Newsjacking ou l’art de surfer sur l’actualité pour gagner en visibilité : méthode efficace de communication ? 

Bernie Sanders, la famille royale, Macron, tous ont été la cible du newsjacking – mais qu’est ce donc ?

Le newsjacking est une méthode marketing qui consiste à diffuser une image, une vidéo ou encore un message en rapport avec un sujet d’actualité. Le but est de provoquer une réaction, un choc chez le spectateur. On parle souvent de publicité “opportuniste”.

Pour cela, la campagne publicitaire doit être déclenchée le plus rapidement possible afin de ne pas perdre cet effet d’émulsion. Sont donc privilégiés les médias permettant une mise en place rapide de cette dernière (presse quotidienne, Internet, réseaux sociaux  …).En effet, cette méthode de marketing perd tout son sens si elle est reçue “trop tard”  par rapport à l’actualité exploitée. Le message perd alors toute sa valeur. La réactivité des équipes marketing de la marque est donc un élément indispensable. 

“Le newsjacking consiste à surfer sur une vague de buzz avant qu’elle ne soit formée totalement.”Frédéric Canevet, spécialiste en marketing B2B. 

La plupart du temps, c’est l’humour et la connivence qui sont mis en avant. Les jeux de mots et images détournées sont utilisés à foison. Au-delà de développer ce lien tacite avec l’audience en profitant de la viralité d’un buzz ou d’un événement, l’idée est également de profiter d’éventuelles retombées de presse ou sociales. 

Le newsjacking n’est pas forcément le fruit d’une immense réflexion, de grandes campagnes publicitaires comprenant des films publicitaires ou encore des emballages spéciaux. Cela peut simplement être un post ou un tweet, simple mais rebondissant instantanément sur l’actualité. Prenons l’exemple de ce tweet marketing de Netflix, en septembre 2020, à la suite d’une explosion dans Paris :

Ce dernier avait atteint la barre des 100 000 likes quelques minutes seulement après sa parution. 

Ou encore ce post de Monoprix en 2014 lors de la coupe du monde :

En quelques secondes seulement, le nombre de partages avait été fulgurant. Et on le comprend, la mise en scène est bien trouvée !

Dans le domaine du marketing traditionnel et digital, le real-time marketing a donc plusieurs objectifs : 

  • Améliorer la notoriété, l’image, l’engagement de la marque auprès du grand public
  • Une croissance rapide du chiffre d’affaires de la marque
  • La promotion d’un nouveau produit ou service grâce à cette méthode innovante
  • Se démarquer par rapport aux concurrents 
  • Créer une relation avec son audience cible et surtout tâcher d’accroître cette dernière

Le newsjacking présente donc divers avantages. Au-delà de rajeunir son image et d’améliorer sa réputation, cette méthode de marketing est un réel moyen pour générer de nouveaux prospects et de nouvelles ventes. En effet, les posts sur les réseaux sociaux relatifs au newsjacking sont les plus relayés par leur caractère ludique et inédit. Grâce au newsjacking, l’entreprise augmente donc sa chance de toucher une audience bien plus large que celle ordinaire.

Renforcer la confiance créée avec l’audience en jouant de cette complicité est également un atout far de l’approche marketing. Le newsjacking relève donc du marketing émotionnel et s’inscrit parfaitement dans cette vision d’amélioration d’image et de réputation. Cette stratégie digitale est également très utilisée afin de relancer la visibilité d’une marque et réveiller une communauté endormie. De nos jours, il est crucial pour une marque d’être présente au sein de la sphère médiatique. Utiliser le newsjacking est donc une manière idéale de se démarquer au sein de cette dernière, sortir son nom du lot. Toutes les entreprises n’osent pas encore se lancer et on les comprend. Faire du newsjacking c’est tout un art. 

Comment surfer (sans couler) sur l’effervescence médiatique ? 

La créativité est le maître mot. Cependant, il est essentiel de veiller à la bonne diffusion du message choisi. Si ce dernier est maladroit ou manque de pertinence,  le newsjacking peut rapidement virer à l’échec total et l’effet inverse de celui escompté : bad buzz, perte de réputation … On pense notamment à la campagne diffusée par les 3Suisses au lendemain de l’attentat à l’encontre du journal Charlie Hebdo début d’année 2015. Une action entraînant du remue-ménage dans le mauvais sens du terme et un bad buzz considérable pour la marque. 

Pour se mettre à l’abri d’un tel fiasco, voici quelques conseils : 

  • Forcer l’activité : Surtout pas ! Le principe même du newsjacking réside dans le fait de  surprendre les internautes. Créer le buzz pour le buzz ou surfer sur la même actualité que tous ne sera en aucun cas bénéfique. 
  • Ne pas trop planifier : Au risque de perdre en spontanéité, tout réside dans la gestion de l’urgence et de la surprise une nouvelle fois !
  • Éviter les sujets sensibles, susceptibles de créer une politique négative ( conflit armés, attaques terroristes …). Ne pas oublier de prendre des pincettes avec l’ironie, tout le monde n’est pas réceptif à cette manière de communiquer.
  • Résister à la récupération : Aucun effet de surprise dans ce cas, voire pire un vieillissement de l’image de la marque, jugée trop arriérée pour être à la page de l’actualité.  

Pour un effet garanti, il est essentiel d’établir un plan rapide – le newsjacking rime avec urgence – mais surtout efficience. Afin de déployer cette stratégie de manière réussie, trois étapes de bases semblent nécessaires : 

  1. Le benchmarking ou la veille marketing : Comme explicité plus haut, il ne faut surtout pas arriver trop tard ou encore pire passer à côté des événements d’actualités. Collecter et organiser les informations auprès d’autres médias spécialisés est donc nécessaire. Effectuer une veille SEO en s’aidant d’outils tels que Google Trends ou Oncrawl est un plus. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le newsjacking permet de toucher aussi bien des audiences B2C que B2B.
  1. être réactif mais attentif : Agir vite, certes, mais en étant  innovant et surtout sûr de ses sources. Le ton, le texte, tout doit être méticuleusement réfléchi.  L’idée est de proposer le contenu le plus pertinent, impactant et surtout plaisant afin de ravir le plus grand nombre.  Connaître sa cible principale est obligatoire afin de savoir la manière la plus judicieuse pour s’y adresser. D’autres part, inclure un aspect émotionnel est vivement recommandé : message de soutien à une cause, storytelling… Enfin quelque soit la nature du contenu, l’utilisation d’hashtags renforce la popularité et donc la vitesse de partage du post. Pour les JO 2024, utiliser #Paris2024 ou encore #OlympicSpirit peut propulser une campagne à l’avant de la scène. 
  1. Miser sur une stratégie multicanale : La campagne doit être vue, entendue, visionnée mais surtout retenue. Les blogs, campagnes d’emailing ou newsletters ne sont pas à négliger. Le format vidéo est également très apprécié. Les canaux de communication les plus exploités restent ceux visuels, permettant un partage immédiat sur les réseaux sociaux. Ces derniers par leur fonctionnalités de likes, commentaires et partages sont le support idéal, favorisant viralité et engagement.

Illustrons quelque peu ces propos.

Les experts en la matière : 

Monoprix : Comment parler newsjacking sans parler de Monoprix. La marque de supermarchés est la référence française dans ce secteur. Ses packagings jouent des temps forts de l’année pour mettre en avant les produits, le recours aux jeux de mots est pratiqué à profusion. Cette manière décalée de promouvoir les produits confère à la marque une réelle valeur ajoutée. 

Campagne célébrant les 45 ans du lancement de la mission spatiale Apollon 11: 

Campagne diffusée lors de la 68e édition du festival de Cannes en 2015 :

Ikea : La branche canadienne a souvent réussi à conquérir le cœur du grand public. Cette dernière mise également sur le newsjacking pour augmenter son capital sympathie. Sa communication digitale mise sur un visuel minimaliste mais efficace qui engendre souvent des milliers d’intéractions à travers le monde et des centaines de partages et reprises média.

Campagne diffusée à l’annonce du mariage du Prince Harry avec  Meghan Markle en 2018 : 

Campagne réagissant à l’image virale du sénateur américain Bernie Sanders :

Burger King : Pour conclure cette série d’exemples, il semblait indispensable d’évoquer le géant du Whopper. Connu pour son retour et ses campagnes de communications originales, c’est sans surprise que BK s’empare, à son tour, du newsjacking. 

Campagne réagissant à l’annonce de l’éclipse solaire au Canada le 8 avril dernier : 

Campagne diffusée lors du confinement de 2020 :

Le newsjacking, pratique déjà bien comprise par un certain nombres de marques semble donc être la technique idéale pour séduire son public sur un air enfantin ! Quoi de mieux que l’humour pour être convaincant et convaincu. Attention tout de même à ne pas se louper au risque d’être mis de côté. 

Originalité et créativité, nous avons hâte de voir ce que nous réserve les marques pour l’Euro et les JO de Paris 2024 !

Sources : 

Marketing, E. (2022, September 15). Newsjacking : qu’est-ce que c’est ? [Définition, marketing et exemples]. E-marketing.fr. 

Dorle, R. (2023, May 20). Stratégies de newsjacking : conquérir l’actualité pour un marketing efficace. Journal du Net

Sitew. (s. d.). Comment développer son entreprise en ligne avec le newsjacking ? Sitew.

Gripich, M. (2019). Newsjacking as a tool of influence on the image of a company in social networks. Zaporizhzhia National University. 

Lily Madura

Le futur du Live Shopping : une nouvelle ère animée par des avatars de vente

Live shopping dans le monde entier

Selon un rapport de Global Data, le marché du e-commerce en live devrait atteindre 245,15 milliards de dollars d’ici 2026. Selon les données du ministère chinois du Commerce, au cours des dix premiers mois de 2023, le chiffre d’affaires du live shpping a dépassé 2,2 billions de yuans (environ 2820,51 milliards d’euros), enregistrant une augmentation de 58,9 % en glissement annuel et représentant 18,1 % du chiffre d’affaires du commerce de détail en ligne.

Ces dernières années, le live shopping s’est rapidement développé à l’échelle mondiale, le nombre de professionnels, la diversité des secteurs, la gamme de produits, le nombre de diffusions en direct, et le montant des ventes, démontrant une dynamique puissante. En tant que nouveau modèle commercial de l’ère de l’Internet, le live shopping a émergé avec force, devenant une scène unique dans le développement économique de la Chine même du monde. 

Avatars virtuels et Live shopping

En outre, avec le développement continu du métaverse et de la technologie de l’information, la numérisation a créé une matrice de rôles divers, tels que des idoles virtuelles, des avatars virtuels, des employés numériques et des streamers virtuels. La diffusion virtuelle devient ainsi un point d’entrée et de fusion entre le monde virtuel et le monde réel. Les animateurs, en tant qu’élément essentiel du live shopping, sont-ils sur le point d’être remplacés par des streamers virtuels générés par l’IA ? Cette question suscite actuellement l’attention de divers secteurs. Les avantages indéniables sont les suivants :

  1. Ils n’ont pas besoin de se reposer et peuvent travailler de manière ininterrompue 24 heures sur 24. Les consommateurs peuvent ouvrir le live streaming à tout moment pour obtenir des informations sur les produits.
  2. Les streamers virtuels générés par l’IA n’ont pas de conscience de soi et ne seront jamais impliqués dans des incidents tels que des controverses ou des problèmes de comportement personnels, comme cela s’est produit avec les deux plus grandes stars du live streaming en Chine tels que Li Jiaqi (aussi appelé Austin Li) et Viya.
  3. Avec l’émergence de l’IA générative comme ChatGPT, non seulement le contenu des dialogues homme-machine devient plus riche, mais également les coûts opérationnels de l’apprentissage automatique sont réduits.

L’intérêt pour les avatars virtuels ne cesse de croître, et ils ont connu un énorme succès sur plusieurs plateformes de streaming et de shopping en Chine, telles que Kuaishou, Douyin (Tiktok), Taobao . En mai 2020, la marque de chanteurs virtuels Vsinger, avec des artistes tels que Luo Tianyi, a organisé des événements commerciaux en direct sur Taobao, atteignant un pic de 2,7 millions de spectateurs en ligne, dont 2 millions ont participé aux pourboires. Selon les abonnés ayant regardé le livestream du avatars virtuel la plus populaire en Chine, Luo Tianyi, ils ont exprimé leur préférence pour l’achat d’albums musicaux de Luo Tianyi et de produits correspondant à son image, par rapport aux simples endorsements commerciaux.

Les streamers virtuels présentent un potentiel de développement significatif dans le marketing de marque, contribuant efficacement à accroître la notoriété de la marque. Voici quelques exemples intéressants :

Les avatars virtuels influenceront-ils vos choix de consommation ?

En tant qu’une nouvelle tendance émergente, les avatars virtuels suscitent effectivement un vif intérêt et des discussions dans le domaine du e-shopping. Cependant, nous faisons face actuellement à une lacune dans les recherches, notamment en ce qui concerne l’impact des avatars virtuels sur les choix d’achat des consommateurs et leur ampleur.

Premièrement, nous pouvons nous pencher sur l’influence potentielle des avatars virtuels sur les décisions des consommateurs. Est-ce que l’apparition des avatars virtuels changera la perception des consommateurs des produits, leur processus de prise de décision d’achat et leur comportement d’achat ? Cela concerne l’efficacité réelle des avatars virtuels dans la transmission d’informations sur les produits, la fourniture de conseils d’achat, etc. À travers des études empiriques impliquant un grand nombre de consommateurs, nous pouvons mieux comprendre l’impact réel des avatars virtuels sur le comportement des consommateurs lors du shopping numérique.

Deuxièmement, il est nécessaire d’examiner l’acceptation des avatars virtuels par différents groupes de personnes. Les préférences d’achat et l’état d’esprit des consommateurs varient d’une personne à l’autre, et donc la recherche doit se concentrer sur des facteurs tels que l’âge, le genre, le contexte culturel, etc., qui influent sur l’attitude et le degré d’acceptation des avatars virtuels. Cela contribuera à une compréhension plus globale et permettra des prévisions plus précises de l’impact potentiel des avatars virtuels sur différents marchés.

Troisièmement, une recherche approfondie sur l’impact des avatars virtuels sur le shopping numérique nous permettra de mieux comprendre leur rôle dans l’environnement commercial, fournissant ainsi des recommandations plus scientifiques et pratiques pour le développement futur de l’expérience de shopping numérique.

Le futur : les avatars virtuels de vente remplaceront-ils les live-streamers réels?

C’est une question qui suscite beaucoup d’attention. L’évolution de cette tendance sera influencée par plusieurs facteurs.

Tout d’abord, avec l’avancée continue de la technologie, les capacités des avatars virtuels deviendront plus réalistes, répondant potentiellement aux besoins des consommateurs en matière de divertissement et d’information. Les avatars virtuels ne sont pas limités par le temps et l’espace, et peuvent fournir des services 24 heures sur 24, ce qui peut être attractif pour les consommateurs désireux d’obtenir des informations à tout moment et en tout lieu.

Ensuite, le comportement des consommateurs peut être influencé par des facteurs tels que la personnalité des avatars virtuels, leur interactivité et leur adéquation avec l’image de marque. Si les avatars virtuels parviennent à mieux répondre aux préférences des consommateurs, en offrant une expérience interactive personnalisée, ils pourraient devenir un choix préféré des consommateurs.

Cependant, l’authenticité et la chaleur humaine que possèdent les live-streamers pourraient être des aspects que les avatars virtuels ne pourront pas complètement remplacer. Certains consommateurs préfèrent interagir avec de vraies personnes, et l’expression émotionnelle et la construction de relations interpersonnelles des animateurs en chair et en os pourraient surpasser celles des avatars virtuels.

D’un point de vue industriel, l’attente envers les avatars virtuels alimentés par l’IA est qu’ils amélioreront l’efficacité, réduiront les coûts et créeront davantage de valeur commerciale pour les marques. L’apparition des avatars virtuels pourrait répondre à ces attentes, en particulier dans des contextes nécessitant une diffusion et une promotion à grande échelle.

En résumé, la question de savoir si les avatars virtuels remplaceront les live-streamers dépendra de l’évolution de la technologie, de l’acceptation des consommateurs et des besoins de l’industrie. L’avenir pourrait présenter une coexistence des deux, chacun jouant sur ses propres avantages pour répondre aux attentes et aux besoins diversifiés du public.

Peiyi OUYANG


Références :

Les tendances du live shopping en 2023. (n.d.). https://www.kolsquare.com/fr/blog/tendances-du-shopping-en-live-en-2023

Analyse de live shopping, Xinhua News. (n.d.). http://www.news.cn/tech/20240104/0d7fb92ee9dc49ba94f579d43666069c/c.html

Étude de l’influence des animateurs virtuels sur l’intention d’achat des consommateurs dans le commerce en direct, École de gestion de l’Université de technologie de Shanghai (2023) https://pdf.hanspub.org/ORF20230600000_67334662.pdf

Références en langues étrangères :

俞继红. 元宇宙时代数字虚拟直播的演变与展望[J]. 传媒评论, 2022(11): 79-80. 

梁伟, 石丹. 洛天依“出圈”会和真人爱豆抢饭碗? [J]. 商学院, 2020(9): 56-58. 

木芯. 一夜吸粉百万, 虚拟主播带货会更有优势吗? [J]. 销售与市场(管理版), 2021(12): 20-22.

陆新蕾, 虞雯. 虚拟偶像粉丝群体的消费文化研究——以虚拟歌姬洛天依为例[J]. 当代传播, 2020(6): 75-78+112. 

Quand TikTok redéfinit l’art des concerts

Ces derniers mois, qui n’a pas regardé une vidéo du concert d’Harry Styles, de Beyoncé ou encore de The Weeknd lors de leurs concerts en France sur son téléphone ?

Peut-on se demander si TikTok ne bouleverserait-il pas les codes des concerts ?

Les vidéos de concerts, filmés par les fans, se multiplient sur les réseaux sociaux et deviennent ainsi un atout pour les artistes pendant leurs concerts

C’est à travers cette effervescence des concerts que TikTok a réussi à se faire une place en tant que nouveau moteur de communication et de partage. En n’étant pas réellement dans la salle de concert, un spectateur peut voir des aperçus du spectacle grâce aux nombreuses vidéos des concerts partagées sur les réseaux sociaux. Auparavant, filmer ou diffuser un concert était une pratique illégale ; aujourd’hui, cela devient une norme.

Les vidéos de concerts, filmées par les fans, et partagées sur les réseaux sociaux permettent à ceux non présents d’avoir un aperçu à 360° du concert, de voir la scénographie, mais également d’écouter les chansons phares de l’artiste, et donc de vivre le concert à travers leur écran.

TikTok et Instagram deviennent ainsi un relais live du concert, un moyen pour les fans de faire vivre les shows à travers les écrans, mais également pour les artistes de promouvoir leur spectacle sans réellement dépenser en termes de marketing. Par exemple, le hashtag #loveontour pour le concert d’Harry Styles, cumule près de 7,2 milliards de vues. 

Aujourd’hui, les artistes se sont emparés de cet outil afin de créer des shows qui reprennent des tendances du réseau social, comme Stromae qui reprend sur scène, la danse de sa musique “Alors on danse”. 

D’autres artistes comme Rosalia crée leur show à la façon de TikTok. Elle se filme en vertical avec son téléphone à différents moments de son spectacle, elle réalise les tendances TikTok dans ses concerts. La chanteuse espagnole va même plus loin, puisque pour annoncer son nouvel album, elle fait un concert en direct sur TikTok. Cette performance lui vaudra en 2022 d’avoir remporté conjointement avec TikTok une nomination aux Latin Grammy pour son film musical “Motomami” (Rosalía TikTok Live Performance), un film uniquement tourné sur des iPhones . 

Les concerts se multiplient : la tendance des concerts est au spectaculaire

Actuellement, les concerts se multiplient, que ce soit dans les petites salles ou dans les grandes. En effet, une étude du Centre National de la Musique sur la diffusion des spectacles de musiques actuelles et de variétés en 2022 en France montre qu’avec plus de 62 000 représentations payantes et 32 millions d’entrées, l’année 2022 franchit pour la première fois le milliard d’euros de recettes (1 146 M€ de billetterie). Ce sont les grandes jauges (comme les zéniths, les arenas, etc.) qui génèrent près de la moitié des recettes de billetterie (42% pour 1% de représentations).

Effectivement, on peut constater que les méga-concerts se multiplient. Entre 2019 et 2022, le nombre de représentations dans les salles de plus de 6 000 places a augmenté de 14%. Avec la crise du disque, et la faible redevance du streaming musical qui ne compense pas les ventes “physiques”, il est important pour les artistes de jouer sur scène. En parallèle, après avoir passé deux années à écouter de la musique grâce au streaming pendant le covid, les spectateurs ont désormais envie de voir les musiciens et de partager un moment unique.

De plus, le public demande de grands shows comme celui de Taylor Swift, produit par AEG, capable de déplacer près de 90 camions et pesant environ 9 milliards d’euros. Du côté des artistes, l’important est de se démarquer car la concurrence est forte, les représentations deviennent donc de plus en plus spectaculaires. C’est dans ce contexte que des salles de spectacle importantes telles que le Stade de France reçoivent de plus en plus de concerts. En effet, en 2022, un tiers du chiffre d’affaires annuel de cette salle provient des concerts (soit 78 millions d’euros).

TikTok, au coeur de l’industrie musicale, crée son propre concert : TikTok In the mix

Cependant, l’omniprésence des vidéos de concert n’entache pas l’importance d’y participer. En effet, la performance du direct conserve son pouvoir, comme on peut le voir avec la démultiplication des concerts et des festivals. De plus, dans l’industrie musicale TikTok est devenu un incontournable pour les maisons de disques qui s’efforcent de découvrir le prochain grand succès. Par exemple, Drake avec son titre phare Toosie Slide”, englobe tous les codes de TikTok afin de faire de cette chanson un hit : une rythmique saccadée connue des titres TikTok, une chorégraphie déjà prête avant la sortie du son et les 15 secondes de la chanson permettant la mise en place de challenges. 

Par ailleurs, la plateforme a permis de lancer des nouvelles carrières, de rajeunir les plus anciennes comme avec la chanson “Dreams” de Fleetwood Mac de 1977 qui connaît un regain en 2020. Également, TikTok est parvenu à faire modifier les noms des chansons de certains artistes pour mieux s’aligner dans les tendances de l’application. Ainsi, étant donné l’importance de l’industrie musicale au sein de l’application, il était normal que TikTok produise son premier concert le 10 décembre 2023. 

De plus, depuis quelques années, TikTok joue un rôle particulier dans l’émergence d’artistes ou de nouveautés musicales. La création du festival de musique « In The Mix » est donc organisée dans cette optique : donner vie à la musique, aux tendances, et aux expériences que la communauté du réseau social peut créer chaque jour.

Retransmis en direct sur TikTok, le concert s’est tenu à Sloan Park à Mesa, aux Etats-Unis. La programmation suscite l’enthousiasme des utilisateurs, avec des artistes tels que Niall Horan, Charlie Puth, Cardi B ou encore Anitta. En parallèle des têtes d’affiche, TikTok In The Mix a mis en avant de nouveaux artistes tels que Isabel LaRosa, Kaliii, LU KALA et Sam Barber. Ces artistes font partie de « TikTok Elevate », un programme d’artistes émergents.

L’événement a rapidement affiché complet avec près de 17 000 personnes. TikTok a proposé un tarif oscillant entre 25 et 60$ (soit entre 20 et 55€), afin d’avoir un prix accessible pour sa cible de prédilection, les jeunes. Pour ceux qui se rendent sur place, la plateforme propose aussi différentes séries d’activités inspirées par les tendances les plus en vogue.

@tiktok

Missed #TikTokInTheMix? Relive all the highlights and unforgettable moments from our first ever live music experience NOW on @Disney+ and @hulu ✨

♬ original sound – TikTok

Pour un événement de cette envergure, TikTok a réussi à atteindre des records d’audience sur la plateforme avec plus de 33,5 millions de téléspectateurs au total, profitant de la diffusion originale et des diffusions ultérieures de l’émission, adaptée au format vertical de l’application.

Paul Hourican, responsable mondial des partenariats et de la programmation musicale chez TikTok explique qu’ils sont ravis de «donner vie au fil « Pour toi », bien au-delà du concert Live de Mesa, en proposant cette expérience unique à des millions de fans à travers le monde ». En effet, en plus de la retransmission en direct sur TikTok, Disney+ s’est emparé du phénomène en permettant également de revivre le concert sur la plateforme. 

«Aucune autre plateforme ne réunit aussi bien musique, créativité et communauté que TikTok» explique Paul. En effet, leur vision est de « créer un spectacle réinventé pour l’ère TikTok et la communauté de passionnés de musique du monde entier ». Ainsi, il ne s’agit pas uniquement d’un festival mais d’un évènement culturel révolutionnaire. Grâce à ce concert, le réseau social a donc rassemblé sa communauté ce qui lui a permis de briser cette barrière de l’écran et de pouvoir partager et réunir. Ainsi, cette expérience a mis en exergue comment les plateformes numériques telles que TikTok façonnent non seulement la manière dont nous consommons la musique, mais aussi la manière dont la musique est jouée et vécue en direct.

On peut dire que TikTok influe sur la manière dont les concerts sont appréhendés. En effet, pour les spectacles de grande envergure, le concert ne se perçoit plus uniquement comme un événement artistique que l’on vit en direct, mais plutôt comme un produit à valoriser en ligne, une opportunité de générer du contenu viral pour TikTok.

Ainsi, en plus de modifier la façon dont on consomme les concerts, un show doit être filmable de la réflexion de la tenue, à la préparation, et au jour J. TikTok modifie également  la manière d’assister au concert. En effet, comme l’explique Raphaël Enthoven, aujourd’hui nous sommes dans une ère où il est plus important de filmer sa vie et de la partager plutôt que de la vivre : on va choisir «de sacrifier» le moment pour dire qu’on était là. TikTok sera un des vecteurs de cette philosophie, puisque le concert sera filmé pour se rappeler d’avoir vécu cette expérience, mais également de pouvoir dire «j’étais là ». 

Pour renverser ces codes de la société, l’artiste Dinos interdit de filmer et de prendre des photos lors de sa prochaine tournée Process Tour de 2024. Cette annonce inédite va à l’encontre du phénomène de société de capturer chaque instant avec son téléphone et rejoint la théorie de Raphaël Enthoven : vivre le moment.

Alexandra BECQUET

SOURCE :

Centre national de la musique. (2024, 29 janvier). La diffusion des spectacles de musiques actuelles et de variétés en France

Jack.(2023, 13 novembre). Comment TikTok a changé la façon de vivre les concerts.

Courrier International. (2023, 28 septembre). Comment TikTok change notre rapport aux concerts.

Fromentin, M. (2023, 26 octobre)- Begeek.fr. Le premier événement musical mondial en live de TikTok verra notamment participer Cardi B et Charlie Puth.

Richard, O. (2023, 15 décembre) – Libération. Mylène Farmer, Taylor Swift. . . le concert au stade industriel.

Romano, A. (2023, 3 septembre) – Vox. How concerts have evolved in the age of TikTok and smart phones.

Rosso, S. (2023, 26 octobre) – Siècle Digital. TikTok dévoile les contours de son premier festival de musique.

TikTok. (2023, 25 octobre) – Newsroom | TikTok. TikTok in the Mix : un grand concert live et en direct sur TikTok.

L’impact des fusions-acquisitions sur le marché de la SVOD

En 2017, Disney secouait l’industrie avec l’acquisition historique de la 21st Century Fox pour 52 milliards de dollars, catapultant Hulu au sommet avec un éventail de contenus diversifiés. Privant Netflix et Amazon de précieuses œuvres Disney, Pixar et Marvel, Disney se retirait audacieusement de Netflix, lançant sa propre plateforme, Disney+, en 2020. Cette stratégie, initiée sous l’administration Trump, pose des défis dans un paysage médiatique en mutation et des régulations anti-trust renforcées. L’année 2023 a marqué une autre étape cruciale avec l’approbation réglementaire de la fusion tant attendue entre Discovery et Warner Media. Dirigée par David Zaslav, cette alliance a fusionné des réseaux emblématiques tels que TNT, CNN, Discovery et HGTV, créant un catalogue de contenus d’importance significative. Le défi majeur réside dans l’unification d’un public jusque-là segmenté entre deux offres distinctes : HBO Max, orienté vers le grand public, et Discovery +, axé sur les contenus non scénarisés à des tarifs relativement abordables. Cette tendance à la réunification vise à réduire la fragmentation des plateformes de SVOD, offrant une expérience plus cohérente pour les utilisateurs en rationalisant droits et ressources. 

En parallèle, les géants du streaming renforce leur stratégie et le succès est au rendez-vous. Disney+ met en avant ses capacités publicitaires comme élément clé de différenciation, annonçant lors du CES 2024 le lancement de Gateway Shop. Il s’agit d’une expérience de commerce électronique transparente intégrée au streaming, permettant aux spectateurs d’acheter directement les produits présentés dans les contenus Disney. Ajay Arora, vice-président principal du commerce, a déclaré que Gateway Shop est « la première expérience publicitaire télévisée transparente et achetable de Disney (…) Il permet au spectateur de passer de l’intérêt à l’action à l’achat sans jamais quitter l’environnement de visualisation. C’est du commerce en streaming sans interruption. » Pendant ce temps, Netflix enregistre une croissance significative avec 13 millions d’abonnés supplémentaires, dépassant les 260 millions au T4 2023. La restriction du partage de compte et le succès de l’offre avec publicité contribuent à cette augmentation. Netflix se diversifie également dans les jeux vidéo et prévoit une expansion dans les événements sportifs en 2024, illustrant une stratégie centrée sur la diversification des services et des contenus quand Disney mise tout sur la publicité. 

Du côté européen, Bertelsmann, cherchant à renforcer sa position audiovisuelle en Europe, a rencontré des échecs dans ses fusions, notamment avec RTL/Talpa Network, M6/TF1, et Simon & Schuster. Ces échecs révèlent une dynamique symptomatique de ce que Thomas Rabe, PDG de Bertelsmann, anticipait dès 2020 : un besoin d’assouplissement des réglementations pour permettre des « coopérations significatives voire des fusions plus importantes afin de créer des champions nationaux ». Canal+ se démarque lui en tant que principal distributeur de films en Europe, et la potentiel acquisition à venir d’OCS renforcerait sa position sur le marché. Ce rachat permettrais à Canal+ de s’imposer comme précurseur de cette vague de fusion-acquisition venu de l’ouest. Le groupe se distinguant déjà grâce à sa stratégie de partenariat qui propose depuis avril 2023 les programmes AppleTV+ dans son offre, ainsi que des packages donnant accès au services Disney+, Netflix, OCS et Paramount+.

Les répercussions des fusions en cours ne se limitent donc pas à la SVOD, et s’étendent à d’autres marchés grâce aux stratégies de diversification adoptées. Ces fusions donnent naissance à de nouveaux conglomérats médiatiques qui contrôlent l’ensemble du processus, de la production à la diffusion, et influencent la course à l’attention. Les changements majeurs dans les dynamiques de l’industrie suscitent également des questions sur l’impact sur la sélection des contenus, les lignes éditoriales et la création artistique, avec des répercussions qui s’étendent à d’autres secteurs économiques. Comment ces mastodontes du divertissement interagiront-ils avec d’autres secteurs économiques ? Comment leur empreinte se fera-t-elle ressentir dans des domaines connexes tels que la technologie, la publicité, voire la politique ? Les réponses à ces questions dessineront le visage d’un paysage médiatique en perpétuelle évolution.

Les conséquences d’une concentration entre géants du secteur

Selon une étude menée par Parrot Analytics, une fusion entre WarnerBros Discovery et Paramount créerait une entité qui deviendrait le leader incontesté de la demande aux États-Unis, surpassant Disney avec 29,1 % de la demande en 2023. Cependant, à l’échelle mondiale, cette fusion ne représenterait que 9,1 % de la demande de contenus originaux, se classant derrière Prime Video (11,3 %) et bien loin de Netflix (34,6 %), mais devant Disney (8,8 %). Si Warner Bros. réussit à acquérir Paramount, il pourrait se positionner en tant que concurrent sérieux, surtout avec le lancement imminent de leur service MAX dans plusieurs grands pays. Une force à plusieurs échelle : au cinema, à la télévision et en streaming. Cette fusion, bénéfique pour les droits sportifs et la diversité des contenus, pourrait rencontrer moins de résistance réglementaire. Mais la gestion de la dette et les défis de cohabitation demeurent des préoccupations. 

Second scénario imaginé par l’étude, celui d’un rachat de Paramount par Comcast, maison-mère de NBC Universal. Cette fusion propulserait ce nouveau géant en tête du podium, dépassant Disney en termes de demande globale de contenus aux États-Unis. Toutefois, au niveau mondial, elle se classerait juste derrière Apple TV+ avec seulement 6,8 % de part de marché. Cette fusion, bien que potentiellement puissante, semble compromise par la législation fédérale, qui n’autorise pas la réunion au sein d’un même groupe de deux réseaux hertziens : CBS et NBC. Pour que la fusion se fasse il faudrait abandonner un des réseaux, mais les deux groupes respectifs sont-ils prêt à un tel sacrifice ? 

Enfin, l’étude révèle un dernier scénario intrigant : David Ellison, le patron de Skydance Media, boite de production américaine, serait prêt à faire une offre pour acquérir la holding qui contrôle Paramount. Un tel rachat pourrait orienter le groupe vers la production, suivant ainsi le modèle de Sony Pictures. Ce dernier avait envisagé une fusion avec le groupe de télévision indien Zee Entertainment pour créer un géant du divertissement capable de rivaliser avec les leaders du streaming. Cependant, le projet a été annulé en janvier 2024, affaiblissant leur position respective en Inde, tandis que la fusion entre Reliance et l’unité indienne de Disney était en négociation. Une fusion menacé elle aussi par la politique anti-trust, les deux groupe posséderait suite à la potentiel fusion un monopole sur les droit du cricket en Inde et une importante part de marché à la télévision. De quoi faire vaciller l’examen réglementaire ! 

Les récentes réformes de la Federal Trade Commission (FTC) et du ministère de la Justice redéfinissent la politique antitrust américaine en mettant l’accent sur la protection du bien-être à long terme des consommateurs et des travailleurs. Traditionnellement guidée par le critère du bien-être du consommateur, la nouvelle approche vise à élargir les objectifs de la législation antitrust en incluant des préoccupations sociales, telles que la préservation de la démocratie et la protection des petits concurrents. Cette réforme s’oppose aux critiques de l’ancienne norme, accusée de ne pas prévenir la concentration du pouvoir économique, en se concentrant sur les actions anticoncurrentielles ayant des conséquences graves à long terme. Une fusion telle que Warner Bros. Discovery-Paramount peut sembler une concurrence à court terme contre Netflix et Disney+, mais à long terme, elle pourrait créer un géant médiatique susceptible de coordonner plutôt que de concurrencer. Cela aurait des répercussions sur les salaires, les licenciements, les prix des contenus, et compliquerait l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché. Ces nouvelles normes examinent les aspects verticaux des fusions, en vérifiant si l’entreprise issue de la fusion contrôle un produit dont les rivaux ont besoin pour être compétitifs. Cela contraste avec l’ancienne norme à court terme, comme l’a montré la fusion AT&T-Time Warner en 2017.

Bénéfices pour les investisseurs ou les consommateurs ?

Le marché médiatique devient alors le théâtre de spéculations intenses sur d’éventuelles transactions de fusion-acquisition, principalement centrées autour du sort de Paramount Global. Paramount Global, dirigé par Shari Redstone, est perçu comme ayant atteint un carrefour entre croissance et vente, potentiellement susceptible de déclencher d’autres transactions, un effet de flipper lorsqu’une entreprise d’envergure affiche un panneau « À Vendre ». (Pour information, ni Paramount Global ni la société mère de Shari Redstone, National Amusements, n’ont commenté publiquement sur le sujet.) Initialement perçu comme une aubaine pour les consommateurs désireux d’échapper à la multiplateformisation et de souscrire à une offre plus complète, les fusions entraînent inévitablement une concentration des contenus, aboutissant à une offre finalement moins diversifiée. L’approche « fourre-tout » adoptée par les stratégies de valorisation à la Netflix, ciblant un large public, risque d’engendrer de la frustration chez les consommateurs cherchant à trouver ce qu’ils veulent réellement regarder. Au cœur de cette réflexion réside la question de la pertinence des plateformes sur-éditorialisées face à l’émergence de ces géants fusionnés. L’avènement de la technologie, porté par l’intelligence artificielle, ouvre-t-elle la voie à une avancée majeure en matière de personnalisation au sein du paysage médiatique en mutation? À l’instar des bulles de filtres sur les réseaux sociaux, l’IA pourrait offrir une personnalisation plus fine, plaçant chaque individu au centre d’une multitude de contenus médiatiques fusionnés. Un exemple probant se dessine avec Amazon, qui, en agrégeant les données récoltées auprès des consommateurs sur divers marchés, pourrait perfectionner sa personnalisation et ainsi approfondir sa connaissance du consommateur. Cet effet boule de neige, résultant en une personnalisation plus pointue, pourrait potentiellement constituer une concurrence redoutable pour des plateformes telles que Mubi. Ces dernières, en misant sur un positionnement spécifique, risquent de voir leur axe de différenciation s’estomper dans cette nouvelle ère de personnalisation médiatique propulsée par l’IA. Mais si le traitement des données est de plus en plus refrénée c’est peut-être ce même axe de différenciation qui permettra à ces plateforme de tirer leur épingle du jeu. Qui sait ! 

