Lego, Barbie, Ferrari : quand les marques font des films

Dans l’univers du cinéma, une nouvelle tendance captivante émerge, érigeant un pont entre l’art du storytelling cinématographique et le pouvoir des marques emblématiques : les films de marque. Le placement de produit prend aujourd’hui une nouvelle forme saisissante avec l’avènement de ce nouveau genre. Des maisons de couture (House of Gucci, 2021), aux fabricants de jouets (Barbie, 2023), en passant par les géants de l’automobile (Ferrari, 2023), des histoires entières prennent vie sur grand écran, étroitement tissées avec les fils narratifs des marques renommées.

Les marques et leur image : en quête d’émotions

Dans notre société de consommation, où l’individu forme son identité quasi exclusivement par l’absorption de certains biens et services, ce sont les marques qui dominent nos esprits. En plus de vendre un produit, une marque vend un certain type de message, contenant une histoire sur les qualités uniques de ses créations.

La marque agit comme un objet désirable, dont la possession est capable de satisfaire les attentes du consommateur, le rendre heureux, et devient en fait un moyen pour une personne de s’orienter dans la réalité. Ce sont la qualité et la reconnaissabilité d’une marque qui contribuent à susciter des émotions positives chez les cibles et à les fidéliser. Mais dans un contexte de sursaturation du marché, les entreprises sont appelées à rechercher de nouveaux moyens d’atteindre les consommateurs.

L’expérience est un élément incontournable de la fidélisation des clients. C’est pour cela que les marques sont nombreuses à élargir leur activité : elles construisent des parcs d’attraction (Disneyland, Ferrari World, Volkswagen Autostadt), transforment leurs usines en musées (Guinness Storehouse, Heineken Experience) ou encore créent leurs propres hôtels-boutiques (Bulgari, Armani, Versace).

Toutes ces expériences ont pour but de faire vivre aux clients des émotions marquantes et positives, pour que ces émotions s’associent par la suite avec la marque, qui devient ainsi encore plus désirable. Suivant cette logique, il n’est pas surprenant que les marques aient toujours été nombreuses à vouloir se rattacher au cinéma, une attraction offrant une large palette d’émotions susceptible d’être utilisée dans une campagne marketing.

Le placement de produit, une pratique discrète mais influente

Le placement de produit a pris racine dans l’industrie cinématographique dès les premiers balbutiements du septième art. Au cours du 20e siècle, les réalisateurs ont commencé à intégrer subtilement des produits dans leurs films, créant ainsi un lien indirect entre les marques et le public. Souvent utilisé comme source de financement pour les productions cinématographiques, le placement de produit permet de compenser les coûts de réalisation tout en offrant aux annonceurs une visibilité stratégique auprès des spectateurs.

À l’origine, le placement de produit se manifestait principalement par des apparitions éphémères d’objets de consommation dans des scènes, parfois de manière transparente pour le public, mais souvent subtilement pour éviter de rompre l’immersion narrative. Cependant, au fil des décennies, cette pratique s’est développée pour devenir une stratégie marketing plus sophistiquée.

Une nouvelle forme de placement de produit : quand le produit devient l’histoire

Le paysage du placement de produit évolue rapidement depuis sa création, et l’on observe aujourd’hui une transition vers une nouvelle forme : le film de marque. Ces œuvres cinématographiques ne se contentent plus simplement de présenter des produits, mais elles en font le pivot central de l’intrigue; les marques deviennent les acteurs principaux, tissant un récit étroitement lié à leur essence même. 

Ce concept va au-delà de la simple promotion ; il s’efforce de créer une expérience immersive où le public se plonge dans l’univers narratif de la marque. Ce glissement vers une intégration plus profonde des marques dans le récit cinématographique soulève des questions fascinantes sur l’avenir du partenariat entre le monde du cinéma et celui des marques, redéfinissant ainsi la manière dont nous interagissons avec ces dernières à travers l’art cinématographique.

En 2014, LEGO s’est par exemple lancé dans la production de son propre film d’animation en présentant ses jouets emblématiques. Les répercussions ont été très positives pour la marque, avec une augmentation des ventes de jeux LEGO à la suite du succès du film, qui s’explique par une envie des spectateurs d’explorer plus encore l’univers de la marque. Outre les produits de construction traditionnels, le film a ouvert la voie à de nouveaux produits basés sur les personnages et l’univers présentés dans l’intrigue. Cela a permis à LEGO de diversifier sa gamme de produits, y compris les jeux vidéo, les séries animées et les produits dérivés. Une communauté de fans passionnés qui partagent leur amour pour LEGO s’est développée sur les médias sociaux et les forums en ligne, renforçant ainsi l’engagement des consommateurs envers la marque.

Un effet encore plus prononcé a été suscité par le film « Barbie », sorti en 2023. Non seulement le film immerge le public dans l’univers de la poupée en rose, mais il lui présente littéralement l’administration du groupe Mattel qui parle des valeurs de la marque de manière quasi directe. Le film a suscité un gigantesque buzz médiatique, et le public tout de rose vêtu ne s’est pas fait attendre dans les salles de cinéma. De nombreuses marques ont également tenté de s’inscrire dans la tendance en faisant des collaborations avec Mattel (Zara, OPI, Nyx, Gap…). Sans surprise, les ventes des poupées ont augmenté de 20% depuis le lancement des opérations marketing. Mattel a déjà annoncé la production de films sur ses autres gammes de produits, notamment Polly Pocket, Hot Wheels et même UNO.

La maison de luxe Saint Laurent, elle, est allée plus loin. En 2023 la marque diversifie son activité en créant sa propre société de production « Saint Laurent Productions”. A présent, la marque ne se contente plus d’être représentée par des costumes portés par des acteurs, mais prend les rênes artistiques des films, lui permettant de façonner de manière intégrale chaque aspect narratif et visuel. Cette initiative offre à la marque une opportunité unique d’incarner pleinement ses valeurs à travers l’expression cinématographique.

Dans les salles de cinéma… et sur le petit écran ?

Et qu’en est-il des plateformes de streaming? Pour Hugo Orchillers, responsable des placements de produit au sein de l’agence Place To Be, avec qui nous nous sommes entretenus, le travail de placement de produit est sensiblement le même qu’il soit fait pour le cinéma ou pour une plateforme de streaming. À la différence près que les plateformes de streaming se montrent plus réticentes que les producteurs de cinéma : « Les plateformes de SVOD comme Netflix proposent du placement de produit, mais cela reste vraiment infime. Les plateformes ne veulent pas créer une régie publicitaire {…} afin de rester le plus cohérent possible avec leur discours de lancement ».

Cependant, à travers le phénomène des films de marques, il se pourrait que cette volonté soit en train d’être ajustée. En effet, des géants du streaming comme Amazon Prime collaborent eux aussi avec des marques, comme le montre la sortie du film « AIR » (2023), sur la franchise Nike. Ce film réalisé par Ben Affleck dévoile le partenariat révolutionnaire entre un Michael Jordan encore méconnu, et la division de basket chancelante de Nike, qui a changé le monde du sport et de la culture avec la marque Air Jordan.

Ainsi, le phénomène des films de marque nous prouve que le cinéma est devenu un outil marketing incontournable pour forger l’identité d’une marque, immerger le public dans son univers et lui offrir une expérience mémorable tout en stimulant les achats. Qu’ils soient diffusés en salle de cinéma ou en streaming, les films de marques sont à l’origine d’un nouveau type de marché publicitaire qui, malgré sa popularité, entraîne tout de même des vagues de critiques concernant la dénaturation du septième art au profit des annonceurs. Ainsi se crée le débat sur l’avenir du cinéma et s’ouvre la voie de recherche d’une harmonie entre créativité et commerce dans le monde artistique contemporain.

Melina MAGNE et Anna ORLOVA


SOURCES :

Le Point; « Barbie » : les ventes de poupées ont augmenté de 20% depuis la sortie du film; 08/2023

Mattel; Mattel Films and Warner Bros. Pictures Announce J.J. Abrams’ Bad Robot Will Produce Hot Wheels Live-Action Motion Picture; 2022

Europe 1; La marque de luxe Saint Laurent annonce la création d’une société de production de films; 04/2023

Luc Dupont; Placement de produit : quand le cinéma devient un terrain de jeu marketing; 09/2024

Stéphane Debenedetti, Isabelle Fontaine; Le cinémarque : Septième Art, publicité et placement des marques; 2004

Publicité et live streaming : Netflix confirme sa nouvelle stratégie de diversification défensive

2024 marque l’entrée de Netflix dans l’arène du live streaming. La plateforme a annoncé le 23 janvier 2024 avoir signé un accord de diffusion avec la société TKO – la maison-mère de la WWE, la plus importante fédération américaine de catch – et de l’UFC – l’organisation spécialisée dans les combats de MMA (arts martiaux mixtes). Signe d’investissements colossaux dans la programmation en direct, l’accord de 10 ans évalué à plus de 5 milliards de dollars assure à Netflix de devenir le nouveau foyer de l’émission de catch à succès « Monday Night Raw ». Avec une entrée en vigueur en janvier 2025, l’accord réserve au streamer les droits exclusifs sur l’émission aux États-Unis et ses droits de distribution dans plusieurs pays dont le Canada, l’Amérique latine et le Royaume-Uni. Comme un passage de témoin de la télévision linéaire à la diffusion en continu, la chaîne USA Network qui diffusait jusqu’alors l’émission vieille de 31 ans renonce à trois heures de programmes en direct par semaine tout au long de l’année. Selon la chaîne CNBC, cette annonce représente pour Netflix « son plus grand saut dans le domaine du divertissement en direct » (“its biggest jump into live entertainment[1]”). Plus qu’un saut dans le divertissement en direct, Netflix opère depuis plus d’un an un revirement de stratégie dont l’accord avec la WWE n’est pas l’unique volte-face. Désormais, le cahier des charges de la plateforme affiche comme priorités autant l’élargissement de son offre de divertissement – des événements en direct, des contenus sportifs et des jeux – que le développement de son activité publicitaire.

Une stratégie de diversification portée par le live streaming, les contenus originaux et ceux sous licence

Recette enviée de ses concurrents, la formule du succès de Netflix reposait originellement sur des contenus originaux, l’absence de télévision en direct et de publicité, et une bibliothèque inégalée de films et de séries à diffuser dans le monde. Mais la perte historique d’un million d’abonnés en 2022 a contraint la firme américaine à trouver de nouveaux relais de croissance. Parmi eux, le partenariat avec la WWE permet à Netflix d’accéder aux millions de téléspectateurs annuels de « Raw » lors de rendez-vous hebdomadaires en direct. Netflix n’en est cependant pas à son coup d’essai. En 2023, la société avait annoncé qu’elle organiserait son tout premier événement sportif en direct avec des pilotes de F1 et des golfeurs professionnels s’affrontant lors d’un tournoi de golf. Quelques mois plus tôt, elle s’était déjà essayée à la diffusion en direct avec l’émission de stand-up du comédien américain Chris Rock. Avec la WWE, l’arrivée de Netflix sur le marché du live streaming implique un nouvel usage de la plateforme – la possibilité de regarder plus régulièrement des émissions sur rendez-vous -, et avec lui, de nouvelles recettes – les annonceurs et les abonnés. Pour le Wall Street Journal, cette stratégie « s’inspire des chaînes de télévision que Netflix a commencé à remplacer dans le cadre de ses efforts pour devenir la principale source de divertissement des ménages » (“It takes a page from the TV networks Netflix has started to replace as the streamer works to become the main source of households’ entertainment[1]”). On peut aussi considérer l’accord avec la WWE comme une mesure défensive permettant à Netflix d’égaler l’étendue du contenu sportif en direct disponible sur les services rivaux, tels que Max de Warner Bros Discovery et Peacock de NBCUniversal.

La création de films originaux et d’émissions de téléréalité comme « Too hot to handle » ou « Love is Blind » complète ce nouveau portefeuille de programmes. « La société s’est lancée dans la télé-réalité, les romans à l’eau de rose et les séries internationales, tout en confiant de grosses sommes d’argent à des scénaristes de renom tels que Shonda Rhimes et Ryan Murphy » explique le Financial Times[2]. Netflix prévoit de dépenser jusqu’à 17 milliards de dollars en contenu en 2024[3]. « Aucune société de divertissement n’a jamais essayé de programmer à cette échelle et pour autant de goûts et de cultures[4] », Netflix a-t-il écrit, glorieux, à ses actionnaires le 23 janvier 2024.

La poussée de Netflix dans le domaine du live streaming, ses investissements dans la création originale ainsi que sa décision d’accorder des licences pour davantage de programmes télévisés à ses concurrents interviennent alors que l’entreprise tente de relancer la croissance de son volet publicitaire, son autre cheval de bataille dans la course aux abonnés.

Le pari de la publicité ou le virage stratégique d’un modèle économique qui s’essouffle

Grâce notamment à sa politique plus stricte en termes de partage des mots de passe et à son abonnement moins coûteux avec de la publicité lancé en novembre 2022, Netflix a recruté 13,1 millions d’abonnés au cours du trimestre de décembre 2023[1], ce qui représente la plus forte croissance d’abonnés jamais enregistrée au cours du quatrième trimestre.

L’accord avec la WWE intervient alors que le streaming se rapproche de l’omniprésence de la télévision par câble. Marc DeBevoise, PDG de la société de technologie de diffusion en continu Brightcove, déclare à propos du catch professionnel que « c’est l’une des rares choses qui génère une audience de plus de 10 millions de téléspectateurs, ce qui est nécessaire pour développer une activité publicitaire[1] ». Cette stratégie de contenus s’inscrit donc pleinement dans la lignée des efforts de Netflix pour faire de la publicité une source significative de revenus d’ici à 2025.

Dans sa course aux abonnés, Netflix a engagé une stratégie de diversification tant de ses contenus que de ses revenus, s’inspirant du modèle traditionnel de la télévision câblée. L’arrivée du catch en direct doit permettre de gagner en abonnés ainsi que de contribuer à la nouvelle activité publicitaire du groupe, ce qui offrira probablement une justification supplémentaire pour augmenter les prix des abonnements à l’avenir. Le cahier des charges de Netflix évolue au gré des innovations et des usages, redistribuant sans cesse les cartes de la consommation audiovisuelle en ligne.

Adèle de Crépy

Sources : 

–      « The Netflix Pivot is Complete », Angela Watercutter, Wired, 23 janvier 2024. 

–      « Netflix to stream WWE’s Raw starting next year in its biggest jump into live entertainment », Alex Sherman et Jacob Pramuk, CNBC, 23 janvier 2024. 

–      « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024. 

–      « Netflix profite des fêtes et engrange 13 millions d’abonnés supplémentaires », Capital, 24 janvier 2024. 

–      « Netflix s’inspire de l’ancien modèle de la télévision câblée en ajoutant le sport en direct », Zone Bourse, 24 janvier 2024.

–      « Liens vagabonds : Le modèle de Netflix évolue et rabat les cartes du « old streaming » », Kati Bremme, Alexandra Klinnik et Aude Nevo, Méta-Media, 27 janvier 2024. 


[1] « Netflix s’inspire de l’ancien modèle de la télévision câblée en ajoutant le sport en direct », Zone Bourse, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix profite des fêtes et engrange 13 millions d’abonnés supplémentaires », Capital, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.

[2] « Liens vagabonds : Le modèle de Netflix évolue et rabat les cartes du « old streaming » », Kati Bremme, Alexandra Klinnik et Aude Nevo, Méta-Media, 27 janvier 2024.

[3] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.

[4] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix to stream WWE’s Raw starting next year in its biggest jump into live entertainment » , Alex Sherman et Jacob Pramuk, CNBC, 23 janvier 2024.

Le Fake Out Of Home, la nouvelle tendance marketing ?

Le Fake Digital Out of Home est une nouvelle tendance de street marketing avec la particularité… de ne pas vraiment exister. Il s’agit d’incruster un objet 3D animé et photoréaliste dans le monde réel et qui va interagir avec ce monde. Les contenus FOOH sont générés dans l’objectif de repousser les limites du réel et de créer des campagnes ultra réalistes et immersives. Une tendance qui connaît un réel essor et  profite des formats “snack” que ce soit sur TikTok, Instagram, Facebook ou encore Youtube.

Le Faux fait le Vrai buzz

L’un des premier Fake Out of Home a été imaginé par le vidéaste Ian Padgham pour la promotion des produits Maybellin. Il s’agit un métro londoniens parés de cils géants puis maquillés par une brosse de mascara « Sky High » grandeur nature de la marque de cosmétique.

Il ne s’est pas arrêté là et a notamment imaginé une campagne publicitaire pour Jacquemus mettant en scène le fameux sac de la marque Bambino. Le 5 avril, la marque a publié une vidéo sur laquelle plusieurs sacs ont été transformés en bus hybrides qui circulent dans les rues de la capitale française.

Le 6 septembre, c’est au tour de l’Oréal de dévoiler sa nouvelle campagne : un rouge à lèvre géant sur le dos d’une 2CV sillonne Paris et laisse une jolie trace rouge sur sa route vers l’opéra Garnier. Réalisée en animation 3D, la vidéo est rapidement devenue virale, générant plus de 11,2 millions de vues sur Instagram et plus de 4,9 millions de vues sur TikTok.

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Une tendance qui séduit tous les secteurs

Le FOOH ne s’arrête pas aux univers des cosmétiques et de la mode. Pour la sortie du film Napoléon, c’est Sony et l’agence de Busterwood qui en ont fait l’usage avec une mise en scène spectaculaire en déroulant une affiche XXL du film sur l’Arc de Triomphe.

La volonté du Distributeur Sony Pictures était de propager la campagne sur des emblèmes iconiques de la France et de Napoléon. Édifié sous l’impulsion de l’empereur et de renommée internationale, l’Arc de Triomphe s’imposait comme une évidence pour ce film” a déclaré Sébastien Wullems, le managing director de Busterwood.

@sonypictures.fr

Napoléon s’empare de l’Arc de Triomphe ! ⚔️ Découvrez Napoléon, le film événement de Ridley Scott avec Joaquin Phoenix, le 22 novembre au cinéma. #NapoléonLeFilm

♬ son original – Sony Pictures France

Du côté des annonceurs, La Philharmonie a été le pionnier au Luxembourg en novembre dernier en mettant en avant ses « Music Box » grâce au Studio Polenta et à FOREAL. La vidéo présente d’imposantes boîtes cadeaux chutant en cascade, telles des dominos, sur le parvis de la Philharmonie.

Ces derniers mois, les exemples de FOOH se sont multipliés. Ainsi pour livre show 2023, ETAM a ressuscité en vidéo le mythique club Le Palace ; Xiamo a mis en scène ses galeries photos sur un arrêt de bus et Playstation a dévoilé sur son Instagram une transformation ambitieuse de la Tour Montparnasse prenant l’apparence d’une console géante.

Des campagnes qui rebattent les cartes

Cette nouvelle tendance vient bousculer les codes du street marketing à l’heure où les expériences en ligne se multiplient. L’engouement autour des FOOH s’explique par l’interaction qu’ils génèrent. L’essence même de ces campagnes réside dans leur capacité à semer le doute, incitant les spectateurs à interagir activement avec le contenu sur les réseaux sociaux. La création d’un lien émotionnel avec le public séduit tant les internautes que les algorithmes des réseaux sociaux favorisent naturellement ces contenus.

Aussi, le FOOH présente une série d’avantages sur les plans logistiques et économiques. Il n’implique pas les coûts liés à la location d’emplacements physiques, à la gestion de la production ou aux permis de construction. Les créateurs de ces publicités fonctionnent selon les mêmes règles que les photographes et vidéographes en ce qui concerne les autorisations et les droits d’utilisation.

L’avenir de la publicité ?

Mode passagère ou tendance pérenne ? La publicité FOOH offre des opportunités illimitées, allant des voyages virtuels aux démos interactives. Cette fusion de réalité et d’imagination permet aux marques de se connecter de manière innovante avec leur public. Les FOOH repensent intégralement la manière dont les marques communiquent car cela oblige à penser avec un storytelling omniprésent et non un focus produit.

Cependant, si grâce aux FOOH les marques sont libres d’imaginer des expériences publicitaires uniques et mémorables, cette tendance soulève aussi des inquiétudes. Certains FOOH suscitent des interrogations éthiques, notamment en ce qui concerne l’ambiguïté entre la réalité et la fiction. Ces publicités virtuelles peuvent tromper les consommateurs en les induisant en erreur visuellement. Une préoccupation d’autant plus légitime dans un contexte où les fake news et la désinformation sont devenues monnaie courante.

Il est encore trop tôt pour savoir si cette pratique est vouée à se banaliser mais s’il ne remplace pas les méthodes existantes, le Fake Out Of Home semble être un complément des plus efficaces aux formes traditionnelles de marketing.

De Rozaven Inès

SnapChat, Facebook, Twitter, … Avec l’abonnement payant : est-ce la fin de l’ère des réseaux sociaux à 100% gratuits?

Payer l’abonnement à 9,60€ sur Twitter ou 11€ sur Facebook et Instagram permet dès maintenant d’avoir un compte certifié avec un badge bleu et l’accès à d’autres services.

« Nous relançons @TwitterBlue lundi – abonnez-vous sur le web pour 8 dollars par mois ou sur iOS (le système d’exploitation d’Apple utilisé sur les iPhone, NDLR) pour 11 dollars par mois pour avoir accès aux fonctionnalités réservées aux abonnés, notamment la coche bleue.»

Le groupe Twitter a indiqué dans un tweet, publié le 10 décembre 2022.

En novembre 2022, Twitter a lancé une offre payante : « Twitter Blue. » Cet abonnement allant de 9,60€ à 12€ par mois ou 100,8€ par an (tarifs en France) permet d’obtenir le petit badge bleu, c’est-à-dire d’avoir un compte certifié, et donne également accès à d’autres fonctionnalités telles qu’Éditer le Tweet, dépasser les 280 caractères, recevoir 50% de publicités en moins dans les fils, images de profil NFT, … 

En février 2023, le patron de Meta semble de suivre le pas d’Elon Musk en prévoyant une formule similaire à ses plateformes, Facebook et Instagram, en mettant en place un modèle d’abonnement payant nommé « Meta Verified. » Pour un prix oscillant entre 11€ et 14€ par mois, cette offre permet aux utilisateurs de faire vérifier leur compte, d’obtenir des protections contre l’usurpation d’identité, mais aussi de gagner en visibilité. L’abonnement est pour l’instant uniquement disponible en Australie, en Nouvelle Zélande et aux États-Unis. 

Mais, ce ne sont pas les seuls. En effet, Snapchat, Discord, Linkedin, … ont toutes leurs propres offres d’abonnement payant. Le modèle payant s’implante peu à peu dans les réseaux sociaux : est-ce la fin de l’ère des réseaux sociaux 100% gratuit ? Explications

Les réseaux sociaux : des modèles financés par des revenus publicitaires arrivent à maturité.

Selon le rapport « Global Advertising Market : Industry Trends, Share, Size, Growth, Opportunity and Forecast 2023-2028 », en 2022, les revenus publicitaires en ligne mondiaux ont atteint 615,2 milliards de dollars. Selon Statista worldwide, les revenus sur les réseaux sociaux représenteraient environ 36% des revenus publicitaires en ligne mondiaux, soit 207,1 milliards de dollars. Ce nombre est d’autant plus flagrant lorsqu’il s’agit des réseaux sociaux. 

En effet, la publicité génère plus de la moitié des revenus des réseaux sociaux : Facebook a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires publicitaire de 117 milliards de dollars, soit environ 97% de son chiffre d’affaires total (Rapport Annuel 2021, Meta); en 2021, Twitter a généré un revenu total de 5,08 milliards de dollars dont la publicité représentait environ 88%, soit 4,51 milliards de dollars (Rapport annuel 2021, Twitter). 

Mais comment les réseaux sociaux se rémunèrent-ils via la publicité ? « Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit. » 

Pendant près de deux décennies, le modèle économique des réseaux sociaux était 100% gratuits pour les utilisateurs : pas besoin de payer pour poster, pas besoin de payer pour accéder au contenu, pas besoin de payer pour parler à ses amis. Le cœur du modèle économique des réseaux sociaux était les revenus publicitaires dont la publicité ciblée. Ces derniers s’efforcent de cerner les comportements et profils de leurs utilisateurs sur le web en se servant des données collectées. Ainsi, les entreprises qui souhaitent diffuser leurs annonces doivent acheter des espaces d’affichage en ligne, en précisant le profil d’utilisateurs cible souhaité. En fonction de ces critères, les algorithmes des réseaux sociaux diffusent les publicités aux utilisateurs ciblés. 

