à la tête de l’ADLC, a indiqué que cette opération « ne va pas de soi ». En cas d’autorisation de la fusion, de nombreux opposants menacent déjà de déposer un recours devant le Conseil d’État. Verdict attendu au plus tard au printemps 2023…

Théo ANFOSSI


Sources :

https://event.mediasenseine.com/session/cd1e55ee-592b-ec11-ae72-a04a5e7d345e

https://www.groupem6.fr/content/uploads/2021/05/Projet-de-fusion-M6-TF1.pdf

La publicité segmentée à la télévision française : contexte, opportunités, limites

© AFP / Riccardo Milani / Hans Lucas


Face à une concurrence extrêmement forte du digital sur le marché de la publicité, la télévision doit renouveler sa proposition. En effet, depuis le point de renversement en 2016 où le digital a dépassé la télévision sur son poids dans le marché publicitaire médiatique, les chaînes sont challengées sur leur attractivité. La crise sanitaire n’a pas aidé, mais le bilan est plus qu’honnête : en 2021, la télévision représentait sur les neuf premiers mois de l’année 2,4 milliards d’euros de recettes, se payant même le luxe d’être en légère progression de 2,6% par rapport à la même période en 2019 (avant crise)[1]. Toutefois, sur la décennie, ce marché a vu sa croissance passer de plus de 10% en 2010 à une relative stagnation depuis 2014, oscillant entre 0% et 2%. En face, le digital (display, search, social…) affiche une croissance insolente moyenne de 13% par an entre 2013 et 2019, passant ainsi de 2,7 à 6,1 milliards d’euros (+117%)[2]

Cela étant dit, il est normal que les chaînes de télévision tentent de faire sauter les dernières barrières qui les empêchent de proposer aux téléspectateurs un écran publicitaire personnalisé, unique, adapté aux centres d’intérêts de chacun. On appelle cela la publicité segmentée. Longtemps interdite en France, elle est désormais autorisée depuis le décret du 07 août 2020, suite au passage de la nouvelle loi de l’audiovisuel. Concrètement, elle permet d’adresser à chaque segment de public un spot différent au même instant. C’est donc plus qu’un véritable rapprochement entre la publicité traditionnelle et la publicité digitale, on peut parler d’une certaine fusion : le spot deviendra personnalisé, géolocalisable et propose ainsi une nouvelle attractivité pour les annonceurs.

Les régies publicitaires des différents groupes en ont fait un fer de lance, et présentent avec fierté les accords qu’elles ont conclu avec les FAI. Oui, l’arrivée de la publicité segmentée à la télévision française est une opportunité à saisir pour les diffuseurs, mais est-ce vraiment un el dorado qui va révolutionner ce marché assez traditionnel ? C’est ce que nous allons questionner dans la suite de cet article. 

Le principe de la publicité segmentée et son cadre légal

© SNPTV / IAB France / AF2M


La publicité segmentée ne peut fonctionner sur les téléviseurs classiques qui ne sont pas équipés pour la recevoir. Pour cela, il faut regarder le live via un flux HBBTV, disponible en regardant la télévision via les box FAI ou avec une télévision connectée (les fameuses smart tv). C’est grâce à ces matériels qui intègrent le digital que peut passer cette nouvelle manière de toucher le public. Ainsi, une question d’équipement des foyers se pose pour faire fonctionner ce nouveau marché émergent. En plus des équipements à domicile, la puissance des installations réseau (notamment internet) dans des régions isolées est capital, car sans un débit suffisamment puissant, il n’est par exemple pas possible de regarder la télévision avec sa box internet.

Cela fait longtemps que les diffuseurs réclament la possibilité de faire de la publicité segmentée. Depuis une législation de 1992, la seule chose qui leur était autorisée était l’expérimentation commerciale :  chaque régie peut développer des formats segmentés et les proposer à la commercialisation à destination d’une très faible part de la population. Par exemple, la régie publicitaire d’M6 a expérimenté sur la diffusion de quelques spots segmentés sur une base de 2,5 millions de personnes. De même, France Télévisions a expérimenté dans le cadre légal avec des sports thématisés en fonction du public. Au départ, les règlements européens comme le RGPD empêchaient les acteurs de différencier le spot selon la localisation du téléspectateur. Aujourd’hui, une fois son consentement donné, cette dimension de la publicité segmentée est autorisée. Enfin, il faut rappeler que l’arrivée de ce nouveau genre de publicité sur les télévisions françaises est limité à 2 minutes par heure pour les chaînes nationales, et interdit à proximité des émissions/programmes destinés à la jeunesse[3].

Une opportunité pour la télévision de renforcer son offre publicitaire globale …


Ces constats posés, il n’empêche que la publicité segmentée est une véritable aubaine pour la télévision : avoir une offre qui permet de toucher massivement tous les publics, toutes les cibles, toutes les régions, mais aussi une nouvelle offre complémentaire qui offre une capacité de ciblage inédite sur ce média traditionnel. Toujours selon le cabinet Oliver Wyman en 2019, la commercialisation de publicités segmentées représentait entre 2% et 5% du chiffre d’affaires des régies publicitaires dans des pays comme les États-Unis, la Belgique ou le Royaume-Uni[4]. En France, on estime le potentiel économique de ce nouveau produit publicitaire à un chiffre d’affaires fin 2023 de 220 millions d’euros (ce qui représenterait donc 10% des revenus publicitaires actuels des chaînes). 

Les annonceurs ont d’ailleurs bien reçu l’arrivée de cette nouvelle manière de communiquer. Ainsi, on estime que plus de 40% des achats en segmenté seront réalisés par des annonceurs non présents actuellement en télévision, contre 25% pour les gros annonceurs classiques (Renault, L’Oréal etc…) Ces écrans ont donc une capacité d’attraction très forte vis-à-vis d’annonceurs ayant délaissé le média TV pour sa faible capacité à cibler efficacement un public. Cette attractivité est d’autant plus forte que le parc adressable progresse chaque année. Selon les prévisions de l’AF2M, ce seront plus de 16 millions d’individus adressables fin 2022, et presque 20 millions fin 2023[5], soit presque la moitié de la population française regardant la télévision. Les annonceurs y voient ici une capacité de toucher massivement en plus d’offrir un ciblage efficace. 

… Mais qui semble être limitée niveau potentiel économique 


Malgré ces bonnes nouvelles pour un secteur en stagnation, il faut remettre en perspective l’arrivée de la publicité segmentée à la télévision face aux immenses défis qui l’attendent.

Premièrement, l’équipement des français : ce mode de réception est conditionné au renouvellement du parc de télévision et/ou de la réception de ce média par les box FAI. D’ailleurs, il fait noter l’importance et surtout le poids des FAI dans les négociations entre les régies publicitaires et ces opérateurs. Sans accord, les régies se privent d’une part énorme de la population (surtout quand on sait que Orange, Bouygues et SFR représentent à eux seuls 11 millions d’individus regardant la télévision et 18% des foyers français[6]). Certes, les équipements des français se renouvellent rapidement ces dernières années. Mais la massification de ces écrans ne pourra se faire que dans quelques années, le temps que l’industrie puisse se développer et que les foyers adressables se multiplient.

Ensuite, il faut rappeler un fondamental : le consommateur doit donner son consentement vis-à-vis du RGPD. Cet élément prend tout son sens dans une époque où les français font de plus attention et sont sensibilisés à l’utilisation qui peut être faite de leurs données. Une étude YouGov réalisée début 2020 ne donnait que 39% de personnes favorables à la publicité segmentée, contre 56% de personnes défavorables, notamment à cause de l’utilisation des données personnelles[7]. Ainsi, le public ne semble pas (encore) conquis par cette nouvelle proposition de publicité ciblée.

Enfin, le poids économique que représenterait la publicité segmentée reste très limité contrairement au chiffre d’affaires de la publicité TV, surtout en considérant les acteurs déjà présents en TV qui vont bénéficier de cette nouveauté. Rien ne dit que les dépenses publicitaires de ces acteurs vont être plus importantes, il est possible que la dépense faite en achat traditionnel soit scindée pour une partie segmentée. De plus, cette estimation de 220 millions de revenus n’est valable que si la géolocalisation est intégrée au projet final.

La publicité segmentée est donc un nouveau marché dont la perspective est intéressante, mais à ne pas idéaliser. Certes, nous avons vu qu’elle sera assurément un relai de croissance et surtout une manière de renouveler l’offre publicitaire que peut proposer la télévision aux annonceurs. Malgré cela, les limites de cette technologie restent nombreuses : équipements des français, poids des FAI dans la négociation, adhérence du public, restrictions législatives… Cette autorisation à grande échelle de la publicité segmentée est valable pour une durée de 24 mois, à la fin de laquelle un bilan sera dressé par le législateur. Nous devrions donc en savoir plus d’ici le mois d’août 2022 sur l’avenir de cette fusion entre publicité de masse et publicité digitale.

Emmanuel SCHMITT


Sources :

[1] IREP, Kantar, France PUB, Baromètre Unifié du Marché Publicitaire, septembre 2021

https://www.irep.asso.fr/wp-content/uploads/2020/03/Presentation-BUMP-2019.pdf

[2] SRI, UDECAM, 25ème observatoire de l’e-pub, cabinet Oliver Wyman, février 2021

[3] Henri Rivollier, La publicité segmentée autorisée, droitdelacom.org, 11 août 2020

https://droitdelacom.org/la-publicite-televisee-segmentee-autorisee/204894/

[4] Cabinet Oliver Wyman, L’avenir de la publicité segmentée en France, 2019

https://www.snptv.org/wp-content/uploads/2019/05/Avenir-de-la-publicite-segmentee-en-France_Etude-Oliver-Wyman_2019.pdf

[5] offremedia.com, TV segmentée : TF1 Pub prévoit une forte accélération en 2022 grâce aux nouveaux inventaires, à la hausse du nombre de foyers adressables et à ses moyens de commercialisation, 19 janvier 2022

https://www.offremedia.com/tv-segmentee-tf1-pub-prevoit-une-forte-acceleration-en-2022-grace-aux-nouveaux-inventaires-la-hausse

[6] groupe-tf1.fr, TF1 Pub et SFR signent un partenariat sur la TV segmentée, 17 décembre 2021

https://groupe-tf1.fr/sites/default/files/communiques/cp_groupe_tf1_-_tf1_pub_et_sfr_signent_un_partenariat_sur_la_tv_segmentee.pdf

[7] adintime.com, La publicité TV segmentée : un nouvel eldorado pour la publicité ?, 09 mars 2021

https://adintime.com/fr/blog/la-tele-segmentee-le-nouvel-eldorado-pour-la-publicite–n89

Études globales consultées : 

SNPTV, IAB France, AF2M, La publicité TV segmentée, 2021

Realytics, La TV segmentée : l’état de l’art en France, janvier 2022

La publicité est-elle l’ennemi? – Plaidoyer de la publicité.

Forbes ? 30€ ! Netflix ? 15,99€ ! Instagram ? Quelques publicités.

Ça vous dérange ? Pas moi.

Parce que sans publicité, la gratuité n’existerait pas…

En effet, il est important de comprendre que la publicité est avant tout un business model, et ce pour de très nombreux médias, sites, plateformes et applications. Ces derniers ont délibérément fait le choix de nous offrir gratuitement l’accès à leurs contenus. Souvent des contenus informatifs, éducatifs, culturels, ou encore de divertissement, ils comptent donc particulièrement aux yeux de leurs consommateurs ; ces consommateurs qui se plaignent déjà bien assez du coût de dépenses de première nécessité, et qui se réjouiront donc toujours de ne pas avoir à payer pour ce qui occupe leur temps de loisir.

Mais n’oublions pas qu’alors qu’il s’agit pour le consommateur de ses loisirs, il s’agit pour ces médias de leur travail et gagne-pain, et que l’énergie investie dans la création de ces contenus mérite donc, comme tout travail, un salaire. Pour répondre à cela, comme toute entreprise, ces derniers ont donc un business model ; celui de la publicité. Une promesse simple : visibilité du produit ou service de la marque contre rémunération du média.

Il existe des modèles alternatifs permettant la gratuité me direz-vous ?

Oui, mais ne vous laissez pas méprendre. Certaines gratuités sont simplement des outils d’attraction visant à vous verrouiller en tant qu’utilisateurs frustrés pour vous convertir en utilisateurs premium. A titre d’exemple pour ce modèle que l’on appelle le Freemium, l’application Google Drive, qui sait vous séduire pour stocker vos quelques fichiers, jusqu’au jour où vous vous décidez à y stocker les souvenirs de toute une vie pour abandonner votre disque dur externe, et vous retrouvez à devoir payer pour obtenir plus de stockage.