Daassiss Chaïma


Sources

Parrot Analytics dresse quatre scénarios de concentration à Hollywood

Retournement de situation, la fusion des plateformes HBO Max et Discovery+ est annulée

Merger Guidelines U.S. Department of Justice and the Federal Trade Commission 

La plateforme de streaming Max, fusion de HBO Max et Discovery+, lancée en France en 2024

Max : Warner annonce sa nouvelle plateforme de streaming, fusion de HBO Max et Discovery+

La SVOD et le Covid-19 ont provoqué une vague de fusions et acquisitions en Europe

Données massives et droit de la concurrence : les fusions-acquisitions des plateformes numériques

Scénarios anticoncurrentiels pour les fusions numériques – Note de référence de l’OCDE

WarnerMedia and Discovery have completed their mega-streaming merger

Une fusion Disney-Reliance en Inde dans le domaine du divertissement risque de se heurter à des problèmes antitrust

Paramount Potential M&A: Warner Bros. Discovery, Skydance, Apollo – Oh My!

As Paramount, WB Discovery and Others Weigh M&A Options, Is More Consolidation Really the Answer to Hollywood’s Profit Problem?

Inde-Sony met fin à son projet de fusion avec le groupe de télévision Zee Entertainment

L’économie de la célébrité à l’ère des réseaux sociaux : impacts et nouvelles tendances dans l’industrie du la K-Pop

Source : Alexander Shatov

Si vous utilisez des réseaux sociaux, vous avez probablement déjà entendu parler de la K-pop. En effet ce genre musical né en Corée du Sud dans les années 90 est extrêmement présent sur toutes les plateformes sociales, notamment grâce aux fans de ces chanteurs de pop coréenne que l’on appelle « idoles ».

La K-Pop et sa fulgurante montée en popularité

Caractérisée par des vidéos extravagantes aux grands budgets, des chorégraphies détaillées et des productions musicales uniques et variées, la K-Pop a su séduire un bon nombre de fans, et ce depuis des décennies. Néanmoins, durant ces dernières années, le genre a franchi un nouveau seuil de popularité en devenant une industrie internationale faisant succomber toutes les barrières géographiques : 89 millions de fans dans 113 pays, des tournées mondiales, des apparitions dans les plus grands festivals de musique (Coachella, Lollapalooza), de nombreux prix (Grammys, BBMAs, VMAs…), etc.

Et l’une des explications derrière cette montée rapide en popularité réside dans les réseaux sociaux. Mais comment les réseaux sociaux ont-ils transformé l’industrie du divertissement sud-coréenne, notamment dans des logiques d’économie de la célébrité ?

Une économie de la célébrité déjà présente…

« La célébrité, c’est l’avantage d’être connu de ceux qui ne vous connaissent pas »

Nicolas de Chamfort, poète et journaliste français.

Les célébrités sont dotées d’une influence parasociale, qui est un type de relation sociale à sens unique dont une personne peut faire l’expérience vis-à-vis d’une personnalité publique ou d’un personnage de fiction. Le fan peut ainsi développer des sentiments d’amitié, même sans existence de réelle interaction directe.

En Corée du Sud, cette influence était déjà assez forte avant les réseaux sociaux, avec une industrie de K-Pop prônant une apparente proximité entre les fans et les artistes en multipliant les apparitions de ces derniers : émissions de variété, séances de dédicace, téléréalités, publicités télévisées… Les artistes deviennent des professionnels du divertissement pour leurs fans, et sont ainsi déjà au centre d’une économie de la célébrité dans laquelle le fan est prêt à consommer toute sorte de contenu dès lors qu’elle est en lien avec sa star favorite, faisant tourner une économie.

… mais renforcée par les réseaux sociaux

Les médias sociaux introduisent de nouvelles opportunités de relations parasociales, car ils tendent à jouer sur des interactions fréquentes, plus personnelles et parfois réciproques entre les célébrités et leurs fans. En profitant de cette nouvelle opportunité, l’industrie de la K-Pop s’est approprié l’usage de ces réseaux (TikTok, Instagram, Twitter, Youtube) et est parvenue à en faire profit grâce à des stratégies inédites et créatives pour gagner en exposition et entretenir des relations solides avec leurs fans, notamment en postant régulièrement du contenu donnant aux fans un sentiment de proximité : vlogs, lives, challenges, sketchs, documentaires, multiplication des shows de variété et émissions de téléréalité…

L’objectif est rempli : partager leur quotidien et se positionner comme un ami pour des fans de plus en plus fidèles, grâce à des contenus viraux produits en parallèle de leur carrière musicale ; chose qui était auparavant compliquée alors que la promotion des artistes reposait essentiellement sur des méthodes traditionnelles telles que les apparitions télévisées ou les interviews à la radio.

Les fans, fidèles à leurs idoles vont alors les soutenir quoiqu’il arrive, en achetant leurs albums, places de concert, en votant, etc.

Les différentes agences et leurs stars, en maîtrisant parfaitement leurs contenus et leur viralité, sont ainsi devenus expertes dans ce domaine de la présence en ligne, et ont su s’imposer comme des personnalités à la réputation extrêmement solide : en date du 30 avril 2023, Lisa des Blackpink est l’idole de K-Pop la plus suivie et la 38e célébrité la plus suivie au monde sur Instagram, avec 92.9 millions d’abonnés. Elle est suivie par V des BTS, deuxième star coréenne et 82e mondialement avec 58.6 millions d’abonnés.

Les réseaux sociaux, un moyen de rassembler les communautés de fans

Ces très larges bases d’abonnés sont principalement constituées de fans, qui vont s’organiser en communautés – ou « fandoms » – sur les réseaux sociaux afin de pouvoir soutenir au mieux leurs artistes qu’ils considèrent et tiennent en estime. Ils vont ainsi agir à leur échelle comme des promoteurs de leurs idoles favorites sur les réseaux sociaux : discussions entre fans, hashtags hissés dans les tendances, comptes fans écrivant sur l’actualité d’un groupe… En 2020, Twitter a enregistré 6.7 milliards de tweets liés à la K-Pop.

Les agences, quant à elles, ont su déceler le potentiel de ces communautés de fans motivés et ont alors décidé d’investir dans de nouveaux moyens pour faire tourner cette économie de la célébrité, en les réunissant autour de contenus exclusifs. C’est ainsi qu’ont été créés Vlive puis Weverse, deux réseaux sociaux dédiés exclusivement aux interactions entre artistes et fans, qui leur permettent d’échanger dans des cadres plus intimistes et donc de préserver ce sentiment de proximité. Les artistes peuvent y poster des messages courts, répondre aux posts des fans, faire des lives pour parler de leur quotidien avec leurs fans. Sur chacune de ces plateformes, chaque artiste a un compte auquel le fan peut s’abonner, et ce dernier peut même profiter de plus d’avantages en payant, notamment en achetant une adhésion au fanclub de leur artiste favori.

De nouvelles opportunités pour les artistes

Les réseaux sociaux représentent aussi des opportunités inédites pour les artistes. Tout d’abord la nature même des réseaux, reliant les quatre coins du monde, a permis aux artistes de gagner en renommée grâce à la musique, en accédant à des marchés qui n’auraient pas été envisageables sans une présence physique lors de tournées ou autres évènements.

Les stars sont aussi devenues des marques à part entière dans cette économie de la célébrité, et peuvent générer des revenus grâce des activités annexes, car leurs fans seront prêts à soutenir tous leurs projets et produits (G-Dragon et sa marque de mode, IU et sa marque de cosmétiques…).

Cette logique est aussi valable pour les partenariats de plus en plus communs, à une ère où les marques sont de plus en plus disposées à digitaliser leur marketing en collaborant avec des célébrités aux grandes bases d’abonnés. Les idoles de K-Pop sont ainsi en haut de leur liste grâce à leur popularité sans précédent auprès des fans, qui peut faire augmenter considérablement les ventes de n’importe quel produit. Cela passe par des posts sponsorisés, ou même des contrats d’endorsement de plus en plus nombreux et prestigieux : Jungkook (BTS) pour Calvin Klein, Hanni (New Jeans) pour Gucci, Lisa (Blackpink) pour Céline, Cha Eun Woo (Astro) pour Dior, etc.

Les célébrités coréennes ont également la possibilité d’utiliser leur plateforme en tant que leader d’opinion pour sensibiliser à des causes sociales et des campagnes de bienfaisance, créant un impact positif dans la société. Par exemple, à la suite d’un don d’un million de dollars du groupe BTS au mouvement Black Lives Matter, leur fandom ARMY s’est organisé sur les réseaux sociaux grâce à l’hashtag #MatchAMillion, et a réussi à doubler la donation pour le mouvement par ses propres moyens.

Une exposition plus grande aux dérivés liées à la réputation et à l’économie de la célébrité

Néanmoins l’impact des réseaux sur l’industrie du divertissement coréen n’est pas que positif. En effet ils introduisent une plus grande pression pour les idoles quant à le gestion de leur statut de célébrité.

Les scandales et controverses, notamment, sont beaucoup plus visibles et impactantes en raison des réseaux sociaux, poussant les stars doivent à faire très attention à chacun de leurs gestes au quotidien, car ils sont observés.

Cela est dû en partie au fait qu’avec de cette logique d’interaction extrême, les fans peuvent développer un sentiment de droit sur la vie privée et les actes de leurs idoles : ils sentent que ces derniers ont besoin d’eux et leur doivent beaucoup au vu de leur implication incomparable, et vont donc se servir des réseaux sociaux pour exprimer leur possessivité ou leur mécontentement sur chacun de leurs actes, mêmes anodins ; allant parfois à critiquer l’apparence d’idoles s’écartant des standards de beauté. Des fans extrêmes vont même aller jusqu’à les suivre, à leur envoyer des lettres de menace, ce qui peut détériorer les relations.

Beaucoup vont les considérer comme des marchandises qui ne peuvent pas s’écarter d’une vision idéalisée que les fans ont d’eux. Cette pression est telle que l’industrie a connu plusieurs cas de suicides, alors que les idoles supportent de moins en moins la pression et les critiques du milieu, et que certains commencent à exprimer leur mécontentement.

Il est donc clair que les réseaux sociaux ont énormément apporté au milieu de la K-Pop en renforçant l’impact des artistes et leur proximité avec les fans ; néanmoins cela peut se faire à leurs dépens car ils peuvent souffrir de cette ouverture au monde, qui introduit plus de pression et les prive de certaines libertés. Il est donc nécessaire que les agences fassent le nécessaire afin d’assurer leur bien-être, en imposant des limites et en adaptant leur comportement à cette nouvelle ère connectée.

Article de Wendy Mbango.

Sources

  • Black lives Matter : après le don de BTS à 1 million de dollars, les fans du groupe font la même chose, Le Parisien.
  • #KpopTwitter achieves new record of 6.7 billion Tweets globally in 2020, Twitter Blog.
  • List of Most-Followed Instagram Handle in World, Sacnilk.com.
  • K-Pop 2023: A Look at the Statistics Behind the Music, Gitnux.

Les nouvelles sources d’informations sur les réseaux sociaux : l’exemple d’HugoDécrypte

En 2015, alors qu’il est en première année à Sciences Po, Hugo Travers, dit HugoDécrypte, crée sa chaîne YouTube, qu’il présente comme un média qui se veut ouvert aux jeunes et informatif via un traitement journalistique de l’actualité. 6 ans plus tard, il est à la tête d’une entreprise de 25 employés postant quotidiennement des condensés d’actualités sur TikTok, Instagram, Twitch, Snapchat, Twitter et même Spotify sous format audio. Aujourd’hui, son média semble avoir conquis les jeunes audiences sur les réseaux sociaux, alors que de nombreux médias s’interrogent sur la façon dont ils pourraient capter ce public réputé fragile et désintéressé.

De nouvelles formes d’information

A seulement 25 ans, le média HugoDécrypte compte à ce jour 1305 publications sur Instagram pour 2.5 millions de followers, 1400 vidéos sur Youtube pour 1.89 million d’abonnés et 266 millions de likes sur TikTok, pour 4.2 millions de followers. Le média est devenu le media par excellence sur les réseaux sociaux. 

Le média HugoDécrypte s’engage à rendre accessible n’importe quel sujet au plus grand nombre. Ce principe de vulgarisation permet à un jeune de 14 ans de comprendre et de s’intéresser à des sujets d’actualité. Sur le fond, un sujet pourra donc tout autant intéresser un adolescent que quelqu’un qui maitrise déjà le sujet.

Le concept de la chaîne est simple : Hugo décrypte l’actualité et les sujets de société qui intéressent les jeunes, en utilisant des exemples concrets et des images pour illustrer ses propos. Ses vidéos sont courtes, souvent moins de dix minutes, et vont droit au but. Il aborde des sujets variés, allant de la politique aux nouvelles technologies, en passant par les enjeux environnementaux ou encore les phénomènes de société.

La force du média est la compréhension des stratégies et enjeux propres à chaque réseau social. Chaque réseau à ses codes, son public est ses modes d’utilisation. Le média propose une réflexion stratégique sur les contenus qui seront diffusés. Sur Youtube, on retrouve les « Actus du jour » (entre 10 et 15 minutes d’infos par jour) ainsi que des reportages. Le vidéaste détient également une chaine secondaire à 900K abonnés sur lesquels il poste des grands formats, reportages, débats… Sur Instagram, il privilégiera des formats écrits (carrousels) intuitifs et visuels ainsi, que des courts extraits pour les Reels. Sur TikTok, il postera des formats courts et impactants. Le média compte également un compte Twitter et une chaîne Twitch sur laquelle Hugo anime un talk-show tout les mercredis.

Enfin, le fait de passer par ces canaux d’information renforce le degré de transparence entre le média et les consommateurs. Le manque de transparence sur la manière dont les médias traditionnels diffusent les informations leur est souvent reproché. Chez HugoDécrypte, les personnes qui suivent le média peuvent facilement faire un retour sur les contenus. Cela participe au maintien de la confiance envers le média.

Capter un public jeune et défiant par l’horizontalité 

Selon le 35ème baromètre de confiance dans les médias publié en janvier 2022 par Kantar & La Croix, la rupture entre la jeunesse française et les supports de radio, de télévision et de presse écrite s’accroît chaque année. Chez les 18-24 ans, l’intérêt pour l’actualité a chuté de 51 % à 38 % en l’espace d’un an. Cette jeune population estime également que certains sujets qui leur sont chers n’ont pas été assez traités par les médias traditionnels (comme le dérèglement climatique par exemple).

Ainsi, dans un contexte compliqué où l’actualité est négative, les 18-25 ans s’intéressent de moins en moins aux médias dits « traditionnels ». C’est là que les nouveaux médias, tels que HugoDécrypte, prennent de l’importance en s’implantant sur les réseaux sociaux où les jeunes se trouvent déjà. Ce qu’il représente correspond parfaitement à ce que les jeunes recherchent : des informations rapides, concises et expliquées par une personne sympathique de 25 ans. Alors que la fiabilité de l’information sur les réseaux sociaux était la principale source de méfiance, HugoDécrypte change la donne en se présentant comme fiable, transparent et pluraliste. Sa stratégie marketing est efficace; son public ressent une proximité et une spontanéité, alors que tout est en réalité minutieusement préparé. Selon Hugo Travers, le succès de son média repose sur la confiance mutuelle avec les internautes. En somme, cela pourrait être notre « pote ». Un « pote » que l’on peut peut retrouver sur la chaîne de Squeezie le lundi, puis sur sa chaîne le mardi en train d’expliquer le conflit israélo-palestinien.

Cette nouvelle façon de penser les médias, sur les réseaux sociaux, se caractérise par une approche horizontale. Contrairement aux médias traditionnels où l’information est diffusée de manière verticale, avec des experts et des journalistes diffusant l’information vers le public, les médias sur les réseaux sociaux impliquent davantage les utilisateurs dans la production et la diffusion de l’information. Les réseaux sociaux permettent une interaction directe entre les producteurs et les consommateurs, offrant ainsi une approche plus démocratique et collaborative. Cette approche permet aux utilisateurs de partager leur point de vue, de poser des questions, de discuter et d’interagir avec les autres utilisateurs, créant ainsi une communauté d’intérêts autour du média et une nouvelle façon de s’informer. Bien que l’envie de transparence et de dialogue entre un média et sa communauté ait toujours existé, elle s’est longtemps heurtée à un modèle de diffusion descendant où le média transmettait l’information et le public la recevait. Avec l’avènement des réseaux sociaux, il y a davantage d’horizontalité dans les échanges. 

Un virage à emprunter pour les médias traditionnels

Ainsi, si l’on suit le modèle à succès d’HugoDécrypte, la digitalisation des contenus proposés est primordiale à la survie des médias traditionnels. Depuis quelques années, on observe ainsi la transition des médias traditionnels vers les réseaux sociaux. Même si les médias traditionnels ne sont pas voués à disparaître, de plus en plus investissent les réseaux sociaux. Par exemple, le Monde a très rapidement proposé ses contenus sur les réseaux sociaux : Snapchat, Youtube, Facebook Instagram et plus récemment TikTok. Aujourd’hui, Le Monde compte 1.7m de followers sur Instagram, 1.54m d’abonnés sur YouTube et 800k followers sur TikTok. Dès lors, celui-ci s’ancre dans l’esprit des jeunes de 18-25 ans comme un média moderne et dans l’ère du temps.

Les médias traditionnels comme la télévision, la radio et les journaux ont des relations complexes avec l’utilisation du big data et la façon dont l’information est numérisée. Cela est dû aux opportunités de croissance que cela peut apporter mais également au chamboulement de leur business model. Tout cela a un impact sur la façon dont l’information est produite, consommée et payée.

Avec l’avènement des réseaux sociaux, la transition vers une nouvelle façon de fonctionner pour les médias est devenue presque nécessaire. Les médias doivent s’adapter à cette nouvelle réalité pour continuer à être pertinents et atteindre leur public. Cela implique des changements dans la façon dont ils produisent, diffusent et monétisent l’information.

Jean Pisanté


Bibliographie

Léa Iribarnegaray (20 Octobre 2020): « HugoDécrypte » et sa petite entreprise. LeMonde.fr. https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/09/22/hugo-decrypte-et-sa-petite-entreprise_6095649_4401467.html

Astrid-Edda Caux et Rita Faridi (12 Octobre 2018): HugoDécrypte en long, en large, et en Travers. La Péniche. https://www.lapeniche.net/hugodecrypte-en-long-en-large-et-en-travers/

Kati Bremme (20 Janvier 2022): Baromètre Kantar-La Croix : les médias attendus comme acteurs de la démocratie. Méta-Média.fr. https://www.meta-media.fr/2022/01/20/barometre-kantar-la-croix-les-medias-attendus-comme-acteurs-de-la-democratie.html

Léa Iribarnegaray (05 avril 2022): Jean Massiet, HugoDécrypte, « Brut »… Comment de nouveaux producteurs d’infos captent les jeunes sur les réseaux sociaux. LeMonde.fr. https://www.lemonde.fr/campus/article/2022/04/05/jean-massiet-hugodecrypte-brut-comment-de-nouveaux-producteurs-d-infos-captent-les-jeunes-sur-les-reseaux-sociaux_6120599_4401467.html

Randa El Fekih (25 janvier 2023): Hugo Travers : « Seuls les médias qui réussiront leur transition en ligne survivront ». MediaConnect.com. https://mediaconnect.com/hugo-travers-seuls-les-medias-qui-reussiront-leur-transition-en-ligne-survivront/?lang=fr

Olivier Meier (05 juillet 2022): LES MÉDIAS TRADITIONNELS FACE À LA NUMÉRISATION DE L’INFORMATION. Management&datascience. https://management-datascience.org/articles/20406/

Randa El Fekih (25 janvier 2023): Hugo Travers : « Seuls les médias qui réussiront leur transition en ligne survivront ». MediaConnect.com.

Twitch : un nouveau média concurrent de la télévision ?

Le samedi 8 octobre 2022, le GP Explorer, événement organisé par Squeezie, démarre à 17h sur la plateforme Twitch. On décompte environ 500 000 personnes qui regardent l’événement dès les premières minutes, puis 750 000 au bout de quelques minutes, jusqu’à atteindre et dépasser la barre du million de spectateurs, record pour un streamer français. Ce nombre de viewer dépasse certaines chaînes de télévision lors du prime time comme TMC ou W9. Le GP Explorer a fait plus de vue que l’émission de 50’ Inside de la chaîne TF1, à la même heure, le week-end d’avant.

Alors, on peut se demander pourquoi cette plateforme parvient-elle à séduire la jeune population, qui délaisse la télévision ?

Un bref retour sur Twitch

Racheté par Amazon en 2014, Twitch est aujourd’hui la plateforme de streaming de jeux vidéo la plus importante. En effet, au début, elle offrait uniquement du contenu autour des jeux vidéo ou des compétitions E-sport, mais rapidement, cette dernière s’est diversifiée pour proposer des contenus plus divers comme sur le « lifestyle », la « musique », ou le « Just Chatting ».

Aujourd’hui, Twitch est utilisé par plus de 7,21 millions de streamers, c’est-à-dire des personnes proposant du contenu en live sur Twitch. Cette plateforme décompte environ 15 millions d’utilisateurs d’actif journaliers, qui passent environ 733 millions d’heures par mois à visionner du contenu sur cette plateforme. Cela représente donc 72.2% des heures mensuellement visionnées en streaming sur l’ensemble du web.

Le contenu autour des jeux vidéo est central sur la plateforme et ces créateurs réalisent la majorité des vues dans cette catégorie. Cependant, on remarque que la catégorie du « just chatting » commence à prendre de plus en plus de valeurs dans l’univers du streaming.

Le « Just Chatting » permet aux streamers de discuter avec les auditeurs en direct sans forcément avoir besoin de jouer à des jeux vidéo spécifiques. En effet, en mars 2022, elle était la catégorie la plus regardée. On peut donc penser qu’elle pourrait prendre de plus en plus d’ampleur dans l’avenir. Il est possible de retrouver des contenus diversifiés comme des talks show, par exemple : le Zen ou PopCorn, des revues de presse quotidienne avec LaMatinéeEstTienne ou encore des événements sportifs comme le GP explorer ou l’Eleven All Star.

L’atout de Twitch : la combinaison du direct et du chat

La principale différence entre le cinéma et les chaînes de télévision est le direct. Pendant l’après-guerre, l’apparition du « direct », comme l’évoque Virginie Spies, sémiologue et analyste des médias audiovisuels, permet aux chaînes de télévision déjà existantes de se démarquer face au cinéma. Ainsi, le direct est utilisé par les des chaînes de télévision pour les JT ou certaines émissions, mais dans la globalité il s’agit de programmes préenregistrés.

C’est le format du live qui progresse le plus en une année. En effet, les Français ont besoin d’une proximité, d’échanger et donner leurs avis en temps réel, c’est pour cela que Twitch est une plateforme qui répond à leurs attentes.

Ainsi, pour Twitch, le live est son ADN. En effet, lorsqu’un streamer prend le créneau d’un autre streamer, comme ça a été le cas par exemple entre Squeezie et Laink, Terracid et Wankil Studio : c’est à la popularité de ce dernier, que les spectateurs décident quel live regarder.

Une des différences entre Twitch et les chaines de télévision, c’est l’interactivité. Twitch parvient à séduire la jeune génération grâce à cette fonctionnalité et à l’inclusion du public dans les contenus grâce à l’intermédiaire du chat.

Aujourd’hui, avec la multiplication des réseaux sociaux, les utilisateurs sont habitués à l’interactivité et à l’échange puisque qu’ils ne consomment plus uniquement les contenus, mais ils peuvent également liker, commenter, critiquer. Cette fonctionnalité du chat permet donc de rassembler sur une même plateforme les interactions entre les viewers, les communautés, les streamers créant ainsi une interaction sociale directement intégrée à la vidéo.

Il y a donc des communautés qui se créent autour de divers centres d’intérêts mis en avant sur la plateforme. En revanche, en étant un modèle linéaire, les chaînes de télévision n’ont pas cette voie de retour, et peuvent seulement suivre les commentaires sur les différents réseaux sociaux comme Twitter ou Instagram, perdant l’interactivité direct que Twitch propose.

Ainsi proposer des contenus sur la télévision à sens unique comme les journaux télévisés n’attirent pas les jeunes, même si on constate une limite à l’interactivité. En effet, pour des millions de spectateurs, comme sur le JT, où il est difficile de mettre ces fonctionnalités au goût du jour.

Une nouvelle façon de consommer des contenus audiovisuels

Selon Michèle Benzeno, directrice générale de Webedia, « il y a un pari sur Twitch dans la bataille de l’attention, mais Twitch ne serait pas en combat avec la télévision linéaire mais en complémentarité ». Cependant, on peut questionner cette remarque.

Souvent, on peut entendre que les jeunes ne regardent plus la télévision. Il s’agit seulement d’un switch, puisque ces derniers consomment du contenu audiovisuel, mais seulement sous une autre forme. Aujourd’hui, on constate que les chaînes de télévision sont de plus en plus vieillissantes. Selon Médiamétrie, en 2021, l’âge moyen des téléspectateurs est de 52 ans. Comme la manière de consommer des contenus audiovisuels évoluent dans le temps, on peut voir que les jeunes regardent plus de contenus en ligne, et que la télévision ne parvient donc pas à conquérir la jeune population.

C’est pourquoi, certaines d’entre elles testent d’être présent sur cette plateforme, comme c’est le cas pour France Télévision.  En effet, France Télévision a lancé une chaîne Twitch en 2021 afin de toucher un public plus jeune mais également la communauté des gamers. En effet, elle est axée sur les jeux vidéo, mais propose aussi des programmes d’actualités, des émissions de divertissement et des documentaires.

Cependant, il reste tout de même difficile pour la plupart des chaînes de télévision de s’adapter au format de cette plateforme. Virginie Spies explique qu’il est compliqué pour une chaîne comme TF1 de « faire du TF1 sur Twitch ou sur TikTok », alors que la réciproque n’est pas tout à fait exacte. Des streamers reprennent des concepts, des programmes en les adaptant sur la plateforme comme l’émission organisée par Squeezie « La grosse soirée de la fortune ! », jeu reprenant l’émission de « Qui veut gagner des millions ».

Comme l’explique la chercheuse, on constate aujourd’hui un « glissement de plateforme et de génération. » En effet, elle remarque que « là où les parents regardaient Dechavanne à 19h, les plus jeunes se branchent sur Twitch pour regarder les streamers les plus en vue ». Le rassemblement familial ne se fait donc plus vraiment autour de la télévision.

On peut voir d’ailleurs voir ce glissement lors du débat de l’entre-deux-tours organisé par TF1 et France Télévisions. Des streamers ont pu acheter les droits de diffusion du programme, pour la somme de 1 500 euros, comme HugoDécrypte, Samuel Etienne, Sardoche et encore Jean Massiet puisqu’ils avaient une audience importante et fidèle. Ainsi, sur leur chaîne Twitch, chacun des streamers a pu diffuser, commenter, chatter sur le débat. La diffusion a pu être suivie par près de 250 000 personnes sur leurs chaînes.

Le modèle économique, une différence majeure

Si le modèle économique pour les chaînes de télévisions est en grande partie basée sur la publicité interrompant les programmes. Sur Twitch, le modèle est complètement différent. La plateforme gagne de l’argent avec la publicité et les frais d’abonnement à une chaine selon différent montant, un modèle premium, les partenariats, le sponsoring, les bits – monnaie sur Twitch, etc

Comme Twitch parvient à séduire la jeune génération, il est intéressant pour les annonceurs de s’intéresser à cette plateforme, puisqu’elle parvient à atteindre une population que la télévision ne touche pas. Par exemple, selon Metrics factory, le « direct bénéficie directement aux marques et aux annonceurs ». En 2022, sur le top 100 des streamers Twitch, 1 317 sont des contenus sponsorisés par une marque.

Ainsi, le modèle Twitch fait fureur chez les jeunes avec des contenus de plus en plus diversifiés en live et son interactivité. Cependant, de gros pics d’audience montre une des limites de Twitch. En effet, le pic d’audience du GP Explorer a entrainé des complications sur l’interactivité de l’événement puisque le chat était saturé, entrainant une nécessité de faire appel au modérateur pour privilégier l’accès aux abonnés de Squeezie. Pour info, le GP Eplorer était de base programmer sur TMC.

Twitch n’est donc plus seulement une plateforme pour les gamers, mais comme elle se diversifie de plus en plus, elle devient « une plateforme de divertissement » comme la télévision.

Alexandra Becquet


Sources

Bercault, E. (2021, September 9). Comment twitch pourrait Devenir La télévision de demain. Journaldunet.com. Retrieved April 30, 2023, from https://www.journaldunet.com/media/publishers/1505195-comment-twitch-pourrait-devenir-la-television-de-demain/

Cebo, V. (2022, October 10). Avec Le Gp Explorer, Twitch n’a jamais été aussi proche de la télévision. Numerama. Retrieved April 30, 2023, from https://www.numerama.com/pop-culture/1140758-avec-le-gp-explorer-twitch-na-jamais-ete-aussi-proche-de-la-television.html

Cuofano, G. (2023, March 14). Comment Twitch Gagne-t-il de l’argent ? Modèle commercial twitch. FourWeekMBA. Retrieved April 30, 2023, from https://fourweekmba.com/fr/comment-twitch-gagne-de-l%27argent/

Gamaury, L., & Twitter. (2022, September 28). Twitch n’est-il qu’une pâle copie de la  » télé de papa  » ? www.20minutes.fr. Retrieved April 30, 2023, from https://www.20minutes.fr/by-the-web/4002433-20220928-si-twitch-finalement-pale-copie-tele-papa

Kerkour, T. (2022, April 29). Dans les coulisses de l’accord entre twitch et La Télévision. LEFIGARO. Retrieved April 30, 2023, from https://www.lefigaro.fr/medias/dans-les-coulisses-de-l-accord-entre-twitch-et-la-television-20220429

Patri, A. (2021, February 24). « ils ne regardent plus La Télé » : Les Chaînes investissent Twitch Pour attirer Les Jeunes. Europe 1. Retrieved April 30, 2023, from https://www.europe1.fr/medias-tele/ils-ne-regardent-plus-la-tele-les-chaines-investissent-twitch-pour-attirer-les-jeunes-4027387

Quairel, F. (2023, April 13). La plateforme Twitch Peut-Elle remplacer La Télévision ? 100Media. Retrieved April 30, 2023, from https://100media.themedialeader.fr/la-plateforme-twitch-peut-elle-remplacer-la-television

Les réseaux sociaux ont-ils amplifié le pouvoir des fans dans l’industrie du divertissement ?

Les réseaux sociaux ont créé une nouvelle ère de fan culture, transformant la manière dont les fans interagissent avec l’industrie du divertissement. Mais comment se traduit concrètement cette montée en pouvoir des fans ? Les stars des réseaux sociaux sont-elles devenues les nouveaux maîtres de l’industrie du divertissement ? Comment les acteurs du divertissement s’adaptent-ils à cette nouvelle ère ? Dans cet article, nous explorons comment les réseaux sociaux ont changé la donne dans l’industrie du divertissement et comment les fans ont pris le contrôle grâce à ces plateformes.

Photo de John Schnobrich sur Unsplash

Game changers : comment les réseaux sociaux ont transformé l’industrie du jeu vidéo

Les communautés de fans ont toujours été très présentes dans l’industrie du jeu vidéo, on pourrait même considérer que cette dernière a été précurseur de la cocréation avec le principe des mods. Les mods, ou modifications, ce sont des contenus créés par les joueurs pour modifier ou ajouter des fonctionnalités à un jeu existant. Ils sont souvent créés par des fans passionnés qui souhaitent partager leur propre vision du jeu avec la communauté de joueurs et peuvent aller de simples ajustements de gameplay à des ajouts massifs de contenu, voire de nouvelles histoires ou de nouveaux univers.

Avec les mods, l’industrie du jeu vidéo a permis aux fans de devenir des créateurs et de contribuer activement au développement du jeu. Par exemple, le jeu Counter Strike, l’un des jeux de tir à la première personne les plus populaires de tous les temps, est en fait un mod crée par deux fans à partir du jeu Half-Life. Counter Strike a ensuite été racheté par Valve Corporation, qui a acquis les droits de propriété intellectuelle du jeu et a collaboré avec les créateurs pour le développer en tant que jeu autonome.

La contribution des fans était donc déjà bien implantée dans l’industrie du jeu vidéo avant l’ère des réseaux sociaux, mais leur arrivée a tout de même accéléré ce phénomène. Avant l’avènement des réseaux sociaux, la création de communautés de joueurs se faisait principalement à travers des forums de discussion, sites web spécialisés, blogs etc…, qui permettaient aux joueurs d’échanger des astuces, des mods et des avis sur les jeux vidéo qu’ils aimaient, mais étaient souvent moins interactifs et limitaient la richesse des échanges. Les réseaux sociaux, eux, permettent une communication plus directe et plus fréquente entre les joueurs et les développeurs, et grâce à ça on a des communautés de fans plus importantes et plus actives autour de leurs jeux préférés. Les réseaux sociaux ont également permis aux développeurs de lancer des campagnes de financement participatif, avec par exemple Kickstarter. Cela permet aux développeurs de recevoir des financements pour des projets qui ne sont ne pas soutenus par les éditeurs traditionnels, tout en créant une communauté de fans qui sont investis dans le développement du jeu. Les développeurs sont de plus en plus à l’écoute des commentaires des joueurs et les prennent en compte pour améliorer et élargir leurs offres.

Un bon exemple est Star Citizen, un jeu de simulation spatiale en cours de développement par Cloud Imperium Games. Les développeurs ont utilisé Kickstarter pour financer le jeu et ont depuis utilisé les réseaux sociaux pour interagir avec la communauté de fans et pour fournir des mises à jour sur le développement du jeu. Les fans ont également pu participer à des tests alpha et beta pour aider à améliorer le jeu. Dans les jeux plus populaires, on peut penser à Minecraft qui utilise fréquemment les réseaux sociaux pour interagir avec la communauté de joueurs et pour obtenir des nouvelles idées.

Finalement, les plateformes de streaming comme Twitch ont révolutionné la manière dont les fans interagissent avec les jeux et les joueurs professionnels. Grâce à ces plateformes, les fans peuvent regarder leurs joueurs préférés en direct, participer à des discussions en temps réel, et même leur apporter un soutien financier. Ces interactions ont renforcé la relation entre les fans et les joueurs, tout en permettant à de petits studios de jeux de bénéficier d’une promotion gratuite et d’un public plus large. Les réseaux sociaux ont également contribué à populariser l’e-sport, qui sont maintenant des événements majeurs, rivalisant avec les tournois sportifs traditionnels en termes de prestige et de financement.

Les réseaux sociaux : la nouvelle scène de l’industrie musicale

Les réseaux sociaux permettent aux artistes de se faire connaître et de promouvoir leur musique sans passer par les canaux traditionnels de l’industrie musicale. De nombreux artistes déjà bien en place, comme Aya Nakamura, délaissent les médias traditionnels comme la télévision pour la promotion de leurs projets, ils préfèrent ainsi les réseaux sociaux pour être moins dépendants des médias traditionnels et contrôler eux-même leur exposition médiatique. Pour ce qui est des artistes émergents, les réseaux sociaux jouent un réel rôle de propulseur de chansons et artistes au sommet des charts grâce à l’engagement des fans. Des titres peuvent devenir viraux grâce aux défis, aux mèmes ou aux vidéos créés par les utilisateurs, influençant ainsi les tendances musicales comment expliquer dans l’article Chanteurs, influenceurs, labels, comment faire de la musique sous le règne de TikTok ?. Par exemple, TikTok a joué un rôle majeur dans le succès de nombreux morceaux et artistes, tels que Lil Nas X et son titre « Old Town Road ».

Plus concrètement, certains artistes ont permis à leur fans de participer activement à la création de projets musicaux. Par exemple, le groupe Coldplay, a lancé un projet appelé « A Head Full of Dreams » en 2016, où les fans étaient invités à soumettre des vidéos d’eux en train de chanter une partie de la chanson « Amazing Day », pour être compilées dans un clip vidéo officiel.