Mais depuis quelque temps, les réseaux sociaux ont fait face à des problèmes de rentabilité. La publicité ne génère plus autant de revenus qu’auparavant en raison de l’affaiblissement du marché publicitaire, de différents scandales concernant l’usage des données, le renforcement de la législation de la protection des données personnelles. Le groupe Meta (Facebook, Instagram, Whatsapp) a même enregistré une baisse de revenus annuels, en 2022, pour la première fois depuis son entrée en bourse en 2012. L’ère de la gratuité des réseaux sociaux est-elle en train de se clore ? « Nous sommes au commencement de la fin d’une ère. (…) L’économie de l’attention qui a transformé les plateformes sociales en entreprises les plus profitables au monde a fini par se tirer une balle dans le pied. », explique  Clara Lindh Bergendorff dans les colonnes de Forbes.

Le modèle économique des réseaux sociaux est en plein évolution : les offres d’abonnement se multiplient.

Nous assistons à une évolution du modèle économique des réseaux sociaux où l’ère de la gratuité semble de disparaitre au profit de l’abonnement. En effet, le modèle de l’abonnement permet d’assurer des rentrées de revenus récurrents et stables pour faire face à la forte volatilité des revenus liés à la seule publicité.

Linkedin a montré que cela fonctionne et la mise en place de l’abonnement est inévitable : la publicité ne représente que 20% du chiffre d’affaires total de l’entreprise. En effet, les services de recrutement et les abonnements constituent ses principales sources de revenus. Selon le site Kinsta, 39% des utilisateurs de Linkedin payent pour un de ces abonnements. Linkedin a réussi à développer des formules payantes le permettant d’avoir un modèle économique durable. 

« Sur LinkedIn, il y a toute une offre d’abonnements payants et là, ça fonctionne. On les achète parce qu’on veut avoir plus de visibilité ou alors quand on est recruteur. On a besoin de ces offres »

Emmanuel Berne

« C’est payant, mais vous êtes quand même le produit »

Instagram et Tiktok testent actuellement un système d’abonnement premium à certains créateurs. Snapchat a lancé sa formule payante nommée Snapchat+. Twitter a lancé Twitter Blue, Meta avec Meta verified… Ces offres payantes donnent accès à des fonctionnalités exclusives aux abonnées telles que la vérification des comptes, l’accès au service client, plus de visibilité,… afin d’encourager les internautes à rester actifs.

«L’idée est d’améliorer l’authenticité [des profils et donc des échanges] et la sécurité sur nos services.»

Mark Zuckerberg, PDG de Meta

La question se pose alors de savoir si les utilisateurs sont-ils prêts à payer. Les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, Instagram ou Tiktok proposent-ils des offres suffisamment intéressantes pour inciter les usagers à payer l’abonnement ?  

Il semblerait que ce ne serait pas aussi facile de faire payer les utilisateurs parce que les réseaux sociaux ont proposé leurs services gratuitement pendant bien trop longtemps. En effet, la formule « c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit » est ancrée dans la culture populaire. Pour que la formule « c’est payant, mais vous êtes quand même le produit » puisse succéder à la première, il faut une nouveauté qui soit vraiment intéressante pour séduire les utilisateurs et pour faire passer la pilule du payant.  

Sophie Hong Vy Nguyen-Massicot

Bibliographie :

  • Baudot, J. (s. d.). Modèle économique des réseaux sociaux. http://www.jybaudot.fr/Management/reseauxsociaux.html
  • Bergendorff, C. L. (2021, 12 mars). From The Attention Economy To The Creator Economy : A Paradigm Shift. Forbes. https://www.forbes.com/sites/claralindhbergendorff/2021/03/12/from-the-attention-economy-to-the-creator-economy-a-paradigm-shift/?sh=3a183e20faa7
  • Diallo, K., & Diallo, K. (2022). Réseaux sociaux : les utilisateurs sont-ils prêts à payer ? L’Éclaireur Fnac. https://leclaireur.fnac.com/article/107960-reseaux-sociaux-les-utilisateurs-sont-ils-prets-a-payer/
  • Laratte, A. (2022, 6 novembre). Payer pour avoir un badge bleu sur Twitter ? C’est désormais possible dans certains pays. leparisien.fr. https://www.leparisien.fr/high-tech/payer-pour-avoir-un-badge-bleu-sur-twitter-cest-desormais-possible-dans-certains-pays-05-11-2022-W73TOEMLEFFZFOFZKP5OYB2XXI.php
  • Osman, M. (2023). Mind-Blowing LinkedIn Statistics and Facts (2023). Kinsta®. https://kinsta.com/blog/linkedin-statistics/
  • Afp, C. A. (2023, 20 février). A son tour, Meta lance une offre payante. Capital.fr. https://www.capital.fr/entreprises-marches/a-son-tour-meta-lance-une-offre-payante-1460713
  • Laratte, A. (2023, 20 février). Facebook, Twitter, Instagram. . . la fin des réseaux sociaux gratuits ? leparisien.fr. https://www.leparisien.fr/high-tech/facebook-twitter-instagram-la-fin-des-reseaux-sociaux-gratuits-20-02-2023-QAJ3NAJT2BEXTM3KEPQ2UFASXQ.php
  • Wurlod, O. (2023, 20 février). Payer pour Instagram et Facebook : L’ère des réseaux sociaux 100 % gratuits se termine. 24 heures. https://www.24heures.ch/lere-des-reseaux-sociaux-100-gratuits-se-termine-300382518290
  • Statista. (s. d.). Social Media Advertising – Global | Market Forecast. https://www.statista.com/outlook/dmo/digital-advertising/social-media-advertising/worldwide

Apple privacy vs. mobile ad ecosystem

Apple’s ATT is « Privacy by default, abuse by design »

Thomas Hoppner / Philipp Westerhoff – Hausfeld Competition Bulletin, Spring 2021

            La mise à jour d’iOS14.5 introduit pour les détenteurs d’un iPhone : l’Apple Tracking Transparancy (ATT). Cette fonctionnalité est imposée aux développeurs qui veulent voir leur application téléchargeable au sein de l’Apple app store. L’ATT est la fenêtre qui s’ouvre lors de la première ouverture de n’importe laquelle de vos applications mobiles et qui vous demande de choisir :

Apple prompt. Source : Apple Inc.

Elle a, de ce fait, eu des conséquences sur l’écosystème publicitaire mobile en réduisant certaines possibilités de ciblage et d’analyse des campagnes, ce qui s’est traduit en premier lieu par une augmentation des coûts d’acquisition. C’est une mesure qui est d’un côté, saluée et de l’autre critiquée. En effet, la demande, soit les mobinautes et certains acteurs publics en sont contents dans la mesure où elle s’ancre dans une logique grandissante de protection des données personnelles, mais de l’autre côté de ce marché biface se trouvent les annonceurs publicitaires et développeurs qui estiment que la marque à la pomme fait preuve d’hypocrisie, se réservant la data pour ses propres usages. 

Apple possède 18% des parts sur le marché mobile qui est estimé à 5,31 milliards d’utilisateurs en 2022. Même si les systèmes Android sont largement dominant à l’échelle mondiale, les utilisateurs iPhone sont de précieux clients puisqu’ils ont tendance à dépenser plus d’argent (et sont en majorité sur le marché nord-américain). De plus, fin 2021, 89% des utilisateurs d’iPhone auraient fait la mise à jour système (ce chiffre a nécessairement augmenté). Nous sommes ainsi sur une base d’utilisateurs entre 800 millions et 1 milliard dont les données personnelles sont un élément structurant de business modèles basés sur la gratuité financée par la publicité ciblée. Ces derniers possèdent leur propre DSP, gestionnaire publicitaire de mise en relation entre annonceurs et mobinautes et selon certaines estimations auraient connu une perte de revenus total de 16 milliards de dollars. 

Il est difficile de faire un exposé précis et chiffré de l’impact de l’ATT sur ce marché puisqu’un grand nombre de causes peuvent venir perturber les enchères programmatiques, je vais tenter aujourd’hui d’en expliquer les raisons. 

L’impact technique de l’Apple Tracking Transparancy ?

Les utilisateurs d’iPhones pouvaient déjà avant cette mise à jour restreindre le traçage publicitaire de leurs applications téléchargées, ils avaient la possibilité d’activer le Limited Ad Tracking (LAT) dans les réglages. Le grand changement avec iOS 14.5 est qu’ils doivent se prononcer au premier lancement de chacune de leurs applications. Ainsi, si un usager accepte le traçage publicitaire, Apple communiquera au développeur de l’application un identifiant à usage publicitaire IDFA (identifier for advertisers). C’est une chaîne de caractère unique et anonymisée qui est assignée par Apple à votre terminal (nous pouvons la comparer à une version iOS du cookie tiers de Google qui va lui aussi bientôt disparaître). Concrètement, cet identifiant permet retracer le parcours d’un utilisateur, faisant des liens inter-applications ou inter-sites web, depuis son exposition à une publicité à son potentiel succès et ainsi permettre aux annonceurs de faire des analyses de KPI au sein de leur campagne. L’IDFA permet :

  • Le retargeting : pouvoir cibler les internautes qui ont déjà interagis avec un annonceur.
  • De mesurer les conversions et attribuer à un network les évènements recensés. 
  • De cibler d’audiences pertinentes avec contrôle de la fréquence d’exposition.

Ainsi posé, sans IDFA, la prévision, l’optimisation des coûts et budgets devient compliquée. Refuser le traçage publicitaire signifie que le développeur n’a à sa disposition que les données dites first-party. Apple met à disposition des développeurs, et ce sans demande de consentement, l’IDFV (identifier for vendors) qui lui permet de récolter les données des usages dans l’application. Cet identifiant est différent pour chaque application mais unique par développeur (Par exemple : il sera le même pour Facebook et Instagram tous les deux possédés par Meta). Il y ainsi deux catégories d’utilisateurs, ceux qui ont accepté le traçage (opt-in) et ceux qui ont refusé (opt-out). 

Apple propose tout de même une API pour la remontée des données du nom de SKAdNetwork. Tant les ad network, les apps qui diffusent la pub que celles qui cherchent à se promouvoir doivent s’inscrire auprès d’Apple pour pouvoir utiliser le service. Ce dernier ne peut être aussi précis que posséder l’IDFA (puisqu’il était un lien direct entre l’app et son utilisateur) :  

  • Il ne fait pas la distinction entre les opt-in et opt-out (progressivement les annonceurs n’auront pas le choix que de passer par SKAN)
  • Le nombre de campagnes pouvant être lancé est limitée
  • Il n’y a aucune remontée en dessous d’un certain seuil et elles ne sont pas en temps réel (les premiers chiffres mettent 24 à 48h – le temps de perdre pas mal d’argent).

Cette mise à jour a donc provoqué des changements au sein de l’écosystème puisqu’il est plus difficile et moins rentable de tester ses formats publicitaires. Ceci complique l’optimisation des campagnes et implique une réduction des budgets annonceurs. En effet, les dépenses publicitaires pour les apps mobiles ont diminué de 5% en 2022, les grands perdants seraient Meta et Snapchat, mais il est difficile d’attribuer cette baisse uniquement à l’ATT.

Le prompt obligatoire n’est pas si efficace 

Le choix de l’utilisateur est une variable au sein de l’ATT et les taux d’attribution des IDFA ont augmenté depuis le printemps 2021 (la publicité est-elle l’ennemi?), les développeurs adaptent les messages affichés. Certaines projections étaient pessimistes, allaient chercher un taux d’opt-out de 98%, d’autres se positionnaient plus aux alentours des 50%. Cependant, ces taux sont différents en fonction :

  • des applications : les réseaux sociaux et notamment Facebook dont les polémiques liées à l’usage des données personnelles ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières années accuse des taux d’opt-in les plus bas)
  • des pays (en décembre 2021 la France compte un taux d’opt-in à 55% là où les États-Unis sont à 37%). 

De plus, certaines applications trouvent des moyens pour contourner le système de l’ATT. Nous retrouvons des techniques de suivi de cohorte ou l’identification d’individus de manière probabiliste (technique de fingerprinting : des applications calculent et acceptent un identifiant dérivé de l’empreinte digitale en utilisant un code côté serveur). Nous pouvons penser aussi au studio français Voodoo qui a été condamné par la CNIL en fin d’année dernière pour avoir utilisé l’IDFV à des fins publicitaire ou l’annonce récente de Shopify qui s’allie à Google et Meta dans le cadre d’un partage de leurs données. 

Une conjoncture économique défavorable mais tout de même lucrative

La pandémie a également amené une certaine imprévisibilité dans les dépenses médias. De plus, le gain en popularité de Tiktok met également à mal ces réseaux puisqu’il vient prendre dans le budget marketing des annonceurs. Cependant, les réseaux sociaux mobiles continuent de croître en utilisateurs, ces nouveaux médias prennent leur parts dans les médias traditionnels ainsi que les médias numériques qui ne peuvent que difficilement rester indépendants face aux réglementations sur le respect de la vie privée. 

Toutes les prévisions annonçaient un impact important sur Facebook mais qui en même temps perd en DAU l’année dernière alors qu’il investit massivement dans les technologies liées au métavers. En effet, le manque à gagner de $10 milliard annoncé par le groupe est équivalent aux dépenses qu’il réalise. Cette année, eMarketer prévoit que les annonceurs américains dépenseront 58,11 milliards de dollars en publicités Facebook, soit une hausse de 15 % par rapport à l’année précédente, malgré les modifications apportées à iOS.

L’écosystème publicitaire, terrain de jeu pour les entreprises de la tech ?

Apple qui jusque lors était une entreprise spécialisée dans le hardware, opère – en même temps que la baisse progressive de ses ventes – sa transition vers une entreprises de software et avec son dispositif publicitaire Search Ads au sein de l’Apple Store, vers une part des budgets marketings, précisément gardés par Facebook. Les deux géants de la technologie auraient par ailleurs étés en pourparlers sur un accord de partage des revenus, il était mention d’une éventuelle version de Facebook sans publicité et par abonnement. Apple aurait ainsi considéré les revenus d’abonnements à Facebook comme un achat In-App qui lui aurait rapporté 30% de commission. Quelques temps après le non-aboutissement de ces négociations, Apple propose iOS14.5 et une campagne marketing qui met l’accent sur le respect de la vie privée de ses consommateurs. L’entreprise creuse ainsi son conflit existant avec la coalition d’éditeurs d’applications qui sont contre son pouvoir monopolistique.  

Ainsi, même si le suivi des utilisateurs individuels est plus difficile aujourd’hui, les changements renforcent le pouvoir de marché existant d’Apple (ou d’Amazon qui ne dépend aucunement de données tierces) ayant accès à de grandes quantités de données de première main et motivent un contre-mouvement n’allant pas nécessairement dans le sens du respect des données personnelles.

Alexandra Levigne.

Sources et pour aller plus loin : 

OECD (2013-12-16), “The App Economy”, OECD Digital Economy Papers, No. 230, OECD Publishing, Paris. http://dx.doi.org/10.1787/5k3ttftlv95k-en

APPLEYARD Bryan, « Facebook et Apple : la pomme de discorde », Books, 2021/4 (N° 116), p. 41-45. DOI : 10.3917/books.116.0041. URL : https://www-cairn-info.proxy.bu.dauphine.fr/magazine-books-2021-4-page-41.htm

Konrad Kollnig, Anastasia Shuba, Max Van Kleek, Reuben Binns, Nigel Shadbolt (06-2022), “Goodbye Tracking? Impact of iOS App Tracking Transparency and Privacy Labels". FAccT '22: 2022 ACM Conference on Fairness, Accountability, and TransparencyJune 2022 Pages 508–520https://doi.org/10.1145/3531146.3533116

Rapports sur les opt-in et opt-out : 
Tableau de bord interactif par Appsflyer (consultée le 17/01/23)
Carte interactive des IDFA par remerge (consultée le 24/01/23)
Prévisions des eMarketers (consulté le 24/01/23) 
Prévisions de Flurry (consulté le 24/01/23)
Prévisions par AdAge (consulté le 27/01/23

Prédictions des tendances mobile marketing 2023 par Appsflyer (consulté le 17/01/23)
Rapport par Lotame : IDFA impact on big tech (consulté le 24/01/23)

Condamnations de la CNIl : 
Apple : 
CNIL (04-01-2023), "Identifiant publicitaire : sanction de 8 millions d’euros à l’encontre de APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL"
https://www.cnil.fr/fr/identifiant-publicitaire-sanction-de-8-millions-deuros-lencontre-de-apple-distribution-international (ouvert le 3 Janvier 2023)
Voodoo :
CNIL, (17-01-2023), "Jeux mobiles : la CNIL sanctionne VOODOO à hauteur de 3 millions d’euros"
https://www.cnil.fr/fr/jeux-mobiles-la-cnil-sanctionne-voodoo-hauteur-de-3-millions-deuros (ouvert le 24 Janvier 2023)

Shopify s’allie à Google et Meta : 
Claudia Cohen, (03-01-2023), "Publicité ciblée: Shopify s’allie avec Meta et Google"
https://www.lefigaro.fr/medias/publicite-ciblee-shopify-s-allie-avec-meta-et-google-20230103 (ouvert le 24 Janvier 2023)


Coalition app fairness et France Digitale : 
France Digitale rejoint la Coalition for App Fairness afin de combattre le comportement monopolistique d’Apple
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La fin de l’utilisation des cookies tiers par Google

Y-a t’il des alternatives aux cookies tiers dans le cadre de la publicité en ligne?

Introduction

Les cookies sont des outils de collecte de données largement utilisés par Google. Ils sont des petits fichiers stockés sur l’ordinateur de l’utilisateur lorsqu’il visite un site web et ont différentes fonctions comme stocker l’ID client d’un site de commerce électronique, le contenu actuel du panier, la langue d’affichage de la page web, un ID pour suivre la navigation à des fins de statistiques ou de publicité. (Cnil, 2021)

Il existe deux types de cookies, les interne et les tiers. Les cookies internes ne permettent de suivre l’utilisateur que sur le site web qui les a déposés, tandis que les cookies tiers permettent de suivre le comportement de l’utilisateur sur tous les sites web qui les intègrent. (Cnil, 2021)

Les cookies tiers sont utilisés par les acteurs de la publicité en ligne pour suivre les utilisateurs, collecter ou déduire des informations personnelles et créer des profils détaillés pour cibler des publicités. Ces cookies sont utilisés pour générer des revenus pour les sites web. Cependant, les utilisateurs sont de plus en plus soucieux de leur vie privée. Google a annoncé en 2020 qu’il arrêterait l’utilisation de ces cookies d’ici 2022, mais cette date a été repoussée jusqu’à la fin de 2024. Cela pourrait impacter significativement la façon dont les entreprises ciblent et atteignent leurs publics et pourrait les amener à se tourner vers des méthodes publicitaires traditionnelles plus coûteuses et moins efficaces (AFP, 2022). Google est cependant en train de développer de nouvelles solutions innovantes qui pourraient venir pallier à la fin de l’utilisation des cookies tiers. 

Les cookies tiers ont l’air voués à disparaître, laissant un certain sentiment d’incertitude et d’instabilité chez les spécialistes du marketing digital au sujet du suivi et du ciblage publicitaire. Dès lors on peut se demander comment la fin des cookies tiers va venir impacter le marché de la publicité ? Quelles solutions sont en train d’être développées ?

  1. L’utilisation des cookies tiers dans le secteur de la publicité 

Les données de tiers sont généralement utilisées dans le secteur de la publicité et du marketing pour la publicité ciblée et la segmentation de l’audience. Ces données sont recueillies par des sociétés spécialisées dans la collecte et l’analyse de données et peuvent inclure des informations telles que des données démographiques, des habitudes d’achat et des comportements en ligne. (Cnil) 

Les sociétés de publicité et les spécialistes du marketing utilisent ces données pour mieux connaître leur public cible et créer des campagnes publicitaires plus efficaces et plus ciblées. Par exemple, ils peuvent utiliser ces données pour segmenter leur public en fonction de facteurs tels que l’âge, le sexe, le lieu, le revenu et les intérêts. Cela leur permet de créer des publicités ciblées qui ont plus de chances d’être vues et utilisées par les bonnes personnes. Les données de tiers peuvent être utilisées pour suivre les performances des publicités, surveiller l’engagement du public et optimiser les campagnes. Les données provenant de tiers jouent donc un rôle crucial dans le secteur de la publicité et du marketing en permettant aux entreprises de mieux comprendre leur public cible et de créer des campagnes publicitaires plus efficaces et efficientes.

  1. La fin de l’utilisation des cookies tiers sur google 

La décision de Google de mettre fin à l’utilisation de cookies tiers est motivée par la demande croissante des utilisateurs pour la protection de leurs données personnelles ainsi qu’un contrôle individuel sur la data générée. De plus en plus, les utilisateurs sont sceptiques quant au respect de la vie privée par Google et Facebook. Les premiers signes de changement ont été observés avec la mise en œuvre du règlement général sur la protection des données (RGPD) en 2018 et du règlement ePrivacy 2021, qui imposent des règles de transparence aux entreprises. L’objectif est désormais de donner aux utilisateurs le choix de partager ou non leurs données et de savoir comment elles seront utilisées. Le problème des cookies tiers est qu’ils permettent de récupérer les données des utilisateurs pour les vendre à des fins de publicité ciblée, créant ainsi des profils très ciblés. Ces données sont utilisées massivement et de manière opaque, suscitant la méfiance des utilisateurs. (Raffin, 2022)

Outre les problèmes de confidentialité, les cookies tiers présentent également d’autres problèmes pour les annonceurs, comme des données générales et moins précises accessibles à toutes les entreprises, ainsi que des problèmes de fiabilité des informations. Les annonceurs ne peuvent pas vérifier l’origine, l’ancienneté ou l’exactitude des données, ce qui rend difficile la garantie de la pertinence des campagnes publicitaires pour les utilisateurs. 

  1. Les alternatives développées par google 

Il existe plusieurs technologies différentes qui sont proposées ou en cours de développement pour remplacer les des cookies tiers. Google a annoncé la fin de l’utilisation des cookies tiers en 2024, afin de respecter la vie privée des utilisateurs. Toutefois, cela ne signifie pas la fin de la publicité ciblée. Pour remplacer les cookies tiers, Google a lancé son programme Privacy Sandbox (Raffin, 2022), qui vise à créer des technologies de ciblage alternatives respectant la vie privée des utilisateurs. L’objectif est de collecter les données des utilisateurs de manière sécurisée, puis de les partager avec les annonceurs via une API sécurisée. Les entreprises n’auront donc pas accès aux données trop personnelles. Parmi les alternatives proposées par Google, il y a FLoC (Federated Learning of Cohorts). Il s’agit d’un nouveau mécanisme qui regroupe les utilisateurs ayant des historiques de navigation similaires en segments d’audience, afin que les annonceurs ne puissent pas suivre individuellement la navigation des utilisateurs (Marc Langheinrich, 2021). Cette alternative soulève toutefois des questions quant à la dépendance accrue des annonceurs vis-à-vis de Google et de Facebook, qui détiennent déjà 75 % du marché de la publicité en ligne. FLoC a également été critiqué par les défenseurs de la vie privée, les régulateurs et même d’autres entreprises. Il analyse l’historique complet de navigation des utilisateurs, ce qui représente un volume de données plus important que les cookies tiers qui ne reçoivent que les informations des sites effectivement visités. Il est également intéressant de noter que Google n’a pas déployé de tests FLoC dans l’Union européenne en raison du risque de non-conformité avec le RGPD.

Une autre solution qui pourrait venir remplacer l’utilisation des cookies tiers telle qu’on la connait aujourd’hui serait le Privacy Pass. Ce protocole vise à anonymiser les transactions en ligne tout en protégeant la vie privée de l’utilisateur. Il fonctionne en créant des jetons cryptographiques qui peuvent être utilisés pour vérifier l’identité sans révéler d’informations personnelles sensibles. Les jetons sont stockés sur l’appareil de l’utilisateur et peuvent être utilisés pour remplacer les informations d’identification directe telles que les adresses IP lors de l’accès aux services en ligne. Il vise donc à fournir une méthode sécurisée et privée qui permettrait aux utilisateurs de se connecter à des services en ligne sans révéler leur identité ou leur historique de navigation. (Calme S,2017)

Enfin, une technique qui permet aux sites de suivre l’activité des utilisateurs est l’empreinte de navigateur. Le fonctionnement des sites web modernes nécessite l’exécution de scripts, qui sont des ensembles d’instructions indiquant à notre navigateur ce qu’il doit faire. Ils s’exécutent discrètement en arrière-plan et peuvent détecter toutes sortes d’informations sur votre appareil et votre navigateur (Latto, 2022). L’ensemble de ces informations constitue votre « empreinte digitale ». Cette empreinte digitale peut être utilisée pour vous retrouver sur l’internet et à travers différentes sessions de navigation. Les scripts sont capables de déterminer de nombreuses informations sur l’appareil utilisé : le système d’exploitation, le navigateur, les logiciels installés, le fuseau horaire, la langue utilisée, toutes les extensions de navigateur installées, de nombreux détails techniques sur la carte graphique, les pilotes, etc. L’empreinte digitale du navigateur fournit suffisamment d’informations sur un appareil et ses paramètres pour identifier un utilisateur parmi des millions et des milliards d’appareils sur Internet. En fait, l’empreinte du périphérique peut identifier les utilisateurs avec un taux de précision de 90 à 99 %. (Latto, 2022)

Si google  a repoussé une nouvelle fois l’abolition des cookies tiers à 2024, de nouvelles solutions vont être amenées à emerger pour permettre un ciblage publicitaire pertinent pour les utilisateurs et les annonceurs. Les solutions évoquées sont encore en cours de développement ou ne substituent pas encore les cookies tiers. Dès lors, il est impossible de savoir si ces solutions seront celles qui s’imposeront ou si d’autres solutions feront leur apparition dans les mois à venir. Cependant, il est clair que les entreprises vont devoir se plier à la volonté du grand public d’avoir le contrôle sur la donnée générée. Il y a un réel besoin de transparence et de pédagogie pour trouver des systèmes qui satisferont les besoins de chaque parti. 