Alors, lequel de ces deux modèles vous dérange le plus ? 

Celui qui vous offre une gratuité totale et permanente, ou celui qui vous amadoue par une gratuité incomplète pour que vous finissiez par payer ?

Mais l’avantage de la publicité pour les consommateurs ne s’arrête pas là.

La publicité est-elle réellement l’ennemi ?

Il est si commun de diaboliser la publicité, souvent vue comme un outil manipulateur au service du capitalisme et de la surconsommation. Mais parler de manipulation revient à retirer au consommateur tout son esprit critique. Si nous disposons d’un droit de vote, nous disposons donc d’une capacité de jugement bien suffisante pour savoir filtrer les informations et avoir notre propre avis en ce qui concerne une publicité. Il est de plus particulièrement important de rappeler le contexte dans lequel se fait la publicité en 2021. Avec internet, le consommateur dispose de bien suffisamment de ressources pour s’informer sur un produit avant de l’acheter, grâce aux nombreux avis publiés en ligne.

Il serait donc excessif de parler de manipulation face à un consommateur éclairé.

Par ailleurs, pour rappel, la publicité se fait à travers des contenus créatifs, et son objectif est la découverte. Elle a donc plus d’un point commun avec l’art, et plus encore, elle a finalement un intérêt étroitement similaire à celui des contenus audiovisuels ou digitaux entre lesquels elle se positionne, et dont les audiences sont directement demandeuses.

Et pourtant, une distinction s’opère et la perception en diffère. La publicité dérange. Le problème réside-t-il donc dans la visée commerciale de la publicité ? Sans aucun doute.

Mais la contradiction est de taille. Car à la question « Achetez-vous des produits quels qu’ils soient plusieurs fois par semaine voire par jour? », qui répondrait non? Sans parler là de surconsommation, nous parlons bien de consommation. Et je ne vous apprendrai rien en vous disant que les plus belles des choses de ce monde se vendent et se consomment ; les voyages, la culture, les livres, les restaurants…

Toutes ces choses sont vendues, et jusqu’alors, si leur existence n’est pas portée à notre connaissance, comment assouvir notre soif de nouvelles expériences, d’apprentissage, de partage, de développement personnel ?

Prenons un exemple simple.

Vous vous rendez à pieds chez Fred, votre meilleur ami, pour un dîner. Sur votre chemin, rue du Commerce, se trouve ce restaurant, le Bel ami, qui est ouvert. A travers la vitrine, vous apercevez, alors que vous suivez droit devant vous votre itinéraire, une belle entrecôte comme vous les aimez tant.

Laissez-moi vous poser deux simples questions.

Premièrement, faut-il fermer le Bel ami lorsque vous vous en approchez, sous prétexte que vous n’allez pas vous y rendre ce soir-là ?  Non ? Alors pourquoi la présence d’une publicité dans un coin de page web devrait-elle être si dérangeante, si elle ne fait que partie du paysage ?

Deuxièmement, irez-vous dîner au Bel ami prochainement et en serez-vous heureux ? Sans aucun doute. Heureusement donc qu’il a été mis sur votre chemin.

Oui, mais, ai-je envie de découvrir TOUS ces produits, me direz-vous ?

Une publicité ciblée

C’est à ce moment-là que la publicité digitale et ciblée entre en jeu.

Nous vivons à l’ère de l’abondance de l’information. Les options sont multiples et les offres infinies. Mais rien dans ce monde n’est fait pour tous. Nous sommes tous différents, nous avons tous des goûts et des besoins différents. Chaque produit a donc son public, et pourrait en intéresser certains à la même intensité qu’il en désintéresserait d’autres. De la même manière, la publicité est un concept et un outil au service de cette variété de produits. A ce titre, le problème n’est donc pas forcément la publicité mais le produit. Pas même le seul produit, mais le produit relativement au destinataire de la publicité.

Dire que la publicité dérange n’aurait donc pas de sens.

Chaque publicité en dérangera certains, qui n’en constituent pas une audience qualifiée, et en intéressera d’autres, qui eux, sont des cibles tout à fait adaptées. D’où la pertinence de la publicité ciblée, par opposition à la publicité de masse faite sur les médias traditionnels. En effet, la récolte de data sur les leviers digitaux offre l’avantage d’exposer les internautes uniquement à des publicités à forte potentialité de les intéresser.

Et dans cette abondance d’information, c’est un gain de temps précieux qui nous est offert.

Un temps précieux de recherche dans une dense masse est gagné, puisque l’information vient directement à nous et la découverte est facilitée. La publicité ciblée vient donc même résoudre des problématiques posées par les nouveaux modes de communication et permet l’amélioration de la qualité de notre navigation en portant directement à notre connaissance des informations qui nous intéresseront.

L’aiguille dans la botte de foin n’a jamais été aussi facile à trouver.

Une publicité plus digeste

Par ailleurs, l’approche publicitaire est de plus en plus délicate et fluide. Les plateformes publicitaires les plus connues, telles que Google Ads, imposent un certain nombre de contraintes aux annonceurs, notamment dans les contenus et formats de leur publicité, empêchant la publication de toute publicité intrusive ou agressive. A titre d’exemple, le clignotement interdit par Google Ads dans les formats display, ou encore les publicités affichées en story sur Instagram, qui se fondent avec brio dans la masse des stories tels de véritables contenus de divertissement.

Lorsque ces pratiques sont combinées à une publicité ciblée et donc personnalisée, l’expérience publicitaire peut donc réellement se positionner au même niveau que les contenus consommés sur les moments de loisir et devenir ainsi une réelle source de découverte et de divertissement.

Un véritable travail d’équipe

Pour aboutir à une expérience publicitaire apaisée et bénéfique à chacun – en ligne du moins -, il est important de comprendre qu’un échange doit se faire. Sans implication et coopération de la part de l’internaute, il est plus difficile de faire de la publicité une expérience positive.

L’issue?

Un véritable cercle vertueux qui transforme l’expérience publicitaire en divertissement et améliore ainsi à la fois notre expérience – en tant qu’internautes mais aussi en tant que consommateurs -, et celle des marques, qui trouvent ainsi leurs clients.

Pour ce faire, pensez-donc à bloquer moins, et à cliquer plus, mais attention ; seulement là où votre regard vous mènera !

Manel E.

Cyberpunk 2077: Une campagne marketing réussie, des conséquences désastreuses

Cyberpunk 2077 Affiche officielle

Si vous avez vécu sur terre depuis quelques mois, vous n’avez pas pu passer à côté de Cyberpunk 2077. Moi qui ne suis pas joueuse pour un sous, qui ne possède pas de console si ce n’est la vieille Game cube de mon père avec pour seul jeu « Mario Kart », je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir une petite envie de découvrir l’univers de ce jeu. Il est le dernier né du studio Polonais CD Projekt Red (The Witcher) sorti le 10 Décembre 2020 sur PC, PS4, Xbox One et Google Stadia. Ce triple A avait tout pour être le jeu de l’année et était extrêmement attendu. Si vous avez vécu sur terre depuis ce 10 décembre vous n’avez pas pu passer à côté de la débâcle qu’a connu ce jeu après sa sortie ; passant de l’évènement du secteur à une énorme déception pour les joueurs, un naufrage médiatique et entrainant la chute de l’action du studio de 30% entre la sortie de l’opus et la mi-janvier.

Comment l’impensable a-t-il pu arriver ? Quelles en sont les conséquences ?

Une aventure qui avait tout d’une success story

Ce jeu d’une ambition considérable avait tout pour réussir. CD Projekt Red, fort des succès de la saga The Witcher, se plaçait comme le deuxième studio européen juste après Ubisoft. Le studio s’attaquait à quelque chose qu’il semblait maîtriser : un open world. L’univers choisit avait toute ses chances de plaire (car il questionne notre humanité), et ce, d’autant plus que c’est Keanu Reeves qui avait été choisi pour interpréter V, le héros du jeu. Cet acteur était déjà empreint d’univers similaires (Matrix, John Wick, …) renforçant

sa légitimité et sa crédibilité dans son personnage. De plus, le studio a su gérer la communication autours du jeu d’une main de maître (si ce n’est une polémique transphobe). Il a été annoncé la première fois en 2012 et réévoqué régulièrement depuis (bien que le développement ne commençât qu’en 2016, le studio étant occupé à la sortie de The Witcher 3). 8 ans ont passé entre l’annonce et la sortie du jeu créant une attente et une exaltation remarquable chez les joueurs, les professionnels du secteur, la presse spécialisée, …

Capture de The Witcher 3: Wild Hunt

A l’approche de sa sortie, une campagne marketing massive a été mise en place pour en assurer le succès. Le studio étant relativement petit, les sorties de jeux sont rares et se doivent donc d’être une réussite. Cyberpunk 2077 a vu ses publicités diffusées dans 55 pays et dans 34 langues, dans les médias traditionnels (télévision, papier, affichage, …) et sur les réseaux sociaux (Instagram, Youtube, Twitter, …). Le studio a sorti une série de vidéos où leurs employés testaient le jeu , ainsi qu’une publicité avec Keanu Reeves comme narrateur et Billie Eillish en fond sonore qui a été très appréciée. L’affiche du jeu s’est même retrouvée à Time Square pour la modique somme de 2,5 millions d’euros.

Publicité pour Cyberpunk 2077 à Time Square, New York

Le jeu était partout. En France, ce sont des Youtubeurs et des Influenceurs tels que Maskey, Captain Popcorn ou encore Léna Situation qui ont produit du contenu sponsorisé pour Cyberpunk 2077.

Il est intéressant de noter que ce ne sont pas uniquement des influenceurs spécialisés dans la culture populaire qui ont été utilisés. Par exemple, Léna Situation fait, plus habituellement, des vidéos sponsorisées par Dior ou Zalando. Elle est moins attendue sur un jeux vidéo. En effet le jeu avait déjà fait sa place dans l’esprit des joueurs classiques, CDPR a eu l’intelligence de chercher à conquérir un public différent.

Vidéo sponsorisée de Léna Situations pour Cyberpunk 2077

Le jeu était bien parti pour être un succès. Grâce aux préventes, il était rentable avant même sa sortie. Il s’était vendu à plus de 13 millions d’exemplaires 10 jours après son lancement.

« La ville la plus fascinante de l’histoire du jeu vidéo à ce jour » à propos de l’univers de City Night.

ING Japon

Il avait reçu de très bonnes critiques de la presse qui avait pu le tester avant sa sortie mais avait aussi éveillé quelques doutes.

Des inquiétudes qui se sont révélées fondées

En effet, le jeu n’avait été envoyé à la presse que dans sa version PC. Pourtant, les versions consoles représentent une partie très importante des ventes, ce qui est venu renforcer les quelques inquiétudes qui commençaient à se répandre.

Le jeu était extrêmement ambitieux; peut-être trop pour un studio de cette taille. Cyberpunk 2077 est un jeu qui se joue en « first-person view », un défi pour les développeurs. De plus, il leur a

fallu sortir de leur zone de maîtrise en passant d’un univers médiéval-fantastique à sci-fi-steam punk. Il leur a donc fallu engager de nouveaux talents et investir dans de nouvelles technologies. L’investissement global était donc très important (les équipes ont été doublées) et d’autant plus périlleux que c’était une première pour le studio. D’autre part, le lancement était prévu en Avril 2020 et a été reporté plusieurs fois, laissant penser que des difficultés en avaient retardées le développement.

Le 10 Décembre, c’est la douche froide. Le jeu est bourré de bug sur les consoles de salon, des fonctionnalités qui avaient été présentées semblent manquer, la déception des joueurs est immense. Le désastre est tel que le Playstation Store retire le jeu de la vente, Xbox propose son remboursement, et des poursuites judiciaires sont engagées contre le studio.

Comment en arrive-t-on là ?

Cyberpunk 2077 est certainement l’un des cas les plus marquants de tensions entre marketeurs, actionnaires, directions et développeurs, de l’histoire des jeux vidéo. Cela pose la question du point d’équilibre des pressions monétaires dans les secteurs culturels. Dans notre cas, le point de bascule a été largement franchis. Des développeurs ayant participés à la fabrication du jeu ont, sous couvert d’anonymat, raconté les pressions qu’ils subissaient pour terminer le jeu. Malgré une augmentation significative de la taille des équipes,

le studio restait sous-staffé en comparaison aux objectifs qui avaient été fixés. La crise sanitaire a grandement altérée la cohésion des groupes de travail. Certains ont cru à une blague lorsque la date du 16 Avril a été annoncée dans les médias, pensant que le jeu ne pourrait pas être prêt avant 2022. Le choix a ainsi été fait d’annuler certaines fonctionnalités. Les gameplay qui avait été montrés étaient tout à fait mensongers (plus que ce qui est coutume dans le secteur), la brève démonstration présentée à l’E3 2018 était fallacieuse.

