Les rappels de produits – Un retour en arrière systématique ?

Findus – Très à cheval sur la provenance de ses ingrédients ? 

En janvier 2013, en Irlande et au Royaume-Uni, des tests réalisés sur des produits surgelés à base de bœuf produites par la marque Findus révèlent la présence de viande de cheval non déclarée. Le scandale explose et très vite des tests réalisés partout en Europe révèlent la même chose. Findus se voit obligé de procéder à des rappels massifs de produits. Assez vite, l’entreprise se tourne vers ses sous-traitants afin de comprendre l’origine de l’erreur et porte plainte contre ces derniers. Le sous-traitant Comigel met en cause le sous-traitant Spanghero qui accuse elle-même son fournisseur roumain. À la suite de l’enquête, Spanghero sera placée sous liquidation judiciaire, en effet, il est prouvé que les dirigeants de Spanghero étaient au courant de la présence de cheval dans la viande. Depuis, l’ex-directeur de l’entreprise a été condamné à six mois de prison ferme pour son rôle dans l’affaire.

Ce scandale reste l’un des plus scandales de l’industrie agroalimentaire les plus marquants du début de ce 21èmesiècle. Son aspect sulfureux y joue grandement. Lors de cette crise médiatique, les réseaux sociaux ont joué un rôle prépondérant dans la diffusion rapide des informations, tout en agissant à la fois comme un outil d’alerte immédiate mais aussi un catalyseur de réactions en chaîne parmi les consommateurs. Le rôle des réseaux sociaux lors des rappels de produit apparait alors comme un enjeu majeur. Est-ce que les rappels de produits sont toujours un problème si la crise est bien gérée grâce aux réseaux sociaux et de quelle manière les réseaux sociaux sont utilisés pour gérer la perception publique et engager les consommateurs durant une crise.

Le rôle des réseaux sociaux dans les rappels de produits 

Il est possible de parler de rappel de produit dès lors qu’une marque organise le retour d’un produit sur son lieu de production alors que certains exemplaires de ce produit sont déjà entre les mains des consommateurs. L’enjeu de ce type de situation repose sur la rapidité. En effet, si le produit n’est pas conforme, il présente un risque, l’enjeu est d’en informer le plus rapidement les consommateurs afin de limiter les dégâts et les risques sur ces derniers. Le temps est donc l’enjeu principal. Ce qui est intéressant avec les réseaux sociaux c’est qu’étant donné leur nature, ils ont la capacité de jouer ce rôle grâce à leurs capacités de diffusion massive et immédiate de l’information. En d’autres termes, grâce à leur viralité. 

Les rappels de produits sont inévitables, notamment dans l’industrie agro-alimentaire. En effet, le risque zéro étant inexistant malgré les avancées technologiques les rappels de produits sont fréquents. Les réseaux sociaux sont utilisés comme relais d’alertes de produits dangereux comme en témoigne le compte X (anciennement Twitter) @RappelConso, Twitter officiel de la République Française. Ainsi, les réseaux sociaux sont un vaisseau important des rappels de produits, notamment les réseaux qui ont une portée informationnelle, comme X (anciennement Twitter) qui est considéré comme une plateforme de micro-blogging. 

Néanmoins, tous les rappels de produits ne sont pas à l’origine d’une crise médiatique. En effet, les rappels de produits sont fréquents mais tous ne déclenchent pas de scandale. Ainsi quand nous pensons à de récents scandales alimentaires, nous pensons aux pizzas de la marque Buitoni qui ont tué deux enfants début 2022 à cause d’une contamination de bactéries mais peu d’entre nous aurons en tête le rappel de produit du Fromage de Bergues pour présence de listeria monocytogènes.

Quand la gestion de la crise galope vers le chaos 

Au début de sa crise médiatique Findus opte pour une stratégie opaque, peu d’informations sont fournies et cela laisse place à des dérives. Ainsi au début du mois de février 2013 le compte @Findus_France est créé sur X (appelé Twitter à l’époque). Dans un premier temps, une communication plutôt rassurante y est menée. Les tweets indiquent que des contrôles sur les matières premières sont menés et des engagements sont faits sur la qualité et la traçabilité des produits. Très vite, le contenu des tweets change drastiquement et menace les comptes Twitter de particuliers. Les tweets prennent alors tous la même forme « @xxx retirer ce contenu illicite sous peine de poursuites judiciaires. ». Le compte sera rapidement suspendu après une plainte de la part de Findus indiquant qu’ils ne sont pas à l’origine de la création de ce compte. Néanmoins, si cette situation a eu lieu c’est bien car la marque Findus n’a pas communiqué lors de ce début de crise, est restée floue et n’a pas investi tous les réseaux sociaux. L’e-réputation de la marque en prend un coup. 

L’enjeu de l’e-réputation

L’e-réputation se définit comme l’opinion commune sur le Web d’une marque. L’e-réputation est l’identité de la marque telle qu’elle est perçue par les internautes.  

Très vite, ayant compris l’importance de l’e-réputation sur les réseaux sociaux, Findus embauche une société spécialisée dans l’e-réputation, Reputation Squad et procède à un « nettoyage du web ». En effet, la page Wikipédia de la marque est modifiée, la page officielle Facebook est vidée. Cependant, ce type de communication n’est pas forcément plus efficace. Ne pas mentionner le scandale et chercher à l’effacer ont souvent l’effet totalement inverse.  Ce concept est assez connu et porte un nom et c’est l’effet Streinsan. C’est l’idée qu’essayer à tout prix d’interdire la circulation d’une information ne fait qu’apporter de l’attention et la visibilité sur cette dernière. Ainsi, à l’inverse de ce qui peut parfois sembler logique, communiquer de manière claire sur un scandale permet de diminuer son ampleur. En effet, en l’absence de spéculation, quand la situation est assumée et transparente, cela affaiblit la viralité d’un évènement.

Une communication loin d’être glaciale

Nous pouvons comparer la gestion de cette crise médiatique avec cella de Blue Belle Ice Cream qui a été détaillée par Kelsi Opat, Haley Magness et Erica Irlbeck. En 2015, toutes les crèmes glacées de cette marque sont rappelées à cause d’une contamination à la bactérie listeria. La réaction immédiate de la marque est différente de celle de Findus. En effet, dès le début la marque poste sur son compte Facebook des messages contenant des informations sur le rappel et le réapprovisionnement des produits. 

Ces messages à destination des consommateurs mais également des consommateurs potentiels ont créé un sentiment de confiance et de transparence vis-à-vis de la marque. Ainsi, en assumant l’entière responsabilité du problème, Blue Bell Ice Creal créé un sentiment de loyauté et de responsabilité. À l’inverse, la réaction initiale de Findus a été de rejeter la faute sur ses fournisseurs au lieu de prendre tout de suite ses responsabilités. Ce type d’action créé une perte de confiance. 

Nous pouvons dès lors supposer qu’à la différence de Findus, Blue Bell Ice Cream avait une ligne éditoriale claire en cas de rappels de produits et ou de scandale médiatique. Le cas de Blue Bell Ice Cream est encore plus intéressant car la marque a profité de cette crise médiatique pour se rapprocher de ses consommateurs en répondant à leurs questions et en mettant en avant ses employés. Cette stratégie a payé, ainsi en 2016, la marque procède à un rappel de produit spontané, c’est-à-dire un rappel de produit sans que le danger ait été avéré, sur la base d’un danger potentiel. La marque communique cette information sur Facebook qui est accueillie chaleureusement par ses consommateurs comme l’en témoignent les images ci-dessous. 

Ainsi, un rappel de produit n’est pas une fin en soi pour une entreprise, cela peut même être l’occasion pour une marque de développer une image de marque responsable, transparente et engagée. Ainsi même si plus d’une dizaine d’années après le scandale médiatique pour Findus, l’entreprise continue de prospérer, la crise médiatique de la viande de cheval n’a pas été correctement gérée et aurait pu l’être si Findus avait anticipé ce risque potentiel.  

Ce qu’il est important de retenir c’est qu’un rappel de produit peut arriver à n’importe quelle marque et qu’il est important de créer une ligne éditoriale sur les réseaux sociaux claire en amont. Le but étant de pouvoir réagir le plus vite possible et au mieux tout en étant honnête et transparent. 

Chloé Bordenave


 

« Community Notes » sur Twitter : un outil efficace contre les fausses informations ?

En octobre 2023, suite à l’attaque du Hamas contre Israël, la Commission européenne, ainsi que l’Arcom, a adressé un avertissement à la plateforme de réseaux sociaux Twitter, désormais connue sous le nom de X. L’intervention des autorités visait à modérer la diffusion de contenu inapproprié lié à cet événement, incluant de nombreuses vidéos, images et informations fallacieuses. La mise en garde de la Commission européenne et de l’Arcom à l’encontre de X, s’inscrit dans une continuité réglementaire. En effet, cette intervention n’était pas la première du genre. Déjà en octobre 2022, peu après le rachat de la plateforme par Elon Musk, l’Arcom avait rappelé à X ses obligations légales concernant la modération des contenus en ligne. Ces rappels successifs soulignent l’attention accrue des autorités régulatrices sur les pratiques de modération des réseaux sociaux, particulièrement dans le contexte de gestion des crises et de la désinformation.

La lutte contre la désinformation s’intensifie, confronté à des obstacles majeurs tels que la prolifération rapide de nouveaux contenus et la difficulté à discerner le vrai du faux. Cet enjeu, qui doit aussi ménager un équilibre délicat entre la liberté d’expression et la nécessité de limiter la propagation de contenus illicites ou préjudiciables, pousse les plateformes à innover dans leurs approches. En réponse à cette complexité croissante, plusieurs d’entre elles ont récemment adopté des stratégies de modération participative, invitant les utilisateurs à jouer un rôle actif en signalant les publications susceptibles de transgresser leurs règles. L’une des méthodes de modération les plus notables est celle mise en œuvre par la plateforme X : les Notes de la communauté. Initialement testée aux États-Unis en 2021, cette approche a été adoptée à grande échelle à l’international suite à l’acquisition de la plateforme par Elon Musk.

Qu’est qu’une note de communauté et comment cela fonctionne ?

Les notes de communauté sur Twitter (X), un outil novateur de modération participative, visent à lutter contre la désinformation en permettant aux utilisateurs de la plateforme de contribuer à la vérification des faits. Ce système fonctionne grâce à l’engagement collaboratif des membres de Twitter (X), qui peuvent apposer des annotations sur les tweets qu’ils jugent trompeurs ou inexacts. Ces notes sont ensuite visibles par tous, offrant un contexte additionnel qui aide les autres utilisateurs à mieux interpréter les publications.

Le fonctionnement est relativement simple : une fois qu’un tweet est signalé, il est examiné par des contributeurs qui évaluent son exactitude. Si une note est approuvée par suffisamment de vérificateurs, elle est publiée sur le tweet en question, offrant ainsi une forme de validation ou de correction publique. Cette méthode vise non seulement à décourager la diffusion de fausses informations, mais aussi à encourager une culture de la transparence et de la responsabilité parmi les utilisateurs.

L’impact de ces notes se manifeste particulièrement dans les domaines sensibles comme la politique et la publicité. Par exemple, lorsqu’un politicien prétend à tort que les écoles françaises ont historiquement exigé le port de l’uniforme, une note basée sur des sources fiables, telles que des articles de presse vérifiés, peut corriger cette affirmation. De même, dans le cas des conditions d’utilisation d’un réseau social, les notes peuvent clarifier des malentendus courants en s’appuyant sur des documents officiels ou des archives web pour démontrer que certaines pratiques, comme l’utilisation des contenus des utilisateurs, étaient déjà en place bien avant leur mention récente.

Les publicités ne sont pas épargnées par cette vérification ; des notes ciblent souvent des annonces prétendant des bénéfices exagérés ou pratiquant le « dropshipping » sans transparence. Ces interventions permettent de protéger les consommateurs contre des pratiques commerciales douteuses, en exposant la réalité derrière des offres trop alléchantes pour être vraies.

Parfois, le zèle des contributeurs peut mener à ce que certains considèrent comme du « pinaillage » — des corrections de détails minuscules qui, bien que techniquement corrects, peuvent sembler excessifs. Cependant, même ces interventions minimes jouent un rôle dans l’élaboration d’un discours en ligne plus précis et mesuré, reflétant la mission de la plateforme d’encourager une communication honnête et informée.

Des limites à considérer…

Les Notes de la communauté de Twitter (X), bien qu’efficaces dans la lutte contre la désinformation, rencontrent cependant des limites inhérentes à leur popularité et à leur mode de fonctionnement. Prévues pour enrichir le débat public par des corrections et des clarifications, ces notes sont parfois victimes de leur propre succès. En effet, leur usage excessif tend à diluer leur impact, transformant potentiellement un outil de vérification en un moyen de surinformation.

Un autre problème réside dans leur structure même : rédigées et évaluées par les utilisateurs via un système de votes, les Notes de la communauté peuvent être manipulées par des groupes organisés. Ces derniers, agissant de concert, peuvent influencer la visibilité des corrections, en promouvant ou en supprimant des notes selon leurs intérêts, qu’ils soient politiques ou autres. Cette dynamique peut compromettre l’objectivité et la neutralité des informations, permettant à certaines vérités factuelles de se retrouver injustement écartées ou à des narratifs biaisés de prévaloir.

Les notes de la communauté de Twitter (X) sont-elles efficaces ?

Dans une étude récente, des chercheurs de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de HEC Paris ont examiné l’efficacité des Notes de la communauté de Twitter (X),. L’objectif était de déterminer si ajouter des annotations contextuelles à des tweets potentiellement trompeurs pourrait réduire leur viralité.

L’analyse s’appuie sur une base de données de quelque 285 000 notes collectées via le programme de Notes de la communauté de Twitter (X). Les résultats montrent une réduction notable de la diffusion des tweets annotés. Concrètement, la présence d’une note diminue de presque 50% le nombre de retweets. De plus, les tweets avec notes ont 80% plus de chances d’être supprimés par leurs auteurs, un indicateur que les utilisateurs reconsidèrent peut-être le contenu partagé en présence de contexte supplémentaire.

Cependant, l’étude révèle aussi une limitation majeure : l’efficacité des notes est fortement dépendante de leur rapidité de publication. Avec un délai moyen de 15 heures avant qu’une note ne soit publiée, la plupart des tweets atteignent déjà une large audience avant que l’intervention n’ait lieu, ce qui limite l’impact global du programme.

Face à ces constatations, les chercheurs recommandent une mise en œuvre plus rapide des notes pour améliorer leur efficacité. Ils soulignent que, bien que la modération de contenu pilotée par la communauté montre un potentiel certain, sa capacité à contrer efficacement la propagation de fausses informations est entravée par les retards dans l’application des annotations.

Cette étude vient enrichir le débat sur les stratégies de modération de contenu sur les réseaux sociaux, en démontrant l’importance de la rapidité et de la précision dans les interventions visant à réduire la diffusion de l’information trompeuse. Les résultats encouragent d’autres plateformes à envisager des approches similaires, tout en soulignant la nécessité d’améliorations technologiques et organisationnelles pour maximiser leur impact.

Quel avenir pour ces Notes de la communauté ?

En matière de régulation et d’impact sociétal, les Notes de communauté émergent comme un modèle potentiel pour d’autres plateformes désireuses de responsabiliser leurs utilisateurs dans le combat contre la désinformation. Ce système de modération participative pourrait bien servir de référence pour les législateurs et les organismes de régulation, à l’heure où s’esquissent de nouvelles législations sur la gestion des contenus numériques tels que le Digital Service Act. L’efficacité croissante de cette méthode, sous réserve de certaines améliorations essentielles, la positionne comme un futur standard industriel susceptible d’améliorer la transparence et l’intégrité des informations partagées sur les réseaux sociaux. Malgré les défis présents, l’évolution des Notes Communautaires pourrait marquer un tournant dans les pratiques de modération en ligne, s’inscrivant dans une démarche collective vers des espaces numériques plus fiables et véridiques.

Si Hao Li

Bibliographie et sitographie

https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/sur-twitter-x-une-montee-de-la-desinformation-depuis-lattaque-du-hamas-1986245

https://www.radiofrance.fr/franceinter/avec-les-notes-de-communaute-twitter-x-marche-sur-les-pas-de-wikipedia-8574656

https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/vrai-ou-faux-les-community-notes-du-reseau-social-x-luttent-elles-efficacement-contre-la-desinformation_6051188.html

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/veille-sanitaire/veille-sanitaire-du-jeudi-31-aout-2023-8788843

https://www.bloomberg.com/graphics/2023-israel-hamas-war-misinformation-twitter-community-notes

https://theconversation.com/les-utilisateurs-de-x-doivent-lutter-seuls-contre-la-desinformation-qui-y-sevit-216779

Casilli, A. A. (2019). En attendant les robots-Enquête sur le travail du clic. Média Diffusion.

Chuai, Y., Tian, H., Pröllochs, N., & Lenzini, G. (2023). The Roll-Out of Community Notes Did Not Reduce Engagement With Misinformation on Twitter. arXiv preprint arXiv:2307.07960.

Renault, T., Amariles, D. R., & Troussel, A. (2024). Collaboratively adding context to social media posts reduces the sharing of false news. arXiv preprint arXiv:2404.02803.

Boeing, une communication qui bat de l’aile

Depuis le début de l’année, Boeing traverse une crise sans précédent suite aux incidents qu’ont subi un de ses modèles d’avion commercial, amplifiée par les réseaux sociaux. Retour sur la stratégie de communication de l’avionneur, qui doit faire face à des conséquences économiques lourdes et une réputation difficile à restaurer.

Photo prise par un internaute lors du vol de l’Alaska Airlines entre Portland et Ontario

L’image a fait le tour des réseaux sociaux : le 5 janvier dernier, lors d’un vol de l’Alaska Airlines reliant Portland et Ontario, une porte s’est détachée de la carlingue de l’avion, provoquant la dépressurisation de l’avion et la panique des passagers. Le modèle d’avion concerné, un Boeing 737 Max 9, n’en est cependant pas à sa première défaillance. En effet, on recensait déjà des incidents avec ce même modèle depuis plusieurs années, dont notamment deux crashs en 2018 et 2019, faisant près de 350 morts.

Un déjà-vu communicationnel qui ne porte pas ses fruits

Face aux images qui se sont diffusées très rapidement sur les réseaux sociaux, Boeing a dû entrer en gestion de crise, et actionner plusieurs leviers de communication. Chacun des réseaux sociaux de l’entreprise a été mobilisé de manière différente, et force est de constater que les modes de communication ont été particulièrement disparates.

C’est sur X (anciennement Twitter) que la réaction a été la plus rapide : la compagnie a pu informer ses clients en temps réel sur la situation, et rendre compte de ses actions.

Boeing a radicalement adapté sa communication habituelle, adoptant un ton formel et partageant régulièrement communiqués de presse et mises à jour sur les enquêtes en cours ainsi que les différents remaniements organisationnels. Toutefois, cette stratégie communicationnelle du direct et de la transparence n’a pas été adoptée sur tous les médias sociaux de Boeing. Sur Facebook par exemple, où l’entreprise a un rythme de publication plus élevé et met en avant des contenus plus authentiques et personnels, la réaction a été bien différente. Boeing n’a pas mis en pause sa stratégie de communication habituelle, et a continué à publier sur l’ensemble de ses activités. Seulement les premières mises à jour concernant la crise ont été relayées, contrairement aux communiqués de presse qui se sont vus oubliés.  

C’est finalement sur Instagram que la communication de crise a été la plus légère. Aucune publication au lendemain des évènements, Boeing a attendu plusieurs mois pour mettre en avant sa nouvelle politique de contrôle qualité renforcé.

Dans un monde interconnecté, ces différences de transparence n’ont pas été suffisantes pour effacer et limiter la viralité de la crise sur certains réseaux : les commentaires des internautes restent les mêmes, et demandent tous à Boeing de rendre des comptes sur les différentes affaires en cours. Une stratégie de communication de crise qui n’a par ailleurs pas beaucoup changé depuis la crise du 737 Max 8 en 2019 : l’entreprise avait mis en œuvre les mêmes mécanismes, affichant déjà des faiblesses dans sa gestion de crise.  

Les médias sociaux ont permis un renversement de pouvoir pour les consommateurs. La culture de l’immédiateté, permise techniquement par les réseaux sociaux, a grandement fait évoluer les stratégies de gestion de crise. Les entreprises, exposées à l’enjeu du direct et à une époque où les informations se diffusent quasi instantanément, se doivent de développer un sens accru de la réactivité. Et contrairement aux médias traditionnels, elles doivent également faire face aux réactions des internautes, dont la parole peut se placer sur un pied d’égalité avec les marques, voire totalement la surpasser lorsqu’elle se massifie. Il suffit de regarder n’importe quelle publication de Boeing, en rapport ou non avec les 737 Max 9, pour s’apercevoir du poids des critiques perpétuelles que reçoit l’avionneur. L’enjeu de l’urgence de la gestion de l’information se pose d’autant plus qu’il est particulièrement complexe de démentir des informations devenues virales. Comment se dépêtrer des accusations de négligence en matière de sécurité, quand les images et les témoignages des internautes sont ceux qui font les audiences les plus fortes ? D’autant plus que dans un secteur comme l’aviation, qui fait déjà l’objet de peurs irrationnelles et de récits sensationnalistes, il est plus difficile qu’ailleurs de rétablir une confiance aussi gravement atteinte et imagée.   

Une crise de résolue, dix de plus à affronter

En gestion de crise, admettre fait partie des principales stratégies dont une entreprise dispose pour tenter de se sortir d’affaire. Bien que reconnaître une faute ne soit pas un comportement toujours inné, il se fonde ici sur un principe de la théorie des jeux : l’admission de la crise est motivée par le pari d’une réduction du temps d’exposition médiatique d’une affaire, évitant dès lors la multiplication d’investigations journalistiques et judiciaires. Pari raté pour Boeing.

Quelques jours après le premier incident d’Alaska Airlines, d’autres vols se voient perturbés par des pannes, des dysfonctionnements et des défaillances du Boeing 737. Début mars, la porte de la soute d’un avion est retrouvée ouverte à l’atterrissage, Boeing ayant essayé de dédouaner la responsabilité du modèle d’avion. Un autre Boeing 737 perdra une roue en plein vol peu après, dans un énième épisode d’une crise fortement relayée qui ne semble que s’alourdir, sans aucune autre issue de sortie que mettre en œuvre des contrôle de qualité renforcé. L’anxiété générale se voit d’autant plus amplifiée quand John Barnett, ancien salarié de Boeing et lanceur d’alertes au sujet des processus de production insécures de l’entreprise, est retrouvé mort peu après des auditions contre son ancien employeur, contre qui il avait intenté une action en justice pour un départ à la retraite prématuré.

L’accumulation des crises a eu raison de la position de Dave Calhoun, CEO de Boeing, qui s’est vu contraint de démissionner, preuve de l’ampleur de la crise et de la menace réputationnelle qui pèse sur l’entreprise et ses responsables. « Nous devons continuer à réagir à cet accident avec humilité et une transparence totale. Nous devons également faire preuve d’un engagement total en faveur de la sécurité et de la qualité à tous les niveaux de notre entreprise. », déclarait-t-il dans une lettre adressée aux employés de la compagnie. Et bien que l’annonce de son départ et des futures restructurations organisationnelles à venir dans l’entreprise ait pu désamorcer en partie la crise, l’annonce du bonus de départ de 24 millions de dollars de Dave Calhoun, qui a provoqué de fortes réactions négatives, relève encore une fois d’une faute dans la stratégie communicationnelle de Boeing, qui semble peiner à sortir d’un cercle vicieux pour sa réputation.  

Le cours de l’action Boeing en chute libre

Mais les défaillances sécuritaires de Boeing n’ont pas seulement entaché la réputation de l’aviateur auprès des consommateurs, puisqu’elles ont également brisé la confiance des actionnaires de l’entreprise. Les internautes, par le biais de leur prises de position massives et virales influencent les investisseurs plus qu’auparavant, grâce à leur pouvoir d’action sur la réputation d’une entreprise. Bien que la tendance globale du cours de l’action Boeing ait été à la baisse, les moments de chute libre qu’on peut observer correspondent parfaitement aux différentes crises qu’a connu l’entreprise récemment. Depuis le début de l’année, la valeur de l’action de Boeing a chuté de 29%, en faisant une des compagnies les moins performantes du S&P 500, de quoi déplaire aux investisseurs.

Comparaison du cours des actions Boeing et Airbus depuis novembre 2023

Une dégradation qui bénéficie d’ailleurs grandement à son concurrent européen de toujours, Airbus, qui a vu le cours de son action augmenter de 30% en l’espace de six mois. Les compagnies aériennes, principales clientes de Boeing, subissent de plein fouet cette crise et les nombreux contrôles de sécurité, gardant à terre une partie de leur flotte.

Pour Boeing, le chemin vers la restauration de sa réputation semble être un marathon semé d’embûches, où chaque pas vers la transparence et l’amélioration de la sécurité est crucial. L’avenir de l’aviateur américain dépendra de sa capacité à assurer une rigueur sans faille dans chaque aspect de sa production tout en montrant que les restructurations organisationnelles ne sont pas qu’un simple geste communicationnel.

Barbara S.

Autres références

  • MANGA, Xavier, 2018. La communication de crise à l’ère des médias socionumériques
  • Wiertz, Nathan ; Philippe, Clément. Gestion de crise en entreprise : étude du cas de Boeing lors de la crise du 737 MAX et de l’effet des stratégies sur les médias. Louvain School of Management, Université catholique de Louvain, 2021

Structuration, conception et animation des réseaux sociaux : l’avenir de la sociabilité numérique dans nos sociétés.

À l’ère de l’information numérique et de la communication instantanée, les réseaux sociaux sont au cœur de nos modes de vie. Espace virtuel de partage, ils nous permettent d’interagir sur Internet en partageant photos, vidéos, opinions, idées où un certain nombre d’évènements de la vie quotidienne. Si des géants comme Facebook, Instagram, Snapchat où Twitter dominent le paysage, ils sont néanmoins source de vives critiques qui fragilisent leur hégémonie. Une vague de plateformes alternatives, comme BeReal, Mastodon, ou des réseaux plus spécialisés tels que Truth Social et Parler, commencent ainsi à émerger. Cette diversification suggère un futur où la sociabilité numérique pourrait prendre des formes variées pour mieux répondre aux besoins spécifiques de ses utilisateurs.

Les réseaux sociaux, vers le début d’une nouvelle ère ?

L’intégration des réseaux sociaux sur Internet remonte au début du XXIème siècle avec la mise en service de Sixdegrees.com en 1996 puis quelques années plus tard de Meta (anciennement Facebook) en 2004 et de Twitter en 2006. Initialement, ces derniers furent mise en place pour donner la possibilités aux utilisateurs de combiner les interactions personnelles avec la communication de masse. Cela permettait ainsi à ces derniers de pouvoir converser avec des amis, partager des photos personnelles ou des moments de vie privée tout en ayant la possibilité de diffuser des messages à un plus large public.

Même si l’objectif n’a concrètement pas changé, la priorité de ces plateformes à trouver des sources de revenus et un modèle économique stable les a poussé à transformer leurs mode de fonctionnement. Si il est toujours possible de voir les publications de ses amis, de les commenter où de converser à travers des groupes ou des messageries privées, une partie de notre temps d’écran sur ses plateformes est désormais centré vers de courtes vidéos d’inconnus ou de médias sociaux, soigneusement choisi selon notre profil.

L’algorithme plutôt que le social ?

Dans la course effrénée pour maximiser l’engagement des utilisateurs, les réseaux sociaux ont progressivement accordé une place prépondérante à des algorithmes de plus en plus sophistiqués. Conçus pour analyser et prédire les préférences des utilisateurs, ils façonnent désormais le contenu que chacun voit sur son fil d’actualité. À l’origine, l’idée était de rendre l’expérience utilisateur plus personnalisée et pertinente, cependant, cette personnalisation a peu à peu glissé vers une logique de maximisation du temps passé sur les plateformes. En effet, les algorithmes tendent à privilégier le contenu susceptible de provoquer des réactions immédiates et répétées, telles que les vidéos virales ou les posts polarisants. Ce phénomène a ainsi réduit la visibilité des interactions plus personnelles et significatives au profit de contenus souvent superficiels et divertissants. Cette transformation a eu un impact direct sur la nature des échanges sur les réseaux sociaux, déplaçant l’axe central de « social » à « spectacle », où les utilisateurs sont guidés vers un flux continu de contenus optimisés pour capter leur attention.

Un temps d’écran qui ne cesse d’augmenter

Commençons d’abord par mettre du relief dans nos propos. Aujourd’hui, le temps d’écran sur les smartphones consomment en moyenne un quart des heures d’éveil par individu. À leur tour, le temps passé sur les réseaux sociaux correspond environ à la moitié du temps d’écran des téléphones portables. En prenant des journées de 15h, nous passons donc en moyenne pas moins de 2h de notre temps quotidien sur ces plateformes.

L’augmentation du temps d’écran est une conséquence directe de l’efficacité des algorithmes des réseaux sociaux à capturer et à retenir l’attention des utilisateurs. Cette stratégie est doublement bénéfique pour les plateformes : elle augmente à la fois le volume de publicités vues et la quantité de données collectées sur les préférences et comportements des utilisateurs.

Plus les individus passent de temps en ligne, plus ils sont susceptibles de réagir à des contenus variés, enrichissant ainsi les bases de données qui alimentent les algorithmes. Cette boucle de rétroaction crée un environnement où les utilisateurs sont incités à consommer toujours plus de contenu, souvent au détriment de leur bien-être.

Plusieurs études ont par la suite vivement critiqué le fonctionnement des réseaux sociaux en montrant que l’excès de temps passé sur les réseaux sociaux peut mener à des sentiments d’isolement social, d’anxiété, et de dépression, surtout chez les jeunes. (dès 2014, es chercheurs de l’université de Pittsburgh (Pennsylvanie) se sont intéressés à cette relation, publiant leurs résultats dans l’American journal of preventive medicine.)

Les réseaux sociaux au cœur de la désinformation

La structure même des réseaux sociaux crée un environnement propice à la diffusion rapide de « fake news ». Ces dernières se propagent en effet facilement en utilisant la tendance des algorithmes à favoriser les contenus qui génèrent de l’engagement, qu’il s’agisse de likes, de partages ou de commentaires. Le problème est d’autant plus important du fait les utilisateurs viennent à être enfermer dans des bulles informationnelles, où ils sont principalement exposés à des opinions et des faits qui renforcent leurs croyances préexistantes. Cela limite l’exposition à des perspectives diverses mais renforce également les préjugés. Les plateformes de réseaux sociaux sont ainsi devenues des acteurs puissants dans la configuration du discours public, avec une capacité sans précédent à influencer tant les individus que les dynamiques sociétales et politiques à grande échelle.

Une diversification du réseau social traditionnel

Structuration des réseaux sociaux alternatifs :

De nouveaux réseaux sociaux cherchent à se différencier des « géants du web » en adoptant des structures qui favorisent la décentralisation et l’autonomie des utilisateurs. Ces plateformes, telles que Mastodon ou diaspora*, utilisent des architectures fédérées ou distribuées où les serveurs opèrent de manière indépendante, permettant aux communautés de gérer leurs propres espaces tout en restant connectées au réseau global. Cette structure offre plusieurs avantages notables :

D’abord, elle permet de favoriser la protection des données personnelles : Contrairement aux modèles centralisés, où les données des utilisateurs sont stockées sur des serveurs uniques et contrôlés par une seule entité, les réseaux décentralisés stockent les informations de manière distribuée. Chaque « nœud » ou instance dans le réseau a son propre contrôle sur les données qu’il héberge, réduisant ainsi les risques liés à la surveillance massive et aux fuites de données.

Les réseaux décentralisés ne dépendent également pas d’un serveur central, ce qui les rend moins susceptibles aux pannes massives. Permettant une plus grande modularité, les utilisateurs peuvent choisir les instances ou les services qui correspondent le mieux à leurs besoins et valeurs.

Enfin, qui dit réseau social décentralisé implique que les utilisateurs ou les communautés qu’ils forment ont souvent un mot à dire sur la gouvernance du réseau. Cela peut inclure des décisions sur les politiques de modération, les mises à jour des fonctionnalités ou même le code source du réseau lui-même, souvent géré de manière open source.

Création de contenu et engagement communautaire

Animer un réseau social alternatif nécessite une approche qui balance l’engagement des utilisateurs avec le respect de leur autonomie et de leur vie privée. Pour se faire, encourager les utilisateurs à créer et partager du contenu reste un point vital. La modération est aussi un défi majeur. En adoptant des approches de modération communautaire où les règles et les décisions de modération sont prises collectivement par les utilisateurs ou par des modérateurs élus, les réseaux alternatifs affirmeraient la transparence dans leurs processus. Les technologies comme la blockchain et les contrats intelligents (smart contracts) offrent des possibilités nouvelles pour les réseaux sociaux alternatifs, notamment en termes de gestion sécurisée des identités numériques favorisant les transactions au sein de la communauté.

Défis et perspective d’avenir

Bien que prometteurs, les réseaux sociaux alternatifs rencontrent plusieurs défis. D’abord, ces réseaux ont des difficultés pour atteindre une masse critique d’utilisateurs, essentielle pour que le réseau soit vivant et attractif. Les crises de confiance affectant les grandes plateformes pourraient cependant inciter les utilisateurs à rechercher des alternatives aux réseaux actuels. Ensuite, il y a le défi de l’interopérabilité, c’est-à-dire la capacité des différents réseaux décentralisés à fonctionner ensemble de manière fluide. Enfin, le défi économique reste prépondérant : trouver un modèle viable financièrement sans compromettre les principes éthiques et la protection des données est crucial.

Antoine MANTEL

Références
– SiecleDigital (2023, Mars 16) – Jeremy Lipp – 2023, le début de la fin des réseaux sociaux ? https://siecledigital.fr/2023/03/16/2023-debut-de-la-fin-reseaux-sociaux
– FashioNetwork (2023, Mai 2) – AFP Relaxnews – Mode et réseaux sociaux: la fin de la lune de miel ? https://fr.fashionnetwork.com/news/Mode-et-reseaux-sociaux-la-fin-de-la-lune-de-miel-,1505240.html
– LeNouvelEconomiste (2023, Février 15) – The Economist – La fin annoncée des réseaux sociaux https://www.lenouveleconomiste.fr/la-fin-annoncee-des-reseaux-sociaux-110114/
– Forbes (2018, Août 20) – Sabah Kaddouri – Réseaux Sociaux, Le Début De La Fin ?https://www.forbes.fr/technologie/reseaux-sociaux-le-debut-de-la-fin
– RennaissanceNumérique (Non daté) – Léa Roubinet – Réseaux sociaux décentralisés : vers un Web3 éthique ?https://www.renaissancenumerique.org/publications/reseaux-sociaux-decentralises-vers-un-web3-ethique

Le phénomène Telegram, à la fois messagerie et réseau social : un concurrent sérieux pour Meta ?

Quelles sont ses forces, ses faiblesses et les possibilités de son évolution future ?

Telegram ne se limite pas à être une application de messagerie instantanée qui compte plus de 900 millions d’utilisateurs actifs mensuels. C’est également un réseau social prometteur, en passe de devenir un sérieux concurrent pour les plateformes Meta. En outre, Telegram est une société privée totalement possédée par son fondateur. L’entreprise compte seulement 30 ingénieurs et ne possède pas de département des ressources humaines. Telegram mise sur la qualité et la fiabilité de ses services plutôt que sur le marketing pour attirer et fidéliser ses utilisateurs. La société s’engage aussi à préserver une impartialité politique.

Telegram a été développé en 2013 par les frères Pavel et Nikolaï Dourov. L’accent principal a été mis sur la transmission sécurisée des données grâce à l’utilisation du protocole cryptographique MTProto, qui assure un chiffrement de bout en bout, du serveur à l’utilisateur pour les chats standards, et d’utilisateur à utilisateur pour les chats secrets. Pendant longtemps, Telegram fonctionnait sans modèle de monétisation. Pendant ce période, il était financé par son PDG Pavel Dourov. En 2015 Durov a admit que le fonctionnement de Telegram lui coûtait 12 millions de dollars par an. 