Bibliographie 

AFP, L.M.avec (2022) Google présente son Nouveau système destiné à mettre fin aux cookies publicitaires, Le Monde.fr. Le Monde. Available at: https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/01/26/google-presente-son-nouveau-systeme-destine-a-mettre-fin-aux-cookies-publicitaires_6111053_4408996.html (Accessed: January 25, 2023). 

Alternatives Aux Cookies Tiers : Quelles conséquences en matière de consentement ? (2021) Fil d ariane. Available at: https://www.cnil.fr/fr/cookies-et-autres-traceurs/regles/alternatives-aux-cookies-tiers (Accessed: January 26, 2023).

Calme, S (2017) Privacy pass promet de vous permettre de vous authentifier sur un site sans Compromettre Votre Vie Priv, Developpez.com. Available at: https://www.developpez.com/actu/173648/Privacy-Pass-promet-de-vous-permettre-de-vous-authentifier-sur-un-site-sans-compromettre-votre-vie-privee-vers-une-alternative-aux-cookies/#:~:text=L’extension%2C%20Privacy%20Pass%20est,’authentification%20de%20l’utilisateur. (Accessed: January 26, 2023). 

Cnil, cookies et autres traceurs (no date) Fil d ariane. Available at: https://www.cnil.fr/fr/cookies-et-autres-traceurs (Accessed: January 25, 2023). 

Google Présente son nouveau dispositif pour remplacer Les Cookies publicitaires (no date) SudOuest.fr. Available at: https://www.sudouest.fr/culture/medias/google-presente-son-nouveau-dispositif-pour-remplacer-les-cookies-publicitaires-8010668.php (Accessed: January 26, 2023). 

Latto, N. (2022) Qu’est-ce que l’empreinte de navigateur, comment se protéger ? Avast. Available at: https://www.avast.com/fr-fr/c-what-is-browser-fingerprinting (Accessed: January 27, 2023). 

Madern, C. (2022) Penser la publicité Digitale Sans cookies : Un changement Législatif Majeur, plusieurs alternatives et une seule solution ?, Journaldunet.com. JDN. Available at: https://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1512827-penser-la-publicite-digitale-sans-cookies-un-changement-legislatif-majeur-plusieurs-alternatives-et-une-seule-solution/ (Accessed: January 26, 2023). 

Marc Langheinrich ,(2021), To FLoC or Not?. Available at : https://ieeexplore.ieee.org/stamp/stamp.jsp?arnumber=9442736 (Accessed: January 27, 2023).

Raffin, E. (2022) Google repousse la fin des cookies tiers à 2024 : CE qu’il faut savoir, BDM. Available at: https://www.blogdumoderateur.com/google-repousse-fin-cookies-tiers-2024/ (Accessed: January 27, 2023). 

Vallaeys, F. (2022) Floc and the future of audiences: Understanding the limits and capabilities of Floc, Fledge and Turtledove, Search Engine Land. Available at: https://searchengineland.com/floc-and-the-future-of-audiences-understanding-the-limits-and-capabilities-of-floc-fledge-and-turtledove-350420 (Accessed: January 27, 2023). 

Tom Bourgeois

SVOD, quels seront les acteurs de demain ?

Le marché de la SVOD s’apparente à un oligopole à frange concurrentielle, comme pour beaucoup d’acteurs des industries culturelles. On retrouve quelques géants qui accaparent la majorité du marché alors qu’une quantité de petits acteurs se partage une part de marché très réduite. 

Au rang de leaders mondiaux, on retrouve évidemment Netflix et ses quelques 230 millions d’abonnés révélés avec le rapport financier du dernier trimestre de l’année 2022, devant Amazon Prime et Disney+. Toutefois, c’est bien Walt Disney Company qui s’impose en tant que leader si l’on comptabilise les abonnés de ses 3 plateformes : Hulu, Disney+ et ESPN+.

Mais dans cet environnement ultra-concurrentiel et dynamique, quels seront les vrais leaders d’aujourd’hui et surtout, quels seront ceux de demain ?

Les États-Unis sont souvent utilisés comme point de comparaison afin de prévoir les tendances de marché. Les industries culturelles n’échappent pas à ce constat et l’économie de la SVOD non plus. En effet, bien que le déploiement et l’adoption de la SVOD soit un phénomène mondial, les différents marchés géographiques n’affichent pas tous la même maturité.

Étude du cabinet Parks Associates parue en 2022

Les plateformes de SVOD américaines, hégémoniques dans le monde, s’appuient toutes plus ou moins sur des studios de production, préexistants ou non, mais surtout sur des majors et/ou des activités parallèles comme les GAFAM Amazon et Apple, que d’autres tentent de compenser avec le déploiement d’une offre publicitaire. 

Prime semble tenter de concurrencer tous les acteurs en capitalisant sur son propre studio, à la manière d’Apple et de Netflix, ainsi qu’à l’aide d’une major historique rachetée l’année passée, MGM (et sa plateforme, MGM+, ex-EPIX). Une stratégie qui semble porter ses fruits puisque le géant se positionne à présent en tant que leader sur le marché américain en termes d’abonnements et de streams. 

Netflix, dans la lumière l’année passé face à sa chute d’abonnés, demeure néanmoins une marque importante et plébiscité dans le monde, notamment chez les jeunes et aux États-Unis. Les enjeux pour le géant semblent résider dans sa capacité à générer de la valeur face à des concurrents supportés par de grands groupes puissants auxquels il a répondu avec le déploiement d’une offre publicitaire.

Face à ces acteurs, Walt Disney s’impose également un peu plus grâce à sa franchise incontournable mais surtout ses trois plateformes distinctes (Disney+, ESPN+, Hulu) qui lui permettent en cumulé de s’imposer devant Netflix dans la course aux abonnés. Une véritable solution pour le groupe qui lui permet également de lutter contre la volatilité des jeunes abonnés, tout en leurs proposant une offre publicitaire sur ses plateformes Disney et Hulu qui disposent d’un bon taux de pénétration auprès des jeunes. 

Autre membre des GAFAM, Apple et sa plateforme AppleTV+ affiche de bons résultats mais ne s’appuie ni sur des studios extérieurs au sien (malgré sa tentative d’achat de la société de production en vogue A24, en 2021 selon Variety) ni sur un modèle de publicité. Le géant du numérique, à la manière d’Amazon, peut néanmoins compter sur son importante activité de vente de terminaux audiovisuels, lui procurant un certain avantage de par sa présence sur la fin de la chaîne de valeur de l’audiovisuel. 

Paramount+ semble également se positionner de manière intéressante dans cette course avec un modèle sans publicité pour le moment, à la manière d’Apple et Prime. Cet acteur dispose également de gros moyens financiers, d’une diversité et d’une innovation au sein de ses activités (lancement de la FAST FuboTv) au sein d’un groupe possédant à la fois un studio et des salles de cinéma via sa maison mère, National Amusement. 

Autre gros acteur américain, HBO max, plateforme de Warner-Discovery, depuis leur fusion l’année passée, s’appuie à la fois sur une major de l’industrie et sur une offre publicitaire avec des contenus plébiscités dans l’industrie, réelle valeur ajoutée créative. Tout comme Peacock (la plateforme du groupe NBC-Comcast qui inclut notamment Universal studio et ses filiales telles que DreamWorks et Illumination Pictures) et Lionsgate+ (la plateforme du groupe et studio américano-canadien éponyme) qui fonctionnent selon le même modèle. 

Enfin Youtube TV, également plébiscité chez les jeunes américains de la GenZ, donne un indice sur les futures tendances. La plateforme de Google, positionnée sur un contenu très différent, n’en demeure pas moins annonciatrice de changements plus profonds dans la consommation de contenus, nous orientant aussi vers la future place des réseaux sociaux dans l’économie du contenu ou des FAST, en pleine essor grâce aux TV connectées.

Le marché de la SVOD aux États-unis étant aujourd’hui considéré comme saturé, certaines tendances pourraient néanmoins continuer d’apparaître et bouleverser d’autres marchés géographiques.

Que peut-on en déduire pour la France, l’Europe et le reste du monde ? 

La France


Le marché français de la SVOD, bien qu’ayant une maturité moindre par rapport au marché américain devient de plus en plus difficile à pénétrer. On retrouve, d’après JustWatch, les géants Netflix, Prime, Disney+ et, à moindre mesure, Apple TV ainsi que l’acteur local Canal+ qui renforce son marché avec le rachat récent d’OCS, illustrant l’échec des télécoms à s’imposer dans ce secteur. Salto, acteur du secteur a quant à lui définitivement quitté le marché, ne parvenant pas à faire briller l’alliance des chaînes TV des groupes Bouygues et RTL. 

Le marché reste cependant mouvant dans ce secteur comme l’illustre le départ et le rachat évoqué ci-dessus. On note également l’arrivée express de Lionsgate+, déjà disparu de nos écrans tandis que Paramount+ a fait son grand lancement français fin 2022. HBOmax a décidé d’amorcer une arrivée en douceur sur le marché via un partenariat avec Prime video qui diffusera les contenus de la plateforme avec son offre Pass Warner dès le mois de mars prochain dans l’attente d’un potentiel lancement de manière indépendante pour l’année prochaine.

Face à ces nouveaux arrivants, Canal + semble tout de même en posture de consolider sa position. L’entreprise dispose en effet de son propre studio, porté par le groupe Vivendi, actif dans la presse (Prisma), la publicité (Havas), l’édition (Lagardère, Éditis) et plus récemment le jeu vidéo (Gameloft). 

Reste toutefois des acteurs minoritaires tels que Mubi, SOFAVOD, La cinetek, Universcine ou FilmoTV (disponible via des offres de FAI) qui s’installent avec des offres de niche moins large à destination des cinéphiles. 

Europe, Asie, Afrique

En dehors de la France et des États-Unis, les leaders du marché demeurent sensiblement les mêmes. Cependant, certaines plateformes telles que, DAZN, le “netflix du sport”, Showmax, la plateforme Sud-Africaine qui se classe en 3e position sur l’ensemble du continent Africain selon une étude de digital TV research ou encore Jio en Inde (avec Jio TV et Jio Cinema) tentent de se faire une place.  

En somme

L’hégémonie américaine tend à se renforcer, s’implantant de manière autonome à l’aide d’acteurs américains déjà implantés ou via la collaboration ou la création de coentreprises avec des acteurs locaux. On peut continuer de s’interroger sur l’avenir de Sony dans cet écosystème. Bien ancré dans différents secteurs tels que celui du jeu vidéo, Sony incarne la dernière major américaine n’ayant pas encore éclos sur le marché de la SVOD, bien qu’elle propose une offre très limitée et Premium, Bravia Core.

Concernant le modèle économique, seuls Prime, Paramount et Apple ne proposent pas d’offre moyennant de la publicité. On peut supposer qu’elles y parviendront également progressivement. Cette alternative offrant à la fois un revenu complémentaire et une cible intéressante dans l’ère actuelle du phénomène de « churn and return », bien connu de la genZ et des millenials. 

Les différences culturelles persistantes dans le monde peuvent toutefois représenter une opportunité d’émergence pour des acteurs non-américains qui pourraient s’allier avec ces derniers. Enfin, l’indépendance dans ce secteur semble s’avérer de plus en plus complexe, destinée à viser un marché de niche, plus petit, dans une économie de la SVOD elle-même en concurrence avec des social medias et notamment Youtube. La qualité des contenus et la “découvrabilité” de ces derniers n’en seront que de plus en plus importantes dans les années à venir. 

Hannah Roux-Brion

Sources :

Stéphane Loignon (2023). Amazon Prime Video s’allie avec Warner pour diffuser les séries HBO en France [en ligne] Disponible via : https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/amazon-prime-video-sallie-avec-warner-pour-diffuser-les-series-hbo-en-france-1896640

Pascal Lechevallier (2022). “Churn and Return” : menaces sur la SVOD. [en ligne] Disponible via : https://www.zdnet.fr/blogs/digital-home-revolution/churn-and-return-menaces-sur-la-svod-39939775.htm

Influecia avec NPA (2022). Après la TV, les 15/24 ans désertent déjà la SVoD [en ligne] Disponible via : https://www.influencia.net/apres-la-tv-les-15-24-ans-desertent-deja-la-svod/ 

Influencia avec NPA (2022). SVOD, découvrabilité des programmes [en ligne] Disponible via : https://www.influencia.net/coupe-du-monde-de-rugby-le-signal-dalerte-lance-par-tf1-m6-et-france-televisions/

Héloïse Décarre (2023). Guerre du streaming : l’âge d’or des plateformes de SVOD est-il vraiment derrière nous ? [en ligne] Disponible via : https://leclaireur.fnac.com/article/222486-guerre-du-streaming-lage-dor-des-plateformes-de-svod-est-il-vraiment-derriere-nous/

Hrowitz research (2022). Study Reveals Differences in Media Behaviors Between Older and Younger Gen Z Consumers, With TV Becoming Increasingly Relevant as the Cohort Matures [en ligne] Disponible via  : https://www.horowitzresearch.com/all/study-reveals-differences-in-media-behaviors-between-older-and-younger-gen-z-consumers-with-tv-becoming-increasingly-relevant-as-the-cohort-matures/

Deloitte (2022). 2022 Digital media trends, 16th edition: Toward the metaverse. [en ligne] Disponible via : https://www2.deloitte.com/xe/en/insights/industry/technology/digital-media-trends-consumption-habits-survey/summary.html

Digital TV research (2021).  Africa SVOD subscriptions to triple [en ligne] Disponible via : https://digitaltvresearch.com/wp-content/uploads/2021/08/Africa-SVOD-Forecasts-2022-TOC.pdf

Statista (2021). Share of consumers who subscribed to selected video streaming services in India as of May 2021 [en ligne] Disponible via : https://www-statista-com.proxy.bu.dauphine.fr/statistics/684108/india-popular-video-streaming-services/

Le phénomène Emily in Paris : entre placement de produit et publicité native.

Depuis le 2 octobre 2020, la folie “Emily in Paris” ne cesse d’accroître. En effet, depuis 3 saisons, la série de Darren Star produite par Netflix enchaîne les records de visionnage. La dernière saison mise en ligne par la plateforme de SVOD américaine a cumulé 177 millions d’heures de visionnage en seulement 5 jours.

Mais le phénomène Emily in Paris ne se lit pas seulement à travers le prisme des audiences. En effet, la série est aussi largement connue pour son impact publicitaire.  Depuis le lancement de la première saison, nous remarquons qu’après la diffusion des épisodes, des pics de recherche des mots-clés liés à la série sont enregistrés par les moteurs de recherche mais pas seulement, certains objets et notamment des vêtements et accessoires voient leurs ventes exploser. 

Mais ce phénomène est-il délibérément initié par les producteurs de la série ?  Et à qui bénéficie le plus son succès ?

L’impact publicitaire d’Emily in Paris est notamment dû à la très efficace utilisation du placement de produit. 

Le placement de produit est une technique marketing qui consiste à inclure des produits et/ou des marques dans différents types de programmes audiovisuels (films, séries, émissions de flux) dans le but de le promouvoir.

Bien sûr en France, ce système de promotion est très réglementé. Le placement de produit audiovisuel est autorisé en France depuis de nombreuses années. Cependant, il a été encadré par la loi en 2009 et réglementé par l‘Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) et par la Commission de Contrôle des Programmes (CCP). Il doit notamment être clairement identifié, ne pas être trompeur, ne doit pas porter atteinte aux valeurs de la société, ni aux mineurs et ne doit pas concerner alcool, tabac ou produit illicite.

Le placement de produit est donc un moyen pour les annonceurs de promouvoir leurs produits ou services d’une manière qui se différencie de la publicité traditionnelle. Le placement de produit peut être assimilé au Native advertising. C’est-à-dire le fait d’intégrer des annonces publicitaires de manière à ce qu’elles ressemblent à du contenu éditorial normal de sorte qu’elles ne soient pas immédiatement identifiées comme une publicité par les utilisateurs. 

La native publicité est considérée comme plus efficace car moins dérangeante pour les utilisateurs. Elle minimise la sensation de gêne que peut provoquer la publicité traditionnelle. 

De plus, la publicité native est souvent plus pertinente car mieux ciblée. 

Le placement de produit, quand il est bien réalisé, est la forme de publicité native la plus poussée et efficace. 

La série Emily in Paris est l’un des meilleurs exemples de l’utilisation du placement de produit et de son efficacité.

L’un des exemples le plus parlant de publicité native via le placement de produit dans la série, est lié au premier épisode de la saison 3. Dans cette épisode Emily Cooper, l’héroïne, employée d’une agence marketing de luxe doit promouvoir la célèbre chaîne de fast-food américaine Mcdonald’s

Quoi de mieux que d’utiliser un véritable Mcdonald’s parisien et des véritables produits Mcdonald’s France pour l’épisode. La placement de produit pour l’entreprise américaine est totalement imbriqué au scénario. Et la collaboration entre Mcdonald’s et la série ne va pas rester fictionnelle. En effet, la chaîne de restauration rapide va proposer à la vente le menu “créées” par Emily Cooper dans la série. 

La publicité fonctionne ici dans les deux sens. La marque est intégrée dans le média d’un côté via le scénario et de l’autre côté la marque intègre la série directement dans ses produits via une collaboration.

La barrière entre le média et le retail s’est donc estompée, média et retail se sont mélangés pour tirer le meilleur des deux parties.

Le placement produit de McDonald’s n’est pas le seul, dans la série et selon le même principe nous retrouvons de nombreuses marques comme Edgard & Cooper ou encore McLaren.

Mais l’impact de la série est encore plus important. En effet, l’influence d’Emily Cooper va encore plus loin et booster les ventes et la popularité de marque n’ayant pas financée leur présence à l’écran. 

Exemple, le sac à main modèle Scoubidou de la marque française Carel a connu une augmentation exponentielle de vente suite à la séquence où l’héroïne porte le sac. Bien sûr , la marque française n’est pas passée à côté de ce regain de publicité gratuite et a même ajouté sur son site une mention précisant qu’il s’agit bien sûr du sac présent dans la série. 

Carel n’est pas la seule marque à bénéficier de l’impact médiatique de la série. Courrèges a vu les requêtes de recherche pour une certaine jupe augmenter de 194% jusqu’à 342% de hausse pour la marque de bob Kangol. 

La mode n’est pas la seule bénéficiaire de l’effet Emily mania. La ville de Paris en profite aussi et notamment son immobilier.  En effet, depuis le lancement de la série et selon un expert de l’immobilier britannique, les recherches internet pour déménager à Paris ont augmenté de 1 416%  une semaine après le lancement de la saison 3. 

Mais pourquoi le placement de produit à la sauce Emily in Paris, ça fonctionne autant ? 

L’atout du placement de produit, c’est de proposer un placement pensé sur mesure pour la série qui va parfaitement s’intégrer dans cette dernière, sans la dénaturer et faire partie du scénario. Le spectateur ne se sent pas dérangé par la publicité, elle ne lui provoque pas de situation d’inconfort visuel ou auditif.

C’est aussi de la publicité très souvent ciblée. Effectivement, le public choisit de regarder cette série là et donc il est sensible aux thèmes qui y sont abordés ou à l’esthétisme de l’univers. 

De plus, la cible est aussi très intéressante, surtout pour les séries ou films qui sont créés et ou diffusés par les plateformes, car cela permet d’atteindre une cible qui délaisse les médias traditionnels, les 25-35, une cible qui est aussi très peu réceptive à la publicité traditionnelle. 

Cela permet aussi de couvrir une zone géographique extrêmement large. Par exemple, une série originale Netflix comme Emily in Paris est présente dans plus de 190 pays, ce qui fait autant de pays couverts par le placement de produit. 

Le placement de produit est donc un réel atout pour les marques et elles l’ont bien compris. En effet, le marché du placement de produit équivaut à 10-20 millions annuels. On peut compter en moyenne entre 10 000 et  15 000 euros pour une séquence avec un logo visible. 

Mais pour des séries comme Emily in Paris, il faut compter plusieurs centaines de milliers d’euros pour y apparaître. Les sommes sont tellement conséquentes que la série pourrait être totalement financée par les placements de produits. 

Le placement de produit à la sauce native advertising semble être la parfaite balance entre l’omniprésence de la publicité et la multiplication de la proposition audiovisuelle, tout en répondant à la problématique de la baisse de l’impact de la publicité via les médias traditionnels et du digital. 

Fiona Gouze

 Sources : 

Articles internet : 

  • Baëza J. (2023,12 janvier) Qu’apporte «Emily in Paris» à Paris ?. Slate 

Consulté le 21 janvier 2023.  Lien : https://www.ozap.com/actu/audience-netflix-emily-in-paris-demarre-en-trombe-et-renverse-mercredi/625757

  • Dahmani S. (2022, 5 avril) Le placement de produit dans les films et les séries. Hubspot. 

Consulté le 22 janvier 2023. Lien : https://blog.hubspot.fr/marketing/placement-produit-films-series 

  • Etancelin V. (2022, 12 décembre) « Emily in Paris » veut influencer votre manière de vous habiller. HuffPost. 

Consulté le 21 janvier 2023. Lien : https://www.huffingtonpost.fr/culture/video/emily-in-paris-veut-influencer-votre-maniere-de-vous-habiller_190329.html 

  • Krehl M. (2022, 15 décembre) Mode : le juteux business d’« Emily in Paris ». Les Echos 

Consulté le 22 janvier 2023. Lien : https://www.lesechos.fr/weekend/business-story/mode-le-juteux-business-d-emily-in-paris-1889642

  • Le Borgne J. (2022, 23 décembre)  « Emily in Paris » (Netflix) : la série donne envie aux Anglais de venir vivre à Paris. RTL

Consulté le 21 janvier 2023. Lien : https://www.rtl.fr/actu/economie-consommation/emily-in-paris-netflix-la-serie-donne-envie-aux-anglais-de-venir-vivre-a-paris-7900217828 

  • Métogo I. (2022, 23 juin) L’état des médias dans le monde : crédibilité, manque de ressources et déclin de la publicité. France Info. 

Consulté le 22 janvier 2023. Lien : https://www.meta-media.fr/2022/06/23/letat-des-medias-dans-le-monde-credibilite-manque-de-ressources-et-declin-de-la-publicite.html 

  • Vives E. (2022, 22 décembre) “McDonald’s s’incruste dans la série Netflix Emily in Paris !”. J’ai un pote dans la com ! 

Consulté le 19 janvier 2022. Lien : https://jai-un-pote-dans-la.com/mcdonalds-incruste-serie-netflix-emily-in-paris/ 

Podcast : 

Fay P. (2023, Janvier) Emily in Paris, le filon de la mode, La Story par Les Echos. 

Snapchat Shows : de nouvelles opportunités publicitaires ?

Apparus en novembre 2018, les « shows » sont des programmes vidéo quotidiens ou hebdomadaires que l’on peut retrouver dans l’onglet Discover de Snapchat. D’une durée comprise entre 3 et 7 minutes, ils combinent la volonté de proposer du contenu plus scénarisé tout en participant à la tendance des formats courts. Les annonceurs étant de plus en plus friands de la publicité sur les réseaux sociaux, quels sont les arguments de Snapchat pour les convaincre ?

Les shows au coeur du Discover

Format vertical s’imbriquant dans une série composée plusieurs épisodes, les shows Snapchat sont proposés par des éditeurs et abordent plusieurs sujets : actualité, société, cuisine, sport ou encore beauté. Contrairement aux éditions publishers également présents dans le Discover, les shows ne disparaissent pas après 24h. Proposés exclusivement par une cinquantaine de partenaires media sélectionnés par Snapchat, ils ne sont donc pas (encore) accessibles en termes de production au grand public, ni aux autres créateurs de contenu.