E3 2018 – CYBERPUNK 2077 HACK LA CONFÉRENCE XBOX

D’autre part, le fait de choisir de sortir le jeu sur des consoles vieilles de 7 ans a été désastreux. Elles n’ont pas la capacité de supporter un univers graphique aussi riche.

La volonté de ne pas rater le coche de noël et de sortir le jeu sur les consoles d’ancienne génération dans le but d’augmenter le nombre de ventes a accentué l’ampleur de la crise pour le studio.

Finalement, l’attente titanesque qui avait été créé a augmenté la déception et le sentiment d’avoir été floués ressentis par les joueurs. Ainsi, c’est la campagne marketing qui aurait dû entrainer le succès du jeu qui a tracé le sillon de sa descente aux enfers.

Les conséquences

On peut partir du principe que de la mauvaise pub, c’est de la pub tout de même mais le studio a pâti de ce scandale. Comme nous l’avons évoqué, les actions en bourses de CDPR ont chuté, les talents du studio risquent de fuir, … Toutefois, le déferlement semble s’apaiser et les actions du studio sont remontées de 13% après un tweet positif d’Elon Musk à propos du jeu. Cyberpunk 2077 est resté rentable malgré les demandes de remboursements. Le studio a peut-être ses chances de se relever, il y a des précédents.

Tweets d’Elon Musk à propos de Cyberpunk 2077

Mais quelles sont les conséquences plus largement ?

Le secteur du jeu vidéo qui, bien qu’il prenne de l’importance chaque année, a déjà mauvaise réputation (sexisme, considéré comme de la sous-culture, …), risque de voir les progrès de ces dernières années reculer. Il risque de renforcer la vision selon laquelle c’est un secteur qui fait de la publicité mensongère, dont les employés subissent des pressions énormes et évoluent dans un environnement toxique, qui a soif d’argent à tout prix, …

Plus globalement encore, ce scandale révèle l’instabilité du secteur digital qui peut être sensible à la puissance des communautés (et de leur niveau de colère), de tweets de personnalités,

…  Une audience déjà surexposée et méfiante qui le devient encore un peu plus, et ce, d’autant que le scandale provient d’un studio important, auquel la confiance devrait être plus facilement accordée. Cela pose des questionnements pour la publicité digitale qui risque de voir son audience (clé du secteur) la défier. D’autre part, c’est aussi le pan concernant les influenceurs qui se trouve bousculé. Ce type de précédents peut créer de la défiance des influenceurs envers les marques qui se sentent floués voyant leur image dégradée par association. En effet, le système repose sur la confiance de la communauté envers ses stars des réseaux qui se voit ici affaiblie.

Finalement, la débâcle du RPG (bien qu’elle puisse être relativisée) vient faire trembler plusieurs secteurs et a des conséquences plus étendues que la simple mise en difficultés CDPR. Elle vient questionner l’équilibre produit-super campagne marketing, temps nécessaire à la création-pressions monétaires dans le secteur culturel, et confiance de l’audience-secteur de la publicité digitale.

Léna Weiss

Sources:

“Cyberpunk 2077”, autopsie d’un désastre commercial. (2021, 23 janvier). Courrier international. https://www.courrierinternational.com/article/jeux-video-cyberpunk-2077-autopsie-dun-desastre-commercial

Futuristic Cyberpunk gets stuck in 2020 as bugs derail launch. (2020, 19 décembre). The Indian Express. https://indianexpress.com/article/technology/gaming/futuristic-cyberpunk-gets-stuck-in-2020-as-bugs-derail-launch/

Geoffre-Rouland, A. (2021, 25 janvier). Cyberpunk 2077 : en dématérialisé, le jeu bat tous les records de vente. PaperGeek. https://www.papergeek.fr/cyberpunk-2077-en-dematerialise-le-jeu-bat-des-records-de-vente-2431386

Henley, S. (2020, 4 décembre). CD Projekt Red catered to its edgiest fans with Cyberpunk 2077’s marketing. Polygon. https://www.polygon.com/2020/12/4/22058784/cyberpunk-2077-marketing-cd-projekt-red-transphobia

Hume, M. M. K. (2020, 30 décembre). The biggest questions facing the gaming world in 2021. Washington Post. https://www.washingtonpost.com/video-games/2020/12/30/2021-video-game-outlook/

Jason Schreier, J. S. (2021, 16 janvier). Inside Cyberpunk 2077’s Disastrous Rollout. Bloomberg. https://www.bloomberg.com/tosv2.html?vid=&uuid=b33484c0-63eb-11eb-8a2f-b5733fc77046&url=L25ld3MvYXJ0aWNsZXMvMjAyMS0wMS0xNi9jeWJlcnB1bmstMjA3Ny13aGF0LWNhdXNlZC10aGUtdmlkZW8tZ2FtZS1zLWRpc2FzdHJvdXMtcm9sbG91dA==

Kratky, O. (2020, 31 décembre). Effective Marketing For Cyberpunk 2077 Only Hurt It More. DualShockers Inc. https://www.dualshockers.com/effective-marketing-hurt-cyberpunk-2077/

Matheis, M. (2020, 27 novembre). Cyberpunk 2077 Presentation Spotlights Date de sortie et autres détails. Parler De Sport | La Perspective Des Fans. https://parlersport.com/cyberpunk-2077-presentation-spotlights-date-de-sortie-et-autres-details/

Perocheau, J. (2020, 15 décembre). Comment l’esthétique cyberpunk est devenue incontournable dans la culture populaire. Views. https://views.fr/2020/12/15/esthetique-cyberpunk-tendance/

Pomian-Bonnemaison, R. (2021, 29 janvier). Cyberpunk 2077 : Elon Musk dit qu’il adore le jeu, le cours de CD Projekt bondit de 13%. PhonAndroid. https://www.phonandroid.com/cyberpunk-2077-elon-musk-dit-quil-adore-le-jeu-le-cours-de-cd-projekt-bondit-de-13.html

Radio-Canada. (2020, 10 décembre). Cyberpunk 2077 : un chef-d’œuvre, malgré le risque de crises d’épilepsie. Radio-Canada.ca. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1756081/cyberpunk-2077-chef-oeuvre-risque-crise-epilepsie-jeux-video-cd-projekt-red

Richaud, N. (2020, 18 décembre). Cyberpunk 2077 : ce jeu vidéo à plus de 300 millions de dollars qui affole la Bourse. Les Echos. https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/cyberpunk-2077-le-jeu-video-a-plus-de-300-millions-de-dollars-qui-affole-la-bourse-1272376

« Jedi Blue » ou comment Google et Facebook s’assure main dans la main de la pérennité de leur duopole ?

Source : New York Times

« C’est une très grosse affaire sur le plan stratégique »

Voilà ce qu’aurait envoyé en 2018 Sheryl Sandberg, Chief Operating Officer chez Facebook, aux dirigeants de la firme, en désignant un certain accord passé entre Facebook et Google. Accord qui fait aujourd’hui l’objet d’une enquête.

En effet, le 22 décembre 2020, le Wall Street Journal révèle que dix états américains ont décidé de déposer plainte contre Google, enquête menée notamment par le procureur général du Texas, Ken Paxton. Le 17 janvier 2021, le New York Times complète les informations données par leurs confrères. Le média affirme alors avoir mis la main sur des documents utilisés dans le cadre de la procédure en cours. Ces documents révèlent qu’un accord « secret » aurait été passé entre Google et Facebook qui viserait alors à éviter la concurrence sur le marché de la publicité digitale et ainsi pérenniser leur duopole. Dix états américains, dont le Texas, accusent le géant du numérique de collaborer avec Facebook et d’enfreindre alors la fameuse loi antitrust. En 1890 est votée aux USA la loi Sherman ou « antitrust » qui « reconnaît coupable toute personne qui monopolise une partie quelconque du trafic ou du commerce entre les divers États ».

Facebook et Google ont-ils travaillé main dans la main dans le but d’évincer la concurrence sur le marché de la publicité digitale, marché qu’ils dominent déjà ?

La publicité digitale mondiale – un marché dominé par deux acteurs

« Si vous êtes aujourd’hui un jeune marketeur, il n’y aura probablement pas de meilleur endroit pour passer les dix prochaines années que chez Facebook ou Google.  Sauf si vous avez une appétence pour la prise de risque et le développement de nouvelles aventures… »

Mark Ritson – Professeur de marketing

Depuis 2016, le digital est passé devant la télévision pour les dépenses publicitaires. En effet, la publicité en ligne apporte de nombreux avantages aux entreprises qui peuvent désormais contrairement à la publicité TV (pour le moment) toucher un segment d’audience plus spécifique.

En 2018, 590,4 milliards de dollars ont été dépensés en publicité, dont 24,5% captés par Google et Facebook. Ce sont les acteurs incontournables du domaine de la publicité et plus particulièrement de la publicité digitale. Ils détenaient en 2019 environ 61% de la part du marché.

Source : Statista

Durant la crise sanitaire, deux secteurs de l’e-pub ont particulièrement bien surmonté cette épreuve : le search et le « social media ». En effet pour une grande majorité des annonceurs ce sont les deux moyens les plus efficaces en publicité digitale (cela représente 70% des dépenses publicitaires). Ils sont portés principalement par Google (qui détient 91,38% du marché mondial des moteurs de recherche) et Facebook (68,39% du marché mondial des réseaux sociaux). Difficile donc de faire sans eux…

Face à l’apparition de règlementation visant à protéger les données personnelles, Google et Facebook ont développé ces dernières années ce qu’on appelle des « walled garden » : des écosystèmes qui leur permettent d’assurer leur position sur le marché de la publicité digitale, et évincer la concurrence. Ainsi, Google a annoncé la fin des cookies tiers d’ici 2022, empêchant ainsi la collecte de « la third party data ». La firme impose également à certains de ses appareils Android le moteur de recherche Google et comme Facebook met en place le « single sign on » s’assurant ainsi de collecter de la « first party data ».

Conséquences de cette hégémonie ? Les éditeurs souffrent tout particulièrement de ce duopole et se voient alors dans l’obligation de licencier, l’argent disponible pour ces derniers étant à la baisse depuis quelques années.

Que contient le contrat Jedi Blue ?

Source : Digital Information World

Concernant l’origine de l’appellation de ce contrat, la référence à Star Wars est encore incertaine, ou du moins non fondée. Certains acteurs s’accordent pour dire que le Blue ferait notamment référence au bleu de la couleur du logo Facebook et que le Jedi serait synonyme de force. Ceci laisserait sous-entendre que la force est avec Facebook, que les deux géants du numérique travaillent donc ensemble.

Tentant dans un premier temps de condamner Google pour la concurrence déloyale qu’ils effectuent sur le moteur de recherche (la firme mettrait en avant ses propres produits au détriment d’autres acteurs) les procureurs des dix états, loin d’imaginer que les deux rivaux puissent collaborer, découvrent le contrat « Jedi Blue ».

Tout débute en 2017 lorsque Facebook décide de concurrencer Google en créant le Facebook Audience Network. Ainsi grâce à FAN, la firme de Mark Zuckerberg aurait permis aux annonceurs de s’afficher en dehors de Facebook ou Instagram. Plusieurs accords sont ainsi signés notamment avec The Washington Post, Forbes et le Daily Mail. C’est alors que Google s’affole. Son principal concurrent, juste derrière lui sur le marché mondial de la publicité, empiète sur ses plates-bandes. Une bonne partie de ses revenus découlant des enchères publicitaires, Google décide de faire de Facebook son allié plutôt que son concurrent et lui propose alors un « deal » qui avantagerait les deux compagnies. Fin 2018, la firme de Mark Zuckerberg annonce que le Facebook Audience Network fait désormais partie de l’Open Biding de Google. Facebook passe alors de menace à revendeur privilégié du network. En effet, plutôt que de dépenser des milliards en essayant de concurrencer son rival, Facebook décide suite à la proposition de Google de pactiser avec l’ennemi. Nous vous expliquons pourquoi.

Les termes de cet accord ?

Le contrat « Jedi Blue » concerne plus particulièrement le domaine du « header bidding ». Dans ce processus de gestion publicitaire, les éditeurs ont la possibilité d’offrir aux enchères des impressions publicitaires digitales à des supply side-plateforms (SSD), des Ad Exchange. Ces derniers sont donc en concurrence : celui qui propose le plus l’emporte.

Dans un premier temps, la firme de Mountain View s’est engagée à donner à Facebook des données, lui offrant ainsi une meilleure analyse. Ayant davantage d’informations sur les internautes exposés aux publicités il est alors plus facile pour Facebook de choisir les sites pour lesquels ils participeraient aux enchères. Le contrat mentionne également qu’un délai supérieur (300 millisecondes) est accordé à Facebook quand bien même les enchères s’arrêtent pour les autres annonceurs (160 millisecondes).