De l’écran à l’écran : comment les réseaux sociaux ont créé une nouvelle ère de participation des fans

Les industries cinématographiques et télévisuelles n’échappent pas au phénomène de pression des fans sur les réseaux sociaux. Les producteurs et les réalisateurs peuvent maintenant utiliser les réseaux sociaux pour tester leurs idées et évaluer leur popularité auprès des fans avant de les mettre en production.

Les fans, eux, utilisent souvent les réseaux sociaux pour exprimer leur soutien ou leur mécontentement concernant le sort de leurs séries préférées. Des hashtags tels que #SaveOurShows ou #RenewOurShows sont fréquemment utilisés sur Twitter pour encourager les chaînes de télévision à renouveler ou annuler des séries en fonction de la mobilisation des fans. Bien que l’impact de ces campagnes puisse être difficile à mesurer, elles montrent que les réseaux sociaux offrent aux fans une plateforme pour exprimer leur passion et potentiellement influencer les décisions des producteurs.

C’est ce qui s’est passé pour la série « Sense8 » de Netflix, qui a été annulée en 2017 après deux saisons. Les fans se sont mobilisés sur les réseaux sociaux, notamment Twitter et Facebook, pour exprimer leur mécontentement et demander le retour de la série. En raison de l’engouement des fans et de la pression exercée sur les réseaux sociaux, Netflix a finalement accepté de produire un épisode spécial de deux heures pour conclure l’histoire.

Entre tendance et créativité : comment les réseaux sociaux affectent l’innovation dans l’industrie du divertissement

Bien que les réseaux sociaux offrent une plateforme pour les fans de s’exprimer, certains craignent que la prise en compte excessive de l’avis des fans ne conduise à une uniformisation du divertissement. En effet, les producteurs et les créateurs peuvent être tentés de suivre les tendances populaires sur les réseaux sociaux au lieu de prendre des risques créatifs ou de proposer des idées originales.

Par exemple, dans l’industrie du cinéma, de nombreux films sont adaptés de franchises populaires ou de livres à succès pour capitaliser sur une base de fans déjà existante. Bien que cela puisse être une stratégie efficace pour attirer un public, cela peut également conduire à une saturation du marché et à un manque de diversité dans les idées et les histoires présentées. De plus, les fans ayant de plus en plus de poids, même un créateur qui souhaite imposer une idée originale aura du mal à se faire entendre. C’est ce qui est arrivé aux créateurs de Game of Thrones : les fans, après avoir critiqué la saison finale, ont lancé une pétition en ligne pour refaire la saison. Cependant, les créateurs de la série, ont défendu leurs choix créatifs et ont déclaré qu’ils n’allaient pas la refaire.

Les réseaux sociaux ont donc définitivement amplifié le pouvoir des fans dans l’industrie du divertissement. Les fans ont maintenant la possibilité de dicter les tendances et de déterminer le succès des productions, créant une nouvelle ère de fan culture qui est là pour rester.

Laura Mariani

Bibliographie :

  • Morgane Brucelle. Fan culture : résistance et mémétique sur les médias sociaux. Littératures. Université Paul Valéry – Montpellier III, 2018. Français. ffNNT : 2018MON30021ff. fftel-02001831f
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  • DUMORTIER SAINT-LAURENT, C. (2021). RAPPORTS DE POUVOIR DANS LE DÉVELOPPEMENT OUVERT DE JEUX VIDÉO : LE CAS DE STAR CITIZEN [Mémoire de maitrise]. UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL.

La nouvelle ère de la Télé ? Retour sur le phénomène FAST

Pluto TV, Roku, FreeVee, Freeview et d’autres pourraient révolutionner la TV

« Nous gardons donc un œil sur ce segment, c’est certain » : voici ce que Ted Sarandos, Co-CEO de Netflix pense du développement du géant américain sur le marché des FAST. Alors qu’Amazon, Comcast, Fox Corporation, Paramount et d’autres y sont déjà présents. Les FAST (Free Ad-Supported Television) représentent selon certains l’avenir de la télévision. Dans quelle mesure les audiences sont-elles prêtes à recevoir ce nouveau mode de diffusion ? Quel avenir dans la distribution des FAST ?

Un nouvel usage adapté à l’évolution de la consommation

D’après Bearing Point, le succès des plateformes de diffusion de contenus ne résiderait plus uniquement dans la qualité et l’exclusivité du contenu mais aussi dans la réflexion sur leur pricing et l’optimisation du fonctionnement des plateformes technologiques. Or, la tension actuelle sur le pouvoir d’achat des ménages pousse les consommateurs à réduire leur budget en loisir et divertissement, quitte à se passer des dernières sorties sur les plateformes.  C’est là qu’interviennent les FAST : Free Ad-Supported Television. Il s’agit de services de streaming gratuits permettant d’accéder à des contenus disponibles à la demande ou de manière linéaire, financés par la présence de publicité avant, pendant et après les contenus. Ce modèle serait apprécié par 71% des français, en particulier par les 18-34 ans.

Un triptyque : éditeur, plateforme, fabricants

Trois principaux types d’acteurs afférant aux contenus existent dans ce marché des FAST : des éditeurs de chaines, mobilisant ou acquérant un catalogue de contenus ainsi que des plateformes agrégeant différentes chaines et enfin les fabricants de device et notamment de télévisions connectées (CTV).

Certaines plateformes sont exclusives à un système (tel que Samsung TV+ sur les Smart TV Samsung), ou sont agnostiques et disponibles en OTT (Over-the-top), c’est le cas de Pluto TV par exemple.

Certains acteurs combinent aussi plusieurs rôles, éditant et distribuant via leur propre plateforme des chaines FAST.

Des performances rémunératrices

Ces audiences sont en pleine croissance, en 2022, l’exposition publicitaire a presque doublé

Entre ces acteurs réside une relation commerciale basée sur la publicité rémunérant les différents acteurs, celle-ci peut être opérée par des régies tierces ou directement par l’un des acteurs précédent. Plus cette publicité est ciblée et interactive, plus son CPM (coût pour mille) sera élevé : estimé entre $40 et $50 pour les FAST contre entre $10 et $25 pour une chaine du câble traditionnelle, ces revenus sont partagés entre éditeur, plateforme et distributeur selon différents modèles en fonction des acteurs.

Si les audiences des FAST sont en hausses depuis le lancement de Pluto TV en 2014, celles-ci sont mesurées pour l’instant par deux indicateurs clés : les HOV (hours of viewing) et l’exposition publicitaire (ad impressions, nombre de répétitions où une publicité s’affiche sur le digital). Ces méthodes de mesure de l’audience pourraient être amenées à évoluer puisqu’elles sont ciblées comme étant un champ d’amélioration du marché des FAST selon Mike Shields (consultant TVREV). Ce-dernier identifie aussi un manque de transparence des éditeurs et plateformes FAST sur la diffusion des publicités. Les marques ont en effet du mal à surveiller les programmes pendant lesquels leurs publicités sont diffusées, mettant alors à mal leur brand safety. Les annonceurs souhaiteraient donc une meilleure transparence, similaire à ce qu’ils peuvent observer en télévision. Toutefois, le niveau élevé du CPM des FAST étant rendu possible par la vente d’espaces publicitaires en programmatique, le manque de transparence devient inhérent aux FAST.

Ces audiences sont en pleine croissance. En 2022, l’exposition publicitaire a presque doublé. Nous avons observé une hausse de 51,3% des HOV et les sessions de visionnages durent de plus en plus longtemps (+32,86%). L’attention accordée aux FAST est en pleine croissance tandis que l’industrie se rode encore.

Quelle expérience FAST ?

Mais alors quelle expérience attire les utilisateurs, de plus en plus nombreux ? Ils sont séduits par une expérience « lean-back », où la facilité d’utilisation prime et où le temps de sélection d’un programme, toujours plus long (celui-ci est notamment passé de 7 à 9 minutes en 2020), peut être réduit. 80% du temps passé sur des services FAST l’est sur le plus grand écran du foyer, illustrant cette envie de facilité d’utilisation.

En termes de contenus, nous observons une domination des genres du cinéma et de l’information (respectivement 15,5% et 14,3% des HOV), les documentaires (12,6%), la musique (11,5%), les sports (9,6%), les programmes faune et flore (6,5%), la télé-réalité (5%) représentent eux aussi une part importante des HOV. Toutefois, la rentabilité des programmes n’est pas la même, l’information et la faune et la flore ne représentent que 6,3% et 4,7% de l’exposition publicitaire (contre 14,3% et 6,5% des HOV), quand le cinéma, les documentaires, la musique, les sports et la télé-réalité permettent tous plus d’exposition publicitaire (notamment concernant la musique).  Il est toutefois identifié que les contenus attractifs sur les FAST sont issus de marques fortes, sont bouclés (tel une série procédurale ou une sitcom) et disponibles dans de larges volumes. Jeff Shultz (Paramount Global) nous apprend ainsi que la chaine dédiée aux Experts est devenue numéro 1 le jour de son lancement et l’était toujours en décembre 2022.

Nous retrouvons ainsi trois types majeurs de chaines FAST :

  • Des chaines d’infos (ABC News Live, NBC News NOW…)
  • Des chaines basées sur une série, une marque, une IP (South Park, Alerte à Malibu, Forensic Files)
  • Des chaines agrégées : plus thématique, elles alternent les marques et formats (on retrouve des chaines d’action, de comédie, pour les enfants …)

Les chaines FAST permettent ainsi de proposer aux audiences du contenu de niche avec une utilisation très lean-back.

Différent en fonction des territoires

Ces données ne sont toutefois pas représentatives de tous les territoires. Le genre dominant en Allemagne est par exemple le documentaire (42%), il s’agit de la musique pour l’Espagne et des sports pour l’Italie (52% des HOV). Nous observons aussi une domination de la faune et la flore dans les expositions publicitaires espagnoles (29%). Ces chiffres correspondent aussi bien sûr à l’offre de contenus et à l’actualité. Le décès de la Reine Elisabeth II a par exemple représenté un pic de consommation des FAST en Grande-Bretagne (+51,44% par rapport à la moyenne).

Afin de maximiser l’attention de ses utilisateurs, les FAST sont à la recherche d’engagement et de fidélité. Dans cette optique, il est important d’avoir accès à des marques, IPs reconnaissables et proches des cultures de chaque pays. Il est aussi important de proposer des contenus dans la langue du pays concerné.

En Europe, l’audience se concentre dans 7 pays : le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie et les Pays-Bas qui représentent 85,4% des HOV. D’autres territoires européens émergent et semblent favorables aux FAST.  L’Autriche, l’Albanie, la Hongrie, la Grèce, la Bulgarie, la Slovénie, la Serbie, la Roumanie, la Croatie font partie de ces pays.

Cohérent dans des stratégies de groupe

Alors que Warner Bros. Discovery a annoncé son souhait de diffuser certains de ses titres sur des chaînes FAST tierces ainsi que celui de développer ses propres FAST en 2023, nous observons de nombreux groupes mobiliser les chaines FAST dans leur stratégie. C’est le cas pour Samsung qui déploie sa plateforme FAST Samsung TV Plus uniquement sur ses télévisions connectées. Plus généralement, une activité d’un groupe peut permettre de favoriser la rentabilité des activités FAST. C’est notamment le cas des données pouvant être générées par l’utilisation de la télévision connectée (CTV) de Samsung, ou par l’utilisation de la boutique ou de tous les services proposées par Amazon. Celles-ci permettront d’améliorer le ciblage de la publicité et d’en augmenter son CPM. De la même manière, un enjeu principal des FAST étant sa facilité d’utilisation, l’enjeu de la distribution est clé. Dans ce rôle, les fabricants de télévisions ont une longueur d’avance. Lorsque 6 foyers sur 10 possédant une CTV utilisent au moins ponctuellement un service FAST, les fabricants peuvent plus facilement introduire les utilisateurs de TV à leur service FAST.

Les usages des audiences évoluent et nous amènent à une révolution FAST. Si les préférences de contenus des utilisateurs sont en train d’être définies, elles restent assez dépendantes du pays et de ses habitudes culturelles. L’adoption par ces-derniers des FAST est certes en croissance, mais le marché reste fortement cantonné aux Etats-Unis qui représentent 90% du revenu publicitaire des FAST à l’heure actuelle et devraient représenter plus de $10 milliards des $12 milliards de revenus générés par les FAST en 2027.

L’audience des FAST se développe mais avec ses aspérités locales. Les acteurs internationaux devront veiller à proposer une offre de contenu adaptée aux goûts de chaque utilisateur. Chaque acteur devra veiller à favoriser des modes de distribution facilitant les principaux avantages des FAST : leur facilité d’utilisation et le rapide choix des contenus.

Julien PIVETTA


Bibliographie

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BearingPoint (2022) Etude Submix 2022

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#Booktok : un nouveau chapitre pour l’industrie du livre

Nouvelle page, nouvelle vie pour le marché du livre. Aujourd’hui, dès lors que vous vous promènerez dans n’importe quelle librairie, la première chose que vous verrez, avoisinant les nouveaux livres de poche et les recommandations du personnel, est une table couronnée d’une affiche « #BookTok ». Mais quel est donc ce nouvel outil marketing de plus en plus en vogue ? Comment a-t-il permis une toute nouvelle pensée et réflexion sur les recommandations littéraires ? Comment les éditeurs ont-ils adopté cette tendance ?

Source : ActuaLitté, septembre 2022

Le réseau social au service de la littérature malgré lui

BookTok, rencontre du terme du terme « book » (« livre ») avec le terme « TikTok », c’est tout simplement une tendance du média chinois où les amoureux des livres réalisent de courtes et rapides vidéos en utilisant de la musique, des effets sonores et des photos pour donner vie aux œuvres littéraires. Certaines des vidéos les plus populaires sont centrées sur la réponse émotionnelle du lecteur au livre, par opposition au format typique de la critique. Au lieu de se concentrer sur l’intrigue ou l’auteur, les lecteurs parlent du voyage émotionnel qu’offre l’ouvrage. Une vidéo BookTok typique consiste à montrer à la caméra un certain nombre de livres. Certains contenus sont d’abord présentés avec les pages directement coupées, de sorte que l’on ne voit ni le dos ni la couverture, puis les titres sont progressivement révélés. D’autres vidéos montrent une pile de livres, dont les couvertures sont montrées à la caméra une par une. Certaines vidéos présentent des notes sur 10 pour chaque histoire, d’autres présentent le lecteur qui raconte une ou deux phrases maximum sur les livres. Il s’agit du type de contenu le moins complexe, mais il a depuis eu un impact extraordinaire sur les ventes de livres, en raison de sa portée.

Le phénomène a pris son envol avec TikTok pendant la pandémie de 2020, alors que le monde entier était coincé à l’intérieur et a commencé à redécouvrir les joies et l’évasion de la lecture. En parallèle, tout le monde recherchait une connexion humaine et BookTok a ainsi su satisfaire ces besoins. Et, contrairement aux cercles littéraires parfois étouffants, cette plateforme a l’avantage d’être accessible : il s’agit de personnes comme tout le monde, dans leur chambre et leur salon, discutant avec vous de ce qu’ils ont lu et apprécié. C’est la possibilité de se connecter avec des personnes partageant les mêmes idées qui rend #BookTok si populaire. Personne au sommet de la hiérarchie ne dicte quels livres doivent être lus. Les recommandations sont partagées entre les lecteurs, dans une sorte de bouche-à-oreille numérisé.

Suivant les pas de la tendance Bookstagram, aujourd’hui des milliers d’utilisateurs publient des vidéos sur leurs livres préférés sur l’application en utilisant le hashtag #BookTok. Au total, les vidéos portant cet hashtag ont obtenu plus de 100 milliards de vues pour 13 millions de vidéos associées à cette catégorie en janvier 2023.

Source : Capture d’écran de la plateforme TikTok le 31/01/2023

Alors pourquoi est-ce que cette trend marche-t-elle mieux sur TikTok que sur Instagram et les autres réseaux sociaux, vous demandez-vous ? Et bien TikTok peut remercier son algorithme pour cela. La plupart des réseaux sociaux, tels qu’Instagram ou Facebook, s’appuient davantage sur une dimension sociale, le but étant de vous connecter au sein d’un réseau de toutes les personnes avec lesquelles vous avez une relation, de près ou de loin. TikTok, en revanche, base son algorithme sur vos intérêts. Il fonctionne à partir de vos centres d’intérêt et du contenu avec lequel vous interagissez, en capturant vos goûts et vos dégoûts et en vous associant à d’autres groupes d’utilisateurs qui partagent ces intérêts. De cette manière, son reach (la portée d’un contenu) sera plus efficace.

#Booktok : le nouveau chouchou des éditeurs

A la tête des genres qui cartonnent sur BookTok : les livres de fantasy, de thrillers et de romance pour jeunes adultes. Parmi les noms qui reviennent le plus souvent et, selon les internautes, l’écrivaine américaine Colleen Hoover maîtrise ce genre à la perfection. Ses romans touchent manifestement une corde sensible chez les jeunes lecteurs : suspense, drame et grandes émotions sont au rendez-vous. Les fans BookTok de Colleen Hoover se filment en train de fondre en larmes en lisant ses livres. C’est le cas pour son roman It Ends with Us, vendu aujourd’hui à plus de 3,4 millions de copies. Chez nos libraires depuis août 2016, sa popularité a bondi en 2021 grâce à l’influence de BookTok et de ses rats de bibliothèque. En janvier 2022, le livre était numéro 1 sur la liste des meilleures ventes du New York Times et la semaine dernière, le casting pour son adaptation au cinéma était annoncé, avec Blake Lively en tête d’affiche.

Aujourd’hui, l’éventail des genres se déploie. La poésie s’immisce sur les écrans des utilisateurs avec le recueil Lait et miel de Rupi Kaur, tout comme le genre policier, avec l’arrivée sur la plateforme en octobre 2022 de l’auteur de La Vérité sur l’Affaire Harry Québert (Prix Goncourt des Lycéens 2012), Joël Dicker. Cette diversification de genres provient notamment d’un partenariat entre TikTok et Editis, groupe d’édition français. Alors pourquoi l’industrie de l’édition s’intéresse-t-elle à Booktok ?

De nombreux éditeurs et librairies essaient maintenant d’adopter la foule de BookTok. En effet, où trouver une audience si ce n’est sur une plateforme accueillant 1,2 milliards d’utilisateurs chaque mois ? De grandes maisons d’édition comme HarperCollins Publishers, Macmillan Publishers et Simon & Schuster sont présentes sur TikTok ; elles sont de plus en plus rejointes par de petites maisons d’édition, tout aussi avides de faire leurs études de marché. La maison d’édition Penguin Random House a d’ailleurs fait un partenariat avec le réseau en y créant une fonctionnalité pour retrouver plus facilement leurs livres  et ainsi leur donner plus de visibilité. Les grandes maisons d’édition envoient aux créateurs populaires des coffrets remplis de livres tout frais sortis de presse et destinés à être examinés. Les éditeurs et les libraires traditionnels ont compris l’influence de BookTok et essaient de trouver des moyens de l’utiliser dans leurs efforts de marketing en y dédiant un stand ou une rubrique internet. En 2022, TikTok a d’ailleurs été choisi pour être partenaire de la Foire du livre de Francfort, l’un des plus grands salons de la littérature. Cependant, certains ont du mal à trouver un moyen de maintenir l’authenticité du style de contenu de BookTok. En raison de la nature complexe de l’algorithme de TikTok, les initiés du secteur affirment qu’il peut être difficile de discerner ce qui ferait décoller la popularité d’un livre.

Les auteurs obtiennent également des contrats de publication grâce à leur exposition sur BookTok. En mars 2021, Alex Aster a posté sur TikTok une vidéo astucieuse sur un livre qu’elle voulait écrire, interpellant les utilisateurs de la manière suivante : « Liriez-vous un livre sur une île maudite qui n’apparaît qu’une fois tous les 100 ans pour accueillir un jeu permettant aux six souverains du royaume de briser leurs malédictions ? ». Il s’agissait en réalité des prémices d’un roman fantastique pour jeunes adultes sur lequel elle travaillait depuis quelques années. Le livre d’Aster avait déjà été rejeté par plus d’une douzaine d’éditeurs. En l’espace de quelques jours, sa vidéo BookTok avait été visionnée plus d’un million de fois. Il y avait des milliers de commentaires de personnes disant que, oui, elles l’achèteraient et le liraient. BookTok a été absolument fou de ce livre. Résultat : une semaine plus tard, Aster avait un contrat pour son livre. Le livre est sorti en août 2022, et avec sa publication, la nouvelle que Universal va en faire un film.

Il ne fait donc aucun doute que TikTok a eu un impact sur le monde du livre. Autrefois, la plupart des livres sortaient, avaient leur heure de gloire et disparaissaient ensuite, à moins qu’il ne s’agisse des rares ouvrages qui faisaient ensuite l’objet d’un film ou d’une série télévisée. Mais BookTok ne se soucie pas de savoir quand les livres ont été publiés. Il s’intéresse simplement à ce qui plait. Et en effet, il était grand temps que les livres sortent de l’ombre du succès des produits skincare et chorégraphies en tout genre et se hissent dans les tops des trends. La littérature revient enfin sur le devant de la scène médiatique et apparait désormais au creux de la main des internautes.

Victoria Kubisa

Sources :

Bainier, L. (2022) Les Succès de Librairie s’écrivent Aussi Sur TikTok, www.20minutes.fr. 20minutes. Accessible à : https://www.20minutes.fr/livres/4006724-20221023-phenomene-booktok-litterature-retrouve-influence (Lien visité le 26 janvier 2023).

Fasseur, B. (2022) Booktok : Tiktok ouvre une nouvelle fonctionnalité autour des livres, ActuaLitté.com. Accessible à : https://actualitte.com/article/107954/reseaux-sociaux/booktok-tiktok-ouvre-une-nouvelle-fonctionnalite-autour-des-livres (Lien visité le 25 janvier 2023).

Courrier international (2022) On en parle. Alex Aster, star de la rentrée littéraire grâce à #BookTok, Courrier international. Courrier International. Accessible à : https://www.courrierinternational.com/article/on-en-parle-alex-aster-star-de-la-rentree-litteraire-grace-a-booktok (Lien visité le 24 janvier 2023).

Chojnacki, R. (2022) Young adult fiction books maintain sales momentum in 2022, NPD says, The NPD Group. Accessible à : https://www.npd.com/news/press-releases/2022/young-adult-fiction-books-maintain-sales-momentum-in-2022-npd-says/ (Lien visité le 24 janvier 2023).

Dépeche (2022) #BookTok : Joël Dicker et plusieurs Maisons d’édition s’engagent Sur Tiktok, ActuaLitté.com. Accessible à : https://actualitte.com/article/108364/technologie/booktok-joel-dicker-et-plusieurs-maisons-d-edition-s-engagent-sur-tiktok (Lien visité le 22 janvier 2023).

Humblet, A. (2023) Booktok, CE Nouveau phénomène tiktok qui fait lire les jeunes: « ça m’a poussé à acheter plus d’une dizaine de livres », RTL Info. RTL Info. Accessible à : https://www.rtl.be/actu/belgique/societe/booktok-ce-nouveau-phenomene-tiktok-qui-fait-lire-les-jeunes-ca-ma-pousse/2023-01-13/article/516348 (Lien visité le 26 janvier 2023).

Stewart, S. (2022) PW 2022 notable: Colleen hoover, PublishersWeekly.com. Accessible à : https://www.publishersweekly.com/pw/by-topic/industry-news/people/article/91165-pw-2022-notable-colleen-hoover.html (Lien visité le 25 janvier 2023)

 Seignol de Swarte, M. (2023) Statistiques Tiktok : Les Chiffres Clés pour 2023, Meltwater. Meltwater. Accessible à : https://www.meltwater.com/fr/blog/statistiques-tiktok (Lien visité le 24 janvier 2023).

Rédaction culture (2022) #BookTok : Partenaire de la Foire du livre de Francfort, La plateforme Chinoise TikTok s’intéresse à la littérature, Franceinfo. Accessible à : https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/booktok-partenaire-de-la-foire-du-livre-de-francfort-la-plateforme-chinoise-tiktok-s-interesse-a-la-litterature_5437096.html (Lien visité le 27 janvier 2023).

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Spotify et les Maisons de Disques : collaboration ou concurrence ?

Crédit : Unsplash – Alexander Shatov

Le géant du streaming Spotify fait encore et toujours parler de lui.

La plateforme d’écoute suédoise, leader mondiale de la musique en ligne a vu sa croissance prendre de la vitesse au troisième trimestre de 2022, et s’approche désormais du demi-milliard d’utilisateurs.

La série « The Playlist », diffusée sur Netflix en octobre, a cumulé succès critique et succès d’audience. Retraçant la genèse de la success story de Daniel Ek, entrepreneur de génie, et de ses associés, cette sortie évènement confirme que Spotify continue de fasciner à travers le Monde. Un des fils développés à travers les 10 épisodes est la relation tumultueuse du site avec l’industrie musicale et plus particulièrement les grandes Majors tels qu’Universal.

Alors que Spotify prend toujours plus de parts de marchés et innove continuellement, il est particulièrement intéressant de suivre sa stratégie de diversification et ses rapports avec les labels…

Diversification & Partenariats

Avant de se pencher sur les derniers projets en développement au sein de Spotify, un petit retour en arrière s’impose.

Crédit : AFP

Développé initialement en 2006 par Daniel Ek et Martin Lorentzon à Stockholm, le software a depuis parcouru beaucoup de chemin. Depuis ses premiers lancements internationaux – Royaume-Uni en 2010, États-Unis en 2011- et le premier million d’abonnés atteint en 2011, Spotify a lancé de nombreuses initiatives pour résister à la concurrence et faire en sorte de croître de façon continuelle.

Pour mentionner les partenariats, toujours en 2011, la plateforme a signé des contrats clés avec les grandes Majors, pour s’assurer les droits de distribution de catalogues d’artistes les plus larges possible. Une première étape majeure dans ce qui s’annoncera être une longue épopée de négociations et renégociations pour des accès exclusifs et différents partenariats artistes, avec des situations bien souvent tendues ainsi que de nombreux désaccords. Plus récemment, en 2020, un article de Siècle Digital mentionnait des relations plus apaisées qui s’illustre par des accords avec Universal et Warner sur des droits de diffusion sur plusieurs années.

Au-delà de la pure et simple distribution de musique, Spotify incarne la croissance technologique et a su expérimenter avec un service à la base très simple.
Parmi ses grands succès, on peut citer le lancement de playlists types « My Discover Weekly », qui se basent sur les données d’écoute des utilisateurs pour leur proposer chaque semaine des découvertes personnalisés.

Autre succès majeur, Spotify Wrapped, lancé en 2015, est désignée par Variety comme l’une des plus grandes réussites du Groupe et leur opération marketing majeure de l’année. Campagne très rentable donc pour la plateforme qui n’a qu’à proposer à ses utilisateurs un résumé de leur habitude d’écoute de l’année grâce à toute la data collectée au fil des mois.

On pourra également mentionner les « Enhanced Albums », dernière nouveauté en date qui vous permet de vous immerger toujours plus dans la musique de vos artistes favoris. Grâce à « Enhanced », Spotify propose une expérience qui va cumuler pistes musicales, interviews d’artistes et visuels exclusifs.

Si Spotify innove au sein même de son site et de ses applications mobiles, le numéro 1 du streaming diversifie également son activité grâce à des initiatives et softwares annexes. C’est le cas de Spotify Studios et Spotify for Artists, qui lui permettent de gagner de plus en plus d’indépendance par rapport aux Labels.

Spotify for Artists & Spotify Studios

Alors, qu’est-ce que Spotify for Artists et Spotify Studios ?

Crédit : Spotify for Artists Website

Comme son nom l’indique, Spotify for Artists est une extension du site destinée aux artistes et musiciens du monde entier. Le but est simple : leur permettre d’uploader leur musique, de modifier leurs profils, de soumettre des titres aux différentes playlists, ou encore d’obtenir des informations et statistiques détaillés sur les écoutes de leurs titres. Les fonctionnalités sont très diverses et vont encore plus loin : annoncer des concerts, vendre des produits dérivées… c’est tout l’univers et l’économie d’un musicien qu’il est possible de gérer depuis cette plateforme.

Et le problème pourrait venir de là. Si une plateforme de ce type est très utile, notamment aux labels qui suivent les résultats de leurs artistes, elle permet également plus d’autonomie à ces mêmes artistes, qui pourraient donc « bypasser » leurs maisons de disque pour se gérer eux-mêmes. Un des limites à mentionner : Spotify rémunère en moyenne un artiste entre 0,003$ et 0,005$ par stream, selon le magazine Forbes. Ce qui veut dire qu’il peut être compliqué pour un artiste indépendant encore peu connu de vivre à son compte, là ou un label pourrait lui garantir des avances et autres contrats pour lui permettre de prendre le temps de se développer tout en ayant une sécurité financière.

Nous en arrivons donc à Spotify Studios. Si Spotify a conclu dans ses différents contrats avec les grandes Majors qu’elle ne signera pas d’artiste et ne sera pas directement propriétaire de copyright musicaux, rien n’empêche la plateforme de traiter en direct avec les artistes ainsi que leurs équipes tant que ceux-ci ne sont pas signés et possèdent l’intégralité de leurs droits, selon Les Échos. Le journal détaille que Spotify propose des contrats de licence depuis 2019, et même si cette activité reste encore minoritaire par rapport au chiffre d’affaires du groupe, elle n’en reste pas moins prometteuse. Obstacle de taille cependant : cette activité « Spotify Studios » est pour le moment limitée à de petits artistes émergents et à la production de contenus originaux dont principalement des podcasts. De plus, Spotify ne peut pas se permettre de devenir ou développer une activité officielle de label. Dans une industrie musicale ou quasiment l’intégralité des recettes sont contrôlées par 4 acteurs (Universal, Sony, Warner et EMI), le géant suédois ne peut pas prendre le risque de rentrer en conflit et en concurrence direct avec l’un d’entre eux au risque de diminuer drastiquement son catalogue.

« Spotify ne peut pas se permettre de développer une activité officielle de label »

Ainsi, la plateforme doit développer des stratégies parallèles pour se développer tout en maintenant ses relations avec les grandes majors.

Data & futurs A&R

S’il y a bien un point ou Spotify et les grands acteurs du streaming musical peuvent tirer leur épingle du jeu, il s’agit de la Data collectée et de son utilisation.

Crédit : Wired

Lorsque vous créez un compte sur la plateforme, vous leur donnez accès à un grand nombre d’informations : historique d’écoutes, playlists, heures d’activités, mais également nombre d’appareils connectés, localisation…

Et si le groupe suédois fait déjà usage de cette donnée pour vous proposer de meilleures recommandations et la vendre à des annonceurs, un nouveau type d’usage pourrait être bientôt possible.

Selon le site Music Business Worlwide et de nombreux autres médias spécialisés, Spotify aurait déposé en mars dernier un brevet pour une technologie qui permettrait de découvrir des artistes et des morceaux avant qu’ils connaissent un grand succès commercial. La stratégie derrière cette technologie est simple : Spotify va mettre en place des algorithmes pour repérer des profils d’utilisateurs qui sont des « dénicheurs de tendances ». Ces personnes, catégorisées comme « early adopters » écoutent fréquemment des artistes peu connus et il arrive régulièrement que ces artistes et leurs morceaux finissent par avoir une grande reconnaissance publique.

Ainsi, Spotify va tracker leurs dernières écoutes et investir dans des morceaux et des musiciens pour l’instant peu connus, en attendant qu’ils le deviennent. Le meilleur dans tout ça ? Les « early adopters » ne seront pas au courant qu’ils le sont, et que Spotify utilise leur donnée dans ce cadre. Ce seront donc des utilisateurs lambdas qui payeront un abonnement et qui contribueront à enrichir le site sans s’en rendre compte.

Cette technologie pourrait à terme, si efficace, remplacer le travail des « A&R », spécialistes des labels qui sont chargés de la découverte des nouveaux artistes.

Stratégie novatrice donc et qui méritera d’être suivie de près. Elle pourrait cependant s’avérer moins efficace que prévu selon la qualité des algorithmes et les potentielles législations qui pourraient être mis en place pour protéger les utilisateurs et leurs données.

Pressions & Difficultés

Crédit : Unsplash / Reet Talreja

Spotify, qui reste de loin leader de son secteur, a donc encore de nombreuses ressources et stratégie de développement en cours. Cependant, il est important de mentionner que le tableau n’est pas entièrement rose. Le Groupe affiche des pertes importantes en 2022, aux alentours de 430 millions d’euros, et le cours de l’action a chuté en un an.

Les investissements dans « Studios » et le développement des podcasts ont beaucoup couté et pour l’instant rapporté bien moins que calculé initialement. Globalement, le marché du streaming audio est en ralentissement avec de nombreuses zones géographiques qui arrivent à maturité. Bien qu’intéressants à suivre, les divers projets d’innovations et d’activité se rapprochant d’un Label entamés par le Groupe sont sujets à un contexte global tendu et à des négociations toujours aussi peu évidentes avec les plateformes.

Si le géant suédois envisage de se développer à travers les artistes indépendants et émergents, il sera donc clé de suivre si ces derniers seront coopérants, ou se tourneront vers d’autres acteurs avec des stratégies bien différentes telles que Bandcamp ou Distrokid

Posté par Nicolas Roger

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Références :

  • Spotify gagne des abonnés mais reste dans le rouge. (2022, 26 octobre). BFMTV. https://www.bfmtv.com/tech/actualites/streaming/spotify-gagne-des-abonnes-mais-reste-dans-le-rouge_AD-202210260251.html
  • Nedelec, G. (2018, 18 juin). Comment Spotify tente de court-circuiter les labels. Les Echos. https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/comment-spotify-tente-de-court-circuiter-les-labels-133537
  • Kafka, P. (2018, 8 juin). Spotify is competing with music labels by cutting direct deals with musicians. Vox. https://www.vox.com/2018/6/8/17441544/spotify-daniel-ek-direct-deal-music-labels
  • Music Business Worldwide. (2022, 6 juin). The major labels face an uphill battle for streaming market share. Here’s how they might fight back. https://www.musicbusinessworldwide.com/podcast/the-major-labels-face-an-uphill-battle-for-streaming-market-share-heres-how-they-might-fight-back/
  • Spotify tells competition regulator that streaming innovation risks being held back by label clauses. (s. d.). Digital | Music Week. https://www.musicweek.com/digital/read/spotify-tells-competition-regulator-that-streaming-innovation-risks-being-held-back-by-label-clauses/086595
  • Gangloff, Y. (2020, 24 juillet). Spotify et Universal signent un nouvel accord avec une collaboration étendue. Siècle Digital. https://siecledigital.fr/2020/07/24/spotify-et-universal-signent-un-nouvel-accord-avec-une-collaboration-etendue/
  • Dellatto, M. (2022, 14 avril). Spotify Says It Paid $ 7 Billion In Royalties In 2021 Amid Claims Of Low Pay From Artists. Forbes. https://www.forbes.com/sites/marisadellatto/2022/03/24/spotify-says-it-paid-7-billion-in-royalties-in-2021-amid-claims-of-low-pay-from-artists/
  • Loignon, S. (2023, 31 janvier). Spotify proche du demi-milliard d’utilisateurs dans le monde mais creuse ses pertes. Les Echos. https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/spotify-proche-du-demi-milliard-dutilisateurs-dans-le-monde-mais-creuse-ses-pertes-1902191
  • Berghe, V. (2022, 6 avril). Spotify traque vos données : pourquoi et comment l’éviter ? Les Numériques. https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/spotify-traque-vos-donnees-pourquoi-et-comment-l-eviter-n180005.html
  • Dabi-Schwebel, G. (2021, 9 juin). La data dans l& # 039 ; industrie musicale. Agence 1min30. https://www.1min30.com/brand-marketing/data-musique-spotify-26956/amp/

Rachat d’Activision-Blizzard par Microsoft : Les GAFAM à l’attaque des jeux vidéo ?

Dans un communiqué de presse du 18 janvier 2022, Microsoft a annoncé son rachat du développeur de jeu vidéo Activision-Blizzard pour un montant de 68,7 milliards de dollars. Cette annonce d’acquisition est historique dans le monde du jeu vidéo et a provoqué de vives réactions, surtout en termes de concurrence.

Microsoft, un acteur historique de l’industrie des jeux vidéo.

Microsoft est le GAFAM qui a très tôt démontré une stratégie d’expansion vers l’industrie du gaming. Pour rappel, dès 1994, le géant américain de la tech crée Microsoft Game Studios, aujourd’hui connu sous le nom de Xbox Game Studios. Au début des années 2000, l’entreprise franchit une étape. Grâce à ses qualités de constructeur d’appareils électroniques, il vient concurrencer Sony et Nintendo sur le marché des consoles avec sa Xbox. En parallèle, Microsoft va, pendant plus de vingt ans, acquérir studio de jeux par studio de jeux. Il commence en 2001 par Turn 10, développeur de la licence Forza Motorsport, puis continuera avec des studios comme Rare, 343 industries ou encore Mojang studios, jusqu’à sa dernière acquisition en 2021 avec Bethesda.