Les partenaires éditoriaux de Snapchat, dans la rubrique Discover

Chaque show est scénarisé, planifié en termes de fréquence et d’audience par l’éditeur, et ensuite validé par le réseau social. Il de se focaliser sur un thème ou un angle, moins développé dans les éditions publishers. Par exemple, « Témoignage » par Cosmopolitan propose chaque semaine un épisode de 300 secondes d’une prise de parole face relatant tabous persistants dans la société (troubles psychiatriques, violences, handicap etc.).

Avec une durée de quelques minutes, les éditeurs (et Snapchat) ont la volonté de créer de nouveaux rendez-vous, afin de créer de la fidélité et augmenter le temps passé sur l’application. Avec des formats courts, ils ont la volonté de séduire les générations, notamment habituées à la courte durée des Tiktoks et des Reels Instagram. La proposition par série permet donc d’installer un réel storytelling et de préserver l’attention de l’utilisateur, avec comme objectif à long terme de développer des fictions ou des mini-séries.

Un reach potentiel non négligeable

Si la motivation des éditeurs réside dans le fait d’informer leur audience, le reach potentiel de la plateforme demeure un très bon argument de vente auprès des annonceurs. En effet, selon Médiamétrie, en janvier 2022 en France, Snapchat comptait 25,2M de visiteurs uniques (+26% par rapport à 2020), et 18,1M par jour (+32% par rapport à 2020). Son score journalier le classe 5e des marques les plus visitées sur internet, derrière Google, Facebook, Youtube et WhatsApp. L’application dépasse Instagram de plus de 3M de visiteurs uniques journaliers alors qu’Instagram compte 10M de visiteurs mensuels de plus au niveau mensuel. Une preuve d’engagement pour Snapchat : un utilisateur est plus susceptible d’ouvrir Snapchat une fois par jour plutôt qu’Instagram.

Cette progression des visiteurs uniques va de pair avec les utilisateurs actifs quotidiens (DAU), qui sont près de 16,6 millions en France et 82 millions en Europe. La diffusion des campagnes publicitaires a ainsi de grandes chances d’atteindre un niveau d’impressions satisfaisant. Le potentiel d’audience de la plateforme est significatif, sachant que le temps moyen/jour d’un utilisateur Snapchat est de 49 minutes, et plus d’une heure pour les utilisateurs entre 15 et 24 ans, le faisant réseau social le plus important en termes de temps d’utilisation. Dans le cas des shows, il faut compter 2 publicités pour 5 minutes de format. Avec un plus grand temps passé pour l’utilisateur, un plus grand nombre d’affichage de publicités est possible.

PureBreak, éditeur géré par Webedia, compte en avril 2020 3,8M de visiteurs uniques. Ses trois shows, « Match ou Next », « Off Screen » et « L’interro Surprise » atteignent une audience de 2,6 millions de spectateurs uniques en moyenne sur la plateforme. Si les annonceurs peuvent craindre une audience trop jeune (spectateurs non-décisionnaires d’achats), Snapchat a récemment diffusé ses audiences, en affichant que 14,9% des audiences touchés par la publicité sont mineurs. Si ce n’est un engagement de transaction, les annonceurs peuvent organiser des campagnes avec pour objectif de la notoriété ou du branding.

Age de l’audience de Snapchat en France, par DataMind, basé sur les rapports de Snap Ads Manager

Des formats publicitaires spécifiques

Avec 2 coupures publicitaires pour 5 minutes de contenu, les annonceurs ont de quoi se positionner sur la plateforme.


Les formats publicitaires sur Snapchat, © Snap Inc

  • Les Snap Ads. GIF animé ou vidéo, cette publicité intervient entre les Snaps présents dans le Discover. Agrémenté d’un CTA (Call To Action) tel que « Voir », « Jouer », « Acheter » ou encore « S’inscrire », ce format permet de générer du traffic ou d’augmenter les téléchargements d’une application, mais aussi d’améliorer le taux de conversion. Bien que les normes de Snapchat acceptent les publicités jusqu’à 3 minutes (idéales pour les teasers ou bandes annonces), le format recommandé est de 3 à 5 secondes, afin de maximiser l’attention de l’utilisateur.
Exemple : Snap Ad de Krys

  • Les Snaps Commercials. Ce format publicitaire est considéré comme premium, car non-skippable pendant 6 secondes, en plein écran et avec le son activité automatiquement. Les annonceurs peuvent décider du placement de leur publicité, avec une réservation de l’emplacement dans le contenu éditorial des shows. Cela leur permet d’obtenir une meilleure mémorisation du message par un meilleur taux de complétion vidéo. Snapchat a communiqué la campagne exclusive de Coca Cola Light Taste, qui a été diffusée exclusivement sur Snapchat pour en mesurer la réelle efficacité. Résultat : taux de complétion moyen de 80%, mémorisation publicitaire de plus de 18 points et augmentation des ventes de 3,6%.

  • Les Collection Ads. Composé d’un carrousel d’images et/ou de vidéos, ce format est utilisé surtout dans un but de conversion pour le e-commerce. Il apparaît entre le visionnage de deux stories, et dans le cas des shows, entre deux épisodes.

  • Les Story Ads. Ces annonces viennent se mélanger aux éditions publishers et aux shows dans le discover. Comme si ces publicités étaient des émissions/contenus à part entière, elles ne s’activent que si les utilisateurs cliquent dessus.

  • Les Dynamics Ads. Ces annonces permettent de mettre en avant des publicités directement avec le catalogue produit de l’annonceur, avec un ciblage et une sélection automatique.

  • La native/partenariat éditorial. Non-gérable directement par Snap Ad Manager, ce format consiste à faire la promotion d’un produit/d’une marque à travers le journaliste qui présente le Show. Les annonceurs passent alors directement par la rédaction de l’éditeur, ce partenariat sera néanmoins toujours validé par Snapchat, car eux-seuls valident scénarios et contenus avant la diffusion.

En ce qui concerne le prix, le réseau social propose deux options : un budget quotidien (minimum de 5€) ou un budget global sur une période définie. Snapchat met à disposition, pour les annonceurs préférant collaborer directement avec leur régie publicitaire et non avec celles des éditeurs, des prévisions d’affichage et du nombre de « Swipe-Up ». Snapchat peut ainsi vendre des emplacements au sein des contenus éditoriaux et entre les épisodes des Shows des éditeurs, en leur partageant 50% des revenus. Cependant, toutes les données récoltées auprès des segments d’audience des publicités vendues par Snapchat leurs sont réservées, et les éditeurs ne peuvent y avoir accès. Du côté des régies publicitaires des éditeurs, les tarifications des formats varient entre 8 et 12€ de CPM (Coût Par Mille).

Pourquoi Snapchat ?

Tout comme ses concurrents, Snapchat propose un ciblage data précis, qui permet de viser des secteurs démographiques, des intérêts ou encore la localisation de ses utilisateurs. A l’instar de Facebook, il propose également des audiences personnalisées qui permettent de créer des Lookalikes, pour cibler des utilisateurs similaires aux clients actuels de l’annonceur. Les différents formats laissent libres les annonceurs pour exprimer leurs créativités, tout comme optimise le temps de ceux qui souhaitent réaliser les campagnes les plus simples possibles (GIF d’images par exemple). Moins populaire auprès des annonceurs, comme Facebook Ad Manager avec Instagram, la concurrence peut également être plus faible sur Snapchat. Argument de taille, l’écosystème éditorial fermé du Discover, avec seulement des partenaires médias, protège des fakes news. En contrôlant le contenu éditorial, Snapchat s’assure d’avoir un environnement sain pour ses annonceurs au sein du Discover. Par ailleurs, Snapchat possède des règles publicitaires assez strictes, avec un encadrement autour des sujets sensibles pour les annonceurs comme pour le public, avec notamment les sites de rencontre, l’alcool, les traitements minceurs, la chirurgie esthétique, les jeux d’argents ou encore les produits financiers.

Cependant, Snapchat possède des contraintes non négligeables. Par exemple, le format vertical, avec très peu de largeur peut contraindre les annonceurs qui ont l’habitude de promouvoir avec des formats horizontaux. En ayant moins d’offres publicitaires pour des normes plus strictes que ses homologues, Snapchat a également des contraintes en termes de possibilités pour les plus petits annonceurs, n’ayant pas nécessairement le budget.

Snapchat est en test pour un nouveau modèle de contenu, les Dynamic Stories, permettant aux articles d’un site de remonter directement en story dans le flux de Discover, avec en swipe up l’accès au site de l’éditeur. Deux problématiques inhérentes à cette démarche : quels seront les impacts sur les formats publicitaires des articles sur les sites, et quid de la présence exclusive des éditeurs partenaires sur le Discover.

Alice Joie

Sitographie

Publicité pour les jeux d’argent en ligne, dérives et modernisation

Source : Sud Ouest

La nocivité des jeux d’argent et leur caractère addictif n’est plus à prouver. Récemment, le phénomène a pris une nouvelle ampleur avec le ciblage des jeunes publics et une forte utilisation des paris en ligne lors de la Coupe d’Europe de Football 2020.

En 2017, une étude menée par l’OFDT (Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies) révélait que 38,9% des jeunes de 17 ans avait déjà joué à un jeu d’argent, et 47,1% des jeunes garçons interrogés. Le jeu d’argent le plus prisé ? le grattage et juste après, les paris sportifs, par près de 44% des joueurs. Le fait le plus inquiétant avec les paris, particulièrement chez ces jeunes joueurs, est indéniablement la fréquence. Le pourcentage de jeune de 17 ans qui déclare jouer régulièrement aux paris sportifs (plus d’une fois par mois) est de 57% contre un quart pour les joueurs réguliers de grattage selon cette même étude de l’OFDT.

En 2010, la FDJ (Française des Jeux) perd le monopole sur les paris sportifs. Ainsi, on a une multiplication des acteurs mettant en œuvre de nouvelles techniques marketing.

Et ce phénomène ne se limite pas aux paris sportifs. Le dernier rapport annuel de l’ANJ (Autorité Nationale des Jeux) montre qu’entre 2019 et 2020, le nombre de joueurs réguliers de poker en ligne est passé de 1,2 millions à 1,85 millions, soit une hausse de 53%.

Une raison de cette ruée récente vers les jeux d’argent en ligne ? La publicité y est pour quelque chose. Entre 2019 et 2021, le budget publicitaire alloué par les plateformes de jeu d’argent et de hasard a augmenté de 26%. De plus, les méthodes ont évolué pour s’inscrire encore plus dans les usages et toucher particulièrement les jeunes, même mineurs, ne pouvant pas légalement jouer aux jeux d’argent et de hasard.

Le marketing pour les jeux d’argent en ligne

Cette forte croissance du nombre de joueurs est en lien avec les stratégies marketing des plateformes de jeux d’argent. Celles-ci visent à banaliser le jeu et les risques associés et à rendre plus présent dans la sphère médiatique leurs produits. La finalité de cette stratégie est d’attirer de jeunes joueurs sur leurs services.

  • La banalisation des jeux d’argents

Le jour de la fête des mères en 2021, à moins d’un mois de l’Euro 2021, Winamax diffuse son dernier clip publicitaire avec comme catchphrase : Tout pour la daronne.

L’histoire ? Un jeune homme gagne son pari et protège sa mère de tout risque financier en l’envoyant en ascenseur jusqu’à un avion en classe affaire, gravissant l’échelle sociale.

Le message ? Si vous ne le faites pas pour vous, faîtes-le pour elle.

Le but de cette campagne est de montrer le pari sportif comme une activité récréative, pouvant rapporter beaucoup d’argent et gravir l’échelle sociale.

La pub Le nouveau Roi présente le pari sportif comme un moyen d’acquérir reconnaissance et respect de ses pairs. Ce dernier point est encore plus marqué par l’actuel slogan de la plateforme : Grosse côte, gros gain, gros respect. Cette anaphore omet simplement un ingrédient essentiel du pari sportif : la mise d’argent.

Autre aspect mis en avant par la publicité pour les paris sportifs ? l’intensité que procure le fait de parier. C’est le message de la campagne publicitaire de Betclic : Bascule dans le game. Le pari n’est plus alors vu comme un moyen de remporter un peu d’argent mais comme l’ingrédient essentiel pour mieux apprécier le sport.

  • Une modernisation des moyens de communication

En plus de ces campagnes banalisant le jeu d’argent, les acteurs de ce secteur développent leurs stratégies de communication et les moyens de diffusion de leurs messages. Cela passe notamment par une stratégie de marketing d’influence.

On trouve de plus en plus de parieurs sur les réseaux sociaux. Les plateformes de jeux d’argent ont bien l’intention de se servir de leur notoriété.

Comment ? En proposant des partenariats, espérant qu’ils pourront ramener leurs audiences sur leurs services en ligne. Mohammed HENNI est certainement le plus connu des influenceurs traitant des paris en ligne. Tous les week-end, il parie sur la victoire de l’Olympique de Marseille, et publie une vidéo après le match. En cas de défaite, il casse sa télévision, pour le plus grand plaisir de ses spectateurs.

Il est ainsi souvent invité à commenter des matchs en direct sur la chaîne YouTube de Winamax. Pas besoin d’images de la rencontre, la spontanéité de l’influenceur suffit. Et le grand intérêt de cette émission pour le bookmaker est de mettre en avant les dernières côtes de paris suivant le cours du jeu.

Source : Winamax

Les paris sportifs ne sont pas le seul secteur sur lesquels les plateformes de jeu d’argent essayent de s’étendre en utilisant l’image d’influenceurs. Sur la plateforme Winamax, les participants de l’émission Les Marseillais, influenceurs parmi les influenceurs, ont leur propre tournois : Le Sud VS le Reste du monde. Le principe est simple, pour chaque mouvement significatif au poker tel que, se mettre à tapis, un son significatif est lancé. L’image visuelle est aussi travaillée pour ces tournois et des participants iconiques de l’émission sont régulièrement présents sur ce tournoi.

Source : Winamax

Un autre exemple est le tournoi La fièvre, reprenant le titre de la chanson du groupe NTM dont fait partie Kool Shen, également joueur professionnel de poker. Voici un extrait audio que l’on peut trouver si l’on touche une quinte flush, la meilleure main au poker !

https://s3-eu-west-1.amazonaws.com/sharing-folder/ClubPoker/sounds/fever_audio_mp3_common_1.mp3
Source : Winamax

Et enfin, les rooms de poker (plateforme de poker, Winamax/Unibet/Betclic…) font de plus en plus de partenariats avec des YouTubeurs et Streamers de la scène Twitch française. C’est notamment ce qu’on a pu voir récemment avec des tournois organisés par Pokerstars ou encore PMU.fr rassemblant Gotaga, Doigby ou encore Domingo. Ce type de partenariat vise particulièrement le jeune public de ces célébrités d’internet. L’objectif est le même : banaliser les jeux d’argent et ramener de nouveaux utilisateurs grâce à de nouveaux canaux de communication.

Ici l’exemple de l’offre en suivant un lien sous la vidéo d’un tournoi organisé par le streamer Xari en partenariat avec Winamax :

Source : https://www.xari.fr/winamax

Ce lien d’affiliation permet à Winamax d’évaluer la pénétration de ce mode de communication commerciale. Cela permet également de rémunérer le créateur Xari grâce à des objectifs de résultats, en fonction du nombre de personnes ayant suivi le lien.

Un cadre règlementaire qui pourrait être renforcé

La règlementation concernant la publicité pour les jeux d’argent est sous la forme de recommandations établies dans le Code de l’ARPP.

Celle-ci prévoit que le jeu d’argent doit être clairement identifié comme tel et que la publicité se doit d’être loyale et véridique. Par ailleurs concernant les mineurs, la communication pour des jeux d’argent ne doit en aucun cas les viser. Cela signifie qu’il ne faut pas que la communication pour des jeux d’argent utilise des éléments la rendant spécifiquement attractive pour les mineurs. De plus, les jeux d’argent ne doivent pas être présentés comme un passage à l’âge adulte.

Sur ces points, les publicités présentées ne sont pas vraiment en conformité. Dans Tout pour la Daronne de Winamax, le pari est montré comme un moyen pour un fils de prendre soin de sa mère, de n’être plus un enfant mais un adulte, autonome financièrement. De même les stratégies de communication faisant appel au marketing d’influence sont à la destination directe des mineurs et jeune public. Parmi les internautes suivant des influenceurs sur internet, près de 40% ont entre 15 et 24 ans. De même, spécifiquement sur la plateforme Twitch, près de 15% des utilisateurs ont entre 13 et 17 ans.

Face à ces pratiques nouvelles en matière de communication pour les jeux d’argent, une riposte s’organise. La plateforme Twitch a interdit toute publicité directement sur sa plateforme pour les casinos en ligne même s’il est toujours possible de diffuser des contenus live sur ce type de jeu d’argent par ailleurs complètement illégale en France. Google a développé YouTube Kids, la version de la plateforme à destination des parents voulant offrir une version plus sécurisante de YouTube. Dans ce service, les enfants ne peuvent pas accéder à des vidéos traitant de jeux d’argent.

Source : https://lucky-7-bonus.com/blog/top-10-des-streamers-slots-sur-twitch

Enfin, suite à la forte publicité constatée lors de l’Euro 2020, une députée française, Agnès THILL, a déposé une proposition de loi interdisant totalement la publicité pour les jeux d’argent le 21 Juillet 2021.

Par ailleurs, Sarah EL HAIRY, secrétaire d’état chargée de la Jeunesse et de l’Engagement, annonçait lors d’un interview pour Ouest-France le 18 Janvier 2021 les mesures du gouvernement concernant la publicité pour les jeux d’argent. Pas d’interdiction stricte de prévue mais un renforcement du décret du 20 novembre 2020 prévoyant le champ d’action de l’ANJ concernant les publicités directes et indirecte par les plateformes de jeu d’argent. Pour le marketing d’influence, la secrétaire d’état évoque la création d’un label par l’ARPP “certificat d’influence responsable“ valorisant les influenceurs ne faisant pas de publicité pour l’alcool ou encore les jeux d’argent.

Ce dernier élément ne semble pas être particulièrement contraignant même si, cela pourrait devenir indispensable avec la montée grandissante du marketing d’influence dans les méthodes de communications.

Pierre PRIMAULT

Sources :

La publicité segmentée à la télévision française : contexte, opportunités, limites

© AFP / Riccardo Milani / Hans Lucas


Face à une concurrence extrêmement forte du digital sur le marché de la publicité, la télévision doit renouveler sa proposition. En effet, depuis le point de renversement en 2016 où le digital a dépassé la télévision sur son poids dans le marché publicitaire médiatique, les chaînes sont challengées sur leur attractivité. La crise sanitaire n’a pas aidé, mais le bilan est plus qu’honnête : en 2021, la télévision représentait sur les neuf premiers mois de l’année 2,4 milliards d’euros de recettes, se payant même le luxe d’être en légère progression de 2,6% par rapport à la même période en 2019 (avant crise)[1]. Toutefois, sur la décennie, ce marché a vu sa croissance passer de plus de 10% en 2010 à une relative stagnation depuis 2014, oscillant entre 0% et 2%. En face, le digital (display, search, social…) affiche une croissance insolente moyenne de 13% par an entre 2013 et 2019, passant ainsi de 2,7 à 6,1 milliards d’euros (+117%)[2]

Cela étant dit, il est normal que les chaînes de télévision tentent de faire sauter les dernières barrières qui les empêchent de proposer aux téléspectateurs un écran publicitaire personnalisé, unique, adapté aux centres d’intérêts de chacun. On appelle cela la publicité segmentée. Longtemps interdite en France, elle est désormais autorisée depuis le décret du 07 août 2020, suite au passage de la nouvelle loi de l’audiovisuel. Concrètement, elle permet d’adresser à chaque segment de public un spot différent au même instant. C’est donc plus qu’un véritable rapprochement entre la publicité traditionnelle et la publicité digitale, on peut parler d’une certaine fusion : le spot deviendra personnalisé, géolocalisable et propose ainsi une nouvelle attractivité pour les annonceurs.

Les régies publicitaires des différents groupes en ont fait un fer de lance, et présentent avec fierté les accords qu’elles ont conclu avec les FAI. Oui, l’arrivée de la publicité segmentée à la télévision française est une opportunité à saisir pour les diffuseurs, mais est-ce vraiment un el dorado qui va révolutionner ce marché assez traditionnel ? C’est ce que nous allons questionner dans la suite de cet article. 

Le principe de la publicité segmentée et son cadre légal

© SNPTV / IAB France / AF2M


La publicité segmentée ne peut fonctionner sur les téléviseurs classiques qui ne sont pas équipés pour la recevoir. Pour cela, il faut regarder le live via un flux HBBTV, disponible en regardant la télévision via les box FAI ou avec une télévision connectée (les fameuses smart tv). C’est grâce à ces matériels qui intègrent le digital que peut passer cette nouvelle manière de toucher le public. Ainsi, une question d’équipement des foyers se pose pour faire fonctionner ce nouveau marché émergent. En plus des équipements à domicile, la puissance des installations réseau (notamment internet) dans des régions isolées est capital, car sans un débit suffisamment puissant, il n’est par exemple pas possible de regarder la télévision avec sa box internet.

Cela fait longtemps que les diffuseurs réclament la possibilité de faire de la publicité segmentée. Depuis une législation de 1992, la seule chose qui leur était autorisée était l’expérimentation commerciale :  chaque régie peut développer des formats segmentés et les proposer à la commercialisation à destination d’une très faible part de la population. Par exemple, la régie publicitaire d’M6 a expérimenté sur la diffusion de quelques spots segmentés sur une base de 2,5 millions de personnes. De même, France Télévisions a expérimenté dans le cadre légal avec des sports thématisés en fonction du public. Au départ, les règlements européens comme le RGPD empêchaient les acteurs de différencier le spot selon la localisation du téléspectateur. Aujourd’hui, une fois son consentement donné, cette dimension de la publicité segmentée est autorisée. Enfin, il faut rappeler que l’arrivée de ce nouveau genre de publicité sur les télévisions françaises est limité à 2 minutes par heure pour les chaînes nationales, et interdit à proximité des émissions/programmes destinés à la jeunesse[3].

Une opportunité pour la télévision de renforcer son offre publicitaire globale …


Ces constats posés, il n’empêche que la publicité segmentée est une véritable aubaine pour la télévision : avoir une offre qui permet de toucher massivement tous les publics, toutes les cibles, toutes les régions, mais aussi une nouvelle offre complémentaire qui offre une capacité de ciblage inédite sur ce média traditionnel. Toujours selon le cabinet Oliver Wyman en 2019, la commercialisation de publicités segmentées représentait entre 2% et 5% du chiffre d’affaires des régies publicitaires dans des pays comme les États-Unis, la Belgique ou le Royaume-Uni[4]. En France, on estime le potentiel économique de ce nouveau produit publicitaire à un chiffre d’affaires fin 2023 de 220 millions d’euros (ce qui représenterait donc 10% des revenus publicitaires actuels des chaînes). 

Les annonceurs ont d’ailleurs bien reçu l’arrivée de cette nouvelle manière de communiquer. Ainsi, on estime que plus de 40% des achats en segmenté seront réalisés par des annonceurs non présents actuellement en télévision, contre 25% pour les gros annonceurs classiques (Renault, L’Oréal etc…) Ces écrans ont donc une capacité d’attraction très forte vis-à-vis d’annonceurs ayant délaissé le média TV pour sa faible capacité à cibler efficacement un public. Cette attractivité est d’autant plus forte que le parc adressable progresse chaque année. Selon les prévisions de l’AF2M, ce seront plus de 16 millions d’individus adressables fin 2022, et presque 20 millions fin 2023[5], soit presque la moitié de la population française regardant la télévision. Les annonceurs y voient ici une capacité de toucher massivement en plus d’offrir un ciblage efficace. 

… Mais qui semble être limitée niveau potentiel économique 


Malgré ces bonnes nouvelles pour un secteur en stagnation, il faut remettre en perspective l’arrivée de la publicité segmentée à la télévision face aux immenses défis qui l’attendent.

Premièrement, l’équipement des français : ce mode de réception est conditionné au renouvellement du parc de télévision et/ou de la réception de ce média par les box FAI. D’ailleurs, il fait noter l’importance et surtout le poids des FAI dans les négociations entre les régies publicitaires et ces opérateurs. Sans accord, les régies se privent d’une part énorme de la population (surtout quand on sait que Orange, Bouygues et SFR représentent à eux seuls 11 millions d’individus regardant la télévision et 18% des foyers français[6]). Certes, les équipements des français se renouvellent rapidement ces dernières années. Mais la massification de ces écrans ne pourra se faire que dans quelques années, le temps que l’industrie puisse se développer et que les foyers adressables se multiplient.