Aujourd’hui, Telegram dispose de deux principales sources de monétisation : l’abonnement premium et la publicité. L’introduction de méthodes de monétisation n’a pas détérioré l’expérience utilisateur. La version premium offre seulement un petit ensemble de fonctionnalités supplémentaires, telles que la déchiffrement de messages audio et vidéo en texte et la possibilité d’interdire aux autres utilisateurs d’envoyer des messages vocaux. La publicité apparaît uniquement dans des chaînes publiques sous forme de courts messages textuels. Les publicités sont clairement indiquées et ne peuvent être confondues avec le contenu.

Examinons d’autres fonctionnalités qui distinguent Telegram de ses concurrents. D’abord, Telegram n’est pas seulement une messagerie instantanée, mais aussi un réseau social grâce à ses chaînes. Une chaîne Telegram est un outil de communication unidirectionnelle, mais les utilisateurs peuvent laisser des réactions et des commentaires. L’utilisation des chaînes est pleinement intégrée dans l’interface utilisateur : les messages des chaînes arrivent comme de simples messages privés. Il est à noter que Telegram n’utilise pas de système de recommandation : les utilisateurs voient sur la page principale uniquement les chaînes auxquels ils sont abonné, et elles s’affichent dans l’ordre chronologique des dernières publications. Cela permet d’éviter que des chaînes moins populaires mais importants pour l’utilisateur ne se perdent dans le flux de nouvelles.

Une autre caractéristique remarquable de Telegram est son stockage cloud gratuit. Tant que le compte reste actif, tous les fichiers, photos, audios et vidéos sont sauvegardés sans limitation de volume. L’application elle-même ne nécessite pas plus de 100 Mo de mémoire, et le cache peut toujours être nettoyé via le menu principal.

Telegram offre également de vastes options pour la gestion de l’envoi de messages : il est possible de programmer l’envoi, d’envoyer des messages sans notification ou de créer des messages qui s’auto-détruisent. Les utilisateurs peuvent aussi interdire la retransmission de leurs messages.

Le code de Telegram et son API sont ouverts aux développeurs. Il existe également une API pour les chat bots. Les possibilités d’interaction avec les chat bots sont presque illimitées, allant de la création de stickers à partir de photos au paiement de services, en passant par l’intégration avec des outils comme Chat GPT et Midjourney. Un chat bot ressemble à n’importe quel autre chat, l’interaction reste simple et intuitive. 

Une autre fonctionnalité utile de Telegram est la possibilité de remplacer le numéro de téléphone enregistré sur le profil par un pseudonyme. Les utilisateurs peuvent également être recherchés par ce pseudonyme, ce qui ajoute une couche de confidentialité et permet de garder le numéro de téléphone mobile secret.

Telegram possède de nombreuses fonctionnalités utiles, mais l’une des plus importantes est la présence de chats secrets, où le chiffrement de bout en bout va d’un utilisateur à l’autre. Cela signifie que les messages sont stockés uniquement sur les appareils des participants au dialogue. Pourquoi alors tous les chats ne sont-ils pas chiffrés de cette manière par défaut ? La raison en est que si l’appareil est perdu, les données des chats secrets ne peuvent pas être récupérées, et il n’est pas possible de se connecter à ces chats à partir de différents appareils via un seul compte. 

Selon DataAI, Telegram se classe actuellement sixième parmi les applications les plus utilisées dans le monde. Cette popularité attire inévitablement l’attention des services de sécurité nationaux de différents pays ainsi que de grandes corporations comme Google et Apple, qui cherchent à exercer un contrôle sur la plateforme. Apple menace parfois de retirer Telegram de l’AppStore et entrave ses mises à jour, tandis que Google a bloqué la technologie de domain fronting, qui constituait une protection importante pour le messager contre les blocages. Comment Telegram réussit-il à rester indépendant et à maintenir sa neutralité?

Premièrement, Telegram appartient à son fondateur, ce qui lui permet de prendre des décisions indépendantes sans ingérence extérieure. Deuxièmement, le siège de Telegram est basé aux Émirats Arabes Unis, un pays connu pour sa neutralité politique.

La pandémie de COVID-19 a révélé l’ampleur de la liberté offerte par Telegram, se manifestant par sa gestion de la communication durant cette période critique. Telegram est devenu l’un des rares réseaux sociaux à ne pas censurer les publications critiques sur les mesures de lutte contre le virus et la vaccination. La plateforme a collaboré activement avec les canaux gouvernementaux pour diffuser des informations officielles sur les mesures prises, mais n’a pas bloqué les voix critiques. Ainsi, différentes opinions ont pu coexister sur la plateforme, tandis que les services comme ceux de Meta supprimaient les publications contenant des informations jugées peu fiables. « Il est sensé de confronter des opinions opposées et d’espérer que la vérité émerge de ces débats, » a déclaré Pavel Dourov dans une interview.

Les principaux problèmes qui limitent la popularité de Telegram incluent les risques liés à l’utilisation de son haut niveau de confidentialité à des fins malveillantes et le nombre relativement faible d’utilisateurs dans certains pays. La sécurité et la liberté représentent un dilemme complexe. Cependant, il est important de se rappeler que le chiffrement de bout en bout protège la liberté d’expression et aide à se défendre contre le piratage, le vol de données, la fraude et la divulgation illégale d’informations. En ce qui concerne le manque d’utilisateurs, Telegram offre toujours d’importantes possibilités. Bien que tous les amis et membres de la famille ne soient pas inscrits sur cette plateforme, Telegram peut être utilisé non seulement pour communiquer, mais aussi comme un réseau social pour lire des chaînes, publier du contenu, ainsi comme un espace de stockage cloud gratuit.

Actuellement, Telegram compte 41 millions d’utilisateurs en Europe, ce qui est légèrement inférieur au seuil de 45 millions nécessaire pour être reconnu comme une « très grande plateforme ». Cependant, le site officiel de Telegram présente une section sur le Digital Service Act qui détaille les mesures prises par la plateforme pour se conformer à ces normes :

  • La plateforme définit les comportements et contenus interdits, tels que le spam, la promotion de la violence, le contenu sexuel illégal et d’autres activités illégales.
  • Telegram utilise des méthodes de modération automatiques et manuelles pour son contenu public
  • Actions possibles de Telegram inclut la suspension temporaire ou permanente de certaines fonctionnalités du compte, l’étiquetage des comptes comme « Faux » ou « Fraude », et la possibilité de bloquer ou de supprimer des utilisateurs et du contenu en cas de violations graves.
  • Telegram n’utilise pas d’algorithmes de recommandation pour promouvoir du contenu, mais propose des contenus basés sur les requêtes et abonnements des utilisateurs
  • Les utilisateurs peuvent contacter Telegram via le bot @EURegulation, qui sert de point de contact unique dans le cadre du Digital Service Act. 
  • Les autorités de l’UE peuvent contacter Telegram via un représentant à Bruxelles pour les questions liées à l’Acte sur les services numériques.

En 2018, le RGPD a été publié, et peu après, Telegram a mis à jour son application pour se conformer à cette réglementation. Selon un article sur le site officiel de Telegram, la plateforme a été initialement conçue pour protéger les données personnelles, ce qui a nécessité peu de modifications pour répondre aux exigences du RGPD. Telegram propose un chat bot où les utilisateurs peuvent demander une copie de toutes les données enregistrées les concernant et obtenir des clarifications supplémentaires sur la confidentialité.

Je pense que la popularité de Telegram continuera de croître, bien qu’il ne remplace pas WhatsApp, dont les utilisateurs sont déjà habitués à son interface et possèdent les chats et groupes nécessaires. Étant donné les nombreuses fonctionnalités de Telegram, les deux plateformes peuvent être complémentaires. De plus, il est possible que de nouveaux concurrents émergent, tels que Signal et Olvid, qui sont des plateformes plus récentes et gagnent en popularité.

Elizaveta Kolpakova

Liste de références:

TikTok vs. Universal Music: Qui paie la note de la musique numérique ?

Dans le monde numérique de la musique, TikTok et Universal Music Group s’affrontent dans un combat qui retient l’attention à l’échelle mondiale. Ce conflit, marqué par des accusations de sous-évaluation des royalties, met en lumière les tensions croissantes entre les plateformes de streaming et les géants de l’industrie musicale. Avec 1,5 milliard d’utilisateurs actifs par mois[1], TikTok, originellement une plateforme de danse, est devenu un phénomène culturel dont l’influence sur l’industrie musicale est indéniable. Son logo, une note de musique, est le symbole de son rôle de catalyseur dans la diffusion de la musique mondiale. TikTok ne se contente pas de suivre les tendances musicales, il les forge, influençant les goûts et propulsant les carrières d’artistes sur la scène internationale. Cependant, cette influence massive soulève des enjeux critiques. Le conflit ouvert avec Universal Music Group met en lumière une problématique essentielle : comment les plateformes numériques comme TikTok peuvent-elles équilibrer innovation et respect des droits des créateurs ? 

Des impacts majeurs sur l’industrie musicale

L’algorithme de TikTok, fondé sur l’apprentissage automatique, est au cœur de la promotion de la musique sur la plateforme, influençant de manière significative les tendances musicales actuelles. En analysant les interactions des utilisateurs avec les vidéos, telles que la durée de visionnage, les likes, les commentaires, et les partages, l’algorithme affine ses recommandations pour mieux s’adapter aux goûts de chaque utilisateur. Ce système s’appuie également sur les métadonnées des vidéos, comme les hashtags et les descriptions, qui fournissent des indices précieux sur les genres musicaux et les artistes en vogue[2].
Cette technologie ne se contente pas de réagir aux préférences des utilisateurs ; elle propulse les morceaux qui gagnent en popularité via des challenges, des memes ou chorégraphies. Une fois qu’un titre commence à se distinguer, l’algorithme le promeut davantage, augmentant sa visibilité et renforçant son engagement. Ce mécanisme crée un cercle vertueux où la popularité d’un morceau sur la plateforme peut entraîner un effet boule de neige. En effet, lorsqu’une chanson devient populaire sur TikTok, l’algorithme incite davantage d’utilisateurs à l’intégrer dans leurs vidéos pour capitaliser sur sa popularité croissante. 
De manière significative, TikTok s’est affirmé comme une force majeure dans l’industrie de la découverte musicale. Selon des données de la plateforme, environ 75% des utilisateurs ont découvert de nouveaux morceaux en 2021[3], ce qui témoigne de l’efficacité de l’algorithme pour introduire une diversité musicale à son audience. La plateforme est donc devenue un outil marketing indispensable pour les artistes et les labels qui cherchent à augmenter la visibilité de leurs artistes.

TikTok : Moteur de changement ou entrave pour les artistes ? Exploration des défis de rémunération


Malgré une visibilité sans précédent sur TikTok, les artistes peinent souvent à voir cette exposition se traduire en rémunération équitable. La plateforme a certes mis en place des mesures comme SoundOn, lancé en 2022, qui permet aux artistes de déposer leurs morceaux et de conserver une grande part des royalties pendant les premières années d’écoute. Toutefois, la structure de rémunération de TikTok reste basée sur le nombre de vidéos utilisant les morceaux plutôt que sur les streams eux-mêmes. Ainsi, « Funny Song » de Thomas Hewitt-Jones, utilisée dans plus de 372k de vidéos et écoutée plus de 2 milliards de fois, n’a rapporté que 600 euros à son créateur[4], révélant un déséquilibre frappant entre l’utilisation virale et la compensation financière.

Contrats de Licence : Un terrain d’entente pour une distribution équitable ?
TikTok a formé des partenariats avec des labels majeurs comme Warner Music Group, élargissant son catalogue musical et augmentant la visibilité des artistes concernés. Cependant, la montée en popularité de versions modifiées de chansons, notamment des versions accélérées, soulève des questions sur la distribution des bénéfices générés par ces nouvelles créations. En réponse, certains labels ont commencé à publier officiellement ces versions, s’assurant ainsi que les artistes originaux bénéficient des retombées économiques.

Les labels face au défi TikTok
Les relations entre TikTok et les maisons de disque, souvent compliquées, se tendent parfois durant les renégociations de contrats. Un conflit notable a éclaté en janvier 2024 entre TikTok et Universal Music Group (UMG) met en lumière ces tensions. Universal a retiré sa vaste bibliothèque musicale de la plateforme, affectant des milliers de vidéos qui utilisaient des chansons d’artistes populaires comme Taylor Swift, The Weeknd, et Billie Eilish résultant en une multitude de vidéos sans musique, ce qui a réduit leur portée et leur engagement.

Ce retrait est intervenu après que des négociations sur les royalties se sont soldées par un échec, Universal reprochant à TikTok de ne pas offrir une rémunération juste et équitable pour l’utilisation de sa musique.[5]
Du côté de TikTok, la plateforme a exprimé sa volonté de parvenir à un accord, mettant en avant son rôle dans la promotion de la musique et l’exposition qu’elle offre aux artistes. TikTok a déclaré travailler activement pour rétablir la musique d’UMG sur son service, soulignant son désir de maintenir un partenariat bénéfique pour tous les acteurs impliqués, y compris les créateurs de contenu et les fans de musique.

Les relations labels et ertistes à l’ère de TikTok
TikTok a transformé le marketing digital, poussant les artistes non seulement à créer de la musique mais aussi à devenir des créateurs de contenu. Des artistes comme Florence and the Machine et Halsey ont publiquement exprimé leur frustration face à la pression de leurs labels pour générer des vues sur TikTok[6]. Cette nouvelle dynamique a réduit l’exposition via les médias traditionnels, obligeant les artistes à adopter de nouvelles stratégies numériques pour rester pertinents. Le cas de Steve Lacy, dont le titre « Bad Habit » a été utilisé dans près de 500,000 vidéos sur TikTok, a été propulsé au sommet du Billboard Hot 100[7], illustre parfaitement comment la viralité sur la plateforme peut propulser un artiste au sommet des classements.

TikTok et l’industrie musicale : Redéfinir les acteurs et leur dynamiques

Les artistes, les maisons de disques, et les plateformes de diffusion naviguent dans un paysage complexe où chaque acteur doit s’adapter aux nouvelles réalités du marché numérique.

Impact sur les artistes
L’ascension de TikTok a redéfini les trajectoires de nombreux artistes, façonnant une nouvelle ère où le bouche à oreille électronique devient un vecteur puissant de succès. Cependant, cette nouvelle dynamique met également en lumière les dilemmes auxquels les artistes sont confrontés, notamment l’impact de la structure des réseaux sociaux sur leur autonomie et leur carrière artistique. Sur TikTok, un simple clip peut propulser une chanson en tête des hit-parades, mais cette visibilité soudaine pose question : les artistes perdent-ils leur contrôle créatif en faveur de contenus conçus pour maximiser leur résonance sur les réseaux ? La pression pour créer des œuvres qui ‘fonctionnent’ sur ces plateformes peut aussi mener à une uniformisation de la création musicale, où l’originalité cède la place à la viralité.

Impact sur les maisons de disques
Pour les maisons de disques, TikTok représente à la fois une opportunité et un défi. Les labels musicaux doivent naviguer dans un paysage complexe de droits numériques, tout en adoptant des stratégies de marketing innovantes telles que le social listening et la gestion. Les accords de licence avec TikTok sont cruciaux, car ils déterminent non seulement les revenus générés par les streams mais aussi la manière dont la musique est utilisée et partagée par les utilisateurs.

Impact sur les plateformes de diffusion
TikTok, en particulier, doit finement équilibrer ses stratégies pour rester attrayant pour les maisons de disques et les artistes indépendants, tout en répondant aux attentes des utilisateurs qui cherchent constamment du contenu nouveau et engageant. Leur succès et influence dans l’industrie musicale dépendent essentiellement de leur aptitude à négocier des accords de licence favorables, à résoudre les conflits et à respecter les réglementations internationales.

Perspectives et solutions potentielles

Face aux défis de la répartition des revenus dans l’industrie musicale, l’exploration de modèles économiques alternatifs s’avère cruciale. Des innovations qui valorisent l’engagement des utilisateurs plutôt que le simple nombre de vidéos pourraient offrir une rémunération plus équitable aux créateurs. Parallèlement, le rôle des régulateurs et des politiques publiques est essentiel pour assurer une médiation efficace des conflits et promouvoir des pratiques justes. Ces autorités peuvent aider à établir un cadre réglementaire qui soutient l’innovation tout en protégeant les droits des artistes, garantissant ainsi que toutes les parties prenantes bénéficient équitablement des profits générés par la musique.

TikTok transforme profondément l’industrie musicale, soulignant la nécessité de repenser les modèles de rémunération des artistes. La tension entre les plateformes de streaming et les maisons de disques illustre clairement le besoin urgent de réformes adaptatives. La collaboration entre régulateurs, artistes, labels et plateformes est cruciale pour naviguer dans ce paysage en évolution et assurer une distribution des revenus plus juste, bénéfique pour tous les acteurs de l’industrie.

Hanaé Macke

Sources:

[1] Coëffé, T., 2024. Chiffres réseaux sociaux – 2024. [En ligne] 
Disponible sur: https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-reseaux-sociaux/
[2] Ashbridge, Z., 2022. How the TikTok algorithm works: Everything you need to know. [En ligne] 
Disponible sur: https://searchengineland.com/how-tiktok-algorithm-works-390229#h-how-does-the-tiktok-algorithm-work
[3] Le Figaro., 2022. TikTok est devenu un moteur de découverte musicale en analysant le goût de ses abonnés. [En ligne] 
Disponible sur: https://www.lefigaro.fr/culture/tiktok-est-devenu-un-moteur-de-decouverte-musicale-en-analysant-les-gouts-de-leurs-abonnes-20220211
[4] Anon., 2022. « On ne touche que quelques centimes ! » : sur TikTok, la rémunération discutable des artistes. [En ligne] 
Disponible sur: https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/reportage/la-remuneration-des-artistes-sur-tiktok-5760413
[5] Branstetter, D., 2024. Universal Music Group and TikTok’s Contractual Standstill. [En ligne] 
Disponible sur: https://www.vanderbilt.edu/jetlaw/2024/02/13/universal-music-group-and-tiktoks-contractual-standstill/
6] McGoran, P., 2024. How TikTok is Disrupting the Music Industry. [En ligne] 
Disponible sur: https://careerhub.students.duke.edu/blog/2024/03/07/how-tiktok-is-disrupting-the-music-industry/
[7] Anon., 2022. Steve Lacy’s ‘Bad Habit’ Has Been Used For Nearly 500,000 TikTok Videos — Now, It’s No. 1 On The Billboard Hot 100. [En ligne] 
Disponible sur: https://afrotech.com/steve-lacy-bad-habit-tiktok

BeReal et la quête d’authenticité : vers une utilisation plus saine des réseaux sociaux ?

Les téléphones qui vibrent tous en cœur, chacun attrape son smartphone pour se saisir de cette notification le plus rapidement, et porter son téléphone en mode « selfie ».
« ⚠️ C’est l’heure de BeReal ⚠️ » : voilà la notification reçue tous les jours, à un moment aléatoire et commun à tous, par les 25 millions d’utilisateurs quotidiens de BeReal.

Le principe est simple : partager avec ses amis proches un moment spontané de sa journée, choisi par l’application, avec un chronomètre de 2 minutes pour capturer une photographie hybride, avec caméra avant, et caméra arrière en même temps ! Le slogan de BeReal prône la volonté de retrouver une proximité avec votre réseau d’ami « Tes amis, pour de vrai ». D’ailleurs, c’est l’application elle-même qui vous met en garde quant au réseau que vous vous y constituez. Avant d’envoyer une demande d’ajout, ou d’en accepter une, on vous demande « Est-ce que tu connais vraiment cette personne ? » ou encore « Es-tu sûr(e) de bien les connaitre ? ». C’est ainsi quelques 119 millions de personnes à travers le monde, qui ont été tentées de rejoindre le mouvement BeReal. Et pour cause, une promesse d’authenticité assumée : on ne veut plus voir les storys léchées de ses amis sur Instagram, mais on veut les voir comme ils sont au quotidiens, naturels et spontanés. L’arrivée d’une telle application sur le marché des réseaux sociaux semblerait en avoir chamboulé les codes. On peut ainsi se poser la question : la promesse d’authenticité soutenue par BeReal. pourrait-elle mener à une utilisation plus saine des réseaux sociaux ?

Les codes traditionnels des réseaux sociaux : paraître et artifices

L’avènement des réseaux sociaux, notamment avec l’arrivée d’Instagram, est marqué par l’avènement du paraître et des artifices. Tout est porté vers l’apparence : on crée des filtres qui rendent la bouche plus pulpeuse, ou qui effacent les cernes ; on ne montre aux autres que ce qui les ferait rêver ; on fait la course aux likes en posant sur toutes ses photos. Certains parviennent même à faire de leur physique avantageux un métier, en devenant influenceurs. Sur la plateforme émergent les tendances, qu’elles soient vestimentaires ou comportementales. Instagram dicte les standards de beauté, jusqu’à avoir un réel impact sur la santé mentale de ses utilisateurs, en particulier les jeunes filles, dont la société les ramène sans cesse à leur physique.

BeReal. et l’authenticité : un réseau social d’un nouveau genre

En 2020, BeReal. émerge alors en France comme le protagoniste d’une lutte contre la superficialité. Pas de filtre, pas d’artifices : avec BeReal. tout repose sur son concept fort. Alors qu’Instagram est envahi par l’utilisation de filtres dans ses storys, BeReal se place à contre-courant en incitant les utilisateurs à se montrer au naturel.  Et si les internautes habitués à se montrer sous leur meilleur jour auraient pu être effrayés, c’est tout l’inverse qui se produit. Début 2022, deux ans après sa sortie en France, elle sort au grand jour avec plus de 28 millions de téléchargements ; aujourd’hui elle en compte 119.

BeReal. semblerait même avoir influencé le comportement des utilisateurs sur les autres réseaux sociaux.

De nombreux influenceurs, en prenant par exemple Matilda Djerf, changent la direction de ce qui se poste sur Instagram. On ne flambe plus avec des photos remplies de filtres et d’artifices à la Kylie Jenner, mais on fait désormais des « dumps », un enchaînement de plusieurs photos dans un même post Instagram, montrant notre vie quotidienne. Photos de son chien, en pyjama, ou en prenant son petit déjeuner :  Matilda Djerf incarne ce nouveau genre, cet aesthetic scandinave où la « slow life » est mise en avant. De manière générale, les filtres passent peu à peu à la trappe, alors qu’ils envahissaient les storys de tout le monde quelques temps auparavant.

On observe aussi l’émergence de storys privées, notamment sur Instagram, qui permet à ses utilisateurs de créer des sous-groupes « amis proches », dont les storys ne seront disponibles au visionnage que pour le groupe d’amis sélectionné par l’utilisateur. L’idée est la même que sur BeReal. : partager certains moments de spontanéité avec son cercle intime seulement.

BeReal. devient même un nouveau support de contenu sur les autres réseaux sociaux. Les internautes repostent leurs BeReal. en story, ou dans leurs dumps Instagram. BeReal. profite d’autres plateformes pour faire sa promotion, comme avec TikTok, où a été lancé un concours du BeReal. le plus fou.

Des nouvelles fonctionnalités controversées : vers une conformisation du réseau social ?

L’influence de BeReal. est certaine, et l’application semble être le parfait compromis : un réseau social certes, mais où l’on est soi-même, et dont la sphère se limite à son cercle d’amis proches.

Pourtant certaines mises à jour récentes sembleraient faire perdre à l’application de sa singularité, jusqu’à la mener à se conformer aux autres plateformes.

Pour lutter contre les utilisateurs contournant le principe de spontanéité, en postant leur BeReal. en retard plutôt qu’à l’heure choisie par l’application, BeReal. a mis en place un principe de « récompense » pour ceux respectant les règles du jeu. Si la photo est postée dans les 2 minutes imparties, alors l’utilisateur « gagne » le droit de poster deux autres BeReal. dans la journée, à l’instant qu’il le souhaite. Si l’objectif est de maintenir la spontanéité promise par le réseau social, le résultat semble s’en éloigner. En effet, les utilisateurs bénéficient de plus d’opportunités pour partager leurs photos, en en choisissant leur moment pour deux sur trois d’entre elles.

Il y a quelques jours, une autre fonctionnalité a été ajoutée : en plus d’un BeReal. classique par jour, les utilisateurs peuvent faire un BeReal. « roulette ». L’application sélectionne ainsi une photo issue de la galerie de l’utilisateur, qui peut choisir de la poster ou non, en bénéficiant de 5 essais (il peut relancer la roulette 5 fois).

Si ces nouvelles fonctionnalités ne sont aujourd’hui pas alarmantes, on y retrouve toutefois une similarité avec le chemin parcouru par Instagram avec ses storys. Quand Instagram a lancé son option Story en 2016, l’objectif était de permettre aux utilisateurs d’être plus naturels, de dévoiler leur vie sans artifice. Quelques années plus tard, elles sont devenues aussi calculées et filtrées que les publications classiques, en plus d’être bourrées de publicités. BeReal. pourrait donc prendre le même chemin.

Mais la mise à jour qui marque sans doute le plus gros pas vers la conformisation du réseau social est sans doute celle du 7 février 2024. Promue par les fondateurs de BeReal. comme la plus marquante depuis la création de l’application, cette fonctionnalité ouvre les portes de BeReal. aux marques et aux célébrités. Ainsi, ces « RealPeople » et « RealBrands » ne sont pas logés à la même enseigne que les utilisateurs anonymes : ils sont certifiés, et suivis par des « RealFans ». On est loin des mises en garde de BeReal. qui insistait sur l’importance de n’ajouter que ses amis proches.

BeReal. qui se plaçait à contre-courant des autres réseaux sociaux dictés par la superficialité, les artifices, et le business, devient ainsi une plateforme où l’on peut retrouver des posts sponsorisés… comme sur toutes les autres.

BeReal. promettait intimité et spontanéité, et le premier semble d’ores et déjà perdu. On peut alors se questionner sur le futur de l’application : va-t-elle se faire influencer par les géants comme Instagram, au point de perdre son essence d’authenticité ?

Marine Marzin

La chute de la Silicon Valley Bank : Réseaux sociaux et gestion bancaire en question

Le 10 mars 2023, la Silicon Valley Bank (SVB), la 16ème plus grande banque des États-Unis et un pilier du financement des entreprises de technologie et de biotechnologie, s’effondrait de manière spectaculaire. Cette faillite, la plus significative depuis la crise financière de 2008, soulève de nombreuses questions sur l’influence des réseaux sociaux dans la banque moderne et met en lumière des pratiques de gestion éloignées des standards bancaires habituels.

Un effondrement fulgurant

Tout a commencé le 8 mars, lorsque la SVB a annoncé la nécessité de lever des fonds de toute urgence après des pertes significatives sur des obligations. Cette annonce a provoqué une panique parmi les investisseurs et les déposants, majoritairement des entreprises de la tech et des startups, qui craignaient pour la sécurité de leurs actifs.

En moins de 48 heures, une vague massive de retraits s’est déclenchée, exacerbée par les réseaux sociaux où des messages alarmants circulaient rapidement. Des hashtags comme #BankRun et #SVBCollapse devenaient viraux, illustrant la rapidité avec laquelle la peur et la suspicion peuvent se propager dans l’ère digitale.

Retraits Hypothétiques de Fonds de la SVB Suite à l’Annonce

Le graphique illustre la réaction rapide et massive des déposants de la Silicon Valley Bank suite à l’annonce du besoin urgent de lever des fonds le 8 mars. On observe une escalade dramatique des retraits, commençant par 5 milliards de dollars le jour de l’annonce, suivi d’une augmentation vertigineuse à 20 milliards le lendemain, et culminant à 50 milliards le 10 mars. Cette courbe montante témoigne de l’effet immédiat des inquiétudes des déposants et de l’impact amplificateur des réseaux sociaux, où des messages alarmants ont circulé à une vitesse fulgurante, incitant à une réaction en chaîne de retraits de fonds. Ce graphique hypothétique est représentatif du phénomène de bank run accéléré par le numérique, mettant en lumière la vulnérabilité des institutions financières dans un contexte où l’information se propage en temps réel.

Les réseaux sociaux : catalyseur d’une crise de confiance

Sur Twitter, LinkedIn et d’autres plateformes, des entrepreneurs influents tels que David Sacks et Jason Calacanis partageaient leurs inquiétudes et conseillaient ouvertement aux autres de retirer leurs fonds, intensifiant la panique. Cette réaction en chaîne a souligné un aspect nouveau des crises bancaires modernes : l’impact immédiat des réseaux sociaux. Les réseaux sociaux ont fonctionné comme un amplificateur de la crise de confiance, réduisant le délai habituel pour des réactions et des corrections. La rapidité de l’information, couplée à l’écho des chambres de résonance en ligne, a transformé ce qui aurait pu être une gestion de crise interne en un spectacle public et chaotique.

Le Tweet qui a Ébranlé les Marchés : Le Rôle de David Sacks dans la Panique de la SVB

Au cœur de la crise de la Silicon Valley Bank, David Sacks, entrepreneur respecté et figure de proue de l’industrie technologique, a joué un rôle déterminant en amplifiant les enjeux de la situation sur Twitter. Ses tweets du 10 mars 2023 ont non seulement capturé l’attention immédiate de ses abonnés, mais aussi celle du monde financier à large échelle. Par ses interrogations directes – « Where is Powell? Where is Yellen? » – Sacks appelait à une action urgente des régulateurs, exprimant une exigence collective pour la sauvegarde des dépôts et la prévention d’une contagion financière plus large. Son tweet, « Stop this crisis NOW. Announce that all depositors will be safe. Place SVB with a Top 4 bank. Do this before Monday open or there will be contagion and the crisis will spread, » était un cri d’alarme soulignant l’urgence et la gravité perçue de la situation. Avec une voix résonnant dans l’écosystème des startups, Sacks a influencé la perception publique et a possiblement accentué la pression sur les décideurs.

En abordant le thème de la responsabilité fédérale, « Anybody who thinks that preventing bank runs and panics isn’t a federal responsibility missed a couple hundred years of financial history, » il rappelait la nécessité de la surveillance et de l’intervention des autorités financières dans des moments critiques. Ce faisant, il a mis en exergue la responsabilité des institutions face à un risque systémique. La clarification concernant sa propre entreprise, « Craft has no money at SVB, » visait à apaiser les spéculations et à distinguer ses commentaires professionnels des intérêts personnels. L’impact de Sacks dans cette crise n’était pas négligeable, ses tweets agissant comme des catalyseurs d’opinion parmi les entrepreneurs et investisseurs déjà nerveux, et mettant en évidence le pouvoir influent des leaders d’opinion dans le secteur technologique en temps de crise financière.

Gestion bancaire défaillante

Au-delà des réseaux sociaux, le cœur du problème résidait dans la gestion même de la SVB. La banque avait misé massivement sur des investissements à long terme, principalement des obligations d’État, qui se sont dépréciées avec la montée des taux d’intérêt par la Réserve fédérale. Cette stratégie, risquée et peu diversifiée, a rendu la banque particulièrement vulnérable à un changement de conjoncture.

De plus, la SVB avait une concentration exceptionnelle de dépôts provenant d’un secteur spécifique : la technologie. Cette homogénéité de la base de clients a exacerbé l’effet de contagion lorsque la confiance a commencé à fléchir, montrant les limites d’une stratégie de niche dans un environnement instable.

Gestion Bancaire vs. Tempête Numérique : Les Vrais Coupables de la Débâcle de la SVB

L’effondrement de la SVB peut être attribué à deux facteurs principaux qui, en interagissant, ont amplifié la crise : une gestion bancaire hasardeuse et l’influence des réseaux sociaux. D’une part, la banque avait adopté une stratégie d’investissement risquée, en plaçant une grande partie de ses actifs dans des obligations à long terme qui se sont dévaluées avec l’augmentation des taux d’intérêt. Cette gestion, peu conforme aux pratiques conservatrices typiques du secteur bancaire où la diversification et la prudence prévalent, a placé la banque dans une position financièrement vulnérable.

D’autre part, les réseaux sociaux ont joué un rôle prépondérant dans l’accélération de la crise. La propagation rapide d’informations parfois erronées ou exagérées a engendré une panique massive parmi les déposants, aggravant une situation déjà tendue.

Réactions réglementaires

La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) a rapidement pris le contrôle de la banque, garantissant les dépôts jusqu’à 250 000 dollars et cherchant à stabiliser le secteur. Ce scénario rappelle l’importance d’une régulation adaptée à l’évolution des pratiques bancaires et des technologies de l’information. La chute de la SVB incite à une réflexion sur le rôle des régulateurs et des banques elles-mêmes dans la gestion des risques. Elle pose également la question de l’impact des technologies et des médias sur la stabilité financière.

Pour répondre à ces défis, un projet de loi pourrait être envisagé, tel que le Projet de Loi N° XYZ: Loi pour l’Encadrement des Communications Financières Numériques. Cet article propose des mesures spécifiques pour encadrer les communications financières sur les plateformes numériques, afin de prévenir les mouvements de panique amplifiés par ces nouveaux médias. Il stipule que les institutions financières doivent établir des protocoles clairs pour les communications en période de crise, approuvés par l’autorité de régulation compétente, et que les plateformes numériques doivent collaborer avec les autorités pour vérifier les informations potentiellement déstabilisatrices. La loi envisagerait également la création d’une unité spéciale au sein de la FDIC pour surveiller ces communications, assurant ainsi une réponse rapide et coordonnée en cas de future instabilité financière.

Les autorités pourraient ainsi mieux contrôler l’interaction entre les communications financières et la réaction du public, minimisant le risque de panique bancaire déclenchée ou exacerbée par les réseaux sociaux et autres plateformes numériques.

La débâcle de la Silicon Valley Bank révèle l’interaction complexe entre une gestion bancaire risquée et l’effet amplificateur des réseaux sociaux. Cet événement force une réévaluation des stratégies de gestion de crise à l’ère numérique et rappelle l’importance cruciale de l’adhérence aux principes de gestion de risque et de communication efficace. Les régulateurs et les institutions financières doivent considérer ces nouvelles dynamiques pour prévenir de futures crises. Face à cette nouvelle réalité, comment les banques peuvent elles équilibrer innovation et sécurité pour gagner la confiance dans un monde hyperconnecté ?

Kelly CLAIRE

L’ascension des réseaux sociaux en tant que source principale d’informations financières : exemple de X et de la faillite de FTX

Si les marchés financiers ont jusqu’ici bénéficié d’une opacité certaine due à des mécanismes complexes, la démocratisation de l’Open Finance, des réseaux sociaux et de la Finance Décentralisée ont tenté d’éclaircir ce rideau opaque, parfois au grand dam de certains de ses acteurs.

L’information, nerf des marchés

Dans le monde des marchés financiers, l’accès à des informations précises et opportunes est le fondement d’une prise de décision éclairée. Traditionnellement, des plateformes comme Bloomberg ont joué un rôle crucial en tant que fournisseurs d’informations financières de premier plan.

Reconnues pour leur fiabilité et leur profondeur d’analyse, les institutions financières classiques ont servi d’épine dorsale pour les traders, les investisseurs et les analystes en leur fournissant des données en temps réel, des analyses de marché, et des outils de prévision sophistiqués. Leur influence sur les marchés est telle que les flux d’informations qu’elles distribuent peuvent impacter directement les prix des actifs et les stratégies de trading à l’échelle mondiale.

Exemple de terminal Bloomberg

Cependant, à l’ère de la transition au numérique, le paysage de l’information financière a connu une transformation radicale avec l’avènement des réseaux sociaux, et notamment X (ex-Twitter). Cette plateforme, par sa nature spontanée et largement accessible, est rapidement devenue une source incontournable d’informations financières. La rapidité avec laquelle les informations circulent sur X peut parfois devancer celle des fournisseurs traditionnels d’informations financières, permettant aux investisseurs de réagir instantanément à des développements qui ne sont pas encore couverts ni, en principe, « pricé » (i.e le pricing étant le processus d’attribution du prix à un actif compte tenu de son contexte).