Aujourd’hui, la firme vise le studio Activision-Blizzard, créateur de jeux vidéo sur téléphone, PC et console. Elle est la maison mère de franchises fortes comme Candy Crush, Call of Duty ou encore World of Warcraft, ce qui en fait un rachat particulièrement stratégique. Rien que le jeu Call of Duty est l’une des plus grosses licences de l’histoire du jeu vidéo ; ses ventes atteignent les 400 millions dans le monde.

Source : Unsplash. Photo de Sam Pak

Ce projet de fusion entre deux acteurs aussi massifs pose donc des questions d’équilibre des forces dans l’industrie du jeu vidéo. Pour justifier ce rachat, trois arguments sont avancés par Microsoft pour convaincre les autorités de régulation :

  • Les consommateurs y gagneraient. Microsoft renforcerait la valeur ajoutée de son Game Pass grâce à de nouvelles franchises fortes.
  • Les employés bénéficieraient d’un changement de culture d’entreprise. Depuis quelque temps, Activision-Blizzard subit des scandales liés au management interne.
  • Le secteur observerait un rééquilibrage des forces sur le marché des jeux mobiles. Pour rappel, les géants Google et Apple écrasent aujourd’hui toute concurrence sur cette verticale.

Les principaux opposants au rachat sont la FTC et Sony. L’organisme responsable de la défense de la concurrence aux Etats-Unis a porté plainte contre Microsoft malgré ses arguments préliminaires. La dernière fois que Microsoft s’était confronté à la FTC, il en était sorti perdant. C’est notamment de ce procès qu’ont découlé toutes les grandes confrontations juridiques sur les sujets d’anti-trust et de monopole. Leur argument principal vise la licence Call of Duty au vu de sa force de frappe en termes de vente et d’attractivité pour les consommateurs. L’un des dangers serait que Microsoft rende le jeu Call of Duty exclusif à sa plateforme, fragilisant Sony. La FTC a décidé d’évaluer la concurrence uniquement sur le marché des consoles à haute performance, un marché où les consoles Nintendo ne sont pas présentes. L’organisme évaluera aussi les conséquences sur le marché des abonnements (Game Pass, Playstation Plus, EA Play, etc). D’autres autorités homonymes vont également devoir rendre un verdict : la CMA au Royaume-Uni, les autorités de l’UE et celles de la Chine.

Source : Unsplash. Photo de Nikita Kostrykin

Vers une concentration de cette industrie ?

Ce rapprochement de deux entreprises majeures du secteur n’est pourtant pas un cas isolé. Le concurrent direct de Microsoft sur le marché, Sony, a notamment racheté pour 3,6 milliards Bungie, une entreprise de développement et d’édition de jeux vidéo, qui détient les franchises Destiny ou encore Halo. Nous avons également le cas du distributeur de jeu Take-Two, acteur puissant du secteur, qui s’est acheté pour 12 milliards de dollars la plateforme de jeu en ligne Zynga.

Le marché des jeux vidéo semble donc subir une concentration de ses acteurs. Comment l’expliquer ?

Le secteur a d’abord connu une multiplication d’acteurs dans les métiers de développeur, éditeur et distributeur de jeux. Cette prolifération a favorisé la diversité dans les jeux et les plateformes.  Aujourd’hui, les consommateurs peuvent trouver toutes les qualités de jeux, à tous les prix. Néanmoins, pour continuer à accroître le nombre de joueurs, l’industrie doit combattre sur un marché plus grand encore : celui de l’attention. Toutes les formes de divertissement (réseaux sociaux, musique, audiovisuel, jeux, etc.) se vouent une guerre pour capter le temps des consommateurs. Les entreprises de gaming doivent maintenant être capables de proposer de plus en plus de jeux de qualité, d’offres à prix attractifs, et redoubler d’innovation. Cependant, pour produire des jeux de qualité AAA, les organismes doivent débourser de gros budgets, ce qui n’est pas à la portée de tous les studios. De même, les distributeurs ont développé des services d’abonnement regroupant l’accès à de nombreux jeux comme le Game Pass ou le Playstation Plus, afin de proposer des offres toujours plus attractives. Ces pass doivent être nourris de franchises fortes pour attirer les joueurs. Ainsi, les entreprises de jeux vidéo doivent avoir une force financière suffisante pour se faire une place durable dans la vie des consommateurs, d’où le besoin de concentration entre les acteurs.

Source : Unsplash. Photo de Alexander Shatov

Les tentatives des autres GAFAM dans le secteur. Pourquoi l’industrie attire les géants du numérique ?

Ce besoin de concentration des acteurs et le potentiel de cette industrie a également été compris par les GAFAM. Bien que Microsoft soit le plus investi dans le secteur, les jeux vidéo semblent être dans le viseur des autres mastodontes américains.

  • Google

C’est le deuxième GAFAM à avoir tenté une entrée sur le marché. En 2019, il avait ouvert Stadia Games and Entertainment, son studio de jeux vidéo. Google a également mis en service un cloud gaming nommé Stadia. Ce Netflix du jeu vidéo permettait à ses utilisateurs d’avoir accès à une banque de jeux uniquement avec une manette connectée, sans consoles ni PC. Cependant, cette conquête de l’industrie se solde par un échec. L’entreprise a décidé de fermer les portes de ses studios en février 2021 puis d’arrêter ce service en janvier 2023 par manque d’audience.

  • Amazon

En plus du rachat de la plateforme de streaming Twitch, Amazon s’est parallèlement lancé du côté du développement de jeux vidéo de haute qualité via sa filiale Amazon Game Studio. Son ambition est de créer des licences fortes qui s’inscrivent dans la durée, comme avec le jeu AAA « New World ». La firme y a mis les grands moyens en dépensant plus de 100 millions de dollars seulement pour cette franchise. Le géant du e-commerce propose également un service de cloud gaming avec sa plateforme Luna, qui se différencie de la concurrence en offrant un abonnement à des lots de jeux.

  • Facebook

Nous retrouvons aussi une stratégie de diversification chez Facebook. L’entreprise de Marc Zuckerberg s’est intéressée au hardware en s’offrant Oculus, un constructeur de casques de réalité virtuelle. Toujours sur cette verticale, le groupe a développé Oculus Store, une marketplace de vente de jeux VR. La firme s’est également lancée dans les jeux mobiles en streaming, directement accessible via le réseau social Facebook. Enfin, il vient faire concurrence au Twitch d’Amazon avec son offre Facebook streaming, pour visionner des joueurs en direct. Cependant, le réel enjeu du géant des réseaux sociaux reste le métavers. Sa stratégie se concentre davantage sur les devises que sur le développement de jeux.

  • Apple

La marque à la pomme a également mis un pied dans cette industrie, sur la verticale des jeux mobiles, grâce à Arcade, leur plateforme de gaming par abonnement. Pour l’instant, Apple semble davantage utiliser cet angle dans une stratégie d’ajout de valeur à son offre de hardware, plutôt qu’une volonté de conquête du marché des jeux.

Source : Unsplash. Photo de Jessica Lewis

Pour conclure, malgré quelques échecs de ces géants, l’industrie observe un léger glissement de la concurrence vers les GAFAM. Mais qu’est-ce qui attirent ces mastodontes de la tech ?

Le secteur apparaît déjà comme un marché juteux. Selon le Global Games Market Report de novembre 2022, l’industrie a généré 184 milliards de dollars de revenus en 2022 et attiré 3,198 milliards de joueurs à travers le monde. Le secteur est aussi en pleine croissance, il enregistrait une progression de +19.6% en 2020 et de +1.4% en 2021. Enfin, dans la conférence de presse de Microsoft et Activision-Blizzard, les deux groupes estimaient même à 4,5 milliards le nombre de joueurs d’ici 2030.

De plus, les jeux vidéo peuvent devenir un moyen pour réunir toutes les consommations : c’est à la fois un lieu d’interactions sociales entre les joueurs, un lieu d’achat et un lieu de divertissement. Nous observons déjà la diminution des frontières des consommations avec l’apparition de concerts dans certains univers de jeu comme Roblox ou Fortnite. Ainsi, l’industrie laisse entrevoir une possible fusion des divertissements en son sein. Enfin, le secteur peut apparaître comme une première porte d’entrée vers la construction des métavers. C’est l’un des arguments avancés par Satya Nadella, PDG de Microsoft, et Bobby Kotick, CEO d’Activision-Blizzard, pour expliquer la stratégie de rachat du studio et la vision de Microsoft à long terme.

Charline Barbé

Sources :

Articles internet :

Conférence de presse :

Rapport de groupes d’études :

BeReal : quel avenir pour le réseau social français ?

Your friends for real, telle est la promesse de l’application française BeReal. Créée en 2020 par Alexis Barreyat et Kevin Perreau, deux anciens étudiants de l’école 42, ce réseau social est régulièrement appelé « l’anti-Instagram ».

BeReal sur l’app Store – Photo by Jakub Porzycki / NurPhoto via Getty Images

Alors que l’application mobile n’a que trois ans, elle s’est retrouvée propulsée à la première place des téléchargements App Store aux Etats-Unis en juillet 2022. Selon le cabinet Sensor Tower, BeReal a atteint récemment les 50 millions de téléchargements sur l’App Store et le Play Store. Ces téléchargements permettent ainsi à l’app d’avoir une base d’utilisateurs actifs solide, environ 20 millions. Selon les fiches de postes disponibles, BeReal ambitionne désormais de dépasser les 100 millions d’utilisateurs actifs d’ici quelques années. Bien qu’encore loin derrière les statistiques des réseaux sociaux des GAFAM, sa forte croissance a tout de même retenue l’attention des géants du web et les a fait réfléchir autour du concept proposé par la start-up française.

BeReal, le réseau social spontané

BeReal connaît un fort succès cette année… mais en quoi diffère-t-il des autres réseaux sociaux ? Quelles sont les raisons qui poussent les utilisateurs à télécharger une application supplémentaire ? Le fonctionnement de BeReal est en réalité assez simple : tous les utilisateurs reçoivent une seule notification dans la journée, à une heure aléatoire, et ont deux minutes pour prendre en photo ce qu’ils sont en train de faire. Pour prendre un BeReal, les caméras avant et arrière s’activent prennent le cliché simultanément. Pour l’application française, seulement une des deux vues est disponible lors de la prise de vue, un coup de main à prendre pour ne pas avoir des photos floues ou des angles de son visage pas très flatteurs.

En réalité, ces prises de vues disgracieuses représentent un positionnement affirmé de BeReal : inciter les utilisateurs à montrer à leurs amis qui ils sont vraiment, sans mises en scènes, sans artifices. Ainsi, aucun filtre n’est disponible sur le réseau social, et l’aspect aléatoire de la réception de la notification permet d’obtenir des clichés et des publications plus spontanés, et de, selon les fondateurs de l’application, « de découvrir la vraie vie de ses amis et de se sentir plus proches d’eux ». 

Concernant le feed de l’application, seules les BeReal du jour de tes amis sont disponibles. Cela est d’ailleurs un point essentiel de l’application qui permet un engagement efficace des utilisateurs : pour pouvoir voir les BeReal de ses amis, il faut d’abord poster le sien. Les BeReal s’affichent ainsi par ordre chronologique de publication, ne nécessitant pas un algorithme de recommandation que l’on connaît d’Instagram ou de Facebook par exemple.

Si l’utilisateur a raté la notification, il a la possibilité de poster un Late (avec toujours deux minutes pour prendre la pose), et son cliché apparaîtra dans le feed avec le temps de retard du post. Cet aspect est assez critiqué car bien qu’il ait été mis en place pour ne pas perdre des utilisateurs par indisponibilité, il peut également dévier en perte d’authenticité. Par exemple, un utilisateur pourrait se dire : “la notification arrive lorsque je suis encore dans mon lit, je vais attendre ce soir d’être au restaurant et entouré d’amis pour le prendre”.

Priorité à l’engagement et non à la viralité

Contrairement à la plupart des autres réseaux sociaux, pas de followers, seulement des amis. Il n’est possible de voir les BeReal d’un utilisateur que si celui-ci nous a ajouté en retour. Ainsi, ce réseau social ne met pas au centre de ses ambitions la viralité ou la large portée, mais plutôt l’engagement individuel de chaque utilisateur au sein de son réseau. De la même façon, aucuns likes sur l’app, seulement un espace commentaires et la possibilité de réagir avec des selfies représentant des emojis, appelé les RealMoji :

  • 👍 Pouce en l’air
  • 😃 Heureux
  • 😲 Choqué
  • 😍 Coeur
  • 😂 Rire
  • ⚡️ Selfie de la réaction prise sur le moment

Grâce à ces différentes options, l’application est certaine que ses utilisateurs sont des utilisateurs réellement engagés. En effet, il n’y a aucun intérêt d’aller sur l’application pour scroller sans rien interagir, car rien n’est accessible sans poster son cliché. Le réseau social français se différencie par sa volonté de lutter contre les publications fake que l’on peut trouver sur les réseaux sociaux, accompagnées d’une vie radieuse et parfaite que personne ne possède réellement. Les voyages, le sport, les restaurants à gogo… BeReal permet ainsi de rompre le syndrome FOMO (Fear Of Missing Out) et de rationaliser son quotidien en démontrant à chaque utilisateur que tout le monde ne possède pas une vie d’influenceur. 

Une application qui vit au-dessus de ses moyens

A ce jour, BeReal ne dégage aucun revenu et fonctionne seulement grâce aux levées de fonds réalisées avec des investisseurs externes. Le fond d’investissement Andreessen Horowitz a ainsi été séduit en 2021 et a apporté à BeReal 30 millions de dollars. De plus, en 2022, l’application prometteuse a levé près de 85 millions de dollars supplémentaires au printemps dernier grâce à Yuri Milner, un des premiers investisseurs de Facebook. Ainsi, la firme revendique actuellement une valorisation à 600 millions de dollars. 

Malgré cette valorisation, BeReal n’a pas encore trouvé de business model leur permettant d’être rentable, ou même de trouver un modèle de rémunération fiable. En outre, l’application gratuite ne contient aucune publicité, et ne propose ni d’achats in-app, ni d’abonnement. Dans ses perspectives de développement, les fondateurs de BeReal restent assez silencieux. Dans l’onglet “presse” de leur site internet, ils indiquent ainsi : “Vous vous demandez peut-être si nous aurons des publicités ou comment nous envisageons de monétiser l’application […] mais travailler avec des marques n’est pas notre priorité”.

La publicité sur BeReal, la fausse bonne idée

Bien que la plupart des applications mobiles gratuites (et des réseaux sociaux) se rémunèrent grâce à la publicité, celle-ci ne semble pas être le moyen le plus favorable pour la proposition commerciale de BeReal. En effet, en considérant le peu de temps passé sur l’appli par les utilisateurs, ainsi que le concept même de ne poster qu’un post par jour et de ne pouvoir voir que les publications de ses amis, peu d’espaces publicitaires pourraient être envisagés. Le reach généré par les utilisateurs actifs sera assez limité, et devra être divisé entre les annonceurs potentiels. La publicité display semble ainsi être compliquée, et les formats in-read et natifs seraient un très gros challenge pour les marques. 

Si des marques souhaitent se lancer sur BeReal, elles seront soumises au même fonctionnement que les utilisateurs. Les contenus natifs venant des marques demanderaient alors une forte flexibilité des équipes de communication des annonceurs. En effet, ils seraient obligés d’être disponibles dans les 2 minutes de la notification, et ceci à n’importe quelle heure de la journée. De plus, la contrainte technique consistant de la capture des deux caméras, et l’impossibilité d’ajouter du texte, du son ou du contenu vidéo sur l’image obligerait les marques à faire passer leur message à travers une mise en scène sur le plan avant et arrière pour faire passer leur message, ce qui est totalement à l’opposé de l’essence même de l’application. Des marques ont pourtant essayé, à l’instar d’ELF, une marque de maquillage et cosmétiques, qui se sont lancés sur BeReal en partageant des codes de promotion, poussant ainsi les utilisateurs à devoir s’abonner à la marque pour voir apparaître le code. 

Extraits du BeReal d’ELF (organique) – © BeReal

Un avenir incertain sans fonctionnalités supplémentaires

Pour perdurer, BeReal va devoir innover. Afin de ne pas finir comme des applications comme ClubHouse, BeReal doit trouver des moyens de se financer, mais aussi de stimuler et fidéliser ses utilisateurs actifs. L’application subit non seulement celle de ses investisseurs, mais également celle des GAFAM qui ont vu les formats BeReal être adoptés par les internautes. Ainsi, TikTok a très vite lancé ses Tiktok Now et Instagram s’est joint à la fête en développant Candid Challege, invitant les utilisateurs de la plateforme à se prendre en double-caméra sans filtres et à le partager dans leurs stories. Ainsi, BeReal perd peu à peu son avantage concurrentiel.

Et si BeReal se finançait par l’abonnement ? En effet, le réseau social pourrait être amené à proposer un abonnement à ses utilisateurs, mais ceci entraîne le développement de fonctionnalités et d’avantages assez significatifs pour déclencher la transaction. Pour conserver l’UX (User Experience), il pourrait être nécessaire pour le réseau social de développer des contenus bonus accessibles pour les abonnés, comme des RealMoji supplémentaires pour réagir aux BeReal de ses amis, ou encore la possibilité de voir ceux des autres sans poster le sien. Il est également envisageable qu’à l’instar d’Onlyfans, une célébrité puisse rendre l’accès à son BeReal payant, et ainsi partager davantage sa vie privée à ses fans. BeReal devra être capable de développer d’autres concepts dans le même esprit pour faire face aux concurrents directs imposés par les géants des réseaux sociaux, et ce sans tarder pour ne pas tomber dans l’oubli quelques mois après leur succès.

Alice Joie


Sources : 

Gorillaz : décryptage d’un groupe de musique pionnier dans le virtuel

Le groupe virtuel britannique revient le 24 février prochain avec son huitième album studio «Cracker Island ».

« Pour tous nos fans, préparez-vous à la plus grande prise de contrôle de Times Square depuis que l’autre gorille a détruit l’endroit. Plus grande en fait, parce qu’on est quatre. », le rendez-vous était donc pris pour les fans du groupe Gorillaz, suite à l’annonce sur les réseaux sociaux le 8 décembre dernier de la sortie prochaine d’un nouveau single.

Le duo créateur du groupe a décidé de faire découvrir leur nouveau titre « Skinny Ape » grâce à une expérience immersive, à leur image, forcément innovante : deux concerts en plein centre-ville de New-York et Londres, respectivement à Times Square et Piccadilly Circus, le tout en réalité augmentée. Les spectateurs et les promeneurs n’ont donc pas vu Damon Albarn, fondateur, compositeur et interprète, ni aucun musicien sur scène, mais bien les avatars virtuels qui ont fait la renommée du groupe, se baladant dans la ville en jouant sur les buildings de ces places mythiques.

L’accès à la précieuse performance se fait via une application gratuite appelée « Gorillaz Presents », à télécharger sur son smartphone, le spectateur doit se munir d’écouteurs ou d’un casque pour pouvoir écouter la musique. En ouvrant l’application, il nous ait demandé de choisir le lieu de la performance. Ensuite, nous sommes guidés pour nous permettre de nous placer au bon endroit et vivre au mieux l’expérience. La musique commence lorsque nous avons trouvé Stuart, le chanteur, assis en haut d’un écran géant. Puis les enceintes apparaissent les unes après les autres, la publicité des écrans géants change pour laisser place au clip vidéo du groupe, et le trio manquant de musiciens virtuels apparait sur les building environnants. Chaque spectateur est donc amené à déplacer son smartphone dans l’espace pour voir les différents avatars et animations prendre vie, une expérience qui pourra rappeler à certains celle du jeu vidéo Pokémon Go. A noter que la performance est bien évidemment re visionnable, et peut même être regardée et écoutée de chez soi.

Navigation sur l’application « Gorillaz present » à l’occasion du concert en réalité augmentée. Source : Captures d’écrans issues de l’application, 24.01.2023

A l’heure des concerts dans le métavers et des pop stars virtuelles, quelles sont les clefs du succès de ce groupe instigateur du virtuel qui fête en 2023 ses 25 ans de carrière ?

Gorillaz, c’est la rencontre entre deux créateurs anglais : l’un est un musicien, compositeur, interprète au sommet de sa gloire dans les années 90 avec son groupe de rock « Blur » ; l’autre est auteur de bande dessinée, et graphiste. Tous deux, inspirés par MTV, décident de créer leur « Cartoon Band ». Nous somme en 1998, Damon Albarn s’occupera de la musique, Jamie Hewlett du visuel, Gorillaz est né. S’en suit un premier album en 2001 qui rencontre un succès immédiat.

Quelles en sont les raisons ? Côté musique chaque morceau est composé, interprété et enregistré par Damon Albarn, qui souvent s’entoure d’artistes venus de différents styles musicaux. On peut notamment citer Sir Elton John, Fatoumata Diawara ou encore Beck pour leur dernier album sorti en 2020. De fait, il n’est pas rare que sur un album de 15 titres, une dizaine soient en featuring. Il ressort de ces nombreuses collaborations une véritable liberté dans la musique créée, qu’il est difficile de définir et classer à la frontière du rock, de la pop, de la soul, parfois funk, souvent expérimentale.

Côté représentation du groupe, que ce soit dans les clips vidéos ou même sur scène, ce sont les membres virtuels, tout droit sortis de l’imagination de Jamie Hewlett, qui prennent le relai. Ainsi, quand on parle de Gorillaz on parle bien d’un quatuor avec comme chanteur et pianiste Stuart « 2D », en bassiste Murdoc Niccals, Russel Hobbs à la batterie et enfin Noodle à la guitare ; tous stylisés, fictifs et humanoïdes.

Les 4 membres du groupe Gorillaz. Source : Image de benhoudijk sur depositphoto

Gorillaz c’est aussi un univers qui entoure les personnages et accompagne la sortie de chaque album. Dans un album, chaque morceau aura son clip vidéo, qui, tous liés entre eux, racontent une même histoire comme une série est composée d’un certain nombre d’épisodes. Le groupe aime depuis sa création jouer avec la frontière entre le réel et le virtuel, chaque membre ayant sa propre histoire, sa date de naissance, ses propres réseaux sociaux et donnant des interviews pour promouvoir la sortie des albums. Leurs manières irrévérencieuses et l’engagement qui ressort des sujets abordés dans les morceaux en ont fait un groupe qui a réussi à conquérir et fidéliser un public averti, les différenciant des groupes virtuels du début des années 2000, souvent pensés pour un public plus jeune.

C’est donc fort d’une base de fans solides et d’un univers virtuel bien ancré dans l’imaginaire commun que Gorillaz a préparé son grand retour. Si l’on s’intéresse à son évolution et notamment sa représentation scénique, une performance en réalité augmentée semble être une évidence pour ce groupe aux concepts novateurs. En effet, pour retranscrire l’univers virtuel créé autour de chaque album sur scène, le duo s’est toujours aidé de la technologie. Lors de leur première tournée en 2001 les spectateurs ne voyaient d’ailleurs qu’un écran où évoluaient les membres fictifs du groupe, dessinés en 2D, alors que les musiciens étaient cachés derrière. Et si la tournée pour le second album a plus que convaincue les spécialistes grâce à sa capacité à incorporer le film et les animations dans la performance musicale, les musiciens sont d’ailleurs sur scène, bien visibles et intégrés à l’univers, Hewlett en ressort frustré. Il confiera en 2017 dans une interview à Paris Match « il y avait la moitié des Clash avec nous, on sonnait comme Funkadelic, mais l’écran était petit, ça m’a agacé. ». Les tournées suivantes sont donc encore plus poussées technologiquement, les membres pouvant désormais être modélisés en 3D.

Gorillaz en concert en 2017. Source : Wikimedia Commons, photo de Matija Puzar

En dehors des tournées, le groupe cherche à étendre son univers via plusieurs avancées. Ils proposeront dès 2016 une bande dessinée animée. En 2017, ils créent une visite virtuelle de leur studio, possible grâce à leur application mobile qui permettra par la suite une session d’écoute mondiale le jour de la sortie de leur nouvel album. La même année, ils sortiront un clip vidéo 360°, qui cumule aujourd’hui plus de 26 Millions de vues sur YouTube – jusqu’à arriver naturellement donc à un concert en réalité augmentée les 17 et 18 décembre derniers.

Un retour très attendu, qui valait bien une collaboration.

Reste à savoir comment intégrer les avatars créés par Jamie Hewlett dans le monde réel ? C’est le défi relevé par l’entreprise américano-britannique « Nexus Studio ». Et même si le nom ne vous dit peut-être pas grand-chose, vous connaissez certainement leurs réalisations : ils ont notamment travaillé sur les effets spéciaux de « The Eternals » la série Marvel, ou pour le film d’animation « The House » sortie sur Netflix en début de mois. Outre les effets spéciaux, Nexus Studio est aussi spécialisée dans les expériences immersives, où elle est souvent amenée à s’appuyer sur les technologies Google. Pour l’intégration des membres virtuels de Gorillaz dans Piccadilly Circus ou à Times Square, Fx Goby, réalisateur de film d’animation et de live action Français et membre de l’équipe spécialiste dans l’immersion en temps réel, a alimenté l’expérience grâce à l’API ARCore Geospatial, utilisée couramment pour Google Maps et Google Earth. Puis c’est en collaboration avec Jamie Hewlett qu’ils ont retravaillé les graphismes additionnels.

Vers une explosion des groupes virtuels grâce aux nouvelles technologies ?

Si Gorillaz a bien été un des groupes précurseurs dans l’utilisation du virtuel, il n’a bien évidemment pas été le seul. On peut par exemple citer le travail de Jean Michel Jarre dans la musique électronique ; ou le groupe de Rock français Shaka Ponk à la fois musiciens et graphistes et qui ont créé leur mascotte singe aujourd’hui modélisée en 3D et véritable membre du groupe.

Plus récemment, avec toutes les discussions entourant le métavers et les possibilités que cela ouvre, la forme que peut prendre les groupes virtuels s’est diversifiée. On a vu notamment en K-POP l’arrivée du groupe Aespa où chaque membre possède un alter égo virtuel évoluant dans un univers particulier que l’on peut découvrir au fur et à mesure des clips vidéos. D’autres groupes sont désormais 100% composée d’IA, comme la pop star japonaise Hatsune Miku dont même la voix est technologique. Enfin, nouvelle étape encore, Universal Music annonçait en 2021 la création d’un groupe de musique composé de singes dessinés. Il s’agit en fait de NFT offrant à leurs fans des expériences virtuelles immersives, sous le nom de Kingship.

Pour tous les curieux l’expérience « Skinny Ape » est disponible jusqu’en juin 2023.

Lisa Perono

Sources :

Articles internet :

Sites :

Vidéo :

Le modèle de l’abonnement est-il le futur de l’industrie du jeu vidéo ?

D’après Statista, les dépenses des joueurs dans des abonnements de jeux vidéos devraient atteindre environ 8,543 millions de dollars en 2023.

Le modèle de revenus pour les jeux vidéos par abonnement consiste à facturer aux joueurs des frais réguliers, généralement mensuels ou annuels, pour accéder au jeu ou à une bibliothèque de jeux. Il s’illustre aujourd’hui de trois façons différentes : 

  • Le joueur peut s’abonner pour un jeu unique. Par exemple, il peut souscrire à un abonnement à 12,99 €/mois afin de jouer à World of Warcraft.
  • Le joueur peut également s’abonner à une plateforme qui réunit uniquement les jeux en ligne d’une console spécifique. Par exemple, il peut s’abonner à la formule PlayStation Plus Essential au tarif de 8,99 €/mois.
  • Enfin, le joueur peut s’abonner à une plateforme qui réunit des jeux de studios et d’entreprises différents. Par exemple, il peut s’abonner au Microsoft Xbox Game Pass pour console pour 9,99 €/mois.

Le modèle de l’abonnement est prédominant dans les industries de la musique, du cinéma et de la télévision. Les consommateurs, qui auparavant avaient l’habitude de louer ou d’acheter des DVDs, sont désormais abonnés en grande partie à des services de streaming populaires tels que Netflix et Disney+. Les services d’abonnement aux jeux vidéos pourraient également devenir le principal moyen de consommation des joueurs. Cet éventuel nouveau paradigme présenterait un intérêt pour les développeurs et les éditeurs, ainsi que pour les joueurs eux-mêmes.

Le modèle de l’abonnement présente plusieurs avantages pour les développeurs de jeux et les éditeurs

Financièrement, ce modèle permet aux développeurs de générer un flux de revenus stable, tandis que la majorité des revenus tend à être générée au moment de la sortie des jeux avant de rapidement décroître. Avoir cette source de financement continu peut aider les développeurs à financer les coûts de développement et de maintenance du jeu à long terme. Il s’agit d’un enjeu primordial dans les configurations de Game As A Service puisqu’ils sont conçus pour s’ancrer dans la durée. Ils sont évolutifs et doivent constamment renouveler leurs contenus afin de fidéliser leurs audiences. L’abonnement permettrait donc de créer un cercle vertueux, puisqu’une mise à jour régulière des contenus permet de renforcer l’intérêt et l’engagement des joueurs, les incitant à renouveler leur abonnement. A l’instar des grands noms du streaming tels que Netflix ou bien encore Disney+, dans cette situation, les fournisseurs des services d’abonnement capitalisent également sur l’inertie des joueurs qui n’annulent pas leurs abonnements.

Le modèle de l’abonnement permettrait de diminuer les coûts de production des jeux vidéos faisant l’objet de ventes physiques. En effet, il impacte directement la chaîne de distribution. Puisqu’il est intrinsèquement lié à la mise à disposition des jeux sur des plateformes numériques, l’étape de l’expédition n’a plus lieu. Cela permet donc de réaliser des économies.

Le modèle de l’abonnement bénéficierait également aux développeurs et éditeurs indépendants, aussi appelés indies ou indés. L’industrie du jeu vidéo est aujourd’hui extrêmement concentrée et dominée par les grands acteurs : il est très difficile pour les indies d’obtenir de la visibilité et de rentabiliser leurs productions. Or, les plateformes d’abonnement peuvent les proposer, ou bien encore financer des productions indés pour des contrats exclusifs avec certaines plateformes. Pour les indépendants, ce modèle d’abonnement leur offre de nouvelles opportunités en termes d’exposition. A titre d’exemple, Mike Rose, le fondateur du studio de production No More Robots, a affirmé que les ventes de leur jeu Descenders ont été quadruplées lorsqu’il a été ajouté sur le Xbox Game Pass. Il faut toutefois nuancer cet argument. Même si ce modèle propose aux indés une nouvelle opportunité, il n’en reste pas moins difficile de rentabiliser leurs jeux. Figurer dans une bibliothèque ou un catalogue de jeux ne reste pas une condition de réussite en elle-même. Pour illustrer, plus de 50% des jeux indés sur Steam (qui n’est certes pas un modèle d’abonnement, mais une bibliothèque de jeux) n’ont jamais généré plus de 4,000$ de revenus

Source: Pixabay

Le modèle de l’abonnement présente des avantages pour les joueurs occasionnels

D’après le rapport du cabinet de consulting Simon-Kucher, le modèle de l’abonnement permettrait d’exploiter le marché des joueurs occasionnels, réunissant ceux qui jouent cinq heures ou moins par semaine. En effet, il n’est pas intéressant pour cette audience d’investir dans plusieurs jeux uniques à plein tarif sans connaître les titres et sans avoir la certitude de pouvoir les rentabiliser. Cela ne les incite pas non plus à expérimenter de nouveaux titres. C’est dans cette situation que les plateformes d’abonnement se révèlent intéressantes pour eux, puisqu’elles permettent à ces joueurs d’avoir accès à une large variété et à diverses gammes de jeux, et ce sans se ruiner en les achetant individuellement. Au-delà même de cette audience de joueurs occasionnels, les plateformes d’abonnement permettent de toucher une large diversité de segments de consommateurs. Les catalogues mis à disposition permettent de satisfaire une grande variété de goûts, mais ce à condition que les systèmes de recommandation et de tri soient efficaces. Lorsqu’il n’y a aucun risque financier à essayer un nouveau titre, genre ou style, les joueurs sont encouragés à expérimenter de nouvelles choses. Cela peut se traduire par une augmentation du temps passé à jouer. Concrètement, d’après l’enquête Simon-Kucher, 71% des joueurs ayant souscrit à une offre d’abonnement de jeux vidéos passent plus de temps à jouer.

Mais le modèle de l’abonnement ne répond pas à tous les enjeux de l’industrie pour pouvoir s’imposer comme le modèle dominant

Le modèle de l’abonnement crée un enjeu autour de la cannibalisation des offres. Il s’agit notamment de la raison pour laquelle l’éditeur Sony a été réticent à inclure des jeux AAA dans PS Now, estimant que ce n’est pas une stratégie de monétisation qui est durable puisque les revenus générés seulement par l’abonnement ne permettraient pas forcément de maintenir la qualité des jeux de cette gamme de prix (60/80$). Les éditeurs doivent réfléchir soigneusement à la variété de jeux qu’ils mettent à disposition ainsi qu’à l’importance des titres (indie, AA, AAA) qu’ils souhaitent inclure dans un service d’abonnement. Un jeu AAA doit nécessairement être rentabilisé puisque sa production coûte en moyenne 80 millions de dollars. Ajoutant à l’incertitude du succès, il ne serait pas rationnel de sortir des jeux AAA sur abonnement aux niveaux budgétaires actuels.

Dans certaines configurations, les joueurs peuvent être réticents à souscrire à un abonnement. L’abonnement peut se révéler être une barrière à l’entrée. C’est le cas de certains Game As A Service. En effet, les jeux suivant ce modèle n’ont pas forcément les mêmes sources de revenus. Les jeux en ligne les plus populaires actuellement sont gratuits. Par exemple, Fortnite a été le jeu le plus joué sur PC en 2022 et son modèle de revenus repose essentiellement sur les transactions in-game.

Sarah Collot

SOURCES :

LoChiatto, J. (2022) Why Sony is leaving AAA games out of the PlayStation Plus launch, SVG. SVG. Available at: https://www.svg.com/859886/why-sony-is-leaving-aaa-games-out-of-the-playstation-plus-launch/

How much does it cost to develop a game (2022) Rocket Brush studio. Available at: https://rocketbrush.com/blog/how-much-does-it-cost-to-develop-a-game#:~:text=AAA%20games%20are%20the%20big,about%20%2480%20million%20and%20higher

Top 15 most popular PC games of 2022 (2022) Active Player. Available at: https://activeplayer.io/top-15-most-popular-pc-games-of-2022/

Gordon, L. (2021) Game subscriptions are on the rise. indies could suffer, Wired. Conde Nast. Available at: https://www.wired.com/story/game-subscription-indie-developers-gamepass-playstation/

Clist, S. (2022) Are Gaming Subscription Services the future of video games?, KeenGamer. Available at: https://www.keengamer.com/articles/features/others/are-gaming-subscription-services-the-future-of-video-games/

Is subscription economy the future of gaming? (2022) LatentView. Available at: https://www.latentview.com/blog/is-subscription-economy-the-future-of-gaming/

Future of gaming is in subscription services, says Simon-Kucher (2020) Consulting.us. Available at: https://www.consulting.us/news/5274/future-of-gaming-is-in-subscription-services-says-simon-kucher

Martin-Forissier, C. (2017) Quand l’abonnement illimité s’invite Dans l’industrie des Jeux Vidéo, Laboratoire d’Innovation Numérique de la CNIL. Available at: https://linc.cnil.fr/fr/quand-labonnement-illimite-sinvite-dans-lindustrie-des-jeux-video#:~:text=La%20d%C3%A9mat%C3%A9rialisation%20appara%C3%AEt%20comme%20une,large%20choix%20dans%20un%20catalogue.

Clement, J. (2021) Global Video Game Subscriptions Market Size 2025, Statista. Available at: https://www.statista.com/statistics/1240333/consumer-spending-video-game-subscriptions/

Sheth, N. (2022) The Fortnite Business Model – how they make money, Finty. Available at: https://finty.com/us/business-models/fortnite/#:~:text=Fortnite%20makes%20money%20by%20charging,and%20the%20Fortnite%20World%20Cup.

Madan, A. (2019) Xbox Game Pass ‘quadrupled’ descenders sales says developer Mike Rose, Windows Central. Windows Central. Available at: https://www.windowscentral.com/xbox-game-pass-quadrupled-descenders-sales-says-developer-mike-ross.

Games industry data and analysis (2020) Video Game Insights. Available at: https://vginsights.com/insights/article/infographic-indie-game-revenues-on-steam.

Le boom de l’industrie du jeu vidéo en Chine : le développement ou la restriction ?

