Les chatbots : analyse de ce phénomène

Nous voyons de plus en plus dans notre univers digital l’arrivée des chatbots. Ces technologies se retrouvent à différents endroits, et dans différents domaines. Que ce soit dans l’e-commerce, dans le tourisme, dans le recrutement, dans les médias ou même dans le dating les chatbots prennent de plus en plus de place, avec pour objectif de « réinventer l’expérience client ».

Regardons d’un peu plus près cette tendance pour mieux la comprendre.

Dans sa définition la plus simple, un chatbot n’est rien d’autre qu’un programme informatique qui automatise certaines tâches, généralement en discutant avec un utilisateur via une interface de conversation. Cette interface de conversation peut être un réseau social, une application, ou bien un site d’e-commerce par exemple.

Pour pouvoir avoir une meilleure compréhension du phénomène des chatbots, il est important de comprendre certaines différences entre les chatbots. En effet, il existe deux sortes de chatbots : les stateless et les statefull. Les chatbots stateless reçoivent chaque interaction comme s’il s’agissait d’une nouvelle interaction avec un nouvel utilisateur. L’information n’est donc pas enregistrée, mais la technologie est plus simple à développer car elle n’implique pas de gestion de l’information et de connexion à cette information.

Les chatbots statefull, eux, enregistrent les interactions passées, et réutilisent ainsi les informations dans le cadre de prochaines conversations.

Les robots les plus avancés sont donc les statefull. Ils peuvent utiliser l’intelligence artificielle, ce qui l’aide à comprendre les requêtes complexes, à personnaliser les réponses et à améliorer les interactions au fil du temps.

Lorsque l’on parle de l’utilisation d’intelligence artificielle, il s’agit donc de technologies qui vont aider au développement de chatbots statefull.

Les chatbots rentrent dans la catégorie de services des CaaP, pour Conversations as a plateform.

On retrouve une des premières formes de chatbot à travers le programme informatique Eliza. Ce programme, développé par Joseph Weizenbaum entre 1964 et 1966, simule la conversation entre un psychothérapeute qui pose des questions à un patient. Cette date est souvent utilisée pour marquer le début des travaux sur le développement des chatbots.

Nous pourrions cependant remonter plus tôt dans l’histoire, 14 ans auparavant plus précisément, avec les travaux d’Alan Turing. Ce mathématicien de génie a publié en 1950 une série d’articles, avec le fameux « Computer Machinery and Intelligence » qui pose les débuts de la réflexion sur l’intelligence artificielle par la même occasion sur le fonctionnement des chatbots.

Pour mieux comprendre l’intérêt d’un chatbot, il faut se revenir aux sources de son développement. Pourquoi ces technologies ont-elles été développées ? Dans une inflation de la publicité digitale, les utilisateurs se retrouvent fatigués de tous ces messages publicitaires. Ces publicités sont tellement mal proposées, mal disposées qu’elles arrivent à perturber l’expérience de l’utilisateur, voir à provoquer une forme d’exaspération. C’est pourquoi les entreprises doivent réinventer l’expérience utilisateur, et développer de nouveaux leviers d’attraction.

Le chatbot présente un aspect central : sa dimension conversationnelle. Créer une conversation permet d’avoir une expérience bien plus riche et naturelle. Cette discussion permet aussi de générer un meilleur bouche-à-oreille et de mieux fidéliser le visiteur. Des études montrent qu’un visiteur ayant réalisé un achat pour la première fois sur un site d’e-commerce à 2,5 fois plus de chances de réaliser un autre achat dans les 3 mois s’il a échangé avec un représentant de la marque, le chatbot pouvant être le futur « représentant automatique » des marques. C’est pourquoi souvent les chatbots sont personnifiés, on donne un nom (et parfois un certain style de rédaction) aux chatbots, le tout pour essayer de créer au mieux cette sensation d’échange. On peut citer par exemple Lara, le chatbot développé par Meetic sur Facebook Messenger.