Ensuite, il faut rappeler un fondamental : le consommateur doit donner son consentement vis-à-vis du RGPD. Cet élément prend tout son sens dans une époque où les français font de plus attention et sont sensibilisés à l’utilisation qui peut être faite de leurs données. Une étude YouGov réalisée début 2020 ne donnait que 39% de personnes favorables à la publicité segmentée, contre 56% de personnes défavorables, notamment à cause de l’utilisation des données personnelles[7]. Ainsi, le public ne semble pas (encore) conquis par cette nouvelle proposition de publicité ciblée.

Enfin, le poids économique que représenterait la publicité segmentée reste très limité contrairement au chiffre d’affaires de la publicité TV, surtout en considérant les acteurs déjà présents en TV qui vont bénéficier de cette nouveauté. Rien ne dit que les dépenses publicitaires de ces acteurs vont être plus importantes, il est possible que la dépense faite en achat traditionnel soit scindée pour une partie segmentée. De plus, cette estimation de 220 millions de revenus n’est valable que si la géolocalisation est intégrée au projet final.

La publicité segmentée est donc un nouveau marché dont la perspective est intéressante, mais à ne pas idéaliser. Certes, nous avons vu qu’elle sera assurément un relai de croissance et surtout une manière de renouveler l’offre publicitaire que peut proposer la télévision aux annonceurs. Malgré cela, les limites de cette technologie restent nombreuses : équipements des français, poids des FAI dans la négociation, adhérence du public, restrictions législatives… Cette autorisation à grande échelle de la publicité segmentée est valable pour une durée de 24 mois, à la fin de laquelle un bilan sera dressé par le législateur. Nous devrions donc en savoir plus d’ici le mois d’août 2022 sur l’avenir de cette fusion entre publicité de masse et publicité digitale.

Emmanuel SCHMITT


Sources :

[1] IREP, Kantar, France PUB, Baromètre Unifié du Marché Publicitaire, septembre 2021

https://www.irep.asso.fr/wp-content/uploads/2020/03/Presentation-BUMP-2019.pdf

[2] SRI, UDECAM, 25ème observatoire de l’e-pub, cabinet Oliver Wyman, février 2021

[3] Henri Rivollier, La publicité segmentée autorisée, droitdelacom.org, 11 août 2020

https://droitdelacom.org/la-publicite-televisee-segmentee-autorisee/204894/

[4] Cabinet Oliver Wyman, L’avenir de la publicité segmentée en France, 2019

https://www.snptv.org/wp-content/uploads/2019/05/Avenir-de-la-publicite-segmentee-en-France_Etude-Oliver-Wyman_2019.pdf

[5] offremedia.com, TV segmentée : TF1 Pub prévoit une forte accélération en 2022 grâce aux nouveaux inventaires, à la hausse du nombre de foyers adressables et à ses moyens de commercialisation, 19 janvier 2022

https://www.offremedia.com/tv-segmentee-tf1-pub-prevoit-une-forte-acceleration-en-2022-grace-aux-nouveaux-inventaires-la-hausse

[6] groupe-tf1.fr, TF1 Pub et SFR signent un partenariat sur la TV segmentée, 17 décembre 2021

https://groupe-tf1.fr/sites/default/files/communiques/cp_groupe_tf1_-_tf1_pub_et_sfr_signent_un_partenariat_sur_la_tv_segmentee.pdf

[7] adintime.com, La publicité TV segmentée : un nouvel eldorado pour la publicité ?, 09 mars 2021

https://adintime.com/fr/blog/la-tele-segmentee-le-nouvel-eldorado-pour-la-publicite–n89

Études globales consultées : 

SNPTV, IAB France, AF2M, La publicité TV segmentée, 2021

Realytics, La TV segmentée : l’état de l’art en France, janvier 2022

La publicité audio digitale : comprendre les enjeux de la monétisation des contenus audio


Qu’il s’agisse de notre consommation de médias, de nos achats en ligne, du travail, de l’apprentissage ou de la santé, nos habitudes sont aujourd’hui bousculées par l’adoption massive du digital, catalysée par la crise de la Covid-19.[1] Le smartphone est aujourd’hui l’appareil privilégié par les utilisateurs de toutes générations, même à la maison.[2] L’année 2020 a été l’occasion d’expérimenter avec le digital, comme le montre une étude du cabinet Deloitte selon laquelle 38% des consommateurs auraient testé ou effectué leur première souscription à un nouveau service durant cette période.[3] Spotify enregistre par exemple une croissance du nombre de ses utilisateurs actifs mensuels (MAU) de 29% en Q3 2020 par rapport à celui de l’année 2019, et plus précisément de 27% pour les utilisateurs premium et de 31% pour les utilisateurs ad-supported.[4]

L’audio digital concerne de manière générale l’écoute de programmes audio via un canal de diffusion digital.[5] La croissance du secteur est notamment marquée par le dynamisme d’un marché qui arrive peu à peu à maturité : celui du podcast. Près de 100 millions de podcasts ont ainsi été téléchargés dans le monde durant le seul mois de juin 2020, soit 29% de plus que juin 2019.[6] Le podcast touche une audience jeune, deux tiers des auditeurs ayant entre 15 et 34 ans,[7] et représente un chiffre d’affaires de près d’1 milliard de dollars aux U.S. en 2020.[8] L’année 2019 avait d’ailleurs battu des records avec une croissance de 48% du chiffre d’affaires aux U.S. par rapport à l’année 2018, avant que la crise sanitaire ne la réduise à 14,7% en 2020.[9]

La popularité de l’audio digital n’est pas passée inaperçue auprès des annonceurs, attirés notamment par le degré d’engagement et de loyauté élevé des auditeurs de podcasts.[10] Le volume des impressions publicitaires audio a ainsi suivi la croissance du marché du podcast, augmentant de 40% en 2019 en France par rapport à l’année 2018.[11] Cette augmentation n’est que de 5% en 2020, mais les résultats du dernier trimestre indiquent un rebondissement du marché de l’audio digital qui devrait se réaligner avec les prévisions pre-Covid-19.[12]

L’audio digital serait-il en passe de devenir un investissement média indispensable pour les annonceurs ? Il convient d’analyser quels types d’offres leur sont aujourd’hui mis à disposition, pour ensuite aborder les difficultés liées à la mesure de la performance des campagnes publicitaires. Il s’agira enfin de comprendre pourquoi la créativité est essentielle pour capter l’attention de l’auditeur.


1. L’offre mise à disposition des annonceurs dans le secteur de l’audio digital

L’annonceur doit tout d’abord comprendre quelles sont les modalités qui lui permettront d’investir dans l’audio digital pour ses campagnes. L’offre peut être divisée entre la publicité native et la publicité insérée dynamiquement dans le contenu.

La publicité native (baked-in) est directement intégrée dans le fichier audio. Elle est traditionnellement lue par le présentateur d’un podcast (host-read), mais peut aussi correspondre à un jingle ou une voix préenregistrée par l’annonceur (announcer-read). Les contenus host-read représenteraient environ deux tiers des publicités dans le secteur du podcast.[13] Ils capitalisent sur la confiance que porte l’auditeur au présentateur, ce dernier endossant en quelque sorte le rôle d’influencer dans la campagne. Selon une étude récente, 58% des auditeurs exposés à une publicité host-read se rappelleraient du nom de la marque après l’écoute, contre 35% pour une publicité announcer-read.[14]

L’insertion dynamique (Dynamic Inserted Ads) est une technologie développée ces dernières années permettant d’insérer une publicité dans un fichier audio au moment où l’utilisateur le stream.[15] Le spot publicitaire peut être inséré avant la lecture d’un podcast (pre-roll), au milieu (mid-roll) ou à la fin (post-roll). La publicité midroll présente le CPM (coût par mille) le plus élevé pour l’annonceur, car elle est en général plus longue et capte mieux l’attention de l’auditeur qui ne souhaite pas rater la suite du contenu.[16]

L’insertion dynamique est devenue particulièrement intéressante avec le développement de l’achat programmatique dans l’audio digital. Utilisé à l’origine dans les campagnes publicitaires en ligne, le programmatique est une alternative à la vente directe et permet aujourd’hui d’automatiser l’achat des inventaires et l’insertion des spots publicitaires dans les contenus audio. Cette méthode offre la possibilité de cibler la publicité en fonction des données collectées sur l’auditeur, notamment grâce aux environnements logged-in des plateformes de streaming. L’entreprise américaine Triton Digital, le leader mondial de la monétisation des contenus audio, aurait relevé une augmentation de l’achat programmatique de 244% entre 2018 et 2019, et de 86% de 2019 à 2020.[17] La plateforme de streaming française Deezer a par ailleurs conclu un partenariat avec Triton Digital en 2018 pour rendre ses inventaires accessibles en achat programmatique.[18]

Enfin, l’optimisation dynamique des créations publicitaires (Dynamic Creative Optimization) est une pratique qui s’est développée ces dernières années. Elle permet d’adapter  automatiquement en temps réel les créations publicitaires audio en fonction du profil de l’auditeur.[19]

Malgré ces évolutions technologiques récentes, le marché de l’audio digital est toujours confronté à certains obstacles techniques qui freinent son développement. 


2. Les difficultés liées à la mesure de la performance des campagnes

L’obstacle principal au développement de la publicité audio est la difficulté de mesurer l’efficacité des campagnes. Ce qu’on entend communément par « streaming » est en réalité un téléchargement progressif fonctionnant sur le même protocole http qu’un téléchargement normal.[20] La mesure des campagnes est donc limitée aux données accessibles côté serveur (server side), à l’inverse de la publicité digitale sur le web qui utilise des cookies et autres identifiants pour analyser les données côté client (client side). Connaître le taux de conversion d’une impression est par exemple très difficile. Certaines techniques consistent à inciter l’auditeur à rentrer en contact avec l’annonceur sur d’autres supports (call-to-action), en le renvoyant par exemple à un URL, ou en lui donnant des bons d’achat et de réduction sur un produit.

L’IAB Tech Lab a publié en 2016 une méthodologie pour pallier partiellement à ce problème, en attendant que des technologies permettant de mesurer l’impact d’une impression audio se développent côté client. Ces recommandations ont fait l’objet d’une première révision en 2017 (la version 2.0) et d’une deuxième très récente, ouverte à la consultation du publique jusqu’au 12 février 2021. Elles font intervenir quatre aspects de la mesure : Download (téléchargement complet ou partiel du fichier), Listener (téléchargement par un utilisateur unique), Ad Delivered (téléchargement de l’impression complète) et Client-Confirmed Ad Play (proportion de l’impression écoutée par l’auditeur). L’écoute d’une impression sera par exemple confirmée si seulement 25% du fichier audio est téléchargé et que l’impression est inclue dans cette portion de l’émission.

La publication de ces méthodes a surtout pour objectif de fournir un langage commun aux différents acteurs de l’audio digital, afin que les annonceurs puissent investir dans leurs campagnes publicitaires en toute confiance. L’IAB Tech Lab a ainsi lancé en 2018 un programme de certification pour les acteurs qui choisissent de se conformer à ces méthodes.[21] On y trouve notamment Triton Digital, ou encore son concurrent européen Acast. Les plateformes comme Spotify ou Deezer sont cependant absentes. En France, l’ACPM propose également de certifier le nombre de téléchargements des contenus audio, et Médiamétrie publie désormais une mesure indépendante à travers ses rapports eStat Podcast et The Global Audio Study.[22]

Les acteurs de l’audio digital souhaiteraient aussi pouvoir étendre la capacité de mesure sur plusieurs plateformes.[23] Antoine Daccord, Directeur des contenus et du développement à LNEI, souligne que certains contenus comptabilisent plus de vues sur les réseaux sociaux que sur les plateformes de streaming audio.[24] Cela nécessiterait cependant une structuration importante du marché ainsi qu’une coopération entre acteurs complémentaires de l’audio digital. L’IAB France et GESTE ont d’ailleurs publié une cartographie exhaustive de ces acteurs début 2021.[25] Malgré ces difficultés techniques, Yann Thebault, Directeur Général France d’Acast, indique que les rapports présentés par l’entreprise aux annonceurs incluent tout de même des informations comme le nombre d’écoutes, le temps d’écoute, le nombre d’auditeurs uniques touchés ou encore les appareils et applications utilisés.

Si l’annonceur peut choisir de se contenter d’une mesure de la performance de ses campagnes plus limitée qu’elle ne l’est sur le web, il doit cependant adapter son contenu publicitaire aux spécificités du format audio digital.


3. Faire preuve de créativité pour s’adapter au format audio digital

Le format audio digital est un moyen d’expression et de communication à part entière. Il est plus intime que la radio et accompagne l’auditeur dans ses différents moments de vie, qu’il s’agisse de se détendre, d’étudier, de cuisiner, de faire du sport, de voyager ou même de dormir. L’adaptation des contenus publicitaires est donc primordiale, notamment pour les plateformes de streaming, qui souhaitent préserver la qualité de l’expérience d’écoute de leurs auditeurs.[26] Sur sa page web, Spotify incite ainsi les annonceurs à proposer des contenus créatifs et adaptés aux attentes des auditeurs, comme des exercices de relaxation, des conseils de cuisine ou du coaching sportif.[27] En effet, 45% des utilisateurs de la plateforme souhaiteraient que les annonceurs sachent ce qu’ils sont en train de faire au moment où ils entendent une publicité.[28] On peut également y lire le terme brand intimacy ou encore le slogan « be part of their soundtrack ». Un outil de création de contenus appelé Spotify Ad Studio leur est même mis à disposition gratuitement.[29]


Plusieurs leviers permettraient donc de mieux monétiser les contenus audio. La rapidité des évolutions technologiques laisse penser que des solutions de mesure de la performance des campagnes client side pourraient voir le jour au long terme. En attendant, les annonceurs ont intérêt à choisir des partenaires qui appliquent les méthodes de l’IAB Tech Lab afin de pouvoir investir dans des campagnes en toute confiance. En France, un rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles datant d’octobre 2020 reconnaît enfin l’originalité de la « création audionumérique ».[30] A l’instar des autre secteurs créatifs, les podcasts pourraient donc à terme bénéficier d’aides financières publiques.

Stanislas Legrain – Master 226 Management des Télécoms et des Médias – Université Paris-Dauphine – PSL


[1] McKinsey & Company, How Covid-19 is changing consumer behavior, 2020

[2] Deloitte Belgique, un nouveau consommateur émerge de la crise Covid-19, 2020

[3] Deloitte, Digital media trends survey, 15th edition, 2020

[4] https://investors.spotify.com/financials/press-release-details/2020/Spotify-Technology-S.A.-Announces-Financial-Results-for-Third-Quarter-2020/default.aspx

[5] IAB France et GESTE, Livre blanc sur l’Audio digital, janvier 2020

[6] Médiamétrie eStat Podcast, juin 2020, https://www.mediametrie.fr/fr/la-mesure-des-podcasts-en-juin-2020

[7] Ibidem

[8] IAB/PwC, U.S. Podcast Advertising Revenue Study, juillet 2020.

[9] Ibidem

[10] IAB Tech Lab, Podcast Measurement Guidelines v.2.1, 2020

[11] Kantar, Baromètre de l’audio digital, janvier-septembre 2020

[12] Ibidem

[13] Stitcher/Midroll/Signal Hill Insights, Report: Podcasts ads perform, host-read ads outperform, novembre 2020

[14] Ibidem

[15] IAB Tech Lab, Podcast Measurement Guidelines v.2.1, 2020

[16] Midroll’s Definitive Guide to Podcast Advertising, 2014

[17] IAB, Webinar-Audio Digital Programmatique (chiffres de Benjamin Masse, Market Development & Product Strategy – Triton Digital), janvier 2021, https://www.youtube.com/watch?v=pQMk2HrVgF4

[18] https://www.businesswire.com/news/home/20181205005134/en/Deezer-Partners-with-Triton-Digital-to-Launch-New-Mobile-Programmatic-Audio-Advertising

[19] IAB France/GESTE, Livre blanc sur l’Audio digital, janvier 2020

[20] IAB Tech Lab, Podcast Measurement Guidelines v.2.1, 2020

[21] https://iabtechlab.com/compliance-programs/compliant-companies/#

[22] https://www.mediametrie.fr/en/podcasts-audio-contents-lots-potential

[23] Webinar GESTE, La Pub Audio : un modèle d’efficacité ?, décembre 2020, https://www.youtube.com/watch?v=G2Zwq9gv_S8&feature=youtu.be

[24] Ibidem

[25] https://www.iabfrance.com/actualite/glossaire-et-panorama-des-acteurs-de-laudio-digital-programmatique-en-france-par-liab

[26] Emilie Proyart, Marketing Lead Deezer, IAB video

[27] https://ads.spotify.com/en-US/news-and-insights/the-advertisers-guide-to-at-home-streaming/

[28] Ibidem

[29] https://ads.spotify.com/en-US/how-it-works/

[30] Inspection générale des affaires culturelles, Rapport sur l’écosystème de l’audio à la demande (« podcasts »), octobre 2020

La publicité est-elle l’ennemi? – Plaidoyer de la publicité.

Forbes ? 30€ ! Netflix ? 15,99€ ! Instagram ? Quelques publicités.

Ça vous dérange ? Pas moi.

Parce que sans publicité, la gratuité n’existerait pas…

En effet, il est important de comprendre que la publicité est avant tout un business model, et ce pour de très nombreux médias, sites, plateformes et applications. Ces derniers ont délibérément fait le choix de nous offrir gratuitement l’accès à leurs contenus. Souvent des contenus informatifs, éducatifs, culturels, ou encore de divertissement, ils comptent donc particulièrement aux yeux de leurs consommateurs ; ces consommateurs qui se plaignent déjà bien assez du coût de dépenses de première nécessité, et qui se réjouiront donc toujours de ne pas avoir à payer pour ce qui occupe leur temps de loisir.

Mais n’oublions pas qu’alors qu’il s’agit pour le consommateur de ses loisirs, il s’agit pour ces médias de leur travail et gagne-pain, et que l’énergie investie dans la création de ces contenus mérite donc, comme tout travail, un salaire. Pour répondre à cela, comme toute entreprise, ces derniers ont donc un business model ; celui de la publicité. Une promesse simple : visibilité du produit ou service de la marque contre rémunération du média.

Il existe des modèles alternatifs permettant la gratuité me direz-vous ?

Oui, mais ne vous laissez pas méprendre. Certaines gratuités sont simplement des outils d’attraction visant à vous verrouiller en tant qu’utilisateurs frustrés pour vous convertir en utilisateurs premium. A titre d’exemple pour ce modèle que l’on appelle le Freemium, l’application Google Drive, qui sait vous séduire pour stocker vos quelques fichiers, jusqu’au jour où vous vous décidez à y stocker les souvenirs de toute une vie pour abandonner votre disque dur externe, et vous retrouvez à devoir payer pour obtenir plus de stockage.

Alors, lequel de ces deux modèles vous dérange le plus ? 

Celui qui vous offre une gratuité totale et permanente, ou celui qui vous amadoue par une gratuité incomplète pour que vous finissiez par payer ?

Mais l’avantage de la publicité pour les consommateurs ne s’arrête pas là.

La publicité est-elle réellement l’ennemi ?

Il est si commun de diaboliser la publicité, souvent vue comme un outil manipulateur au service du capitalisme et de la surconsommation. Mais parler de manipulation revient à retirer au consommateur tout son esprit critique. Si nous disposons d’un droit de vote, nous disposons donc d’une capacité de jugement bien suffisante pour savoir filtrer les informations et avoir notre propre avis en ce qui concerne une publicité. Il est de plus particulièrement important de rappeler le contexte dans lequel se fait la publicité en 2021. Avec internet, le consommateur dispose de bien suffisamment de ressources pour s’informer sur un produit avant de l’acheter, grâce aux nombreux avis publiés en ligne.

Il serait donc excessif de parler de manipulation face à un consommateur éclairé.

Par ailleurs, pour rappel, la publicité se fait à travers des contenus créatifs, et son objectif est la découverte. Elle a donc plus d’un point commun avec l’art, et plus encore, elle a finalement un intérêt étroitement similaire à celui des contenus audiovisuels ou digitaux entre lesquels elle se positionne, et dont les audiences sont directement demandeuses.

Et pourtant, une distinction s’opère et la perception en diffère. La publicité dérange. Le problème réside-t-il donc dans la visée commerciale de la publicité ? Sans aucun doute.

Mais la contradiction est de taille. Car à la question « Achetez-vous des produits quels qu’ils soient plusieurs fois par semaine voire par jour? », qui répondrait non? Sans parler là de surconsommation, nous parlons bien de consommation. Et je ne vous apprendrai rien en vous disant que les plus belles des choses de ce monde se vendent et se consomment ; les voyages, la culture, les livres, les restaurants…

Toutes ces choses sont vendues, et jusqu’alors, si leur existence n’est pas portée à notre connaissance, comment assouvir notre soif de nouvelles expériences, d’apprentissage, de partage, de développement personnel ?

Prenons un exemple simple.

Vous vous rendez à pieds chez Fred, votre meilleur ami, pour un dîner. Sur votre chemin, rue du Commerce, se trouve ce restaurant, le Bel ami, qui est ouvert. A travers la vitrine, vous apercevez, alors que vous suivez droit devant vous votre itinéraire, une belle entrecôte comme vous les aimez tant.

Laissez-moi vous poser deux simples questions.

Premièrement, faut-il fermer le Bel ami lorsque vous vous en approchez, sous prétexte que vous n’allez pas vous y rendre ce soir-là ?  Non ? Alors pourquoi la présence d’une publicité dans un coin de page web devrait-elle être si dérangeante, si elle ne fait que partie du paysage ?

Deuxièmement, irez-vous dîner au Bel ami prochainement et en serez-vous heureux ? Sans aucun doute. Heureusement donc qu’il a été mis sur votre chemin.

Oui, mais, ai-je envie de découvrir TOUS ces produits, me direz-vous ?

Une publicité ciblée

C’est à ce moment-là que la publicité digitale et ciblée entre en jeu.

Nous vivons à l’ère de l’abondance de l’information. Les options sont multiples et les offres infinies. Mais rien dans ce monde n’est fait pour tous. Nous sommes tous différents, nous avons tous des goûts et des besoins différents. Chaque produit a donc son public, et pourrait en intéresser certains à la même intensité qu’il en désintéresserait d’autres. De la même manière, la publicité est un concept et un outil au service de cette variété de produits. A ce titre, le problème n’est donc pas forcément la publicité mais le produit. Pas même le seul produit, mais le produit relativement au destinataire de la publicité.

Dire que la publicité dérange n’aurait donc pas de sens.

Chaque publicité en dérangera certains, qui n’en constituent pas une audience qualifiée, et en intéressera d’autres, qui eux, sont des cibles tout à fait adaptées. D’où la pertinence de la publicité ciblée, par opposition à la publicité de masse faite sur les médias traditionnels. En effet, la récolte de data sur les leviers digitaux offre l’avantage d’exposer les internautes uniquement à des publicités à forte potentialité de les intéresser.

Et dans cette abondance d’information, c’est un gain de temps précieux qui nous est offert.

Un temps précieux de recherche dans une dense masse est gagné, puisque l’information vient directement à nous et la découverte est facilitée. La publicité ciblée vient donc même résoudre des problématiques posées par les nouveaux modes de communication et permet l’amélioration de la qualité de notre navigation en portant directement à notre connaissance des informations qui nous intéresseront.

L’aiguille dans la botte de foin n’a jamais été aussi facile à trouver.

Une publicité plus digeste

Par ailleurs, l’approche publicitaire est de plus en plus délicate et fluide. Les plateformes publicitaires les plus connues, telles que Google Ads, imposent un certain nombre de contraintes aux annonceurs, notamment dans les contenus et formats de leur publicité, empêchant la publication de toute publicité intrusive ou agressive. A titre d’exemple, le clignotement interdit par Google Ads dans les formats display, ou encore les publicités affichées en story sur Instagram, qui se fondent avec brio dans la masse des stories tels de véritables contenus de divertissement.

Lorsque ces pratiques sont combinées à une publicité ciblée et donc personnalisée, l’expérience publicitaire peut donc réellement se positionner au même niveau que les contenus consommés sur les moments de loisir et devenir ainsi une réelle source de découverte et de divertissement.

Un véritable travail d’équipe

Pour aboutir à une expérience publicitaire apaisée et bénéfique à chacun – en ligne du moins -, il est important de comprendre qu’un échange doit se faire. Sans implication et coopération de la part de l’internaute, il est plus difficile de faire de la publicité une expérience positive.

L’issue?