L’état des lieux de l’industrie du jeu vidéo en Chine

Au cours des dix dernières années, grâce au développement rapide des techniques numériques et des innovations digitales en Chine, l’industrie du jeu vidéo chinoise n’a cessé de croître et constitue aujourd’hui le plus grand marché du jeu vidéo au monde : il existe actuellement près de 700 millions de joueurs, et le chiffre d’affaires total du marché de l’industrie du jeu vidéo en 2021 est d’environ 296,5 milliards de yuans (40,6 milliards d’euros). Surtout, les jeux mobiles bénéficient de leur large audience et de leurs caractéristiques de divertissement fragmentées, associées aux avantages de la combinaison avec la technologie de 5G qui est largement construite en Chine, la taille du marché est bien en avance sur toute autre catégorie de plateforme de jeux.

L’une des raisons du succès de la Chine dans le domaine des jeux vidéo est due à la présence de nombreuses entreprises de qualité, telles que Tencent et NetEase, ainsi que des sociétés de jeux compétitives émergeant progressivement comme 37games et MiHoYo. Le jeu « Honor of Kings » de Tencent et « Fantasy Westward Journey » de NetEase ont aidé ces deux sociétés à conquérir environ 60% du marché chinois des jeux vidéo.

De plus, le marché de l’e-sport continue de se développer et l’échelle des téléspectateurs des événements d’e-sport continue de croître en Chine. En 2021, le nombre de téléspectateurs de l’e-sport en Chine a atteint 489 millions et le chiffre d’affaires réel du marché de l’e-sport a atteint 140,2 milliards de yuans (environ 19,2 milliards d’euros). Aujourd’hui, l’industrie chinoise du jeu vidéo n’est pas seulement un énorme marché, mais aussi une riche chaîne industrielle composée d’un système d’emploi complexe. Le nombre total de personnes actuellement directement ou indirectement engagées dans l’industrie dépasse le million.

Continuer à développer vigoureusement l’industrie du jeu vidéo ?

Étant donné que les revenus de l’industrie du jeu vidéo sont devenus une partie importante du revenu économique de la Chine et que cette industrie offre de nombreuses opportunités d’emploi, le gouvernement chinois a introduit des pratiques pertinentes pour encourager et soutenir le développement de l’industrie du jeu vidéo, telles que la classification officielle de l’e-sport comme une compétition sportive et  l’ajout d’une majeure de « Économie et Management de l’e-sport » dans les écoles professionnelles supérieures pour promouvoir le développement de l’industrie des e-sports.

Une élève en cours d’eSport à Sichuan, en Chine. SOURCE: site officiel de Sichuan film and television university

L’État chinois a également investi beaucoup de ressources pour construire des centres de R&D de pointe pour les jeux de haute qualité, soutenir la production de contenu métavers dans les jeux vidéo, et créer un sous-fonds spécial pour le développement de l’industrie du jeu vidéo dans le Fonds de développement culturel de Pékin, etc.

Dans le même temps, le développement de la technologie numérique, y compris la mise en œuvre de politiques telles que le développement de la campagne numérique et la vulgarisation de l’Internet mobile, offre également des opportunités pour le rayonnement et la promotion de l’industrie du jeu vidéo dans certaines nouvelles régions.

Et la Chine espère que le jeu vidéo pourra devenir un outil innovant pour l’héritage culturel chinois, et jouer un rôle plus important dans le renforcement de l’influence de la culture chinoise dans le monde. Par conséquent, le gouvernement chinois encourage la conception et la promotion de jeux contenant des éléments culturels chinois. Par exemple, le jeu « Honor of Kings » de Tencent, en tant que jeu conçu avec des personnages et des éléments de la culture traditionnelle chinoise, a récemment lancé une version étrangère dans l’espoir de promouvoir l’exportation de la culture chinoise dans le monde entier.

Le jeu « Honor of Kings » incorpore des éléments de festivals traditionnels chinois dans les costumes des personnages du jeu. SOURCE: Honor of kings de Tencent

Mais en revanche, mettre en pratique des règles strictes de restriction sur l’usage des jeux vidéo ?

En fait, la relation entre la Chine et le jeu vidéo est compliquée. Les jeux sont devenus non seulement une forme de divertissement pour des jeunes Chinois, mais aussi un nouvel outil de réseaux sociaux. Cependant, de plus en plus de jeunes sont dépendants du jeu et ne peuvent s’en détacher. En raison de la numérisation de la Chine, de nombreux jeunes enfants ont accès à des appareils électroniques, et ils sont plus susceptibles de devenir dépendants des appareils électroniques si les règles ne sont pas assez strictes.

Donc, en raison de préoccupations concernant l’addiction aux jeux vidéo et l’impact négatif sur la jeunesse chinoise, le gouvernement chinois a officiellement mis en place des mesures de protection strictes pour les mineurs le 1er septembre 2021.  L’Administration nationale chinoise de la presse et des publications a publié un avis qui limite strictement le temps d’utilisation des jeux par les mineurs : toutes les entreprises de jeux en ligne ne peuvent fournir aux mineurs leurs services de jeux que de 20 heures à 21 heures les vendredis, samedis, dimanches et jours fériés, sans exception. Et tous les jeux en ligne doivent être connectés au système national d’authentification du nom réel, en exigeant des mineurs qu’ils s’enregistrent et se connectent aux jeux avec leurs véritables informations d’identité.

Au cours du premier semestre 2022, divers départements chinois continueront d’introduire des réglementations et des politiques visant à endiguer des phénomènes d’addiction aux jeux vidéo. Le 15 avril, le Département de la gestion des programmes audiovisuels en réseau a publié un avis sur le renforcement de la réglementation des diffusions de jeux en Live sur tous les plateformes audiovisuels, qui exige d’interdire strictement la diffusion de jeux illégaux, et de renforcer la gestion des contenus des émissions de jeux vidéo en Live, ainsi que les orientations du code de conduite pour les présentateurs de jeux vidéo.

Le gouvernement chinois encourage activement la mise en œuvre des formes diversifiées de protection des mineurs, par exemple : l’utilisation de la reconnaissance faciale, du Big Data, de l’intelligence artificielle et d’autres moyens techniques pour empêcher les mineurs d’utiliser à tort leur identité parentale ou de louer les comptes d’autres personnes, et aussi la mise en place d’une plateforme de surveillance parentale, etc.

En conséquence, des données telles que le temps de jeu total des mineurs, le nombre d’utilisateurs actifs mensuels et le chiffre d’affaires de la consommation ont tous diminué de manière significative par rapport à l’année précédente. Au 4ème trimestre en 2021, les cours des actions de grandes sociétés du jeu telles que Tencent et NetEase ont chuté. Aussi au premier semestre 2022, les revenus de l’industrie chinoise du jeu vidéo ont diminué par rapport à la même période en 2021. De janvier à juin 2022, le chiffre d’affaires réel du marché chinois du jeu était de 147,8 milliards de yuans, soit une baisse de 1,8 % par rapport à l’année précédente.

Et s’il y a un secteur qui pourrait être sévèrement impactée par ces nouvelles restrictions, c’est bien l’e-sport. Ces dernières années, le gouvernement chinois a fortement soutenu le secteur de l’e-sport. Mais avec la mise en place de nouvelles mesures anti-addictions, les mineurs n’auront droit qu’à trois heures d’entraînement par semaine, ce qui est tout à fait insuffisant pour les joueurs professionnels E-sport qui veulent devenir des champions mondiaux. Ces interdictions semblent trop radicales et restrictives pour que l’industrie de l’e-sport se développe en Chine.

Alors, les pratiques de développement et de restriction sont-elles donc contradictoires ?

En fait, pas forcément.

Avec la mise en œuvre et l’amélioration de réglementations anti-addictions du jeu vidéo, l’industrie chinoise du jeu quittera progressivement sa « croissance barbare ». Les normes de comportement des sociétés de jeux vidéo aident les grandes entreprises comme Tencent et NetEase à assumer leurs responsabilités sociales et à promouvoir le développement plus stable et meilleur de l’ensemble de l’industrie chinoise du jeu. Mais maintenant, tout est insuffisant, le gouvernement chinois devrait continuer à réfléchir à la manière d’équilibrer le développement et la restriction afin de maintenir la croissance continue du secteur des jeux vidéo qui génère des revenus énormes.

Keyi CHEN

Sources:

Médias sociaux et changement climatique : meilleurs-ennemis ?

Le 15 mars 2019, plus d’un million d’étudiants se sont mobilisés dans le monde pour protester contre l’inaction politique face au changement climatique.  Comment cela a-t-il été possible ? Un hashtag #FridaysforFuture créé par la jeune militante Greta Thunberg devenu viral. Aujourd’hui c’est une communauté qui rassemble 14 millions de jeunes pour interpeller les gouvernements afin qu’ils prennent des mesures conséquentes pour limiter le réchauffement climatique à 2 degrés, comme établis lors de l’Accord de Paris de 2015.

C’est le parfait exemple qui illustre le rôle clé que peuvent avoir les médias sociaux dans la lutte contre le changement climatique et pourtant il ne s’agit là que de la face visible de l’iceberg. En effet, d’après le Shift Project, le numérique serait responsable de 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Et cela ne risque pas de s’améliorer au vu de la place croissante qu’occupe le numérique dans nos vies.

Alors les médias sociaux font-ils partie de la solution ou du problème ?

Médias sociaux : un puissant vecteur de diffusion de l’information

Quel est le constat ?

Les médias sociaux connus pour abolir les frontières du temps et de l’espace, réunissent 58% de la population mondiale qui au quotidien partagent des idées et échangent leurs points de vue. Une étude réalisée par Médiamétrie et le ministère de la culture a révélé que les médias sociaux sont le moyen le plus utilisé pour s’informer chez les 15-34 ans. En effet, 71% l’utilisent quotidiennement. Les comités scientifiques, les associations ainsi que d’autres acteurs impliqués pour l’environnement l’ont compris et s’en servent désormais comme canal de communication pour sensibiliser la population et changer les mentalités.

Cela prend de l’ampleur au vu des nombreuses trends écologiques qui se développent mêlant sensibilisation et action. Nous pouvons par exemple citer l’explosion de la visibilité du film Blue Planet II de David Attenborough grâce à Twitter , l’organisation des Clean Walk ou encore les campagnes de récolte de fond comme celle de MR Beast’s pour planter 20 millions d’arbres (#teamtrees).

Cependant, des études démontrent qu’il y a une limite quant à la visibilité de ce type de post. D’après Hywel Williams, l’espace est polarisé en deux groupes, « activistes et sceptiques ». Les individus communiquent alors avec des personnes avec qui ils s’identifient, phénomène qualifié d’homophilie par McPherson. Dans cette même communauté les messages sont souvent positifs alors que lorsque des individus aux opinions divergentes échangent le ton devient agressif. Cette agressivité peut freiner l’objectif principal de sensibiliser aux enjeux écologiques ceux qui ne le sont pas.

Et les influenceurs dans tout ça ?

Hyperconsommation, jet privé, Dubaï :  vie de rêve pour certains mais cauchemar pour la planète. Leurs rôles d’influence des communautés et des modes de vie est clé dans la lutte contre le changement climatique. On observe alors une logique d’interpellation, humour ou commentaire de postes de marque, qui a pour but de sensibiliser sur l’impact négatif de posts à plusieurs milliers de like. On peut citer par exemple BonPote qui a fait supprimer une vidéo de FastGoodCuisine « livrer un mcdo en jet privé.

Ou encore ce post réalisé par le master développement durable de Dauphine  afin de dénoncer la promotion d’un mode de vie dérisoire en période d’urgence climatique.

D’autres influenceurs ont compris que les réseaux sociaux sont une arme redoutable pour faire changer les mentalités et s’en servent pour informer, faire passer des messages et mobiliser. Pour cela je vous invite à lire cet article qui cite ces «influenceurs écolos ».

Lutter contre la désinformation

En faisant face chaque jour à tout type de contenu sur l’urgence climatique, il faut développer une certaine méfiance et vérifier les sources. Au vu du débat que sollicite ce sujet tout le monde s’est déjà retrouvé face à un contenu négationniste, de lobbies, greenwahsing, propagande et même fake-news.

Rapport du GIEC qualifié de « canulars » ou encore de nombreuses études que nous allons citer confirment ce phénomène. Brandwatch démontre qu’en 2020 « le contenu sur le changement climatique qui a obtenu le plus d’engagements provient d’un site de conspiration connu appelé Natural News ». Euronews a également publié un rapport accusant l’algorithme du géant YouTube de faire apparaître du contenu négationniste. Avec 21 % des pages de résultats de la recherche par mot clé « changement climatique » étant des informations fausses qui nient la contribution du CO2 au changement climatique.  Cependant les fakes news sur les réseaux sociaux sont parfois difficiles à cerner de part la quantité de contenu humoristique.

Miller l’a théorisé : les messages sur le climat sont souvent porteurs de mauvaises nouvelles donc pour certains, les histoires de fake news sont plus faciles à accepter que la vraie histoire. 😉

Du virtuel au réel : l’impact de l’usage des médias sociaux sur l’environnement

L’enfer numérique : Voyage au bout d’un Like par Guillaume Pitron illustre l’impact de l’usage du numérique sur l’environnement. Les fonctionnalités (like,share,comment), développées par les réseaux sociaux pour capter en permanence notre attention et générer des données sur les individus ont un coût réel.  Un like passerait par environ 7 couches physiques, comme les câbles terrestres et sous-marins avant d’être reçu.

Tout est dématérialisé mais la pollution elle est bien présente. Une étude de Greenspector affirme que par an notre utilisations des réseaux sociaux reviendrait à 102 kgEqCO2 à l’année, soit l’équivalent de 914 km en voiture. De plus, le stockage de nos données dans des data center consomme certes en électricité, comme Greenpeace l’a montré notamment en fonction des sources d’énergies qui alimentent les serveurs, mais surtout en eau douce pour les refroidir.

Voyons alors comment se placent les médias sociaux.

Pour les data centers : Youtube, Facebook et Instagram sont les plus écolos car alimentés à environ 60% par les énergies renouvelables contrairement à Linkedin et Twitter qui en utilisent 10%.

D’après Greenspector TikTok est considéré comme le réseau social le plus polluant avec juste derrière Reddit et Pinterest.

L’essentiel des émissions lié à l’usage du numérique est dû au streaming vidéo qui représente à lui seul 60 % des flux de données sur internet notamment par le poids des fichiers. De plus, les réseaux sociaux et leur modèle économique fondé sur la captation de l’attention y contribue aussi grandement. Le fil d’actualité Tiktok par exemple, en déclenchant directement une vidéo a impact carbone de 7,4 fois plus important que celui de Youtube qui ne propose qu’un apperçu.

Comment s’engagent alors les médias sociaux ? Comment agir ?

On peut certes recommander un usage responsable des médias sociaux (regarder une vidéo un niveau de qualité en dessous, résister à l’envie d’engagement de tous les pop-up auxquels on est confrontés ou encore se connecter le plus possible en wifi plutôt qu’en 4G) mais qu’est-ce qui garantit que les médias sociaux s’engagent à leur tour pour réduire leurs émissions ?

Si nous nous rendons sur le site web de la plateforme TikTok et du groupe Metaverse la différence dans leur rapport à l’environnement est frappante.

Pour TikTok …

tiktok.com

L’unique article en lien avec l’environnement est celui sur le contenu de leurs utilisateurs lors du EarthDay de 2022 mais rien sur leu engagement en interne.

tiktok.com

Le groupe Metaverse (Facebook, Instagram, Messenger, Whatsapp..) a un site dédié à ses engagements. Il affirme avoir inséré des nouvelles fonctionnalités pour sensibiliser au changement climatique grâce à son climate science information center ou encore investi dans plus d’un millions d’euros dans un programme de fact checking pour lutter contre la désinformation. De plus le groupe s’engage à être « water positive » d’ici 2030 et continue également d’innover pour rendre les data centers plus durables.

sustainability.fb.com

De plus le groupe Google et donc Youtube était en avance en étant neutre en carbone depuis 2007 avec des mécanismes de compensation carbone.

Cependant rien ne semble concerner les fonctionnalités elles-mêmes des différentes plateformes qui poussent à la consommation de contenu. Oui, il est possible d’intégrer l’aspect environnemental dès la phase de conception de ces services numériques. Beaucoup d’ingénieurs affirment qu’alléger le code informatique est faisable pour que l’impact des sites soit réduit mais les plateformes ne semblent pas souhaiter s’engager sur ce très gros chantier. Il serait également possible d’intégrer certaines règles d’éco-conception comme dans ce rapport publié par notamment l’Ademe et Green IT , même de façon facultative en option pour les utilisateurs qui le souhaitent.


Il existe donc un fort lien entre médias sociaux et lutte contre le réchauffement climatique. Ils représentent en effet un moyen efficace de sensibiliser les individus à ce sujet mais leur modèle économique basé sur la captation de l’attention contribue négativement à leur impact environnemental. Un usage du numérique responsable (mais qui ne s’est jamais perdu des heures sur les fils d’actualités interminables ?) ainsi qu’un engagement en interne des plateformes permettrait de réduire considérablement l’empreinte carbone des médias sociaux.

Nina-Lou Fresnil – Master Siren


 Sources supplémentaires

https://www.cairn.info/revue-reseaux-2009-5-page-157.htm

https://accept.aseanenergy.org/the-power-of-social-media-to-fight-climate-change/

https://www.euronews.com/my-europe/2020/01/16/youtube-algorithms-are-promoting-climate-denial-videos-to-millions-new-report

https://www.mdpi.com/2225-1154/7/10/122/htm

https://medium.com/swlh/can-social-media-save-our-planet-from-climate-change-b3b1e81f64f7

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378015000369?via%3Dihub

https://www.theguardian.com/environment/2021/mar/21/climate-fight-is-undermined-by-social-medias-toxic-reports

https://www.nrdc.org/stories/climate-misinformation-social-media-undermining-climate-action

https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-des-reseaux-sociaux/changement-climatique-les-reseaux-sociaux-font-ils-partie-de-la-solution-ou-du-probleme

https://www.linfodurable.fr/technomedias/quels-sont-les-reseaux-sociaux-les-plus-polluants-31783#:~:text=La%20fameuse%20application%20de%20vid%C3%A9o,%2C30%20g%20EqCO2%2Fmin.

https://www.greenqueen.com.hk/browser-extension-carbonanalyser-visualises-emissions-from-internet-activity-co2-social-media/

https://www.bbc.com/future/article/20200305-why-your-internet-habits-are-not-as-clean-as-you-think

https://screenrant.com/social-media-climate-change-website-calculates-carbon-emissions/

https://www.euronews.com/green/2021/05/24/scrolling-doesn-t-just-waste-your-energy-it-wastes-the-planet-s-too

https://www.globalcitizen.org/fr/content/social-media-emissions-carbon-footprint/

https://www.socialmediatoday.com/news/facebook-announces-new-initiatives-to-raise-awareness-of-climate-change-an/606738/

Régulation des réseaux sociaux : étude comparative France / États-Unis / Chine

Les tentatives internationales de régulation des mastodontes que sont les réseaux sociaux ont été nombreuses. Ces géants sont régulièrement au coeur des débats, suscitant la peur face à tant d’hégémonie et souvent qualifiés de « plus puissants que les États ».

L’heure est au bilan sur l’état actuel de cette régulation, avec une étude comparative de 3 visions : européenne, américaine et chinoise.

© Source : https://www.lebigdata.fr/dsa-digital-services-act-ue-censure

Digital Service Act (DSA) : l’Europe se met d’accord

Le 23 avril dernier a été marqué par la conclusion tant attendue d’un accord provisoire entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen sur le projet de loi Digital Service Act (DSA). Emboitant le pas au Digital Market Act (DMA) dont l’accord provisoire a été obtenu en mars 2022, ce texte européen cible la régulation des contenus illicites en ligne et la modernisation du cadre légal déjà en vigueur. En complément de la régulation économique des plateforme « gatekeepers » proposée par le DMA, cette règlementation a pour but de rendre « ce qui est illégal hors ligne (…) illégal en ligne dans l’UE« , comme l’a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Il vise de nombreuses entreprises et plateformes, telles que les opérateurs, les marketplaces, les services de cloud et les réseaux sociaux, et instaure des obligations spécifiques aux plateformes dites « very large » (NDLR : les plateformes comptant plus de 45 millions d’utilisateurs actifs ) dans une optique de responsabilisation de ces dernières.

Au-delà des enjeux de traçabilité liés aux marketplaces et l’interdiction de la publicité ciblée à destination d’enfants auxquels s’attaque le DSA, de nombreuses obligations visent directement les réseaux sociaux et les pratiques en ligne telles que les discours haineux, la discrimination, le revenge porn et la publication de contenu illicite dans son ensemble. En pratique, ces mesures devraient permettrede lutter contre ces agissements et de signaler plus facilement lesdits contenus. On peut notamment noter l’obligation de retrait immédiat dans le cas de partage de contenus intimes non consentis par les victimes de cyber-violence. Les algorithmes, ingrédient secret des plateformes les plus performantes, ne sont pas épargnés : le texte exige plus de transparence quant à leur fonctionnement, obligeant les géants de la tech à fournir un accès à leur algorithme à la Commission européenne et aux États membres. Dès le 1 janvier 2024, date provisoire d’entrée en vigueur du texte, les entreprises en faute pourront risquer des amendes allant jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires mondial ainsi qu’une exclusion du marché européen.

Les États-unis tentent de rattraper leur retard

À travers ces initiatives de régulation, les lois européenne pourraient bien s’établir comme un modèle à l’international, comme s’en ai notamment réjouit la lanceuse d’alerte Francis Haugens « Allez les Etats-Unis, maintenant c’est notre tour » en faisant référence au projet du DSA.

En effet, bien que les travaux de parlementaires américains aient contribué à l’inspiration du projet DMA (NDLR : rapport de la sous-commission du droit antitrust, commercial et administratif de la commission judiciaire de la Chambre des représentants des États-Unis sur la concurrence sur les marchés numériques), le droit sur internet aux Etats-Unis est assez pauvre. Il se résume grossièrement à deux lois adoptées à la fin des années 90 : la section 230 du Communications Decency Act (CDA) qui garantit la liberté d’expression en ligne et le Children’s Online Privacy Protection Act (COPPA), qui vise la protection en ligne des enfants de moins de 13 ans. Cependant, les Etats-Unis semblent vouloir rattraper leur retard dans ce domaine. Joe Biden a déjà exprimé la nécessité de reformer la section 230 du CDA et plusieurs projets de loi ont récemment été introduits. Parmi eux, on retrouve le Kids Online Safety Act (KOSA) datant de février 2022, qui imposerait de nouvelles garanties, de nouveaux outils et de nouvelles exigences de transparence pour les mineurs en ligne de moins de 17 ans. Enfin, on peut également noter le Earn It Act (EIA), réintroduit en février dernier puis adopté, qui met en avant la lutte contre la diffusion de contenus pédopornographiques sur Internet.

En ce qui concerne spécifiquement les réseaux sociaux, la sénatrice Amy Klobuchar a introduit à la Commission fédérale du commerce le 10 février 2022 le projet de loi Social Media NUDGE Act (Nudging Users to Drive Good Experiences on Social Media). Ce projet doit permettre à la National Science Foundation (NSF) et à la National Academy of Sciences, Engineering, and Medicine (NASEM) de réaliser une étude sur les plateformes de médias sociaux et les questions d’addiction, de désinformation et de mise en avant de contenus dangereux en lien avec les algorithmes existants. Les enjeux de transparence sont également au cœur du projet, avec par exemple un rapport de transparence public requis tous les 6 mois pour les grandes entreprises des médias sociaux, tout comme les informations concernant la finalité des contenus signalés. Des enjeux sensiblement similaires à ceux portés par le DSA

En Chine, une régulation gouvernementale unique en son genre

Passé relativement inaperçu en Europe, le Règlement sur l’administration de la recommandation sur les algorithmes des services d’information sur Internet a été mis en application en Chine le 1er mars 2022.

© Source : https://ruedesconfines.com/pendant-la-crise-les-chinois-jouent-avec-les-reseaux-sociaux/

Cet ensemble de recommandations vise très spécifiquement les algorithmes, leur transparence et leur utilisation avec des mesures telles que la possibilité pour les utilisateurs de désactiver leur profil ou qu’il soit pas pris en compte, la conservation par les entreprises des traces du fonctionnement de leur algorithme pendant six mois ou encore la nécessité pour les entreprise capables de mobiliser l’opinion publique de s’enregistrer auprès des autorités. 

Bien que la transparence liée aux algorithmes soit là aussi le noyau du projet, l’esprit général du règlement s’éloigne des projets européen et américain. En effet, les projets occidentaux se distinguent à moindre échelle par des mesures visant la protection des droits humains (Europe) et des droits consommateurs (États-Unis). De son côté, le projet chinois met avant tout l’accent sur la protection du pays, de sa sécurité et de ses valeurs (celles promues par le régime) et ne masque pas la volonté du parti d’incarner le monopole étatique du contrôle, s’accaparant les nouvelles richesses générées par les géants de la tech : les données.

Le danger d’un contrôle d’état sous couvert de régulation

Dans une logique similaire, l’administration du cyberespace de Chine (CAC) a également annoncé début avril le lancement de la campagne QingLang d’ici la fin de l’année 2022, poursuivant l’objectif de création d’un espace en ligne sain. Déjà évoquées l’année passée, ces opérations se définissent littéralement comme « nettoyé et non contaminé ». Ce qui s’illustre notamment à travers les suppressions et les fermetures engendrées par les régulateurs chinois. En 2021, plus de 22 millions d’informations illégales ont été supprimés et plus d’un milliard de comptes illégaux ont été fermé afin de lutter contre le « chaos ». Ce grand nettoyage de l’internet chinois s’est notamment déroulé avant les JO de Pékin. Cette tendance à la censure s’est également confirmée fin 2021 avec l’interdiction de LinkedIn en Chine, la dernière plateforme américaine encore présente dans le pays.

Si la  critique officielle n’est pas monnaie courante en Chine, la situation est différente aux États-Unis où les projets de régulation ne font pas toujours l’unanimité. Le NUDGE Act est notamment critiqué comme un projet remettant en cause la liberté d’expression promue par la section 230 et si chère à la culture américaine. Certains projet sont également critiqué pour leur contenu, comme le Earn It Act. Ici, bien que la lutte contre la diffusion de contenu pédopornographique ne soit pas remise en cause en soit, c’est les moyens proposés (suppression du chiffrement de bout en bout) et leurs conséquences sur les données privées qui sont questionnés. En effet, si les États-Unis semblent aspirer à égaler le cadre législatif européen en matière de numérique, les enjeux relatifs à la protection des données semblent encore pêcher, comme l’illustrait déjà l’arrêt Schrems II quelques années auparavant.

Ce décalage entre projet théorique et application technique s’illustre avec des questionnements similaires en Europe. On peut noter par exemple les débats autour de l’obligation d’inter-opérabilité imposée aux médias sociaux et les limites technologiques s’y afférant.

L’intelligence artificielle, prochaine course à la règlementation ?

L’intelligence artificielle est devenue le fer de lance des algorithmes qui font fonctionner les réseaux sociaux. En Europe, la Commission Européenne a proposée l’Artificial Intelligence Act en avril 2021, avec une dynamique similaire aux projets de DMA, DSA et Data Governance Act (DGA).  Des initiatives fédérales similaires ont également émergé depuis aux Etats-Unis, notamment en Alabama, au Colorado, dans l’Illinois et dans le Mississippi avec des lois comme l’Artificial Intelligence Interview Act et l’Alabama Council on Advanced Technology and Artificial Intelligence. Plus spécifiquement un projet de régulation des algorithmes d’IA à l’échelle fédérale a même été introduit au Sénat américain en février dernier. Cet Algorithmic Accountability Act témoigne de l’influence de l’Europe sur les États-Unis en matière de régulation numérique ainsi que de la volonté de convergence de ces deux modèles.

La percée de l’IA dans tous les secteurs, des réseaux sociaux au transport ou à la santé est déjà prémonitoire sur la complexité de la création d’un cadre juridique réglementaire approprié.

 

Par Hannah Roux-Brion


SOURCES

DSA

DSA : l’Europe trouve un accord « historique », France Culture, Baptiste Muckensturm, 26 avril 2022
https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-des-reseaux-sociaux/dsa-l-europe-trouve-un-accord-historique

DSA : les institutions européennes ont trouvé un accord !, Siècle digital,  Grégoire Levy, 25 avril 2022
https://siecledigital.fr/2022/04/25/dsa-les-institutions-europeennes-ont-trouve-un-accord/

L’Europe valide le DSA : les 10 mesures clés pour réguler les géants de la tech, Le blog du modérateur, Appoline Reisacher, 25 avril 2022
https://www.blogdumoderateur.com/europe-valide-dsa-mesures-reguler-geants-tech/

USA

Un projet de loi vise à obliger les réseaux sociaux à modifier le fonctionnement du fil d’actualité, Siècle digital, Valentin Cimino ,14 février 2022
https://siecledigital.fr/2022/02/14/un-projet-de-loi-pourrait-obliger-les-reseaux-sociaux-a-modifier-le-fonctionnement-des-algorithmes/

Senator Klobuchar “nudges” social media companies to improve content moderation, Brookings, Mark MacCarthy Wednesday, February 23, 2022
https://www.brookings.edu/blog/techtank/2022/02/23/senator-klobuchar-nudges-social-media-companies-to-improve-content-moderation/

Tech Trojan Horse: How the Senate is poised to codify censorship of social media, The Hill, JONATHAN TURLEY, 03/05/22
https://thehill.com/opinion/technology/596913-tech-trojan-horse-how-the-senate-is-poised-to-codify-censorship-of-social/

New bill would force social media giants to embrace friction — or else. Protocol Issie Lapowsky, February 10, 2022
https://www.protocol.com/bulletins/social-media-nudge-act

U.S. Congress Introduces Kids Online Safety Act. Covington, Lindsey Tonsager & Madeline Salinas, February 23, 2022
https://www.insideprivacy.com/childrens-privacy/u-s-congress-introduces-kids-online-safety-act/

Quel est l’état des droits sur internet aux États-Unis ? Siècle digital,  Clémence Maquet, 19 avril 2021
https://siecledigital.fr/2021/04/19/quel-est-letat-des-droits-sur-internet-aux-etats-unis/

CHINE

Les autorités chinoises veulent réguler les algorithmes de recommandation, qui font le quotidien d’Internet, Le Monde, 8 février 2022
https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/02/08/les-autorites-chinoises-veulent-reguler-les-algorithmes-de-recommandation-qui-font-le-quotidien-d-internet_6112738_3232

La Chine recadre les algorithmes des agrégateurs d’actualités, Siècle digital, Antoine Messina , 13 avril 2022
https://siecledigital.fr/2022/04/13/la-chine-recadre-les-algorithmes-des-agregateurs-dactualites/

QingLang Regulations, More of Them—and More Control on Chinese Social Media, Bitterwinter, Tan Liwei, 03/23/2022
https://bitterwinter.org/qinglang-regulations-more-control-on-social-media/

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Quelles limites donner à l’IA pour protéger les droits fondamentaux ? Siècle digital, r Maxime Mohr, 25 avril 2022
https://siecledigital.fr/2022/04/25/quelles-limites-donner-a-lia-pour-proteger-les-droits-fondamentaux/

Quelle réglementation pour l’intelligence artificielle en Europe ? Siècle digital, Clémence Maquet, 23 avril 2021
https://siecledigital.fr/2021/04/23/cadre-juridique-intelligence-artificielle-europe/

Introduction d’un projet de régulation des algorithmes d’IA à l’échelle fédérale, Jean-Baptiste Bordes & Margherita Ceccagnoli, mars 3, 2022
https://france-science.com/introduction-dun-projet-de-regulation-des-algorithmes-dia-a-lechelle-federale/

Ressources humaines : l’impact des réseaux sociaux sur les processus de recrutement

Les réseaux sociaux comme outil de recrutement.

Les pratiques de recrutement sont devenues de plus en plus dépendantes des outils numériques au cours des 20 dernières années et, au cours de la dernière décennie, des réseaux sociaux. L’utilisation de la technologie sur le lieu de travail a eu un impact sur tous les domaines de l’emploi, la technologie offrant des moyens importants et avantageux pour améliorer les pratiques de recrutement des organisations. Les réseaux sociaux peuvent également être utilisés dans la gestion des ressources humaines, pour le recrutement et la sélection. L’adoption de la technologie dans les processus de recrutement devient donc une nécessité pour les employeurs qui souhaitent avoir un avantage concurrentiel sur le marché du travail, et attirer des talents (Deloitte Consulting LLP, 2014).

L’utilisation des réseaux sociaux comme outil de recrutement des employés, comprend différentes pratiques et offre plusieurs avantages. Les recruteurs utilisent des plateformes telles que LinkedIn, Viadéo, Facebook et Twitter pour publier des offres d’emploi, attirer, recruter et présélectionner les candidats. Aujourd’hui, la concurrence est intense pour attirer les meilleurs talents. Dès lors, lorsqu’un employé à fort potentiel se renseigne sur une entreprise, les premiers endroits où il va sont les réseaux sociaux comme Linkedin ou Viadéo. L’utilisation des réseaux sociaux comme outil de recrutement présente donc des opportunités et des défis pour les employeurs. En effet, les réseaux sociaux offrent de la rapidité, de l’efficacité, la possibilité de cibler et d’attirer des candidats spécifiques. Ils peuvent constituer une source supplémentaire d’informations sur les candidats potentiels. Pour les candidats, ils offrent de multiples sources d’information sur l’employeur ainsi que la possibilité de rentrer en contact directement avec les entreprises et les recruteurs. Certains recruteurs utilisent les principaux réseaux sociaux pour effectuer des recherches et faire de la publicité, tandis que d’autres élaborent des stratégies à plus long terme, notamment en investissant pour faire de la promotion et rendre leurs offres visibles à un maximum de candidats potentiels.

Les réseaux sociaux permettent de renforcer la « marque employeur »

Tout d’abord, les réseaux sociaux peuvent être utilisés afin de faire la promotion de l’entreprise ou de mettre en avant la réputation de l’employeur. En effet, les organisations s’efforcent d’être des employeurs attrayants, dans le but d’embaucher des employés compétents. L’utilisation des réseaux sociaux facilite le processus de recrutement, tant pour la personne à la recherche d’un emploi que pour l’organisation. Les demandeurs d’emploi considèrent souvent plusieurs organisations lorsqu’ils vont postuler à un emploi, et ils peuvent utiliser la réputation des entreprises comme source d’information sur les conditions de travail dans différentes organisations. Afin de contribuer à soigner la réputation et à accroître l’attractivité de l’entreprise, les employeurs cherchent donc à renforcer le nom de l’entreprise en tant que marque, ce que l’on appelle la marque employeur. Les organisations ont constaté qu’une image de marque efficace de l’employeur entraîne certains avantages concurrentiels, ce qui permet d’attirer et de retenir plus facilement les employés. L’image de marque de l’employeur est une stratégie ciblée à long terme visant à gérer la sensibilisation et les perceptions des employés, des employés potentiels et des parties prenantes connexes à l’égard d’une entreprise particulière ». Cone (2008) a suggéré que 93% des entreprises sont convaincues de l’importance d’une présence sur les réseaux sociaux et que 85% d’entre elles considèrent que c’est le moyen le plus efficace d’atteindre leurs clients. Kaplan et Haenlien (2010) suggèrent que la plupart des entreprises utilisent les réseaux sociaux pour promouvoir leur marque et créer des communautés de marque. Il a été constaté que l’utilisation des réseaux sociaux pour les fonctions de ressources humaines contribue à la création d’une image de marque de l’employeur et permet d’attirer les bons talents pour les entreprises (Davison et al., 2011). Une étude récente menée dans 18 pays par Tallulah (2014) a conclu que les réseaux sociaux sont le canal le plus efficace et le plus privilégié pour promouvoir et améliorer l’image de marque des employeurs. 79% des entreprises ont répondu qu’elles préfèreront les réseaux sociaux pour diffuser leur marque employeur, suivis par les sites web de carrière (64%) et les références (39%).

Les réseaux sociaux permettent un recrutement moins couteux et plus efficace

Tout d’abord, la recherche de candidats via les réseaux sociaux est très rentable par rapport aux méthodes traditionnelles de recrutement. En effet, la création d’un compte sur les réseaux sociaux est gratuite ainsi que la publication d’une offre, contrairement aux méthodes de recrutement traditionnelles qui exigent qu’une entreprise paie pour faire de la publicité par le biais des canaux médiatiques traditionnels (télévision, panneau d’affichage, journal ou magazine). Par conséquent, la publication d’emplois est devenue plus rentable, plus rapide et permet aux organisations d’atteindre un public plus large (Hull, 2011).