Cette transition vers les réseaux sociaux comme sources primaires d’information pose de nouvelles questions sur la véracité et la fiabilité des données, tout en soulignant un changement de paradigme dans la manière dont l’information financière est consommée et utilisée. Dans le contexte des cryptomonnaies, où le marché est particulièrement sensible aux rumeurs et aux annonces, X a acquis une place prépondérante, influençant souvent les mouvements de marché de manière significative et immédiate.

Cas d’école : le cas de FTX

FTX a été, pendant un temps, la 3ème place de marchée centralisée d’échange de cryptomonnaies, enregistrant à son apogée près de 21 milliards de dollars de volume d’échange par jours. La startup, fondée en 2019, a connu la banqueroute 3 années plus tard en 2022. La chute spectaculaire de FTX, exacerbée et mise en lumière par les interactions sur X, est un cas d’étude frappant de l’impact des réseaux sociaux sur le marché des cryptomonnaies.

L’affaire a commencé par l’annonce initiale par CZ (Changpeng Zhao), le PDG de Binance (1ère place de marché centralisée), de vendre ses avoirs en jetons FTT via X. Les jetons FTT, émis par FTX, représentent des actifs décentralisés émis sur la blockchain. Selon CZ, FTX détiendrait près de 30% de la totalité des FTT et l’inscrirait à son actif pour augmenter sa valorisation. Cette annonce a immédiatement secoué le marché et entrainé une vente massive du FTT. Cette action et la réponse rapide de FTX sur la même plateforme ont entraîné une forte volatilité du jeton FTT. X a agi non seulement comme un canal d’information mais aussi comme un amplificateur de la crise, propageant les nouvelles à une vitesse fulgurante et contribuant à un sentiment de panique parmi les détenteurs de FTT.

Au fur et à mesure que la situation se dégradait, Twitter est devenu un terrain fertile pour les rumeurs et les spéculations. La fluidité des informations, souvent non vérifiées, a créé une atmosphère de confusion et d’incertitude. Cela a exacerbé la crise de confiance envers FTX, poussant davantage d’investisseurs à retirer leurs fonds, précipitant ainsi la faillite de la plateforme. Cet afflux de demande de retrait pour une plateforme réputée insolvable a entraîné une prophétie auto réalisatrice. La plateforme arrête alors de fonctionner, et est placée sous enquête du gendarme de la bourse américain.

Tweet publié par le PDG de FTX Sam Bankmand-Fried pendant la crise

La faillite de FTX illustre de manière dramatique comment X peut influencer les marchés financiers, non seulement en diffusant des informations, mais aussi en amplifiant les crises en faisant office de chambre d’écho. FTX détenant un grand nombre d’actifs pour le compte d’acteurs institutionnels ou des boursicoteurs, un risque de contagion a entrainé des retraits sur nombre d’autres plateformes du fait de la diffusion des fausses rumeurs sur X. De manière plus large, la chute de FTX aura entraîné un refroidissement du marché crypto, fortement entaché par plusieurs scandales et largement volatile, entraînant un « bear market » (marché baissier).
Cette affaire met en lumière la nécessité pour les régulateurs et les participants du marché de mieux comprendre et gérer l’impact des réseaux sociaux dans la diffusion des crises financières et économiques. Si la crise des Subprimes de 2008 est avant tout une crise de confiance survenue à une ère ou les réseaux sociaux n’étaient que peu développés, les effets d’une telle crise là où les champs de batailles des réseaux sociaux permettent à tout un chacun de créer de l’information aurait pu être beaucoup plus dévastateurs.

Sources :

Correlation between emotional tweets and stock prices, Kätriin Kurk 2018
Looking Back on FTX’s Impact, Kaiko Research Team 2023
Bankruptcy of FTX, Wikipedia

Les réseaux sociaux comme catalyseurs de changements sociaux et politiques à travers le monde : des espaces d’expression politique et de mobilisation

À l’ère numérique dans laquelle nous évoluons, les réseaux sociaux se sont imposés comme des outils incontournables de communication, de mobilisation et d’expression publique. Que ce soit sous des régimes autoritaires où la censure prédomine, ou dans des démocraties où la parole est plus libre, ces plateformes redéfinissent les interactions sociales et politiques. Examinons comment, dans ces différents contextes et en particulier en Chine, au Cameroun, et en France, les réseaux sociaux facilitent une nouvelle forme de dialogue et de contestation.

Une libération de la parole dans des contextes de coercition

Dans des contextes politiques laissant peu de place à l’expression individuelle, les réseaux sociaux se révèlent être des espaces essentiels d’expression publique. C’est par exemple le cas en Chine, où le gouvernement exerce un contrôle rigoureux sur les médias traditionnels, limitant fortement l’accès à l’information et la liberté d’expression :  « La fermeture de Facebook, Youtube ou Twitter relève en effet autant du protectionnisme économique que de la censure médiatique » (Renaud, 2014). Dans ce contexte où « l’opinion publique’’ est façonnée par le parti politique dans les médias professionnels, des réseaux sociaux Chinois ont fait leur apparition. Sina Weibo, par exemple, permet une nouvelle forme d’émancipation de ses utilisateurs en leur offrant un support d’expression, notamment pour rendre visibles leurs revendications sociales et leurs protestations. 

Dans son article La sphère publique sur les réseaux sociaux en Chine : enjeux et stratégies des acteurs (2018) publié dans la revue  Les Enjeux de l’information et de la communication, Tao Tingting dresse une analyse des préoccupations principales des utilisateurs de Sina Weibo en étudiant les discours des 100 comptes ayant un très grande influence sociale sur la plateforme. Ses résultats sont régroupés dans le tableau suivant :

source : Tao, T. (2018). La sphère publique sur les réseaux sociaux en Chine : enjeux et stratégies des acteurs. Les Enjeux de l’information et de la communication, 18(3A), 135-148. https://doi.org/10.3917/enic.hs6.0135

De cette manière, on observe que les préoccupations principales des utilisateurs de la plateforme sont autour du thème du politique (49,91%) et du social (16,41%). Egalement, dans son étude, Monsieur Tingting, explicite que les revendications politiques sont axées autour de sujets tels que la démocratie et la reforme. Quant aux revendications sociales, celles ci sont sur des sujets tels que l’égalité de richesse et l’éducation.

Ainsi, pour contrebalancer le déficit démocratique de leur pays, les chinois ont pris pour alternative d’exprimer une forme de résilience sociale en instaurant un dialogue public sur les réseaux sociaux auxquelles ils ont accès. Sina Weibo fonctionne donc non seulement comme un réseau social mais aussi comme une plateforme de contestation et de mobilisation. Les discussions qui y prennent place révèlent souvent des préoccupations sociales et politiques qui, autrement, resteraient silencieuses ou réprimées. Cela montre comment, même sous des régimes autoritaires, les technologies numériques peuvent faciliter une certaine forme de liberté d’expression et servir de catalyseur pour le changement social.

Les réseaux sociaux ont également la capacité de contourner les limitations des espaces publics physiques, permettant la mobilisation sociale et la justice dans des contextes où les manifestations traditionnelles ou les rassemblements sont réprimés ou impossibles. L’affaire Eva au Cameroun est un autre exemple de cette autre dimension des réseaux sociaux : leur capacité a contourner les limitations des espaces publics physiques. Cette affaire concerne un cas tragique survenu entre juin 2015 et décembre 2016, période durant laquelle près de soixante enfants ont disparu au Cameroun. Parmi eux, Éva, une fillette de deux ans, a été trouvée décapitée à Douala. Face à cette affaire, le gouvernement Camerounais est resté passif et aucune enquête n’a été engagée. Les médias classiques locaux étant sous le contrôle constant et permanent du pouvoir en place, l’affaire a également été étouffée au niveau de la presse écrire, de la radio et de la télévision. 

Face aux limites des médias traditionnels en place, les réseaux sociaux ont alors joué un rôle crucial en permettant aux Camerounais de briser le silence médiatique, de partager des informations, et de mobiliser le soutien public et international autour de cette tragédie.

Alors que le contexte politique Camerounais ne donnait pas la possibilité d’une mobilisation au sein de l’espace publique physique, la mobilisation s’est, en effet, faite à travers les réseaux sociaux. A travers eux, la mobilisation a pu être massive, s’appuyant sur des objectifs affectifs, cognitifs et conatifs. Ainsi, pour susciter l’émotion et donc l’engagement et le militantisme des populations Camerounaise et Internationales, la photographie de la victime ainsi que du lieu où son corps a été retrouvé a été fortement partagé sur Facebook, certains internautes changeant même leurs photos de profils à cet effet. Aussi, en lisant, commentant et partageant les internautes ont démontré leur volonté d’informer à leur tour les autres internautes, le cumul des ressentiment a alors suscité de nombreuses actions symboliques et appelé à des marches de soutien.

« Internet représente un espace ouvert qui procure aux mouvements sociaux une grande autonomie, puisque les barrières de contrôle disparaissent et les protestations, les plaintes ou les appels à la mobilisation arrivent, à peu de frais, à un nombre plus grand de partisans ».

Suarez Collado, 2013, 51

Les exemples Chinois et Camerounais mettent en lumière le rôle crucial que peuvent jouer les réseaux sociaux dans des contextes politiques et sociaux variés, agissant comme des facilitateurs de dialogue et de mobilisation là où les canaux traditionnels sont insuffisants ou inexistants.

Les Réseaux sociaux, amplificateurs des mobilisations 

En France, tandis que la liberté d’expression est un droit majeur garanti par l’article 11 de la DDHC, les Réseaux Sociaux trouvent également leurs places, dans des contextes de mobilisation sociales, cela notamment en jouant des rôles cruciaux dans l’organisation de mouvements, tels que les gilets jaune. En effet, ce mouvement de protestation commencé le 17 novembre 2018 s’est développée de manière massive via les Réseaux Sociaux. On recense par exemple à la mi décembre, soit un mois après le début du mouvement, 1548 groupes Facebook de plus de 100 membres chacun associés au mouvement. Les plateformes de Réseaux Sociaux et notamment de Facebook ont été essentielles pour structurer le mouvement et aidé à coordonner les manifestations à grande échelle, à rassembler les participants et à diffuser des informations en temps réel.

Pour démontrer l’impact des réseaux sociaux dans la mobilisation, dans « Les déterminants de la mobilisation des Gilets jaunes », Pierre C. Boyer, Thomas Delemotte, Germain Gauthier, Vincent Rollet et Benoit Schmutz ont réalisé une étude permettant de démontrer le lien entre la mobilisation en ligne et hors ligne. En utilisant deux sources de données compilées reflétant à la fois la mobilisation online et offline et en construisant trois indicateurs ( Nombre de rassemblements prévus par zone géographique, Nombre de membres de groupes Facebook associés à chaque zone géographique et Nombre de publications sur les groupes Facebook associés à chaque zone géographique), ils ont démontrer une corrélation positive entre les indicateurs de mobilisation online et offline. Plus précisément, l’étude a également démontré une forte corrélation (74%) entre le nombre de groupe Facebook par départements et le nombre de blocage ayant eu lieu dans ce département ainsi qu’une corrélation de 62 % entre le nombre de blocage dans ce département et le nombre de publications sur Facebook.

De nombreux travaux théoriques récents (Edmond [2013] ; Little [2016] ; Barberà et Jackson [2018]) se sont penchés sur l’importance des réseaux sociaux en ce qui est de l’émergence de mouvements de protestation de grande ampleur. Aussi, alors que la coordination est essentielle pour à l’action collective mais souvent limitée par les asymétries d’information et les contraintes des canaux de communication, les réseaux sociaux permettent de transformer les habitudes des citoyens comme des gouvernements.

Le dialogue en Chine, la mobilisation au Cameroun et les manifestations en France ne sont que quelques exemples de la manière dont les réseaux sociaux permettent de créer des espaces pour des voix qui autrement resteraient silencieuses et offrent des moyens de contestation et de résistance face à l’oppression. Ces plateformes ont révolutionné la manière dont nous communiquons mais ont également redéfini les paradigmes de mobilisation et d’expression dans des contextes variés à travers le monde. Ainsi, que ce soit dans des pays où la censure prédomine ou dans des démocraties où la parole est plus libre, les réseaux sociaux ont prouvé leur capacité à servir de catalyseurs pour le changement social et politique.

Louise Lefevre

Sources:

Les influenceurs sont-ils vraiment le meilleur allié d’un cinéma plus dynamique?

Le 23 février dernier, la présence de l’influenceuse Léna Situations en tant qu’animatrice du tapis rouge des César a suscité beaucoup de critiques sur les réseaux sociaux.

Léna Situations, de son vrai nom Léna Mahfouf, cumulant plus de 4 millions d’abonnés sur Instagram, s’est en effet vue confier la tâche d’animatrice du direct sur MyCanal et le compte Tiktok de Canal +. Interviewer les icônes du cinéma français à leur entrée, c’est ce qu’on reproche à cette instagrameuse qui n’aurait visiblement pas sa place à un tel évènement. Pourtant ce n’est pas la première fois que le monde du cinéma s’allie avec ce genre de créateurs de contenus, et une telle association devrait paraître évidente, et même nécessaire. Aujourd’hui des noms comme Paola Locatelli, Seb, Carla Ginola, Charlie Damelio, sont communs sur les tapis rouges. Mais Léna Situations marque un tournant : plus que faire partie du décor, une influenceuse peut avoir la main.

Un objectif : réintéresser les digital natives

Selon un rapport du CNC, les 15-24 ans représentaient la population la plus faible des spectateurs du cinéma en France en 2022 (15,7% des spectateurs), une proportion encore plus faible que les 3-14 ans (17,4% des spectateurs). À l’inverse, les 15-24 ans sont les plus présents sur les réseaux sociaux, 80% d’entre eux y participeraient selon une enquête Statista. Sur 4,8 milliards d’utilisateurs d’Internet dont 98% présents sur les réseaux sociaux dans le monde, il est aisé de comprendre que le cinéma a considérablement perdu de son influence sur une population jeune, qui ne se ferme pourtant pas complètement aux médias.

Peut-on dire que la présence croissante des influenceurs dans la liste des invités des cérémonies du cinéma a pour unique objectif d’attirer de nouveaux les jeunes vers les salles obscures ? Si l’on fait abstraction de leur présence évidente en tant que promoteurs des marques qui les invitent, on peut dire que oui. En effet, les médias sociaux ont permis une multiplication des relations « para-sociales ». Ce terme qualifie les sentiments d’amitié et d’admiration qu’une personne lambda, un fan, va éprouver envers une personnalité publique, qu’il ne connaît pas personnellement. Les influenceurs ont multiplié les interactions avec leurs admirateurs, multipliant par la même occasion le nombre de ces derniers.

Le cinéma, un média vieux au public vieillissant, prend donc le pari naturel de ces créateurs de contenus numériques pour réunir une population sur laquelle il n’a plus de prise.

Les influenceurs : des armes de pointe du marketing

Les influenceurs sont depuis plusieurs années déjà les mascottes de toutes marques espérant devenir virales. La vitalité, c’est la vitesse de diffusion d’un contenu, ou le nombre de personnes touchées par celui-ci. De nombreuses marques ont pris l’habitude de travailler en partenariats avec les créateurs de contenus : cadeaux, produits en collaboration, stories ou posts rémunérés font partie des nombreuses stratégies de promotion réalisables. Une autre s’est donc développée : inviter des influenceurs à certains illustres évènements sous le nom de la marque. C’est ce qui explique notamment le défilé des influenceurs les plus populaires sur Instagram et Tiktok, sur le tapis rouge de Cannes. Bien que leurs contenus, voir même leurs centres d’intérêts, n’aient pas grand chose, si ce n’est rien à voir avec le cinéma, ceux-ci ont droit d’accès aux évènements les plus selects du milieu, telles que les avant-premières dans le prestigieux Théâtre des Lumières.

Cette association peut poser question, pourtant elle fonctionne. Leur présence a permis de concentrer l’attention de toute leur communauté sur le Festival de Cannes. La stratégie portant ses fruits, les institutions du cinéma ont à leur tour décidé de s’y prendre au jeu. Le Festival de Cannes s’est déjà associé deux années de suite à Tiktok en tant que partenaire officiel, les César ont quant à eux engagé Léna Situations. Pari gagnant : près de 150 000 viewers suivaient l’entrée des vedettes à l’Olympia en live sur le Tiktok de Canal+, un chiffre phénoménal pour une chaîne traditionnelle sur Tiktok.

Une présence qui pose problème

Au-delà des nombreuses critiques qu’a suscité le rôle de Léna Situations aux César, la présence des influenceurs à de tels évènements du cinéma est loin d’être acceptée par la majorité. La stratégie fonctionne pour les 15-24 ans, les jeunes redécouvrent l’envie d’aller au cinéma grâce à leurs idoles. Pour les habitués il n’en est cependant pas du même son de cloche. Pourquoi? Parce que cette association ne fait pas sens de prime abord. Cannes, comme les César, sont des marques à part entière qui ont construit leur image depuis des dizaines d’années comme les évènements les plus illustres du cinéma français et international. Haut lieu de prestige, réunion d’amateurs et de connaisseurs, célébration de tout un art, la présence de créateurs de vidéos courtes et de photos Instagram fait tout de suite contraste.

Ce problème relève d’une anomalie dans le « celebrity endorsement » de ces marques, c’est-à-dire de l’image que ces associations renvoient. L’un des critères de succès d’une campagne avec une célébrité est la congruence. Il s’agit d’une question de « match » entre la marque en elle-même, et la célébrité qui la représente. Les deux sont en réalité rarement issues des mêmes secteurs, les pubs télévisées en sont d’ailleurs un parfait exemple. Cependant de manière générale, la célébrité engagée doit redorer l’image de la marque : on se rappelle tous de la pub de Jo-Wilfried Tsonga pour Kinder Bueno, ou de Brad Pitt pour Boursorama Banque. Ils n’ont aucun rapports, mais apportent une influence positive sur l’image de la marque.

Pour la communauté cinématographique, associer le cinéma à de « simples influenceurs » ne fait pas sens, et détériore même l’image de cet art. En dehors de leur propre communauté, les influenceurs ne font pas l’unanimité, et sont souvent dénigrés. Pourtant ce n’est pas la première fois que des vedettes sans rapport avec le cinéma défilent sur ces tapis rouges. Avant eux : les top models, les footballers professionnels, les candidats de télé-réalités avaient déjà leur place, et étaient pourtant des armes de marketing bien moins efficaces.

Au-delà du marketing : un postulat sur l’état des médias

Lorsque Léna Situations prend le micro pour interviewer les plus grandes figures du cinéma de l’année, l’engagement franchit néanmoins une nouvelle étape, celle de faire comprendre à la presse qu’elle n’est plus ni le média dominant, ni le média important. La journaliste Camélia Kheiredine a notamment regretté sur X que cette place lui ait été confiée, plutôt qu’à un jeune journaliste spécialisé et qualifié. En effet la presse traditionnelle est en déclin, et le cinéma semble lui aussi déjà lui tourner le dos. Nathalie Chifflet écrivait en 2017 « […] la presse a perdu le monopole de l’influence. D’ailleurs, le mot d’influence ne lui appartient même plus. Le digital lui a confisqué, signalant par là-même le déplacement des relais d’opinion« .

La décision des César de ne pas confier cette position à un journaliste signe dès lors un constat morose : une association systématique et automatique de la jeunesse aux influenceurs, une perte d’espoir totale dans un intérêt pour une presse spécialisée. La France n’en est qu’à ses balbutiements. Les États-Unis nous précèdent de plusieurs années. Les influenceurs qui s’improvisent journalistes pullulent sur les tapis rouges de tous types d’évènements culturels et ne font pour le moment pas preuve des qualités qui définissent ce métier.

Le débat est donc ouvert sur le rôle que vont vraiment porter les influenceurs pour le cinéma et le monde de la culture dans le futur. Entre dégradation de l’information et influence notoire, les institutions auront à faire un choix. Le Festival de Cannes renouvèle de nouveau son partenariat officiel avec Tiktok, qui se défend lui-même d’être un réel levier pour la culture. Entre le concours Tiktok Short Films durant le festival, qui a déjà récompensé la jeune Claudia Couchet, lui permettant de travailler sur des projets de plus grande envergure par la suite, les partenariats avec différents salons culturels, et le hashtag #Booktok, Tiktok porte ses arguments. La présence des influenceurs est cependant toujours questionnable, surtout lorsque nombreux suspectent une amputation du nombre de Pass 3 jours à Cannes (pass permettant aux jeunes amateurs d’assister au festival) au profit de plus de places pour ces derniers.

Anaëlle Mousserin

Sources:

Dévoiler la stratégie de contenu sur Instagram : Comment Reels, Lives et Stories influent sur l’engagement et la conversion ?

À l’ère numérique d’aujourd’hui, les médias sociaux sont des plateformes cruciales pour la transmission et le partage d’informations. Comment attirer l’attention de l’audience potentielle et les guider vers vos sites web ou magasins ? Comment détecter et répondre à leurs besoins? Ce sont toutes des questions clés en marketing sur les réseaux sociaux. En plus du contenu créatif, les différents approches du contenu est également très importante. Vidéo ? Images ? Texte ? Audio ? L’utilisation astucieuse de différentes formes de contenu aidera à maximiser les résultats. Cet article prendra Instagram comme exemple, pour discuter des caractéristiques de ces trois nouveaux formats : les reels, les stories et les lives, examinera leur efficacité en termes d’engagement et de conversion, et découvrira comment utiliser efficacement ces formats dans les stratégies de marketing.

Source : Later

Instagram est l’un de canal le plus important pour leurs campagnes de marketing d’influence, offrant principalement quatre formats de publication : les posts, les reels, les stories et les lives. Les posts, en tant que format le plus traditionnel et principal d’Instagram, permettent de diffuser des informations sous forme de vidéos, d’images, de carrousels, etc. Mais depuis 2019, le taux d’engagement moyen des posts dans le feed (hors réels et IGTV) a diminué de 44 %. Selon l’étude de Later portant sur 81 millions de publications Instagram, le taux d’engagement moyen des posts était de 5,16 % en 2019, mais a chuté à 2,88 % d’ici fin 2021. On constate que même si les post conservent leur place sur Instagram, les marques commencent à expérimenter de plus en plus de nouveaux formats.

  • Réel

Le Reel est un format de vidéo courte de 15 à 90 secondes, introduit sur le marché français en 2020 pour rivaliser avec son concurrent TikTok. Le taux moyen d’engagement par post pour les Reels était de 1,23 % en 2023, ce qui en fait actuellement le type de contenu le plus performant sur Instagram. 

Tout d’abord, les Réels offrent des outils d’édition intégrés, une bibliothèque audio et des divers filtres et AR effets, ce qui permet de répondre à la demande croissante des utilisateurs en matière de montage rapide et de partage. D’ailleurs, contrairement aux Stories qui ne durent que 24 heures et aux Lives qui sont diffusés en temps réel, les Reels peuvent être conservés à long terme et facilement partagés avec d’autres utilisateurs, ce qui conduit à une portée organique (Reach) plus large. De plus, le format court des Reels les rend plus interactifs et divertissants, ce qui augmente ainsi leurs chances de devenir viraux. Selon les données de Socialinsider, comparé aux carrousels et aux images, les Reels génèrent deux fois plus de portée et sont également plus susceptibles de recevoir des likes et des commentaires. De plus, selon la graphique sur l’algorithme de l’instagram, il a été constaté que la corrélation entre les impressions et les likes est la plus forte (0,85), tandis que la relation avec les commentaires (0,16) et le nombre de followers (0,12) est plus faible. Cela signifie que les Réels peuvent obtenir une notoriété élevée avec un nombre relativement faible de followers ou de commentaires, ce qui est avantageux pour les petits créateurs. 

Source : Semrush

Ainsi, pour les marques et les entreprises, les reels représentent un excellent canal de marketing pour accroître l’engagement du public et la reconnaissance de la marque. Par exemple, Sephora France est l’une des marques qui utilisent efficacement les Reels d’Instagram. La beauté Sephora a utilisé efficacement les Reels pour présenter des tutoriels de maquillage rapides avec leurs produits, obtenant plus de 2 millions de vues et des milliers de likes, commentaires et partages, ce qui a stimulé l’engagement et l’intérêt pour leurs produits.

De plus, collaborer avec les KOLs, lancer des tendances et des challenges sur les Reels et encourager les utilisateurs à la création de contenu (UGC) est aussi une stratégie efficace. Par exemple, la compagnie aérienne Delta crée souvent des Reels interactifs, invitant les utilisateurs à participer à des vidéos, par exemple, il a publié un reel avec la question « if you could squeeze in one more trip before the end of the year, where would you go ? ». Ce reel a obtenu plus de 104 000 vues et 700 commentaires. De plus, Delta partage régulièrement des vidéos sur les destinations mondiales provenant de clients, d’influenceurs et de ses employés, pour inspirer les futurs voyageurs. Starbucks fait aussi la même stratégie. Ils encouragent activement leurs clients à créer des contenu et à partager leurs expériences avec des hashtags tels que #Starbuckstumbler, #starbuckscups, #starbucksmood, etc.

  • Story 

La story est un contenu (photo ou vidéo) – ou une série de contenus – que l’on publie sur Instagram et qui s’efface automatiquement après 24 heures. Elle a été lancée par Instagram en 2016 pour inciter les utilisateurs à partager en temps réel des moments de leur quotidien. En comparant le taux moyen de portée des stories Instagram avec les post dans le feed, nous avons constaté que la plupart du temps, les stories Instagram n’atteignent que la moitié des personnes touchées par les post.  Selon le markerly, son taux moyen d’engagement se situe entre 1 % et 7 % selon la taille des abonnés, légèrement inférieur à celui des Reels (2%-8%). 

Source : Rival IQ

Cependant, les stories sont un outil très efficace pour communiquer de manière plus spontanée et authentique avec leurs abonnés. Tout d’abord, les stories offrent diverses formes d’interactivité amusantes, telles que le sondage, le quizz, le compte à rebours, etc., qui peuvent favoriser l’interaction, renforcer l’engagement du public, et créer une expérience plus immersive pour les utilisateurs. Par exemple, Nike a utilisé la sondage dans sa story, demandant aux utilisateurs de voter pour leur design Air Max préféré. Cela a non seulement suscité l’anticipation pour le lancement du produit, mais a également encouragé une participation directe de milliers d’utilisateurs. Deuxièmement, les liens « Swipe-Up » et les autocollants de liens dans les stories permettent un accès direct aux sites web, aux pages produits ou à d’autres contenus pertinents, réduisant ainsi l’écart entre l’engagement et la conversion. Troisièmement, les stories sont aussi propices d’être utilisées comme teasers, par exemple en utilisant des stories pour prévisualiser vos vidéos ou événements en lives, reels ou sur IGTV, voire sur d’autres plateformes telles que YouTube. Cela peut susciter l’attente chez le public et inciter les spectateurs de stories à regarder la vidéo complète.

  • Live 

Un live (ou salon direct) est une diffusion vidéo en direct qui permet de communiquer en temps réel avec sa communauté. Sur Instagram, les utilisateurs peuvent désormais diffuser en direct jusqu’à quatre heures avec trois co-organisateurs au maximum. Les lives sont un excellent moyen de maintenir le contact avec son public et de renforcer sa fidélité. Ils favorisent les échanges directs et permettent d’obtenir immédiatement des retours sur le contenu proposé, ainsi que de répondre aux questions des spectateurs pour dissiper leurs doutes. De plus, la nature en temps réel des lives offre une expérience authentique qui inspire davantage confiance chez les spectateurs, ce qui en fait un outil idéal pour promouvoir des produits et des services en montrant leur authenticité et en encourageant les achats. Les Q&A avec le Leadership Team, Behind the Scenes Expérience, les live d’unboxing, etc., sont tous des choix très efficaces. Cependant, les lives sont en temps réel, ce qui signifie que les spectateurs peuvent facilement les manquer. Il est donc essentiel de les annoncer à l’avance via des stories ou d’autres moyens de promotion, pour maximiser l’audience. En outre, organiser régulièrement des séminaires ou des tutoriels sur live est également une excellente façon d’attirer un public potentiel. Par exemple, Barry’s Bootcamp organise régulièrement des sessions en live pour partager des cours d’entraînement énergiques. Cela crée une communauté numérique pour sa marque, attire et fidélise les amateurs de fitness.


Pour conclure, sur la plateforme Instagram, ces trois outils offrent tous des opportunités d’engagement et de conversion, mais chacun présente des caractéristiques distinctes et ils peuvent être utilisés de manière complémentaire pour diversifier la stratégie de contenu d’une marque ou d’une personne. Les reels sont la principale tactique pour atteindre de nouveaux publics et augmenter les engagements tels que les likes et les commentaires, les lives sont efficaces pour susciter des échanges directs, et les stories sont idéales pour augmenter l’interactivité directe du public et diriger le trafic vers leurs reels, lives ou leurs site web. Lors de l’élaboration d’une stratégie de marketing, il est essentiel d’exploiter efficacement les caractéristiques et les avantages de chacun de ces outils, tout en mettant l’accent sur la qualité et l’authenticité du contenu. Après la publication, il est également important de surveiller attentivement les indicateurs tels que le taux d’engagement par portée, le taux de conversion, le taux de rétention, etc., et de les analyser pour résoudre les problèmes éventuels.

YE Jiayi


Référence: 

Blair Feehan , 《 2024 Instagram Stories Benchmark Report》, disponible en ligne sur <https://www.rivaliq.com/blog/instagram-stories-benchmark-report/>, consulté le 14  avril 2024

Jessica Worb, 《How Reels Have Impacted Feed Post Performance》, disponible en ligne sur <https://later.com/blog/instagram-reels-engagement/>, consulté le 14  avril 2024 

Stellar tech, 《The complete guide to content formats and types on Instagram》, disponible en ligne sur <https://stellar.io/resources/influence-marketing-blog/guide-instagram-formats-content/>, consulté le 15  avril 2024  

Markerly,《Engagement Metrics: Do Instagram Reels or Stories drive better engagement?》, disponible en ligne sur <https://markerly.com/pulse/engagement-metrics-do-instagram-reels-or-stories-drive-better-engagement/>, consulté le 16  avril 2024  

Elena Cucu, 《Instagram Benchmarks: What Is the Best-Performing Content Type on Instagram Based on Data》, disponible en ligne sur <https://www.socialinsider.io/blog/instagram-benchmarks/#reach>, consulté le 16  avril 2024 

Shannon O‘Shea, 《Les Avantages des Reels Instagram pour Toute Entreprise》, disponible en ligne sur <https://fr.semrush.com/blog/instagram-reels-pour-entreprise/>, consulté le 15  avril 2024 

Search engine journal, 《5 Clever Ways Brands Are Using Instagram Live》, disponible en ligne sur <https://www.searchenginejournal.com/clever-brands-instagram-live/403084/>, consulté le 17 avril 2024 

IQ hashtag, 《Top Hashtags for #starbucks Enthusiasts》, disponible en ligne sur <https://iqhashtags.com/hashtags/hashtag/starbucks>, consulté le 17  avril 2024 

Keyhole, 《Starbucks Social Media Strategy: Insights into Viral Campaigns》, disponible en ligne sur<https://keyhole.co/blog/starbucks-social-media-strategy/#2-Engaging-with-customers-through-interactive-content>, consulté le 17  avril 2024 

Jessica Worb, 《How Brands Are Going Viral With Instagram Reels》, disponible en ligne sur <https://later.com/blog/brands-on-instagram-reels/#sephora>, consulté le 17  avril 2024 

Evelyn Taylor, 《5 brands beating the Instagram Reels algorithm》, disponible en ligne sur <https://emplifi.io/resources/blog/brands-beating-the-instagram-reels-algorithm>, consulté le 17  avril 2024 

Instagram, 《Instagram Live Producer》, disponible en ligne sur <https://about.instagram.com/fr-fr/blog/tips-and-tricks/instagram-live-producer/>, consulté le 17  avril 2024 

Laura Jourdain, 《Pourquoi intégrer le format live dans sa stratégie de contenu ?》, disponible en ligne sur <https://locrea-communication.fr/blog/pourquoi-integrer-le-format-live-dans-sa-strategie-de-contenu/>, consulté le 17  avril 2024 

Être célèbre pour son succès : les influenceurs et la crypto-monnaie

La montée des influenceurs qui utilisent leurs comptes pour faire la promotion de méthodes de trading risquées.

Avec le développement des réseaux sociaux le nombre de personnalités “connues pour leur notoriété” a explosé, le résultat est donc qu’aujourd’hui le culte de la célébrité est à son paroxysme. On rencontre une forme de multiplication des micro-célébrités sous la forme d’influenceurs ayant ainsi leurs propres audiences et communautés, et comme toute position de notoriété en découle une forme de responsabilité vis-à-vis des communautés concernées. 

Le marketing relationnel n’est en rien un concept nouveau et existe depuis l’époque Tupperware où la marque misait sur des interventions de particuliers chez d’autres particuliers pour répandre le produit. L’idée du marketing par influenceurs est aujourd’hui similaire mais démultipliée.

C’est ici que les abus de pouvoir font surface et depuis quelques années sous une forme particulièrement complexe : les arnaques liées à la crypto-monnaie.

En effet, on a remarqué une insurgence d’influenceurs orientant leurs contenus sur la réussite financière. On entend de la part de ces influenceurs des phrases telles que « Bouge ton c*l, change ta vie », « Se faire de l’argent en dormant », « Reprends ta vie en main » illustrées par des vidéos d’opulence et succès.

Des scandales pas si récents

On pense alors aux scandales internationaux avec par exemple Jake Paul (23 millions d’abonnés) qui vient d’être poursuivi en justice pour son projet NFT CryptoZoo qui lui aurait fait gagner des millions de dollars au détriment de ses abonnés. 

En effet, avec ce projet lancé en septembre 2021, Logan Paul avait créé une application de jeu en ligne visant à rendre ludique et accessible le trading en NFT. L’idée était de permettre aux utilisateurs d’élever des œufs de créatures fictives ayant chacune une valeur en ETH (commençant à 0.285 Ethereum : 340 dollars). Ensuite les participants pourront s’échanger les œufs sur la plateforme afin de finir par les transformer en monnaie réelle. Cependant à cause de problèmes en interne dans la société et fraudes, les utilisateurs se sont retrouvés dénués revenus lors du « Hatch Day », le jour où les « œufs » crypto-monnaie devaient éclore et révéler leur valeur réelle.

Vidéo d’excuses de Jake Paul diffusée sur Youtube suite à la chute de CryptoZoo

Le youtubeur avait par ailleurs déjà participé à des scandales similaires l’année précédente avec son système Dink Doink qu’il mettait en avant sur ses réseaux sociaux. Ce projet, sous un marketing qui le personnifie par un personnage fictif de dessin animé, se voulait capable de rémunérer ses utilisateurs sans efforts à travers un système de « Tokens » NFT. Peu après le lancement de la plateforme, la valeur des Tokens en question a d’abord subi une brusque hausse de 40 000% qui s’est ensuite écrasée en seulement deux semaines. Se présentant à la base comme seulement un investisseur de la plateforme, Logan Paul est suspecté d’être un des fondateurs derrière le projet.

Publication de Logan Paul pour la promotion de Dink Doink

Le copy trading en France, une pratique en manque de régulation

Mais là où la question devient plus intéressante et pointue c’est lorsque l’on se penche sur les cas plus récents d’influenceurs français tels que le couple Blata qui ont fait la promotion de méthodes de “copy trading”. Ce 23 janvier 88 membres du Collectif d’Aide aux Victimes d’Influenceurs ont déposé une plainte contre X et pour abus de confiance contre Marc Blata sur ces sujets.

En effet, Marc Blata (qui est loin d’être un exemple isolé) a commencé à faire de la promotion sur ses réseaux sociaux (depuis Dubaï) “d’opportunités” en trading NFT. Ainsi, c’est à travers des slogans soulignant l’occasion de “se faire de l’argent en dormant” ou “100% de chances de gagner” et le fameux «Copiez, collez, encaissez.» que les abonnés de Marc Blata se sont retrouvés sur Telegram (une application de messagerie cryptée). Ils n’avaient ainsi qu’à copier des instructions envoyées par le couple Blata (Marc et Nadé) pour les placer sur des marchés financiers et plus particulièrement le FOREX: un marché particulièrement volatile sur lequel les devises sont échangées les unes contre les autres à des taux de change instables.