Un véritable cercle vertueux qui transforme l’expérience publicitaire en divertissement et améliore ainsi à la fois notre expérience – en tant qu’internautes mais aussi en tant que consommateurs -, et celle des marques, qui trouvent ainsi leurs clients.

Pour ce faire, pensez-donc à bloquer moins, et à cliquer plus, mais attention ; seulement là où votre regard vous mènera !

Manel E.

L’essor du modèle d’abonnement!

Le déclin des recettes publicitaires et la résurgence du modèle d’abonnement.

Les paiements récurrents à intervalles réguliers en échange d’un produit ou d’un service sont une pratique courante dans les entreprises depuis des siècles. L’obtention gratuite d’un produit ou d’un service était inimaginable pour toute entreprise espérant réaliser un bénéfice à la fin de l’année. Mais cela a changé ces derniers temps, surtout en ce qui concerne l’écosystème numérique. La publicité est devenue extrêmement efficace grâce à la capacité de cibler des consommateurs spécifiques par opposition aux audiences, ce qui a été le cas pour les journaux et la télévision. Des sociétés comme Facebook et Google s’est autorisées à exercer une surveillance commerciale sur leurs utilisateurs, leur permettant de traduire ces données acquises en revenus. Une situation gagnante pour toutes les parties concernées ; les consommateurs n’avaient plus à dépenser un centime et les annonceurs avaient la possibilité d’optimiser leurs budgets publicitaires. 

La baisse des recettes publicitaires suite à la COVID-19

La grave récession économique déclenchée par la pandémie de la COVID-19 va sans aucun doute avoir d’immenses conséquences dans tous les types d’industries. Le secteur de la publicité ne fait pas exception à la règle. Selon une étude menée par MAGMA (une ressource centralisée d’IPG Mediabrands), ils éstiment que les revenus publicitaires mondiaux diminuent d’environ 7,2 % en 2020 après avoir connu une croissance de 5,4 % l’année précédente. Il est aussi intéressant de noter que la publicité numérique continue de tenir une place prépondérante dans l’écosystème publicitaire. Pour la toute première fois, les dépenses publicitaires numériques représentent plus de 50 % des dépenses publicitaires mondiales. Selon eMarketer, ce chiffre ne devrait qu’augmenter, puisqu’il devrait atteindre plus de 60% d’ici 2023. En outre, MAGMA prévoit que l’économie mondiale se redressera en 2021 et que les dépenses publicitaires mondiales devraient augmenter, puisque leurs prévisions tablent sur une croissance de 6,1 % l’année suivante. Malgré cela, l’augmentation de 6,1 % ne sera pas suffisante pour compenser les pertes causées par cette pandémie. En fait, le marché restera inférieur de 9 milliards de dollars à ce qu’il était avant la crise. Cela nous amène à poser la question suivante ; La chute de l’industrie de la publicité pourrait-elle être strictement liée à la crise économique ou se pourrait-il que les entreprises aient trouvé des avantages accrus en offrant des abonnements ?

Modèle d’abonnement : une soudaine résurgence?

La résurgence du modèle d’abonnement n’est pas aussi soudaine qu’il n’y paraît. Ce changement peut ne pas être dû uniquement aux effets de la crise sanitaire puisque en 2017, les fournisseurs d’informations tels que le New York Times, le Wall Street Journal et d’autres ont connu une croissance exponentielle des abonnements. Le NYT a acquis 130 000 abonnés en novembre 2017, tandis que le WSJ a augmenté ses abbonements de 300 % au cours de ce même mois. On peut supposer que cette croissance est en partie liée à l’attention accrue portée à l’administration Trump, ou bien à la frustration suscitée par les « fausses » nouvelles qui peuvent circuler librement sur les plateformes de médias sociaux. Une autre hypothèse est que les consommateurs se sentent simplement frustrés par l’assaut de la publicité dont ils font l’objet quotidiennement. De plus, la publicité reçoit une mauvaise réputation, les utilisateurs sont de plus en plus conscients de la manière dont ces publicités sont ciblées et ont le sentiment que leur vie privée est menacée. Ces derniers points peuvent suggérer la volonté accrue de payer pour une expérience alternative. Par ailleurs, cette expérience alternative à travers un modèle d’abonnement pourra aboutir à un produit amélioré ce qui laisse imaginer que les consommateurs auront des attentes renforcées. Pourquoi? Le fait d’exiger qu’un consommateur paie pour votre produit ou service entraîne une pression constante pour satisfaire ce consommateur afin de le fidéliser. Cela peut se traduire par une meilleure expérience du point de vue des consommateurs, ce qui peut entraîner une augmentation des revenus. C’est ce que l’on a pu constater dans l’industrie du jeu par exemple. Un article du Wall Street Journal suggère que la célèbre application Candy Crush a connu une croissance exponentielle de ses revenus en supprimant les publicités et en s’appuyant sur les achats effectués dans l’application. Ce modèle est connu sous le nom de « Freemium ». Ils ont remarqué qu’en se concentrant fortement sur le produit, les utilisateurs seraient finalement prêts à payer en échange de nouvelles améliorations. Mais surtout que l’affichage de publicités avait pour conséquence que les utilisateurs passaient moins de temps sur l’application. En fait, l’année suivant le retrait des publicités de leur application, les achats dans le jeu ont augmenté de 35 %.

De nouvelles habitudes se forment.

Outre l’idée que nos attentes sont plus élevées, on ne peut ignorer l’évolution des comportements dont nous, consommateurs, avons hérité au fil des ans. Et le COVID-19 n’a fait que renforcer ces nouvelles tendances. Si l’on prend l’industrie des nouvelles et des médias numériques, comme vous pouvez le voir dans le graphique ci-dessous, c’est le deuxième secteur à avoir connu la plus forte croissance (en termes d’abonnés) au cours des derniers mois. En mars, le secteur de l’information et des médias numériques a connu une croissance de 200 % par rapport au niveau du “baseline” (moyenne de février 2019 à février 2020). Et bien qu’elle ait diminué en mai 2020, il est évident que l’appétit pour les sources d’information fiables a augmenté à la lumière de la pandémie mondiale. On estime que cet appétit leur a permis de s’habituer à l’idée de s’abonner en échange de fonctionnalités exclusives et d’un contenu de qualité supérieure. et ces habitudes seront très probablement appliquées dans une multitude d’industries comme c’est déjà le cas sur le marché OTT.

Taux de croissance des abonnements depuis COVID-19

Dans une étude menée par le Leichtman Research Group en 2019, sur un échantillon de 1 990 foyers, ils ont constaté que près de 80 % d’entre eux étaient abonnés à Netflix, Amazon Prime ou Hulu. Une augmentation de 69% en 2018 et de 52% en 2015. En outre, ils ont constaté que les ménages sont de plus en plus enclins à s’abonner à plus d’une plateforme. Et ces chiffres n’ont fait qu’augmenter au milieu des mesures de confinement appliquées à l’échelle mondiale en raison de la COVID-19. De plus, le taux de croissance annuel du marché OTT en 2020 devrait atteindre le chiffre impressionnant de 55 %. Et même si nous pouvons nous attendre à une stabilisation de la croissance, les comportements et les attentes des consommateurs ont certainement évolué. 

les entreprises sont-elles prêtes à s’adapter ?

On estime que certaines entreprises qui appliquent le modèle soutenu par la publicité pourra bientôt envisager d’intégrer un modèle d’abonnement. Non seulement les recettes publicitaires diminuent, mais aussi, les consommateurs sont de plus en plus prêts à en payer le prix. Un exemple est Twitter dont la baisse de 23 % des recettes publicitaires au deuxième trimestre 2020 par rapport au même trimestre il y a un an les a amenées à annoncer qu’ils allaient explorer d’autres moyens de gagner de l’argent grâce à ses utilisateurs. Étonnamment, Alphabet Inc. a également subi une perte importante de ses revenus publicitaires. Ses revenus publicitaires ont chuté de 8 % en 2020, son premier déclin en 26 ans. Et ce dernier n’a pas que eu des conséquences à l’entreprise. Si l’on regarde YouTube, la baisse des recettes publicitaires a eu de graves conséquences sur ses créateurs (« Youtuber »). Compte tenu de la croissance de l’industrie OTT notamment en raison de la pandémie, contrairement à la croyance populaire, les Youtuber, tout en connaissant une augmentation de l’audience, perçoivent moins de revenus. Pourquoi? Les annonceurs mènent moins de campagnes, ce qui entraîne une diminution de la concurrence et donc des offres. Afin de surmonter cette situation, ces créateurs de contenu se sont tournés vers d’autres alternatives telles que Patreon, une plateforme d’adhésion qui fournit des outils commerciaux aux créateurs de contenu pour gérer un service d’abonnement. En ce qui concerne YouTube, le fait qu’ils ont déjà adopté un modèle d’abonnement avec YouTube Premium suggère qu’ils cherchent eux aussi des sources de revenus supplémentaires.

En conclusion, après de nombreuses années de forte dépendance à la publicité, les entreprises ainsi que des individus commencent lentement à revenir, ou du moins à explorer le modèle de l’abonnement. Et cela est évident car il est essentiel pour les entreprises et les particuliers de diversifier leurs risques en tenant compte des nouvelles évolutions économiques et des changements tant dans les attentes que dans les comportements des consommateurs. Le modèle de l’abonnement peut être la solution à ces changements, tout en mettant l’accent sur la qualité du produit ou du service, on peut supposer que cela aurait en fin de compte un impact positif du point de vue des consommateurs.

Martin de Ruty

Sources:

Google Maps devient-il un réseau social ?

Google Maps : de la simple application de navigation au réseau social de proximité ?

            La puissance du géant du web Google n’est plus à débattre. Des smartphones à la publicité digitale, en passant par la santé, l’aire de jeu de la firme de Mountain View est vaste. L’un de ses terrains de prédilection est la cartographie et la navigation du fait du très populaire Waze, mais surtout de l’incontournable Google Maps. Selon un article paru dans Les Echos, l’application, lancée en 2005, représentait 67% du marché états-unien, en 2018. Le service a connu de nombreuses évolutions telles que la possibilité de personnaliser ses cartes, réserver une table dans un restaurant, et même trouver une trottinette électrique en location. Au cours de son existence, le service a agrégé de nombreuses données de déplacement et est passé d’un simple outil cartographique à une plateforme dédiée à la mobilité. Sa croissance ne semble pourtant pas terminée. Le journal Les Echos rapporte qu’un analyste de Morgan Stanley a estimé le chiffre d’affaires à 2,95 milliards en 2019 et qu’il atteindrait 11 milliards en 2023. La dernière mise à jour remet en question le positionnement de l’application au milliard d’utilisateurs actifs mensuels (chiffres du JDN). Google Maps semble encore évoluer et faire un pas supplémentaire vers l’univers du « social ». Désormais, un utilisateur dispose d’un profil et peut s’abonner à un compte tiers sur le même modèle qu’un réseau social traditionnel. 

Des fonctionnalités qui reprennent les standards des réseaux sociaux

            Le fil d’actualité est une fonctionnalité incontournable pour un réseau social. Il est maintenant présent sur Google Maps et constitue une véritable avancée pour l’application. Dans l’onglet « Découvrir », le fil propose les derniers ajouts d’utilisateurs ou des commerces de notre zone géographique. L’ajout du bouton « J’aime » s’avère utile pour réagir à un poste. De son côté, l’onglet « Actualités » informe, entre autres, des nouveautés (comme les restaurants récemment ouverts), mais il recommande aussi des Local Guides et permet de s’y abonner.

Exemple d’une page de l’onglet « Découvrir » de Google Maps (Capture d’écran)

            Par ailleurs, Google travaille depuis longtemps à développer une véritable communauté avec les Local Guides. D’après un article de l’entreprise Partoo, il s’agit d’un statut attribué à un utilisateur qui remplit certains critères. Via un système de points et de niveaux, l’individu est incité à générer du contenu sur la plateforme (commentaires, notes, photos, suggestions, etc). Plus l’utilisateur est actif, plus il obtient de points, et gagne des avantages comme une plus forte visibilité de ses postes. Selon Guest Suite et Google, le nombre de Local Guides dans le monde a atteint 120 millions en 2019. La firme de Mountain View n’y est pas pour rien dans cette croissance. Elle a entretenu un lien étroit avec ces utilisateurs, notamment grâce à un rendez-vous annuel nommé « Local Guide Summit ». Par ce biais, Google peut encourager l’engagement de ses Local Guides dont les contributions sont précieuses pour maintenir les informations de la plateforme à jour. 

         Avec sa dernière mise à niveau, Google Maps réitère sa confiance auprès d’eux. Avec les pages profils et la possibilité d’avoir des « followers », le service ne veut plus seulement développer une communauté de Local Guides mais plutôt encourager la création de communautés autour de ces derniers. Par conséquent, le nouveau système se rapproche du principe des influenceurs qui existent sur les réseaux sociaux connus.

Quelle utilité pour Google ?

            Alors que l’application est actuellement associée à un usage de recherche de lieu et de déplacement, elle pourrait bientôt devenir l’endroit idéal pour découvrir le nouveau restaurant tendance ou le fromager tant recherché dans son quartier. Ainsi, la nouvelle utilisation serait radicalement différente. En plus d’offrir des fonctionnalités uniques comme Street View, la partie sociale de l’application fidéliserait les utilisateurs et serait un argument supplémentaire en faveur de Google Maps. Cette fidélité ne serait plus forcément liée à des fonctionnalités pratiques, mais à une utilisation plus émotionnelle liée à l’attachement à d’autres internautes. Ce changement d’usage constituerait donc une source de différenciation forte vis-à-vis de ses concurrents.

            De plus, développer l’engagement signifie multiplier les contributions des utilisateurs qui alimentent la plateforme et assurent la pertinence des informations affichées. Par exemple, les internautes peuvent suggérer des modifications sur une fiche Google My Business si cette dernière n’est pas à jour, ou simplement publier un avis. Ces données générées par les utilisateurs sont précieuses pour la firme californienne puisqu’en plus d’être utiles au service de cartographie, elles sont utilisées pour les résultats de Google Search.

            Enfin, du fait d’une audience engagée et d’un usage tourné vers l’interaction, on peut imaginer que l’offre publicitaire de Google Maps pourrait être valorisée. D’après Presse Citron, en 2018, Google a lancé le format publicitaire « local » à destination des établissements souhaitant cibler une audience de proximité. Selon le même article sur la publicité (de Presse Citron), l’avenir semble très prometteur puisqu’il est rappelé que « l’intérêt des recherches locales est 350 fois » supérieur à celui des débuts de l’application. Une telle proposition semblerait donc pertinente pour les annonceurs et attirerait davantage de commerces de proximité. Si ces nouvelles fonctionnalités sont adoptées, alors les revenus publicitaires de la plateforme pourraient s’accroître à long terme. 

Quels enjeux pour les commerçants ?

            Du côté des entreprises avec pignon sur rue, Google Maps constitue une opportunité de gagner en visibilité, avec notamment l’optimisation de la fiche Google My Business. Cette dernière contient des données sur l’établissement. Par exemple, elle permet de connaître les horaires ou l’itinéraire vers un magasin, mais aussi de laisser un commentaire ou une note.

            Toutefois, la dernière mise à jour semble être en faveur du développement des Local Guides. Les avis de ces derniers sont mis en avant par rapport à ceux d’utilisateurs classiques. De ce fait, ils peuvent avoir un impact positif ou négatif sur l’e-réputation d’une entreprise. Les commerçants sont donc encouragés à actualiser les informations et répondre aux avis clients pour éviter que ce ne soit fait par des tiers. Le fil d’actualité peut, lui aussi, être un outil efficace pour communiquer avec les clients et les tenir informés de la vie de la boutique. Malheureusement, bien qu’elles soient importantes, ces tâches CRM représentent un temps d’investissement conséquent pour des commerçants dont l’emploi du temps est déjà bien rempli.

            De plus, en développant sa communauté, le Local Guide augmente son pouvoir d’influence. Ainsi, ceux dotés d’un grand nombre d’abonnés pourraient, à long terme, devenir des leviers de communications utiles pour une marque. Sur le même modèle qu’un influenceur avec du contenu sponsorisé, il est tout à fait possible d’imaginer qu’un Local Guide soit rémunéré pour promouvoir un commerce auprès de ses fans. Son impact sera, quant à lui, d’autant plus fort que sa communauté est grande.

Google et les réseaux sociaux : une histoire compliquée

         Il faut rappeler que ce n’est pas la première fois que Google s’essaie au développement d’un service à la vocation sociale. L’exemple le plus marquant est Google+, lancé en 2011. Dans son article, le quotidien Le Monde rappelle que, pour le géant états-unien, ce service n’était pas un réseau social mais « une couche sociale » ajoutée à Google. Il a pourtant été considéré comme tel par la plupart des personnes. Google+ offrait la possibilité de partager et d’interagir avec différents « cercles ». Cependant, cette nouvelle plateforme a très vite connu des déboires. Comme le souligne l’article du Monde, la maison mère ne communique pas sur le nombre d’utilisateurs actifs et son succès semble relatif. De plus, la firme a tenté plusieurs fois de doper la croissance de son réseau en proposant, à chaque internaute, la création d’un compte Google+ à l’inscription sur Gmail. Cependant, cela n’a pas permis au service d’engager ses utilisateurs qui sont, pour une grande partie, restés inactifs. En 2018, dans son papier, Le Monde souligne que le service n’a pas réussi à convaincre son public car, 90% des sessions étaient inférieures à 5 secondes. Cette même année, l’entreprise annonce la fin de l’aventure Google+.

Ainsi, bien que le passé ait prouvé qu’une nouveauté de Google ne rime pas toujours avec « succès », les nouvelles possibilités marquent une évolution dans la stratégie de Google Maps. Il semblerait que le géant californien veuille rendre sa base d’utilisateurs plus active en proposant des fonctionnalités engageantes. L’aspect social inédit de l’application lui permet de s’éloigner de sa simple utilité de navigation pour, peut-être, devenir le réseau social adapté à la vie de quartier. La concrétisation des éléments évoqués dépend maintenant des utilisateurs. Adopteront-ils ces nouveautés ?


Thomas Soares

Sources :

Damien Leloup, “Une brève histoire de Google+ », Le Monde, le 13/03/2015. Lien :https://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/03/02/une-breve-histoire-de-google_4585853_4408996.html

Damien Leloup et Morgane Tual, « ‘Mais c’est quoi Google+ ?’ et autres questions sur sa fermeture », Le Monde, le 13/10/2018. Lien : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/10/09/mais-c-est-quoi-google-et-autres-questions-sur-sa-fermeture_5366794_4408996.html

Matt Southern, “Google Maps goes social giving each user their own profile”, Search Engine Journal, le 30/072020. Lien : https://www.searchenginejournal.com/google-maps-goes-social-giving-each-user-their-own-profile/376194/#close

Auteur inconnu, « Google Maps devient véritablement un réseau social avec cette nouvelle fonction », Frandroid, le 01/08/2020.Lien : https://www.frandroid.com/marques/google/744573_google-maps-devient-veritablement-un-reseau-social-avec-ce-nouveau-bouton

Benoît Georges, « Google Maps les cartes au trésor », Les Echos, le 19/02/2020. Lien : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/google-maps-les-cartes-au-tresor-1173111

Sarah Perez, “Google Maps tests a social networking feature with the ability to ‘follow’ Local Guides”, Tech Crunch, le 18/11/2019. Lien : https://techcrunch.com/2019/11/18/google-maps-tests-a-social-networking-feature-with-the-ability-to-follow-local-guides/

Els Bellens, « Google Maps solidement étoffée par des fonctions sociales et des numéros de maison », Datanews, le 04/12/2020. Lien : https://datanews.levif.be/ict/actualite/google-maps-solidement-etoffee-par-des-fonctions-sociales-et-des-numeros-de-maison/article-news-1365431.html

Caleb Potts, “You can now follow people on Google Maps, the company’s newest social network”, Android Police, le 30/07/2020. Lien : https://www.androidpolice.com/2020/07/30/you-can-now-follow-people-on-google-maps-the-companys-newest-social-network/

Julio Cachila, “Google Maps is now a social network”, International Business Times, le 31/07/2020. Lien : https://www.ibtimes.com/google-maps-now-social-network-3020405

Andrew J. Hawkins, “Is Google Maps trying to be a social network”, The Verge, le 13/02/2017. Lien : https://www.theverge.com/2017/2/13/14581028/google-maps-location-list-share-social-network

Shayak Majumder, “Google Maps now allows users to follow each other’s recommendations”, Gadget 360, le 31/07/2020. Lien : https://gadgets.ndtv.com/apps/news/google-maps-follow-social-profile-page-topic-filters-update-feature-2272019

Ben Smith, “Project Strobe: protecting your data, improving our third-party APIs, and sunsetting consumer Google+”, Blog de Google, le 08/10/2018. Lien : https://www.blog.google/technology/safety-security/project-strobe/

Arthur Vera, « Google Maps, nouvel Eldorado de la publicité en ligne ? », Presse Citron, le 26/02/2020. Lien : https://www.presse-citron.net/google-maps-nouvel-eldorado-de-la-publicite-en-ligne/

Charlie Perreau, « Google : un anniversaire, des records », Journal du Net, le 04/092018. Lien : https://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1211137-les-20-chiffres-de-google/

Lucas, « Qu’est-ce qu’un Local Guide Google My Business ? Quels avantages et impacts sur les fiches ? », Partoo. Lien : https://help.partoo.fr/fr/articles/1785698-qu-est-ce-qu-un-local-guide-google-my-business-quels-avantages-et-impact-sur-les-fiches

Karlee Onstad, “How can Google Maps benefits your business”, Evolve Systems. Lien : https://evolve-systems.com/how-google-maps-can-benefit-your-business/

Steven, « La publicité sur Google Maps », Grizzlead, le 28/02/2020. Lien : https://www.grizzlead.com/la-publicite-sur-google-maps/

 « Points, niveaux et badges », Support Google. Lien : https://support.google.com/local-guides/answer/6225851?hl=fr

Page du Local Guides Summit. Lien : https://maps.google.com/localguides/event/connectlive

Austin Wells, “Discover new places with gelp from top Local Guides”, Blog de Google, le 15/11/2019. Lien : https://www.blog.google/products/maps/discover-new-places-with-help-from-local-guides/

Loïc, « Local Guide Google My Business : définition et fonctionnement », Guest Suite, le 12/07/2020. Lien : https://www.guest-suite.com/blog/local-guide-google-my-business

Réforme de l’audiovisuel français : les assouplissements publicitaires

Le projet de loi de réforme de l’audiovisuel est un réel big bang dans le secteur et modifie en profondeur la loi du 30 septembre 1986.  

Les quatre sujets principaux de cette réforme sont la suppression du canal hertzien de France 4 et France Ô, la formation d’un trust public rassemblant France Télévision et Radio France, l’obligation des plateformes de SVOD étrangères de financer la création française et l’évolution de la publicité en télévision. Cette réforme a notamment pour objectif l’assouplissement publicitaire.  

La publicité segmentée ou publicité localisée  

Les campagnes de publicités en télévision pourront être ciblées et éventuellement personnalisées en fonction du profil et des données disponibles sur chaque individu ciblé, notamment sa situation géographique. Concrètement cela signifie qu’un téléspectateur parisien et un téléspectateur nantais ne visionneront pas le même spot publicitaire. Cependant les annonceurs ne pourront pas mentionner dans ces spots l’adresse de leur magasin ou les promotions qui y sont effectuées. Selon le Syndicat National de la Publicité Télévisée (SNPTV), il s’agirait d’un surcroit de revenus de 200 millions d’euros d’ici 2022 pour les groupes audiovisuels. Le SNPVT a fait son calcul horizon 2022, car le marché ne pourra réellement s’accroitre que lorsque les décodeurs des foyers pourront intégrer les logiciels adaptés car en 2020 seulement 20% des foyers seront adressables. Par exemple sur les six millions de boitiers Orange, moins d’un tiers permettent de faire de la publicité segmentée, mais d’ici 2025, 50% du parc télévisuel français sera adressable.  

Afin d’affiner leurs campagnes publicitaires, les annonceurs disposeront de trois types de données : la géolocalisation, le génotype du foyer et les usages et comportements. Grâce aux opérateurs, il sera désormais possible de connaitre l’adresse des téléspectateurs et donc de leur proposer une publicité adressée. Les informations sur le foyer permettront de savoir s’il s’agit d’une personne célibataire, d’un couple ou d’une famille avec des enfants. La donnée la plus intéressante pour les annonceurs est celle de la présence d’enfants ou non. De plus la connaissance des usages de consommation des programmes télévisés sera un réel atout pour les annonceurs avec les différentes affinités des téléspectateurs : affinités cuisine, affinités sport, affinités séries etc.  