De plus, les employeurs ont la possibilité d’utiliser les réseaux sociaux pour filtrer toutes les personnes qui ne correspondent pas à certains facteurs prédéfinis par l’employeur, comme l’école que les candidats ont fréquentée ou leur expérience professionnelle. Les réseaux sociaux sont donc un outil de sourcing efficace. Les employeurs utilisent ces réseaux afin d’étudier les antécédents des candidats et utilisent ces informations pour prendre des décisions d’embauche. En effet, les réseaux sociaux représentent une riche source d’informations qui, dans la plupart des cas, ne sont disponibles d’aucune autre manière. Souvent, ces informations concernent des questions relatives aux anciens employés et aux anciens employeurs (par exemple : la raison de la rupture d’un contrat, les attitudes et les opinions concernant l’ancien employeur ou l’ancien employé).  Il s’agit d’informations qu’il est souvent impossible d’obtenir par le biais du processus de sélection traditionnel (Gatewood, 2008). L’information peut être obtenue via Google, mais aussi via les réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter, basés sur la mise en réseau des individus, où ils placent des informations sur eux-mêmes, leurs intérêts, leurs loisirs et d’autres informations personnelles et professionnelles

Enfin, les réseaux sociaux permettent aux recruteurs d’atteindre un nombre beaucoup plus important de personnes. La vaste portée d’Internet signifie qu’un effort stratégique de recrutement sur les réseaux sociaux peut atteindre, presque instantanément, des millions de personnes. Les réseaux sociaux permettent aux recruteurs de diffuser des informations sur les offres d’emploi et sur l’organisation afin que les candidats passifs et actifs reçoivent ces messages. Les méthodes de recrutement traditionnelles, telles que les sites d’offres d’emploi en ligne ou les annonces, n’attirent le plus souvent que les candidats actifs qui recherchent ces informations (Alexia Minne, 2016). En atteignant un plus grand nombre de profils, à la fois actifs et passifs, les entreprises ont un plus grand pool de candidats parmi lesquels faire un choix. Cela permet aux entreprises de choisir des candidats plus compétents et plus adéquats pour le poste vacant.

Risques légaux

Les preuves de validité soutenant l’utilisation des réseaux sociaux pour la sélection étant limitées, les implications juridiques potentielles deviennent importantes. Les profils contiennent souvent des caractéristiques protégées telles que l’origine, la religion, l’âge et le sexe. Même si les organisations n’utilisent pas officiellement ces informations spécifiques lorsqu’elles examinent les réseaux sociaux des candidats, il peut être difficile de le prouver devant un tribunal. Retirer des candidats du processus d’embauche en se basant uniquement sur des informations trouvées sur un profil de réseau social peut être risqué, comme le prouve l’affaire Gaskell c. Université du Kentucky. Dans cette affaire, le Dr Martin Gaskell postulait pour un poste de professeur à l’université du Kentucky. Il était l’un des meilleurs candidats pour le poste avant que quelqu’un ne consulte ses réseaux sociaux, où il a trouvé des informations sur ses croyances religieuses. Il a alors été écarté du processus de sélection (Oppenheimer, 2010). En fin de compte, l’Université du Kentucky a dû payer 125 000 $ à Gaskell et à ses avocats, mais n’a jamais admis avoir fait quoi que ce soit de mal. Avec l’utilisation accrue des réseaux sociaux pour la sélection, des affaires comme celle-ci pourraient devenir plus fréquentes.

Sources

Alexia MINNE, 2016, RECRUTEMENT ET MÉDIAS SOCIAUX Evolution des pratiques et des comportements dans les entreprises, les cabinets de recrutement et les agences interim en Belgique, Université de Liège

BENRAïSS-NOAILLES Laïla, LHAJJI Dhiba, BENRAïSS Amina et al., « Impact de la réputation classique et de l’e-réputation sur l’attractivité des entreprises en tant qu’employeurs », Question(s) de management, 2016/4 (n° 15), p. 71-80. DOI : 10.3917/qdm.164.0071. URL : https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2016-4-page-71.htm

BENRAïSS-NOAILLES Laïla, VIOT Catherine, « Les médias sociaux dans les stratégies de recrutement. Quelle compatibilité avec la vie privée ? », Revue française de gestion, 2012/5 (N° 224), p. 125-138. URL : https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2012-5-page-125.htm

Deloitte Consulting, L. L. P., 2014. Global human capital trends 2014: Engaging the 21st-century
workforce. Deloitte University Press.

El Ouirdi, M., El Ouirdi, A., Segers, J. Pais, I., 2016. Technology adoption in employee recruitment.
Computers in Human Behavior,

Kaplan, A. M., & Haenlein, M., 2010. Users of the world, unite! The challenges and opportunities of
social media. Business Horizons

Karen Isaacson and Sarah Peacey, Human Ressources and social media, KPMG, URL: https://assets.kpmg/content/dam/kpmg/pdf/2012/08/human-resources-and-social-media.pdf

Lamia HAMMADI, Hadjar BENHACINE, 2021, COOPTATION ET RESEAUX SOCIAUX : OUTILS D’OPTIMISATION, DES STRATEGIES DE RECRUTEMENT, REVUE MAGHREBINE MANAGEMENT DES ORGANISATIONS

Bourgeois Tom

Why sharenting is not simply about parents showing off their kids online…

Blog, hashtag, brunch, sitcom, guestimate, even Internet, blended words are a regular occurrence in our everyday life, and especially so on the Internet. ‘Sharenting’, another one of these blended words, is the direct result of a practice that comes from the diverse uses of social media. First coined by Steven Leckhart, a writer in the Wall Street Journal in 2012. But what exactly is sharenting, it is “the phenomenon of sharing and disclosing intimate information about children in the form of photos, videos, and status by parents through social media [that] is now increasingly widespread.” (Putri et al., 2019).

A lot of parents are becoming influencers and relate their everyday life on different platforms and especially on Instagram. They have relatable content for other parents, show the life of their children and are open about the struggles and happy moments of their parenting journey. They can also use their accounts to advocate for certain types of parenting such as cultural or religious ones. It can also be a source of income for the parents, helping them lead a more comfortable life. Yet, what seems to be only naive and simple content can be proven to be much more complex than originally thought.

It seems that while the GDPR views children as vulnerable parties, it places on the responsibility of their online image to the parents and their own judgement and did not put any clause concerning ‘sharenting’. It did not take in consideration the possibility of having influencers as parents and therefore, being part of their online image and overly exposed on the different accounts of their parents. The online image of children is subjected solely to their parents’ decisions and before they can hold a phone, they do not get a say on if they have a dedicated Instagram page where their parents impersonate them or not.
Indeed, this sudden rise of the blogger parent leads to a lot of debate around the privacy of their children.

It might be too early to assert this but not a lot of teenagers would be fine with parents telling the internet of every single little thing they did since they were a toddler and having videos of their private discussions. Influencers parents do not all have the same ways of handling the private life of their children. Some prefer to blur they face out and use nicknames to avoid having their full name on display. Others prefer to not do that and let their children faces untouched, have their names and location shown. This could be explained by either the decision to focus on their parenting experience rather than on their children, or not knowing the potential negative effects that could take place.

« ACT LIKE YOU’RE CRYING »

Jordan Cheyenne

Beyond privacy issues, much more pressing questions are being brought to light. Ethics have a lot to do in sharenting. Children become the primary monetization tool of their parents’ main source of revenue. This can lead to dubious situations where parents put their children in tough situations to have ‘great’ content. A YouTube clip that trended on twitter in September of 2021 shows an influencer named Jordan Cheyenne filming her son crying and trying to make him pose for a thumbnail. Cheyenne did not keep this clip deliberately, she accidentally uploaded it, unedited at the end of one of her videos. She can be heard saying “Act like you’re crying” to which her son replied “But I am crying”. After the backlash she received she decided to not include her son in her videos anymore.

Gwyneth Paltrow also divided the public opinion, as she often does, after posting a picture with her daughter on Instagram. Her fourteen-year-old daughter left a now-deleted comment on the publication “Mom, we have discussed this. You may not post anything without my consent.”

@gwynethpaltrow accessed 30/04/2022

This divided the opinion between the ones finding it normal for a mother to decide on which pictures of her daughter to post without waiting for consent first. The other part thought that she should have listened to the clear opposition of her daughter who is old enough to know whether she wanted to have this picture posted online for millions of followers to see or not. Gwyneth Paltrow, when wishing a happy birthday to her daughter, included a screenshot of a conversation with “apple approved birthday posts” as there is no “need to break the old Internet again”.

@gwynethpaltrow accessed 30/04/2022

Like all things on the Internet, users have strong opinions on the matter and the debate of how to manage the online image of children is ongoing. On tiktok, a lot of parents show their everyday life with their children or film some quirky things that their child does and that can make a video go viral. Under these videos, users comment on their parenting skills and whether they should put their children on the internet.

Many vlogging families have had controversies and the extent to which they went to make content has backfired. The ACE family, a well-known vlogging family has already had many scandals, one of them because of a video first posted on Snapchat and then uploaded on Twitter. In the video, Austin McBroom, the father can be seen filming a young child holding a penis-shaped lollipop. Another vlogging family adopted an autistic child from China and documented every step of the journey for more than three years. All of the videos of the child and some Instagram posts were monetized. They then made the decision to legally terminate the adoption and placed the child in another temporary family and did not beforehand delete the videos with him. When faced with a lot of accusations from their followers, they decided to make an explanation video, did not mention their adoptive son again and proceeded to go back to their regular scheduled content.

@theacefamily accessed 30/04/2022

Unlike cinema, theater or modelling, there are no child labour law that exists regarding monetized social media exposure. It is essential for them to be created; however, it would be difficult to truly monitor how long influencers film their children and how demanding of them they are. Furthermore, as they are children, their consent and willingness to appear on social media are also impossible to supervise.


However, here is the worst-case scenario for any parent sharing their child’s photos on Instagram. A true nightmare became true for a British mother who was notified by her friends of an awful Russian website that contained thousands of children images. She found pictures that came from her public Instagram profile of her toddler on it, including one where she had been heavily photoshopped to have lipstick and mascara. Underneath the pictures were graphic comments posted by users. The mother said that these comments were ‘mild’ compared to other ones underneath different pictures. She has been contacting charity foundations to help her to get this website banned, and she has been trying to raise awareness on this issue.

From privacy issues to ethical problems, it seems that raising children online is tougher than just posting candid pictures for the grandparents to see. Children are to be shielded by their parents online, as to achieve that, parents should be better informed of every aspect of posting pictures or videos of their children online. What might seem like an innocent and cheerful action can easily turn into a problematic situation.

Emma Le Vourch

Bibliography:

Blum-Ross, A. and Livingstone, S., 2017. “Sharenting,” parent blogging, and the boundaries of the digital self. Popular Communication, 15(2), pp.110-125.

Chen, T., 2019. The Dad Of A Popular YouTube Family Channel Is Being Accused Of Sexualizing A Child After Buying Her A Phallic-Shaped Lollipop. [online] BuzzFeed News. Available at: <https://www.buzzfeednews.com/article/tanyachen/dad-of-youtube-channel-the-ace-family-called-disgusting-for> [Accessed 25 April 2022].

Donovan, S. (2020) ‘“Sharenting”: The Forgotten Children of the GDPR’, Peace Human Rights Governance, 4(1), 35-59.

Middleton, L., 2022. Mum horrified after finding pictures of her baby on paedophile website. [online] Metro. Available at: <https://metro.co.uk/2020/08/18/mum-horrified-finding-pictures-baby-paedophile-website-13143110/> [Accessed 1 May 2022].

Moscatello, C., 2020. Why Did These YouTubers Give Away Their Son?. [online] The Cut. Available at: <https://www.thecut.com/2020/08/youtube-myka-james-stauffer-huxley-adoption.html> [Accessed 1 May 2022].

Putri, N., Harkan, A., Khairunnisa, A., Nurintan, F. and Ahdiyat, M., 2019. Construction of “Sharenting” Reality for Mothers Who Shares Children’s Photos and Videos on Instagram. Advances in Social Science, Education and Humanities Research, 558, pp.782-788.

Luxe et réseaux sociaux, deux univers incompatibles ?

On pourrait penser de prime abord que le luxe et les réseaux sociaux sont deux concepts aux antipodes. En effet, le luxe représente un monde traditionnel, presque inaccessible tandis que les réseaux sociaux symbolisent la modernité, les nouvelles technologies et ont surtout vocation à toucher un large public. De fait, l’univers du luxe, jusqu’à présent réticent à ce changement, a pris beaucoup de retard dans sa transition digitale.

Les marques de luxe ont donc dû adapter leur stratégie de communication pour toucher une audience plus importante en démocratisant leur contenu grâce à un storytelling davantage universel. L’enjeu majeur auquel ces marques ont pu être confrontées est de trouver la juste combinaison, à savoir comment sembler accessible tout en restant inaccessible ? La grande difficulté à donc été de se positionner sur le même plan que leurs concurrents plus « mainstream » tout en gardant les valeurs intrinsèques au luxe. Il a donc été nécessaire de casser certains codes pour gagner en visibilité sur les plateformes et ainsi courtiser de nouveaux clients.

Les accélérateurs de cette transition

Différents facteurs ont poussé les marques de luxe à se lancer dans l’univers digital en soignant leur représentation sur les réseaux sociaux. En effet, avec la pandémie ainsi que l’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs tels que les jeunes et la clientèle asiatique, les marques ont dû s’adapter à un changement drastique dans les habitudes d’achat des consommateurs de luxe.

Le marché asiatique

Dans un premier temps, on remarque depuis quelques années un fort attrait pour le luxe dans les pays asiatiques, notamment la Chine qui représente aujourd’hui 21% de la part de marché mondiale du luxe. Pour plaire à cette nouvelle clientèle très avancée sur la plan technologique, le luxe a donc dû accélérer sa transition digitale. Les réseaux sociaux vont également avoir une place très importante au sein de la jeune génération asiatique avec l’arrivée d’un nouvel état d’esprit dans l’habillement, le « to be seen on screen », c’est-à-dire être parfaits à l’image, avoir un look « instagramable ». Les designers doivent donc réfléchir à la manière de rendre chaque pièce plus photogénique en retravaillant les matières, les couleurs, les graphismes, …

Les jeunes 

Actuellement les générations Y et Z représentent environ 60% du marché du luxe et pourraient atteindre 70% d’ici 2025. Ainsi, ce secteur va devoir s’adapter aux nouvelles exigences, comportements, usages et habitudes de ces consommateurs. La caractéristique de cette génération est qu’elle affiche énormément sa vie sur les réseaux en montrant ce qu’elle fait, ce qu’elle aime ou encore ce qu’elle achète. Ils suivent énormément de créateurs de contenu et sont très influencés par ces derniers.

Le Covid

Enfin, le Covid a également joué un rôle dans le changement de comportement des individus. Depuis la propagation du virus, les questions d’éthiques et de développement durable semblent plus que jamais influencer les comportements d’achat. L’expérience en boutique, mais aussi tous les évènements tels que les défilés, les cocktails, les privatisations ont été interdis et ont donc amené les marques de luxe à se réinventer pour continuer à rester en contact avec sa clientèle. De fait, les investissements en stratégie d’influence ont fortement progressé.

Luxe et influence

Les réseaux sociaux viennent offrir un large éventail d’outils marketing afin d’attirer ces nouvelles cibles et convenir aux nouveaux modes de consommation de ses clients. Ainsi, le but des réseaux sociaux pour une marque de luxe ne va pas être de vendre directement ses produits sur la plateforme, mais plutôt de soigner son image et surtout sa e-réputation. Ils apportent un nouveau souffle qui permet de rajeunir leur image, de gagner en transparence afin de sensibiliser plus sur certains enjeux.

Soigner sa e-réputation afin d’attirer les jeunes

A la différence des consommateurs de luxe traditionnels, les jeunes vont être très sensibles aux problématiques liées à l’environnement, l’éthique ou encore la diversité. Ainsi, c’est dans l’intérêt des marques de luxe d’utiliser cet outil numérique afin de promouvoir ces valeurs dans sa communication sur les réseaux. Ceci pourra également être l’endroit où la marque pourra faire preuve de transparence en montrant, par exemple, comment sont confectionnés ses produits au travers de vidéos (voir « focus sur Lena Situation »). La stratégie de certaines maisons à l’instar de Moncler ou encore Valentino est d’afficher clairement des messages forts pour promouvoir l’éthique ( comme suppression de la fourrure pour la protection animale) de la marque ainsi que leur démarche éco-responsable.

Le choix des influenceurs et marketing d’influence

L’ère des égéries (top modèles, actrices, …) a fait place à celle des influenceurs. Ce choix n’est plus directement imposé par la marque mais par une synergie entre popularité et éthique. L’influenceurs doit véhiculer des valeurs que partage la marque, mais qui sont également en accord avec sa propre ligne éditoriale. Il faut donc réussir à trouver une triple symbiose entre la marque, l’influenceur et sa communauté.

Pour toucher à la fois les générations Y et Z, les marques de luxe vont devoir sélectionner avec soin les influenceurs afin qu’ils continuent à porter l’image et les valeurs de la marque. Le markéting d’influence va donc être utilisé par les maisons de luxe comme un outil phare de leur stratégie de communication sur les réseaux sociaux. A titre d’exemple, aujourd’hui Dior n’hésite pas à inviter des influenceurs à ses défilés, auparavant réservés aux célébrités ou personnalités mondiales (exemple : Lena Situation, Paola, …  ) .

Le choix de ses influenceurs ne va pas se faire au hasard. Les marques vont devoir choisir des personnalités en accord avec les aspirations des jeunes en combinant de manière subtile les méga, macro et micro-influenceurs. Les top influenceurs vont venir contribuer à renforcer l’image et la notoriété de la marque tandis que les macro et micro-influenceurs vont davantage se focaliser sur un objectif d’engagement et de confiance, permettant de gagner en authenticité. Créant ainsi une relation bilatérale, dans la mesure ou la notoriété de l’influenceur varie en fonction du prestige de la marque.

In fine, les influenceurs permettent de montrer à leur audience des produits et services afin de démocratiser ce secteur autrefois perçu comme exclusif et trop fermé. A l’inverse des célébrités, les influenceurs possèdent une relation plus intime avec leur communauté. Ceci permet de donner de la valeur aux marques grâce aux recommandations faites par les influenceurs jugés comme étant légitimes et authentiques.

Par ailleurs, on remarque que lorsqu’une marque fait appel à un influenceur pour promouvoir l’un de ses produits, ceci sera davantage un produit accessible tel que du cosmétique ou encore un parfum, plutôt que des sacs ou du prêt-à-porter. L’influenceur crée ainsi une clientèle de primo accédant qui pourra ensuite se familiariser et s’intéresser à une gamme plus élevée.

Focus sur Léna Situation & Chiara Ferragni

Sans aucun doute, on peut dire que la bloggeuse et styliste Chiara Ferragni a été la pionnière dans le marketing d’influence en étant l’une des premières personnalités à faire des collaborations avec les plus grandes marques de luxe. Déjà en 2018, la maison de haute couture Dior a pu sponsoriser son mariage. Selon l’agence Launchmetrics, l’impact médiatique du mariage est estimé à 5,6 millions de dollars, et la photo de sa robe de mariée a été likée plus de 2 millions de fois sur son compte Instagram.

Du côté français, on peut s’accorder à dire que l’influenceuse la plus populaire du moment est Lena Situation, très médiatisée depuis 2020. En seulement 2 ans, la créatrice de contenu a déjà eu l’opportunité de faire des collaborations avec les plus grandes marques de luxe telles que Balmain, Miu Miu ou encore Dior. Ainsi, sur la chaîne Youtube de Lena il est possible de retrouver un contenu exclusif comme la présentation des ateliers Dior ou encore de nombreux défilés de mode.

Les réseaux sociaux comme nouvel outil de vente

Les réseaux sociaux dans l’avant et après-vente

Les réseaux sociaux vont intervenir à différentes étapes dans le cycle d’acquisition d’un produit de luxe. Tout d’abord, ils vont jouer un rôle majeur dans la découverte d’un produit. De ce fait, lors du lancement d’une nouvelle gamme de produit, les marques de luxe ne vont pas hésiter à faire appel à des influenceurs pour la faire découvrir à sa communauté. On pourrait par exemple citer la campagne de Lancôme avec la sortie de son nouveau parfum « la vie est belle – l’éclat ». De plus, les influenceurs modes sont également suivis par leur communauté comme étant des modèles dans leur style vestimentaire. Ainsi beaucoup de marques vont faire du « gifting » pour qu’un influenceur porte son produit et ainsi donne envie aux individus de sa communauté d’acheter cette pièce pour faire le même look.

Ensuite les réseaux sont également très importants dans la phase d’avant-vente, lors de la prise de décision. En effet, les réseaux sont le terrain parfait pour trouver des avis sur un produit, et voir comment il rend dans « la vraie vie ».  

Offrir une nouvelle expérience

Enfin, les réseaux sociaux permettent d’étendre l’expérience luxe au delà du monde physique. On  a beaucoup vu ces dernières années des marques de luxe faisant appel à la réalité augmentée. On pourrait par exemple citer Dior qui s’est associé à Snapchat pour lancer ses nouvelles sneakers B23 avec la création d’un filtre où l’utilisateur a la possibilité d’essayer ses chaussures de manière virtuelle.

Margaux Tournois

Sources :

Léontine Parolini, L’industrie du luxe et les influenceurs : un combo gagnant, Mai 3, 2021

#TheFerragnez | L’impact digital du mariage de Chiara Ferragni & Fedez, Sep 06, 2018

Carine Zanchetta, Luxe et marketing d’influence : une union dans l’air du temps Jun 22, 2021

Caroline Boudehen, Comment les jeunes et riches Chinois bousculent le marché du luxe Mai 13, 2021

Le luxe face au défi des réseaux sociaux, Juil 31, 2017

Mapstr : nos bonnes adresses sur le bout des doigts

  • Mapstr, le réseau social français pour partager ses bonnes adresses
Logo Mapstr

Mapstr, produit purement français, est une application permettant de répertorier et d’enregistrer ses adresses coup de cœur, qu’elles soient des restaurants, des bars mais aussi des châteaux ou même encore des Escapes Games. Tout simplement, n’importe quelle adresse ouverte au public.  Apparue sur nos smartphones en juillet 2015, cette application signée Sébastien Caron est un véritable réseau social à la fonctionnalité d’un social bookmarking. En d’autres termes, il s’agit d’un service en ligne qui permet aux utilisateurs d’ajouter, d’annoter, de modifier et de partager des signets, ici des adresses.

Lorsque vous ouvrez l’application, vous êtes toujours accueilli par une carte en plein écran. Vous pouvez vous déplacer et consulter vos précédents tags, et appuyer sur une épingle pour obtenir plus de détails. Vous pouvez filtrer les tags à l’aide du tiroir de tags situé sur la gauche (restaurant, sushi, cocktails, etc.). Et bien sûr, vous pouvez ajouter de nouveaux lieux avec de nouveaux tags et en laissant votre propre commentaire. Mapstr est également un excellent moyen de vérifier les heures d’ouverture, d’obtenir le numéro de téléphone d’un restaurant et bien plus encore.

Captures d’écran de l’AppStore

Mais ce n’est pas tout. L’utilisateur peut également ajouter ses amis, ce qui rend l’application et l’expérience un peu plus sociales. La plateforme a été intelligente et n’a pas ajouté les adresses préférées des abonnés et amis sur la carte de l’utilisateur. Cela aurait pollué tout le travail que l’utilisateur a réalisé pour créer sa carte. Au lieu de cela, il suffit taper sur le nom d’un ami et charger sa carte.

Aujourd’hui, Mapstr c’est plus de 2.5 millions d’utilisateurs, une application disponible en 11 langues mais également une équipe de 9 personnes derrière ce phénomène qui ne fait que gagner en visibilité à travers le monde.

Captures d’écran de l’AppStore
  • Qu’en est-il du marché des plateformes de recommandations en ligne ?

Il est vrai que les fonctionnalités de Mapstr peuvent paraître (et sont) ingénieuses. Beaucoup d’entre nous en sont même facilement arrivés à penser « Mais oui c’est brillant, comment cela se fait que personne n’y ait pensé avant ?! ». Et bien si, d’autres y ont pensé. Seulement, ils y ont pensé, mais différemment.

Tout d’abord, nous avons tout simplement Google Maps lui-même qui propose un service similaire à celui de Mapstr. Avec un compte Google, vous pouvez cartographier des lieux spécifiques et les enregistrer sur votre compte. Ces signets vous permettent de localiser rapidement des restaurants, des commerces ou plus généralement des lieux insolites. Vous pouvez également envoyer un emplacement marqué d’un signet à une autre personne par courrier électronique en copiant simplement l’URL applicable. Cependant, la limite de la concurrence de Google est que le géant est certes un GAFAM, mais pas un réseau social.

Site TechCrunch

Ensuite, nous pouvons également mentionner Yelp. Fondé en 2004, Yelp est un annuaire en ligne populaire permettant de découvrir des entreprises locales, qu’il s’agisse de bars, de restaurants, de cafés, de coiffeurs, de spas ou de stations-service. Vous pouvez effectuer des recherches sur Yelp via son site web ou avec les applications officielles sur les appareils intelligents iOS et Android. Les listes sont classées par type d’entreprise et les résultats sont filtrés en fonction de la situation géographique, de la fourchette de prix et de caractéristiques uniques comme les places en plein air, le service de livraison ou la possibilité d’accepter des réservations. Yelp a un fort aspect social et encourage ses utilisateurs à laisser des avis écrits, des étoiles et des photos de leur expérience avec chaque commerce qu’ils visitent. Chaque compte Yelp possède une liste d’amis qui peut être alimentée en connectant l’application à Facebook et au carnet d’adresses d’un smartphone ou d’une tablette. Les avis publiés sur Yelp peuvent également être commentés par d’autres utilisateurs, tandis que les avis populaires ont la possibilité d’être promus au statut de Yelp Elite. En 2020, Yelp était le premier site d’annuaires publics en ligne et Google avait même proposé d’acheter la plateforme pour la somme de 550 millions de dollars en 2005.

Captures d’écran de l’AppStore

En outre, le réseau social Instagram saura également faire de l’ombre à notre service de cartographie made in France. En novembre 2020, Instagram a lancé une nouvelle fonctionnalité appelée Guides, qui offre à certains comptes un moyen de créer du contenu centré sur des recommandations et des conseils de bien-être. Depuis, Instagram a étendu les Guides à l’ensemble de la plateforme, les ouvrant à tous les utilisateurs et permettant aux marques et aux entreprises de les utiliser plus facilement dans le cadre de leurs stratégies de médias sociaux et de contenu. Les guides Instagram sont une nouvelle fonctionnalité qui permet aux utilisateurs de découvrir et de partager facilement des recommandations, des conseils et d’autres contenus provenant de créateurs individuels, de petites entreprises ou de marques. En utilisant une combinaison de textes et de visuels, les Guides Instagram ressemblent à des articles de blog de type liste et vous aident à créer du contenu approfondi pour vos followers. Bien qu’ils apparaissent dans leur propre onglet distinct de votre flux principal, ils peuvent être découverts sur la page Explore ou par le biais des Instagram Stories et des messages directs. Il est vrai que les recommandations d’adresses n’est pas l’utilité principale d’Instagram, mais il s’agit néanmoins d’un réseau avec une importante communauté fidèle toujours avide de nouvelles fonctionnalités.

Captures d’écran du compte Instagram @leparisdalexis

Tout le marché semble donc être occupé par les Américains. Tout ? Non ! Quelques irréductibles Gaulois résistent encore et toujours à l’envahisseur. En effet, Mapstr est accompagné sur le marché depuis 2019 par Delicously. Cette start-up aussi française propose le même principe : une application sous la forme d’une cartographie afin de trouver des recommandations, uniquement de restaurants cette fois-ci. Attention, à la différence de Mapstr, l’utilisateur n’a pas beaucoup de pouvoir sur l’application. Celui-ci ne peut pas personnaliser la carte. Plus précisément encore, il ne peut pas rajouter lui-même d’adresses (mais seulement en soumettre auprès de l’application) ou ajouter des tags. Il s’agit simplement sur cette application de visualiser les recommandations de restaurants.

Captures d’écran de l’AppStore
  • Vers où se dirige le potentiel de cette plateforme ?

Mais où se trouve Mapstr dans tout cela ? Par son influence croissante, Mapstr a su démultiplier son utilité.  Par exemple, durant la pandémie du Covid 19, l’application a décidé de se mettre au service des petits commerçants. C’est ce qu’explique Sébastien Caron, le fondateur de Mapstr, à BFM Business dans une interview en novembre 2020. Tout au long de cette crise sanitaire, Mapstr s’est donc réinventé et, avec sa communauté grandissante, a décidé de créer des cartes collaboratives où chacun pourrait entrer des informations, en particulier des informations locales pour aider les petites entreprises et leur permettre de mettre en avant leurs services révisés pour faire face à notre nouveau mode de vie. La plateforme avait mis en place une rubrique dédiée aux petits commerçants dans le besoin sur laquelle il était rappelé que tel commerçant proposait le click-and-collecte ou encore qu’un autre proposait le service de livraison. De cette manière, nos petits commerçants préférés ont pu alimenter leur visibilité durant ces temps durs.

Mapstr prend de plus en plus d’importance dans le quotidien de ses nombreux utilisateurs. La plateforme clôturait l’année 2021 avec 44 millions de lieux visités dans l’application, 9.55 millions d’adresses sauvegardées et 3.29 millions de cartes consultées. Mapstr devient également un véritable outil de travail pour de nombreux commerçants qui peuvent désormais suivre leurs statistiques et découvrir leur communauté grâce au lancement de tableaux de bord et à la mise en place de la plateforme VIPstr pour faciliter la mise en relation avec les influenceurs de Mapstr. Aujourd’hui, la carte de Mapstr s’exporte et grandit de façon exponentielle. On peut notamment parler de la carte collaborative créée en 2021 destinée aux commerces français de Sao Paulo ou encore de la carte collaborative créée dans le cadre d’un partenariat entre Mapstr et HomeExchange (une plateforme d’échanges de maisons et d’appartements entre particuliers). On peut rajouter à cela des collaborations avec Konbini Food, Relais & Châteaux, Nike sans oublier ELLE Magazine. Le mois dernier, Sébastien Caron le disait lui-même : Masptr c’était « 3 millions ouvertures de l’appli, 1.2 millions de lieux enregistrés, 5.4 millions de lieux visités, ça fait un sacré mois de Mars. »

Face à ses concurrents aux profils divers et variés, Mapstr apprend à trouver et confirmer sa place en rendant l’expérience des utilisateurs unique à son réseau social : un service de cartographie basé sur la confiance pour recommander, découvrir mais aussi partager avec un cercle privé.

Victoria Kubisa

Sources

Alcouffe, E. (2021). « Nouvelle fonctionnalité « Guides » d’Instagram », Junto. Available at : https://junto.fr/blog/fonctionnalite-guides-instagram/

Bosson, V. (2022). « Où trouver les commerces français à São Paulo ? », Le petit journal. Available at : https://lepetitjournal.com/sao-paulo/communaute/ou-trouver-commerces-francais-sao-paulo-335924

Gailhard, J. (2019). « Mapstr, carte du monde des bonnes adresses : avis et test », Generation Voyage. Available at : https://generationvoyage.fr/mapstr-avis-test/

Lainé, L. (2022). « HomeExchange crée sa carte de bonnes adresses avec Mapstr », L’écho touristique.Available at : https://www.lechotouristique.com/article/homeexchange-lance-sa-carte-de-bonnes-adresses-avec-mapstr

Luczak-Rougeaux, J. (2019). « Mapstr veut devenir le premier réseau social de lieux dans le monde », Tom Travel. Available at : https://www.tom.travel/2019/03/19/mapstr-veut-devenir-le-premier-reseau-social-de-lieux-dans-le-monde/

Unknown (2020). « 15 choses que vous ne savez peut-être pas sur Yelp », News Chastin. Available at : https://news.chastin.com/15-choses-que-vous-ne-savez-peut-etre-pas-sur-yelp/

Une marque inspirante sur les réseaux sociaux : GoPro.

Quelle stratégie pour GoPro sur les réseaux sociaux ?

On ne la nomme plus, elle nous accompagne de partout dans notre quotidien mais surtout en vacances : la Gopro, cette petite caméra que l’on peut emporter de partout et par toutes les conditions, fait l’objet aujourd’hui d’une attention toute particulière. En effet, elle est considérée comme l’une des marques les plus inspirantes sur les réseaux sociaux. Quelle est donc cette fameuse stratégie qui place GoPro comme leader sur les réseaux sociaux ? 

GoPro est une marque de caméra fondée en 2005, originellement créée par Nick Woodman, un surfeur californien souhaitant optimiser ses sessions et prendre en photo sa passion. Il raconte : « À l’époque, les seules options étaient d’utiliser un appareil jetable étanche […]. Mais 9 fois sur 10, soit vous loupiez la photo, ou vous vous blessiez et souvent, vous perdiez l’appareil dans l’eau. J’avais l’impression d’être en train d’inventer la plus importante création du monde du surf ».

Créée par un passionné, pour des passionnés, les amateurs de sensations fortes adoptent peu à peu la petite caméra et la placent au cœur de leurs sessions sportives. Sous l’eau, dans la neige, dans le vide ou encore en parachute, la GoPro permet à ses utilisateurs d’immortaliser leurs meilleurs moments et de partager leur passion à leur communauté sur les réseaux sociaux. 

GoPro, ou les maîtres de l’User Generated Content.

Le premier volet du succès de GoPro sur les réseaux sociaux, et le plus efficace, concerne l’usage de User Generated Content. En effet, la grande majorité du contenu posté sur les réseaux, que ce soit Facebook, Twitter, Instagram ou encore Youtube, est créé directement par les consommateurs de GoPro, aka les passionnés. 

Originellement créée pour les surfeurs, GoPro s’est étendue progressivement vers tous les amateurs de sensations fortes, professionnels ou non, et s’est même inscrite dans le quotidien de personnes lambdas souhaitant immortaliser des instants spéciaux. La cible étant plutôt jeune (16-35 ans), ces personnes sont les acteurs principaux des réseaux sociaux car ce sont des générations qui sont nées et/ou ont grandies avec les réseaux. Ainsi, le partage et la publication de contenus est presque évidente pour ces derniers qui vont ainsi générer beaucoup de UGC.

Cela donne ainsi à GoPro la chance d’avoir accès à une source inépuisable de contenus originaux, pour laquelle les utilisateurs n’attendent presque uniquement que de la reconnaissance en retour : avoir leur photo / vidéo postée sur l’une des pages de GoPro.

L’approche de GoPro par rapport à cet UGC est unique, car le produit en lui-même – la caméra – est rarement montré. Les utilisateurs les plus importants font exactement ce qu’ils sont censés faire avec la caméra : immortaliser leurs instants de vie, leur sport et leur passion. 

Cette manière de promouvoir la marque offre la possibilité d’un fort engagement de la part des utilisateurs sur les réseaux, qui se reconnaissent dans le UGC.

Pour faciliter ce flux continu de User Generated Content, GoPro a anticipé et a même créé un canal de partage directement sur son produit. Grâce à l’application GoPro, les utilisateurs peuvent éditer et partager leurs photos et vidéos directement sur Instagram, Facebook ou encore Youtube. GoPro devient donc un outil central dans le partage des activités sur les réseaux et oriente clairement sa stratégie sur le UGC.

Ces contenus permettent ainsi aux nouveaux utilisateurs d’avoir accès à une multitude de retour d’expérience plus que convaincants : les images sont magnifiques, traduisent des passions communes et des expériences sensationnelles. Tout « fait envie » et pousse les nouveaux utilisateurs de GoPro à participer et à intégrer la communauté.

Capture d’écran du compte Instagram de Gopro @gopro.

Afin de pousser les utilisateurs à créer du UGC, GoPro gamifie son fonctionnement en lançant de nombreux challenges et autres concours. En effet, la marque lance les GoPro Awards qui sont des concours où les utilisateurs sont invités à capturer leurs plus beaux instants et à les soumettre à GoPro. Les gagnants des différents challenges gagnent des lots, de l’argent, mais surtout une couverture médiatique sur les réseaux de GoPro. Divers challenges existent sur différents thèmes, comme « the photo of the day » ou encore « be a hero challenge ». 

Des images sensationnelles promues par des célébrités portant les valeurs du sport de haut niveau. 

La stratégie de GoPro repose également sur un contenu digital sensationnel. L’expérience GoPro fait rêver, et pour cela la marque a très bien compris quels moyens utiliser. 

Tout d’abord, le UGC créé et repartagé par GoPro ne montre que des photos et vidéos fabuleuses. Entre paysages, hautes sensations ou encore vues du ciel, le contenu fait rêver et associe l’expérience sensationnelle directement à l’utilisation de GoPro. En voyant cela, le consommateur se projette (car les photos et vidéos viennent d’un utilisateur comme lui) et se dit qu’en utilisant la GoPro il aura accès aux mêmes expériences. 

Pour accentuer cette expérience, GoPro s’inscrit dans une stratégie de marketing d’influence en promouvant sa marque par des stars et autres sportifs de haut niveau connus et réputés dans leur domaine. 