Ces méthodes maintenant très répandues de participer au trading crypto-monnaie sans en avoir les moindres connaissances préalables s’appellent le copy trading: une technique d’investissement dans laquelle un particulier reproduit automatiquement les transactions exécutées par un autre trader, souvent appelé « trader expert ». En substance, le copy trading permet aux investisseurs de copier les stratégies de trading d’autres personnes, dans le but de reproduire leur succès financier. Cela se fait souvent via une plateforme en ligne (dans le cas de Marc Blata Telegram) qui relie les traders, influenceurs et particuliers, facilitant la copie des transactions en temps réel.

Exemple d’instructions copy-trading destinées au “Blata Gang”

Cependant, là où le sujet devient épineux c’est que l’influenceur touche de larges commissions sur l’argent investi et plus l’investissement est élevé, plus la commission est élevée. Ainsi, il est avantageux pour ces influenceurs de ne pas mentionner les risques du copy trading. 

En effet, selon l’AMF (Autorité des Marchés financiers) 8 particuliers sur 10 perdent de l’argent lorsqu’ils s’engagent dans des pratiques de copy trading. Cela arrive car, le montant du gain est dépendant du risque choisi et de l’investissement initial du particulier. En effet, le risque dépend du coefficient multiplicateur choisi par l’utilisateur sur chaque transaction : son « lot ». Le problème est donc qu’après avoir quelques gains initiaux de quelques euros sur les premières transactions, les utilisateurs finissent toujours par augmenter leurs lots et investissements et ainsi subir de lourdes pertes. De leur côté, les traders professionnels ont une bien plus grande agilité et rapidité de réaction sur les marchés financiers que les particuliers qui copient des instructions plus datées qui ont bien plus le risque d’être obsolètes. 

Ainsi, c’est ici que se questionne la responsabilité de l’influenceur. En effet, le copy trading étant aujourd’hui toujours parfaitement légal, sa promotion en ligne est cependant dans une zone grise en discussion en ce moment même au parquet de Paris. 

Un système basé sur l’addiction

En élargissant le sujet la comparaison peut-être faite avec d’autres industries telles que les paris sportifs ou le jeu en ligne. Le point commun principal étant que le grand danger de ces plateformes, structures ou marchés est leur caractère addictif qui pousse à augmenter les risques.

En effet, ces méthodes de copy trading (ou les plateformes telles que celles de Logan Paul) permettent de rendre accessibles aux particuliers le trading sur des marchés qui demandent normalement des véritables structures technologiques et connaissances. Les particuliers sont voués à l’échec lorsqu’ils investissent en suivant aveuglément des instructions d’inconnus mieux équipés sur des marchés comme le FOREX.

« Il y a des idiots dans mes abonnés. »

De son côté Marc Blata est devenu connu à travers la télé-réalité et ce sont les réseaux sociaux qui ont permis de capitaliser et monétiser sa notoriété. Son statut d’influenceur lui a ainsi permis de transférer et individualiser une partie de l’audience qu’il avait auparavant en télé-réalité. C’est donc à travers cela que les personnalités vont monétiser leur notoriété.

Interview Cash Investigation par Elise Lucet de Marc Blata

Lorsque interviewé par Elise Lucet pour Cash Investigation (diffusé le 4 avril dernier sur sur France 2), l’influenceur se défend: “Mes abonnés, je ne les choisis pas. Mes abonnés, ils me critiquent, ils m’insultent, etc. Il y a des idiots dans mes abonnés.”. Selon lui, actuellement exilé à Dubaï, la responsabilité repose sur ses abonnés « idiots » qui ont mal suivi ses conseils.

Tom Averink

Sources:

Algorithme et santé mentale : comment les algorithmes font de la santé mentale une tendance ?

Mise sur le devant de la scène à la suite des multiples confinements liés à la crise sanitaire, la santé mentale s’est progressivement démocratisée ces dernières années jusqu’à être considérée aujourd’hui comme l’une des priorités du gouvernement Attal. Rapidement, les réseaux sociaux ont été envisagés comme un espace privilégié d’expression qui, du fait de la barrière du virtuel, facilite la prise de parole. Ils se sont emparés du sujet inondant les fils “Pour toi” de contenus autour de l’anxiété et de la dépression, contenus remportant un tel succès qu’ils en sont devenus viraux. La santé mentale devient ainsi un sujet de monétisation, orientant de ce fait, les consommateurs dans leurs choix et habitudes.

Actualité : la santé mentale, une priorité du gouvernement Attal

Selon une enquête menée par Santé Publique France datant du 23 octobre 2023, la santé mentale des Français continuent de se dégrader en 2023 et ce, particulièrement chez les 18-24 ans. Cette dégradation s’inscrit dans la continuité d’une accélération remarquée depuis 2021, année plongée dans une postpandémie lente et violente. Les recours aux soins d’urgence pour pensées et gestes suicidaires ne cessent d’augmenter et il est estimé à 20,8% le taux de personnes concernées par la dépression en 2021 contre 11,7% en 2017 ; nous passons ainsi du simple au double en à peine cinq ans. Ces chiffres préoccupants sont aujourd’hui la source d’une prise de conscience généralisée sur le sujet, prise de conscience allant jusqu’à Matignon faisant de la santé mentale une des priorités du gouvernement Attal.  

Crise sanitaire : la santé mentale devient un sujet de santé publique 

Les problèmes de santé mentale ont toujours existé mais ont surtout été toujours minimisés par rapport à ceux liés à la santé physique. Comme ces troubles peuvent être, de fait, physiquement invisibles, indétectables à l’œil nu, ils ont l’énorme inconvénient de ne marquer les esprits que de ceux qui en subissent les conséquences directes ou indirectes. De plus, comme la santé mentale est, de ce constat, minimisée voire méprisée par l’opinion publique, l’aborder restait encore tabou. Jusqu’à la crise sanitaire. 

Lorsque le confinement a fait son apparition en France, toutes les habitudes et routines de la population ont changé, soudainement, sans prévenir. Les Français ont dû s’adapter avec les ressources dont ils disposaient, dans l’urgence. La vie sociale a été mise sur pause et des millions de personnes ont très vite fait face à l’isolement. Si la crise sanitaire n’a fait que plonger les personnes souffrantes de maladie mentale dans une bulle encore moins supportable, elle a également été à l’origine d’une diffusion généralisée de l’anxiété, de la dépression et des pensées et gestes suicidaires au sein de l’ensemble de la population. Là où la santé mentale n’apparaissait que comme un cas isolé pour certains, elle est désormais au cœur des préoccupations ; elle concerne une amie, un collègue, une camarade, un professeur ou encore soi-même si bien que nous nous retrouvons tous à une personne d’un individu souffrant de santé mentale. Enfermée chez soi, la population ne pouvait communiquer qu’à travers des écrans, renforçant la dépendance au numérique et aux réseaux sociaux. Sans repère, la population s’accroche à ce seul lien de communication et le quotidien devient de plus en plus guidé par les algorithmes.  

Réseaux sociaux : un espace d’expression privilégié par les jeunes

Protégés par la barrière du virtuel, les créateurs de contenus voient en les réseaux sociaux un espace privilégié d’expression et les utilisateurs, un moyen de réagir à ces contenus de manière anonyme s’ils le souhaitent. Cette mise à distance avec la réalité facilite et encourage la prise de parole faisant des réseaux sociaux, ce qui est souvent nommé de “safe place”. Finalement, ils retrouvent leur sens premier, celui d’interagir avec des personnes avec lesquelles nous sommes liés par des affinités de toute nature qu’elles soient amicales, professionnelles ou de l’ordre d’un sujet commun, ici la santé mentale.  Du fait de cette barrière du virtuel, les utilisateurs ont moins de mal à s’exposer et se crée ainsi une sorte de société parallèle conduite et contrôlée par les réseaux sociaux.  

Une alternative aux freins à la consultation payante de professionnels 

Aujourd’hui, 59,4% de la population mondiale utilisent les médias sociaux au moins une fois par jour. Ce chiffre s’explique notamment par les effets de réseau directs qu’ils procurent mais également par la facilité de se créer un compte. Ces plateformes sont très accessibles, intuitives et addictives. Cette accessibilité va de pair avec la gratuité de son service. Ce dernier point est important pour notre sujet. En effet, l’accès à la guérison de problèmes de santé mentale est souvent pointé du doigt ; cet accès passe généralement par la consultation de psychologues, prestations payantes qui, de fait, filtrent ses patients. Les réseaux sociaux s’imposent dès lors comme une alternative à ces freins liés à la consultation de professionnels qui ne sont, d’ailleurs, pas seulement financiers mais également moraux. En effet, encore aujourd’hui, malgré la démocratisation opérée autour de la santé mentale, aller voir un psychologue n’est pas un acte anodin dans l’esprit des gens. Avec les réseaux sociaux, les personnes souffrantes n’ont plus à faire cet effort de s’exposer et de se confronter au regard pesant de la société et peuvent se cacher derrière une identité virtuelle qui capte les conseils donnés sur ces plateformes pour améliorer leur santé mentale. En effet, les contenus portant sur la santé mentale peuvent prendre plusieurs formes : ce sont à la fois des conseils présentés sous l’angle du développement personnel ou encore des formats vlogs. Ces contenus sont très appréciés car ils vont (en apparence du moins) à l’encontre de la superficialité et de la “génération filtre” guidant les réseaux sociaux depuis plusieurs années. Ils se veulent plus proches du réel et ont pour but de légitimer l’idée d’aller mal, de le comprendre, de l’admettre et de l’assumer. La formulation “c’est ok” revient souvent dans ce sens et sert de mantra auquel s’accrocher et autour duquel les personnes souffrantes peuvent s’unir. Elle permet d’enlever aux réseaux sociaux cet aspect “culpabilisant” qu’ils peuvent initiés en ne montrant que des contenus améliorés, retouchés et mis en scène.  

Algorithme : scroller sur la santé mentale

L’engagement accordé à ces contenus précise le goût de ceux qui les regardent et permet à l’algorithme de personnaliser ses suggestions. Par ce jeu des algorithmes, les consommateurs d’une plateforme comme TikTok, particulièrement connu pour son algorithme puissant, se retrouvent dans des boucles infinies de contenus autour de la santé mentale. En alimentant cette spirale infernale, l’algorithme ne permet pas aux utilisateurs de sortir de cette bulle très cloisonnée dans laquelle ils ont été progressivement enfermés et font face quotidiennement à un contenu exclusivement tourné autour de l’anxiété et de la dépression. 

 « Quand [j’]“aime” une vidéo triste qui [me] parle, tout à coup, toute ma page “Pour toi” est triste. Je me retrouve dans le “TikTok triste”. Ça affecte mon humeur. »

Francis, 18 ans, étudiant aux Philippines.

Témoignage recueilli par Amnesty International lors d’une enquête portant sur l’exposition des jeunes aux contenus autour de la santé mentale sur TikTok.

Avec ces vidéos, les individus souffrants de mauvaise santé mentale se soutiennent, certes, contrant en apparence contre l’isolement, mais alimentent finalement le réseau social de ce sujet, jusqu’à son omniprésence. Avec l’algorithme, ils sont exclusivement et en permanence plongés dans ce contexte et cette atmosphère moroses. 

La capitalisation sur la viralité d’une maladie

Présentée ainsi, la combinaison algorithme/santé mentale ne semble pas alarmante. Pour autant, elle comporte des limites. Si la multiplication des contenus portant sur la santé mentale permet une démocratisation du sujet certes appréciable, elle va de pair avec leur succès, et très vite, leur monétisation. Ce genre de contenus devient une véritable source de revenus pour celles et ceux qui en produisent, incitant certains utilisateurs à en devenir eux aussi les créateurs. Dès lors qu’un contenu devient viral, des utilisateurs capitalisent sur cette viralité pour en tirer profit. Ainsi, le jeu des réseaux sociaux s’instaure de nouveau, plaçant la mise en scène au cœur des contenus et faisant émerger de nouvelles tendances pour maintenir cette viralité. Les contenus sur la santé mentale sont alors banalisés mais surtout idéalisés et souffrir d’un trouble mental signifie « être à la mode ». L’année dernière, une nouvelle tendance maquillage fait son entrée sur Tiktok, celle des cernes. Le principe ? Accentuer voire se créer des cernes pour paraître plus fatiguée et ainsi, en moins bonne santé. 

Si cette tendance avait pour but de démocratiser les “imperfections” qui sont normalement camouflées par le maquillage, des millions de jeunes adolescentes se sont emparées de cette astuce pour prôner une mauvaise hygiène de vie.  L’apparition de cette tendance en dit long sur les proportions qu’a pris le traitement de la santé mentale sur les réseaux sociaux, principalement sur Tik Tok.  

Aujourd’hui, la démocratisation d’un sujet sur les réseaux sociaux va de pair avec les excès de son exploitation. Malheureusement, ces plateformes permettent aujourd’hui de capitaliser sur la viralité de ses excès, les encourageant ainsi grandement. Si ce constat est plutôt commun à l’exposition d’une problématique sur les réseaux sociaux, il est d’autant plus alarmant lorsqu’il s’empare de la santé. Se pose alors la question de la modération sur ces réseaux, notamment sur une plateforme comme Tiktok, qui s’attaque aujourd’hui davantage à des thématiques sensibles pouvant heurter le public (terrorisme, sexualité) qu’à l’engrenage de la viralité et de l’exposition qu’elle implique. Si ces thématiques sont considérées comme « dangereuses » pour son public, quand est-il du principe de viralité ?

Sources :

  • « TikTok : un modèle dangereux pour la santé mentale des jeunes et des enfants », enquête publiée le 10 novembre 2023, Amnesty International
  • « Santé mentale : sur TikTok, une spirale de « contenus qui encouragent les pensées dépressives », interview publiée le 21 novembre 2023, par Jérémy Torres pour Libération
  • « TikTok plombe-t-il la santé mentale des ados ? », publié le 17 février 2023, par Audrey Parmentier pour Konbini

Louise Rialland

Newsjacking ou l’art de surfer sur l’actualité pour gagner en visibilité : méthode efficace de communication ? 

Bernie Sanders, la famille royale, Macron, tous ont été la cible du newsjacking – mais qu’est ce donc ?

Le newsjacking est une méthode marketing qui consiste à diffuser une image, une vidéo ou encore un message en rapport avec un sujet d’actualité. Le but est de provoquer une réaction, un choc chez le spectateur. On parle souvent de publicité “opportuniste”.

Pour cela, la campagne publicitaire doit être déclenchée le plus rapidement possible afin de ne pas perdre cet effet d’émulsion. Sont donc privilégiés les médias permettant une mise en place rapide de cette dernière (presse quotidienne, Internet, réseaux sociaux  …).En effet, cette méthode de marketing perd tout son sens si elle est reçue “trop tard”  par rapport à l’actualité exploitée. Le message perd alors toute sa valeur. La réactivité des équipes marketing de la marque est donc un élément indispensable. 

“Le newsjacking consiste à surfer sur une vague de buzz avant qu’elle ne soit formée totalement.”Frédéric Canevet, spécialiste en marketing B2B. 

La plupart du temps, c’est l’humour et la connivence qui sont mis en avant. Les jeux de mots et images détournées sont utilisés à foison. Au-delà de développer ce lien tacite avec l’audience en profitant de la viralité d’un buzz ou d’un événement, l’idée est également de profiter d’éventuelles retombées de presse ou sociales. 

Le newsjacking n’est pas forcément le fruit d’une immense réflexion, de grandes campagnes publicitaires comprenant des films publicitaires ou encore des emballages spéciaux. Cela peut simplement être un post ou un tweet, simple mais rebondissant instantanément sur l’actualité. Prenons l’exemple de ce tweet marketing de Netflix, en septembre 2020, à la suite d’une explosion dans Paris :

Ce dernier avait atteint la barre des 100 000 likes quelques minutes seulement après sa parution. 

Ou encore ce post de Monoprix en 2014 lors de la coupe du monde :

En quelques secondes seulement, le nombre de partages avait été fulgurant. Et on le comprend, la mise en scène est bien trouvée !

Dans le domaine du marketing traditionnel et digital, le real-time marketing a donc plusieurs objectifs : 

  • Améliorer la notoriété, l’image, l’engagement de la marque auprès du grand public
  • Une croissance rapide du chiffre d’affaires de la marque
  • La promotion d’un nouveau produit ou service grâce à cette méthode innovante
  • Se démarquer par rapport aux concurrents 
  • Créer une relation avec son audience cible et surtout tâcher d’accroître cette dernière

Le newsjacking présente donc divers avantages. Au-delà de rajeunir son image et d’améliorer sa réputation, cette méthode de marketing est un réel moyen pour générer de nouveaux prospects et de nouvelles ventes. En effet, les posts sur les réseaux sociaux relatifs au newsjacking sont les plus relayés par leur caractère ludique et inédit. Grâce au newsjacking, l’entreprise augmente donc sa chance de toucher une audience bien plus large que celle ordinaire.

Renforcer la confiance créée avec l’audience en jouant de cette complicité est également un atout far de l’approche marketing. Le newsjacking relève donc du marketing émotionnel et s’inscrit parfaitement dans cette vision d’amélioration d’image et de réputation. Cette stratégie digitale est également très utilisée afin de relancer la visibilité d’une marque et réveiller une communauté endormie. De nos jours, il est crucial pour une marque d’être présente au sein de la sphère médiatique. Utiliser le newsjacking est donc une manière idéale de se démarquer au sein de cette dernière, sortir son nom du lot. Toutes les entreprises n’osent pas encore se lancer et on les comprend. Faire du newsjacking c’est tout un art. 

Comment surfer (sans couler) sur l’effervescence médiatique ? 

La créativité est le maître mot. Cependant, il est essentiel de veiller à la bonne diffusion du message choisi. Si ce dernier est maladroit ou manque de pertinence,  le newsjacking peut rapidement virer à l’échec total et l’effet inverse de celui escompté : bad buzz, perte de réputation … On pense notamment à la campagne diffusée par les 3Suisses au lendemain de l’attentat à l’encontre du journal Charlie Hebdo début d’année 2015. Une action entraînant du remue-ménage dans le mauvais sens du terme et un bad buzz considérable pour la marque. 

Pour se mettre à l’abri d’un tel fiasco, voici quelques conseils : 

  • Forcer l’activité : Surtout pas ! Le principe même du newsjacking réside dans le fait de  surprendre les internautes. Créer le buzz pour le buzz ou surfer sur la même actualité que tous ne sera en aucun cas bénéfique. 
  • Ne pas trop planifier : Au risque de perdre en spontanéité, tout réside dans la gestion de l’urgence et de la surprise une nouvelle fois !
  • Éviter les sujets sensibles, susceptibles de créer une politique négative ( conflit armés, attaques terroristes …). Ne pas oublier de prendre des pincettes avec l’ironie, tout le monde n’est pas réceptif à cette manière de communiquer.
  • Résister à la récupération : Aucun effet de surprise dans ce cas, voire pire un vieillissement de l’image de la marque, jugée trop arriérée pour être à la page de l’actualité.  

Pour un effet garanti, il est essentiel d’établir un plan rapide – le newsjacking rime avec urgence – mais surtout efficience. Afin de déployer cette stratégie de manière réussie, trois étapes de bases semblent nécessaires : 

  1. Le benchmarking ou la veille marketing : Comme explicité plus haut, il ne faut surtout pas arriver trop tard ou encore pire passer à côté des événements d’actualités. Collecter et organiser les informations auprès d’autres médias spécialisés est donc nécessaire. Effectuer une veille SEO en s’aidant d’outils tels que Google Trends ou Oncrawl est un plus. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le newsjacking permet de toucher aussi bien des audiences B2C que B2B.
  1. être réactif mais attentif : Agir vite, certes, mais en étant  innovant et surtout sûr de ses sources. Le ton, le texte, tout doit être méticuleusement réfléchi.  L’idée est de proposer le contenu le plus pertinent, impactant et surtout plaisant afin de ravir le plus grand nombre.  Connaître sa cible principale est obligatoire afin de savoir la manière la plus judicieuse pour s’y adresser. D’autres part, inclure un aspect émotionnel est vivement recommandé : message de soutien à une cause, storytelling… Enfin quelque soit la nature du contenu, l’utilisation d’hashtags renforce la popularité et donc la vitesse de partage du post. Pour les JO 2024, utiliser #Paris2024 ou encore #OlympicSpirit peut propulser une campagne à l’avant de la scène. 
  1. Miser sur une stratégie multicanale : La campagne doit être vue, entendue, visionnée mais surtout retenue. Les blogs, campagnes d’emailing ou newsletters ne sont pas à négliger. Le format vidéo est également très apprécié. Les canaux de communication les plus exploités restent ceux visuels, permettant un partage immédiat sur les réseaux sociaux. Ces derniers par leur fonctionnalités de likes, commentaires et partages sont le support idéal, favorisant viralité et engagement.

Illustrons quelque peu ces propos.

Les experts en la matière : 

Monoprix : Comment parler newsjacking sans parler de Monoprix. La marque de supermarchés est la référence française dans ce secteur. Ses packagings jouent des temps forts de l’année pour mettre en avant les produits, le recours aux jeux de mots est pratiqué à profusion. Cette manière décalée de promouvoir les produits confère à la marque une réelle valeur ajoutée. 

Campagne célébrant les 45 ans du lancement de la mission spatiale Apollon 11: 

Campagne diffusée lors de la 68e édition du festival de Cannes en 2015 :

Ikea : La branche canadienne a souvent réussi à conquérir le cœur du grand public. Cette dernière mise également sur le newsjacking pour augmenter son capital sympathie. Sa communication digitale mise sur un visuel minimaliste mais efficace qui engendre souvent des milliers d’intéractions à travers le monde et des centaines de partages et reprises média.

Campagne diffusée à l’annonce du mariage du Prince Harry avec  Meghan Markle en 2018 : 

Campagne réagissant à l’image virale du sénateur américain Bernie Sanders :

Burger King : Pour conclure cette série d’exemples, il semblait indispensable d’évoquer le géant du Whopper. Connu pour son retour et ses campagnes de communications originales, c’est sans surprise que BK s’empare, à son tour, du newsjacking. 

Campagne réagissant à l’annonce de l’éclipse solaire au Canada le 8 avril dernier : 

Campagne diffusée lors du confinement de 2020 :

Le newsjacking, pratique déjà bien comprise par un certain nombres de marques semble donc être la technique idéale pour séduire son public sur un air enfantin ! Quoi de mieux que l’humour pour être convaincant et convaincu. Attention tout de même à ne pas se louper au risque d’être mis de côté. 

Originalité et créativité, nous avons hâte de voir ce que nous réserve les marques pour l’Euro et les JO de Paris 2024 !

Sources : 

Marketing, E. (2022, September 15). Newsjacking : qu’est-ce que c’est ? [Définition, marketing et exemples]. E-marketing.fr. 

Dorle, R. (2023, May 20). Stratégies de newsjacking : conquérir l’actualité pour un marketing efficace. Journal du Net

Sitew. (s. d.). Comment développer son entreprise en ligne avec le newsjacking ? Sitew.

Gripich, M. (2019). Newsjacking as a tool of influence on the image of a company in social networks. Zaporizhzhia National University. 

Lily Madura

Lego, Barbie, Ferrari : quand les marques font des films

Dans l’univers du cinéma, une nouvelle tendance captivante émerge, érigeant un pont entre l’art du storytelling cinématographique et le pouvoir des marques emblématiques : les films de marque. Le placement de produit prend aujourd’hui une nouvelle forme saisissante avec l’avènement de ce nouveau genre. Des maisons de couture (House of Gucci, 2021), aux fabricants de jouets (Barbie, 2023), en passant par les géants de l’automobile (Ferrari, 2023), des histoires entières prennent vie sur grand écran, étroitement tissées avec les fils narratifs des marques renommées.

Les marques et leur image : en quête d’émotions

Dans notre société de consommation, où l’individu forme son identité quasi exclusivement par l’absorption de certains biens et services, ce sont les marques qui dominent nos esprits. En plus de vendre un produit, une marque vend un certain type de message, contenant une histoire sur les qualités uniques de ses créations.

La marque agit comme un objet désirable, dont la possession est capable de satisfaire les attentes du consommateur, le rendre heureux, et devient en fait un moyen pour une personne de s’orienter dans la réalité. Ce sont la qualité et la reconnaissabilité d’une marque qui contribuent à susciter des émotions positives chez les cibles et à les fidéliser. Mais dans un contexte de sursaturation du marché, les entreprises sont appelées à rechercher de nouveaux moyens d’atteindre les consommateurs.

L’expérience est un élément incontournable de la fidélisation des clients. C’est pour cela que les marques sont nombreuses à élargir leur activité : elles construisent des parcs d’attraction (Disneyland, Ferrari World, Volkswagen Autostadt), transforment leurs usines en musées (Guinness Storehouse, Heineken Experience) ou encore créent leurs propres hôtels-boutiques (Bulgari, Armani, Versace).

Toutes ces expériences ont pour but de faire vivre aux clients des émotions marquantes et positives, pour que ces émotions s’associent par la suite avec la marque, qui devient ainsi encore plus désirable. Suivant cette logique, il n’est pas surprenant que les marques aient toujours été nombreuses à vouloir se rattacher au cinéma, une attraction offrant une large palette d’émotions susceptible d’être utilisée dans une campagne marketing.

Le placement de produit, une pratique discrète mais influente

Le placement de produit a pris racine dans l’industrie cinématographique dès les premiers balbutiements du septième art. Au cours du 20e siècle, les réalisateurs ont commencé à intégrer subtilement des produits dans leurs films, créant ainsi un lien indirect entre les marques et le public. Souvent utilisé comme source de financement pour les productions cinématographiques, le placement de produit permet de compenser les coûts de réalisation tout en offrant aux annonceurs une visibilité stratégique auprès des spectateurs.

À l’origine, le placement de produit se manifestait principalement par des apparitions éphémères d’objets de consommation dans des scènes, parfois de manière transparente pour le public, mais souvent subtilement pour éviter de rompre l’immersion narrative. Cependant, au fil des décennies, cette pratique s’est développée pour devenir une stratégie marketing plus sophistiquée.

Une nouvelle forme de placement de produit : quand le produit devient l’histoire

Le paysage du placement de produit évolue rapidement depuis sa création, et l’on observe aujourd’hui une transition vers une nouvelle forme : le film de marque. Ces œuvres cinématographiques ne se contentent plus simplement de présenter des produits, mais elles en font le pivot central de l’intrigue; les marques deviennent les acteurs principaux, tissant un récit étroitement lié à leur essence même. 

Ce concept va au-delà de la simple promotion ; il s’efforce de créer une expérience immersive où le public se plonge dans l’univers narratif de la marque. Ce glissement vers une intégration plus profonde des marques dans le récit cinématographique soulève des questions fascinantes sur l’avenir du partenariat entre le monde du cinéma et celui des marques, redéfinissant ainsi la manière dont nous interagissons avec ces dernières à travers l’art cinématographique.

En 2014, LEGO s’est par exemple lancé dans la production de son propre film d’animation en présentant ses jouets emblématiques. Les répercussions ont été très positives pour la marque, avec une augmentation des ventes de jeux LEGO à la suite du succès du film, qui s’explique par une envie des spectateurs d’explorer plus encore l’univers de la marque. Outre les produits de construction traditionnels, le film a ouvert la voie à de nouveaux produits basés sur les personnages et l’univers présentés dans l’intrigue. Cela a permis à LEGO de diversifier sa gamme de produits, y compris les jeux vidéo, les séries animées et les produits dérivés. Une communauté de fans passionnés qui partagent leur amour pour LEGO s’est développée sur les médias sociaux et les forums en ligne, renforçant ainsi l’engagement des consommateurs envers la marque.

Un effet encore plus prononcé a été suscité par le film « Barbie », sorti en 2023. Non seulement le film immerge le public dans l’univers de la poupée en rose, mais il lui présente littéralement l’administration du groupe Mattel qui parle des valeurs de la marque de manière quasi directe. Le film a suscité un gigantesque buzz médiatique, et le public tout de rose vêtu ne s’est pas fait attendre dans les salles de cinéma. De nombreuses marques ont également tenté de s’inscrire dans la tendance en faisant des collaborations avec Mattel (Zara, OPI, Nyx, Gap…). Sans surprise, les ventes des poupées ont augmenté de 20% depuis le lancement des opérations marketing. Mattel a déjà annoncé la production de films sur ses autres gammes de produits, notamment Polly Pocket, Hot Wheels et même UNO.

La maison de luxe Saint Laurent, elle, est allée plus loin. En 2023 la marque diversifie son activité en créant sa propre société de production « Saint Laurent Productions”. A présent, la marque ne se contente plus d’être représentée par des costumes portés par des acteurs, mais prend les rênes artistiques des films, lui permettant de façonner de manière intégrale chaque aspect narratif et visuel. Cette initiative offre à la marque une opportunité unique d’incarner pleinement ses valeurs à travers l’expression cinématographique.

Dans les salles de cinéma… et sur le petit écran ?

Et qu’en est-il des plateformes de streaming? Pour Hugo Orchillers, responsable des placements de produit au sein de l’agence Place To Be, avec qui nous nous sommes entretenus, le travail de placement de produit est sensiblement le même qu’il soit fait pour le cinéma ou pour une plateforme de streaming. À la différence près que les plateformes de streaming se montrent plus réticentes que les producteurs de cinéma : « Les plateformes de SVOD comme Netflix proposent du placement de produit, mais cela reste vraiment infime. Les plateformes ne veulent pas créer une régie publicitaire {…} afin de rester le plus cohérent possible avec leur discours de lancement ».

Cependant, à travers le phénomène des films de marques, il se pourrait que cette volonté soit en train d’être ajustée. En effet, des géants du streaming comme Amazon Prime collaborent eux aussi avec des marques, comme le montre la sortie du film « AIR » (2023), sur la franchise Nike. Ce film réalisé par Ben Affleck dévoile le partenariat révolutionnaire entre un Michael Jordan encore méconnu, et la division de basket chancelante de Nike, qui a changé le monde du sport et de la culture avec la marque Air Jordan.

Ainsi, le phénomène des films de marque nous prouve que le cinéma est devenu un outil marketing incontournable pour forger l’identité d’une marque, immerger le public dans son univers et lui offrir une expérience mémorable tout en stimulant les achats. Qu’ils soient diffusés en salle de cinéma ou en streaming, les films de marques sont à l’origine d’un nouveau type de marché publicitaire qui, malgré sa popularité, entraîne tout de même des vagues de critiques concernant la dénaturation du septième art au profit des annonceurs. Ainsi se crée le débat sur l’avenir du cinéma et s’ouvre la voie de recherche d’une harmonie entre créativité et commerce dans le monde artistique contemporain.

Melina MAGNE et Anna ORLOVA


SOURCES :

Le Point; « Barbie » : les ventes de poupées ont augmenté de 20% depuis la sortie du film; 08/2023

Mattel; Mattel Films and Warner Bros. Pictures Announce J.J. Abrams’ Bad Robot Will Produce Hot Wheels Live-Action Motion Picture; 2022

Europe 1; La marque de luxe Saint Laurent annonce la création d’une société de production de films; 04/2023

Luc Dupont; Placement de produit : quand le cinéma devient un terrain de jeu marketing; 09/2024

Stéphane Debenedetti, Isabelle Fontaine; Le cinémarque : Septième Art, publicité et placement des marques; 2004

Est-ce la fin des moteurs de recherche tels que nous les connaissons ?

En septembre dernier, nous fêtions les 25 ans du moteur de recherche Google. 25 ans d’hégémonie, illustrée par l’entrée du verbe “googliser” dans le Larousse en 2014 ou par les 90% de parts de marché mondiales dans le Search (Statcounter, 2023). Et aujourd’hui si quelqu’un nous demande ce qu’est un moteur de recherche, nous lui présentons Google. Mais si la célèbre entreprise règne depuis des années sur ce secteur, des évolutions récentes semblent remettre en question le monopole du moteur de recherche en offrant des alternatives innovantes et adaptées aux comportements émergents des utilisateurs.

Si l’on compare les moteurs de recherche entre eux, nulle doute que Google n’a aucun souci à se faire.
Mais si l’on regarde d’un peu plus loin, d’autres acteurs pourraient remettre en question sa posture dominante.

AMAZON : LE MOTEUR DE RECHERCHE INCONTOURNABLE POUR LES PRODUITS

En se positionnant comme le « Google des produits », Amazon a transformé la manière dont nous découvrons et achetons des produits. En utilisant des données comportementales détaillées, la plateforme offre à ses utilisateurs des recommandations de produits personnalisés. Son algorithme analyse non seulement les recherches précédentes et les achats des utilisateurs mais aussi les produits qu’ils consultent et ceux qu’ils laissent dans leur panier. Cela permet à Amazon de créer une expérience d’achat hautement personnalisée et intuitive, souvent plus attrayante que les résultats génériques proposés par les moteurs de recherche traditionnels.

Mais Amazon ne se contente pas de répondre aux requêtes des utilisateurs, l’entreprise anticipe leurs besoins. 70 % des Français commencent leur recherche de produits, toutes catégories confondues, sur Amazon plutôt que sur Google (Remazing & Appinio, 2022). En présentant aux consommateurs des suggestions ultra-ciblées, Amazon fait de la découverte de produits une expérience fluide et intuitive.

À travers cette expérience d’achat entièrement intégrée, de la recherche initiale à la transaction finale, Amazon élève les attentes des consommateurs et redéfinit les nouveaux standards de la recherche en ligne.

TIKTOK : UN MOTEUR DE RECHERCHE NOUVELLE GÉNÉRATION

TikTok est de plus en plus utilisé comme un moteur de recherche, notamment par la Gen Z.
Plus de 2 Américains sur 5 utilisent TikTok comme un moteur de recherche et 1 “Gen Zer” sur 10 préfèrera TikTok à Google pour réaliser ses recherches (Adobe Express, n.d.).

La plateforme s’écarte du modèle traditionnel des moteurs de recherche pour offrir une expérience utilisateur qui fusionne divertissement et information. Avec ses vidéos courtes et captivantes, TikTok répond aux particularités des nouvelles générations, caractérisées par des durées d’attention courtes, une préférence pour l’apprentissage visuel et une certaine défiance envers les résultats traditionnels de Google, souvent perçus comme saturés de contenus sponsorisés ou moins authentiques​​.

TikTok a également su capitaliser sur ses atouts en introduisant de nouvelles fonctionnalités, comme les suggestions de recherche en dessous des vidéos, qui exploitent l’engagement des utilisateurs pour les orienter vers des contenus connexes, enrichissant ainsi l’expérience de recherche​​. De plus, le contenu généré par les utilisateurs (User-Generated Content ou UGC) renforce l’authenticité perçue de la plateforme et crée un sentiment de confiance et de communauté parmi les utilisateurs.

Cependant, la popularité croissante de TikTok comme moteur de recherche soulève également des questions sur la qualité et la véracité des informations partagées. Contrairement aux moteurs de recherche traditionnels, qui se basent sur des algorithmes complexes pour le classement des résultats, TikTok repose sur des recommandations algorithmiques qui mettent en avant des vidéos virales ou tendances, ce qui peut parfois conduire à la diffusion d’informations non vérifiées ou biaisées.

LES IA GÉNÉRATIVES : UN NOUVEAU TERRAIN DE JEU POUR LES MOTEURS DE RECHERCHE

Lorsque les Intelligence Artificielles Génératives (IAG) ont fait leur apparition, elles ont redéfinit la notion même de recherche en ligne. Et avec elles, une course à leur intégration a débuté.

Microsoft a rapidement intégré un chatbot d’IAG dans son moteur de recherche Bing, dans le but de prendre un avantage sur Google. Cela a partiellement fonctionné : on a observé un regain d’utilisation de Bing avec plus de 100 millions d’utilisateurs mensuels, mais la part de marché mondiale du moteur de recherche est restée stable à environ 3,4%. Microsoft a donc pris de l’avance en annonçant Bing Chat début 2023. Cependant, Google a rapidement réagi avec Bard, son propre chat basé sur l’IAG.