En contrepartie, Facebook s’est engagé à participer à 90% des négociations et à investir à hauteur de 500 millions de dollars par an chez Google.

De plus, afin de garantir à Facebook de remplir son FAN, Google truquait les enchères afin que son allié en remporte certaines quand bien même la mise était inférieure. Le prix de commission a aussi été négocié. Alors que les autres acteurs du marché publicitaire ont des frais fixés à 20%, les frais de transaction de Facebook et Google se trouveraient entre 5% et 10% en fonction du montant publicitaire investi.

Ken Paxton, procureur général du Texas a plutôt bien résumé en quelques mots le « Jedi Blue »  : « Si le marché était une partie de baseball : Google serait à la fois le lanceur, le batteur et l’arbitre. L’entente favorise tellement Facebook, c’est comme si ce dernier démarrait chaque tournoi à la finale. »

Les réponses aux accusations

Suite aux accusations des dix états, les violons ne semblent pas s’accorder.

Google assure de son côté qu’aucune entente de la sorte n’a été conclue entre la compagnie et celle de Mark Zuckerberg, revendiquant que cette dernière fait simplement partie des vingt-cinq entreprises de l’Open Bidding, et qu’en aucun cas elle ne reçoit des informations supplémentaires. Adam Cohen, directeur de la politique économique de Google, affirme même : « Notre accord avec le Facebook Audience Network (FAN) leur permet simplement (ainsi que les annonceurs qu’ils représentent) de participer à notre système d’enchères publicitaires programmatiques. […] Pas de falsification du tout, le FAN doit payer l’offre la plus élevée s’il veut apparaître. »

Facebook de son côté laisse entendre qu’une entente a effectivement été signée, mais qu’elle a pour but de renforcer la concurrence.

Pour les vingt-quatre autres entreprises de l’Open Bidding la peur prend le dessus : c’est l’omertà. Seulement six ont témoigné sous couvert d’anonymat dans l’article du New York Times. Les contrats sont-ils les mêmes pour les vingt-quatre autres compagnies du programme ? C’est ce qu’il reste à découvrir. Pour l’heure, pour les autres participants, parler reviendrait à perdre les avantages (qu’ils ont peut-être) ou bien même à se faire exclure du programme. 

En 2020, Google a fait l’objet de trois plaintes antitrust. Preuve irréfutable que les autorités peinent à réguler le marché de la publicité digitale et que rien n’effraie le géant Google. Suite à cette enquête, la force sera-t-elle avec eux ou le colosse s’avérera -t-il aux pieds d’argile ?

Victoire Boissont

Sources :

Google Maps devient-il un réseau social ?

Google Maps : de la simple application de navigation au réseau social de proximité ?

            La puissance du géant du web Google n’est plus à débattre. Des smartphones à la publicité digitale, en passant par la santé, l’aire de jeu de la firme de Mountain View est vaste. L’un de ses terrains de prédilection est la cartographie et la navigation du fait du très populaire Waze, mais surtout de l’incontournable Google Maps. Selon un article paru dans Les Echos, l’application, lancée en 2005, représentait 67% du marché états-unien, en 2018. Le service a connu de nombreuses évolutions telles que la possibilité de personnaliser ses cartes, réserver une table dans un restaurant, et même trouver une trottinette électrique en location. Au cours de son existence, le service a agrégé de nombreuses données de déplacement et est passé d’un simple outil cartographique à une plateforme dédiée à la mobilité. Sa croissance ne semble pourtant pas terminée. Le journal Les Echos rapporte qu’un analyste de Morgan Stanley a estimé le chiffre d’affaires à 2,95 milliards en 2019 et qu’il atteindrait 11 milliards en 2023. La dernière mise à jour remet en question le positionnement de l’application au milliard d’utilisateurs actifs mensuels (chiffres du JDN). Google Maps semble encore évoluer et faire un pas supplémentaire vers l’univers du « social ». Désormais, un utilisateur dispose d’un profil et peut s’abonner à un compte tiers sur le même modèle qu’un réseau social traditionnel. 

Des fonctionnalités qui reprennent les standards des réseaux sociaux

            Le fil d’actualité est une fonctionnalité incontournable pour un réseau social. Il est maintenant présent sur Google Maps et constitue une véritable avancée pour l’application. Dans l’onglet « Découvrir », le fil propose les derniers ajouts d’utilisateurs ou des commerces de notre zone géographique. L’ajout du bouton « J’aime » s’avère utile pour réagir à un poste. De son côté, l’onglet « Actualités » informe, entre autres, des nouveautés (comme les restaurants récemment ouverts), mais il recommande aussi des Local Guides et permet de s’y abonner.

Exemple d’une page de l’onglet « Découvrir » de Google Maps (Capture d’écran)

            Par ailleurs, Google travaille depuis longtemps à développer une véritable communauté avec les Local Guides. D’après un article de l’entreprise Partoo, il s’agit d’un statut attribué à un utilisateur qui remplit certains critères. Via un système de points et de niveaux, l’individu est incité à générer du contenu sur la plateforme (commentaires, notes, photos, suggestions, etc). Plus l’utilisateur est actif, plus il obtient de points, et gagne des avantages comme une plus forte visibilité de ses postes. Selon Guest Suite et Google, le nombre de Local Guides dans le monde a atteint 120 millions en 2019. La firme de Mountain View n’y est pas pour rien dans cette croissance. Elle a entretenu un lien étroit avec ces utilisateurs, notamment grâce à un rendez-vous annuel nommé « Local Guide Summit ». Par ce biais, Google peut encourager l’engagement de ses Local Guides dont les contributions sont précieuses pour maintenir les informations de la plateforme à jour. 

         Avec sa dernière mise à niveau, Google Maps réitère sa confiance auprès d’eux. Avec les pages profils et la possibilité d’avoir des « followers », le service ne veut plus seulement développer une communauté de Local Guides mais plutôt encourager la création de communautés autour de ces derniers. Par conséquent, le nouveau système se rapproche du principe des influenceurs qui existent sur les réseaux sociaux connus.

Quelle utilité pour Google ?

            Alors que l’application est actuellement associée à un usage de recherche de lieu et de déplacement, elle pourrait bientôt devenir l’endroit idéal pour découvrir le nouveau restaurant tendance ou le fromager tant recherché dans son quartier. Ainsi, la nouvelle utilisation serait radicalement différente. En plus d’offrir des fonctionnalités uniques comme Street View, la partie sociale de l’application fidéliserait les utilisateurs et serait un argument supplémentaire en faveur de Google Maps. Cette fidélité ne serait plus forcément liée à des fonctionnalités pratiques, mais à une utilisation plus émotionnelle liée à l’attachement à d’autres internautes. Ce changement d’usage constituerait donc une source de différenciation forte vis-à-vis de ses concurrents.

            De plus, développer l’engagement signifie multiplier les contributions des utilisateurs qui alimentent la plateforme et assurent la pertinence des informations affichées. Par exemple, les internautes peuvent suggérer des modifications sur une fiche Google My Business si cette dernière n’est pas à jour, ou simplement publier un avis. Ces données générées par les utilisateurs sont précieuses pour la firme californienne puisqu’en plus d’être utiles au service de cartographie, elles sont utilisées pour les résultats de Google Search.

            Enfin, du fait d’une audience engagée et d’un usage tourné vers l’interaction, on peut imaginer que l’offre publicitaire de Google Maps pourrait être valorisée. D’après Presse Citron, en 2018, Google a lancé le format publicitaire « local » à destination des établissements souhaitant cibler une audience de proximité. Selon le même article sur la publicité (de Presse Citron), l’avenir semble très prometteur puisqu’il est rappelé que « l’intérêt des recherches locales est 350 fois » supérieur à celui des débuts de l’application. Une telle proposition semblerait donc pertinente pour les annonceurs et attirerait davantage de commerces de proximité. Si ces nouvelles fonctionnalités sont adoptées, alors les revenus publicitaires de la plateforme pourraient s’accroître à long terme. 

Quels enjeux pour les commerçants ?

            Du côté des entreprises avec pignon sur rue, Google Maps constitue une opportunité de gagner en visibilité, avec notamment l’optimisation de la fiche Google My Business. Cette dernière contient des données sur l’établissement. Par exemple, elle permet de connaître les horaires ou l’itinéraire vers un magasin, mais aussi de laisser un commentaire ou une note.

            Toutefois, la dernière mise à jour semble être en faveur du développement des Local Guides. Les avis de ces derniers sont mis en avant par rapport à ceux d’utilisateurs classiques. De ce fait, ils peuvent avoir un impact positif ou négatif sur l’e-réputation d’une entreprise. Les commerçants sont donc encouragés à actualiser les informations et répondre aux avis clients pour éviter que ce ne soit fait par des tiers. Le fil d’actualité peut, lui aussi, être un outil efficace pour communiquer avec les clients et les tenir informés de la vie de la boutique. Malheureusement, bien qu’elles soient importantes, ces tâches CRM représentent un temps d’investissement conséquent pour des commerçants dont l’emploi du temps est déjà bien rempli.

            De plus, en développant sa communauté, le Local Guide augmente son pouvoir d’influence. Ainsi, ceux dotés d’un grand nombre d’abonnés pourraient, à long terme, devenir des leviers de communications utiles pour une marque. Sur le même modèle qu’un influenceur avec du contenu sponsorisé, il est tout à fait possible d’imaginer qu’un Local Guide soit rémunéré pour promouvoir un commerce auprès de ses fans. Son impact sera, quant à lui, d’autant plus fort que sa communauté est grande.

Google et les réseaux sociaux : une histoire compliquée

         Il faut rappeler que ce n’est pas la première fois que Google s’essaie au développement d’un service à la vocation sociale. L’exemple le plus marquant est Google+, lancé en 2011. Dans son article, le quotidien Le Monde rappelle que, pour le géant états-unien, ce service n’était pas un réseau social mais « une couche sociale » ajoutée à Google. Il a pourtant été considéré comme tel par la plupart des personnes. Google+ offrait la possibilité de partager et d’interagir avec différents « cercles ». Cependant, cette nouvelle plateforme a très vite connu des déboires. Comme le souligne l’article du Monde, la maison mère ne communique pas sur le nombre d’utilisateurs actifs et son succès semble relatif. De plus, la firme a tenté plusieurs fois de doper la croissance de son réseau en proposant, à chaque internaute, la création d’un compte Google+ à l’inscription sur Gmail. Cependant, cela n’a pas permis au service d’engager ses utilisateurs qui sont, pour une grande partie, restés inactifs. En 2018, dans son papier, Le Monde souligne que le service n’a pas réussi à convaincre son public car, 90% des sessions étaient inférieures à 5 secondes. Cette même année, l’entreprise annonce la fin de l’aventure Google+.

Ainsi, bien que le passé ait prouvé qu’une nouveauté de Google ne rime pas toujours avec « succès », les nouvelles possibilités marquent une évolution dans la stratégie de Google Maps. Il semblerait que le géant californien veuille rendre sa base d’utilisateurs plus active en proposant des fonctionnalités engageantes. L’aspect social inédit de l’application lui permet de s’éloigner de sa simple utilité de navigation pour, peut-être, devenir le réseau social adapté à la vie de quartier. La concrétisation des éléments évoqués dépend maintenant des utilisateurs. Adopteront-ils ces nouveautés ?