Par exemple, GoPro a publié une vidéo sur la skieuse alpine Lindsay Vonn qui bat un record du monde sous l’objectif attentif de la GoPro. GoPro a aussi par exemple décidé de suivre la fin de carrière du pilote de vitesse moto Valentino Rossi, attirant tous ses fans pour une dernière vidéo phénoménale en son honneur. 

La marque possède 10,6 millions d’abonnés sur Youtube et attire ainsi beaucoup d’audience grâce à ce genre de vidéos.

Ces célébrités du sport qui utilisent la GoPro dans des conditions extrêmes et professionnelles jouent donc quelque part le rôle de Key Opinion Leader car leur opinion compte : leur professionnalisme leur confère de la crédibilité, et montre que la GoPro peut s’utiliser même par les plus grands. 

Ici, les logiques du celebrity endorsement sont rencontrées de bout en bout : les sportifs de haut niveau sont crédibles car professionnels ; ils sont beaux et jeunes et renvoient une image saine et ambitieuse ; leurs caractéristiques collent entièrement avec les caractéristiques de GoPro qui promeut les sensations fortes et les images spectaculaires ; enfin, les sportifs de haut niveau représentent des valeurs importantes dont la communauté va s’imprégner, véhiculées par la simple phrase qui est maintenant leur slogan : « Be a hero ». D’ailleurs, chaque modèle de caméra porte ce nom : Hero.

Pour renforcer cette image de héro, GoPro est maintenant en partenariat avec la boisson énergisante Redbull qui promeut les mêmes valeurs et ambitions. En effet, Redbull organise de nombreux événements dédiés aux sports à sensations fortes de haut niveau (cliff diving, porsche race, formula one). GoPro couvre ainsi la totalité des événements Redbull. Redbull associe son image à la création de tels événements et GoPro associe son expertise audiovisuelle et ses images spectaculaires. Combinées, les deux marques comptent près de 40 millions d’abonnés rien que sur Instagram, ce qui promet un partenariat ambitieux et procréateur. 

Adobo magazine

« L’envergure et les capacités d’exécutions mondiales de Redbull sont impressionnantes, ce qui rend ce partenariat très stratégique pour GoPro. Nous partageons la même ambition d’être une source d’inspiration dans le monde entier, afin d’inciter le public à vivre intensément. » Nicholas Woodman, CEO de GoPro.

Une communauté très forte.

GoPro repose sur un fort esprit de communauté.

D’une part, GoPro organise sa propre communauté grâce au site community.gopro.com sur lequel on y retrouve des forums de discussion où les utilisateurs expérimentés peuvent aider les nouveaux dans la prise en main de leur appareil. Des ingénieurs et autres professionnels de GoPro sont également présents sur les forums pour promouvoir des messages important et aussi aider les utilisateurs.

Depuis peu, un nouvel espace de la communauté existe, appelé les GoPro Labs, où les ingénieurs proposent de nouvelles fonctionnalités à tester par les utilisateurs expérimentés. Ces derniers laissent leurs avis et permettent aux équipes de développement de savoir si cette nouvelle fonctionnalité en question vaut le coup ou non. 

“GoPro Labs is an initiative to deliver new, experimental features to our GoPro community. Many of these features originated from internal hackatons […]. We don’t promise any of these will make it to a production camera, but they’re cool enough and cooked to give you a taste. Why hold back anymore?”

Capture d’écran de la page GoPro Labs

GoPro va plus loin en proposant également la plateforme Open GoPro où l’utilisateur peut développer lui-même des fonctionnalités personnalisées à intégrer à sa caméra. Par le biais de la communauté, l’utilisateur peut atteindre un degré de personnalisation précis.

Par la multitude de UGC, on se rend donc compte que c’est la communauté de GoPro qui promeut l’objectif principal : être un héros. De nombreux groupes informels sont créés sur les différents réseaux (groupes Facebook, pages Instagram etc…), gérés par des utilisateurs expérimentés qui souhaitent uniquement partager la passion GoPro.

Chaque membre de la communauté est un ambassadeur pour GoPro.

Mathilde Comte

Gopro.com. GoPro Awards | Défis vidéo et photo. [online] Available at: <https://gopro.com/fr/fr/awards>

Instagram – GoPro. [online] Available at: <https://www.instagram.com/gopro/>

Sport Stratégies. Red Bull donne des ailes à GoPro. [online] Available at: <https://www.sportstrategies.com/red-bull-donne-des-ailes-a-gopro/>

DigiSchool commerce. GoPro : Etudes, Analyses Marketing et Communication de GoPro. [online] Available at: <https://www.marketing-etudiant.fr/marques/gopro-marketing.html>

Comment GoPro stimule la fidélité à la marque avec l’UGC |. [online] Available at: <https://clarksbarandrestaurant.com/social-spotlight-how-gopro-fuels-brand-loyalty-with-ugc>

En quoi les plateformes de réseaux sociaux sont-elles en position de s’imposer dans le marché des Metaverse ? 

Après l’emploi du mot « NFT » dans le langage courant et son statut de mot de l’année 2021, les metaverse, concept popularisé par Meta, bousculent d’ores et déjà les codes de la communication numérique. Récemment Citi Bank a estimé à une valeur de marché entre 8000 et 13000 milliards de dollars d’ici 2030 l’économie des metaverse. Elle est en passe de révolutionner les usages et les interactions en combinant le monde physique et numérique. Bien que ses usages soient pour le moment limités, il n’est que peu risqué de projeter un développement important des applications et de l’adoption à l’avenir, là où le parallèle avec Internet des années 2000 semble évident.

Ainsi, quel regard ont les réseaux sociaux, sensibles aux tendances, sur cette nouvelle opportunité.

Les metaverses, des lieux propices au développement des réseaux sociaux

Pour le moment, les metaverses sont considérés comme un secteur de niche par rapport aux réseaux sociaux. Cela dit, cette innovation a le potentiel d’attirer des communautés d’utilisateurs, d’influenceurs, des marques et des annonceurs. De plus en plus d’évènements sont organisées dans des metaverse. Les participants n’étant limités que par leur connexion Internet et non par leur localisation. L’accès peut être facilement restreint aux détenteurs de NFT, ce qui permet de cibler davantage son audience et de la fidéliser au travers de produit exclusif.

Dernièrement, Samsung a dévoilé son dernier smartphone sur Decentraland (un des metaverse leader), offrant aux participants des NFT exclusifs. Ces événements permettent aux utilisateurs et aux marques de se rencontrer virtuellement et ce depuis le monde entier. 

Selon une étude menée par IZEA Research, 70 % des influenceurs voient les metaverses remplacer entièrement les réseaux sociaux, en prenant le contrôle des plateformes vidéo actuelles et en ouvrant de nouvelles possibilités : à la fois de revenus et de communication. 

Outre l’organisation d’événements, les influenceurs peuvent monétiser leur activité dans les metaverses de diverses manières et cherchent activement à le faire. Selon l’étude d’IZEA mentionnée ci-dessus, 51 % des influenceurs cherchent à créer un modèle de revenu en lien avec un metaverse et 21 % y gagnent déjà de l’argent.

“The metaverse is moving towards becoming the next generation of the internet or Web 3.”

Citi Bank

Les nouveaux outils de l’avenir des réseaux sociaux

En quelques années, les réseaux sociaux ont conquis des milliards d’adeptes et la communication numérique joue un rôle prépondérant dans notre société. Nous sommes désormais entourés de ces applications qui nous permettent de nous connecter les uns aux autres, de faire du shopping, lire, jouer, partager, etc…

Le rôle des plateformes à évoluer au fur et à mesure passant d’une solution simple de communication à un outil de diffusion, de vente et d’influence. Ainsi, les leaders de cette industrie sont en recherche perpétuelle d’innovation afin d’améliorer leur solution et attirer un public jeune, cœur de cible pour leur marché. Deux tendances principales ressortent sur ce vers quoi tend les réseaux sociaux :

1. La création d’expérience d’achat basée sur la réalité augmentée

Avec l’essor des solutions internes d’achat sur une série d’applications de réseaux sociaux populaires, la combinaison du social et du commerce est en cours de démocratisation.

Les réseaux sociaux souhaitent accélérer l’utilisation de la réalité augmentée afin de créer une nouvelle forme de contenu. Les entreprises pourront offrir à leurs clients une expérience différente en leur proposant de se familiariser avec un produit ou un service avant de l’acheter. Les frontières entre le monde virtuel et le monde réel s’estompent de plus en plus, faisant de la réalité augmentée un formidable outil à l’avenir pour les réseaux sociaux.

2. Une « événementialisation » des réseaux

Avec l’essor des techniques de diffusion de contenu, les réseaux sociaux et leurs utilisateurs tendent de plus en plus vers une « évènementialisation » du contenu. Ces évènements représentent un nouveau moyen de communication pour promouvoir une marque, une entreprise, des services et des produits. Par l’essor de créateur diffusant du contenu en direct mobilisant parfois plusieurs centaines de milliers de personnes, les réseaux sociaux sont devenus un espace de création de communauté et de partage d’expérience. Là où les premières versions de réseaux permettaient des échanges en petits groupes, désormais la place est à la création d’évènement et de contenu. Ainsi, grâce aux possibilités technologiques utilisées dans les metaverses, de plus en plus d’entreprises et de marques organisent des évènements tels que très récemment le Paris NFT Day simultanément au Palais Brongniart et dans Decentraland.

La nouvelle Creator Economy : un écosystème appartenant à la communauté

La promesse initiale d’Internet était d’être ouvert. Actuellement, une poignée d’entreprise gèrent les flux de données sociales de 3,5 milliards de personnes.

Le Web 3.0 est une réaction à la centralisation mise en place par le Web 2.0 qui représente un problème fondamental non seulement pour la technologie, mais aussi pour la société. L’idée globale du Web 3.0 est de construire un monde plus décentralisé. En l’absence d’autorité centrale et par le biais d’une gouvernance partagée, l’utilisation des données est contrôlée par les utilisateurs eux-mêmes.

Les réseaux sociaux fonctionnent sur un principe d’économie des plateformes centralisés. Le Web 3.0 introduit quant à lui un nouveau concept : l’économie de la propriété. Ainsi, les nouvelles plateformes sont gouvernées par la communauté d’utilisateur.

Evolution du WEB

Mais alors où en sont les réseaux sociaux avec l’adoption de cette technologie ?

Récemment, Meta a annoncé que 47% de commission serait prélevée sur les objets mis en vente sur la marketplace. Pourquoi est-ce problématique ? Car cela est une pratique du Web 2.0 et que cela est un véritable frein pour les Web 3.0 natifs, cœur de cible de demain.

Ces objets vendus par Meta seront en réalité des NFT pouvant être utilisés dans le metaverse pour différentes actions. Par cette décision, Meta expose sa logique purement commerciale à développer cette solution. Or, le Web 3.0 a une autre philosophie, une éthologie qui lui est propre, où le créateur est au centre de l’écosystème.

Alors que les jeunes ne sont déjà plus présents sur Facebook et quittent Instagram peu à peu, les plateformes Web 3.0 sont en train de s’imposer auprès des créateurs grâce à leur liberté d’action et leur modèle centré sur la Creator Economy.

Comparaisons des commissions des plateformes

Des plateformes telles que Sandbox et Decentraland sont les leaders du marché. Bon nombre d’entreprises et de marques internationales y ont d’ores et déjà acquis des parcelles et compte bien y développer à l’avenir des évènements, des lieux de rencontre, d’échanges, d’achat et de promotion.

« The fact that it is decentralised means that the people who use Decentraland own and govern it. »

Dave Carr, CCO Decentraland

La Creator Economy ne consiste plus seulement à apporter de la valeur aux plateformes. Il s’agit de nouvelles formes de relations directes : créateur – communauté. Là où les contenus des réseaux sociaux sont dans un espace fermé, les créateurs se tournent de plus en plus vers les plateformes Web 3.0 pour y diffuser du nouveau contenu et se créer une nouvelle audience.

Le 20 avril 2022 Coinbase a dévoilé sa markeplace NFT et cela restera dans les mémoires comme une date importante, à l’intersection des plateformes Creator Economy et Web 3.0.

Marketplace Coinbase NFT (©Cryptobullsbears)

Coinbase NFT aspire à aller au-delà d’un simple hub pour acheter et vendre des biens. En fait, son interface utilisateur ressemble beaucoup, osons-nous le dire, à un actuel réseau social. L’espace commentaire y est présent, le fil d’actualité, les recommandations, les likes etc…

Fort de ses 90 millions d’utilisateurs, Coinbase par cette décision stratégique, s’approprie les codes des réseaux sociaux et place ses pions pour devenir l’un des pionniers de l’économie sociale du Web 3.0 tournée vers le créateur.

Coinbase peut devenir Instagram plus rapidement qu’Instagram ne pourrait créer une marketplace NFT. La puissance de Coinbase ici est de créer une traction sociale pour se transformer en une super-application qui peut englober les NFT, entre autres.

Alors, pourquoi les réseaux sociaux actuels ne seront pas les leaders de demain ? Car les jeunes n’utilisent pas forcément ses applications obsolètes. Ils se tourneront vers l’application que leurs amis et pairs utiliseront. Coinbase montre alors des signes de réelle innovation de production et a su prendre conscience que le marché et la psychologie des utilisateurs est en train de changer. Les réseaux sociaux ont su porter l’économie du Web 2.0, désormais leurs codes semblent ne plus être en adéquation avec ce que propose le Web 3.0 avec la technologie blockchain et les metaverse.

Les pionniers d’aujourd’hui pourront être les leaders du Web 3.0 : l’avenir de l’internet décentralisé.

Alina Viatkina

Sources

Compréhension du marché :
Etude de Citi Bank sur l’avenir des metaverse :
Etude de Izea Research :
NFT mot de l’année 2022 selon le Collins Dictionnary :
Creator Economy :
Images :

Brand content et content marketing : quel positionnement pour les médias ?

Une étude de 2016 sur le Content Marketing (UDA&BVA Limelight), montre que 32% des directeurs et responsables du marketing digital dans les entreprises françaises, ne font pas la différence entre le brand content et le content marketing. Dans le même temps, cette étude montre que malgré le bruit qui est fait autour de ces méthodes, 36% des directeurs français n’y allouent pas plus de 10% de leur budget. À l’inverse, aux États-Unis, 59% des marketeurs estimaient que les budgets de content marketing devaient dépasser les autres canaux.

Ces pratiques se sont davantage développées depuis ces études, notamment sur les réseaux sociaux où les questions de taux d’engagement et de retour sur investissements sont une des premières préoccupations des entreprises. Cependant les médias traditionnels, nationaux et régionaux, peinent encore à suivre ces logiques. Plusieurs d’entre eux n’ont pas encore pris ce virage et se voient complètement invisibilisés sur les réseaux sociaux. Le développement de contenus de marque a même un effet néfaste pour l’équilibre des médias, puisqu’il se substitue à leurs productions. De la même façon, les médias ne parviennent pas à saisir l’importance du brand content, ce qui laisse place à des stratégies marketing et commerciales tâtonnantes et souvent peu productives.

Il faut donc définir ces deux notions tout en analysant, à travers des exemples concrets, quels leviers marketing les médias doivent-ils exploiter pour ne pas rater leur transition numérique.

Le content marketing

Le content marketing place le consommateur au centre de sa stratégie. Il consiste à livrer un produit souvent informatif qui va parler au spectateur, quitte à laisser sa marque de côté. Il faut pour mener à bien cette stratégie, connaître les besoins de son audience, ses habitudes et ses caractéristiques. Cette méthode est contre intuitive à l’échelle du marketing puisqu’elle exige un investissement qui ne mette pas spécialement la marque en avant. Le but de la démarche consiste essentiellement à drainer une nouvelle audience grâce à des contenus originaux. La visibilité est l’enjeu majeur.


Schéma du fonctionnement du Content marketing. CD : Stéphane Torregrosa

La forme que prend le contenu de marque est souvent informative, ce qui empiète sur le terrain des médias traditionnels. Valérie Patrin-Leclère, chercheuse au GRIPIC, avait déclaré dans une interview donnée aux Echos en 2019 : « Le marketing met sur le même plan des marques et des médias. Quand la marque n’a plus d’espace identifié, le média peine à rester crédible dans sa prétention à informer. »

La plupart des modèles de financement des médias reposent sur la publicité. Si la publicité elle-même s’approprie les codes journalistiques pour vendre son produit et inscrire sa marque sur le temps long, il se peut qu’elle se passe des médias plus vite que prévu. Alors l’équilibre financier de ceux-ci, déjà vacillant, pourrait tout à fait s’écrouler.

Devant ce constat alarmiste, il n’appartient qu’aux médias traditionnels de répliquer et de proposer à leur tour un contenu original et approprié aux réseaux sociaux. Comprendre que les sujets et la forme des publications ne doivent pas être les mêmes sur le compte instagram et sur le site du journal est primordial.

Capture d’écran des comptes Instagram du Parisien et du Figaro

Quelques journaux commencent à en prendre conscience comme le Parisien sur Instagram ou encore le Monde sur TikTok. Pour le reste, les efforts et les investissements sont encore trop faibles pour espérer toucher une nouvelle audience. On voit sur ces captures d’écrans que le Parisien a une approche plus intelligente sur les réseaux sociaux et a réussi avec un contenu adapté à toucher des personnes qui ne s’y seraient pas intéressé autrement. On voit qu’ils atteignent des centaines de milliers de vues, alors que le Figaro qui a plus d’abonnés arrive au mieux à quelques milliers.

Le brand content

S’il est souvent confondu avec le content marketing, il ne repose pourtant pas sur le même principe. Le brand content repose sur une stratégie brand-centric, qui va développer l’image de la marque pour la rendre attractive. L’objectif est de cultiver l’image de la marque et d’augmenter sa notoriété indépendamment des contenus qu’elle propose. Les objectifs de cette stratégie sont clairs : Apporter une forte visibilité, rajeunir l’image d’une marque, créer des ambassadeurs et des fans de la marque.

La plateforme de SVOD Mubi l’a par exemple bien compris et développe son profil « d’expert cinématographique » en publiant du contenu spécifique et niche pour attirer tous ceux qui se lassent des contenus mainstreams. Le site développe de nombreux partenariats avec des comptes spécialisés sur les réseaux sociaux et bénéficie d’une croissance d’abonnés exponentielle. Sur ses contenus sponsorisés, le logo Mubi brille au-dessus du visage de Pénélope Cruz dans un film d’Almodóvar. C’est ainsi que l’on expose au public les ambassadeurs de sa marque.

Capture d’écran du compte Instagram de Mubi

Même principe pour le média So Foot qui veut imposer sa marque comme une institution et pas seulement comme un média émergent. Celui-ci a organisé une émission unique sur les réseaux, avec trois spécialistes football et des cadeaux SoFoot à gagner. Résultat, 43 000 participants et six milliers de nouveaux followers sur les réseaux sociaux.

Dans les exemples cités le contenu ne se met pas nécessairement au service de l’audience mais davantage au service de la marque. Ses valeurs, son modèle et ses produits y sont mis en avant sur une période plus courte que le content marketing. Cette méthode est efficace et rentable puisqu’une image de marque saine et une audience croissante vont également attirer de potentiels annonceurs.

Face à ce phénomène les médias traditionnels semblent encore plus désemparés qu’avec le content marketing, dont ils maîtrisent au moins la forme. La crise de confiance qu’ils traversent les empêche probablement de développer une image saine et vendeuse sur le numérique. Cet a priori qui veut que le journaliste se mette en retrait au profit d’une information neutre empêche également ce fonctionnement. Enfin, mélanger contenus marketings et contenus politiques pose un vrai problème d’éthique.

Pourtant des solutions existent et doivent être, au même titre que le content marketing, mises en place indépendamment du contenu journalistique déjà disponible. Certains contenus tendance, mode ou sport sont plus adaptés à du brand content. Cette problématique est essentielle pour les médias, notamment du point de vue du vieillissement de l’audience. Les médias traditionnels doivent développer une identité forte sur leurs réseaux sociaux et se démarquer pour continuer d’exister. L’urgence d’une stratégie marketing et commerciale ne doit pas être une question secondaire car elle participe, au même titre que la qualité de l’information, à l’équilibre du paysage médiatique.

Capture d’écran du crowfunding de Légende sur le site KissKissBankBank

Bien que ce ne soit pas tout à fait comparable, plusieurs médias alternatifs et indépendants ont montré qu’une cohérence éditoriale et une marque forte pouvaient permettre un financement indépendant via des abonnements ou des crowfundings. Le 1hebdo a par exemple eu recours à des crowfundings pour le lancement de nouveaux magazines comme Légende, financés par des particuliers convaincus par le storytelling et l’image du média. Si cela n’est pas directement ce qu’on nomme brandcontent, c’est un signe encourageant quant à la possibilité pour des médias traditionnels d’exister à travers leur image et leur audience.

Louis Haéri

Sources

https://www.redacteur.com/blog/difference-content-marketing-brand-content/

http://www.eclaireursdelacom.fr/brand-content-une-marque-peut-elle-etre-un-media-legitime-et-credible/

https://www.docaufutur.fr/2016/06/29/etude-content-marketing-activis-uda-bva-limelight-content-marketing-brand-content/

L’essor du modèle d’abonnement!

Le déclin des recettes publicitaires et la résurgence du modèle d’abonnement.

Les paiements récurrents à intervalles réguliers en échange d’un produit ou d’un service sont une pratique courante dans les entreprises depuis des siècles. L’obtention gratuite d’un produit ou d’un service était inimaginable pour toute entreprise espérant réaliser un bénéfice à la fin de l’année. Mais cela a changé ces derniers temps, surtout en ce qui concerne l’écosystème numérique. La publicité est devenue extrêmement efficace grâce à la capacité de cibler des consommateurs spécifiques par opposition aux audiences, ce qui a été le cas pour les journaux et la télévision. Des sociétés comme Facebook et Google s’est autorisées à exercer une surveillance commerciale sur leurs utilisateurs, leur permettant de traduire ces données acquises en revenus. Une situation gagnante pour toutes les parties concernées ; les consommateurs n’avaient plus à dépenser un centime et les annonceurs avaient la possibilité d’optimiser leurs budgets publicitaires. 

La baisse des recettes publicitaires suite à la COVID-19

La grave récession économique déclenchée par la pandémie de la COVID-19 va sans aucun doute avoir d’immenses conséquences dans tous les types d’industries. Le secteur de la publicité ne fait pas exception à la règle. Selon une étude menée par MAGMA (une ressource centralisée d’IPG Mediabrands), ils éstiment que les revenus publicitaires mondiaux diminuent d’environ 7,2 % en 2020 après avoir connu une croissance de 5,4 % l’année précédente. Il est aussi intéressant de noter que la publicité numérique continue de tenir une place prépondérante dans l’écosystème publicitaire. Pour la toute première fois, les dépenses publicitaires numériques représentent plus de 50 % des dépenses publicitaires mondiales. Selon eMarketer, ce chiffre ne devrait qu’augmenter, puisqu’il devrait atteindre plus de 60% d’ici 2023. En outre, MAGMA prévoit que l’économie mondiale se redressera en 2021 et que les dépenses publicitaires mondiales devraient augmenter, puisque leurs prévisions tablent sur une croissance de 6,1 % l’année suivante. Malgré cela, l’augmentation de 6,1 % ne sera pas suffisante pour compenser les pertes causées par cette pandémie. En fait, le marché restera inférieur de 9 milliards de dollars à ce qu’il était avant la crise. Cela nous amène à poser la question suivante ; La chute de l’industrie de la publicité pourrait-elle être strictement liée à la crise économique ou se pourrait-il que les entreprises aient trouvé des avantages accrus en offrant des abonnements ?

Modèle d’abonnement : une soudaine résurgence?

La résurgence du modèle d’abonnement n’est pas aussi soudaine qu’il n’y paraît. Ce changement peut ne pas être dû uniquement aux effets de la crise sanitaire puisque en 2017, les fournisseurs d’informations tels que le New York Times, le Wall Street Journal et d’autres ont connu une croissance exponentielle des abonnements. Le NYT a acquis 130 000 abonnés en novembre 2017, tandis que le WSJ a augmenté ses abbonements de 300 % au cours de ce même mois. On peut supposer que cette croissance est en partie liée à l’attention accrue portée à l’administration Trump, ou bien à la frustration suscitée par les « fausses » nouvelles qui peuvent circuler librement sur les plateformes de médias sociaux. Une autre hypothèse est que les consommateurs se sentent simplement frustrés par l’assaut de la publicité dont ils font l’objet quotidiennement. De plus, la publicité reçoit une mauvaise réputation, les utilisateurs sont de plus en plus conscients de la manière dont ces publicités sont ciblées et ont le sentiment que leur vie privée est menacée. Ces derniers points peuvent suggérer la volonté accrue de payer pour une expérience alternative. Par ailleurs, cette expérience alternative à travers un modèle d’abonnement pourra aboutir à un produit amélioré ce qui laisse imaginer que les consommateurs auront des attentes renforcées. Pourquoi? Le fait d’exiger qu’un consommateur paie pour votre produit ou service entraîne une pression constante pour satisfaire ce consommateur afin de le fidéliser. Cela peut se traduire par une meilleure expérience du point de vue des consommateurs, ce qui peut entraîner une augmentation des revenus. C’est ce que l’on a pu constater dans l’industrie du jeu par exemple. Un article du Wall Street Journal suggère que la célèbre application Candy Crush a connu une croissance exponentielle de ses revenus en supprimant les publicités et en s’appuyant sur les achats effectués dans l’application. Ce modèle est connu sous le nom de « Freemium ». Ils ont remarqué qu’en se concentrant fortement sur le produit, les utilisateurs seraient finalement prêts à payer en échange de nouvelles améliorations. Mais surtout que l’affichage de publicités avait pour conséquence que les utilisateurs passaient moins de temps sur l’application. En fait, l’année suivant le retrait des publicités de leur application, les achats dans le jeu ont augmenté de 35 %.

De nouvelles habitudes se forment.

Outre l’idée que nos attentes sont plus élevées, on ne peut ignorer l’évolution des comportements dont nous, consommateurs, avons hérité au fil des ans. Et le COVID-19 n’a fait que renforcer ces nouvelles tendances. Si l’on prend l’industrie des nouvelles et des médias numériques, comme vous pouvez le voir dans le graphique ci-dessous, c’est le deuxième secteur à avoir connu la plus forte croissance (en termes d’abonnés) au cours des derniers mois. En mars, le secteur de l’information et des médias numériques a connu une croissance de 200 % par rapport au niveau du “baseline” (moyenne de février 2019 à février 2020). Et bien qu’elle ait diminué en mai 2020, il est évident que l’appétit pour les sources d’information fiables a augmenté à la lumière de la pandémie mondiale. On estime que cet appétit leur a permis de s’habituer à l’idée de s’abonner en échange de fonctionnalités exclusives et d’un contenu de qualité supérieure. et ces habitudes seront très probablement appliquées dans une multitude d’industries comme c’est déjà le cas sur le marché OTT.

Taux de croissance des abonnements depuis COVID-19

Dans une étude menée par le Leichtman Research Group en 2019, sur un échantillon de 1 990 foyers, ils ont constaté que près de 80 % d’entre eux étaient abonnés à Netflix, Amazon Prime ou Hulu. Une augmentation de 69% en 2018 et de 52% en 2015. En outre, ils ont constaté que les ménages sont de plus en plus enclins à s’abonner à plus d’une plateforme. Et ces chiffres n’ont fait qu’augmenter au milieu des mesures de confinement appliquées à l’échelle mondiale en raison de la COVID-19. De plus, le taux de croissance annuel du marché OTT en 2020 devrait atteindre le chiffre impressionnant de 55 %. Et même si nous pouvons nous attendre à une stabilisation de la croissance, les comportements et les attentes des consommateurs ont certainement évolué. 

les entreprises sont-elles prêtes à s’adapter ?

On estime que certaines entreprises qui appliquent le modèle soutenu par la publicité pourra bientôt envisager d’intégrer un modèle d’abonnement. Non seulement les recettes publicitaires diminuent, mais aussi, les consommateurs sont de plus en plus prêts à en payer le prix. Un exemple est Twitter dont la baisse de 23 % des recettes publicitaires au deuxième trimestre 2020 par rapport au même trimestre il y a un an les a amenées à annoncer qu’ils allaient explorer d’autres moyens de gagner de l’argent grâce à ses utilisateurs. Étonnamment, Alphabet Inc. a également subi une perte importante de ses revenus publicitaires. Ses revenus publicitaires ont chuté de 8 % en 2020, son premier déclin en 26 ans. Et ce dernier n’a pas que eu des conséquences à l’entreprise. Si l’on regarde YouTube, la baisse des recettes publicitaires a eu de graves conséquences sur ses créateurs (« Youtuber »). Compte tenu de la croissance de l’industrie OTT notamment en raison de la pandémie, contrairement à la croyance populaire, les Youtuber, tout en connaissant une augmentation de l’audience, perçoivent moins de revenus. Pourquoi? Les annonceurs mènent moins de campagnes, ce qui entraîne une diminution de la concurrence et donc des offres. Afin de surmonter cette situation, ces créateurs de contenu se sont tournés vers d’autres alternatives telles que Patreon, une plateforme d’adhésion qui fournit des outils commerciaux aux créateurs de contenu pour gérer un service d’abonnement. En ce qui concerne YouTube, le fait qu’ils ont déjà adopté un modèle d’abonnement avec YouTube Premium suggère qu’ils cherchent eux aussi des sources de revenus supplémentaires.

En conclusion, après de nombreuses années de forte dépendance à la publicité, les entreprises ainsi que des individus commencent lentement à revenir, ou du moins à explorer le modèle de l’abonnement. Et cela est évident car il est essentiel pour les entreprises et les particuliers de diversifier leurs risques en tenant compte des nouvelles évolutions économiques et des changements tant dans les attentes que dans les comportements des consommateurs. Le modèle de l’abonnement peut être la solution à ces changements, tout en mettant l’accent sur la qualité du produit ou du service, on peut supposer que cela aurait en fin de compte un impact positif du point de vue des consommateurs.

Martin de Ruty

Sources:

Brand Safety : Comment garantir un environnement approprié et adapté aux marques ?

Alors que les polémiques atteignant les images des marques sur internet sont de plus en plus nombreuses, la problématique du Brand Safety prend de l’ampleur.

Le brand safety : un enjeu majeur à l’heure du bad buzz sur internet

On le sait, l’image de marque est aujourd’hui au cœur des préoccupations des entreprises. Présenter une image positive, en accord avec des valeurs prédéfinies, est ainsi devenue une condition sine qua non pour espérer voir sa marque prospérer, dans un contexte où l’opinion publique ne pardonne et n’oublie rien (peuvent par exemple en témoigner les dirigeants du Slip Français, récemment entachés par une violente polémique autour du blackface réalisé par certains de leurs employés).  

Evidemment, l’écosystème digital ne fait pas exception à ce besoin qu’ont les marques de protéger au mieux leur image, et les éditeurs se doivent donc de garantir un environnement adapté et approprié aux valeurs des annonceurs avec qui ils traitent. Néanmoins, à l’heure où l’achat et la programmation d’espaces publicitaires sont automatisés à 100%, les ratés existent et sont même plus nombreux qu’il n’y paraît : Il y a quelques semaines, plusieurs marques ont par exemple été épinglées pour avoir diffusé des publicités sur des vidéos Youtube prônant la désinformation climatique.[1] Si les marques concernées (L’oréal, Samsung ou encore Danone, pour n’en citer que quelques-unes) se sont excusées et la polémique n’a pas éclatée, ce n’est pas la première fois que la plateforme Youtube est pointée du doigt pour mauvaise gestion de ses espaces publicitaires.

Le brand safety – en français sécurité de marque – devient alors un enjeu majeur pour les acteurs du web : ce concept émet l’idée qu’il est aujourd’hui primordial pour un éditeur de s’assurer que la marque d’un annonceur n’apparaît pas dans des environnements qui pourraient présenter un risque pour son image.[2]

Une récente étude réalisée par l’IAB Europe montre ainsi que 77% des décideurs marketing voient le brand safety comme une priorité en 2020, quand seulement 1/3 du panel affirme que le marché a bien œuvré à la sécurité des marques sur la Toile (30,68% d’accord – 5,68% absolument d’accord).[3]

Dans ce contexte, comment les marques peuvent-elles s’assurer que leurs publicités digitales soient diffusées dans un environnement adapté à l’image qu’elles souhaitent transmettre ?

Dans les faits, plusieurs solutions existent, qu’elles soient propres à chaque éditeur ou mises en place à plus grande échelle.

Mise en place d’un label de « Digital Ad Trust » pour sécuriser les marques

Les annonceurs cherchent dans un premier temps à s’assurer du sérieux de leurs partenaires publicitaires. Certains éléments concrets délivrés par des organismes agréés peuvent les aider à identifier les éditeurs les plus responsables: c’est notamment le cas du label « digital ad trust ».

Lancé par le SRI, l’UDECAM, le GESTE, l’Union des Marques, l’ARPP et l’IAB France, le label « digital ad trust » est « destiné à évaluer et valoriser la qualité des sites qui s’engagent dans des pratiques publicitaires responsables, à travers 5 objectifs-clés :

• Garantir la brand safety : assurer aux marques la sécurité des environnements dans lesquels elles apparaissent,

• Optimiser la visibilité de la publicité en ligne

• Lutter contre la fraude

• Améliorer l’expérience utilisateur (UX), et maîtriser le nombre d’objets publicitaires par page

• Mieux informer les internautes en matière de protection des données personnelles »

Ce label, d’initiative française, est à l’heure où cet article est écrit attribué à 137 sites et/ou pureplayers français (20 minutes, MyTF1, Le Figaro, FNAC, Konbini, ou encore MYCanal, entre autres).  

Des outils digitaux à disposition des marques

L’émergence des problématiques de brand safety a également entraîné dans son sillage la création de nombreuses start-up spécialisées dans le contrôle de la qualité média.

Adledge, société fondée en 2008, présente une expertise dans la bonne gestion des campagnes annonceurs. Concrètement, Adlege analyse différents points de la page web sur laquelle la publicité est diffusée, pour déterminer le contexte de délivrance du message. L’annonceur peut également suivre sa campagne de manière objective, Adledge proposant des outils de mesure des KPIs pertinents.

Adloox, SA française, qui réalise du pré-bid à la conversion. Leur outil automatisé permet l’analyse de chaque emplacement publicitaire pour rassurer l’annonceur quant à la bonne délivrance de son message. L’algorithme analyse également tous les éléments de la page afin de déterminer son contenu, et ainsi de garantir le brand safety de la marque.

IAS (Integral Ad Science), entreprise américaine spécialisée dans la protection des différents acteurs intervenant dans l’écosystème de la programmatique. Pour garantir le brand safety des annonceurs, IAS propose -entre autres- une solution d’analyse sémantique très complète (analyse de l’URL, du texte, des mots-clés, et des liens entrants et sortants) des sites accueillants les publicités.

On le voit, les entreprises accompagnant les annonceurs dans leurs campagnes digitales sont légions, et s’associer à certaines d’entre elles semble être une solution efficace pour contrôler son image digitale.

Des solutions inhérentes à chaque plateforme

Qu’en est-il du côté des « géants du web » ? Ceux-ci ont très tôt compris l’importance de préserver l’image de marque de leurs annonceurs.

Le groupe Facebook, par exemple, explique sur une page dédiée prendre la problématique de brand safety très au serieux : près de 35 000 personnes sont ainsi employées par l’entreprise à la protection et à la sécurité, et se chargent de modérer les contenus publiés sur les diverses entités du groupe (Facebook, Instagram & Whatsapp). Par ailleurs, le groupe affirme « collaborer avec des partenaires du secteur pour partager des connaissances, établir des consensus et faire en sorte que toutes les plates-formes en ligne soient plus sûres pour les entreprises ». Depuis peu, le géant permet également aux annonceurs de faire appel à des entreprises tierces pour gérer le brand safety des campagnes diffusées sur la plateforme.[4]

Du côté de Snapchat, la modération des contenus est un sujet central, et sa réalisation est majoritairement effectuée de manière automatisée, via des algorithmes. L’entreprise est par ailleurs très attentive à l’environnement dans lequel les publicités de ses annonceurs apparaissent : les stories supportant des publicités sont ainsi vérifiées et modérées par une équipe dédiée. [5] De plus, le groupe s’est récemment associé à IAS (voir plus haut). Ce partenariat a pour ambition « d’offrir aux annonceurs une plus grande transparence et une meilleure mesure des photos et vidéos en mobile in-app sur Snapchat ». [6]    L’outil IAS fournira ainsi aux marques certains KPIs relatifs au brand safety, tels que le pourcentage de vues frauduleuses, le nombre et la part d’impressions visibles, ou encore le pourcentage de publicités vidéos vues dans leur intégralité.[7]  

Plus récemment, c’est l’application TikTok qui a pris certaines mesures pour conserver le brand safety de ses annonceurs : selon des informations du Financial Times Reports, le groupe travaille ainsi sur la mise en place d’un flux de contenus spécialement sélectionnés pour leur originalité et/ou popularité, et autour desquels les publicités annonceurs seraient diffusées. Ce feed serait contrôlé par des modérateurs dédiés, ce qui permettrait de garantir la pertinence des contenus.