Si les deux chatbot sont des outils puissants, Bing Chat, qui utilise le modèle de langage GPT-4 d’OpenAI tandis que Bard utilise le modèle de langage PaLM 2 de Google, semble avoir l’avantage en termes de précision, de flexibilité et de disponibilité sur différentes plateformes. Cela ne signifie pas nécessairement que Bing dépassera Google en tant que leader du search, mais cela témoigne d’une concurrence accrue dans l’intégration de l’IAG au sein des moteurs de recherche.

FINALEMENT, QUEL AVENIR POUR LES MOTEURS DE RECHERCHE ?

Si l’on pourrait penser qu’il s’agit de la fin de l’hégémonie de Google, Bing ayant pris de l’avance sur les IAG et les réseaux sociaux constituant des concurrents de taille face aux nouveaux comportements des consommateurs, Google n’a pas dit son dernier mot.
En mai dernier, lors de sa conférence annuelle, Google a présenté une nouvelle version de son moteur de recherche en introduisant la SGE.

Avec la Search Generative Experience (SGE), Google incorpore les capacités de l’intelligence artificielle directement dans son moteur de recherche en proposant un résumé des meilleurs résultats d’une recherche.
C’est une véritable refonte de l’interaction utilisateur qu’entreprend Google, proposant une nouvelle manière de rechercher l’information. Demander à Google « un vélo pour un trajet quotidien de 5 km » n’est plus une simple requête mais une porte ouverte sur une liste personnalisée, avec des descriptions et des avis. L’immense base de données de produits de Google s’érige en rival direct à Amazon, promettant une intégration plus fine entre la recherche et la transaction. Fini le temps des dizaines (voire centaines..) d’onglets, l’ère est à l’efficacité et à la pertinence, un coup porté directement à la nature éparpillée du contenu social.

Si Google n’est pas prêt de quitter sa première place dans le domaine du Search, l’entreprise s’apprête à lancer un raz-de-marée dans le secteur du référencement naturel (SEO). En réduisant potentiellement le besoin des utilisateurs de visiter d’autres sites Web pour s’informer, Google risque de renforcer un potentiel abus de position dominante. Si “SGE” est désormais disponible dans 7 langues et 120 pays, ce n’est toujours pas le cas en Europe. Affaire à suivre…

Laura MARIANI

BIBLIOGRAPHIE

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Remazing. Appinio. (2022). Enquête sur les acheteurs Amazon. https://www.appinio.com/fr/blog/insights/comportements-achats-amazon

Cunningham, A. (2024, January 19). Bing Search shows few, if any, signs of market share increase from AI features. Ars Technica. https://arstechnica.com/ai/2024/01/report-microsofts-ai-infusion-hasnt-helped-bing-take-share-from-google/

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Grattepanche, M. (2023, August 11). Le nouveau moteur de recherche Google utilise l’IA générative. Abondance. https://www.abondance.com/20230511-53215-nouveau-moteur-de-recherche-google-ia-generative.html

Comment la TVOD réussit-elle à se démarquer face à l’explosion de la SVOD ?

La vidéo à la demande (VOD) a révolutionné la manière dont nous consommons des contenus audiovisuels, dépassant pour la première fois en 2023 la consommation de contenu de façon linéaire (53% des contenus audiovisuels sont aujourd’hui consommés de manière délinéarisée contre 47% en linéaire*). Ce mode de consommation offre en effet une flexibilité sans précédent dans le choix et l’accès à des films, des séries et autres programmes. Pour rappel la VOD se divise en 2 modèles différents : la VOD à l’acte (TVOD), c’est à dire la location ou l’achat (EST) d’un contenu, permettant de le visionner moyennant un paiement unique, et la VOD par abonnement (SVOD), offrant un accès illimité à une bibliothèque de contenus moyennant un abonnement mensuel. Depuis la crise sanitaire, les plateformes de SVOD n’ont cessé de se développer jusqu’à aujourd’hui représenter plus de 88% du marché de la VOD**. Pour autant, la TVOD n’est pas à négliger puisque dans l’achat de contenu audiovisuel, elle s’est pour la première fois en 2022* imposée face au chiffre d’affaires des ventes de vidéo physique. Ainsi comment la TVOD réussit-elle à se démarquer face à l’explosion de la SVOD ?

Il est important dans un premier temps de préciser qu’au sein de la TVOD, Les dynamiques sont en train d’évoluer, en effet, même si la location représente encore 66,1 % du marché de la TVOD, contre 33,9% pour l’EST**, on assiste petit à petit à un développement de l’EST, puisqu’en 2023, on observe une hausse de 8,3% de ce marché, contrairement à la location qui elle stagne voire est en légère baisse (-0,3%)* 

De plus, lorsque l’on s’intéresse plus précisément aux contenus consommés par les utilisateurs de TVOD, on peut voir que même si les contenus audiovisuels (fictions et animation) représentent la majeure partie des contenus disponibles (69%)**, les contenus les plus consommés sont les films et les DTV (notamment les films américains), qui totalisent 207,4M€ de chiffre d’affaires en 2022**. Ce qui peut sans doute s’expliquer par le côté plus attractif des contenus cinématographiques.

De plus, la TVOD est le catalogue de contenu disponible le plus exhaustif qui existe aujourd’hui. En effet, en 2022, 82 497 références étaient actives en TVOD (location et vente), contre 75 989 en 2021 (+8,6 %)**. Cela prouve que ce catalogue continue de s’étoffer au fil des années avec notamment les films et contenus audiovisuels de l’année en cours mais également des films de patrimoine restaurés par exemple. Cela permet ainsi au consommateur de visionner le film qu’il souhaite immédiatement sans être dépendant des catalogues des plateformes de SVOD qui acquièrent et perdent les droits des contenus très fréquemment. La TVOD a également l’avantage de proposer des contenus dits “frais” (6 premiers mois de l’édition vidéo.)

En effet, grâce à la chronologie des médias, la TVOD est la première façon de voir un film après sa sortie cinéma. Ainsi l’exclusivité incite les consommateurs à acheter le film. Cela a cependant l’inconvénient d’être étroitement lié aux succès des films en salle. En effet, lorsque l’on regarde le top 5 des contenus les plus achetés en VOD en 2022, 4 de ces films faisaient partie du top 5 box office de l’année 2022**. Ainsi il est arrivé que le manque de succès et plus généralement de films en salles engendre une baisse importante de la TVOD, comme ce fut le cas en 2021 lors de la crise sanitaire. Malgré tout, cette exclusivité est un argument de taille qui permet encore aujourd’hui à la TVOD de perdurer face au modèle de la SVOD voire de se développer à petit pas d’année en année  

L’un des derniers avantages de la TVOD est qu’au contraire des plateformes de SVOD, celle si peut plus facilement d’organiser des périodes de promotions (au même titre que la vidéo physique) car il est plus facile pour ce modèle de rogner sur ses marges assez confortables pour générer davantage de ventes, ce qui est plus difficile pour les plateformes de SVOD qui peinent déjà à être à l’équilibre aujourd’hui. 

Ainsi la TVOD tend à se maintenir voire se développer face aux plateformes de SVOD grâce à l’attractivité et l’exclusivité de ses contenus et grâce à un basculement des pratiques des acheteurs de vidéo physique vers toujours plus de digital. Néanmoins, cet équilibre semble fragile et peut vite être déstabilisé par des éléments extérieurs comme l’offre de films en salle mais aussi et surtout par un raccourcissement de la fenêtre d’exclusivité d’exploitation d’un film assuré par la chronologie des médias. Enfin son développement est aujourd’hui malheureusement assez négligeable face au mastodonte qu’est devenu le modèle de la SVOD. 

Sources :

* Observatoire de la Vidéo à la Demande du 23 janvier 2024

** Bilan du CNC 2022

Le futur du Live Shopping : une nouvelle ère animée par des avatars de vente

Live shopping dans le monde entier

Selon un rapport de Global Data, le marché du e-commerce en live devrait atteindre 245,15 milliards de dollars d’ici 2026. Selon les données du ministère chinois du Commerce, au cours des dix premiers mois de 2023, le chiffre d’affaires du live shpping a dépassé 2,2 billions de yuans (environ 2820,51 milliards d’euros), enregistrant une augmentation de 58,9 % en glissement annuel et représentant 18,1 % du chiffre d’affaires du commerce de détail en ligne.

Ces dernières années, le live shopping s’est rapidement développé à l’échelle mondiale, le nombre de professionnels, la diversité des secteurs, la gamme de produits, le nombre de diffusions en direct, et le montant des ventes, démontrant une dynamique puissante. En tant que nouveau modèle commercial de l’ère de l’Internet, le live shopping a émergé avec force, devenant une scène unique dans le développement économique de la Chine même du monde. 

Avatars virtuels et Live shopping

En outre, avec le développement continu du métaverse et de la technologie de l’information, la numérisation a créé une matrice de rôles divers, tels que des idoles virtuelles, des avatars virtuels, des employés numériques et des streamers virtuels. La diffusion virtuelle devient ainsi un point d’entrée et de fusion entre le monde virtuel et le monde réel. Les animateurs, en tant qu’élément essentiel du live shopping, sont-ils sur le point d’être remplacés par des streamers virtuels générés par l’IA ? Cette question suscite actuellement l’attention de divers secteurs. Les avantages indéniables sont les suivants :

  1. Ils n’ont pas besoin de se reposer et peuvent travailler de manière ininterrompue 24 heures sur 24. Les consommateurs peuvent ouvrir le live streaming à tout moment pour obtenir des informations sur les produits.
  2. Les streamers virtuels générés par l’IA n’ont pas de conscience de soi et ne seront jamais impliqués dans des incidents tels que des controverses ou des problèmes de comportement personnels, comme cela s’est produit avec les deux plus grandes stars du live streaming en Chine tels que Li Jiaqi (aussi appelé Austin Li) et Viya.
  3. Avec l’émergence de l’IA générative comme ChatGPT, non seulement le contenu des dialogues homme-machine devient plus riche, mais également les coûts opérationnels de l’apprentissage automatique sont réduits.

L’intérêt pour les avatars virtuels ne cesse de croître, et ils ont connu un énorme succès sur plusieurs plateformes de streaming et de shopping en Chine, telles que Kuaishou, Douyin (Tiktok), Taobao . En mai 2020, la marque de chanteurs virtuels Vsinger, avec des artistes tels que Luo Tianyi, a organisé des événements commerciaux en direct sur Taobao, atteignant un pic de 2,7 millions de spectateurs en ligne, dont 2 millions ont participé aux pourboires. Selon les abonnés ayant regardé le livestream du avatars virtuel la plus populaire en Chine, Luo Tianyi, ils ont exprimé leur préférence pour l’achat d’albums musicaux de Luo Tianyi et de produits correspondant à son image, par rapport aux simples endorsements commerciaux.

Les streamers virtuels présentent un potentiel de développement significatif dans le marketing de marque, contribuant efficacement à accroître la notoriété de la marque. Voici quelques exemples intéressants :

Les avatars virtuels influenceront-ils vos choix de consommation ?

En tant qu’une nouvelle tendance émergente, les avatars virtuels suscitent effectivement un vif intérêt et des discussions dans le domaine du e-shopping. Cependant, nous faisons face actuellement à une lacune dans les recherches, notamment en ce qui concerne l’impact des avatars virtuels sur les choix d’achat des consommateurs et leur ampleur.

Premièrement, nous pouvons nous pencher sur l’influence potentielle des avatars virtuels sur les décisions des consommateurs. Est-ce que l’apparition des avatars virtuels changera la perception des consommateurs des produits, leur processus de prise de décision d’achat et leur comportement d’achat ? Cela concerne l’efficacité réelle des avatars virtuels dans la transmission d’informations sur les produits, la fourniture de conseils d’achat, etc. À travers des études empiriques impliquant un grand nombre de consommateurs, nous pouvons mieux comprendre l’impact réel des avatars virtuels sur le comportement des consommateurs lors du shopping numérique.

Deuxièmement, il est nécessaire d’examiner l’acceptation des avatars virtuels par différents groupes de personnes. Les préférences d’achat et l’état d’esprit des consommateurs varient d’une personne à l’autre, et donc la recherche doit se concentrer sur des facteurs tels que l’âge, le genre, le contexte culturel, etc., qui influent sur l’attitude et le degré d’acceptation des avatars virtuels. Cela contribuera à une compréhension plus globale et permettra des prévisions plus précises de l’impact potentiel des avatars virtuels sur différents marchés.

Troisièmement, une recherche approfondie sur l’impact des avatars virtuels sur le shopping numérique nous permettra de mieux comprendre leur rôle dans l’environnement commercial, fournissant ainsi des recommandations plus scientifiques et pratiques pour le développement futur de l’expérience de shopping numérique.

Le futur : les avatars virtuels de vente remplaceront-ils les live-streamers réels?

C’est une question qui suscite beaucoup d’attention. L’évolution de cette tendance sera influencée par plusieurs facteurs.

Tout d’abord, avec l’avancée continue de la technologie, les capacités des avatars virtuels deviendront plus réalistes, répondant potentiellement aux besoins des consommateurs en matière de divertissement et d’information. Les avatars virtuels ne sont pas limités par le temps et l’espace, et peuvent fournir des services 24 heures sur 24, ce qui peut être attractif pour les consommateurs désireux d’obtenir des informations à tout moment et en tout lieu.

Ensuite, le comportement des consommateurs peut être influencé par des facteurs tels que la personnalité des avatars virtuels, leur interactivité et leur adéquation avec l’image de marque. Si les avatars virtuels parviennent à mieux répondre aux préférences des consommateurs, en offrant une expérience interactive personnalisée, ils pourraient devenir un choix préféré des consommateurs.

Cependant, l’authenticité et la chaleur humaine que possèdent les live-streamers pourraient être des aspects que les avatars virtuels ne pourront pas complètement remplacer. Certains consommateurs préfèrent interagir avec de vraies personnes, et l’expression émotionnelle et la construction de relations interpersonnelles des animateurs en chair et en os pourraient surpasser celles des avatars virtuels.

D’un point de vue industriel, l’attente envers les avatars virtuels alimentés par l’IA est qu’ils amélioreront l’efficacité, réduiront les coûts et créeront davantage de valeur commerciale pour les marques. L’apparition des avatars virtuels pourrait répondre à ces attentes, en particulier dans des contextes nécessitant une diffusion et une promotion à grande échelle.

En résumé, la question de savoir si les avatars virtuels remplaceront les live-streamers dépendra de l’évolution de la technologie, de l’acceptation des consommateurs et des besoins de l’industrie. L’avenir pourrait présenter une coexistence des deux, chacun jouant sur ses propres avantages pour répondre aux attentes et aux besoins diversifiés du public.

Peiyi OUYANG


Références :

Les tendances du live shopping en 2023. (n.d.). https://www.kolsquare.com/fr/blog/tendances-du-shopping-en-live-en-2023

Analyse de live shopping, Xinhua News. (n.d.). http://www.news.cn/tech/20240104/0d7fb92ee9dc49ba94f579d43666069c/c.html

Étude de l’influence des animateurs virtuels sur l’intention d’achat des consommateurs dans le commerce en direct, École de gestion de l’Université de technologie de Shanghai (2023) https://pdf.hanspub.org/ORF20230600000_67334662.pdf

Références en langues étrangères :

俞继红. 元宇宙时代数字虚拟直播的演变与展望[J]. 传媒评论, 2022(11): 79-80. 

梁伟, 石丹. 洛天依“出圈”会和真人爱豆抢饭碗? [J]. 商学院, 2020(9): 56-58. 

木芯. 一夜吸粉百万, 虚拟主播带货会更有优势吗? [J]. 销售与市场(管理版), 2021(12): 20-22.

陆新蕾, 虞雯. 虚拟偶像粉丝群体的消费文化研究——以虚拟歌姬洛天依为例[J]. 当代传播, 2020(6): 75-78+112. 

Plateformes SVOD : quels contenus pour poursuivre la croissance?

S’il y a 10 ans les plateformes SVOD commençaient à faire leur apparition, aujourd’hui elles occupent une place importante sur le marché de l’attention et gagnent du terrain par rapport à la télévision classique et les autres médias traditionnels. Selon une étude d’Ampere Analysis (1), en 2023 la consommation en ligne a représenté 53% de la consommation vidéo, dépassant ainsi la consommation linéaire ( 47%) sur les 18-64 ans. L’écart est encore plus grand chez les 18-24 en France avec 83 % de la consommation en ligne contre 17% en linéaire et sur l’ensemble de la population dans les autres grands pays européens et aux États-Unis. 

Netflix a annoncé la semaine dernière avoir dépassé son objectif pour le dernier trimestre de 2023 avec 13.1 millions d’abonnés supplémentaires et cumule désormais 260 millions d’abonnés à travers le monde. Ses principaux concurrents sont Prime Vidéo avec plus de 200 millions  d’abonnés, Disney + avec 150 millions d’abonnés et Paramount avec 63 millions d’abonnés. Cette barre symbolique de 250 millions d’abonnés a pu être franchie en partie grâce à sa stratégie contre le partage de mots de passe et à la création d’une nouvelle offre moins chère avec publicité, offre avec publicité qui est maintenant disponible chez ses concurrents Prime Vidéo et Disney+. Mais dans le futur ces mesures vont atteindre leurs limites et pour les plateformes de streaming une diversification des contenus sera nécessaire.

Le marché de la vidéo à la demande est un marché très concurrentiel sur lequel de nouveaux entrants font régulièrement leur apparition. Avec une multiplication des offres d’abonnements disponibles et face à l’abondance des contenus, les utilisateurs sont souvent contraints de faire en choix concernant le service choisi. Ce choix se fait non seulement en prenant en compte leur enveloppe “loisirs” disponible qui se voit diminuer à cause de leur baisse de pouvoir d’achat, mais aussi en fonction des contenus disponibles.

Netflix et Prime Vidéo : au delà de la fiction

La fiction et le sport sont les deux types de contenus qui traditionnellement attirent les abonnés et cela semble être une des stratégies de diversification depuis plusieurs années déjà. En effet, nous avons tous vu Amazon gagner une bataille symbolique face à France TV pour la diffusion du quart de finale qui opposait Rafael Nadal à Novak Djokovic lors du tournoi de Roland Garros en 2022. Et le tennis ce n’est pas le seul terrain sur lequel le géant américain est allé afin d’élargir son parc d’abonnés. Depuis 2021, Amazon diffuse un paquet des matchs de la Ligue 1 et a déjà acquis les droits TV pour la période 2024-2029. Selon le baromètre de NPA conseil, le “Pass Ligue 1” est estimé à 1,7 millions d’abonnés et cela ne serait pas un investissement rentable pour la plateforme. En revanche, en Angleterre, au moment de l’acquisition des droits de la Premier League Prime Vidéo a vu une croissance de 35% de son parc d’abonnés (2).

En ce qui concerne Netflix, depuis son lancement la plateforme avait opté pour une stratégie différente concernant les contenus sportifs. Afin d’éviter de payer les droits de diffusion très élevés, Netflix avait opté pour la production des documentaires comme “Break Point” ou encore “Tour de France : au coeur du peloton” qui ont été dans le top des programmes les plus visionnés. De plus, pour se lancer dans le live streaming, la plateforme s’est concentrée sur l’organisation des  événements comme la Netflix Cup durant laquelle des binômes des golfeurs et des pilotes se sont affrontés dans une course à Las Vegas en novembre dernier. Néanmoins, cette stratégie semble évoluer avec l’annonce la semaine dernière d’un accord de 5 milliards de dollars avec World Wrestling Entertainment pour la diffusion des principaux événements (3).

Sur un marché de l’attention sur lequel chaque acteur souhaite capter le plus les utilisateurs, un autre type de contenu est  plébiscité par les plateformes : les jeux vidéo. En effet, les jeux vidéo ont la capacité d’augmenter le temps d’écoute, car à la différence de la fiction et des contenus sportifs, en dans la consommation des jeux vidéos, les abonnés ne sont plus des simples spectateurs et participent activement à leur expérience. Netflix s’est déjà positionné sur le sur ce type de contenus et a annoncé une croissance dans le taux d’engagement sur son offre des jeux vidéo notamment porté par le lancement de la trilogie Grand Theft Auto (4). La compagnie a déjà annoncé le développement des jeux vidéo à partir de ses franchises comme Squid Games, Mercredi ou encore Black Mirror.

Disney+ et Paramount, quant à eux, ne proposent pas actuellement de jeux vidéo. Étant donné que les deux studios possèdent d’importantes IP au vu de leur passé cinématographique, cette possibilité n’est pas à exclure dans les années à venir.

Quels autres contenus et fonctionnalités ?

Dans la poursuite de la croissance, une convergence médiatique pourrait apparaître sur les plateformes de streaming, car afin de garder leur parc d’abonnés et pour en acquérir de nouveaux, les offres devront se distinguer en termes de valeur perçue par les utilisateurs. Ainsi, il n’est pas impossible de voir de nouvelles fonctionnalités et d’autres types de contenus faire leur entrée chez Netflix, Prime ou Disney.

Selon une étude de Insider Intelligence (5), concernant le temps d’utilisation en moyenne, TikTok a dépassé Youtube (58 minutes par jour contre 48,7 minutes) et se rapproche de Netflix (62 minutes par jour). Or, les deux “poursuivants” de Netflix sont basés sur les contenus produits par les utilisateurs (UGC). Même si pour les plateformes de streaming ouvrir la possibilité aux abonnés de publier des contenus viendrait avec des réels enjeux de régularisation, cette hypothèse pourrait permettre d’accroître le temps d’attention. Le développement d’une telle fonctionnalité aurait d’autres avantages. D’un côté pour les plateformes qui sont déjà présentes sur les réseaux sociaux dans leur objectif de promotion et de communication, elles pourraient utiliser les mêmes contenus au sein de la plateforme et créer un engouement autour des programmes disponibles. D’un autre côté, pour les créateurs de contenus cela pourrait être un moyen de favoriser la création autour du service de streaming sur les médias sociaux et une nouvelle manière de monétiser les vidéos crées. 

Aujourd’hui on peut voir des extraits des films ou séries défiler sur nos réseaux sociaux, mais très souvent même si l’on les enregistre, ils tombent dans l’oubli. La possibilité de les avoir au sein du diffuseur originel de la série peut nous permettre de l’ajouter à une liste des contenus que l’on souhaite regarder.

Un autre élément qui manque sur les plateformes de streaming et qui peut faire augmenter l’engagement, c’est le sentiment de communauté. En effet, n’est malheureusement pas possible de regarder ensemble ou d’échanger avec d’autres personnes passionnées par le même contenu au sein d’une plateforme. Or, en ayant la possibilité de le faire, notre temps d’utilisation pourrait augmenter.

Sebastian Udriste

Sources :

(1)

https://www.cnc.fr/documents/36995/2097582/Observatoire+de+la+vid%C3%A9o+%C3%A0+la+demande_vpublication+2.pdf/ff3f2dc7-fd52-8969-ecd1-fb55ab663a8f?t=1706086607452

(2)

https://www.theguardian.com/media/2020/feb/20/amazon-prime-video-outpaces-netflix-growth-after-premier-league-debut

(3)

https://www.sudouest.fr/sport/5-milliards-de-dollars-netflix-s-adjuge-les-droits-pour-diffuser-le-catch-americain-de-la-wwe-18265528.php

(4)

https://www.ign.com/articles/netflix-games-engagement-tripled-in-the-last-year-in-part-thanks-to-gta

(5)

https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/en-temps-passe-tiktok-se-rapproche-de-netflix-aux-etats-unis-953936.html

Quand TikTok redéfinit l’art des concerts

Ces derniers mois, qui n’a pas regardé une vidéo du concert d’Harry Styles, de Beyoncé ou encore de The Weeknd lors de leurs concerts en France sur son téléphone ?

Peut-on se demander si TikTok ne bouleverserait-il pas les codes des concerts ?

Les vidéos de concerts, filmés par les fans, se multiplient sur les réseaux sociaux et deviennent ainsi un atout pour les artistes pendant leurs concerts

C’est à travers cette effervescence des concerts que TikTok a réussi à se faire une place en tant que nouveau moteur de communication et de partage. En n’étant pas réellement dans la salle de concert, un spectateur peut voir des aperçus du spectacle grâce aux nombreuses vidéos des concerts partagées sur les réseaux sociaux. Auparavant, filmer ou diffuser un concert était une pratique illégale ; aujourd’hui, cela devient une norme.

Les vidéos de concerts, filmées par les fans, et partagées sur les réseaux sociaux permettent à ceux non présents d’avoir un aperçu à 360° du concert, de voir la scénographie, mais également d’écouter les chansons phares de l’artiste, et donc de vivre le concert à travers leur écran.

TikTok et Instagram deviennent ainsi un relais live du concert, un moyen pour les fans de faire vivre les shows à travers les écrans, mais également pour les artistes de promouvoir leur spectacle sans réellement dépenser en termes de marketing. Par exemple, le hashtag #loveontour pour le concert d’Harry Styles, cumule près de 7,2 milliards de vues. 

Aujourd’hui, les artistes se sont emparés de cet outil afin de créer des shows qui reprennent des tendances du réseau social, comme Stromae qui reprend sur scène, la danse de sa musique “Alors on danse”. 

D’autres artistes comme Rosalia crée leur show à la façon de TikTok. Elle se filme en vertical avec son téléphone à différents moments de son spectacle, elle réalise les tendances TikTok dans ses concerts. La chanteuse espagnole va même plus loin, puisque pour annoncer son nouvel album, elle fait un concert en direct sur TikTok. Cette performance lui vaudra en 2022 d’avoir remporté conjointement avec TikTok une nomination aux Latin Grammy pour son film musical “Motomami” (Rosalía TikTok Live Performance), un film uniquement tourné sur des iPhones . 

Les concerts se multiplient : la tendance des concerts est au spectaculaire

Actuellement, les concerts se multiplient, que ce soit dans les petites salles ou dans les grandes. En effet, une étude du Centre National de la Musique sur la diffusion des spectacles de musiques actuelles et de variétés en 2022 en France montre qu’avec plus de 62 000 représentations payantes et 32 millions d’entrées, l’année 2022 franchit pour la première fois le milliard d’euros de recettes (1 146 M€ de billetterie). Ce sont les grandes jauges (comme les zéniths, les arenas, etc.) qui génèrent près de la moitié des recettes de billetterie (42% pour 1% de représentations).

Effectivement, on peut constater que les méga-concerts se multiplient. Entre 2019 et 2022, le nombre de représentations dans les salles de plus de 6 000 places a augmenté de 14%. Avec la crise du disque, et la faible redevance du streaming musical qui ne compense pas les ventes “physiques”, il est important pour les artistes de jouer sur scène. En parallèle, après avoir passé deux années à écouter de la musique grâce au streaming pendant le covid, les spectateurs ont désormais envie de voir les musiciens et de partager un moment unique.

De plus, le public demande de grands shows comme celui de Taylor Swift, produit par AEG, capable de déplacer près de 90 camions et pesant environ 9 milliards d’euros. Du côté des artistes, l’important est de se démarquer car la concurrence est forte, les représentations deviennent donc de plus en plus spectaculaires. C’est dans ce contexte que des salles de spectacle importantes telles que le Stade de France reçoivent de plus en plus de concerts. En effet, en 2022, un tiers du chiffre d’affaires annuel de cette salle provient des concerts (soit 78 millions d’euros).

TikTok, au coeur de l’industrie musicale, crée son propre concert : TikTok In the mix

Cependant, l’omniprésence des vidéos de concert n’entache pas l’importance d’y participer. En effet, la performance du direct conserve son pouvoir, comme on peut le voir avec la démultiplication des concerts et des festivals. De plus, dans l’industrie musicale TikTok est devenu un incontournable pour les maisons de disques qui s’efforcent de découvrir le prochain grand succès. Par exemple, Drake avec son titre phare Toosie Slide”, englobe tous les codes de TikTok afin de faire de cette chanson un hit : une rythmique saccadée connue des titres TikTok, une chorégraphie déjà prête avant la sortie du son et les 15 secondes de la chanson permettant la mise en place de challenges. 

Par ailleurs, la plateforme a permis de lancer des nouvelles carrières, de rajeunir les plus anciennes comme avec la chanson “Dreams” de Fleetwood Mac de 1977 qui connaît un regain en 2020. Également, TikTok est parvenu à faire modifier les noms des chansons de certains artistes pour mieux s’aligner dans les tendances de l’application. Ainsi, étant donné l’importance de l’industrie musicale au sein de l’application, il était normal que TikTok produise son premier concert le 10 décembre 2023. 

De plus, depuis quelques années, TikTok joue un rôle particulier dans l’émergence d’artistes ou de nouveautés musicales. La création du festival de musique « In The Mix » est donc organisée dans cette optique : donner vie à la musique, aux tendances, et aux expériences que la communauté du réseau social peut créer chaque jour.

Retransmis en direct sur TikTok, le concert s’est tenu à Sloan Park à Mesa, aux Etats-Unis. La programmation suscite l’enthousiasme des utilisateurs, avec des artistes tels que Niall Horan, Charlie Puth, Cardi B ou encore Anitta. En parallèle des têtes d’affiche, TikTok In The Mix a mis en avant de nouveaux artistes tels que Isabel LaRosa, Kaliii, LU KALA et Sam Barber. Ces artistes font partie de « TikTok Elevate », un programme d’artistes émergents.

L’événement a rapidement affiché complet avec près de 17 000 personnes. TikTok a proposé un tarif oscillant entre 25 et 60$ (soit entre 20 et 55€), afin d’avoir un prix accessible pour sa cible de prédilection, les jeunes. Pour ceux qui se rendent sur place, la plateforme propose aussi différentes séries d’activités inspirées par les tendances les plus en vogue.

@tiktok

Missed #TikTokInTheMix? Relive all the highlights and unforgettable moments from our first ever live music experience NOW on @Disney+ and @hulu ✨

♬ original sound – TikTok

Pour un événement de cette envergure, TikTok a réussi à atteindre des records d’audience sur la plateforme avec plus de 33,5 millions de téléspectateurs au total, profitant de la diffusion originale et des diffusions ultérieures de l’émission, adaptée au format vertical de l’application.

Paul Hourican, responsable mondial des partenariats et de la programmation musicale chez TikTok explique qu’ils sont ravis de «donner vie au fil « Pour toi », bien au-delà du concert Live de Mesa, en proposant cette expérience unique à des millions de fans à travers le monde ». En effet, en plus de la retransmission en direct sur TikTok, Disney+ s’est emparé du phénomène en permettant également de revivre le concert sur la plateforme. 

«Aucune autre plateforme ne réunit aussi bien musique, créativité et communauté que TikTok» explique Paul. En effet, leur vision est de « créer un spectacle réinventé pour l’ère TikTok et la communauté de passionnés de musique du monde entier ». Ainsi, il ne s’agit pas uniquement d’un festival mais d’un évènement culturel révolutionnaire. Grâce à ce concert, le réseau social a donc rassemblé sa communauté ce qui lui a permis de briser cette barrière de l’écran et de pouvoir partager et réunir. Ainsi, cette expérience a mis en exergue comment les plateformes numériques telles que TikTok façonnent non seulement la manière dont nous consommons la musique, mais aussi la manière dont la musique est jouée et vécue en direct.

On peut dire que TikTok influe sur la manière dont les concerts sont appréhendés. En effet, pour les spectacles de grande envergure, le concert ne se perçoit plus uniquement comme un événement artistique que l’on vit en direct, mais plutôt comme un produit à valoriser en ligne, une opportunité de générer du contenu viral pour TikTok.

Ainsi, en plus de modifier la façon dont on consomme les concerts, un show doit être filmable de la réflexion de la tenue, à la préparation, et au jour J. TikTok modifie également  la manière d’assister au concert. En effet, comme l’explique Raphaël Enthoven, aujourd’hui nous sommes dans une ère où il est plus important de filmer sa vie et de la partager plutôt que de la vivre : on va choisir «de sacrifier» le moment pour dire qu’on était là. TikTok sera un des vecteurs de cette philosophie, puisque le concert sera filmé pour se rappeler d’avoir vécu cette expérience, mais également de pouvoir dire «j’étais là ». 

Pour renverser ces codes de la société, l’artiste Dinos interdit de filmer et de prendre des photos lors de sa prochaine tournée Process Tour de 2024. Cette annonce inédite va à l’encontre du phénomène de société de capturer chaque instant avec son téléphone et rejoint la théorie de Raphaël Enthoven : vivre le moment.

Alexandra BECQUET

SOURCE :

Centre national de la musique. (2024, 29 janvier). La diffusion des spectacles de musiques actuelles et de variétés en France

Jack.(2023, 13 novembre). Comment TikTok a changé la façon de vivre les concerts.

Courrier International. (2023, 28 septembre). Comment TikTok change notre rapport aux concerts.

Fromentin, M. (2023, 26 octobre)- Begeek.fr. Le premier événement musical mondial en live de TikTok verra notamment participer Cardi B et Charlie Puth.

Richard, O. (2023, 15 décembre) – Libération. Mylène Farmer, Taylor Swift. . . le concert au stade industriel.

Romano, A. (2023, 3 septembre) – Vox. How concerts have evolved in the age of TikTok and smart phones.

Rosso, S. (2023, 26 octobre) – Siècle Digital. TikTok dévoile les contours de son premier festival de musique.

TikTok. (2023, 25 octobre) – Newsroom | TikTok. TikTok in the Mix : un grand concert live et en direct sur TikTok.

La mesure d’audience TV et streaming : vers une mesure d’audience unique ?

En France les audiences sont historiquement mesurées par Médiamétrie, une entreprise détenue par tous les principaux acteurs du paysage audiovisuel français, des diffuseurs télévision et radio aux annonceurs principaux. Les audiences TV étant la pierre de voûte du financement traditionnelle des chaînes de télévision française, ces données sont extrêmement sensibles et doivent être traitées avec impartialité pour éviter toute ingérence ou influence mal placée.

L’audience à la télévision

Depuis sa création, Médiamétrie recueille ces précieuses informations sur un panel de cinq mille foyers représentatifs de la société française. Avec six chaînes de télévisions la mesure était simple et claire pour tout le monde, le nom du panel, Audimat, rentrera dans le langage courant pour qualifier le nombre de téléspectateurs. Cependant avec le développement des chaînes du câble et plus tard de la TNT gratuite puis du replay, la mesure s’est complexifiée. D’autant plus avec l’avènement des « set top box » dans les foyers français, massivement déployées par les opérateurs de télécoms.

On a également assisté à un affinement spectaculaire de la mesure d’audience, aujourd’hui avec le panel Mediamat. Les informations fournies par Médiamétrie tous les jours à 9h proposent une exhaustivité et une finesse difficilement concevable pour les générations précédentes. Ses informations sont volontairement données par les panélistes et Médiamétrie interprète statistiquement les résultats en les rapportant à la population française totale. Ces données sont mises à la disposition des équipes dédiées de chaque chaîne qui peuvent à travers le logiciel RestitTV façonner la masse de données pour créer leur rapport d’audience en interne.

Longtemps restée hégémonique sur le marché du divertissement, la télévision a vu sa position remise en question par l’irruption des plateformes de streaming, Netflix en tête. Proposant une expérience radicalement différente en laissant au téléspectateur le soin de devenir son propre chargé de programmation, le streaming vient faire vaciller les logiques séculaires de la télévision de papa pour faire rentrer le spectateur dans l’ère de l’ATAWAD (Any Time, Any Where, Any Device).

Cette transfiguration lance un défi de taille, comment mesurer une audience sur de telles plateformes ? Qu’est-ce qu’un succès sur ces plateformes ? Comment comparer un programme Netflix d’un autre diffusé en linéaire ?