Thomas Soares

Sources :

Damien Leloup, “Une brève histoire de Google+ », Le Monde, le 13/03/2015. Lien :https://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/03/02/une-breve-histoire-de-google_4585853_4408996.html

Damien Leloup et Morgane Tual, « ‘Mais c’est quoi Google+ ?’ et autres questions sur sa fermeture », Le Monde, le 13/10/2018. Lien : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/10/09/mais-c-est-quoi-google-et-autres-questions-sur-sa-fermeture_5366794_4408996.html

Matt Southern, “Google Maps goes social giving each user their own profile”, Search Engine Journal, le 30/072020. Lien : https://www.searchenginejournal.com/google-maps-goes-social-giving-each-user-their-own-profile/376194/#close

Auteur inconnu, « Google Maps devient véritablement un réseau social avec cette nouvelle fonction », Frandroid, le 01/08/2020.Lien : https://www.frandroid.com/marques/google/744573_google-maps-devient-veritablement-un-reseau-social-avec-ce-nouveau-bouton

Benoît Georges, « Google Maps les cartes au trésor », Les Echos, le 19/02/2020. Lien : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/google-maps-les-cartes-au-tresor-1173111

Sarah Perez, “Google Maps tests a social networking feature with the ability to ‘follow’ Local Guides”, Tech Crunch, le 18/11/2019. Lien : https://techcrunch.com/2019/11/18/google-maps-tests-a-social-networking-feature-with-the-ability-to-follow-local-guides/

Els Bellens, « Google Maps solidement étoffée par des fonctions sociales et des numéros de maison », Datanews, le 04/12/2020. Lien : https://datanews.levif.be/ict/actualite/google-maps-solidement-etoffee-par-des-fonctions-sociales-et-des-numeros-de-maison/article-news-1365431.html

Caleb Potts, “You can now follow people on Google Maps, the company’s newest social network”, Android Police, le 30/07/2020. Lien : https://www.androidpolice.com/2020/07/30/you-can-now-follow-people-on-google-maps-the-companys-newest-social-network/

Julio Cachila, “Google Maps is now a social network”, International Business Times, le 31/07/2020. Lien : https://www.ibtimes.com/google-maps-now-social-network-3020405

Andrew J. Hawkins, “Is Google Maps trying to be a social network”, The Verge, le 13/02/2017. Lien : https://www.theverge.com/2017/2/13/14581028/google-maps-location-list-share-social-network

Shayak Majumder, “Google Maps now allows users to follow each other’s recommendations”, Gadget 360, le 31/07/2020. Lien : https://gadgets.ndtv.com/apps/news/google-maps-follow-social-profile-page-topic-filters-update-feature-2272019

Ben Smith, “Project Strobe: protecting your data, improving our third-party APIs, and sunsetting consumer Google+”, Blog de Google, le 08/10/2018. Lien : https://www.blog.google/technology/safety-security/project-strobe/

Arthur Vera, « Google Maps, nouvel Eldorado de la publicité en ligne ? », Presse Citron, le 26/02/2020. Lien : https://www.presse-citron.net/google-maps-nouvel-eldorado-de-la-publicite-en-ligne/

Charlie Perreau, « Google : un anniversaire, des records », Journal du Net, le 04/092018. Lien : https://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1211137-les-20-chiffres-de-google/

Lucas, « Qu’est-ce qu’un Local Guide Google My Business ? Quels avantages et impacts sur les fiches ? », Partoo. Lien : https://help.partoo.fr/fr/articles/1785698-qu-est-ce-qu-un-local-guide-google-my-business-quels-avantages-et-impact-sur-les-fiches

Karlee Onstad, “How can Google Maps benefits your business”, Evolve Systems. Lien : https://evolve-systems.com/how-google-maps-can-benefit-your-business/

Steven, « La publicité sur Google Maps », Grizzlead, le 28/02/2020. Lien : https://www.grizzlead.com/la-publicite-sur-google-maps/

 « Points, niveaux et badges », Support Google. Lien : https://support.google.com/local-guides/answer/6225851?hl=fr

Page du Local Guides Summit. Lien : https://maps.google.com/localguides/event/connectlive

Austin Wells, “Discover new places with gelp from top Local Guides”, Blog de Google, le 15/11/2019. Lien : https://www.blog.google/products/maps/discover-new-places-with-help-from-local-guides/

Loïc, « Local Guide Google My Business : définition et fonctionnement », Guest Suite, le 12/07/2020. Lien : https://www.guest-suite.com/blog/local-guide-google-my-business

Le consommateur de programmes audiovisuels: dictateur de tendances?

Selon le rapport annuel du CNC de l’année 2018 qui fait un état des lieux du cinéma en France, 684 films sont sortis en salle cette année, dont 356 productions françaises. Pour pouvoir voir tous les films de 2018 en un an, il faudrait regarder environ deux films par jour.

C’est sans compter sur les 2366 films diffusés à la télévision française cette année, comptant à la fois téléfilms et rediffusions.
C’est également prendre en considération les milliers de films disponibles sur les plateformes de vidéo à la demande, qui a généré cette année 671,9 millions d’euros de revenus.
Enfin, ces résultats n’incluent pas non plus les sorties de films
uniquement sur les plateformes de streaming comme Amazon Prime Video ou Netflix.

Des chiffres évocateurs

Ces chiffres nous permettent de tirer deux conclusions.
La première montre que par rapport au nombre de personnes travaillant dans l’industrie du cinéma en France, il y a en fait peu de films qui sortent, démontrant la difficulté de produire un film dans notre pays.
La seconde, évidente, est que le consommateur de films est confronté à un choix extrêmement exhaustif.
Il ne pourra pas tout regarder et cette situation le fait devenir alors maître du jeu. Si l’audience a toujours été mesure du succès d’un film, elle est dorénavant bien plus fragmentée qu’il y a cinquante ans car nous sommes dans une ère de l’hyper choix.

Une évolution des pratiques de production

Dès le début des années 2010, on assiste à une explosion du monde de la série, qui est lui-même caractérisé par des tensions (les productions coûteuses et qualitatives HBO contre les productions moins coûteuses, plus rapides et parfois plus « grand public » de Netflix.)
Ainsi, de plus en plus de réalisateurs du cinéma se mettent à créer des série ou réaliser des épisodes: Scorsese avec Boardwalk Empire, Jean-Marc Vallée avec Big Little Lies, Baz Lurhmann avec The Get Down.
L’esthétique de la série se précise avec des séries presque
Hollywoodiennes comme Game Of Thrones, ou des styles distinctifs avec des univers très puissants comme Peaky Blinders.
Cette situation a pour conséquence principale que le consommateur est devenu maître des tendances, car c’est à celui qui attire le plus de monde de montrer la voie à suivre pour tous.


La série et le film comme objets de consommation

En ce qui concerne la consommation de films et de séries, on peut établir une sorte de jugement de valeurs basé sur les goûts et les pratiques.
Dans « Théorie de la classe de loisir » (1923), Veblen parle d’un art de la consommation réservé aux élites sociales.
Dans le cas de ces deux contenus audiovisuels, les individus les plus cultivés vont compter parmi leurs films préférés des grands classiques hollywoodiens ou des séries diffusées sur Canal+, chaîne payante.
L’accès à ces contenus est plus difficile et la culture de masse (les films de super-héros, les comédies snobées aux Césars) est considérée comme «vulgaire » par ces élites.
Par ailleurs, une personne de classe moyenne va plutôt consommer les films et séries diffusés à la télévision (par exemple « Le Père Noël est une ordure », disponible sur les chaînes pratiquement chaque Noël).
Toute la société ne pourrait échapper à ce conditionnement intellectuel. La culture de masse transformerait la subjectivité et uniformiserait les goûts et
les aspirations des classes sociales.
Les goûts des uns et des autres ont une portée symbolique qui révèle quelque chose de la personnalité de son public.

Toutefois, la révolution digitale a une fois de plus fait évoluer ces pratiques et les goûts du public en rendant accessible bien plus de contenus à travers les plateformes de replay ou de streaming. La disponibilité des films piratés illégalement permet également à ceux qui ne peuvent pas se permettre un abonnement mensuel de regarder des films et des séries reconnues et primées. Ces distinctions sociales s’en retrouvent bouleversées, avec une segmentation du public.


Le public n’est plus un corps homogène déterminé par des règles, mais une multitude de fragments d’individualité.
Ces fragments sont étudiés par des algorithmes qui déterminent des
recommandations basés sur les contenus choisis au préalable.
C’est non seulement valable pour Netflix, mais aussi pour n’importe quelle plateforme sur laquelle on peut trouver des rubriques « vous aimerez aussi… ».
On détermine donc un public avec une une moyenne de cible composée d’individus de différents âges, sexes, classes de la société, c’est en ce sens
une notion quantitative.
Avec ces algorithmes, on continue de soumettre le consommateur à un rapport de force qu’il ne maîtrise pas totalement, mais plus qu’avec la télévision qui impose sa grille de programmes.
Cependant, un média va toujours chercher la diffusion maximum auprès d’une audience, il est donc important que les contenus soient tout de
même accessibles par tous. Paradoxalement, on est confrontés à une volonté de média de masse individualisé. On en arrive à un schéma cyclique : les pratiques font évoluer la consommation, de même que la consommation fait évoluer les pratiques.

Mais alors, comment peut-on considérer que la tendance est aujourd’hui dictée par le consommateur, si le diffuseur choisit quel contenu diffuser à qui ?

En 2008, Anne-Marie Dujarier défend l’idée que le consommateur est de plus en plus mobilisé comme partie prenante du processus de production. Elle parle notamment de crowdsourcing (dans la cadre de l’entreprise, mais que l’on va appliquer ici aux séries et films).
L’idée est de faire du consommateur un travailleur productif sans qu’il le sache : il va faire des choix qui vont déterminer le succès global d’un projet. Il va être encouragé à commenter les programmes qu’il regarde.
On peut par exemple utiliser l’exemple de la saison 8 de Game Of Thrones,
dont le hashtag #GOTS8EP suivi du numéro de l’épisode s’est retrouvée tous les lundis matins en Top Tendances Twitter pendant toute la durée de la diffusion de la saison.


Le consommateur va également choisir sa pratique du média : homochrome (la temporalité lui est imposée par le média, comme le cinéma) ou hétérochrome (il choisit sa temporalité).
A noter aussi que selon le média, il va y avoir ou non une logique de rendez-vous ou d’immédiatement. Avec Netflix, le média propose une production quasi-quotidienne, qui encourage le binge- watching. A l’inverse, HBO va proposer des rendez-vous ponctuels pour événementialiser la sortie des contenus.
Ces choix de pratiques et de contenus font donc du consommateur le dictateur de ce qui fonctionne, même si ce n’est pas attendu.
On peut prendre pour exemple la série Casa de Papel, série télévisuelle espagnole dont les droits internationaux ont été rachetés par Netlix. Elle a été l’une des séries les plus regardées en Europe en 2018, connaissant un succès tel qu’elle fut renouvelée pour une saison 3 contre toute attente.

Il existe donc un contrat de lecture entre le spectateur, qui a des attentes d’un contenu, qui est créé par un producteur avec une idée, diffusé par un média qui doit répondre à ces attentes.
Le média doit en règle générale se plier aux désirs du consommateurs, aller dans sa direction et le rencontrer sur son terrain pour connaître un succès national ou global.

Sarah Hamdad

Sources:

La compétition acharnée entre Hollywood et les plateformes de SVOD pour attirer les talents

Les majors et les géants du streaming font du charme aux talents les plus en vogue ou prometteurs dans une bataille féroce pour capter l’attention du public.

Que ce soit dans l’industrie du cinéma ou de la télévision, il est tout particulièrement lucratif d’être un talent convoité par les temps qui courent. Les nombreux contrats annoncés en janvier lors du Winter Press Tour de la Television Critics Association, grande messe annuelle définissant les principales tendances télévisuelles de l’année à venir aux Etats-Unis, en témoignent. C’est Amazon Prime qui s’est le plus démarqué lors de cette édition en annonçant des contrats avec Steve McQueen (12 years a Slave), Gael García Bernal (Mozart in the Jungle) et Diego Luna (Rogue One : A Star Wars Story)[1]. Ces accords conclus avec des personnalités habituées du grand écran ont donc été passés au nez et à la barbe des majors hollywoodiennes. Plus que cela, en octobre dernier, David Benioff et D.B. Weiss, les créateurs de Game of Thrones, décidaient de quitter le navire Disney pour embarquer sur celui de Netflix en renonçant à réaliser la prochaine trilogie Star Wars. A grands coups de billets verts – plusieurs médias américains portent à 250 millions de dollars le montant inscrit au contrat[2] – la plateforme est donc parvenue à détourner le duo d’une des franchises les plus populaires (et lucratives) de l’histoire du cinéma. Ces cas ne sont pas isolés : de très nombreux artistes et cadres occupant des postes clés au sein de majors ont été récemment démarchés par des services de streaming. En octobre 2019, le LA Times publiait une animation synthétisant ce phénomène qu’il qualifie « d’exode des talents ». On peut ainsi y voir représenter les flux de personnalités que Netflix, Amazon, Apple et Hulu sont parvenus à attirer dans leurs filets[3].


Produire du contenu attractif pour ne pas perdre pied face à la concurrence

Avec l’arrivée du numérique et la multiplication des écrans, certaines majors ont été poussées à créer leur propre plateforme de streaming pour s’adapter à l’évolution de la façon dont sont consommées les œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Avec le lancement de Disney+ et l’arrivée prochaine de HBO Max (la plateforme de WarnerMedia), la guerre du streaming s’intensifie et la bataille pour les talents se déroulent désormais tant le terrain du cinéma que sur celui des séries. Plus que jamais, les spectateurs sont confrontés à une multitude d’offres et à une abondance abyssale de contenu. Comment sortir du lot ? Comment attirer le consommateur dans les salles obscures ou l’inciter à s’abonner à son service ? Que ce soit sur grand ou petit écran, la bataille pour l’attention du public est plus que jamais d’actualité. Dans cette optique, studios et plateformes de SVOD conçoivent les talents comme de véritables avantages compétitifs, bien plus que de simples arguments marketing. La recherche de programmes de qualité se fait si forte et pressante que les talents viennent à manquer et l’ensemble de la filière se retrouve sous pression. Les rivalités entre cinéma, télévision traditionnelle et plateformes ne font que croître, les premières reprochant à la dernière d’aspirer les talents révélés par leurs soins[4].