On le voit, les éditeurs ont bien conscience de l’importance de proposer un environnement sain et adapté à leurs annonceurs. Le web étant une nébuleuse de contenus impossible à contrôler, il était nécessaire de voir émerger des solutions pour préserver les marques et leurs images. C’est aujourd’hui chose faite, pour le plus grand plaisir des annonceurs qui se montrent de plus en plus exigeants dans le choix de leurs partenaires publicitaires.

Daniéla UZAN


[1] https://www.theguardian.com/technology/2020/jan/16/youtube-ads-of-100-top-brands-fund-climate-misinformation-study

[2] https://www.definitions-marketing.com/definition/brand-safety/

[3] https://www.cbnews.fr/etudes/image-brand-safety-sera-prioritaire-2020-iab-europe-48866

[4] http://ad-exchange.fr/brand-safety-facebook-certifie-deux-acteurs-de-mesure-tiers-44344/

[5] https://support.snapchat.com/en-US/a/brand-safety

[6] https://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1197097-brand-safety-les-solutions-passees-au-crible/

[7] https://www.offremedia.com/integral-ad-science-retenu-par-snapchat-pour-la-mesure-de-la-qualite-media

Youtubeurs VS chaines TV : une formule gagnante ?

Aujourd’hui, alors que YouTube était le cauchemar des chaines de télévision et une des conséquences des pertes d’audiences, les youtubeurs envahissent le petit écran, et inversement, les groupes de médias se déploient sur YouTube.

La fin de la télévision est un sujet qui cultive de nombreux débats à l’heure de la mutation de l’audiovisuel. Il est possible d’évoquer une forme de « big bang » de l’audiovisuel. Depuis plusieurs années les chaines TV s’efforcent de trouver de nouvelles solutions à l’érosion des revenus publicitaires et à la fragmentation des audiences. Celles-ci misent aujourd’hui leur stratégie sur la diversification des modes de consommation qu’elles peuvent proposer, faisant de l’atomisation des contenus et des offres un atout et non une crainte, en étant toujours plus transversal et innovant.

L’arrivée des acteurs du net a bouleversé l’économie du secteur et YouTube est le parfait exemple de l’évolution des modes de consommation et des productions audiovisuelles, « 8 français sur 10 entre 16 et 24 ans se rendent sur la plateforme au moins une fois par jour »[1]. Les youtubeurs, afin de bénéficier d’une plus large exposition, se sont d’ailleurs rapidement intéressés à une structure proposée par la plateforme : les Multi Channel Network ou réseaux multi chaines (ci-après MCN).

L’invasion des chaines TV dans les Multi Channel Network

Les MCN désignent une structure reposant sur des fonctionnalités mise en place par YouTube permettant d’y intégrer plusieurs chaines de talents du net. Les MCN proposent différents services tels que l’accroissement d’audience, la protection des droits, des opérations de promotion croisée entre les chaines affiliées et la monétisation des contenus.

Le modèle des MCN génère de fortes audiences, les chaines TV l’ont bien compris et investissent/créent en masse des MCN à l’instar de Canal Plus avec Studio Bagel, le Groupe M6 avec Golden Moustache, Rose Carpet, et plus récemment TF1 qui possède désormais 6% du capital du MCN mondial Studio 71 (250 millions de vues en France), soit un investissement de 25 millions d’euros.

Concrètement, les chaines TV proposent des « contrats de partenariats et de prestations » aux youtubeurs consistant en l’intégration de leur chaine Youtube au sein du MCN ; la mise en place d’un partenariat commercial exclusif relatif à la valorisation de leurs images et de leurs marques. Aujourd’hui les youtubeuses spécialisées dans le secteur de la beauté pullulent, et sont capables d’aimanter le public avec leurs plusieurs millions de vues sur YouTube et ont une force d’impact sur leurs communautés considérable. Elles animent quotidiennement leurs chaines sur différents thèmes, de vidéos, et sont devenus des égéries intéressantes pour les annonceurs. Elles possèdent des communautés puissantes qui suivent quotidiennement leurs contenus.

L’avantage pour un Youtubeur d’intégrer le MCN d’un groupe de média est la puissante régie publicitaire qu’il possède et les contenus de qualité pouvant être produit grâce aux studios de production.

Pour la chaine TV, les revenus tirés de la monétisation des vidéos restent minimes, une partie devant être attribuée à YouTube et au youtubeur. Les opérations de diversification (placement de produit) et le brand content génèrent le plus de revenus. Les chaines TV rivalisent d’originalité avec des contenus décalés, tel que Vivelle Dop qui s’est associé à Golden Moustache pour la sortie d’un produit de la marque et a engendré plus de 4 millions de vues (YouTube + Facebook), remportant le trophée de la meilleure vidéo online 2016.

Les chaines TV misent leur stratégie sur la complémentarité avec les youtubeurs : créer de nouveaux programmes télévisés à partir de talents du net.

Ce rapprochement a permis par exemple de propulser le « Palmashow »[2] , diffusé sur C8, possédant presque 3 millions d’abonnés sur la chaine YouTube, ou encore Monsieur Poulpe de Studio Bagel présentant aujourd’hui l’émission Crac Crac sur Canal +.  Les chaines TV doivent donc produire de courts formats, « dont la narration et la mise en scène portent un dynamisme qui gagne l’intérêt de l’utilisateur de la plateforme dès les premières secondes »[3]. Ce rapprochement se traduit également par la prolifération d’intervention de youtubeurs sur les chaines tv comme Enjoy Phoenix dans Danse avec les stars, émission de TF1.[4]

Les chaines TV en investissant ces nouveaux territoires compte bien capter l’attention des millenials qui feront les audiences de demain.

Charlotte Fourey

 

[1] http://www.inaglobal.fr/television/article/quand-les-chaines-tv-courent-apres-les-jeunes-10071

[2] http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/04/07/youtube-nouveau-meilleur-ami-des-chaines-de-television_4397016_3232.html

[3] http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/04/07/youtube-nouveau-meilleur-ami-des-chaines-de-television_4397016_3232.html

[4] http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/les-youtubers-a-l-assaut-de-la-television-et-reciproquement-1137732.html

Spotify réinvente le podcast avec « Spotlight »

Spotlight ou le podcast augmenté

Ce 18 janvier Spotify a lancé son nouveau service, Spotlight. Avec Spotlight, Spotify veut proposer des contenus originaux de podcasts visuels à ses utilisateurs et ses abonnés. Spotlight c’est un service de podcasts originaux, produits exclusivement pour la plateforme et touchant à des thèmes variés allant du sport à la pop culture en passant par les informations. Quel est l’intérêt d’en parler me direz-vous, les podcasts, ça fait longtemps que ça existe ? Eh bien la particularité du service est de s’accompagner d’images, de textes et même de vidéos. Toutefois pas de méprise, ce contenu visuel ne vient qu’accompagner l’audio, il ne lui est pas nécessaire. C’est donc une offre pluri-média, mais dont le média principal est le podcast, c’est du podcast augmenté donc.

Spotify, avec ses 70 millions d’abonnés et 140 millions d’utilisateurs actifs est le leader du streaming musical. Il propose déjà des podcasts sur sa plateforme, ceux de la BBC par exemple, mais ce n’est pas un contenu original. Il propose aussi du contenu visuel mais comme un service à part. Avec Spotlight, Spotify veut créer des contenus contextuels complémentaires, spécifiquement créer pour accompagner le contenu audio. Telle est l’innovation du produit. En effet, à côté les radios généralistes traditionnelles qui filment leurs émissions et écrivent leurs chroniques sur les pages de leur site font triste figure, si tant est que le contenu proposé par Spotlight soit bon. La production de ces contenus se fera par des partenaires tels que BuzzFeed News, le plus connu en France, ou encore Crooked Media et Gimlet Media. Ainsi BuzzFeed produira, par exemple, un journal quotidien de 4 à 7 minutes. Le service n’est pour l’instant disponible qu’aux Etats-Unis.

Mais quel est intérêt stratégique peut bien représenter Spotlight pour Spotify ?

De prime abord cela semble être beaucoup d’embêtement pour pas grand-chose. En effet les utilisateurs de Spotify cherchent avant tout à écouter leur musique en streaming, ce ne sont pas forcément des consommateurs de podcasts ou de programmes radiophoniques généralistes. Le prix de l’abonnement ne sera pas plus élevé.

Spotify montre aussi son dynamisme est sa pertinence sur un marché difficile par ses innovations et cela à quelques mois de son entrée en bourse. Aujourd’hui Spotify est le leader incontesté du streaming musical avec plus de 30 millions de titres disponibles. Spotify ne lance pas que Spotlight, l’entreprise propose désormais une application, Stations, permettant d’accéder de façon rapide, facile et gratuite à ses playlist pré-enregistrées. L’application se veut très ergonomique, permettant de changer de morceau d’un « swip » et de découvrir facilement des nouveautés. Ces innovations peuvent rassurés de futurs actionnaires.

La radio est-elle désuète ?

La radio est vu comme un média vieillissant, déjà affaibli par l’arrivée de la télévision. Le streaming, que ce soit par des plateformes spécialisés ou via Youtube a détourné les auditeurs des radios musicales. Pourtant à l’heure du numérique, avec l’avènement du smartphone et maintenant qu’on nous annonce la mort de la télé, la radio semble produire des contenus particulièrement bien adaptés aux nouveaux usages. Aux Etats-Unis, le renouveau de la radio s’est fait par les podcasts, tel que « Serial » par exemple, véritable phénomène outre Atlantique.

Christopher Baldelli s’est exprimé lors du Salon de la Radio ce 25 janvier comme nous le rapporte Satellifax. L’ex-Président du directoire de RTL, aujourd’hui vice-président du directoire du groupe M6, après la fusion des deux groupes, en charge de la radio et de l’information a affirmé son optimisme quant à l’avenir de la radio. D’après lui en ce qui concerne les « 13-34 ans, il s’agit du média qui génère le plus de contacts journaliers. Et ce sont les 13-19 ans qui utilisent le plus les supports numériques (smartphone, notamment) pour écouter la radio (22,4 %), soit plus du double de la moyenne nationale » peut-on lire dans Satellifax. La radio est donc un média jeune, un média d’avenir qui répond aux habitudes de mobilité et de gratuité. Et ne parlons pas des podcasts, donc les consommateurs principaux sont des jeunes adultes. Cette cible intéressante pour les annonceurs, qui échappe de plus en plus à la télévision pourrait bien se révéler être un des objectifs de Spotify avec Spotlight. Spotlight serait un produit d’appel pour la publicité et la vidéo un support plus évident pour la publicité. La où YouTube a eu des problèmes de brand safety, Spotify a un contrôle sur ce qui est présent sur sa plateforme et peu être plus transparent avec ses annonceurs en ce qui concerne les impressions.

Pour ce qui est de la publicité audio, le marché est évalué à 18 milliards de dollars aux Etats-Unis et le baromètre Kantar 2017 a compté 1 076,8 millions d’impressions servies et un quart d’impressions supplémentaires en un an avec toujours plus d’annonceurs comme le rapporte CB news. On voit facilement quel intérêt Spotify peut trouver à développer une offre podcast pouvant capter à la fois du revenu publicitaire audio, mais aussi vidéo.
En effet le modèle économique actuel de Spotify n’a pas totalement convaincu. La plateforme de streaming doit reverser 80% de son CA en droit. Sa position de leader est assise mais les offres d’Apple, avec Apple Music, et d’Amazon, avec Amazon Music Unlimited, le concurrencent sérieusement et avec des prix très bas. Spotlight permet ainsi de se différencier par l’innovation et la qualité du produit auprès des consommateurs. Spotify se mesure ainsi directement aux GAFAS, dont Google avec YouTube.

Vers un avenir sonore, l’internet de la voix

Il ne faut pas oublier l’arrivée d’Alexa, l’assistant vocal d’Amazon. Google Home et HomePod qu’Apple vient de sortir. Tous les GAFAS investissent le domaine encore vierge des assistants vocaux. Il y a un enjeu pour tout service, se référencer phoniquement et être capable de proposer du contenu compatible. De ce point de vu une offre telle que Spotlight est intéressante, elle permet de toucher des utilisateurs sur leur smartphone dans les transports par exemple mais aussi une fois rentré chez eux, via leurs enceintes intelligentes, en abandonnant un contenu visuel distrayant mais pas nécessaire.
Peut-être existe-il le projet, l’ambition secrète, de faire de Spotify un Netflix sonore…

Là où des producteurs de podcasts rêvent d’une plateforme payante, d’un Netflix audio le défi n’est pas gagné. Les applications de podcast sont déjà des plateformes de streaming et de download où d’innombrables contenus sont gratuits et à disposition. Les radios généralistes ont depuis longtemps investis cet espace pour mettre leur contenu à disposition gracieusement. Le pari est alors de faire venir ces utilisateurs sur leur station lorsque ceux-ci allume le poste. N’oublions pas qu’à la radio les mesures d’audiences sont bimensuelles et que les utilisateurs sont peu zappeurs à la radio. C’est un média de l’intimité et de l’habitude. En ce qui concerne la radio, les habitudes sont prises et il est difficile d’imaginer un modèle payant.

C’est là que Spotify fait fort, puisque l’offre est totale, musique (les utilisateurs payent déjà pour ça) et podcasts qui viennent s’ajouter comme un argument de vente supplémentaire. Si Spotify parvient à constituer un catalogue important de contenus intéressants, le service pourrait être leader sur ce marché à venir de l’internet sonore.
La course aux contenus continue et avec elle les frontières entre les médias s’effacent…

Marion Lavaix

Shazam: Le nouveau bijou d’Apple

En 1999 Chris Barton, Philip Inghelbrecht, Avery Whang et Dhiraj Mukhertee fondent l’entreprise britannique Shazam. A l’époque les utilisateurs appelaient le 2580 et faisaient écouter une musique avant d’en recevoir le titre par SMS.  La percée de Shazam se concrétise en 2008 avec son apparition sur l’AppStore. Grâce au développement d’un algorithme de reconnaissance de musique puis d’images elle devient la 5ème application la plus vendue sur la plateforme. Prescripteur sur ce nouveau marché, aujourd’hui, Shazam reste indéniablement un acteur dominant, comptant plus de 100 millions d’utilisateurs actifs par mois en 2015. Téléchargée 1 milliard de fois en 2016, l’application devient même une référence en la matière, à tel point que le mot “shazamer” est entré dans le vocabulaire courant.

  

Shazam : l’étoile la plus brillante d’une constellation hyper concurrentielle…

 

L’arrivée d’internet et la numérisation des contenus musicaux ont profondément bouleversé la manière dont nous écoutons, recherchons et consommons de la musique. Le lancement du premier Ipod de Apple en 2001 ou celui de Napster au début des années 2000, ont réellement marqué un tournant pour les utilisateurs et les acteurs économiques de ce marché. En France, la numérisation du secteur musical a fortement impacté les supports physiques : en 2002, les ventes de CD baissent de 15% en une seule année.

L’application de reconnaissance musicale et d’image Shazam est symptomatique de ce bouleversement. En effet, cette application mobile développée pour un appareil électronique, comme le smartphone ou la tablette, permet aux fans de musique d’identifier une chanson à l’aide d’un logiciel de reconnaissance et d’une base de données répertoriant plus de 30 millions de titres, puis de les rediriger vers des plateformes de téléchargement ou de streaming.

Très vite, d’autres acteurs ont également réalisé la place stratégique qu’occupe la reconnaissance dans l’industrie musicale.  Parmi les concurrents les plus sérieux de Shazam on trouve :

Sonalytic.

Encore inconnu du grand public ce service est un concurrent sérieux de Shazam. En effet, Sonalytic ne possède pas encore d’application mais le 7 mars 2017 ce service a été racheté par Spotify le n°1 du streaming musical. Selon les dirigeants de l’entreprise, les algorithmes utilisés par Sonalytic seraient plus performants que ceux de Shazam et permettraient d’identifier la musique même pendant les changements de tempo ou lorsqu’il y a des bruits de fond ou des filtres. Spotify n’entend pas utiliser la technologie de Sonalytic pour concurrencer directement Shazam. Cette technologie serait intégrée à Spotify et sera utilisée pour améliorer la création des playlists.

Google Sound Search.

Il s’agit du le widget de Googleplay. Une fois de plus la technologie est directement insérée à un service de streaming, le Googleplay. L’avantage principal de l’application Google Sound Search est qu’elle permet de placer directement un widget sur l’écran de verrouillage du smartphone pour ainsi pouvoir identifier la musique plus rapidement.

MusiXmatch.

Cette application est la plus complète du marché. Elle a été sélectionnée parmi les applications de l’année par l’App store en 2013. En plus de reconnaître les musiques cette application permet de se connecter à Apple music ou à Spotify et d’avoir directement les paroles des chansons de manière synchronisée. Le caractère complet de cette application fait de ce service un concurrent sérieux de Shazam bien qu’il ne soit pas affilié directement à un géant du streaming musical.

Soundhound Ltd.

Avec plus de 10 millions d’utilisateurs Soundhound utilise une technologie à même de concurrencer Shazam. En effet, à la différence de Shazam cette application permet également de reconnaitre une musique chantonner par l’utilisateur.

Grand bénéficiaire des effets de réseaux, Shazam reste leader du marché de la reconnaissance musicale.

Plus qu’une marque, Shazam a créé le concept de l’identification musicale. A la manière de l’ubérisation on parle aujourd’hui de “shazamer” une chanson. Il s’agit d’un véritable fait social. Cette position de shazam est extrêmement bénéfique au sein d’une économie de réseau. Plus l’utilisation est connue plus elle va attirer les partenariats avec les producteurs dans une démarche prédictive, plus elle pourra enrichir ses services et sa base de données.


Mais comment Shazam se finance ?

 

Aujourd’hui, Shazam affiche un demi-milliard d’utilisateurs dans le monde, et son utilisation se fait en grande majorité sur les smartphones : en France par exemple, Shazam est présente sur 75% des appareils.  Pourtant, si l’application domine très largement ce marché et a su s’imposer de manière aussi massive auprès des utilisateurs, Shazam est devenue rentable uniquement à partir de 2016 avec un chiffre d’affaires s’élevant à 54 millions de dollars. Dès lors, quel est son modèle économique ?

Les deux sources majeures de revenu pour Shazam sont : les commissions prises sur le référencement des plateformes et la publicité présente sur l’interface.

La source principale de revenu provient des commissions prises sur les référencements des plateformes lorsque l’application a identifié la chanson écoutée par un utilisateur. En effet, Shazam a mis en place des partenariats avec les fournisseurs de musique majeurs comme Itunes, Amazon, Google et Spotify. Dans ce contexte, l’application redirige les utilisateurs vers une de ces plateformes pour que celui-ci puisse ensuite acheter ou télécharger le titre en question. Dès lors, Shazam récupère une commission dont le montant est pré-établi avec son partenaire, sur le prix de vente ou sur le montant de l’abonnement.  Or, Shazam estime que l’application génère, en moyenne, 17 millions de référencements par jour. Parmis ces-derniers, entre 5% et 10% engendrent des achats de musiques, de films, d’émissions de télévision ou d’applications. En effet, si la musique reste en tête de ces achats, la diversification du service de Shazam vers d’autres systèmes de reconnaissances, lui permet d’étendre ses sources de revenus. L’application déclare toucher en moyenne 300 millions de dollars par an, uniquement grâce aux référencements.

Dès 2011, le modèle économique de Shazam intègre de la publicité au sein même de son interface. Ainsi, deux versions sont développées : une version payante à 3,49 euros sans publicité, et une version freemium gratuite avec de la publicité. Aujourd’hui, les revenus de Shazam proviennent en grande partie des investissements publicitaires et l’application a déjà participé à plus de 450 campagnes. En effet, pour lancer une campagne publicitaire sur Shazam, les annonceurs déboursent entre 75 000 dollars et 200 000 dollars. Chaque campagne est alors mise en place pour une durée moyenne de deux mois.

En 2014 le lancement de Shazam Resonate a considérablement augmenté les opportunités publicitaires de l’application : Au-delà de la publicité présente sur l’interface Shazam devient un puissant outil publicitaire. Ainsi, les partenariats publicitaires sont mis en place avec la plateforme en amont pour des évènements spécifiques ou des programmations. La première opération a eu lieu lors des Billboard Music Awards, gérée par Dick Clarck Productions aux Etats-Unis. Lors de cette campagne publicitaire, les spectateurs équipés de l’application Shazam pouvaient voter pour le Billboard Milestone Award présenté par Chevrolet via Shazam. Aussi, l’application re-dirigeait les utilisateurs sur une page de vote sponsorisée par Chevrolet. Dans cet exemple, on observe que ce dispositif permet à Shazam de vendre son espace publicitaire à des prix plus élevés en valorisant un ciblage de meilleure qualité que celui de la télévision traditionnelle.


Que fait Shazam de toutes ces informations sur nos goûts musicaux ?

 

Bien souvent l’application, par son caractère universel, permet de prédire les succès de demain. L’application communique peu sur ces liens avec les maisons de disque mais il est probable qu’ils soient étroits. L’application met également les musiques les plus shazamées, par pays ou par genre, à disposition des marques qui s’acquittent d’un abonnement.


Pourquoi cette acquisition est-elle stratégique pour Apple

 

L’application Shazam a toujours été liée à Apple. Le service existait avant le smartphone, mais l’application a véritablement explosé en 2007 avec le lancement de l’Iphone. En 2014 ces liens entre les deux entreprises avaient déjà été renforcé lorsque Shazam a été intégré à Siri, l’assistant vocal de Apple. L’intensité de ces liens s’est finalement concrétisé par un rachat de l’application par Apple. En effet, le 4 décembre 2017 Apple a confirmé qu’il allait racheter Shazam pour un montant de 400 millions de dollars. Que justifie un tel investissement d’Apple, quelle est la stratégie du géant?

Contrairement à Spotify l’application Apple Music ne brille pas par ses playlists. Avec Shazam, l’application de streaming pourra obtenir “plus de données sur ce que certaines catégories démographiques écoutent” et ainsi faire de meilleures propositions à ses abonnés. Ensuite, l’acquisition de Shazam par Apple sera un élément clefs au développement des objets connectés d’Apple. La technologie pourra être intégrée au AirPods ou même à l’Apple TV renforcant le caractère pervasif des objets à la pomme qui séduisent autant les consommateurs. Enfin, la diversification de Shazam dans la reconnaissance visuelle et ses aspirations en matière de réalité virtuelle ont fini de séduire le géant Apple qui souhaite faire de l’Iphone une véritable interface de réalité virtuelle.

 

Ofra Toubiana

Le programmatique, la publicité personnalisée bientôt à la télévision ?

 

Alors qu’il a déjà fait ses preuves sur le web, l’achat programmatique peine à percer sur le téléviseur. Paradoxe, alors que la télévision connectée (IpTv) est aujourd’hui, le mode de consommation majoritaire en France. Les régies publicitaires semblent saisir les enjeux du marché et lancent leurs premières offensives.

Au premier semestre de 2016, la part du programmatique représentait plus de 50 % du display selon l’Observatoire de l’e-pub du SRI. L’explosion de ce mode d’achat a d’ores et déjà su conquérir le marché publicitaire digitale. Les chaines et leur régie l’ont déjà expérimenté sur leurs plateformes numériques. Malgré son succès, le programmatique peine à percer sur d’autres marchés publicitaires, notamment sur celui de la télévision linéaire.

Cependant, avec près de 80 % de taux de pénétration dans la population française, la télévision connectée (IpTV) possède toutes les capacités techniques nécessaires pour développer l’achat programmatique en Tv. Dans une société où le consommateur est de plus sollicité par les marques, la distribution d’une publicité ciblée et personnalisée pourrait être le remède à cette surpression des messages publicitaires. Les régies publicitaires des chaines se saisissent de la question petit à petit. Les acteurs du marché cherchent, à travers de nouvelles offre innovantes liant offre programmatique et offre classique, à maximiser l’efficacité des campagnes publicitaires.

Afin d’en saisir les enjeux, il est essentiel de différencier la télévision linéaire et la télévision non linaire. La question du programmatique n’appelant pas les mêmes réponses en fonction de la manière de consommer le média Télévision.

Explosion du programmatique sur la télévision non linéaire 

Aujourd’hui, le marché du programmatique, porté par le RTB est en forte croissance ( +50% sur le display et 10% sur la vidéo – en RTB). Malgré les craintes initiales de dévalorisation des espaces publicitaires, aucune destruction de valeur n’est à déplorer. Pourquoi ? Les régies – et leurs chaines – ont su s’entourer de partenaires dont la priorité était de « premiumiser » l’achat programmatique. Les plus connus sont aujourd’hui La Place Média et Audience Square, les deux régies publicitaires programmatiques, leaders sur le marché. Ces places de marché digitale ont mis au centre de leur préoccupation le principe de « brand safety », afin de sauvegarder la valorisation des inventaires publicitaires.

Par ailleurs, les régies misent de plus en plus sur le programmatique direct plutôt que sur le programmatique pur : là où le programmatique pur permet de connaitre la catégorie de site sur lequel la publicité va être délivrée, le programmatique direct permet la connaissance du média précis de diffusion.

Les régies publicitaires se positionnent également sur la data en imposant le système du log. A l’image d’M6, qui ne donne accès au contenu d’M6 Play qu’en échange de data utilisateurs. Pour cela, l’utilisateur à pour obligation de se logger, soit via Facebook connect, soit en renseignant un certain nombre d’informations personnelles type sexe, âge et adresse mail. Cette initiative permet à la régie de développer sa data 1rst party et parallèlement séduire les annonceurs avec une audience qualifiée.

Enfin, les régies publicitaires développent des offres basées sur la data, permettant d’augmenter le ROI de leur campagne grâce à une audience qualifiée, et donc par extension, un ciblage plus précis. L’illustration parfaite est le lancement de Data One par TF1, en partenariat avec Kantar, qui se rapproche des habitudes de consommation en proposant une approche basée sur des GRP par produit – par exemple GRP Sodas ou GRP biscuits. Cette offre permet entre autre de s’adresser à des profils d’acheteurs produit – Exit la ménagère de moins de 50 ans avec enfants – mais également de détecter les décisionnaires d’achat.

Le programmatique est donc bien installé pour ce qui est de la télévision non linéaire tant pour le display que pour la vidéo. Le nouveau challenge pour les régies et acteurs du programmatique d’adapter ce mode d’achat à la télévision linéaire.

La puissance du téléviseur …

La télévision est et reste le média de masse par excellence, idéal pour valoriser son image de marque ou pour les lancements produits. Il permet de toucher la plus large audience de manière efficace et économique, malgré son coût d’entrée élevé. Après l’avoir désertée pendant un temps, les annonceurs reviennent vers le petit écran progressivement.

Malgré tout, la télévision, a dû faire face à une dévalorisation de son inventaire publicitaire. La cause principale réside dans la fragmentation de l’audience, elle-même due à une multiplication de l’offre. Une note une dévalorisation de 37% entre 1993 et 2016. De plus, le temps accordé à la publicité par heure est passé de 9 minutes à 6 minutes depuis 2009. Certains acteurs du marché souhaiteraient remonter ce temps publicitaire à 12 minutes. Cependant, la surpression publicitaire à la télévision (à l’image des USA par exemple) serait une erreur à ne pas commettre, dans une société où le « ras le bol » publicitaire est déjà virulent.

… boosté par le programmatique

La télévision connecté (IpTv), représente aujourd’hui près de 80 % des téléviseurs en France. La technologie est donc là et permettrait la mise en place du mode d’achat programmatique – techniquement parlant. Avec la fragmentation des audiences, les régies ont intérêt à conserver et augmenter la valeur de leurs inventaires publicitaires. Pour cela, la data collectée par les FAI via les boxes (et donc les téléviseurs connectés) est une vraie mine d’or. Les régies lancent d’ailleurs des offres programmatiques allant dans ce sens.
Tout d’abord, l’exemple de TF1 avec son offre One Data, fondée sur une collaboration avec les FAI permettant d’enrichir la data de l’IpTV, apportant une data comportementale, sur les goûts et les manières de consommer des téléspectateurs.

Canal + Régie est à l’initiative du projet ALLADIN (All Ad In). La régie du groupe Canal a voulu réunir toutes les régies publicitaires françaises autour de ce projet plaçant la programmatique au centre des problématiques de rentabilité publicitaire. L’objectif principal de ce consortium est de constituer une large base de données qualifiées, réelle monnaie d’échange unique face au traditionnel Médiamat. La data segmentée « traditionnelles » sera donc couplée avec une approche dite plus « reach ». Autrement dit c’est le rapprochement entre la puissance de frappe de la télévision traditionnelle et le ciblage précis, aujourd’hui possible sur le web.

Cette innovation structurelle du marché est indéniablement en marche. Cette méthode programmatique remplacera-t-elle à terme les méthodes de vente traditionnelle ? Rien n’est moins sûr. En effet, les acteurs du marché imaginent, pour le moment, une solution de complémentarité entre les deux approches. Par ailleurs, les contraintes de la programmatique sur le web ne sont pas les mêmes que sur la télévision. Inconcevable par exemple, d’imaginer un écran noir en cas de non vente d’un espace publicitaire. La mise en vente d’espace publicitaire en temps réel n’est donc pas pour tout de suite.

Il existe sur la média Télé, une barrière législative concernant l’interdiction de la segmentation des messages publicitaires (à l’exception de France 3 régions).

Enfin, imaginons que ce système se révèle efficace et soit mis en place. La question de la propriété des revenus publicitaires devient légitime dans ce marché de plus en plus intermédié. On risque une guerre de pouvoir entre les régies, les agences et les nouveaux arrivant sur le marché, détenteurs de la data qualifiée : les FAI.

 

Alexandra Douffiagues

Plateformisation des médias : nouveaux défis pour les éditeurs

Une page se tourne dans l’histoire mouvementée des médias à l’ère numérique. Les médias traversent actuellement une période de changement drastique, symptomatique de la révolution du mobile. En moins de cinq ans, la migration des audiences sur le mobile a renversé le rapport de force entre les éditeurs et les plateformes sociales qui distribuent leurs contenus. Désigné par le terme anglais « distributed content », l’expression française est encore plus parlante : la transformation des médias trouve sa suite dans la « plateformisation » des contenus, phénomène selon lequel le succès d’une marque média dépend de sa capacité à distribuer habilement ses contenus hors de son site, sur une multiplicité de plateformes. Les plateformes dont il est question sont bien connues : il s’agit principalement de réseaux sociaux comme Facebook, Snapchat, Instagram, Twitter ou Periscope, d’applications de curation de contenu comme Apple News ou Flipboard, d’applications de messagerie (Viber ou Wechat par exemple) ou de solutions d’intégration de vidéos. Des médias tels que MinuteBuzz en France ou NowThis aux États-Unis capitalisent sur les nouveaux usages en distribuant 100% de leurs contenus via une trentaine de plateformes fédératrices d’une audience mondiale, sur lesquelles nous passons une partie considérable de notre temps. Chacun de ces nouveaux canaux de distribution met en place des technologies pour conserver cette large audience dans son environnement applicatif, au détriment des sites web des éditeurs de contenus. Un tour de passe-passe qui plonge les médias dans une ère où le site web n’est désormais plus le centre de gravité d’une marque média. Quel impact sur l’industrie de contenus ?

Une audience mouvante rendue captive par les plateformes sociales

L’argument principal des réseaux sociaux tient en deux mots : « user first ». Une expérience de lecture optimisée pour le mobile, un temps de chargement significativement réduit, des formats publicitaires maîtrisés et parfaitement intégrés, telle est la logique invoquée par les plateformes sociales pour justifier la mise en place de leurs outils à destination des éditeurs de contenus. De plus, ce mode de consommation est assez naturel, étant donné que les utilisateurs passent déjà une grande partie de leurs temps sur ces plateformes. L’intégration directe des contenus ne fait qu’uniformiser l’expérience. Aux articles, on préfère désormais des formats vidéo courts, basés sur l’émotion, propices à la consommation sur les réseaux sociaux. Les formats live et les productions originales se multiplient également. Ces formats intégrés au sein même des plateformes pourraient devenir une norme pour les médias : Facebook a mis au point les Instant Articles pour permettre aux éditeurs d’héberger leurs contenus directement sur le réseau social, et leur promettant de distribuer leurs contenus là où l’audience se trouve. Snapchat avec Discover, touchant la cible si convoitée des 15-34 ans, distribue les contenus des médias

sélectionnés au sein de sa plateforme, sous des formats repensés pour le réseau social. Google est également dans la course, en développant AMP (Accelerated Mobile Pages), un format allégé, qui à défaut d’être une plateforme sociale, devient un standard à adopter par les éditeurs pour figurer en bonne position sur les résultats de recherche via Google. On pourrait citer encore beaucoup d’autres exemples illustrant ce phénomène de désintermédiation entre marques médias et utilisateurs. En s’appuyant sur leurs audiences colossales pour convaincre les éditeurs, et en proposant aux mobinautes de consulter des contenus dans les meilleures conditions possibles sans être redirigés sur les sites des médias, les plateformes sociales réussissent progressivement à s’accaparer une partie de l’activité de distribution des contenus, et à rendre captive une audience réputée pour sa volatilité et son insubordination.

La question de la monétisation : vers la dépendance économique des médias ?

Le phénomène de plateformisation a ses conséquences : les éditeurs, privés d’une part importante du trafic sur leur sites web, deviennent rapidement le « maillon faible » dans la chaîne de valeur des médias numériques. En effet, qui dit perte de trafic dit perte de valeur aux yeux des annonceurs, entraînant la fragilisation de leur modèle économique reposant pour la grande majorité sur la publicité.

Et les régies des médias dans tout cela ? Elles sont peu à peu supplantées par celles des réseaux sociaux, qui sans les contraindre, les incitent fortement à passer par elles pour une optimisation et une intégration des formats synonymes de meilleures performances. Cela signifie néanmoins, de leur céder un pourcentage variable des recettes publicitaires. Les médias perdent donc progressivement la main sur leur audience, et sur la valeur économique qui leur est associée. Rappelons que Google et Facebook captent plus de 54% des recettes publicitaires mondiales selon les dernières estimations. La conquête de nouveaux lecteurs passe-t-elle donc nécessairement par la dépendance économique envers ces titans du digital ? Souffrant déjà du phénomène des adblockers, l’industrie des contenus en ligne peut aujourd’hui difficilement se passer de l’exposition que leur offre ces gigantesques canaux de distribution.

L’enjeu de la mesure

Une des difficultés majeures à l’ère de la plateformisation des médias est de récolter, traiter et analyser une quantité de mesures différentes provenant de plateformes différentes aux audiences différentes. Passée la première étape de récupération des données via les API des canaux de distribution, comment les analyser sans mesure commune ? Cette dispersion de la data sur des plateformes ayant souvent des définitions différentes d’un même indicateur implique de considérer la mesure de la performance autrement : moins se concentrer sur un total de vues quand on sait qu’une vue peut être comptabilisée à 3 secondes chez les uns et à 1 seconde chez les autres, et se focaliser davantage sur la couverture totale, l’interaction et le fait de toucher à chaque fois de nouveaux utilisateurs. À cela s’ajoute des rapports de mesure d’audience fournis moins régulièrement que par des instances tierces comme Médiamétrie. MinuteBuzz, le premier média européen à avoir opéré sa transformation en média 100% plateformes sociales et 100% vidéo, a suspendu son abonnement chez Médiamétrie et fonctionne désormais sans leur rapport quotidien. Le média ne raisonne donc plus en visites uniques mais en nombre de vidéos vues et en taux de complétion. Néanmoins, ce manque de standard de mesure sur toutes les plateformes complexifie les modèles d’attribution, et a donc un impact sur la monétisation.

La plateformisation des contenus, un phénomène ne pouvant plus être ignoré

Certes, l’adaptation à cette perte de contrôle sera douloureuse pour les entreprises qui ne repenseront pas rapidement leur business model dans le sens d’une distribution multi- plateformes. Mais comme lors de toute transformation de l’industrie, un temps de latence est nécessaire pour définir clairement les règles du jeu, notamment en termes de mesure, d’attribution et de monétisation. Enfin, toute transition de l’industrie offre des opportunités à saisir. Les médias pourront miser sur les options de ciblage toujours plus fines offertes par leurs hébergeurs pour augmenter leur notoriété, repenser une stratégie de contenu adaptée à chacune des plateformes, et redéfinir le rôle de leur site web, avant d’obtenir des réponses aux nombreuses questions qui se posent. D’ici là, l’Internet ne cessera pas de changer de visage.

 

Mariana Durandard
@Mariana_Drd

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