L’audience en streaming

La mesure de l’audience TV, en plus de fournir une indication claire sur la popularité d’un programme, permet surtout de valoriser les espaces publicitaires mis à disposition par les chaînes aux annonceurs. Les audiences sont donc d’un intérêt capital pour l’annonceur qui cherchera à faire le plus efficacement de la publicité pour son produit. Les plateformes de streaming étant initialement dépourvues de pub, la mesure d’une audience leur a dès lors paru vaine et se limitait à appuyer des communications marketing sporadiques. Cependant, depuis l’adoption par les plateformes d’un modèle hybride publicité/abonnement (similaire à celui de la télévision payante par câble), la mesure de la valeur d’un espace publicitaire se pose.

Aujourd’hui les plateformes publient les performances de leurs programmes avec des indicateurs de masse comme les heures vues et les « vues ». Autrefois avare en chiffres, Netflix fait montre de bonne volonté depuis quelques années en publiant régulièrement des chiffres de consommation plus ou moins précis. Dernièrement la plateforme s’est engagée à mettre à disposition de tous, deux fois par an, les performances des précédents mois de ses programmes avec plus de 50 000 heures vues. Une mesure globale sans distinction par pays, et fournissant seulement une masse d’heures vues difficilement interprétable.


Concrètement, la nouvelle série Netflix, Griselda, sortie le 25 janvier dernier, comptabilise 20,6M de vues, tout territoire confondue en 4 jours. Ce chiffre ne permet pas, évidemment, de la comparer avec la série française Rivière-perdue qui a rassemblé 4,8M de téléspectateurs sur TF1 jeudi 25 janvier. Ces chiffres mis à disposition publiquement par les deux diffuseurs, divergent fondamentalement et empêche quelconque analyse de fond.

Si un tel geste peut être considéré comme un pas en avant pour la plateforme, ce genre de données d’audience reste sans commune mesure avec celles de la télévision, beaucoup plus exhaustives. Ainsi il faudrait réussir à établir une mesure unique permettant la comparaison des performances d’un programme à la télévision et en streaming.

Quelles technologies pour une mesure unifiée ?

Médiamétrie parvient déjà à mesurer les performances des programmes regardés en non-linéaire disponibles en replay, mais non sans contraintes. En effet l’outil de Médiamétrie peut réaffecter les performances d’un programme en replay seulement si ce dernier a déjà été diffusé en linéaire et est donc doté de son « watermark ». Médiamétrie identifie ce que regarde les panélistes grâce à à la technologie du « watermark », chacun des panélistes du Mediamat est doté d’un boîtier similaire à une box tv qui, à chaque fois que la télévision ou un écran du foyer est allumé, détecte un signal sonore inaudible à l’oreille humaine. Ainsi, si la séquence d’une émission TV, diffusée sur les réseaux sociaux, devient virale, les audiences « replay » remontées par Médiamétrie peuvent être gonflées.

Cette technologie pourrait être théoriquement appliquée aux programmes diffusés sur les plateformes de streaming et permettre une mesure d’audience comparable à celle de la télévision. Mais le watermarking doit être fait à l’initiative du diffuseur et présente des contraintes techniques importantes. Une technologie complémentaire, le « fingerprinting » peut remédier à ces problématiques car elle ne nécessite pas une modification du contenu. Le fingerprinting consiste à prélever un extrait vidéo ou sonore d’un contenu audiovisuel et de le comparer à une base de données préexistante pour identifier le contenu regardé.

Médiamétrie envisage depuis quelques mois de s’affranchir du consentement des plateformes pour mesurer leur audience, on peut donc s’attendre à ce que des technologies comme le watermarking ou le fingerprinting soient celles choisies par l’institut de mesure pour enfin unifier la mesure d’audience de la télévision et du streaming.

Hadrien Pigache


Sources :

Médiamétrie réinvente ses mesures d’audience pour 2024 – Challenges
Médiamétrie veut désormais mesurer les audiences des plateformes de streaming (bfmtv.com)
Comment évoluent les audiences de la télévision à l’heure des plateformes ? (e-marketing.fr)
Top 10 TV Shows on Netflix Right Now
TOP 10 on Netflix in the World on January 31, 2024 • FlixPatrol
Netflix Top 10: ‘Griselda’ Debuts at No. 1 on English TV Chart (variety.com)
Médiamétrie – Le Fingerprinting (mediametrie.fr)
Médiamétrie – Le watermarking, une innovation technologique pour mesurer l’audience de la Télévision et de la radio (mediametrie.fr)

TikTok : future plateforme de référence pour les films et les séries ?

Envie de regarder le nouveau film « Barbie » gratuitement ? C’est possible sur TikTok, à condition d’accepter son découpage en 49 parties.

Sur TikTok, la diversité du contenu est frappante. On y trouve aussi bien des vidéos de danse virales, que des sketches comiques hilarants ou encore des conseils sur les relations amoureuses. En résumé, peu importe ce que vous recherchez ou pas, TikTok saura quelle vidéo vous montrer. 
Depuis quelques mois, un nouveau type de contenu prend de l’ampleur ou du moins, commence à faire parler.

Après avoir bouleversé l’industrie de la musique, TikTok s’attaque à celle de l’audiovisuel

Comme beaucoup de plateforme l’ont été avant elle, TikTok se transforme progressivement en « pirate de l’audiovisuel ». En effet, il est maintenant possible de regarder des films, des séries et des émissions télévisées, découpés en plusieurs parties et diffusés par des comptes TikTok dédiés à ce type de contenus. Ces contenus sont majoritairement mis en ligne de manière illégale. Les enregistrement clandestins, qu’il soient de films projetés au cinéma ou de contenus disponibles sur les plateformes de streaming, tous y passent. En outre, des séries populaires telles que « South Park » ou « Malcolm » sont présentes sur TikTok depuis un certain temps.


tractlljc4t sur TikTok

Ce mode de consommation peut sembler quelque peu déroutant. Cependant, il gagne en popularité au sein de la plateforme, et cela s’explique par plusieurs facteurs. 

Tout d’abord, ces séquences ont une capacité remarquable à capter et retenir l’attention des utilisateurs. En découpant un épisode de série en plusieurs parties, un compte peut publier une vidéo consistant uniquement en une scène riche en suspense, incitant ainsi les spectateurs à vouloir connaître la suite.
De plus, TikTok développe des fonctionnalités qui facilitent la consommation de ce type de contenus comme le « Clear Mode » ou le mode « Plein écran ».

Le rôle fondamental de l’algorithme de recommandation

Image par Katamaheen de Pixabay

Dans le fil d’actualité « Pour toi », les contenus découpés en plusieurs parties sont proposés aux utilisateurs de manière aléatoire,  ce qui contribue à la popularité de ce format. Dans un univers d’hyperchoix où une multitude d’options est constamment disponible, la fatigue décisionnelle se fait ressentir. Exacerbée par les choix infinis sur des plateformes comme Netflix, TikTok évite à l’utilisateur de se trouver dans cette situation d’anxiété en le conduisant directement au contenu. « Je suis déjà là, je suis déjà en train de le regarder, je suis déjà en train de faire défiler sur TikTok. » Voici ce que déclare un utilisateur à propos de TikTok (Wall Street Journal, 2023). Pas besoin d’aller sur une plateforme de streaming ou sur la télévision : TikTok dit à l’utilisateur quoi regarder. En résumé, avec l’algorithme de recommandation, les contenus sont presque servis sur un plateau d’argent.

L’algorithme de recommandation de TikTok contribue à mettre en lumière ces extraits dans les « Pour toi », permettant aux comptes TikTok de toucher un public plus large et d’augmenter leur visibilité. L’algorithme favorisant les vidéos regardées jusqu’à la fin, la plupart des contenus sont découpés par tranches de 3 à 5 minutes, bien que les vidéos peuvent aller jusqu’à 10 minutes. Ces vidéos courtes jouent aussi avec la frustration ressentie par l’utilisateur qui sera pousser à aller regarder d’autres vidéos ou à demander en commentaires quand est-ce que la partie suivante sera disponible. Il est important de noter que les commentaires jouent aussi un rôle important dans la recommandation par l’algorithme. 

Afin de ne pas se faire repérer par les algorithmes de modération, les créateurs ne publient pas les différentes parties d’un même contenu à la suite. Les parties sont souvent « uploadées » sur la plateforme à des heures ou jours d’intervalle, laissant le temps à la publication d’autres contenus. Autre particularité de ces vidéos, il est très rare de voir inscrit dans les descriptions le nom original du film, de la série ou de l’émission en question. Il s’agit d’une autre astuce utilisées pour éviter que la vidéos soient retirées de manière automatique de la plateforme.

Bien que ce type de visionnage puisse paraître atypique, il s’inscrit donc dans une stratégie de captation et de rétention de l’attention tout en exploitant les mécanismes propres à l’algorithme de TikTok pour maximiser la portée et l’impact du contenu publié.

Le cinéma se fait pirater, il prend les devants !

En 2020, Quibi, le service de streaming de vidéos courtes venu tout droit d’Hollywood n’a pas tenu longtemps sur le marché. Bien que ce fut un échec, le potentiel de ce type de contenu paraît aujourd’hui plus important que ce qu’il était il y a quelques années. Comme annoncé lors du festival Médias en Seine à Paris en 2023, l’une des prochaines tendances média qui se dessine est la nécessité de maitriser le format de vidéos verticales (Reuters Institute, 2023).

Neil Shyminsly, expert en Pop culture et professeur d’anglais au Cambrian College, affirme qu’ « il y a une crainte croissante que la programmation télévisuelle devienne de plus en plus courte à mesure que le succès est déterminé par l’algorithme de TikTok. » (CBCNews, 2023). 

Photo de Hannah Wernecke sur Unsplash

Effectivement, certains grands studios se sont déjà lancés dans la publication de contenus en plusieurs parties. Le 3 octobre 2023, à l’occasion du Mean Girls Day, Paramount à rendu disponible le temps d’une journée le film Mean Girls en intégralité, découpé en 23 parties sur son compte TikTok. « Les paramètres semblent évoluer », a déclaré Alex Alben, professeur de droit de l’internet et de la confidentialité à la Faculté de droit de l’UCLA. « Quelqu’un au sein du studio est en train de peser le fait qu’ils bénéficieraient davantage de la diffusion d’un extrait de leur film par des millions de personnes plutôt que de chercher à l’interdire. » (NewYorkTimes, 2023). Un représentant de Paramount a expliqué que la publication de « Mean Girls » sur TikTok visait à accroître la visibilité du film auprès d’un nouveau public potentiel (NewYorkTimes, 2023). Un coup marketing de la part du studio ? Très probable, sachant que le jour même, la sortie du nouveau « Mean Girls » au cinéma début janvier 2024 a été annoncée.

D’autres studios et plateformes de streaming ont très vite suivi. En août 2023, Peacock a publié un épisode de 2023 de la version américaine de « Love Island » ainsi qu’un épisode de « Killing It » divisé en 5 parties. Voici ce qu’Anupam Chander, professeur de droit et technologie à Georgetown, dit à ce propos : « Il peut être utile pour les détenteurs des droits d’auteur de voir leur travail distribué à un public plus large afin de susciter davantage d’intérêt pour ce travail et générer des ventes ultérieures. ». En réalité, certains détenteurs des droits de ces contenus, qu’ils soient publiés légalement ou non, pourraient profiter de cette tendance. Dans les faits, cela peut permettre de remettre au gout du jours d’anciens contenus et de booster la popularité de ceux qui en ont besoin. Il faut reconnaître que la capacité de TikTok à engager son public est forte et va au-delà des jeunes générations (InsiderIntelligence, 2023).

De nouvelles productions uniquement dédiées à TikTok

TikTok a vu émerger de nouvelles productions uniquement dédiées à sa plateforme. Dès 2020, plusieurs séries australiennes ont vu le jour telles que Love Songs, publiée par épisodes de 10 minutes ou Scattered, publiée en 38 épisodes de 1 minute. Récemment, Adam McKay, avec sa société de production Yellow Dot Studios, est devenu le premier producteur hollywoodien à investir dans une série diffusée uniquement sur TikTok. Intitulée « Cobell Energy », elle est diffusée depuis le 14 novembre 2023 sur la plateforme à raison de 2 épisodes par semaine.

cobellenergy sur Tiktok

Et le respect des droits d’auteur dans tout ça ?

Il est évident que la publication illégale de contenus sous droits pose question. Réguler ce type de contenus sur TikTok devient un challenge très complexe en comptant les 34 millions de vidéos postées par jour sur la plateforme. Comment gérer le sentiment de non-respect du travail accompli pour la réalisation d’un film, d’une série etc. ? Publier un contenu en plusieurs parties porte-t-il atteinte à la nature même de celui-ci ? Comment gérer le partage de revenu ? Beaucoup de questions n’ayant pas de réponses encore assez concrètes. 

Pour remédier à ces publications, trop nombreuses, de contenus allant à l’encontre des conditions d’utilisation de la plateforme, TikTok a mis en place un algorithme de détection des contenus sous droits d’auteur. En plus de cela, les détenteurs de ces droits ainsi que les utilisateurs peuvent signaler à la plateforme un contenu qu’ils considèrent comme « piraté ».
Avec l’arrivée du Digital Services Act en Europe, de nombreuses plateformes comme TikTok se sont vues imposées la mise en place de mécanismes de signalement mais aussi de contrôle plus soutenus de ces contenus illicites. En septembre 2023, TikTok a annoncé avoir supprimé plus de 4 millions de contenus jugés comme illicites par l’Union Européenne.

Finalement, il ne reste plus qu’à voir si ce type de consommation et de diffusion dépassera le stade de tendance et réussira à s’installer dans le temps.

Margot Brenier


Bibliographie

Alcántara, A. (2023, 16 septembre). People are streaming pirated movies on TikTok, one short clip at a time. WSJ. https://www.wsj.com/tech/tiktok-pirated-movies-free-2cd9389a

Croquet, P., & Trouvé, P. (2023, 9 octobre). On TikTok, the success of « sliced up » films and TV series. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/en/pixels/article/2023/10/07/on-tiktok-the-success-of-sliced-up-films-and-tv-series_6155629_13.html

Holtermann, C., & Kircher, M. M. (2023, 4 octobre). ‘Mean Girls’ has a One-Day run on TikTok. The New York Times. https://www.nytimes.com/2023/10/04/style/tiktok-movies-mean-girls.html#:~:text=A%20Paramount%20representative%20wrote%20in,companies%20have%20experimented%20with%20TikTok.

Hoover, A. (2023, 14 novembre). TikTok is the new TV. WIRED. https://www.wired.com/story/tiktok-new-show-tv-takeover/

Murray, C. (2023, 24 octobre). Will ‘Don’t Look Up’ director’s new series work on TikTok ? It will need better luck than these social media efforts. Forbes. https://www.forbes.com/sites/conormurray/2023/10/24/will-dont-look-up-directors-new-series-work-on-tiktok-it-will-need-better-luck-than-these-social-media-efforts/?sh=42cf59fc5aa1

Radio-Canada. (2023, 15 juin). La transformation de TikTok en plateforme de diffusion, un clip piraté à la fois. Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1988120/tiktok-contenu-pirate-series-films-cinema-plateforme-diffusion-tendance

Rahmil, D. (2023, 28 septembre). Regarder Barbie par tranches de 3 minutes, c’est la vie de cinéphile que j’ai choisie. L’ADN. https://www.ladn.eu/media-mutants/tendance-tiktok-regarder-films-tranches/

Renaud-Chouraqui, E. (2024, 23 janvier). Quel sera l’impact du DSA dans la lutte contre la contrefaçon en ligne ? https://info.haas-avocats.com/droit-digital/quel-sera-limpact-du-dsa-dans-la-lutte-contre-la-contrefacon-en-ligne

Richards, J. (2021, 14 juin). TikTok TV : Aussie Gen Z drama ‘Scattered’ and the promise of a new platform. NME. https://www.nme.com/en_au/features/tv-interviews/tiktok-tv-aussie-gen-z-drama-scattered-2968680

Six, N. (2020, 8 avril). Quibi, le « Netflix » des vidéos courtes, se lance sur mobile aux Etats-Unis. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/04/07/quibi-le-netflix-des-videos-courtes-se-lance-sur-mobile-aux-etats-unis_6035878_4408996.html

Tingley, A. (2023, 14 novembre). Variety. Variety. https://variety.com/2023/digital/news/adam-mckay-yellow-dot-studios-cobell-energy-tiktok-series-ari-cagan-1235764568/

Les plateformes de streaming vidéo OTT en Asie: une concurrence féroce, notamment dans la production et l’acquisition de séries originales

Ces derniers temps, de plus en plus de séries asiatiques diffusées sur des plateformes de streaming internationales ont acquis une renommée et une influence dépassant leur continent d’origine. Cependant, en examinant attentivement le paysage audiovisuel en Asie, on remarque l’émergence d’une multitude d’autres productions exceptionnelles, similaires à une vague récente. Cette tendance est en partie alimentée par la concurrence féroce entre de nombreuses plateformes OTT en Asie, qui investissent de manière croissante dans le contenu, en particulier dans les créations originales ou exclusives. La diversité des plateformes OTT contribue également à cette concurrence de plus en plus intense.

Les plateformes: l’expansion rapide des applications OTT en Asie

Les plateformes OTT connaissent une importance croissante dans le paysage audiovisuel asiatique, marquant une transition significative dans la manière dont le contenu est consommé. Cette évolution est caractérisée par une expansion rapide des plateformes de streaming à travers la région. Lors de la conférence « Future of Media 2024 » en novembre 2023, les données de Nielsen Consumer & Media View (CMV) mettent en lumière l’adoption rapide des plateformes numériques en Asie, où 64 % des téléspectateurs privilégient désormais les services de streaming vidéo. Lors de cette même conférence, Arnaud Frade, président de la division commerciale pour l’Asie, a souligné que le visionnage multi-écrans est désormais la norme et que l’essor des chaînes de streaming est inexorable [1].

La grande et croissante base d’utilisateurs d’Internet en Asie, associée à une forte pénétration des appareils mobiles, offre un terrain propice aux services de OTT. Cela explique pourquoi le marché des plateformes de streaming vidéo en Asie se caractérise par une croissance rapide et une grande diversité [2].

En analysant plus en profondeur les tendances macro comme les raisons de cette expansion, dans sa rubrique « View from Asia » en juin 2023, Unmish Parthasarathi, fondateur de Picture Board Partners, souligne que cette adoption massive est due à trois tendances macro: une population jeune, particulièrement en Asie du Sud et du Sud-Est; une connectivité abordable et accessible; et le manque d’alternatives de divertissement à prix ou commodité. Il a également estimé que l’Asie devrait voir l’ajout d’un milliard de consommateurs en ligne au cours de cette décennie [3].

Un rapport intitulé « Future of TV » de la plateforme adtech The Trade Desk et du cabinet de recherche Kantar, mené en 2020 et axé sur l’Asie du Sud-Est, a révélé qu’OTT est l’un des canaux médiatiques à la croissance la plus rapide dans la région, avec un taux de pénétration de 31%, soit 180 millions de téléspectateurs OTT. Selon leur enquête, 72% des répondants estiment qu’ils maintiendront ou augmenteront leur consommation d’OTT à l’avenir [4].

En raison de son potentiel économique, l’Asie suscite rapidement un investissement important de la part des plateformes internationales qui cherchent à capturer une part de l’audience en pleine croissance. Commentant le rapport intitulé « Distribution vidéo en ligne et à large bande en Asie-Pacifique 2022 » de Media Partners Asia (MPA), le directeur exécutif de MPA, Vivek Couto, a déclaré : « Les investisseurs se concentrent de plus en plus sur une échelle accrue, une monétisation améliorée et une rentabilité réelle à travers les plateformes vidéo en ligne mondiales, locales et régionales. Dans ce contexte, le rôle de l’Asie-Pacifique continue de jouer un rôle crucial dans l’avenir de l’industrie mondiale de la vidéo en ligne. La région reste le plus grand contributeur à la croissance mondiale des clients et des utilisateurs de vidéo en ligne aujourd’hui et émerge comme un contributeur significatif à la croissance des revenus. » [5]

Par conséquent, sur la carte des plateformes OTT en Asie, nous pouvons observer un mélange entre les géants du streaming vidéo aux côtés des plateformes locales, les exemples les plus évidents étant Netflix ou Amazon Prime Video.

Les services OTT populaires dans les pays d’Asie du Sud-Est
Source: https://insight.freakout.net/what-is-ott-and-why-does-it-matter/

Le contenu: la concurrence dans la production et l’acquisition des séries originales

L’ampleur des investissements des plateformes OTT internationales sur le marché asiatique peut facilement s’expliquer par le succès des contenus originaux produits en Asie. Selon MPA, les dramas coréens ont largement dominé la part de marché du visionnage sur la plateforme Netflix en 2022 [6], aux côtés du triomphe de la série coréenne « Squid Game », devenant ainsi le programme le plus regardé sur Netflix à l’échelle mondiale. Cela témoigne de l’intérêt du public pour les contenus originaux asiatiques.


Source: Statista

Début 2023, selon les prévisions de MPA, Netflix a prévu de dépenser 1,9 milliard de dollars pour du contenu local dans la région Asie-Pacifique cette année-là, représentant ainsi 47% de ses revenus. Cette tendance est stimulée par la Corée, le Japon, puis suivie par l’Inde, l’Australie et certaines parties de l’Asie du Sud-Est [7]. Aujourd’hui, 60 % du public mondial de Netflix a regardé du contenu coréen, tandis que 70 % de ses spectateurs se trouvent en dehors des États-Unis [8].

En analysant le cas de Netflix, une compétition intense pour attirer les utilisateurs et sécuriser des contenus exclusifs a été relevée. Cette concurrence entre les plateformes internationales et locales a façonné l’industrie du divertissement en Asie. La grande majorité des bénéfices de Squid Game sont allés à Netflix, ce qui a incité le gouvernement coréen à intervenir, donc il a annoncé en juin 2023 son intention de fournir 500 milliards de wons (390 millions de dollars) pour aider les plateformes de streaming locales à rivaliser avec les concurrents mondiaux [8]. La montée de la concurrence dans la production de séries originales a été un aspect marquant de l’évolution du paysage audiovisuel asiatique. Cette compétition s’intensifie alors que de plus en plus de plateformes de streaming investissent dans la création de contenu exclusif pour attirer et fidéliser les audiences. En conséquence, cette concurrence est devenue un moteur pour les plateformes OTT locales, qui s’efforcent de se démarquer non seulement par la production de contenus exclusifs en interne mais également par l’acquisition de contenus exclusifs, notamment récemment avec les contenus « day and date ».

Le concept de « série day and date » a gagné en popularité en Asie, désignant la sortie simultanée des épisodes d’une série sur plusieurs marchés internationaux. Cette approche permet aux téléspectateurs asiatiques de regarder des séries au même moment que leurs homologues du monde entier, évitant ainsi les spoilers et créant une expérience de visionnage communautaire. Cette stratégie a été largement adoptée par les plateformes de streaming en Asie pour maximiser l’engagement et la portée de leurs séries originales.

Bien qu’il n’y ait pas de définition académique étant donné que c’est un phénomène nouveau, le terme « séries day and date » est couramment utilisé dans l’industrie télévisuelle. Les contenus “day and date” deviennent de plus en plus populaires et sont devenus un enjeu majeur en raison de :

  • La culture de l’idolatrise en Asie, principalement en Chine et en Corée du Sud, où la culture de l’idolatrise est bien établie et où la culture générale est exportée globalement depuis longtemps.
  • La lutte pour la part de marché dans le secteur concurrentiel de l’OTT, ce qui pousse les plateformes à vouloir être les premières, voire les seules, à diffuser ces contenus.
  • Selon les informations internes dans l’industrie, l’acquisition des séries “day and date” est très difficile parce que de nombreuses plateformes sont engagées dans des négociations pour obtenir les séries les plus convoitées et potentiellement rentables.

Parmi les séries “day & date” et les séries originales les plus populaires en Asie, plusieurs ont rencontré un succès remarquable, tant sur le plan critique que commercial. Ces séries originales ont contribué à renforcer la réputation des plateformes de streaming asiatiques sur la scène internationale et ont ouvert de nouvelles opportunités pour la production et la distribution de contenu asiatique à travers le monde.

Taxi Driver 2
Source: https://www.stellarsisters.com/casting-acteurs-taxi-driver-saison-2-confirmes/

La série coréenne « Taxi Driver 2 » est un exemple du succès des contenus “day and date”. Au Vietnam, la série a été diffusée pour la première fois sur l’application K+ (la plateforme OTT de Canal+ au Vietnam) en même temps qu’en Corée du Sud, ce qui a été un grand succès pour K+, en faisant le contenu “day & date” le plus rentable jamais diffusé sur ce plateforme. Cette série a récemment remporté le prix “Best Drama Series” (Meilleure Série) lors de la 28e cérémonie des “Asian Television Awards”, qui s’est tenue à Ho Chi Minh-Ville, Vietnam [9].

Un autre exemple est la série chinoise « Only for Love ». Avant sa diffusion, la série a suscité beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme, comme en témoignent les plus d’un million de notifications de visionnage préalablement enregistrées sur la plateforme Mango TV (la plateforme de diffusion originale de cette série) [10]. Cet intérêt pour la série a conduit à une forte demande au niveau de l’acquisition entre les plateformes OTT en Asie.

Les prospects dans l’avenir des plateformes OTT en Asie

La concurrence intense entre les plateformes OTT en Asie bénéficie aux consommateurs en leur offrant un large éventail d’options de contenu et de forfaits adaptés. Cependant, cette diversité accrue rend les choix plus difficiles, notamment en ce qui concerne les prix, les préférences de contenu et les plateformes préférées. Pour rester pertinentes dans un marché en constante évolution, les plateformes de streaming doivent rester à l’écoute des besoins des consommateurs. L’avenir du paysage audiovisuel asiatique dépendra des stratégies des plateformes OTT pour attirer les créateurs et maintenir la qualité des contenus. Les tendances émergentes comme les coproductions internationales et les formats innovants joueront également un rôle clé.

Thi Xuan Ha Nguyen

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Sitographie:

[1] https://www.nielsen.com/fr/news-center/2023/streaming-and-digital-on-the-rise-in-asia/

[2] https://www.vdocipher.com/blog/2022/01/asia-vod-platforms/

[3] https://www.isportconnect.com/the-view-from-asia-the-rise-and-rise-of-ott-in-asia/ 

[4] https://www.contentgrip.com/report-future-of-tv-ott-southeast-asia/ 

[5] https://www.broadcastprome.com/news/apac-online-video-revenue-to-hit-73bn-by-2027-mpa/ 

[6] https://www.contentasia.tv/news/netflixs-apac-content-spend-may-hit-us19b-2023-apac-revenues-12-us4b-japan-korea-drive-growth

[7] https://variety.com/2023/tv/news/netflix-content-spending-asia-pacific-1235543665/ 

[8] https://time.com/6339351/netflix-squid-game-asia-expansion/ 

[9] https://tuoitrenews.vn/news/ttnewsstyle/20240115/south-korean-netflix-series-wins-asian-emmys-in-vietnam/77845.html

[10] https://bazaarvietnam.com/review-phim-di-ai-vi-doanh-only-for-love/

La chronologie des médias à l’ère de la SVOD : Quelles problématiques ?

Le « Nouveau Monde de la Distribution »

L’essor du streaming et l’augmentation rapide des contenus audiovisuels en ligne, combinés à l’évolution de nos habitudes de consommation, ont radicalement transformé l’industrie du cinéma traditionnelle. Cette métamorphose a engendré un nouvel écosystème où les films sont diffusés via une multitude de canaux et génèrent des revenus de diverses sources. Selon Peter Broderick (producteur américain), nous sommes en présence d’un « Nouveau Monde de la Distribution« , qui se distingue par des coûts réduits, des stratégies personnalisées, des sources de revenus variées et un accès direct aux spectateurs.

Dans ce cadre, Internet occupe une place centrale dans la désintermédiation de l’industrie cinématographique, affaiblissant les intermédiaires traditionnels tels que les distributeurs et les exploitants, au profit d’une relation directe entre producteurs et consommateurs. Autrefois, la chronologie des médias, qui garantissait plusieurs fenêtres d’exploitation pour les films, permettait de segmenter les sources de revenus, de la sortie en salle à la diffusion en DVD, puis à la télévision payante et gratuite. Cependant, avec l’apparition des services de vidéo à la demande, de plus en plus proches de la sortie en salle, chaque fenêtre d’exploitation se rétrécit.

La chronologie des médias actuelle en France…

Initialement conçue pour protéger les salles de cinéma de la concurrence de la télévision, puis de la vidéo, la chronologie des médias avait pour objectif de garantir un équilibre dans le paysage audiovisuel. La France s’est distinguée en adoptant une approche singulière, tant au niveau européen qu’international, en édictant des textes contraignants. Ces derniers étaient d’abord intégrés aux cahiers des charges des chaînes publiques durant l’ère du monopole dans les années soixante et soixante-dix, puis inscrits dans la loi en 1982. Aujourd’hui, ces principes sont régis par des décrets découlant d’accords interprofessionnels.

En effet, la chronologie des médias est ponctuellement actualisée, pour tenir compte des usages qui émergent, de l’arrivée de nouveaux concurrents et de l’évolution du paysage audiovisuel. Révisée en 2018 puis en 2022, voici les grandes lignes de la chronologie des médias actuelle :

Source : Numerama

… et à l’international ?

Un bref tour d’horizon à l’étranger révèle qu’aucun autre pays au monde ne possède une réglementation aussi rigoureuse et précise que la France en matière de chronologie des médias. La directive européenne SMA accorde aux États membres la liberté d’appliquer des règles plus strictes ou plus détaillées que celles prévues au niveau européen pour les services relevant de leur compétence.

Cependant, la majorité des pays ont choisi de ne pas légiférer sur la question de la chronologie des médias. Certains pays européens, à l’instar de l’Allemagne, ont néanmoins adopté des dispositions législatives, bien que moins contraignantes. En Allemagne, par exemple, l’obtention d’aides publiques est conditionnée au respect de délais de diffusion spécifiques : six mois pour les services à la demande, douze mois pour les chaînes de télévision payantes et dix-huit mois pour les chaînes de télévision gratuites. Le Portugal dispose également d’une réglementation via un décret-loi datant de 2006, mais les dispositions de ce décret peuvent être modifiées dans le cadre d’accords entre les ayants droit et les diffuseurs.

En outre, dans ces pays, une œuvre qui ne sort pas en salle peut être diffusée directement à la télévision ou sous forme de DVD, ce qui n’est pas possible en France actuellement, risquant de perdre une part significative des financements prévus pour une sortie en salles. Cependant, la plupart des autres pays, comme la Grèce, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Danemark, la Roumanie, n’ont tout simplement pas de dispositions sur la chronologie des médias, tout comme aux États-Unis où la question de la diffusion est réglée contractuellement, film par film.

Les « petits films » souffrent-ils de la chronologie des médias ?

En 2013, le Bureau Européen des Unions des Consommateurs (BEUC) a souligné que la chronologie des médias en vigueur ne correspondait pas à la réalité du marché, en particulier en donnant la priorité à l’exploitation en salle malgré l’émergence des nouveaux canaux de distribution comme les services de SVOD1. Selon le BEUC, l’ordre chronologique des fenêtres d’exploitation nuit particulièrement aux films « modestes » dont les budgets de promotion sont limités. Ainsi, rendre les œuvres disponibles rapidement après leur sortie en salle serait plus avantageux sur le plan commercial.

L’ordre traditionnel de sortie des films est de plus en plus remis en question, comme le souligne Xavier Rigault, producteur français et co-président de l’Union des producteurs de cinéma. Selon lui, permettre à un film de sortir directement en vidéo pourrait contribuer à « décongestionner les salles » et à réduire le piratage des œuvres, un problème majeur actuellement au sein de l’industrie du cinéma. Actuellement, lorsqu’un film est retiré rapidement de l’affiche, il doit attendre quatre mois avant de pouvoir être diffusé en vidéo. Cependant, promouvoir cette « deuxième sortie » nécessite un nouvel investissement dans une campagne publicitaire, ce qui pose un réel défi pour de nombreux distributeurs. Cette difficulté est accentuée par le fait que la durée de vie d’un film en salle est courte, généralement entre 10 et 15 jours, en raison du nombre important de films sortant chaque semaine, d’autant plus que les blockbusters américains laissent peu de place à la diversité.

Qu’est-ce qu’une œuvre cinématographique en 2024 ?

La salle de cinéma a longtemps représenté le principal lieu d’exploitation des films, étant même déterminante dans la définition d’une « œuvre cinématographique », qui est officiellement reconnue comme telle une fois qu’elle a obtenu un visa d’exploitation, lequel nécessite une diffusion en salles.

Cependant, de nos jours, de plus en plus de diffuseurs produisent leurs propres contenus, parfois réalisés par des cinéastes renommés, qui suivent les mêmes codes que les films traditionnels, mais sont diffusés exclusivement sur leurs plateformes de streaming, contournant ainsi le circuit traditionnel des cinémas. Cette évolution soulève la question de savoir si des films tels que « A l’Ouest rien de nouveau » (Edward Berger, 2022), « The Killer » (David Fincher, 2023), « The Power of The Dog » (Jane Campion, 2021), ou encore « The Irishman » (Martin Scorsese, 2019) doivent être considérés comme des œuvres cinématographiques, même si leur première diffusion se fait sur une plateforme de SVOD telle que Netflix. Malgré cela, ces films démontrent une qualité de réalisation, d’écriture et de technique qui les distingue davantage des téléfilms que des œuvres cinématographiques conventionnelles.

The Irishman (Martin Scorsese, Netflix, 2019)

Cette question de classification suscite des débats, notamment lors de festivals de renom comme Cannes, où les films non destinés à sortir en salles en France ne sont pas éligibles à la compétition. En revanche, la Mostra de Venise a décerné le Lion d’Or à une production Netflix (« Roma » d’Alfonso Cuaron, 2018) et les Oscars ont récompensé en 2021 le dernier film de Jane Campion, « The Power of the Dog« .

Cependant, au-delà de cette question de désignation, se pose celle de l’accès aux mécanismes de financement de la production cinématographique. Il est donc crucial de déterminer si de telles œuvres peuvent bénéficier des aides financières du CNC, même si elles ne sortent pas en salles. De nombreuses voix plaident en faveur d’un assouplissement de l’obligation de première diffusion en salles, proposant que les films puissent obtenir leur statut cinématographique en étant diffusés directement en vidéo, ce qui pourrait favoriser une diversification des modes d’exploitation et une évolution du paysage cinématographique français.

Quel avenir pour la chronologie des médias ?

Face à l’évolution rapide des plateformes de SVOD, les autorités pourraient choisir une approche plus flexible en assouplissant les règles de la chronologie des médias, en renonçant à son caractère contraignant au profit de recommandations, éventuellement assorties d’incitations fiscales ou budgétaires. Cette tendance reflète celle observée dans de nombreux pays étrangers, où les ayants droit ont plus de latitude dans la gestion de la chronologie des médias, permettant ainsi une plus grande souplesse dans la diffusion des films. Cette approche favorise l’expérimentation et pourrait permettre de distinguer les approches bénéfiques à long terme de celles moins favorables.

Selon Jean-Yves Mirski, délégué général du Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN), il y a une tendance à réduire les délais entre la sortie en salle et la diffusion sur d’autres supports. La sortie universelle, où un film est lancé simultanément sur tous les supports, est de plus en plus envisagée. Cette pratique n’est plus taboue, notamment depuis la sortie du film de Steven Soderbergh, « Bubble« , en 2006, qui est sorti au cinéma et sur la chaîne coproductrice HDNET, puis en DVD quatre jours plus tard. Des stratégies similaires sont de plus en plus courantes, comme la diffusion en VOD premium avant la sortie en salles de « Melancholia » de Lars von Trier en 2011, ou la mise à disposition gratuite sur YouTube du film « Home » de Yann Arthus-Bertrand dix jours avant sa sortie en salles, à la télévision et en DVD, qui a rencontré un réel succès auprès du public (à noter qu’il s’agit d’un film militant destiné à être vu par l’audience la plus étendue possible).

Cependant, bien que certaines expériences de diffusion simultanée sur plusieurs supports rencontrent un succès réel, elles restent exceptionnelles et résultent souvent d’un financement particulier ou d’une stratégie publicitaire spécifique.