Une compétition économique sur fond de conflits idéologiques

Pour attirer les talents, chaque camp fait valoir ses arguments et rapidement la compétition économique se transforme en débat d’idées. Un film est-il fait pour être visionné sur un écran de télévision ou de smartphone ? Telle est la question qui divise l’industrie du cinéma et les plateformes et sur laquelle chacune à une position bien définie. D’un côté, Hollywood argue que découvrir pour la première fois un film en streaming depuis son canapé ou dans les transports en commun amoindri l’expérience du spectateur et l’œuvre elle-même s’en retrouve desservie. En face, Netflix explique que son offre rend plus accessibles des films à tout un pan du public ayant moins la possibilité, le temps ou les moyens de se rendre dans les salles obscures. Interrogé cette semaine sur l’exposition du film The Irishman de Scorsese, Ted Sarandos, le patron de Netflix, expliquait ainsi que « l’audience pour The Irishman est aussi grande que ce qui aurait pu se faire au cinéma » avec plus de 40 millions de foyers ayant au moins lancé le film long de plus de 3h. Au-delà de la façon de consommer les films, ce sont aussi les méthodes de Netflix qui sont remises en cause. Pour les producteurs, conclure un deal avec le géant du streaming c’est aussi renoncer à son droit moral sur l’œuvre puisque la plateforme, en contrepartie d’une rémunération généreuse, en acquiert les droits globaux. Les médias traditionnels, télévision linéaire comme cinéma, se targuent donc de mieux respecter et mettre en valeur le travail des talents. Charlotte Moore, la directrice des contenus de la BBC déclarait ainsi récemment : « Nous ne voulons pas vous posséder. Vous disposez de votre programme et de votre propriété intellectuelle. »[5]. A l’inverse, certains talents préfèrent même se tourner vers les plateformes plutôt que vers les studios en espérant y trouver plus de liberté de création. Netflix et ses comparses, moins soumis à la pression de l’audience et du box-office, peuvent souvent se permettre de valider des projets plus innovants. Cette semaine, Ted Sarandos affirmait que Netflix était parti pour s’inscrire durablement dans l’industrie du cinéma en cherchant à remplir le vide créatif laisser par les studios dont tous les efforts se concentrent sur les quelques gros blockbusters garantissant leur survie. La plateforme pense pouvoir capter de l’audience en produisant des drames pour adultes et des comédies romantiques légères, genres tous deux mis de côté par les majors au profit de films de superhéros[6]. Netflix sait comment s’y prendre pour convaincre les personnalités convoitées de rejoindre ses rangs : la plateforme travaille vite, assure à l’œuvre une audience étendue et globale et est aux petits soins en mettant tout en œuvre pour que ses talents puissent travailler dans les meilleures conditions possibles, comme par exemple en leur fournissant du matériel de communication de pointe pour organiser des téléconférences[7].

Une guerre mettant en lumière l’amenuisement de la frontière entre cinéma et télévision  

Maintenant que certaines majors possèdent leur propre plateforme de streaming, les contours de l’industrie deviennent de plus en plus flous et les talents y circulent beaucoup plus librement. Le genre sériel s’est considérablement transformé au cours de la dernière décennie pour se rapprocher du cinéma sous certains aspects : liberté narrative, qualité de production, augmentation des budgets, esthétique de l’image… Là où un temps on pouvait distinguer d’un côté les professionnels du cinéma et de l’autre ceux de la télévision, les talents naviguent maintenant en toute fluidité entre le grand et le petit écran. Le cinéma, longtemps perçu comme la discipline la plus noble, se retrouve de plus en plus concurrencer par les séries dont la qualité et la popularité ont sensiblement augmenté ces dernières années. On ne compte plus le nombre de réalisateurs ou stars de cinéma s’étant lancés dans des projets de séries. Les plateformes jouent bien sûr un rôle clé dans ce phénomène.

La concurrence entre services de SVOD et Hollywood pour conquérir les talents se joue donc tant sur le cinéma que les séries et revêt une dimension économique alimentée par des débats idéologiques. Les réalisateurs, acteurs, auteurs et autres personnalités convoitées contribuent un peu plus à redéfinir les contours de l’industrie à chaque contrat signé. Il devient ainsi de plus en plus compliqué d’opposer frontalement Hollywood aux plateformes de SVOD, les premiers devenant diffuseurs et les derniers producteurs. Toujours pris dans la tempête déclenchée par l’arrivée du numérique, l’industrie et ses acteurs, désorientés, continuent leur transition en s’accrochant à la seule bouée de sauvetage palpable qui semble pour l’instant émerger : les talents.

Marion Prunier


[1] https://www.lefigaro.fr/medias/la-guerre-des-talents-fait-rage-entre-hollywood-et-les-plateformes-20191223

[2] https://www.lefigaro.fr/medias/la-guerre-des-talents-fait-rage-entre-hollywood-et-les-plateformes-20191223

[3] https://variety.com/2020/tv/news/ted-sarandos-netflix-the-irishman-movies-animation-1203487543/?fbclid=IwAR3wT2cUfYFnRImclJ7ZAnpa8vspPHl0UIjlU29_SHlMLlMEre8BbrpS_y0

[4] https://www.lecho.be/entreprises/divertissement/hollywood-vs-silicon-valley-la-guerre-est-declaree/10112455.html

[5] https://www.indiewire.com/2020/01/tca-2020-winners-losers-winter-press-tour-1202204810/

[6] https://www.francetvinfo.fr/culture/series/netflix/les-createurs-de-game-of-thrones-renoncent-a-realiser-une-trilogie-star-wars-pour-la-plateforme-de-streaming-disney_3680393.html

[7] https://www.latimes.com/projects/la-et-netflix-job-report/

Les millenials, cible définitivement perdue par les médias télévisuels français?

Alors que les 15-34 ans désertent de plus en plus la télévision, la consommant désormais moins de 2 heures par jour en 2018 (vs. 2h26 en 2017), les médias français ont été obligés de revoir leur stratégie marketing pour s’adapter aux nouveaux modes de consommation des millenials. En ligne de mire: le réseau social chinois Tik Tok. Présent dans 155 pays, avec 625 millions d’utilisateurs mensuels actifs dont 41% de moins de 25 ans, il revendique également 4 millions d’utilisateurs en France qui ont uploadés pas moins de 270 millions de vidéos sur l’année 2018-2019. 

Des débuts difficiles sur le réseau pour les médias traditionnels 

Différent de Snapchat ou Instagram qui sont aussi prisés par les jeunes, le but de Tik Tok est de publier de courtes vidéos (comme Vine l’a fait quelques années auparavant), de playbacks de chansons ou d’extraits de films, avec un montage dynamique. Il est possible de rajouter des effets et des filtres. Le succès de cette application a d’abord commencé en Asie où elle est née, grâce aux reprises des chorégraphies de K-pop. 

Au vu du succès de cette application qui a racheté son concurrent Musical.y en 2017, les grands groupes français ont tenté d’investir Tik Tok pour créer du contenu sur la plateforme. L’enjeu pour ces médias est de reprendre les codes de l’ADN de Tik Tok: un contenu énergique, propice au partage et au buzz sur fond musical. Les chaînes anglo-saxonnes ont été les premières à  utiliser l’application pour faire la promotion de leurs programmes via des challenges. A ce titre, NBC a lancé un challenge de danse pour promouvoir son programme Wolrd of Dance, et a cumulé 110 millions de vues en 24H. En revanche en France, si les médias digitaux comme Konbini ont compris l’éditorialisation des vidéos, les débuts des médias télévisuels français sont timides.

Seul le groupe NRJ en France a repris cette idée en adaptant ses campagnes marketing. Il a par exemple proposé aux utilisateurs de reproduire une chorégraphie du groupe Aome en tagguant NRJ afin de gagner un voyage. A contrario, des chaînes comme TF1 ou M6 ne font pas de contenu original et teasent leurs programmes (The Voice, Koh-lanta, Qui veut être mon associé…) via des vidéos que l’on retrouve sur les autres réseaux. Néanmoins en postant régulièrement, ces médias ont vu leur communauté grimper en un peu plus de 6 mois: +98% our TF1, +98% pour NRJ et + 2052% pour TFX grâce à ses programmes de télé-réalité, regardés majoritairement par les 15-25 ans. 

Des formats publicitaires spéciaux pour faire grandir son audience

Au delà de la création de contenu encore marginale pour les médias français, Tik Tok propose des formats publicitaires qui pourraient attirer ces derniers afin d’agrandir leur communauté et la portée de leurs publications. On trouve le « hashtag challenge », utilisé par NRJ qui est promu pendant 6 jours et permet de créer un effet boule de neige et atteindre des influenceurs avec de nombreux followers, mais également d’autres formats:

Le « in feed », qui va au sein du fil utilisateur, va l’inciter à télécharger une application (par exemple My TF1) ou bien diriger celui-ci vers un profil.  Cela serait alors un « fanbase booster » pour les chaînes, dont la notoriété pourrait être accrue plus facilement. De même, le « splash page », est une vidéo qui peut être lancée au moment de l’ouverture de l’application. Investir dans cers formats pourrait être bénéfique, puisque Tik Tok a annoncé vouloir massifier les campagnes et monétiser les audiences des influenceurs. A noter qu’au dernier trimestre de 2019, le réseau a enregistré 50 millions de dollars de revenus (soit +310% entre 2018 et 2019). 

Arrivée de la plateforme Quibi: opportunité ou menace? 

Un nouvel acteur pourrait donner du fil à retordre aux groupes français : Quibi. Cette plateforme de streaming dédiée au millenials va proposer des contenus originaux de flux et de fictions courts (10 minutes), uniquement sur mobile à partir d’avril 2020 pour un abonnement fixé à 5$ avec publicité. Si elle sera d’abord lancée outre-Atlantique, l’application devrait arriver en France quelques mois après. Avec 1 milliard de dollars levés, les créateurs ont déjà pu compter  entre autres sur Steven Spielberg pour écrire une nouvelle série d’horreur. Aux USA, Quibi a séduit les networks américains comme NBC qui produira du contenu d’information pour la plateforme. En France, l’arrivée de Quibi est à double tranchant: si le succès est au rendez vous, la plateforme pourra contribuer à l’abandon de la télévision linéaire par les jeunes. En revanche, elle peut être une opportunité pour les médias télévisuels d’investir sur un nouveau support en créant un contenu original adapté à l’audience de Quibi. Néanmoins, les groupes TF1, France TV et M6 vont se heurter aux investissements qu’ils ont fait pour Salto… 

En conclusion, les médias télévisuels français semblent ne pas saisir les opportunités qui s’offrent à eux pour capter l’audience des moins de 25 ans. Alors que Tik Tok pourrait être un support de promotion de leurs programmes grâce aux millions d’utilisateurs, la plupart des groupes se contentent de reprendre des vidéos éditées sur leurs autres réseaux sociaux comme Snapchat ou Instagram, ce qui limite l’originalité et le potentiel de partage. L’arrivée de nouveaux acteurs comme Quibi montrent que les investisseurs sont prêts à miser gros pour toucher la cible jeune, mais les médias télévisuels semblent dépassés par les effets de tendances et les nouveaux usages des millenials. 

Emma Dauvin

Mesurer l’audience à la radio

Un jeu d’équilibriste entre exactitude et exhaustivité

Les résultats d’écoute de la radio ont été publié le 14 janvier 2019 et ils étonnent ! France Inter réalise à nouveau un record d’audience et le groupe Radio France progresse dans l’ensemble alors que la grève sévit dans la Maison Ronde et que de nombreux programmes sont annulés. C’est l’occasion pour la concurrence et divers commentateurs de remettre en cause la « 126 000 Radio » de Médiamétrie, mesure publiée quatre fois par an et qui fait référence sur le marché. Ainsi François Pesenti, ancien directeur général de RMC Sport invite l’institut à moderniser sa mesure créée en 1986. Didier Maïsto, président de Sud Radio en dénonçait en mai dernier les méthodes : « Cette mesure est contestable et contestée. Même sa méthodologie est opaque. À notre demande et en appliquant les mêmes règles, IFOP n’est pas arrivé au même résultat, nous créditant de 3,5 fois plus d’auditeurs ». Réclamant 23 millions de dommages et intérêts, le média voit pourtant sa requête refusée devant la Cour d’Appel de Paris le 8 janvier.