La publicité segmentée sera un véritable atout pour les annonceurs car le bêta de mémorisation de la télévision est de 18,4% en 2018, alors que celui des vidéos en ligne (hors catch-up tv) n’atteint que 5,7%, il est trois fois moins élevé que celui de la télévision. La publicité localisée combine potentiellement la puissance du média télé, sur lequel les campagnes restent bien mieux valorisées que sur internet, et la précision de la publicité numérique. Telles qu’elles sont actuellement créées les grilles de programmes des chaînes segmentent bien les publics en ayant des programmes pour un jeune public, pour les femmes, pour les catégories socio-professionnelles élevées etc. Par ailleurs, la télévision est le média ayant le meilleur ROI (retour sur investissement). D’après l’étude économique Ebiquity 2017 de Dentsu Aegis Network, une livre investie en télévision en rapporte quatre tandis qu’une livre placée dans le digital ne rapporte que 0,8 livre.  

Les annonceurs pourront donc adapter le message de leur campagne publicitaire en fonction de la zone de chalandise en affichant notamment des renseignements supplémentaires localisés. La mesure de l’impact de la communication sera simplifiée. Par exemple, un annonceur pourra tester quatre spots publicitaires différents dans quatre parties de la France puis étudier son influence sur les ventes au niveau local et par conséquent définir quelle campagne est la plus efficiente. La publicité segmentée permettra également d’adapter les vagues publicitaires en fonction de données exogènes telles que la météo, les pics de pollution, les épidémies ou les pics allergènes. Concrètement cela signifie qu’un annonceur pourra choisir de communiquer davantage dans une zone géographique en fonction de la météo, les audiences étant plus élevées dans les zones où il pleut par exemple. Les données localisées permettront également de scénariser les campagnes en fonction des zones d’exposition des téléspectateurs. 

Cette évolution sera aussi une source de revenus supplémentaires pour les groupes audiovisuels privés car certains annonceurs locaux pourront acheter de l’espace publicitaire sur une zone ciblée alors que leur campagne de communication ne justifierait pas le lancement d’une campagne télévisée au niveau national. Les annonceurs pourront également affiner leur target, en ciblant par exemple uniquement des urbains affinitaires cuisine.  

Néanmoins le gouvernement souhaite limiter la portée de ces campagnes publicitaires à la télévision pour préserver les recettes générées par la publicité à la radio ou dans la presse locale. La publicité adressée en télévision sera restreinte à deux minutes par heure ainsi que par un volume journalier précis.  

Les projets d’assouplissements publicitaires TV  

La publicité localisée n’est pas la seule évolution de la publicité proposée dans le projet de loi de réforme de l’audiovisuel. La mise en place d’une troisième coupure publicitaire dans les films et téléfilms de plus d’une heure trente sur les chaînes privées est à l’étude. Cela signifiera que les groupes audiovisuels n’auront plus besoin d’espacer les coupures publicitaires de vingt minutes et cela permettra une plus grande flexibilité dans les médiaplannings. Cet assouplissement devrait être adopté par décret.  

Par ailleurs, un nouveau secteur va être ouvert à la publicité TV : le cinéma. Le cinéma pourra enfin être promu à la télévision avec le passage de bandes-annonces durant les coupures publicitaires. Un quota pour les films européens d’art et essai sera institué afin d’éviter que le secteur soit absorbé par les blockbusters américains et les productions françaises à gros budget.  

Cette réforme de l’audiovisuel permettra également l’ouverture au spot de téléachat en publicité TV, ce qui signifie faire la promotion d’un produit précis en annonçant son prix mais également en transmettant l’URL du site internet sur lequel le produit est vendu.  

Le dernier point concernant la publicité TV présent dans cette réforme de l’audiovisuel français est la mise en place des écrans partagés lors des retransmissions sportives permettant de diffuser des spots publicitaires courts. En fait, cela signifie que lors d’un match de football, quand l’arbitre fait appel à l’assistance vidéo à l’arbitrage, l’écran pourra être coupé en deux et un spots de dix secondes sera diffusé sur une partie de l’écran.  

Ce projet de loi prévoit de nombreux bouleversements dans le paysage audiovisuel français.  

Sources :  

Alexia MONTEIRO LAFFITTE

2019 sera-t-elle l’année de la télévision segmentée ?

Le premier semestre 2019 devrait être celui de la nouvelle loi sur l’audiovisuel français. Destinée à assouplir le cadre règlementaire de la télévision et de la radio française, certains projets reviennent sur le devant de la scène, à l’image de la télévision segmentée. Il s’agit pour les chaînes nationales linéaires de diffuser des signaux différents en fonction des foyers.

Plusieurs recommandations ont d’ores et déjà été faites à propos de la publicité segmentée, au sein de la mission d’information sur « Une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique » censée préparer la mise en place de la nouvelle loi. L’une d’elle préconise une expérimentation de 18 mois préalable à l’autorisation de la publicité segmentée à la télévision afin d’observer l’impact de ce type de publicité sur le marché français.

La télévision programmatique et plus particulièrement segmentée connaît néanmoins des expérimentations sur le territoire français. TF1 et M6, via le processus Hybrid Broadcast Broadband TV délivrent sur tous devices, au sein de leurs plateformes de catch-up des bannières publicitaires promouvant leurs propres programmes. Les box IPTV des FAI exploitent déjà la data géographique, les données sociodémographiques et le ciblage par moments de vie pour proposer des publicités les plus pertinentes possibles au sein des corners de replay de ces mêmes boxes. Par ailleurs France 3 via Adressable.tv propose de la publicité ciblée pour ses antennes régionales à l’instar de BFM Paris où c’est Nissan qui a testé la publicité segmentée pour cibler les régions où le constructeur automobile possède ses concessions.

Les techniques liées à l’achat programmatique pour la télévision linéaire n’en sont cependant pas à leurs balbutiements, l’Angleterre et l’Australie en ont déjà fait une réalité.

Outre-Manche c’est le dispositif Sky AdSmart dont la segmentation en environ 1400 critères permet d’adresser des publicités à des profils très précis à la manière du display internet. Enfin, un spot peut être aisément remplacé par un autre à condition d’obtenir l’accord de l’annonceur du spot remplacé. De l’autre côté du globe, Multi Channel Network a lancé un service permettant aux annonceurs d’acheter directement des spots TV en linéaire et de contourner la contrainte technique de l’analogique où le stockage temporaire de données est impossible. Ainsi, l’achat est déterminé en fonction des moments de la journée où un spot intéressera une cible en particulier.

Le marché français reste toutefois plus règlementé. Alors que le SNPTV revendique 200 millions d’euros de revenus supplémentaires pour la télévision, cela pourrait se faire au détriment de la PQR, des radios, et de la publicité directe dont les revenus dépendent des annonceurs locaux, auxquels seuls ceux-ci ont accès. Notons que Sky, depuis l’apparition de Sky AdSmart en 2014, a annoncé la première année une forte hausse d’annonceurs 70 % de nouveaux annonceurs supplémentaires dont beaucoup de petits.  

Aujourd’hui, l’article 13 du décret 92-280 du 27 mars 1992 précise que « les messages publicitaires doivent être diffusés simultanément dans l’ensemble de la zone de service » c’est à dire que la loi interdit aux chaines nationales la diffusion de plusieurs signaux et limite donc l’accès à certains annonceurs qui préfèrent s’appuyer sur des éditeurs locaux. Si la loi venait à modifier ce paramètre, le manque à gagner serait chiffré à 130 Millions d’euros pour la presse, 60 Millions pour la radio et 95 Millions pour la publicité extérieure, selon une étude France Pub. C’est également à travers l’ouverture des secteurs interdits à la publicité TV que ce manque à gagner pourrait s’exprimer puisque les annonceurs de la distribution pourraient migrer à la télévision et réduire de 264 millions d’euros leurs investissements dans ces médias.

Enfin la télévision segmentée permettrait de lever les barrières à l’entrée du marché TV pour de petits annonceurs qui étaient jusqu’alors l’apanage de Google et Facebook. Ces petits annonceurs paieront moins cher car leur couverture serait locale et plus nationale. Le prix au contact en revanche augmentera puisqu’il sera plus qualifié.

Les velléités des GAFA sur la télévision

Malgré tout, les acteurs nationaux, à leur échelle, essaient de rééquilibrer le jeu face à des Google et Facebook qui captent la grande majorité des investissements publicitaires du numérique et grappillent une partie des budgets investis en télévision.

L’avènement de la télévision programmatique marque d’ailleurs un phénomène de convergence entre les pratiques publicitaires numériques et linéaires. Cette porosité profitera sans aucun doute aux GAFA.

Cette convergence des pratiques semble présager le futur de la télévision segmentée, car en plus d’être celle des set-top-boxes elle sera également celle de l’OTT. En effet, l’exemple le plus récent est la prise en compte du « co-viewing » propre à la télévision, pour des acteurs comme Roku, dans la valorisation de leurs inventaires publicitaires auprès des annonceurs. Un paradoxe quand on sait que les régies françaises aimeraient parvenir à un niveau de segmentation très précis pour ne plus cibler des foyers, mais des profils utilisateurs comme sur le display internet. La cohabitation des metrics est aussi un sujet délicat puisque la télévision segmentée remettrait en question l’hégémonie de Médiamétrie en matière de mesure d’audience. De ce côté, on note un fort succès auprès des chaines de télévision linéaires de l’outil SFR Analytics. La mesure des boxes reste toutefois d’ordre quantitatif pour le moment car les metrics proposées par SFR ne parviennent pas à un degré de segmentation équivalent à l’offre Sky AdSmart. Par ailleurs, malgré un parc de boxes assez conséquent en France, sur 58% de téléviseurs reliés à Internet, 80% sont reliés à une box, ce ne sont pas forcément les FAI qui serviront de levier pour atteindre un degré de segmentation élevé. TF1 compte sur 20 millions d’utilisateurs logués sur myTF1 contre 5 millions de consommateurs sur les boxes des FAI.

La télévision programmatique s’impose alors comme un véritable enjeu commercial pour les années à venir puisqu’elle représenterait en 2021 près de 20 milliards d’euros – soit plus de 70 % de croissance par an alors qu’elle représentait en 2017 2 milliards d’euros.

Marie Gourbil

AMAZON : LE NOUVEAU GÉANT DE LA PUB ?

 Actuellement, le marché français de la publicité online est accaparé par deux acteurs, que sont Google et Facebook. En effet, ces derniers captent près de 2/3 des investissements, mais plus pour longtemps… Un nouvel entrant est en train de bousculer la hiérarchie : il s’agit d’Amazon qui investit depuis deux ans dans une offre publicitaire baptisée Amazon Media Group. Ce dernier est déjà connecté aux principales places de marché : Google Adexchange, Appnexus, Rubicon Project…

Parviendra t-il à casser le duopole actuel ? 

Il faut savoir que la publicité d’Amazon se concentre sur des produits sponsorisés. Via Amazon Media Group, les annonceurs vont payer pour mettre en valeur leurs produits et accroître leur visibilité sur la plateforme. Concrètement, Amazon propose des bundles « media + data » (offre promotionnelle où un ensemble de produits complémentaires sont vendus ensemble par lot pour attirer les clients) aux agences. Le business model d’Amazon étant très orienté vers le commerce en ligne, Amazon s’efforce donc de créer des campagnes attractives qui renvoient vers l’espace commercial de l’annonceur au sein du site.

Des atouts indéniables

On le sait tous, la monétisation des données personnelles est désormais l’or noir du 21ème siècle, ce qui se vérifie avec les résultats de Google et de Facebook. Sur ce terrain, Amazon ne cache pas ses ambitions : avec près de 4,5 millions de visiteurs par jour et 10 à 21 millions par mois en France (source : Médiamétrie), Amazon est un siphon à data. 

Selon Gartner, l’entreprise a le potentiel nécessaire pour devenir un leader de la publicité numérique au même titre que Google et Facebook.

En fait, le modèle économique est très simple : le but est de récolter le plus d’informations personnelles sur les internautes afin de les revendre aux acteurs de la publicité, annonceurs et agences. Amazon aurait donc un double avantage concurrentiel avec les autres vendeurs d’espaces publicitaires : d’un côté une possession de data énorme, et de l’autre des clients vis-à-vis des marques qui achètent ces espaces publicitaires.

Ainsi, sa force réside dans toutes les informations qu’il détient sur ses clients : 40% des visiteurs d’Amazon sont des acheteurs, selon le PDG de Performics France. Or, cette data transactionnelle n’est pas possédée par Google et Facebook. 

Dès lors, les équipes commerciales travaillent ensemble à la création des clusters d’audience, en fonction de la cible visée. 

Par exemple : un annonceur qui cible les CSP+ pourra se concentrer sur les détenteurs d’American Express. 

Autre atout non négligeable, le programme de livraison « Premium » permet de « verrouiller » près de 4 millions de clients et de proposer aux annonceurs une data géolocalisée de qualité. La base de données d’Amazon serait segmentée à partir des adresses de livraison qu’il détient pour cibler des endroits particuliers (un quartier ou une zone précise de Paris). 

Concrètement, Amazon est prêt à payer chère une data transactionnelle qu’il est difficile de trouver ailleurs même si son coût est, de fait, plus élevé que celui de la donnée socio-démo standard.

Pour parler en chiffres, au cours du troisième trimestre 2018 clôturé fin octobre, Amazon a vu son chiffre d’affaires généré par la publicité exploser de +122% sur un an, passant de 1,1 milliard à 2,5 milliards de dollars. 

« Les annonceurs américains devraient dépenser 4,61 milliards de dollars sur Amazon au cours de l’année 2018 », (cabinet eMarketer). L’entreprise de Jeff Bezos obtiendrait alors une part de marché de 4,1% aux États-Unis, contre 20,6% pour Facebook et 37,1% pour Google.

Un modèle encore fragile pour le moment

Il a été dit plusieurs fois qu’Amazon était un des meilleurs dans le real-time bidding côté ROI, même s’il reste derrière Google AdWords et Facebook. 

Cependant, il est clair que le DSP (Demand Side Platform) d’Amazon laisse à désirer pour le moment puisque les « bugs » sont encore très présents. C’est sans doute la raison pour laquelle Amazon fait encore profil bas. En outre, les formats proposés sont encore très basiques, de la bannière display essentiellement, et la vidéo commence à être proposée en extension d’audience. Mais l’intégration aux deux principaux SSP (Sell Side Platform) vidéo du marché, Freewheel et Youtube, n’est pas encore proposée. 

D’importantes parts de marché vont être à prendre à mesure que les acteurs de la grande consommation vont basculer une partie de leurs investissements TV vers le digital. Ces derniers se tourneront sans doute naturellement vers une offre qui leur garantira un impact direct sur leurs ventes online. 

Microsoft et Oath Net dépassés pour la première fois

Si Amazon est encore un débutant dans la publicité en ligne, il se hisse à la troisième place, avec 4,15% de parts de marché, surpassant pour la première fois Microsoft (4,05%) et Oath Net (ex-Yahoo et AOL, désormais aux mains du groupe télécoms Verizon, 3,32%). En 2018, eMarketer prévoit que le groupe tirera 4,61 milliards de dollars de la publicité aux Etats-Unis.

Pourquoi un telle ascension ? Une raison plausible de ce constat serait que les consommateurs débutent de plus en plus leurs recherches de produits sur Amazon, plutôt que Google. Au deuxième trimestre, Amazon avait dégagé 2,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires dans la catégorie « autres ventes » qui recouvrent essentiellement les recettes publicitaires. 

Quelle réaction pour les grands distributeurs ?

Il y a une très forte tendance à se rapprocher des nouveaux concurrents : Wallmart et Carrefour pactisent avec Google, Carrefour avec Tencent, Auchan avec Alibaba, Monoprix avec Amazon… Leur objectif est d’apprendre à travers ces partenariats, mais les risques sont évidemment importants.

Quels sont-ils ? Tout d’abord, que Monoprix perde l’accès à la data, moteur du nouveau modèle vertueux du retail en s’associant à la market place d’Amazon. Que Carrefour et Wallmart offrent potentiellement à un futur concurrent (Google), l’opportunité de développer sa courbe d’expérience dans l’univers du retail. Enfin qu’Auchan prenne le risque de donner les clés de compréhension de nouveaux marchés cible pour Alibaba.

Ainsi, le rapprochement avec des acteurs moins menaçants (de type Criteo, par exemple sur le volet publicitaire) serait probablement une démarche moins risquée pour apprendre les nouveaux codes de ce secteur.

L’avenir d’Amazon : vers de la publicité sur les enceintes connectées ?

Il est clair qu’Amazon s’efforce de se diversifier notamment dans les formats publicitaires. Elle aurait d’ailleurs annoncé le lancement d’un service de streaming gratuit (avec publicité quand même), via sa filiale IMDb. 

Cette stratégie offrira donc une nouvelle voie pour les annonceurs. Un risque demeure encore puisqu’on sait tous qu’il y a peu de plateformes de streaming gratuites qui sont économiquement viables. 

Mais a priori M.Bezos sait ce qu’il fait : il choisit un format attractif (la vidéo) pour attirer le plus d’annonceurs. 

Un des prochains axes possibles de développement serait la publicité sur les enceintes connectées. Amazon a été pionnier en la matière, avec son modèle Echo sorti dès 2015 aux États-Unis. 

« Tous les acteurs réfléchissent à la manière d’intégrer de la publicité sur les enceintes connectées, mais le bon format reste à trouver en terme de durée, de non-intrusivité et de ciblage », explique Caroline Huet (NPA Conseil).

En somme, Amazon tente de s’intercaler entre les deux géants et il y arrivera doucement mais sûrement comme le pense Marcus Wohlsen quand il affirme que «Si Facebook sait qui sont vos amis, Google sait ce qui vous intéresse ponctuellement sur Internet, Amazon sait ce que vous avez acheté et a une bonne idée de ce que vous pourriez vouloir acheter ensuite».

L’avenir nous le dira…

Camille Desroches

SOURCES :

Les annonceurs faces aux plateformes de SVOD

Depuis quelques années les plateformes de SVOD (Suscription Video On Demand) connaissent une croissance sans précédent tant au niveau des abonnés, et donc de leur chiffre d’affaire, que par rapport à leur investissement dans la production audiovisuelle mondiale. Cela se traduit par l’apparition  de nouvelles plateformes et par l’ascension d’acteurs majeurs et dominants sur le marché de la distribution comme Netflix, Amazon Prime ou encore Hulu.

En effet, plus de 64% des foyers américains possèdent un abonnement à une plateforme SVOD et l’on estime que 2.5 millions de personnes sont abonnés à Netflix en France.

 

Le modèle économique de ces plateformes est fondé sur la croissance du nombre de leurs abonnés. Elles tentent donc de proposer des services de plus en plus qualitatifs, avec une offre de contenus variés et des suggestions adaptées à leurs clients.

L’émergence de ce nouveau mode de consommation remet en cause lourdement les rouages traditionnels de cette industrie qui, jusqu’alors, s’appuyait fortement sur la publicité dans ses canaux de revenus. Or, toujours dans l’idée d’offrir un meilleur service à leurs abonnés, les plateformes SVOD ont opté pour un modèle dans lequel la publicité n’a plus sa place. Alors même que l’obsolescence de la publicité à la télévision semble déjà programmée,  comment les annonceurs peuvent-ils s’adapter et utiliser les médias digitaux alors même qu’ils en sont exclus par les plateformes ?

Au-delà de priver les publicitaires d’accéder à leurs abonnés, Netflix ou encore Amazon Prime vidéo sont devenus petit à petit leurs concurrents. Ce n’est pas une concurrence autour d’un même service ou d’un même produit dont nous parlons ici, mais bien une compétition  pour capter  l’attention des personnes. L’attention de chacun, pour une publicité, une vidéo sponsorisée, ou encore un film, n’est pas extensible.   En effet, lorsque les abonnés des plateformes SVOD regardent leur série préférée, c’est autant de temps consacré qui ne profitera pas à la publicité. On estime aujourd’hui aux Etats-Unis, que les abonnés à Netflix sont exposés à 160 heures de publicité en moins à cause de la plateforme.

 

Dans ce contexte peu favorable pour les annonceurs, quelles sont les réponses pouvant être apportées ?

Intégrer de la publicité dans le contenu des plateformes semble être une tendance de plus en plus importante. Aussi, on parle de placement de produit qui s’intègre directement dans les films et séries  que les plateformes diffusent.

Créer des publicités plus innovantes qui réussissent à fédérer les fans d’une série d’une plateforme SVOD et qui crée ensuite un certain buzzs sur la toile, voilà le nouveau créneau. Certaines agences se veulent spécialistes de ces nouveaux types de publicités, aussi appelés « Native advertising ». L’agence Darewin par exemple, qui a pour client Netflix, a su faire parler de la série House of Card en faisant twitter Franck Underwood lors de l’utilisation intempestive du 49.3 en France.

 

Les annonceurs devrait donc peut être prendre exemple sur la communication des plateformes SVOD pour gérer leur campagne. En effet, bien que Netflix ou Amazon Prime Vidéo se privent de revenus financiers conséquents (estimés pour la première à près de 2.2 milliards de dollars par an) en refusant d’intégrer de la publicité à leurs plateformes, ils ne changeront surement pas d’avis et maintiendront une stratégie d’affaire qui fonctionne très bien. Alors, pourquoi changer une équipe qui gagne ?

 

Thomas Salas

La menace de l’économie digitale : comprendre et appréhender la fraude publicitaire

Dans le nouvel univers digital qui se dessine au sein de nos smartphone, ordinateurs et autres tablettes, une place importante est consacrée à la publicité. En effet, face à cet horizon infini d’espace libre et à la quantité vertigineuse d’aficionados du web, les annonceurs ont vite compris qu’ils pourraient tirer leur épingle du jeu. Mais ils ne sont pas les seuls déterminés à profiter de cette ruée vers l’or. Explication.

Le marché numérique de la publicité permet aux annonceurs et aux éditeurs d’échanger des espaces publicitaires et de l’audience Les acheteurs de médias négocient et achètent des espaces dont l’audience est ciblée, afin de véhiculer leur message marketing auprès de potentiels clients.

L’une des multiples technologies sur laquelle s’appuie la publicité en ligne est l’achat programmatique d’espace publicitaire, une vente aux enchères en ligne et en temps réel. Le terme programmatique recouvre un large éventail de mécanismes qui automatisent l’achat, le placement et l’optimisation de la publicité afin d’augmenter la rentabilité des campagnes publicitaires. L’achat programmatique d’espace est censé garantir à l’acheteur que les impressions de ses campagnes publicitaires seront vues par le bon utilisateur, qui pourra alors potentiellement acheter le produit par la suite.

Pourtant, sur ce marché intrinsèquement global, la fraude publicitaire inquiète de plus en plus les annonceurs, et éditeurs. Qui est-elle, et comment s’infiltre-t-elle dans le système ?
Depuis cette année, la fraude publicitaire est la deuxième activité illégale la plus lucrative au monde après la vente de stupéfiants. Une activité publicitaire frauduleuse consiste à tromper les annonceurs en leur vendant différents types de « faux lots » d’espaces, qui s’avéreront etre complètement inutiles au bon développement de leur campagne marketing.  Les annonceurs sont tenus de payer pour une exposition qui n’a jamais eu lieu ou, si elle l’a fait, elle n’a pas réussi à atteindre le public visé : dans les faits, les annonceurs perdent de l’argent en payant pour des publicités fantômes. De nombreux et différents types de fraude sont recensés à ce jour, trois sont identifiées comme étant les plus répandues.

La fraude d’impression est la pratique frauduleuse par laquelle une campagne publicitaire est artificiellement générée, sans avoir la moindre chance d’etre vue par un humain, et pourtant comptabilisée et indument facturée à l’annonceur.

La fraude par clic survient lorsqu’une personne non-humaine, un script automatisé ou un programme informatique, imite le comportement d’un utilisateur, en cliquant sur des annonces de manière systématique, sans avoir de réel interets donc pour la marque payant la campagne.

La fraude de conversion n’est qu’une variante de la fraude par clic, plus difficile à déceler cependant car le volume de clic ne dépasse jamais la normale. Ainsi, les fraudeurs attirent moins l’attention sur le trafic qu’ils génèrent, ils gagnent donc du temps sur leurs victimes.

A l’origine de ces arnaques, plusieurs facteurs continuent de contribuer à la persistance de ce problème: d’abord, la nature ouverte du marché publicitaire programmatique permet à n’import quel annonceur ou éditeur d’acheter ou de vendre. La barrière à l’entrée de ce marché est faible, ce qui rend le concept certes démocratique mais donc facilement pollué, utilisé à mauvais escient par les fraudeurs. De plus,  les montant des investissements ne cessant d’augmenter, la complexité des moyens de paiement rend difficile le suivi des sommes investies. En outre, les chaînes d’intermédiation s’étendent un peu plus tous les jours car les fournisseurs de services techniques se multiplient. Ainsi, la distance entre les éditeurs et les fournisseurs de contenu ne cesse de croître. Alors, à cause de la taille du marché, de la complexité des structures, des obsessions de résultat de la part des annonceurs et de l’absence de frontières: la fraude publicitaire est devenue une fraude globale à grande échelle.