Il est ainsi légitime de remettre en question l’intervention de l’État dans l’établissement de la chronologie des médias. Plutôt que d’imposer des règles, pourquoi ne pas laisser chaque acteur décider de ses propres règles en concluant des contrats avec les détenteurs des droits de films et les différents circuits de distribution ? En d’autres termes, serait-il possible de privilégier les mécanismes du marché, basés sur l’offre et la demande, plutôt que des décisions publiques dans le domaine de la chronologie des médias ? Les professionnels du secteur se verront confrontés à ces questions dans les années à venir, avec une nécessité de révision de la chronologie des médias envisagée d’ici début 2025.

Anne-Lise MAGNIEN


Sources

Pascal Lechevallier, 2020, La Chronologie des médias en Europe

Alex Scoffier, 2019, Repenser l’industrie du cinéma à l’ère du numérique

Alain Le Diberder, 2020, Chronologie des médias : attention danger !

Observatoire européen de l’audiovisuel, 2019, La chronologie des médias : une question de temps


  1. Livre vert : Se préparer à un monde audiovisuel totalement convergent, 2013
    https://www.beuc.eu/sites/default/files/publications/2013-00586-01-e.pdf ↩︎

Comment TikTok influence l’industrie cinématographique ? 

Tiktok prend de plus en plus de place dans l’industrie cinématographique, que ce soit à travers les publicités qui font la promotion de films sur la plateforme, des critiques de films, des courts métrages réalisés par les créateurs de contenus ou encore la rediffusion d’extraits de films.  Le 3 octobre 2023, Paramount est allé encore plus loin et a diffusé sur la plateforme la totalité du film Mean Girls (2004). Le film avait alors été découpé en 23 parties. La date du 3 octobre fait directement référence au film puisqu’il s’agit du « Mean Girls Day » qui est devenu un véritable symbole de la culture populaire (Croquet & Trouvé , 2023). Nous pouvons également supposer que ce coup marketing a été effectué afin de relancer l’engouement pour Mean Girls alors qu’un remake est sorti le 10 janvier 2024. Paramount a alors su s’adapter à une tendance Tiktok qui propose un découpage de différents contenus (afin de s’accorder au format) allant d’un film, une série ou encore un reportage.

La promotion, le point décisif

Lors la sortie d’un film, le marketing est un facteur essentiel et déterminant pour son parcours. D’après Laurent Creton, l’objectif du marketing dans le cinéma « est de satisfaire dans les meilleures conditions les attentes et les besoins de la clientèle afin d’optimiser l’adéquation du produit avec son marché » (Creton, 2020). Si nous reprenons notre exemple Paramount et Mean Girls, c’est exactement ce que le studio a fait. Il a su adapter son format à la cible choisie (une cible jeune 15-24 ans) et au format proposé par Tiktok.

La promotion se crée autour du film et une « image de marque » se crée. L’exemple parfait est le film Barbie, sortie en 2023. Sans un budget colossal de 150 millions de dollars, l’influence du film n’aurait certainement pas été la même (Jouin, 2023). L’été 2023 fut un été en rose. Tout était aux couleurs de la célèbre Barbie, de nombreuses marques se sont également associées pour créer des collections spéciales telles que Crocs, O.P.I, AirBnb, Zara, Maserati ou encore Buger King. Grâce à cette diversité de marques et de représentations, l’influence de Barbie n’a fait que croître. Evidemment, les tendances Tiktok ont également suivi à travers plusieurs hashtags. Nous pouvons citer le #Barbiefoot où les utilisateurs reproduisent une scène du film ou Margot Robbie enlève ses talons ; #Barbieshake qui consiste à boire un milkshake rose avant de se transformer en Barbie ou encore le #Barbiemovie qui rassemble tous types de contenus autour du film. D’autres hashtags tel que #NotMyKen a lui aussi fait réagir avant la sortie du film. Cet hashtag dénonçait le fait que Ryan Gosling soit trop âgé pour jouer le rôle de Ken. Aux vues du succès du film, cet hashtag n’a pas entaché sa réputation. Tiktok, en tant que relayeur de contenu a réellement fait partie du processus de marketing 360 pour le film, a accru sa visibilité et a sans doute poussé de nombreuses personnes à se rendre en salles (1,446 millliards de dollars au box office).

Tiktok se place ainsi comme un outil marketing incontournable pour les films et leur éventuel succès. Pourquoi ? Grâce à son fort taux d’engagement, son format court/créatif et sa viralité.

Insaisissable et imprévisible

En 2023, la sortie du film Le Consentement restera un cas d’école en ce qui concerne l’influence de Tiktok sur le parcours d’un film. Le Consentement relate l’histoire de Vanessa Spingora, 14 ans, alors sous l’emprise de Gabriel Matzneff, célèbre auteur des années 1980. C’est une adaptation du roman Le Consentement de Vanessa Spingora. Lors de la première semaine d’exploitation, le film a cumulé environ 59 000 entrées. Habituellement, après la première semaine, les entrées pour un film sont divisées par deux et particulièrement pour les films d’auteurs. C’est exactement l’inverse qui est arrivé pour Le Consentement, en trois semaines, les entrées ont triplé pour arriver à un pic d’entrées de 142 000 et redescendre. Au total, le film aura comptabilisé 616 000 entrées (AlloCiné , 2023). Ces chiffres records s’expliquent par l’émergence d’une tendance Tiktok qui avait pour but de se filmer avant et après avoir vu le film. La vidéo de « l’après » met en évidence de façon nette le choc ressenti par les utilisateurs.

Le #leconsentementfilm dénombre plus de 7,8 millions de vues sur Tiktok et les vidéos liées au film ont été vues plus de 20 millions de fois (Vasseur, 2023). Marc Missonier, producteur du film avait alors déclaré, « Les ados se sont emparés du film par eux-mêmes. Il faut rester modeste par rapport à ça, c’est impossible à programmer. Mais le film les a touché au cœur, c’est certain ». Il reconnaît « n’avoir pas prévu ce phénomène ». Du fait de la popularité du film sur Tiktok, un public jeune s’est rendu en salle et un réel engouement est né. De plus, par son sujet, le film a certainement raisonné pour de nombreux jeunes qui sont de plus en plus engagés et favorisent la liberté de la parole sur des sujets tels que les violences sexuelles. Ainsi, en plus de donner de l’élan à ce film d’auteur, via la plateforme Tiktok, des sujets sociétaux sont abordés et permet une certaine forme de libération de la parole. Comme nous l’avons précédemment évoqué, Tiktok est un réseau social important dans la promotion d’un film mais cet évènement n’était pas prévu par le distributeur. La plateforme « n’a pas amplifié le succès du Consentement, il l’a créé » (Guerrin, 2023). A l’inverse de l’exemple du film Barbie où le réseau social avait justement été utilisé pour élargir le succès du film. Tiktok se démarque alors par sa viralité insaisissable et imprédictible.

Plus récemment, le film Saltburn a également pu profiter de la viralité de Tiktok et accroitre sa notoriété. Il s’agit d’un cas légèrement différent puisqu’il s’agit d’un film sorti sur Prime Video le 22 décembre 2023 et non en salle. Il est donc plus difficile de quantifier les vues puisque Prime Video ne partage pas ses données. Cependant, nous pouvons tout de même remarquer l’importance du film sur Tiktok. Saltburn, réalisé par Emerald Fennell, raconte l’histoire d’un étudiant de l’Université d’Oxford qui va se plonger dans l’univers aristocratique grâce à son camarade de classe qui l’invite dans son vaste domaine familial. A nouveau, ce film a fait parler de lui sur Tiktok pour ses scènes choquantes, les utilisateurs se filmaient alors en train de réagir. Le #Saltburn dénombre plus de 5,5 milliards de vues. Tiktok a également propulsé la chanson « Murder On The Dancefloor » de Sophie Ellis Bextor qui apparait à la fin du film. Scène durant laquelle Barry Keoghan déambule et danse dans le manoir. Cette scène finale a alors été reproduite par de nombreuses personnes sur Tiktok. La chanson « Murder On The Dancefloor » a été utilisée plus de 226 00 fois et a été écoutée plus de 1,5 millions de fois le soir du nouvel an soit une augmentation de 340% par rapport à l’année dernière (La Dépêche, 2024). Que ce soit en salle ou sur les plateformes, Tiktok offre une certaine accessibilité du cinéma au jeune public.

Quelles perspectives ?

Après avoir bouleversé l’industrie musicale, Tiktok s’en prend au fonctionnement de l’industrie cinématographique. De par un fort taux de complétion et d’engagement, le système de vidéos courtes mis en place influence directement la décision de l’utilisateur : regarder un film ou non. A noter, « 52 % des utilisateurs de TikTok ont découvert un nouvel acteur, un nouveau film ou une nouvelle émission de télévision sur TikTok. Ce taux démontre à nouveau le pouvoir que la plateforme afin de susciter des tendances et une popularité pour les films (Davies, 2023 ). Tiktok place le spectateur au cœur de la dynamique.

Après avoir étudié la façon dont Tiktok s’implante dans le but de créer un engouement et pousser le public à aller au cinéma ou regarder des films, nous pouvons ouvrir notre sujet nous demander si Tiktok ne serait pas finalement un concurrent à l’industrie cinématographique.  La plateforme opère un réel changement dans les habitudes de ses utilisateurs. Comme nous l’avons évoqué, il est possible de regarder des films en plusieurs parties. Au-delà d’être utilisé comme un outil de marketing, un outil propulseur, la plateforme Tiktok pourrait elle-même en être actrice. En 2023, Tiktok, partenaire officiel du Festival de Cannes avait déjà organisé son propre festival de court-métrages. Le « Tiktok Short Film » qui permettait aux cinéphiles du réseau social de soumettre leur création, une vidéo verticale originale de plus d’une minute. Néanmoins, cet élan peut remettre en question la légitimité de Tiktok à se positionner comme acteur du cinéma.

Solène TAGMOUNT

Références

AlloCiné . (2023). Le Consentement . Récupéré sur AlloCiné.

Creton, L. (2020). La marketing cinématographique . Dans L. Creton, Economie du cinéma (p. 157 à 177). Armand Colin .

Croquet , P., & Trouvé , P. (2023, Octobre 5). Sur TikTok, le succès des films et reportages « saucissonnés ». Récupéré sur Le Monde : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/10/05/sur-tiktok-le-succes-des-films-et-reportages-saucissonnes_6192690_4408996.html

Davies, R. (2023 , Avril 21). TikTok is changing the film industry by putting the power back in the hands of fans. Récupéré sur Why Now: https://whynow.co.uk/read/tiktok-is-changing-the-film-industry-by-putting-the-power-back-in-the-hands-of-fans

Guerrin, M. (2023, Novembre 17). « En assurant le succès du film “Le Consentement”, grâce à un public jeune et populaire, TikTok réussit là où des politiques culturelles échouent depuis des décennies ». Récupéré sur Le Monde: https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/17/en-assurant-le-succes-du-film-le-consentement-grace-a-un-public-jeune-et-populaire-tiktok-reussit-la-ou-des-politiques-culturelles-echouent-depuis-des-decennies_6200560_3232.html

Jouin, S. (2023, Octobre 10). Barbie : une campagne marketing aux 150 millions de dollars. Récupéré sur Affect: https://www.afffect.fr/blog/barbie-une-campagne-marketing-aux-150-millions-de-dollars

La Dépêche. (2024, Janvier 2024). « Saltburn », le film tendance sur les réseaux sociaux. Récupéré sur La Dépêche : https://www.ladepeche.fr/2024/01/11/saltburn-le-film-tendance-sur-les-reseaux-sociaux-11691380.php

Vasseur, V. (2023, Octobre 23). « Le consentement » : comment une tendance TikTok a relancé cette adaptation du roman de Vanessa Springora. Récupéré sur France Inter: https://www.radiofrance.fr/franceinter/le-consentement-sur-tiktok-le-film-adapte-du-roman-de-vanessa-springora-plebiscite-par-les-jeunes-1978640

L’impact des fusions-acquisitions sur le marché de la SVOD

En 2017, Disney secouait l’industrie avec l’acquisition historique de la 21st Century Fox pour 52 milliards de dollars, catapultant Hulu au sommet avec un éventail de contenus diversifiés. Privant Netflix et Amazon de précieuses œuvres Disney, Pixar et Marvel, Disney se retirait audacieusement de Netflix, lançant sa propre plateforme, Disney+, en 2020. Cette stratégie, initiée sous l’administration Trump, pose des défis dans un paysage médiatique en mutation et des régulations anti-trust renforcées. L’année 2023 a marqué une autre étape cruciale avec l’approbation réglementaire de la fusion tant attendue entre Discovery et Warner Media. Dirigée par David Zaslav, cette alliance a fusionné des réseaux emblématiques tels que TNT, CNN, Discovery et HGTV, créant un catalogue de contenus d’importance significative. Le défi majeur réside dans l’unification d’un public jusque-là segmenté entre deux offres distinctes : HBO Max, orienté vers le grand public, et Discovery +, axé sur les contenus non scénarisés à des tarifs relativement abordables. Cette tendance à la réunification vise à réduire la fragmentation des plateformes de SVOD, offrant une expérience plus cohérente pour les utilisateurs en rationalisant droits et ressources. 

En parallèle, les géants du streaming renforce leur stratégie et le succès est au rendez-vous. Disney+ met en avant ses capacités publicitaires comme élément clé de différenciation, annonçant lors du CES 2024 le lancement de Gateway Shop. Il s’agit d’une expérience de commerce électronique transparente intégrée au streaming, permettant aux spectateurs d’acheter directement les produits présentés dans les contenus Disney. Ajay Arora, vice-président principal du commerce, a déclaré que Gateway Shop est « la première expérience publicitaire télévisée transparente et achetable de Disney (…) Il permet au spectateur de passer de l’intérêt à l’action à l’achat sans jamais quitter l’environnement de visualisation. C’est du commerce en streaming sans interruption. » Pendant ce temps, Netflix enregistre une croissance significative avec 13 millions d’abonnés supplémentaires, dépassant les 260 millions au T4 2023. La restriction du partage de compte et le succès de l’offre avec publicité contribuent à cette augmentation. Netflix se diversifie également dans les jeux vidéo et prévoit une expansion dans les événements sportifs en 2024, illustrant une stratégie centrée sur la diversification des services et des contenus quand Disney mise tout sur la publicité. 

Du côté européen, Bertelsmann, cherchant à renforcer sa position audiovisuelle en Europe, a rencontré des échecs dans ses fusions, notamment avec RTL/Talpa Network, M6/TF1, et Simon & Schuster. Ces échecs révèlent une dynamique symptomatique de ce que Thomas Rabe, PDG de Bertelsmann, anticipait dès 2020 : un besoin d’assouplissement des réglementations pour permettre des « coopérations significatives voire des fusions plus importantes afin de créer des champions nationaux ». Canal+ se démarque lui en tant que principal distributeur de films en Europe, et la potentiel acquisition à venir d’OCS renforcerait sa position sur le marché. Ce rachat permettrais à Canal+ de s’imposer comme précurseur de cette vague de fusion-acquisition venu de l’ouest. Le groupe se distinguant déjà grâce à sa stratégie de partenariat qui propose depuis avril 2023 les programmes AppleTV+ dans son offre, ainsi que des packages donnant accès au services Disney+, Netflix, OCS et Paramount+.

Les répercussions des fusions en cours ne se limitent donc pas à la SVOD, et s’étendent à d’autres marchés grâce aux stratégies de diversification adoptées. Ces fusions donnent naissance à de nouveaux conglomérats médiatiques qui contrôlent l’ensemble du processus, de la production à la diffusion, et influencent la course à l’attention. Les changements majeurs dans les dynamiques de l’industrie suscitent également des questions sur l’impact sur la sélection des contenus, les lignes éditoriales et la création artistique, avec des répercussions qui s’étendent à d’autres secteurs économiques. Comment ces mastodontes du divertissement interagiront-ils avec d’autres secteurs économiques ? Comment leur empreinte se fera-t-elle ressentir dans des domaines connexes tels que la technologie, la publicité, voire la politique ? Les réponses à ces questions dessineront le visage d’un paysage médiatique en perpétuelle évolution.

Les conséquences d’une concentration entre géants du secteur

Selon une étude menée par Parrot Analytics, une fusion entre WarnerBros Discovery et Paramount créerait une entité qui deviendrait le leader incontesté de la demande aux États-Unis, surpassant Disney avec 29,1 % de la demande en 2023. Cependant, à l’échelle mondiale, cette fusion ne représenterait que 9,1 % de la demande de contenus originaux, se classant derrière Prime Video (11,3 %) et bien loin de Netflix (34,6 %), mais devant Disney (8,8 %). Si Warner Bros. réussit à acquérir Paramount, il pourrait se positionner en tant que concurrent sérieux, surtout avec le lancement imminent de leur service MAX dans plusieurs grands pays. Une force à plusieurs échelle : au cinema, à la télévision et en streaming. Cette fusion, bénéfique pour les droits sportifs et la diversité des contenus, pourrait rencontrer moins de résistance réglementaire. Mais la gestion de la dette et les défis de cohabitation demeurent des préoccupations. 

Second scénario imaginé par l’étude, celui d’un rachat de Paramount par Comcast, maison-mère de NBC Universal. Cette fusion propulserait ce nouveau géant en tête du podium, dépassant Disney en termes de demande globale de contenus aux États-Unis. Toutefois, au niveau mondial, elle se classerait juste derrière Apple TV+ avec seulement 6,8 % de part de marché. Cette fusion, bien que potentiellement puissante, semble compromise par la législation fédérale, qui n’autorise pas la réunion au sein d’un même groupe de deux réseaux hertziens : CBS et NBC. Pour que la fusion se fasse il faudrait abandonner un des réseaux, mais les deux groupes respectifs sont-ils prêt à un tel sacrifice ? 

Enfin, l’étude révèle un dernier scénario intrigant : David Ellison, le patron de Skydance Media, boite de production américaine, serait prêt à faire une offre pour acquérir la holding qui contrôle Paramount. Un tel rachat pourrait orienter le groupe vers la production, suivant ainsi le modèle de Sony Pictures. Ce dernier avait envisagé une fusion avec le groupe de télévision indien Zee Entertainment pour créer un géant du divertissement capable de rivaliser avec les leaders du streaming. Cependant, le projet a été annulé en janvier 2024, affaiblissant leur position respective en Inde, tandis que la fusion entre Reliance et l’unité indienne de Disney était en négociation. Une fusion menacé elle aussi par la politique anti-trust, les deux groupe posséderait suite à la potentiel fusion un monopole sur les droit du cricket en Inde et une importante part de marché à la télévision. De quoi faire vaciller l’examen réglementaire ! 

Les récentes réformes de la Federal Trade Commission (FTC) et du ministère de la Justice redéfinissent la politique antitrust américaine en mettant l’accent sur la protection du bien-être à long terme des consommateurs et des travailleurs. Traditionnellement guidée par le critère du bien-être du consommateur, la nouvelle approche vise à élargir les objectifs de la législation antitrust en incluant des préoccupations sociales, telles que la préservation de la démocratie et la protection des petits concurrents. Cette réforme s’oppose aux critiques de l’ancienne norme, accusée de ne pas prévenir la concentration du pouvoir économique, en se concentrant sur les actions anticoncurrentielles ayant des conséquences graves à long terme. Une fusion telle que Warner Bros. Discovery-Paramount peut sembler une concurrence à court terme contre Netflix et Disney+, mais à long terme, elle pourrait créer un géant médiatique susceptible de coordonner plutôt que de concurrencer. Cela aurait des répercussions sur les salaires, les licenciements, les prix des contenus, et compliquerait l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché. Ces nouvelles normes examinent les aspects verticaux des fusions, en vérifiant si l’entreprise issue de la fusion contrôle un produit dont les rivaux ont besoin pour être compétitifs. Cela contraste avec l’ancienne norme à court terme, comme l’a montré la fusion AT&T-Time Warner en 2017.

Bénéfices pour les investisseurs ou les consommateurs ?

Le marché médiatique devient alors le théâtre de spéculations intenses sur d’éventuelles transactions de fusion-acquisition, principalement centrées autour du sort de Paramount Global. Paramount Global, dirigé par Shari Redstone, est perçu comme ayant atteint un carrefour entre croissance et vente, potentiellement susceptible de déclencher d’autres transactions, un effet de flipper lorsqu’une entreprise d’envergure affiche un panneau « À Vendre ». (Pour information, ni Paramount Global ni la société mère de Shari Redstone, National Amusements, n’ont commenté publiquement sur le sujet.) Initialement perçu comme une aubaine pour les consommateurs désireux d’échapper à la multiplateformisation et de souscrire à une offre plus complète, les fusions entraînent inévitablement une concentration des contenus, aboutissant à une offre finalement moins diversifiée. L’approche « fourre-tout » adoptée par les stratégies de valorisation à la Netflix, ciblant un large public, risque d’engendrer de la frustration chez les consommateurs cherchant à trouver ce qu’ils veulent réellement regarder. Au cœur de cette réflexion réside la question de la pertinence des plateformes sur-éditorialisées face à l’émergence de ces géants fusionnés. L’avènement de la technologie, porté par l’intelligence artificielle, ouvre-t-elle la voie à une avancée majeure en matière de personnalisation au sein du paysage médiatique en mutation? À l’instar des bulles de filtres sur les réseaux sociaux, l’IA pourrait offrir une personnalisation plus fine, plaçant chaque individu au centre d’une multitude de contenus médiatiques fusionnés. Un exemple probant se dessine avec Amazon, qui, en agrégeant les données récoltées auprès des consommateurs sur divers marchés, pourrait perfectionner sa personnalisation et ainsi approfondir sa connaissance du consommateur. Cet effet boule de neige, résultant en une personnalisation plus pointue, pourrait potentiellement constituer une concurrence redoutable pour des plateformes telles que Mubi. Ces dernières, en misant sur un positionnement spécifique, risquent de voir leur axe de différenciation s’estomper dans cette nouvelle ère de personnalisation médiatique propulsée par l’IA. Mais si le traitement des données est de plus en plus refrénée c’est peut-être ce même axe de différenciation qui permettra à ces plateforme de tirer leur épingle du jeu. Qui sait ! 

Daassiss Chaïma


Sources

Parrot Analytics dresse quatre scénarios de concentration à Hollywood

Retournement de situation, la fusion des plateformes HBO Max et Discovery+ est annulée

Merger Guidelines U.S. Department of Justice and the Federal Trade Commission 

La plateforme de streaming Max, fusion de HBO Max et Discovery+, lancée en France en 2024

Max : Warner annonce sa nouvelle plateforme de streaming, fusion de HBO Max et Discovery+

La SVOD et le Covid-19 ont provoqué une vague de fusions et acquisitions en Europe

Données massives et droit de la concurrence : les fusions-acquisitions des plateformes numériques

Scénarios anticoncurrentiels pour les fusions numériques – Note de référence de l’OCDE

WarnerMedia and Discovery have completed their mega-streaming merger

Une fusion Disney-Reliance en Inde dans le domaine du divertissement risque de se heurter à des problèmes antitrust

Paramount Potential M&A: Warner Bros. Discovery, Skydance, Apollo – Oh My!

As Paramount, WB Discovery and Others Weigh M&A Options, Is More Consolidation Really the Answer to Hollywood’s Profit Problem?

Inde-Sony met fin à son projet de fusion avec le groupe de télévision Zee Entertainment

Le paysage du streaming vidéo en reconstruction

L’année 2023 avait déjà marqué un tournant pour le streaming vidéo. Mais aujourd’hui, de nombreuses restructurations sont en train d’aboutir, entrainant une modification de l’industrie et de ses acteurs. De nouvelles orientations stratégiques émergent et chamboulent profondément les plateformes de streaming. Déjà bien établies, Amazon Prime, Disney+ et Netflix font souffler un vent nouveau sur leurs modèles, et poussent leurs concurrents et nouveaux acteurs à faire de même. Les business modèles sont redéfinis, et innovés pour permettre une rentabilité toujours plus forte, dans un contexte d’hyper saturation des contenus, et d’inflation. 

Avec la « streamflation » (Pour L’Éco), la hausse des prix des abonnements aux services de streaming, il est primordial pour les grands acteurs, comme Netflix et Disney+ et leurs positions dominantes, de retenir leurs abonnés malgré ces hausses. En 2023, Netflix a subi une légère baisse de 3% dans son nombre global d’abonnés par rapport à 2022 (Capital). C’est dans cette dynamique que de nouvelles stratégies se développent. 

La télévision et les télécoms : à la poursuite du streaming

Les chaînes de télévision s’imposent de plus en plus dans le paysage du streaming vidéo. Passant d’un modèle linéaire à un modèle non-linéaire, ils marquent leur présence dans un milieu déjà saturé par divers acteurs. Que ce soit Arte, France Télévisions, TV5 Monde… les chaînes de télévisions optent pour le streaming et s’adaptent à la transformation digitale. Via le replay des programmes ou la production de contenus originaux, ces acteurs traditionnels viennent à la conquête du numérique et proposant pour la plupart, des offres gratuites, reposant ou non sur la publicité : une manière de se différencier des grands acteurs du marché. Le lancement de TF1+, le 8 janvier dernier, apporte un nouvel air dans le streaming proposé par la télévision et repose, selon le PDG Rodolphe Belmer, sur une stratégie à double volet (Satellifacts). D’une part, la filiale de Bouygues vise à renforcer son positionnement dominant dans le secteur du linéaire. D’autre part, TF1 met l’accent sur le développement de son offre de streaming, en se concentrant particulièrement sur le divertissement et l’information, les deux principaux axes éditoriaux du groupe. La plateforme gratuite accessible sans abonnement arrive après la fermeture de Salto en mars dernier (Ibid), et vise à devenir la première plateforme de streaming gratuite en France et en Europe, accessible sur divers écrans et opérateurs à partir de mars 2024 (Le Figaro). TF1+ s’avère déjà être un franc succès pour la chaîne, avec une augmentation significative de son audience et une croissance de 70 % de ses utilisateurs quotidiens et de 80 % du nombre de vidéos visionnées, en comparaison à la même période de l’année précédente sur les mêmes plateformes. De plus, elle souligne le succès de son service TF1+, qui a attiré trois fois plus de nouveaux comptes créés depuis le 8 janvier par rapport à la moyenne de l’année 2023 (Satellifacts).

Les chaînes de télévision ne sont pas les seules à s’attaquer au streaming vidéo. L’opérateur télécom et le fournisseur d’accès à Internet, Free, a créé cette année, en mars 2023, sa nouvelle interface de VOD gratuite financée par la publicité (AVOD), accessible à tous les abonnés Freebox. Avec une offre proposant plus de 300 films et séries, Free tente de s’installer sur le marché du streaming en cannibalisant ses abonnés. Une nouvelle étape pour le monde des télécoms, et un nouveau concurrent pour les plateformes de streaming (CB News).

Dans ce paysage en constante évolution, où les frontières entre télévision traditionnelle et streaming vidéo s’estompent, les acteurs historiques et nouveaux venus se lancent dans une course stratégique pour l’innovation. Cette expansion rapide du marché du streaming, enrichie de modèles diversifiés et de stratégies dynamiques, ouvre la voie à un avenir où la créativité et l’adaptabilité définiront le succès dans un secteur de plus en plus concurrentiel.

Les contenus des plateformes : productions originales ou contenus sous licence ?

Netflix semble asseoir, encore et toujours, sa place de numéro 1 dans l’univers du streaming vidéo, laissant aux autres participants comme Disney et Warner Bros, des difficultés à s’assumer, et devant trouver de nouvelles stratégies pour fonctionner. En effet, bien que Bob Iger de Disney ait précédemment établi une comparaison audacieuse entre le prêt de contenu à Netflix et la distribution de technologies nucléaires à des nations du tiers-monde, il apparaît désormais que Disney trouve une nécessité financière dans les revenus générés par ces échanges de contenu (Variety). Récemment, Disney a conclu un accord avec Netflix, incluant le partage des droits de streaming pour « Grey’s Anatomy » et la licence de 41 autres séries à Netflix. Disney bénéficie ainsi de revenus de licence nécessaires pour ses projets de développement. Netflix, quant à lui, a une stratégie similaire, se concentrant sur le contenu sous licence qui représente une part importante de son temps de visionnage. Disney prévoit de réduire ses dépenses de contenu en 2024, se concentrant davantage sur les sports, tandis que « Grey’s Anatomy » devrait compenser la baisse de l’engagement en streaming (Ibid).

Imitant Warner Bros. Discovery, Disney a accru l’envoi de ses contenus, y compris d’anciennes séries HBO et de films de super-héros, à Netflix. Cette approche a transformé un déficit de trésorerie de 930 millions de dollars en 2021 en un excédent de 2 milliards en 2023. Actuellement, les studios favorisent les licences plutôt que de produire en masse du contenu original, avec 45% du visionnage Netflix basé sur du contenu sous licence en 2023. Disney prévoit de réduire ses dépenses en contenu, se concentrant sur les sports, ce qui limitera la création de nouvelles séries originales (Ibid).

Cependant, le géant américain du streaming aux lettres rouges, crée par Reed Hastings, a annoncé vouloir investir 17 milliards de dollars cette année dans la production originale de contenus, tout en adaptant sa stratégie initiale. Le nouveau but est de réduire la sortie à environ 25 à 30 films chaque année, au lieu de la cinquantaine de films produits dans le passé (L’Echo).

Dans cette ère de transformation stratégique, l’utilisation de contenus sous licence pourrait devenir la norme pour les plateformes de SVOD (Subscription Video On Demand). Cela permettrait non seulement de réduire les coûts, mais aussi d’assurer une rentabilité durable dans un marché de plus en plus concurrentiel.

La fusion des plateformes : une stratégie émergente 

Face à la montée des prix, les plateformes de streaming cherchent à se regrouper pour devenir plus attractives. Un exemple notable est MyCanal, qui intègre divers contenus et plateformes dans ses offres. La cession de OCS, plateforme de SVOD d’Orange, à Canal+, tout juste approuvée par l’Autorité de la Concurrence, appuie le certain intérêt qui existe pour les services de streaming de proposer plusieurs offres dans leurs abonnements. Les fusions entre plateformes gagnent en popularité parmi les géants du streaming. En France, Amazon Prime a rejoint ce mouvement proposant à ses clients le Pass Warner, donnant accès au catalogue HBO, de Warner TV, d’Adult Swim, de Toonami, de Cartoon Network, de Discovery Channel, d’Eurosport ou encore de CNN propriété du studio Warner Bros. Ce principe de « bundler » des offres, regrouper plusieurs services dans une seule interface, croit de plus en plus au sein des stratégies du streaming vidéo. Récemment, Apple TV+ et Paramount+ sont entrés en discussions concernant la possibilité de proposer leurs deux services dans un package (Variety). Cette idée pourrait s’avérer être très bénéfique pour la plateforme de Apple, disposant d’un catalogue de contenus très réduit comparé à Disney+ par exemple. Le fait de proposer deux services en un apporte également une attractivité supplémentaire aux deux produits (Ibid). 

Par ailleurs, la fusion envisagée entre Warner Bros. Discovery et Paramount Global dépasse la simple SVOD, visant un champ d’action plus large. Cette éventuelle fusion a pour but de consolider leurs actifs dans divers domaines comme la télévision, le cinéma, le sport et le streaming, pour se positionner face à des concurrents tels que Netflix et Disney. Une telle fusion permettrait également d’enrichir leur collection de franchises cinématographiques et de réseaux de télévision (Variety).

Dans ce contexte évolutif, il est plausible d’envisager un avenir où un modèle à la MyCanal prédomine, une plateforme unique offrant un accès à diverses options de streaming, là où aujourd’hui, les Français sont abonnés en moyenne à 1,9 plateformes de streaming (L’Opinion). Cette centralisation pourrait répondre à la saturation des plateformes de SVOD actuelles, tout en gardant à l’esprit que d’autres modèles, tels que les FAST(Free Ad-supported Streaming Television) et l’AVOD (Advertising Video On Demand), gagnent également en popularité et diversifient le paysage du streaming.

Le monde du streaming vidéo est entré dans une ère de transformation profonde, avec des acteurs majeurs redéfinissant leurs approches pour s’adapter à un marché en constante évolution. Alors que les fusions et les stratégies de contenu sous licence deviennent des leviers cruciaux pour la compétitivité, l’avenir du streaming pourrait révéler des collaborations et des innovations encore inédites. Cette dynamique laisse entrevoir un paysage du streaming en perpétuelle mutation, où adaptation et créativité seront clés pour captiver un public mondial de plus en plus exigeant.

Emma Bauchet 


Références

“TF1+: devenir «la destination gratuite de référence pour le divertissement familial et l’info »” Satellifacts, 21 dec 2023. 

« TF1+ : 1er bilan à 10 jours « couronné de succès » ; lancement sur la Freebox Pop le 22 janvier », Satellifacts, 19 Jan 2024. 

Aquilina, Tyler. “Apple-Paramount Bundle Would Be Another Hail Mary Streaming Play.” Variety, 5 Dec. 2023, variety.com/vip/apple-paramount-bundle-would-be-hail-mary-streaming-play-1235821129/.

Aquilina, Tyler. “Licensed Content Is the New Currency in Hollywood.” Variety, 14 Dec. 2023, variety.com/vip/licensed-content-is-new-currency-in-hollywood-1235837365/.

Caroline Sallé, « TF1 plonge dans le grand bain du streaming », Le Figaro (Kiosque), 21 dec 2023.

Rouget, Clément. “Streamflation et Élasticité Prix. La Hausse Des Prix de Netflix….” Www.pourleco.com, 29 Aug. 2023,www.pourleco.com/consommation/streamflation-et-elasticite-prix-la-hausse-des-prix-de-netflix-ou-disney-fera-t-elle.

Sacré, Jean-François. “Netflix Veut Produire Moins Mais Mieux.” L’Echo, L’Echo, 16 Jan. 2024, www.lecho.be/entreprises/divertissement/netflix-veut-produire-moins-mais-mieux/10518671.html.

Spangler, Todd, and Jennifer Maas. “Warner Bros. Discovery, Paramount Global in Merger Talks.” Variety, 20 Dec. 2023, variety.com/2023/biz/news/warner-bros-discovery-paramount-merger-talks-1235847958/#recipient_hashed=3d2b11103722dc9ff263af43e494e689460e238c6e598d9223dd6145a16cf98a&recipient_salt=aec34c0ee3694872accbb008cccc984f6e6a7fdb8c418f895ea5e61f1a5f3bd9.

Whelan, Robbie, et al. “Les Plateformes de Streaming Font Le Pari de La Hausse Des Prix.” L’Opinion, 16 Aug. 2023, www.lopinion.fr/wsj-lopinion/les-plateformes-de-streaming-font-le-pari-de-la-hausse-des-prix.

Wojciak, Thierry. “Free Lance Son Application TV : OQEE by Free.” CB News, 24 Jan. 2024, www.cbnews.fr/medias/image-free-lance-son-application-tv-oqee-by-free-81780.

Younan, Sarah. “Lancement de TF1+ : Notre Top 10 Des Meilleures Plateformes de Streaming Gratuites.” Capital.fr, 8 Jan. 2024, www.capital.fr/entreprises-marches/plateformes-de-streaming-tv-ce-que-vous-pouvez-avoir-en-gratuit-1489134

Les plateformes de streaming à la conquête des droits sportifs en France : où en sommes-nous début 2024 ?

Les plateformes de streaming se sont aujourd’hui imposées en France comme des acteurs majeurs du divertissement. Récemment, elles ont commencé à se tourner vers un nouveau domaine : les droits sportifs. En France, cette tendance prend de l’ampleur. Les géants du streaming cherchent à acquérir les droits de diffusion de divers sports, bouleversant ainsi le paysage traditionnel de la diffusion sportive.

Récemment, la mise en vente des droits de la Ligue 1 (football) par la LFP, par le biais de son président Vincent Labrune, témoigne de l’intérêt croissant des plateformes pour ce marché-là. Actuellement, deux plateformes de streaming pourraient se placer sur ces droits.
La plateforme de streaming britannique DAZN, spécialisée dans le sport en direct, a montré un grand intérêt pour la Ligue.Cependant, ses offres auprès de la LFP ont pour le moment été jugées insuffisantes. Ensuite, Amazon Prime Video, qui diffuse déjà une partie des matchs de Ligue 1 en France, souhaite rester un diffuseur majeur de la compétition et obtenir une partie du lot proposé par la LFP. Mais, les acteurs traditionnels sont encore dans la course : BeinSport pourrait intervenir alors que Canal+ observe pour le moment.