Twitter – 14/01/2020 – Compte de François Pesenti – https://twitter.com/FrancoisPesenti

Pour les autres, la sortie de la « 126 000 » est l’occasion de communiquer en masse sur les chiffres qui leurs sont les plus favorables. Il faut dire que l’enjeu est de taille et que les résultats sont scrutés par les annonceurs afin d’optimiser l’efficacité des publicités qui constituent le revenu principal des radios (à l’exception de Radio France). Il n’est alors pas rare de découvrir deux « 1ere radio de France » : RTL et France Inter qui communiquent selon deux indicateurs différents, la part d’audience pour l’une, l’audience cumulée pour l’autre.

Article France Culture – 24/01/2020 – Crédits : RTL, France Inter https://www.franceculture.fr/medias/audiences-radio-pourquoi-les-stations-se-proclament-toutes-premiere-radio-de-france

Ces batailles trompeuses ne viennent pas éclaircir le débat. Comment Médiamétrie mesure-t-elle l’audience radio ? Tient-elle compte de l’évolution des pratiques liées au numérique ? Quelques explications donc sur la méthode de cette mesure maîtresse et pourtant fustigée après une visite du centre d’appel de l’institut à Amiens.


LA « 126 000 RADIO » QU’EST-CE QUE C’EST ?

Aujourd’hui la « 126 000 Radio » c’est 400 interviews réalisées chaque jour par plus de 90 enquêteurs sur un panel représentatif de la population française de plus de 13 ans afin de détailler la consommation radiophonique quotidienne des Français. C’est aussi une quinzaine de minutes passées au téléphone à essayer de se souvenir des programmes, par quart d’heure, écoutés dans la journée. L’enquête est massive et rodée mais elle aussi déclarative, fastidieuse et nécessairement imparfaite. Il est aujourd’hui de plus en plus difficile de joindre les gens sur leur téléphone fixe ; Médiamétrie appelle maintenant des numéros portables mais garder un panel suffisant et représentatif est un défi quotidien pour l’institut. Pour les cibles plus précises (tranche d’âge, région, ville) et les plus petites antennes, les mesures fluctuent beaucoup d’une vague à une autre car la population test peut être insuffisante. Médiamétrie alerte ses clients et souligne l’importance des intervalles de confiance ou de la significativité des écarts. Les différentes radios sont donc invitées à être prudentes sur l’interprétation des chiffres et les usages qui en sont fait.  

L’ampleur et la régularité de la référence « 126 000 » en fait cependant une mesure robuste. Malgré les critiques aucun autre acteur ne vient réellement concurrencer l’institut dont « le capital est détenu par trois groupes distincts : les télévisions, les radios et les centrales d’achat des annonceurs ». Ceci ne plait pas à tous et certains dénoncent un petit monde clos de médias et annonceurs qui approuvent la mesure tant qu’elle leur est favorable.  

VERS UNE MESURE PLUS EXHAUSTIVE ?

Depuis quelques années, la mesure de l’audience radio tend à évoluer. Des tests réalisés en 2013, 2016 et 2018 ont annoncé progressivement l’arrivée d’une nouvelle mesure : l’audimétrie individuelle portée (AIP).  Déjà utilisée pour la mesure de l’audience à la télévision, la technique consiste à intégrer une marque inaudible et identifiante dans le signal audio d’une station. Un capteur, porté par l’auditeur, est alors capable de reconnaître la station ainsi que la date et l’heure de diffusion du programme. L’AIP devait être déployée en France à la rentrée 2019 mais rien ne s’est finalement passé. De nombreuses difficultés et interrogations viennent remettre en cause l’efficacité de cette nouvelle méthode qui fait débat.

« Cette technologie pourrait révolutionner la mesure d’audience de la radio, en passant à un mode de calcul de l’audience passif, automatique, à la minute près, sans marge d’erreur » affirme Agathe Beaujon, journaliste chez Challenge dans un article de novembre 2019. D’autres interrogent l’intérêt de mesurer les écoutes passives, celles qui se font dans les supermarchés ou dans un taxi alors que la personne n’est pas attentive au fond sonore. Ils revendiquent une mesure de l’écoute qualitative qui valoriserait davantage le travail des rédactions. Par ailleurs, l’AIP risquerait de dévoiler une audience plus fractionnée, avec des durées d’écoutes plus faibles qui pourraient casser les prix des spots publicitaires (fixés sur l’audience au quart d’heure moyen) ; les médias curieux de ce nouvel outil redoutent cependant un retournement de situation qui leur serait défavorable.  

Plus concrètement les obstacles techniques et financiers sont aussi multiples. L’écoute de la radio au casque ne serait pas perçue par l’audimètre et bien qu’un adaptateur soit envisagé il ne conviendrait pas à l’usage du Bluetooth (de plus en plus répandu). Par ailleurs l’ergonomie du boîtier de mesure reste perfectible. Puisque la radio s’écoute tout le temps et partout, l’auditeur devrait transporter avec lui le boîtier dans les différentes pièces de son domicile et lors de ses déplacements. Accroché à la ceinture, autour du cou ou en bracelet : différentes solutions sont envisagées mais toutes sont relativement contraignantes, demandant une implication considérable du panéliste. La mesure de l’audience des matinales, qui se superposent souvent au temps de préparation (réveil, douche, aller et venus entre plusieurs pièces, etc.), serait difficile et risquerait d’être sous-évaluée. Enfin, cette solution technique s’appliquerait à un panel plus réduit que l’enquête de la « 126 000 Radio » et pourrait être problématique pour la mesure de petites audiences de radios indépendantes. Ces dernières rencontreraient une seconde difficulté d’ordre financier : le financement des émetteurs à 4000 euros (conséquent pour un groupe comme Les Indés Radios qui réunit 130 radios thématiques indépendantes, locales ou régionales). Le nouveau service de Médiamétrie serait par ailleurs facturé 15% plus cher que ne l’est la « 126 000 ».

ET LE NUMÉRIQUE DANS TOUT CA ?

Evidemment avec le numérique les habitudes de consommation de la radio ont évolué et le streaming (écoute en live du flux principal d’une radio ou de webradios) ainsi que les podcasts prennent une ampleur considérable. Selon Médiamétrie plus de 25 millions d‘internautes consultent un site ou une application de radio et musique sur ordinateur, smartphone ou tablette. « Cette nouvelle donne questionne les modèles préexistants, aussi bien en termes de mesure de l’audience que de marché publicitaire. Ces enjeux s’appliquent autant aux acteurs historiques de la radio, à savoir les stations présentes sur la bande FM, qu’aux nouveaux venus, qui ont fait le choix du tout numérique et même parfois de la délinéarisation ».

La mesure Internet semble a priori plus simple et évidente. Des outils techniques, des tags placés sur chaque contenu, émission ou webradio permettent de mesurer le trafic des visiteurs des sites et applications et des auditeurs dans leur globalité. Peu coûteuses et automatisées, ces mesures présentent pourtant bien des limites. Les chiffres sont rapidement gonflés par des écoutes fractionnées (arrêt/reprise de l’application, du player ou autre) ou téléchargements intempestifs (automatiques à la sortie d’une émission récurrente sur une plateforme de podcasts par exemple) ou des bots. Il est difficile de mesurer le nombre de visiteurs uniques et l’écoute réelle des auditeurs. De plus, les méthodes de mesures diffèrent d’une station à une autre. Des systèmes de certification comme celui de l’ACPM (Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias) permettent d’attester les chiffres et de les comparer aux autres. Cependant, toutes les radios ne souscrivent pas à cette certification (RTL par exemple) et on ne peut pas parler de « mesure marché » qui considèrerait l’ensemble des acteurs. Ces certifications sont par ailleurs critiquées pour la légèreté de leurs critères.

Les mesures de ce type permettent d’envisager des volumes (qui plus est considérables) mais elles ne permettent pas de connaître vraiment son audience. Sur les sites de radio, rares sont ceux qui imposent un login comme le font les chaînes de télévision sur 6Play ou MyTF1 par exemple. Cette méthode est très efficace pour collecter de l’information sur les consommateurs et ainsi affiner son offre et surtout cibler la publicité proposée. Pour aller plus loin et proposer une mesure d’audience numérique précise, Médiamétrie a lancé en 2017 la mesure Internet Global. Cette mesure complète la « 126 000 » et fonctionne sur un panel de plus de 30 000 personnes, elle détaille les usages numériques de la radio sur portable, ordinateur ou tablette. C’est une mesure cross-device qui permet de connaître les visiteurs uniques ainsi que diverses informations socio-démographiques sur l’auditoire du digital.  


Finalement, aucune de toutes les solutions évoquées ne semble parfaite. Si le numérique est de plus en plus important et pris en compte, les solutions techniques associées ont bien des limites. Les mesures par panels permettent, elles, de mieux connaître les auditeurs toutes en reposant sur des conventions et des choix qui pourraient être remis en cause. Pourtant, ces mesures sont indispensables au marché dont elles donnent le pouls et ainsi Médiamétrie et les autres instituts d’études orientent chaque jour les stratégies éditoriales et marketing des chaînes.

Estelle Patat


20 ans de jeux sur mobile…Et maintenant?

120 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2018 soit 13 % de hausse par rapport à 2017 selon bpiFrance, tels sont les résultats de l’industrie mondiale du jeu vidéo[1]. Cependant, ce n’est pas le jeu vidéo dit « traditionnel » reposant sur le marché des consoles et des ordinateurs qui tire le plus cette croissance, mais bien celui qui a longtemps été considéré comme l’exclu de la famille des « gamers » : le jeu mobile. Toujours selon les chiffres de bpiFrance, ce dernier représente 51 % des ventes mondiales en matière de jeu vidéo. Comment en est-on arrivé là ? 

Le téléphone portable et les jeux vidéo, une relation compliquée


Depuis 50 ans, le monde du jeu vidéo n’a de cesse de se renouveler. De la Magnavox Odyssey en 1972 à la PS5 et la Xbox Series X à venir cette année en passant par Stadia, le service de Cloud Gaming proposé depuis peu par Google, l’industrie a totalement mutée et continue de se transformer. Dans ce paysage si innovant porté par les consoles et les ordinateurs, le téléphone portable a su, petit à petit s’imposer comme support de jeu légitime. 

Dès 1997, le jeu Snake est intégré aux Nokia 6110 et connaît un succès immédiat ce qui pousse la firme à proposer en 2003 la N-Gage[2], sorte d’hybride entre un téléphone portable et une console de jeu vidéo. Si cette tentative s’avère être un échec commercial retentissant, elle symbolise la construction compliquée du rapport entre jeu vidéo et téléphones portables. En effet, le jeu mobile s’est particulièrement développé après l’apparition des smartphones dans le sillon que l’iPhone a creusé dès 2007 sans pour autant convaincre la communauté des « gamers » qu’il était une vraie forme de jeu vidéo. En 2009, l’autorisation des achats in app par Apple a favorisé l’émergence des jeux free-to-play dits « casual » pour les joueurs occasionnels. Candy Crush ou Clash of Clans sont deux exemples de ce type de proposition qui repose sur des sessions courtes, fortement addictives ou l’achat in app permet de prolonger l’expérience. Cette forme de jeu vidéo qui a très vite trouvé son public a d’abord été rejetée par la communauté des joueurs classiques. Qualité d’image, Gameplay et temps de jeu limités en était en grande partie la cause.

Une industrie en mutation portée par des investissements et des innovations

Pour autant, comme mentionné, le jeu mobile s’est facilement implanté chez un public qui ne s’essayait pas, ou peu aux jeux plus traditionnels. Alors qu’une distinction pouvait se faire entre les « gamers » et les joueurs « casuals » préférant entre autres les jeux mobiles, ces derniers ont commencé à se diversifier et à proposer de nouvelles expériences pour toucher tous les joueurs. 

Premièrement, des jeux se rapprochant des jeux indépendants sur console et PC ont vu le jour sur les stores des différents OS. On peut par exemple noter l’apparition de Her Story en 2014, un jeu produit par Sam Barlow, créateur venant de l’industrie traditionnelle, qui proposait une toute nouvelle expérience de Gameplay très loin des jeux mobiles « casual » basés sur des sessions courtes et addictives[3]. De même, des médias comme Arte ont investi dans le jeu mobile afin de proposer de nouvelles expériences sur un nouveau support à l’attention de tous. Ils ont ainsi pu participer à la production de Alt-Frequencies[4] ou encore Enterre-moi, mon amour[5] deux jeux engagés s’appuyant sur un Gameplay minimaliste propre au support. 