De toute évidence, la fraude publicitaire menace le monde de la publicité numérique dans son ensemble. Elle se produit à l’échelle mondiale, mêlant différents types d’espace publicitaires à différentes audiences,  différents fraudeurs à différents types de régulateurs opérant dans différents pays.  Elle existe sur un large éventail de sites web, de Facebook à Pornhub. C’est un vrai défi d’estimer le montant des pertes et de retracer la route de ces millions de dollars perdus. Cependant, il est essentiel que nous soyons conscients de cette fraude digitale. Plus nous le serons, plus les vraies annonces seront lucratives pour leur annonceurs légitimes, et moins fort sera l’impact de la fraude publicitaire sur l’économie.
Cette réflexion nous invite à nous demander comment lutter efficacement contre la fraude publicitaire. Les « ad blocking » nous seront-ils profitables ?

 

Noémie Bécache.

 

 

 

 

« Quelles solutions les chaines de Télévision doivent-elles mettre en place pour s’adapter au mieux à la transformation digitale ? »

La télévision un mass média en difficulté ?

Après la transformation digitale des médias traditionnels comme la musique, la presse et le livre, c’est au tour de la télévision de connaître cette évolution.La télévision est un mass média qui bénéficie de la couverture la plus importante parmi les médias traditionnels et digitaux. Pour exemple, TF1, M6 et France 2 touchent chacun plus de 50 millions des français de 4 ans et +, alors que les médias digitaux tels que Facebook et Google ne touchent qu’environ 40 millions de français. La télévision est un Mass média, qui reste donc le média le plus efficace pour atteindre commercialement le public.

 

Cependant, cette audience se raréfie et vieillit. L’âge moyen de l’audience pour la télévision est en moyenne de 51 ans (pour certaine chaîne Arte et France 3 par exemple la moyenne d’âge atteint les 61 ans). En l’espace de 10 ans la moyenne d’âge du public qui regarde la télévision a vieilli d’environ 5 ans. Derrière ce vieillissement de l’audience ce sont les cibles publicitaires qui posent problème car les annonceurs visent principalement la mère de famille CSP+ qui est le décideur au niveau des achats du foyer se raréfie de plus en plus dans l’audience télé.

 

Le vieillissement de l’audience entraine une chute des investissements publicitaires sur la télévision.  Le marché publicitaire représente environ 31 milliards d’euros en 2016 et les annonceurs investissent de moins en moins dans les médias traditionnels au profit des médias digitaux. L’investissement publicitaire dans la presse a connu une baisse de 6,4 % tout comme la radio et l’affichage qui baissent en 2016.

 

Le marché de la publicité digitale a atteint en 2016, 3,5 milliards d’euros.  Ce résultat est en croissance soutenue depuis 2003. Au contraire la télévision est en stagnation et même en légère baisse. Les investissements publicitaires dans la télévision en 2016 sont en recul et ne représentent plus que 28%. La publicité digitale qui représente 30% des investissements publicitaires est donc maintenant le média le plus utilisé par les annonceurs[1].

 

Ainsi la baisse de cet investissement publicitaire pour la télévision fait perdre une source importante de revenu pour les chaines de télévision en France. Cette perte d’argent a directement des conséquences notamment dans les investissements que chaines de télévision doivent faire dans le cinéma.

Les chaines de télévision constituent une part importante des financements du cinéma en France. Le pourcentage d’investissement des chaines dans le cinéma passe ainsi de 35,5% en 2015 à 25,4% en 2016 ce qui est le taux le plus bas depuis 1994[2].

 

Cette baisse de revenu pour les chaines de télévision s’explique par la diminution des revenus publicitaire comme expliqué ci-dessus mais également en raison de l’apparition de nouveaux acteurs digitaux concurrents très puissant.  Ces derniers, qui n’ont pas d’obligations règlementaires d’investissement, ni de contraintes fiscales, ont ainsi une position avantageuse face aux chaines de télévision.

Ces nouveaux acteurs comme Netflix, Amazon Prime Video ou encore Hulu présentent de réels risques à la fois pour la télévision mais également pour le cinéma en France car le sort de ces deux médias sont liés. Si les investissements publicitaires pour la télévision s’essoufflent, ce seront les investissements pour le cinéma Français qui diminueront.

 

Quelles seraient alors les solutions pour les chaines de Télévision ?

 

Les chaines de TV pour éviter cette fuite des investissements publicitaires au profit d’internet pourraient développer ce qui fait office de nouvelle arme : le programmatique pour la télévision linéaire. Le programmatique permettrait ainsi d’adresser sur chaque téléviseur en temps réel des publicités ciblées et en adéquations avec les personnes visées dans chaque foyer et en fonction des données récupérées sur ces derniers. Cela permettra donc à la télévision qui reste le mass média par excellence d’avoir une publicité ciblée pour chacun de ses auditeurs et non plus une publicité en adéquation supposée avec le programme visionné.

 

De plus, les chaines de télévision peuvent également développer davantage leur transition vers le numérique et le tout digital. Il faudrait qu’elles intensifient et continuent de développer leur stratégie et leur positionnement sur internet. Les chaines devraient donc amplifier la qualité et la quantité des programmes disponibles sur leur plateforme (6play, MyTF1, France.TV). La transition des chaines historiques vers l’internet se fait également dans les autres pays du monde et notamment aux USA. Les networks américains ont développé notamment de nouveaux canaux OTT comme CBS All Access et SHOWTIME par CBS national, HBO GO par HBO et Univision Now par Univision.

On comprend donc que les chaines de télévision elles aussi s’adaptent et favorisent de plus en plus leur contenu à travers le WEB. Les chaines de TV favorisent également les programmes disponibles en VOD (bien que la publicité non-linéaire se monétise trois moins cher qu’en linaire). Leur transition passe peut-être aussi par le lancement de plateforme SVOD (projet notamment soutenu par Delphine Ernotte) regroupant plusieurs chaines françaises entre elles mais également intra-européennes. L’objectif serait d’avoir une puissance d’investissement et de production suffisamment importante pour exister face aux plateformes venues des Etats-Unis telles que Netflix ou encore Amazon prime vidéo.

 

On remarque également que les chaines de télévision développent de plus en plus d’initiatives sur You tube ou sur les réseaux sociaux comme par exemple Golden Moustache avec M6. Les chaines de télévision ont bien compris qu’il était maintenant indispensable d’être présent sur les réseaux sociaux (Arte gère assez bien leur présence notamment sur Facebook et Instagram).

 

Pour lutter également contre le vieillissement de son audience et de la fuite du jeune public vers les acteurs du numérique, les chaines de télévision proposent de plus en plus de contenus en faveur des jeunes comme par exemple la téléréalité comme le fait le groupe TF1. Le groupe France télévision a décidé lui, de faire de France 4 une chaine à destination des jeunes et jeunes adultes. Il faudrait à mon sens, pour lutter contre la fuite de l’audience, miser davantage sur les programmes jeunesses/animations qui sont très consommés et notamment en TVR[3] (télévision de rattrapage) mais également miser sur les programmes de fictions courtes comme les séries et particulièrement les séries feuilleton français[4].

 

Enfin, un autre moyen qui est intéressant pour les chaines de TV est le « shazam for tv ». Cette mise à jour de l’application ne permet pas seulement d’identifier la musique utilisée pendant une émission, mais permet surtout d’avoir du contenu enrichi sur ce programme. Comme par exemple, des anecdotes, des statistiques, le casting, des vidéos inédites ou encore des bons de réductions pour acheter les produits d’une publicité.

On pourrait étendre ce raisonnement également à la publicité en imaginant un système qui permettrait, grâce à l’application shazam, de « shazamer » directement un produit qui passerait à la télévision, permettant ainsi de l’acheter rapidement.

 Quels sont les enjeux futurs pour la télévision ?

Pour terminer, selon une étude Médiamétrie sur l’année TV en 2017[5], les français regardent toujours autant la télévision mais les moyens de consommation de cette dernière changent. Il y aurait ainsi environ 26 millions de français qui regarderaient un programme de télévision sur un autre écran (tablette, smartphone et ordinateur). Selon Médiamétrie, cela représenterait ainsi une augmentation de 3 millions de téléspectateurs supplémentaires. Par conséquent, l’enjeu pour la télévision est de s’adapter aux nouveaux modes de consommation des français.  Mais également de trouver de nouveaux moyens de monnayer cette audience et ainsi réussir à inverser les prévisions pessimistes que les professionnels du secteur lui réservent.

 

Arthur Landault

 

[1] 18ème édition de l’Observatoire de l’e-pub du SRI, réalisé par PwC, en partenariat avec l’UDECAM

[2] Bilan 2016 du CNC

[3]  Le marché de l’animation en 2016 du CNC

[4] Bilan 2016 du CNC

[5] http://www.mediametrie.fr/television/communiques/l-annee-tv-2017.php?id=1819

 

Data 1st party : Ce que les médias devraient apprendre des GAFA.

Dépasser ses first party data pour mieux vendre de la publicité.

En acquérant CCM Benchmark au mois d’octobre 2015, le Groupe Figaro avait pour objectif de devenir le groupe digital leader en France, en terme de visites d’une part, avec 24 millions de visiteurs uniques mensuels, et de data d’autre part, en diversifiant ses données 1st party. Son alliance avec l’éditeur de sites communautaires lui permet, en effet, de récupérer un autre type de données first party, comme les logs des internautes sur les forums. Une belle promesse publicitaire.

Le groupe, à l’instar des autres médias en presse et en télévision, a pris conscience d’une nécessité nouvelle : la  qualification véritable de son audience. Ainsi, avec le passage du média planning à l’audience planning, et la généralisation des DMP chez les annonceurs, ces derniers sont devenus exigeants. Les médias ont une promesse à tenir : une audience qualitative, et donc qualifiée. Exit les abus des premières heures de la publicité en ligne, pour le moins en apparence ; les éditeurs de contenu jurent avoir réglé les soucis de visibilité, de brand safety, et de fraude.

La combinaison de la data 1st et 3rd party : « connaître les inconnus ».

Internet a permis aux éditeurs de récolter de nouvelles données 1st party, plus précises, grâce aux web analytics : les données nominatives pour les utilisateurs loggés, les données comportementales pour tout visiteur (temps passé sur le site, durées d’écoute ou de lecture, moments de « décrochage » de lecture ou de visionnage, etc), la géolocalisation. Néanmoins, pour pouvoir vendre de la publicité ciblée, cette donnée 1st party de l’éditeur ne suffit plus car, si elle permet d’analyser le trafic et les comportement en ligne des internautes, le pourcentage de personnes loggées en presse écrite ou en radio reste très faible, ce qui ne permet pas de les identifier précisément. C’est notamment la raison pour laquelle les plateformes de catch-up TV de chaînes comme M6 ou TF1 obligent désormais leurs utilisateurs à se créer un compte afin de visionner des contenus.

Il a donc fallu enrichir ces profils avec de la data 3rd party, vendue ou louée par des acteurs tiers. Celle-ci apporte un autre type d’information sur l’internaute anonyme qui arrive sur un site, grâce aux « traces » qu’il a laissé lors de sa navigation, hors du site. Les acteurs de la 3rd party data, tels que Weborama, collectent les données des cookies et des tags, afin de définir des profils d’audience.

La combinaison de la data 1st et 2nd party  – Mieux cibler le consommateur visé par l’annonceur grâce à ses données.

Afin de parfaire le ciblage publicitaire, un autre type de données est injecté dans les plateformes d’achat d’inventaire : la donnée 2nd party, c’est-à-dire les données du partenaire commercial. L’annonceur peut ainsi tenter de cibler précisément, chez le média, les profils de sa base de donnée. Le croisement de la data 2nd party (de l’annonceur) avec la data 1st party (de l’éditeur) permet donc d’améliorer la qualité et la valeur du ciblage publicitaire : ce n’est plus la quantité d’impressions délivrées qui est valorisée, mais la qualité du ciblage du prospect.

D’un point de vue publicitaire, les médias traditionnels s’emploient donc à rattraper leur retard sur la collecte de données en ligne et le ciblage publicitaire. En revanche, ils sont encore loin d’optimiser la valeur de cette data, notamment 1st party, en les mettant au service de leurs contenus.

Traiter ses datas au service du contenu également.

Collecter des données ne suffit pas, c’est leur traitement qui apporte de la valeur à la data. Les données collectées sur l’audience en ligne pourraient permettre aux médias de recréer des marques fortes en optimisant le contenu et le personnalisant pour chaque utilisateur. Utiliser la data à des fins uniquement publicitaires est un palliatif fragile à la baisse des revenus : si l’audience déserte les contenus, c’est également à terme la disparition du « temps de cerveau disponible » si cher aux annonceurs. Or pour l’instant, les DMP semblent avoir du mal à quitter les régies pour rejoindre également les rédactions.

Pour la majorité des éditeurs, les algorithmes de recommandation autour du contenu sont encore loin d’être une réalité à l’exception de Melty, premier groupe médias chez les jeunes. Son business modèle repose ainsi sur « Shape », son algorithme prédictif. Celui-ci permet au média en ligne d’anticiper les sujets qui plairont à l’audience et deviendront viraux. Il influence aussi bien le fond, en s’inspirant des requêtes Google des tranches d’âge concernées et en faisant évoluer l’article en fonction des comportement de lecture, que la forme, en conseillant la sémantique la plus à-même de faire remonter l’article dans les moteurs de recherche.

 C’est pour s’aligner avec Google News ou la recommandation du News Feed de Facebook que les éditeurs traditionnels cherchent, de plus en plus, à créer une page d’accueil évolutive et personnalisée. Le Washington Post, depuis son rachat par Jeff Bezos, utilise ainsi deux nouveaux outils pour renforcer son audience en ligne. D’une part, Bandito lui offre la possibilité de publier un article avec cinq titres, photos et traitements de l’histoire différents, arbitrés par un algorithme en fonction de la combinaison générant un engagement maximal du lecteur. D’autre part, Loxodo lui permet de mesurer son « lead » : la qualité perçue d’un article par rapport à ceux d’autres éditeurs, ou la réaction provoquée par une notification mobile.

En améliorant leur contenu grâce au traitement de la donnée, les « marques» média tels que Le Elle, les Échos ou le Figaro susciteraient une attention plus captive. Ce cercle vertueux autour de la data permet aussi une diversification : opérations spéciales, événements, location ou vente d’emailing à des entreprises partenaires. Néanmoins, l’utilisation de la 1st party data à des fins d’amélioration et de personnalisation des contenus n’est pas encore une réalité pour la majorité des éditeurs dits « traditionnels ». Ceux-ci se limitent encore à une valorisation publicitaire.

Les GAFA et NATU, très en avance sur le traitement des données.

Face à eux, des acteurs tels que Google ou Netflix ont construit leurs business model autour de la donnée 1st party. Ils n’excellent pas seulement dans le traitement de leur data, via des algorithmes auto-apprenant (deep learning et machine learning) et de recommandation qui permettent d’améliorer constamment l’expérience de l’utilisateur, ils ont également pris une longueur d’avance sur la quantité de données stockées. On pourrait presque évoquer un phénomène de « vinification » des datas, dans le sens où, Facebook, comme Google, a segmenté, croisé, fait « macérer » des données comportementales, émotionnelles, transactionnelles, contextuelles depuis dix ans.

Si les médias aujourd’hui, commencent à « profiler » leur base de données, la supériorité des GAFA[1] est donc incontestable en terme d’expérience dans la connaissance de leurs utilisateurs (consumer centric).

La vraie supériorité : avoir une donnée 1st party assez puissante pour se passer de la 3rd.

 Ces nouveaux acteurs ont donc dépassé la nécessité d’acquérir une donnée autre que leur 1st party data grâce à leur expérience son traitement. Des entreprises, telles que Netflix,  dont l’algorithme est devenu la proposition de valeur, peuvent se passer d’intermédiaires de la 3rd party en intégrant leurs outils à leur algorithme propriétaire.

Celui de Netflix développe ainsi de la 1st party data dès son premier contact avec son utilisateur : il se log dès le premier mois d’abonnement (gratuit sur le modèle freemium), ce qui permet à la plateforme d’associer précisément la donnée nominative et comportementale, affinitaire, émotionnelle ou transactionnelle. Si la data ne permet pas de produire des contenus originaux, elle guide les choix de production et leur suggestion au consommateur[2]. L’algorithme de recommandation se base sur les goûts et le profil du client ainsi que sur un système de filtrage à partir de profil similaire (look-alike). Netflix ne faisant que croître, ce modèle éditeur est devenu un best case, au regard de l’importance du traitement de la 1st party data.

En conclusion, la question n’est pas tant de se demander pourquoi aller au delà de la first party mais quelle sera sa nature, qui la possèdera et comment l’utiliser. La vraie bataille sera celle de la data, entre nouveaux détenteurs de la données (GAFA, FAI) et médias, qui en auront besoin tant pour orienter leurs contenus que pour les monétiser. L’importance d’aller au-delà de la 1st party data découle aussi de l’emprise des FAI sur cet actif naturel des médias.

 

[1] Google, Amazon, Facebook, Apple

[2] Pour se faire les programmes sont “taggés” et “séquencés” pour en déduire des dénominateurs communs à partir de facteurs tels que : le rythme de visionnage, le contenu de ces programmes ou le genre notamment.

Claire Manzano

Le programmatique, la publicité personnalisée bientôt à la télévision ?

 

Alors qu’il a déjà fait ses preuves sur le web, l’achat programmatique peine à percer sur le téléviseur. Paradoxe, alors que la télévision connectée (IpTv) est aujourd’hui, le mode de consommation majoritaire en France. Les régies publicitaires semblent saisir les enjeux du marché et lancent leurs premières offensives.

Au premier semestre de 2016, la part du programmatique représentait plus de 50 % du display selon l’Observatoire de l’e-pub du SRI. L’explosion de ce mode d’achat a d’ores et déjà su conquérir le marché publicitaire digitale. Les chaines et leur régie l’ont déjà expérimenté sur leurs plateformes numériques. Malgré son succès, le programmatique peine à percer sur d’autres marchés publicitaires, notamment sur celui de la télévision linéaire.

Cependant, avec près de 80 % de taux de pénétration dans la population française, la télévision connectée (IpTV) possède toutes les capacités techniques nécessaires pour développer l’achat programmatique en Tv. Dans une société où le consommateur est de plus sollicité par les marques, la distribution d’une publicité ciblée et personnalisée pourrait être le remède à cette surpression des messages publicitaires. Les régies publicitaires des chaines se saisissent de la question petit à petit. Les acteurs du marché cherchent, à travers de nouvelles offre innovantes liant offre programmatique et offre classique, à maximiser l’efficacité des campagnes publicitaires.

Afin d’en saisir les enjeux, il est essentiel de différencier la télévision linéaire et la télévision non linaire. La question du programmatique n’appelant pas les mêmes réponses en fonction de la manière de consommer le média Télévision.

Explosion du programmatique sur la télévision non linéaire 

Aujourd’hui, le marché du programmatique, porté par le RTB est en forte croissance ( +50% sur le display et 10% sur la vidéo – en RTB). Malgré les craintes initiales de dévalorisation des espaces publicitaires, aucune destruction de valeur n’est à déplorer. Pourquoi ? Les régies – et leurs chaines – ont su s’entourer de partenaires dont la priorité était de « premiumiser » l’achat programmatique. Les plus connus sont aujourd’hui La Place Média et Audience Square, les deux régies publicitaires programmatiques, leaders sur le marché. Ces places de marché digitale ont mis au centre de leur préoccupation le principe de « brand safety », afin de sauvegarder la valorisation des inventaires publicitaires.

Par ailleurs, les régies misent de plus en plus sur le programmatique direct plutôt que sur le programmatique pur : là où le programmatique pur permet de connaitre la catégorie de site sur lequel la publicité va être délivrée, le programmatique direct permet la connaissance du média précis de diffusion.

Les régies publicitaires se positionnent également sur la data en imposant le système du log. A l’image d’M6, qui ne donne accès au contenu d’M6 Play qu’en échange de data utilisateurs. Pour cela, l’utilisateur à pour obligation de se logger, soit via Facebook connect, soit en renseignant un certain nombre d’informations personnelles type sexe, âge et adresse mail. Cette initiative permet à la régie de développer sa data 1rst party et parallèlement séduire les annonceurs avec une audience qualifiée.

Enfin, les régies publicitaires développent des offres basées sur la data, permettant d’augmenter le ROI de leur campagne grâce à une audience qualifiée, et donc par extension, un ciblage plus précis. L’illustration parfaite est le lancement de Data One par TF1, en partenariat avec Kantar, qui se rapproche des habitudes de consommation en proposant une approche basée sur des GRP par produit – par exemple GRP Sodas ou GRP biscuits. Cette offre permet entre autre de s’adresser à des profils d’acheteurs produit – Exit la ménagère de moins de 50 ans avec enfants – mais également de détecter les décisionnaires d’achat.

Le programmatique est donc bien installé pour ce qui est de la télévision non linéaire tant pour le display que pour la vidéo. Le nouveau challenge pour les régies et acteurs du programmatique d’adapter ce mode d’achat à la télévision linéaire.

La puissance du téléviseur …

La télévision est et reste le média de masse par excellence, idéal pour valoriser son image de marque ou pour les lancements produits. Il permet de toucher la plus large audience de manière efficace et économique, malgré son coût d’entrée élevé. Après l’avoir désertée pendant un temps, les annonceurs reviennent vers le petit écran progressivement.

Malgré tout, la télévision, a dû faire face à une dévalorisation de son inventaire publicitaire. La cause principale réside dans la fragmentation de l’audience, elle-même due à une multiplication de l’offre. Une note une dévalorisation de 37% entre 1993 et 2016. De plus, le temps accordé à la publicité par heure est passé de 9 minutes à 6 minutes depuis 2009. Certains acteurs du marché souhaiteraient remonter ce temps publicitaire à 12 minutes. Cependant, la surpression publicitaire à la télévision (à l’image des USA par exemple) serait une erreur à ne pas commettre, dans une société où le « ras le bol » publicitaire est déjà virulent.

… boosté par le programmatique

La télévision connecté (IpTv), représente aujourd’hui près de 80 % des téléviseurs en France. La technologie est donc là et permettrait la mise en place du mode d’achat programmatique – techniquement parlant. Avec la fragmentation des audiences, les régies ont intérêt à conserver et augmenter la valeur de leurs inventaires publicitaires. Pour cela, la data collectée par les FAI via les boxes (et donc les téléviseurs connectés) est une vraie mine d’or. Les régies lancent d’ailleurs des offres programmatiques allant dans ce sens.
Tout d’abord, l’exemple de TF1 avec son offre One Data, fondée sur une collaboration avec les FAI permettant d’enrichir la data de l’IpTV, apportant une data comportementale, sur les goûts et les manières de consommer des téléspectateurs.

Canal + Régie est à l’initiative du projet ALLADIN (All Ad In). La régie du groupe Canal a voulu réunir toutes les régies publicitaires françaises autour de ce projet plaçant la programmatique au centre des problématiques de rentabilité publicitaire. L’objectif principal de ce consortium est de constituer une large base de données qualifiées, réelle monnaie d’échange unique face au traditionnel Médiamat. La data segmentée « traditionnelles » sera donc couplée avec une approche dite plus « reach ». Autrement dit c’est le rapprochement entre la puissance de frappe de la télévision traditionnelle et le ciblage précis, aujourd’hui possible sur le web.

Cette innovation structurelle du marché est indéniablement en marche. Cette méthode programmatique remplacera-t-elle à terme les méthodes de vente traditionnelle ? Rien n’est moins sûr. En effet, les acteurs du marché imaginent, pour le moment, une solution de complémentarité entre les deux approches. Par ailleurs, les contraintes de la programmatique sur le web ne sont pas les mêmes que sur la télévision. Inconcevable par exemple, d’imaginer un écran noir en cas de non vente d’un espace publicitaire. La mise en vente d’espace publicitaire en temps réel n’est donc pas pour tout de suite.

Il existe sur la média Télé, une barrière législative concernant l’interdiction de la segmentation des messages publicitaires (à l’exception de France 3 régions).

Enfin, imaginons que ce système se révèle efficace et soit mis en place. La question de la propriété des revenus publicitaires devient légitime dans ce marché de plus en plus intermédié. On risque une guerre de pouvoir entre les régies, les agences et les nouveaux arrivant sur le marché, détenteurs de la data qualifiée : les FAI.

 

Alexandra Douffiagues

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