Il ne faut pas oublier que le chatbot permet aussi de créer cet échange entre l’utilisateur et la marque à travers un processus automatisé. Cela permet aux entreprises de ne pas avoir une personne derrière l’écran. On estime que d’ici 2020 85% des interactions clients seraient dispensées d’humains.

Différents arguments permettent d’attester du potentiel des chatbots. Il est tout d’abord important de revenir au développement de cette technologie. Les méthodes changent, et la philosophie du fonctionnement de la technologie a été bouleversée. Les développeurs ne comptent plus uniquement sur des mots-clés pour bâtir une réponse, mais ils exploitent maintenant de complexes schémas d’analyse du langage pour s’améliorer au fur et à mesure de l’utilisation. Cette nouvelle façon de faire permet également le développement de techniques pour mieux récolter, analyser et prédire les comportements des utilisateurs par de l’Intelligence artificielle.  

Il faut lier à ce progrès technologique un plus grand nombre de données présentes. En effet, avec la croissance du nombre d’internautes et de mobiles, il existe un plus grand nombre d’informations à traiter.

Le Big Data est de plus en plus puissant, ceci aide donc le développement des chatbots par un plus grand nombre d’informations à utiliser.

Mais cette croissance du nombre d’internautes et de mobiles montre aussi que le « terrain de jeu » des chatbots tend à croitre continuellement. Que ce soit sur des sites web, sur des plateformes d’e-commerce, dans des applications ou encore sur les réseaux sociaux, les chatbots trouvent de plus en plus de place, avec de plus en plus de potentiels utilisateurs.

Malgré ces différents arguments qui montrent le potentiel des chatbots, il persiste des menaces qui pourraient mettre à mal le développement de ceux-ci.

Les chatbots voient enfin d’autres formes de technologies venir les concurrencer. La principale menace concerne les assistants personnels. Ceux-ci permettent de disposer d’une technologie similaire aux chatbots (et même plus puissante), avec un coté interactif plus puissant grâce à l’échange vocal.

Lorsque l’on étudie l’histoire du développement de l’intelligence artificielle, on remarque que l’IA a connu deux périodes de faible développements appelés hivers de l’IA, respectivement entre 1974 et 1980, puis entre 1987 et 1993. On a connu un faible développement de l’IA du fait d’un trop gros optimisme et de trop importantes attentes de l’opinion publique, des chercheurs et des entreprises. Nous avons précédemment vu qu’il existe une corrélation entre le développement de l’IA et des chatbots. L’agitation qui s’exerce ces derniers temps autour de l’IA crée un risque de nouvel hiver de l’IA, et donc par ricochet un potentiel nouvel « hiver du chatbot ».

Enfin, du fait des effets de réseaux, on assiste à une concentration de l’utilisation des applications de messageries. Les utilisateurs utilisent peu d’applications, la consommation se concentre autour de quelques grands acteurs (on pense à WeChat, Facebook Messenger, Instagram, …).

Ces grands groupes qui possèdent ces applications de messageries pourraient, à long terme, proposer eux même des services à travers des chatbots. Ces entreprises par leur taille, disposent de ressources qui leur permettent de se développer sur les chatbots de façon bien plus importante. De plus, étant donné qu’un grand nombre de ces chatbots passent par ces applications de messageries, se pose la question de la gestion des données.

Ceci pourrait poser problème pour les acteurs actuels et ainsi brider le développement de l’écosystème des chatbots.

Talel Habachi

Sources

L. Theodore et B. Blanquier, Digital Marketing 2018. Electronic Business Group.

D. Sanz, « Qu’est-ce qu’un chatbot ? », Le figaro.fr / Tech & Web, juin 2017

D. Feldman « Chatbots : What Happened ? », Medium, avril 2018

IFOP et Impact AI, « Percentage of French having already chatted with a virtual assistant in 2018, broken down by age group ».

Statista, « Social network usage in France »

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