Deuxièmement, les innovations technologiques sur les smartphones ont participé à la légitimation des jeux sur mobiles, ces derniers étant de plus en plus beaux. On a ainsi vu émerger de nombreux MOBA (Multiplayer Online Battle Arena) ou MMO (Massively Multiplayer Online) s’appuyant sur une qualité technique avec des rendus se rapprochant de ceux sur console. Ces jeux symbolisent la volonté des créateurs de jeux mobile de toucher un public de « gamer » plus classique. Cela se traduit d’ailleurs par des investissements massifs en opération sponsorisées pour de nombreux studios. Par exemple, Plarium, le studio créateur de Raid Shadow Legend a acquis une forte visibilité via les vidéos sponsorisés des Youtubeurs Gaming s’adressant à un public de joueurs. 

Enfin, cette tendance d’attirer les joueurs traditionnels sur le mobile se traduit également par l’apparition de licences historiques sur cette plateforme. Rayman Adventures issu de la franchise Rayman a par exemple été édité par Ubisoft dès 2015. En 2019, c’est Call of Duty franchise de jeu vidéo la plus lucrative de la décennie qui sortait sur portable (devenant ainsi le jeu ayant rassemblé le plus de joueurs sur téléphone dans la même semaine avec plus de 100 millions d’utilisateurs[6]). En la matière, Nintendo a également profité du marché du mobile pour toucher un plus grand nombre d’utilisateurs, proposant une adaptation de jeux à succès tels que Mario Kart. 

Le futur du jeu mobile

Aujourd’hui, l’industrie du jeu mobile se porte à merveille dans le monde. Le chiffre d’affaires du jeu vidéo mondial est majoritairement effectué en Asie qui représente 54,3 milliards de dollars en 2018 ou le free-to-play, surtout sur téléphone, est la norme (80 % des ventes).

En France, selon une étude du Syndicat des Editeurs de Logiciel de Loisir, le jeu mobile a connu la plus forte croissance du secteur du jeu vidéo entre 2017 et 2018 (+22 %)[7]. De plus, les Français interrogés déclarent que les « jeux casual – jeux mobile » sont ceux auxquels ils jouent le plus (tous supports confondus). Ainsi, à l’aube d’une nouvelle décennie, le jeu mobile semble avoir acquis une forme de légitimité auprès d’un public de plus en plus large et ce dernier risque d’avoir un rôle prépondérant dans l’industrie de demain. 

D’abord, il est important de noter que le jeu vidéo est un secteur extrêmement innovant qui s’est toujours appuyé sur les dernières technologies. 2020 étant une année sous le signe du déploiement de la 5G, les mobiles vont pouvoir profiter de cette hausse significative du débit pour encore plus s’inscrire dans le secteur du jeu vidéo. En effet, cette amélioration non négligeable des connexions va favoriser l’émergence de solutions de Cloud Gaming par abonnement. Ces dernières consistent en la possibilité de jouer en streaming, sur un serveur à distance. Cela permet alors de brouiller encore plus la différence entre les supports en matière de jeu vidéo puisque n’importe quel titre peut être consommé sur n’importe quel écran. À la manière de Netflix, Google propose ainsi depuis fin 2019 Stadia, service de Cloud Gaming qui permet de jouer à tous types de jeux (y compris les grosses licences habituellement réservées aux consoles et aux ordinateurs) sur tous les supports, en streaming. Apple propose également, depuis l’automne 2019, Arcade service de gaming par abonnement qui s’appuie sur le nombre croissant de joueurs sur mobile en proposant des expériences de jeux inédites[8]. Microsoft a d’ores et déjà annoncé son service de jeu en streaming pour la nouvelle génération de console et Sony est également en train de peaufiner son offre. Dans ce cadre, nul ne doute que le smartphone va être de plus en plus utilisé dans la pratique du gaming et ce pour tous types de jeux.

Le jeu mobile a connu un début de relation difficile avec les joueurs, mais l’amélioration de la technique sur smartphone ainsi que l’explosion des débits internet semble lui promettre une place centrale dans les habitudes vidéoludiques de demain. 

Palluet Thibault


[1] Le marché mondial des jeux vidéo, 120 milliard de dollars en 2019, 7 juin 2019, https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Actualites/Marche-des-Jeux-video-2019-sous-le-signe-de-la-croissance-et-du-mobile-46652

[2] http://www.grospixels.com/site/ngage.php

[3] Her Story est un jeu d’enquête où le joueur doit comprendre ce qu’il s’est passé en écoutant les témoignages (en prise de vue réelle) d’une femme. La seule expérience de Gameplay réside dans la possibilité qu’a le joueur à écrire des mots clés dans l’outil de recherche pour trouver de nouvelles vidéos et ainsi avancer dans son enquête.

[4] Alt-Frequencies est un jeu d’enquête où le joueur doit passer d’une station de radio à une autre pour faire la lumière sur une question de boucle temporelle. Le jeu propose un questionnement du pouvoir des médias mais aussi du rapport du pouvoir aux choix du peuple. 

[5] Enterre-moi, mon amour est un jeu engagé mettant le joueur dans la peau d’un syrien qui suit la migration de sa compagne vers l’Allemagne via les messages qu’elle lui envoie. Le joueur peut ainsi la conseiller sur les options qu’elle a afin de l’aider à survivre et à atteindre son objectif.

[6] Le jeu call of Duty Mobile dépasse le cap des 100 millions de joueurs en une semaine, 8 octobre 2019, Chloé Woitier, https://www.lefigaro.fr/medias/le-jeu-call-of-duty-mobile-depasse-le-cap-des-100-millions-de-joueurs-en-une-semaine-20191008

[7] Bilan du marché français du jeu vidéo 2018, février 2019, Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisir, https://www.sell.fr/sites/default/files/essentiel-jeu-video/sell_essentiel_du_jeu_video_2019.pdf

[8] https://www.apple.com/fr/apple-arcade/

Quelle stratégie marketing pour les artistes en 2020 ?

Si le Business Model de l’artiste est en pleine mutation au niveau des canaux de distribution (nouvelles plateformes de streaming) et des activités clefs (diversification des expériences), la question de business model est interdépendante de la stratégie marketing de l’artiste via la segmentation et relation client.

1. Définir La proposition de valeur de l’artiste

Quelle est la stratégie marketing qui fera que les personnes écouteront lui et pas un autre. Autrement dit, comment l’artiste arrive-t-il à se différencier ?

Tout d’abord, avant même de parler de réseaux sociaux ou autre outil. L’artiste doit comprendre en amont comment il souhaite présenter son projet, pourquoi le public porterait un intérêt à sa musique et de quels éléments voudriez-vous que le public se souvienne ? On parle de stratégie musicale propre à l’artiste.

Pour répondre à ses questions, l’artiste doit faire une introspection sur ce qu’il fait, pour analyser chaque élément qui pourrait plaire à un certain public ou à un autre et déduire par la suite le type de personne que l’on souhaite toucher. Ensuite, l’artiste doit définir sa spécificité, et reconstituer le plus fidèlement son univers autour d’une image de marque.

Une fois cette stratégie musicale bien définie, l’artiste peu enfin définir sa réelle stratégie marketing.

Selon le type d’artiste et ses objectifs, l’artiste doit en général se créer un site web, un profil sur les réseaux sociaux, et une chaîne sur les plateforme vidéo. Il doit ensuite en fonction de sa stratégie musicale choisir sur quels canaux de promotion et de distribution il souhaite retrouver sa musique, et avec quels partenaires il souhaiterait travailler (partenaires numériques ou physiques nécessaires à la construction de la chaîne de valeur de l’artiste).

2. Segmentation client

Une fois la stratégie musicale et marketing définie, l’artiste doit segmenter son public en plusieurs groupes distincts afin de se construire une base fan solide.Pour cela, il va s’appuyer sur le data mining pour l’aider à trouver au mieux la cible qui matchera au mieux avec sa musique.

 Les artistes ont de plus en plus d’outils technologiques pour analyser ces données notamment sur les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, Instagram qui génèrent des milliards de données chaque jour. L’intérêt pour les artistes de ces différentes métriques est qu’il peut ensuite adapter sa cible, et la peaufiner sur les réseaux sociaux via une campagne promotionnelle digital.

Mais ces réseaux sociaux ne sont pas les seules mines d’or à données potentielles pour les artistes indépendants. D’autres plateformes telles que les plateformes streaming hébergent un certain nombre de données relatives aux comportements du public.

 On trouve notamment Spotify qui collabore avec The Next Big Sound et lui fournit l’ensemble de ses données. En échange, cette dernière récolte et traite, agrège en temps réelles tout un panel de données relatives aux auditeurs avec notamment un classement des titres les plus populaires selon l’âge, la localisation ou le genre. Ces données ensuite corrélées et enrichies par les données relatives aux réseaux sociaux. The Next Big Sound propose ainsi d’optimiser la campagne marketing de l’artiste via un Dashboard qui sera indispensable dans sa prise de décision.

3. Relation client

Après avoir analyser les données et segmenter son public, il peut cibler le ou les segments sur lesquels il souhaite se concentrer. Cette étape va lui permettre d’acquérir de nouveaux fans et de se construire une base fan.Mais ces fans ne sont encore que des prospects. L’enjeux de la relation client va donc être de transformer le prospect en client réel.

Avant tout, l’artiste doit évaluer la valeur de ses fans pour les classer en 3 catégories distinctes énoncé par Kevin Kelly dans 1000 True Fans :

  • Causual fans : Ce sont la partie des fans les moins engagés dans la relation avec l’artiste. Ils vont « liker » la page Facebook sans pour autant porter un très grand intérêt à l’artiste. Ils ne connaissent souvent pas très bien l’artiste, en ont déjà entendu parler, ou connaissent un ou deux titres de l’artiste.
  • Regular fan : Ils représentent une grande partie de la fan base de l’artiste. Ils suivent l’artiste assez régulièrement sur les différents canaux.
  • Super fan : Ils constituent la partie centrale, essentielle pour l’artiste. Ce sont les fans les plus engagés, dévoués pour l’artiste qui cette fois-ci porte véritablement bien l’expression de « fan ».

On comprend ainsi que tout l’enjeux de la relation client pour l’artiste va donc être de maximiser le nombre de super fan et de facto de minimiser le nombre de causual fan.

Pour cela, il faut d’abord que l’artiste engage sa base fan. Il faut que l’artiste inspire le public, lui donne envie d’interagir avec lui, et l’amène à une conversation avec lui. Il est important que le public se sente reconnu dans les actions menées par l’artistes.Pour engager sa base fan, l’artiste a à sa disposition un certain nombre d’outil pour communiquer sans trop de moyens avec notamment le owned ou par la création de contenu (vidéo, clip, post, photo …).

Ensuite, il faut développer la base fan et la fidéliser pour convaincre la cible d’acheter un album, une place de concert ou un merchandising. L’idée ici est de jouer sur les différentes catégories de fan en augmentant la valeur fan en fonction de chacune de ces catégories dans le but de faire passer le fan de prospect à client réel.

Pour les Causual fans, leur disposition à acheter la musique de l’artiste est faible. Ils ont donc encore peu de chance d’acheter la musique de l’artiste. Dans ce cas, l’artiste doit favoriser avec eux l’échange gratuit de contenu, continuer à engager la conversation pour que ces derniers deviennent des regular fan.

En ce qui concerne les Regular fans, l’artiste devra varier son marketing entre la création de contenu (owned media), campagne du publicité payante (paid media) et profiter de la publicité gratuite par les fans eux même (earned media). Dès lors, il faut réfléchir à des tactiques inédites pour fidéliser et monétiser l’activité de l’artiste. Autrement dit, l’artiste doit développer un marketing innovant pour convaincre les regular fans de consommer un produit de l’artiste dans l’espoir qu’ils deviennent à terme des super fan.

Les Super fans sont les fans les plus rentable pour l’artiste car il n’y a plus besoin d’aller vers eux et de payer pour communiquer, ce sont eux qui viennent vers l’artiste. On parle en anglais d’advocacies, ambassadeurs de la marque de l’artiste, qui vont générer un certain nombre de contenus gratuitement pour l’artiste. La fidélisation passe par des récompenses (possibilité de rencontrer l’artiste, avoir des exclusivités sur des musiques, places VIP …) de ces super fans pour leur donner une reconnaissance dans ce qu’ils ont accompli en échange de ce travail gratuit.

Finalement, l’arrivée des réseaux sociaux et du Big Data ont donc considérablement améliorer « le targeting » pour les artistes qui peuvent désormais offrir une relation particulière avec chacun des segments auditeurs.

Elio Stopnicki

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