Cet appel d’offre témoigne donc de la place que prennent ces plateformes dans les discussions et chez le consommateur. Dans le football, le tennis et encore le basketball, on sent leur intérêt croissant. Nous allons présenter ici les nouveaux acteurs souhaitant accentuer leur présence dans le paysage sportif en France.

De nouveaux acteurs compétitifs 

Tout d’abord, DAZN est un service OTT lancé en 2016 par Leonard Blavatnik, un milliardaire britanno-américain et actionnaire de Warner Music et Deezer. Cette plateforme, souvent appelée le « Netflix du sport », est maintenant accessible dans plus de 200 pays. À ses débuts, DAZN s’est principalement axée sur la diffusion de la boxe en pay-per-view. Cependant, elle s’est progressivement diversifiée, notamment en acquérant des droits dans le football, cherchant à rivaliser avec les diffuseurs traditionnels européens tels que Movistar (Espagne), Sky Sports (Angleterre et Allemagne) et Canal+ (France). Dans ce sens, DAZN a remporté les droits de diffusion de la Serie A pour la période 2024-2029, proposant 10 matchs par journée, dont trois en exclusivité.

En août 2023, une collaboration a été établie entre Canal+ et DAZN, menant à la création de Canal + Ligue 1, une chaîne numérique OTT. Cette nouvelle offre, intégrée à DAZN, diffuse deux matchs de la Ligue 1 Uber Eats par journée et est disponible via un abonnement combiné DAZN & Canal+ Ligue 1. D’autres nombreuses compétitions, telles que la Ligue des Champions féminine, la D1 Arkema, Jupiler Pro League ou encore  Boxe & le MMA (hors UFC) sont disponibles via cet abonnement. Un autre abonnement disponible est le NFL Game Pass, proposé séparément au tarif de 149€ par an, qui offre la possibilité de regarder tous les matchs de la saison de football américain. Par ailleurs, DAZN a consolidé sa présence en France en établissant des partenariats de distribution avec des opérateurs tels qu’Orange, Bouygues Télécom et SFR.

Ensuite, Prime Video, le service de streaming d’Amazon, a réalisé des investissements stratégiques significatifs dans les droits sportifs en France, marquant un tournant dans son approche du contenu. Parmi les acquisitions les plus notables, on trouve les droits de diffusion d’une partie de la Ligue 1, en chipant notamment l’affiche du dimanche soir à Canal+. Ils ont également acquis les droits de diffusion pour le tournoi de tennis Roland-Garros, un des quatre tournois du Grand Chelem. L’entrée de Prime Video dans le domaine des droits sportifs en France n’est pas seulement une stratégie pour augmenter le nombre d’abonnés, mais aussi un moyen de renforcer la marque Amazon dans le paysage médiatique français.

Un marché difficile d’accès

En somme, le marché des droits sportifs est très compétitif et onéreux, rendant difficile l’émergence de nouveaux acteurs. Amazon a été la première plateforme généraliste à acquérir un large éventail de droits de diffusion sportifs, en France (Roland Garros, Ligue 1) et à l’étranger (NFL aux États-Unis).  Mais, même si ces plateformes ont une structure solide, diffuser des événements sportifs en direct à grande échelle implique des défis techniques et financiers. Il faut une expertise technique considérable et des seuils de rentabilité élevés. L’échec de Mediapro en 2021, qui a acquis les droits de diffusion du championnat français de football mais n’a pas réussi à rentabiliser son investissement, illustre ces difficultés.

Les plateformes SVOD rencontrent des défis pour se spécialiser dans les événements sportifs en raison de la nécessité d’une expertise de diffusion élevée, de seuils de rentabilité exigeants, et du besoin d’une offre diversifiée. DAZN est une exception notable, avec une valorisation en milliards et des droits de diffusion variables selon les territoires. Les plateformes généralistes hésitent à concurrencer les diffuseurs traditionnels en raison des investissements conséquents et des contraintes contractuelles. Les droits les plus importants sont généralement détenus par des chaînes avec une offre riche, augmentant leur attractivité. Cependant, les acteurs de la SVOD commencent à investir dans les droits sportifs, attirés par le potentiel de séduire un nouveau public et de proposer une stratégie localisée. 

Netflix : le choix d’une stratégie inédite

Netflix, quant à lui, arrive avec une stratégie assez différente. Alors que la plateforme est attendue depuis pas mal d’années comme diffuseur du sport en direct, Netflix garde aujourd’hui sa position pour une consommation différente du sport. Avec son savoir-faire et ses réalisations réussies en production, la société américaine s’oriente plutôt vers la création de contenus exclusifs, se tenant ainsi à l’écart de l’achat traditionnel de droits de diffusion pour les compétitions sportives. Plutôt que de dépenser des fortunes dans les droits sportifs, ce qui mettrait en péril son business model, Netflix préfère créer l’événement lui-même avec un tournoi de golf opposant stars du golf et de la Formule 1 : la Netflix Cup, une compétition sportive décalée lors d’un tournoi de golf aux règles revisitées. Il n’est pas impossible de voir Netflix arriver en France avec cette proposition de contenu.

En combinant le sport et le divertissement, Netflix attire un public friand de contenus sportifs en direct tout en contrôlant les coûts d’organisation. Cette stratégie semble offrir un avantage financier plus important, ou du moins plus immédiat, par rapport à celui qu’Amazon pourrait obtenir en acquérant les droits de diffusion de compétitions sportives existantes.

Jean Pisanté

Bibliographie

Après 2 ans d’application, quelles sont les conséquences du décret SMAD sur la production et la diffusion du cinéma français ?

Le 1er juillet 2021, le décret SMAD fixait les règles de contribution à la production d’œuvres cinématographiques appliquées aux services de vidéo à la demande par abonnement, payants à l’acte ou gratuits (SMAD). Le texte s’applique aussi bien aux acteurs français qu’étrangers (Netflix, Disney+, Amazon Prime Vidéo) se substituant ainsi au décret de novembre 2010 qui ciblait seulement les SMAD domestiques. Les services de SVOD américains les plus populaires arrivés en France au milieu de la décennie 2010 n’étaient donc pas concernés par ces obligations au sens de la loi de 1986 sur l’audiovisuel.

Ces plateformes déjà bien implantées dans le paysage audiovisuel français doivent à présent participer aux financements d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, européennes ou d’expression originale française, à hauteur d’au moins 20% du chiffre d’affaires réalisé l’année précédente. Ce taux peut être porté à 25% lorsque la plateforme propose un ou plusieurs films 12 mois après leur sortie en salles. Il est important de rappeler que ces obligations concernent les productions indépendantes et non les créations dites « originales ». Concrètement, cette contribution se décline sous la forme de préachat de droits d’exploitation SVOD et de financements de travaux de développement.

Des premiers signes encourageants

Les conséquences de ces nouveaux entrants dans le financement d’œuvres cinématographiques restent encore difficiles à évaluer. En réalité, 2022 a été la première année entière d’application du décret. Le CNC n’a pas encore livré son rapport sur l’année 2023 même si quelques résultats ponctuels semblent encourageants quant à l’efficacité de ces nouveaux dispositifs. L’arrivée de nouveaux acteurs à la fin 2022 comme Apple TV+ et Paramount+ a du renforcer cette injection de liquidités dans l’industrie cinématographique. On peut noter cependant une baisse en 2022 de 3,4% des dépenses des SMAD et des services de télévision dans la production cinématographique mais qui est principalement due au recul des chaînes et au surinvestissement de Canal+ en 2021.

Les niveaux ont rejoint ceux des années pré-covid ce qui est un signe encourageant pour la filière et les SMAD jouent le jeu : leurs investissements de 58,5 millions d’euros en 2022, en hausse par rapport au 42 millions d’euros en 2021 témoignent de la volonté de ces acteurs de s’intégrer dans le système de financement du cinéma français. Antoine Boilley, membre de l’ARCOM, note que les 22 SMAD en France ont respecté leurs obligations et que certains les ont même dépassées.  

Autre signe encourageant pour l’engagement des SMAD dans leurs obligations d’investissement : après Amazon fin 2022, Netflix a signé un accord avec les organisations d’auteurs et de producteurs en septembre 2023 lors du Festival de La Rochelle pour garantir une contribution plus élevée. Cette tendance d’investissement à la hausse dans le cinéma hexagonal se reflète ensuite dans le catalogue des plateformes : en 2022, 9 600 titres différents étaient proposés avec ¾ de l’offre cinéma disponible trustée par Netflix, Prime Vidéo et MyCanal. Avec un statut hybride de plateforme VàDA et de replay, MyCanal et OCS offrent une part de films français plus importante.

Une tendance qui marque la forte progression des plateformes SVOD dans le paysage cinématographique avec un élargissement de son audience renforcée par la crise sanitaire : l’hétérogénéité des programmes et l’augmentation du temps libre ont participé à la nette progression du nombre d’abonnés. Autre explication dans ce sens et qui renforce la présence des SMAD dans les usages de consommation du cinéma : la généralisation des téléviseurs connectées dans les foyers (45,5% en 2021) qui proposent les plateformes SMAD à portée de télécommande et l’utilisation du mobile de plus en plus présente (+11,7% entre 2018 et 2022).    

Un changement important dans la chronologie des médias

      L’autre changement du décret SMAD concerne la chronologie des médias : avec des obligations de financement plus importantes, les plateformes ont vu leur fenêtre d’exploitation se rapprocher de la sortie salle, passant de 36 mois à 17 mois (15 en cas d’accord avec le cinéma français comme c’est le cas pour Netflix). Les chaînes cinéma payantes restent à 9 mois (sauf Canal+ à 6 mois du fait de son accord professionnel et qui souhaite jouer un rôle de plus en plus important dans le financement du cinéma). Les fenêtres d’exploitation des chaînes gratuites (France Télévisions, TF1, M6) ne changent pas en restant à 22 mois. L’évolution la plus notable est donc le passage des plateformes SVOD avant les chaînes gratuites dans les fenêtres d’exploitation.

Un passage qui pourrait renforcer la désaffection lancinante des audiences pour la télévision au profit des SMAD mais qui répond en partie à la révolution des usages marquée par une consommation fragmentée, des plateformes différenciées et des changements dans les modes de distribution. Il est bon de rappeler que les chaînes linéaires demeurent un pilier du secteur cinématographique avec 78,2% des dépenses des diffuseurs en 2022. Pour Antoine Boilley (ARCOM), “Ces données traduisent la place privilégiée et prépondérante des groupes audiovisuels dans le financement de la création audiovisuelle et cinématographique. […] Il en va de toute la dynamique du financement de notre industrie de programmes dans l’audiovisuel et le cinéma”. D’autant que les chaînes ont obtenu un accord de co-exploitation avec les plateformes : lorsqu’un film est exploité sur une chaîne TV linéaire, il est alors retiré de la plateforme de streaming pour la durée d’exploitation.

Des craintes qui persistent

Le décret SMAD ne semble pas pour autant rassurer l’ensemble du secteur. Certains craignent des déséquilibres de plus en plus forts entre petites et grosses productions. “Les plateformes concentrent leurs investissements sur très peu d’œuvres” regrette Sébastien Borivent, DG de Tetra Media Studio. Selon le CNC, entre 2018 et 2022, la moitié des investissements des plateforme est allée dans le format série. La Présidente du collège audiovisuel du SPI (Syndicat des Producteurs Indépendants), Nora Melhli, s’inquiète : “L’arrivée des plateformes n’a pas irrigué le secteur comme on l’espérait. Les risques sont grands. On est peut-être à la veille de l’effondrement d’une bulle”.

Le producteur de cinéma, Saïd Ben Saïd, dans une interview au journal Le Monde, décrit une stratégie néfaste pour le secteur : “Aujourd’hui, les plateformes envahissent nos marchés. Au lieu d’aider les distributeurs, les producteurs et les exploitants indépendants à y résister, on lance la grande fabrique de l’image pour faire de la France une terre d’accueil pour les plateformes américaines. On ne sauve pas le cinéma français en en faisant un prestataire de services pour Netflix. Ça ne fonctionne pas comme ça.”

Avec les pressions que peuvent faire subir les SMAD, surtout les plus importants, sur le législateur, les tensions entre les différents acteurs n’ont pas disparu. On se souvient de Disney menaçant de sortir ses blockbusters annuels directement sur Disney+ si la chronologie des médias n’était pas révisée à son avantage. Les studios semblent avoir compris depuis qu’une exploitation en salle reste le meilleur moyen pour rentabiliser de tels projets et des stratégies de distribution hybrides commencent à apparaitre.    

Enfin dernier sujet d’interrogation qui plane : le bénéfice des SMAD dans l’exposition du cinéma français. Même si la contribution financière des plateformes au financement des œuvres cinématographiques semble acquise, leur visibilité au sein des plateformes ne suscite pas la même attention. Les 2/3 des films consommés sur les plateformes sont américains alors que la part de marché des films français est de 20%. Une ventilation stable depuis 3 ans mais qui reste déconnectée de l’exploitation salle où les films américains sont en général à 40% de part de marché à égal avec le cinéma français.

En prenant une focale plus large, on peut s’inquiéter de la visibilité des acteurs nationaux lorsque l’écran d’accueil des téléviseurs connectés s’apparente de plus en plus à une grille d’applications avec Google au premier plan. YouTube représenterait 30% du temps d’écran consommé sur ces téléviseurs, éclipsant donc en partie les productions audiovisuelles et cinématographiques françaises.     

Il ne faut pas oublier les autres menaces qui planent sur le secteur cinématographique français : une inflation grimpante qui grignote les budgets, des taux bancaires importants, des grèves qui se multiplient chez les techniciens intermittents, le recul de l’audiovisuel public. Sur ce dernier point, le décret SMAD ne permet pas d’effacer les incertitudes qui planent quant à la trajectoire budgétaire de France Télévisions, premier financeur de la fiction française (288M€ en 2022-2023). Nora Melhi ajoute : “Nous avons besoin d’un audiovisuel public fort. Que France Télévisions et Arte, nos deux premiers partenaires, soient confortés dans leur rôle. Et qu’ils renforcent leurs financements. C’est un enjeu démocratique.”

Au lendemain de la crise sanitaire, le décret SMAD a permis d’injecter de nouvelles liquidités bienvenues dans le système de financement du cinéma français en s’intégrant aux côtés des diffuseurs historiques. Les changements des modes de diffusion et des habitudes de consommation dans les foyers français ont renforcé cette intégration sur laquelle il était nécessaire de légiférer. Mais certains acteurs trouvent que cette intégration délaisse en partie le modèle de protection culturel des organisations indépendantes domestiques. La coexistence avec les diffuseurs doit encore être structurée. Les chiffres de 2023 du CNC devraient permettre de confirmer cette tendance d’investissement à la hausse en positionnant les plateformes comme un acteur important dans le rebond de la production cinématographique.

Sacha Szydywar

Sources :

  • Décret SMAD du 22 juin 2021, Article rédigé par Pierre Abouchahla, DG d’Écran Total pour le magazine Écran Total, publié le 23/06/2021
  • Un investissement en production de 1,6 milliard d’euros en 2022 (+12%) par les chaînes et plateformes, Article d’Isabelle Repiton pour Écran Total, publié le 19/12/2022
  • La Rochelle 2023 : la bonne santé de la fiction française n’efface pas les inquiétudes de la filière, Article d’Isabelle Repiton et Estelle Aubin pour Écran Total, publié le 20/09/2023
  • Saïd Ben Saïd, producteur de cinéma : il y a trop de films et beaucoup se ressemblent”, propos recueillis par Jacques Mandelbaum pour le journal Le Monde, publié le 05/10/2022
  • Observatoire de la vidéo à la demande, Rapport du CNC par Cécile Lacoue, directrice des études, des statistiques et de la prospective du CNC publié le 27/01/2023
  • SVOD et financement : les bêtes noires de la chronologie des médias, entretien avec Pascal Rogard (SACD) et Pascal Lechevallier (What’s Hot Media) pour MediaSchool
  • Nouvelle chronologie des médias : des changements mais pas de bouleversements, Article pour MC2I Experts publié le 23/02/2022
  • Le décret SMAD pourrait générer jusqu’à 1,5 Md€ pour la production française d’ici 2024 selon NPA Conseil, Estimations pour The Media Leader, publié le 20/09/2021

Carrefour et Netflix lancent l’abonnement Carrefour Plus.

Entre distribution alimentaire et distribution de contenu, il n’y a qu’un pas. C’est ce qu’ont prouvé Carrefour, le géant français de la grande distribution et Netflix, la plateforme de streaming à la demande en s’associant au sein de l’offre Carrefour Plus.

Moyennant 5,99€/mois, les clients disposent d’une réduction de 10% sur 6 000 produits de la marque Carrefour dans les magasins de l’enseigne ainsi qu’un abonnement Netflix Standard avec publicité offert. Les souscripteurs ont néanmoins la possibilité de s’abonner à des formules supérieures via Carrefour Plus en payant la différence, soit 7,50€/mois pour Netflix Standard et 14€/mois pour Netflix Premium. Aussi, dans le cas où le client a déjà un compte Netflix, il peut l’associer au Programme Carrefour Plus.

Bien que, l’abonnement inédit ne soit disponible que dans les agglomérations de Rouen et Bordeaux depuis le 16 janvier 2023, son retentissement est général. En effet, si Carrefour et Netflix s’étaient déjà associés pour commercialiser des dérivés de certaines séries (dont Stranger Things), leur partenariat franchi un cap supplémentaire.

Crédits : Carrefour

Un pari gagnant pour Carrefour

Véritable arme marketing, Carrefour Plus semble être un pari gagnant pour l’enseigne. D’une part, Carrefour espère augmenter son nombre d’adhérents. D’après Caroline Dassié, la directrice exécutive marketing et marque propre du groupe, l’objectif serait d’atteindre environ 15 000 clients sur les 108 magasins testés, soit le double des abonnements d’aujourd’hui. Carrefour n’est pas le seul acteur de la grande distribution à s’être tourné vers les programmes d’abonnement payants, plus complets que la simple carte de fidélité gratuite. Par exemple, Casino offre 10% de réduction sur le ticket de caisse des souscripteurs de Casino Max. Monoprix propose la livraison gratuite dans son programme à la consonance familière, Monopflix. Néanmoins, l’unicité de Carrefour Plus en France constitue un point de différenciation important dans un secteur très concurrentiel. Carrefour Plus combine à des avantages traditionnels, l’accès gratuit à une plateforme de streaming populaire. Cela constitue un argument de vente, incitant les consommateurs à choisir ce distributeur par rapport à un autre. Pour autant, les réductions sur les produits de la marque Carrefour proposées par le programme restent une incitation supplémentaire à l’abonnement. En période inflationniste, les français ont été forcés d’effectuer des arbitrages alimentaires. Rappelons également que les marques distributeurs connaissent un pourcentage d’inflation plus élevé que les autres marques, dépassant 14% pour les marques distributeurs contre 12% pour les autres (Capital). Globalement, Carrefour espère conserver le pouvoir d’achat des consommateurs en les aidant à ne pas arbitrer entre consommation alimentaire et divertissement. Ils peuvent avoir accès au deux pour moins de 6€.

D’autre part, Carrefour espère fidéliser et verrouiller la base d’adhérents Carrefour Plus. Les adhérents peuvent être plus enclins à rester abonnés puisque l’accès à Netflix dépend de leur participation continue au programme. De plus, la souscription au programme ne s’étend qu’aux magasins de l’enseigne, ce qui écarte les consommateurs des commerces concurrents.

Une première mondiale pour Netflix

Pour Netflix, le partenariat avec un acteur de la grande distribution est une première. Il faut dire que les acteurs du streaming ont traditionnellement eu un lien étroit avec les opérateurs télécoms. Les fournisseurs d’accès internet ont commencé à commercialiser des abonnements combinant accès aux plateformes de vidéos à la demande au sein de leur offre de téléphonie et internet. Ces bundles sont un canal d’acquisition de clients à bas coût pour les fournisseurs de contenus comme Netflix et une nouvelle source de revenu pour ces opérateurs. Et les chiffres le montrent bien : 20% des abonnements aux services de vidéo à la demande sont commercialisés via les compagnies télécoms (Bango). En France, les opérateurs Orange, Bouygues Télécomou SFR proposent des box internet avec Netflix même si seul Free inclut le forfait Netflix Essentiel dans son tarif d’abonnement.

Quand les retailers surfent sur la tendance du Super Bundling

Au sein du marché de l’abonnement, un paradoxe subsiste. Les consommateurs désirent avoir accès à davantage de contenus très différenciés – musique, divertissement, alimentaire, services financiers, etc… Le nombre de souscriptions par personne devrait doubler  passant de 2.2 à 5.3 entre 2018 et 2026 (Juniper Research). En même temps, ils se sentent submergés par la fragmentation de leurs souscriptions dont la gestion est propre à chacune. En conclusion, les consommateurs désireraient centraliser leurs différents services au sein d’une même plateforme. Le concept de Super Bundling dépasse donc celui de bundling puisqu’il est un hub de multiples souscriptions à des services très différenciés, mais dont le processus d’abonnement et de paiement est centralisé. Bien sûr, les opérateurs télécoms se sont saisis de cette opportunité, mais ils ne sont pas les seuls à être devenus créatifs dans la conception de leurs formules. En effet, les banques et les retailers tentent de s’insérer sur le marché du Super Bundling. Aux États-Unis, le distributeur Walmart inclut le service SVOD Paramount+ dans son abonnement Walmart+ en 2022.

Netflix veut toucher une nouvelle démographie

Crédits : IStock/ Pixels Effect

L’union de Carrefour et Netflix est un moyen pour la plateforme de conquérir de nouveaux abonnés payants. Avec ses milliers de points de vente et ses 14 millions d’adhérents encartés, Carrefour expose Netflix auprès d’une population relativement sous-représentée parmi ses abonnées. Carrefour est une enseigne de milieu de gamme dont les prix sont similaires à ceux pratiqués par Auchan, Système U et Intermarché. Le client type de Carrefour a entre 25 et 34 ans est citadin et gagne plus de 2 000€ par mois (OpinionWay). Netflix a donc l’opportunité de cibler cette nouvelle démographie de CSP- ou du moins de conquérir “ceux qui étaient hésitants à s’abonner” pour reprendre les mots de Laurent Uguen, directeur commercial de Netflix France. 

Le fait que l’offre d’entrée de gamme à 5.99€ soit comprise dans Carrefour Plus n’est pas un hasard. En 2023, la formule avec publicité a grandement participé à la croissance de Netflix : l’abonnement à la formule a augmenté de 70% en Q4 2023 et représente 40% des nouvelles créations de comptes dans les pays où il est actif. Le 23 janvier 2023, le streamer rend public son désir de supprimer la formule “Basic Netflix” à $11.99 à commencer par le Canada et le Royaume-Uni. La priorité de Netflix est donc d’étendre la distribution de sa formule d’entrée-de-gamme avec ses 23 millions d’utilisateurs actifs.

 Netflix espère faciliter l’abonnement à son service en s’immisçant dans le quotidien des consommateurs. Le fait que les clients puissent s’abonner à Carrefour Plus — et donc à Netflix — aux détours de leurs courses est une révolution en soit. Les commerces de proximité sont des antennes relais ancrées dans le quotidien des Français. À la différence, les opérateurs télécoms ont moins cette relation de confiance avec leurs abonnés et le dialogue avec ces derniers est rare (à l’occasion du renouvellement du contrat). La grande distribution profite de la récurrence d’usage de ses clients.

Et si le retail media était la prochaine étape ?

Même si rien n’a été annoncé en termes de données publicitaires, la convergence entre commerce et contenu a de quoi ravir les annonceurs. Carrefour est l’acteur alimentaire le plus important du retail media en France avec ses 14 millions d’encartés. Le géant monétise la donnée collectée auprès de ses consommateurs en magasin et en ligne, c’est-à-dire qu’il vend des espaces publicitaires auprès des marques. Son activité retail media s’est renforcée avec en 2022, la création de Unlimitail avec Publicis qui se veut être le one-stop-shop du retail media en Europe et Amérique Latine. La joint venture regroupe les data shoppers d’autres distributeurs comme Kingfisher France, Groupe Galeries  Lafayette, Rakuten France, Showroomprive Group.

Penser que Carrefour Plus puisse rentrer dans le spectre du retail media n’est pas aberrant. Mettons qu’un adhérent Carrefour Plus regarde un programme Netflix via son abonnement avec publicité. La donnée collectée de son parcours marchand, renseignant sur les habitudes d’achat de ce consommateur, peut servir à personnaliser les annonces publicitaires auxquelles ce même consommateur est exposé sur Netflix. Cela pourrait être une manière pertinente pour Netflix de redonner de la valeur à son seul inventaire d’abonnés. En croisant data shopper et valeur contextuelle des programmes au sein de Unlimitail, les possibilités de ciblages publicitaires granulaires pourraient donc être immenses. Ceci est déjà le cas avec France TV et M6, deux partenaires TV de poids pour Unlimitail sur le volet extension d’audience.

Un modèle à la Amazon Prime

Tout ceci n’est pas sans rappeler les pratiques d’Amazon, le leader mondial de l’e-commerce. Sa formule d’abonnement Amazon Prime combine la livraison d’articles prioritaires à une offre de streaming vidéo Prime à 6,99€/mois. Carrefour Plus est donc un rival direct de la formule Prime qui compte en France 7 millions d’adhérents. À noter que Prime Vidéo s’apprête à vivre un changement radical à partir du 29 janvier, date à laquelle la publicité par défaut arrive sur la plateforme d’abord pour une poignée de pays. Les données d’usage et de transaction récoltées par Amazon pourront très certainement servir à enrichir ses services publicitaires sur Prime Vidéo.

Des doutes subsistent côté consommateurs

L’offre promotionnelle de Carrefour et Netflix suscite des interrogations. Est-elle si avantageuse ? Sur les réseaux sociaux, l’Association des Franchisés Carrefour estime que les détenteurs de la Carte Pass et de la carte de fidélité bénéficient déjà de réductions sur leurs achats. Pourquoi donc souscrire à Carrefour Plus pour bénéficier de l’abonnement Netflix avec publicité s’ils peuvent s’abonner auprès du streamer pour le même prix de 5,99€. Qu’ont-ils réellement à y gagner ?

Le bilan est fixé à décembre 2024, date à laquelle Carrefour Plus pourrait être étendu à la France entière si 3% des clients des zones pilotes y ont souscrit.

Linda Ndiaye

Références

Dilhuit, A. L. (2023, 27 novembre). Étude Bango : La révolution du super bundling dans l’économie de la souscription. SlimPay. https://www.slimpay.com/fr/blog/etude-bango-la-revolution-du-super-bundling-dans-leconomie-de-la-souscription/

Echelard, G. (2024, 15 janvier). En s’alliant avec Netflix, Carrefour chasse sur les terres d’Amazon Prime. Challenges. https://www.challenges.fr/entreprise/grande-conso/en-s-alliant-avec-netflix-carrefour-chasse-sur-les-terres-d-amazon-prime_880125

Harel, C. (2024, 17 janvier). Carrefour : Pourquoi s’allier à Netflix plutôt qu’à Amazon Prime ou Disney+ ? Capital.fr. https://www.capital.fr/conso/carrefour-pourquoi-sallier-a-netflix-plutot-qua-amazon-prime-ou-disney-1490589

Jaimes, N. (2023, 15 juin). Tout ce qu’il faut savoir sur Unlimitail, la joint-venture retail media de Carrefour et Publicis. Mntd. https://www.mntd.fr/retail-media/tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-unlimitail–la-joint-venture-retail-media-de-carrefour-et-publicis-755904

Influentia (2024, 18 janvier). Netflix & Carrefour : L’arbre SVOD et la Forêt Retail Media – Influencia. Influencia. https://www.influencia.net/netflix-carrefour-larbre-svod-et-la-foret-retail-media/

Silvestre, A. (2024, 16 janvier). Netflix et Carrefour s’allient pour une nouvelle formule d’abonnement avec streaming et réduction à la caisse. Le HuffPost. https://www.huffingtonpost.fr/culture/article/netflix-et-carrefour-s-allient-pour-une-nouvelle-formule-d-abonnement-avec-streaming-et-reduction-a-la-caisse_228397.html

Roth, E. (2024, 23 janvier). Netflix is going to take away its cheapest ad-free plan. The Verge. https://www.theverge.com/2024/1/23/24048107/netflix-basic-subscription-ads-earnings-q4-2023

Publicité et live streaming : Netflix confirme sa nouvelle stratégie de diversification défensive

2024 marque l’entrée de Netflix dans l’arène du live streaming. La plateforme a annoncé le 23 janvier 2024 avoir signé un accord de diffusion avec la société TKO – la maison-mère de la WWE, la plus importante fédération américaine de catch – et de l’UFC – l’organisation spécialisée dans les combats de MMA (arts martiaux mixtes). Signe d’investissements colossaux dans la programmation en direct, l’accord de 10 ans évalué à plus de 5 milliards de dollars assure à Netflix de devenir le nouveau foyer de l’émission de catch à succès « Monday Night Raw ». Avec une entrée en vigueur en janvier 2025, l’accord réserve au streamer les droits exclusifs sur l’émission aux États-Unis et ses droits de distribution dans plusieurs pays dont le Canada, l’Amérique latine et le Royaume-Uni. Comme un passage de témoin de la télévision linéaire à la diffusion en continu, la chaîne USA Network qui diffusait jusqu’alors l’émission vieille de 31 ans renonce à trois heures de programmes en direct par semaine tout au long de l’année. Selon la chaîne CNBC, cette annonce représente pour Netflix « son plus grand saut dans le domaine du divertissement en direct » (“its biggest jump into live entertainment[1]”). Plus qu’un saut dans le divertissement en direct, Netflix opère depuis plus d’un an un revirement de stratégie dont l’accord avec la WWE n’est pas l’unique volte-face. Désormais, le cahier des charges de la plateforme affiche comme priorités autant l’élargissement de son offre de divertissement – des événements en direct, des contenus sportifs et des jeux – que le développement de son activité publicitaire.

Une stratégie de diversification portée par le live streaming, les contenus originaux et ceux sous licence

Recette enviée de ses concurrents, la formule du succès de Netflix reposait originellement sur des contenus originaux, l’absence de télévision en direct et de publicité, et une bibliothèque inégalée de films et de séries à diffuser dans le monde. Mais la perte historique d’un million d’abonnés en 2022 a contraint la firme américaine à trouver de nouveaux relais de croissance. Parmi eux, le partenariat avec la WWE permet à Netflix d’accéder aux millions de téléspectateurs annuels de « Raw » lors de rendez-vous hebdomadaires en direct. Netflix n’en est cependant pas à son coup d’essai. En 2023, la société avait annoncé qu’elle organiserait son tout premier événement sportif en direct avec des pilotes de F1 et des golfeurs professionnels s’affrontant lors d’un tournoi de golf. Quelques mois plus tôt, elle s’était déjà essayée à la diffusion en direct avec l’émission de stand-up du comédien américain Chris Rock. Avec la WWE, l’arrivée de Netflix sur le marché du live streaming implique un nouvel usage de la plateforme – la possibilité de regarder plus régulièrement des émissions sur rendez-vous -, et avec lui, de nouvelles recettes – les annonceurs et les abonnés. Pour le Wall Street Journal, cette stratégie « s’inspire des chaînes de télévision que Netflix a commencé à remplacer dans le cadre de ses efforts pour devenir la principale source de divertissement des ménages » (“It takes a page from the TV networks Netflix has started to replace as the streamer works to become the main source of households’ entertainment[1]”). On peut aussi considérer l’accord avec la WWE comme une mesure défensive permettant à Netflix d’égaler l’étendue du contenu sportif en direct disponible sur les services rivaux, tels que Max de Warner Bros Discovery et Peacock de NBCUniversal.

La création de films originaux et d’émissions de téléréalité comme « Too hot to handle » ou « Love is Blind » complète ce nouveau portefeuille de programmes. « La société s’est lancée dans la télé-réalité, les romans à l’eau de rose et les séries internationales, tout en confiant de grosses sommes d’argent à des scénaristes de renom tels que Shonda Rhimes et Ryan Murphy » explique le Financial Times[2]. Netflix prévoit de dépenser jusqu’à 17 milliards de dollars en contenu en 2024[3]. « Aucune société de divertissement n’a jamais essayé de programmer à cette échelle et pour autant de goûts et de cultures[4] », Netflix a-t-il écrit, glorieux, à ses actionnaires le 23 janvier 2024.

La poussée de Netflix dans le domaine du live streaming, ses investissements dans la création originale ainsi que sa décision d’accorder des licences pour davantage de programmes télévisés à ses concurrents interviennent alors que l’entreprise tente de relancer la croissance de son volet publicitaire, son autre cheval de bataille dans la course aux abonnés.

Le pari de la publicité ou le virage stratégique d’un modèle économique qui s’essouffle

Grâce notamment à sa politique plus stricte en termes de partage des mots de passe et à son abonnement moins coûteux avec de la publicité lancé en novembre 2022, Netflix a recruté 13,1 millions d’abonnés au cours du trimestre de décembre 2023[1], ce qui représente la plus forte croissance d’abonnés jamais enregistrée au cours du quatrième trimestre.

L’accord avec la WWE intervient alors que le streaming se rapproche de l’omniprésence de la télévision par câble. Marc DeBevoise, PDG de la société de technologie de diffusion en continu Brightcove, déclare à propos du catch professionnel que « c’est l’une des rares choses qui génère une audience de plus de 10 millions de téléspectateurs, ce qui est nécessaire pour développer une activité publicitaire[1] ». Cette stratégie de contenus s’inscrit donc pleinement dans la lignée des efforts de Netflix pour faire de la publicité une source significative de revenus d’ici à 2025.

Dans sa course aux abonnés, Netflix a engagé une stratégie de diversification tant de ses contenus que de ses revenus, s’inspirant du modèle traditionnel de la télévision câblée. L’arrivée du catch en direct doit permettre de gagner en abonnés ainsi que de contribuer à la nouvelle activité publicitaire du groupe, ce qui offrira probablement une justification supplémentaire pour augmenter les prix des abonnements à l’avenir. Le cahier des charges de Netflix évolue au gré des innovations et des usages, redistribuant sans cesse les cartes de la consommation audiovisuelle en ligne.

Adèle de Crépy

Sources : 

–      « The Netflix Pivot is Complete », Angela Watercutter, Wired, 23 janvier 2024. 

–      « Netflix to stream WWE’s Raw starting next year in its biggest jump into live entertainment », Alex Sherman et Jacob Pramuk, CNBC, 23 janvier 2024. 

–      « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024. 

–      « Netflix profite des fêtes et engrange 13 millions d’abonnés supplémentaires », Capital, 24 janvier 2024. 

–      « Netflix s’inspire de l’ancien modèle de la télévision câblée en ajoutant le sport en direct », Zone Bourse, 24 janvier 2024.

–      « Liens vagabonds : Le modèle de Netflix évolue et rabat les cartes du « old streaming » », Kati Bremme, Alexandra Klinnik et Aude Nevo, Méta-Media, 27 janvier 2024. 


[1] « Netflix s’inspire de l’ancien modèle de la télévision câblée en ajoutant le sport en direct », Zone Bourse, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix profite des fêtes et engrange 13 millions d’abonnés supplémentaires », Capital, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.

[2] « Liens vagabonds : Le modèle de Netflix évolue et rabat les cartes du « old streaming » », Kati Bremme, Alexandra Klinnik et Aude Nevo, Méta-Media, 27 janvier 2024.

[3] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.

[4] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix to stream WWE’s Raw starting next year in its biggest jump into live entertainment » , Alex Sherman et Jacob Pramuk, CNBC, 23 janvier 2024.

Les chaînes gratuites diffuseront-elles encore des évènements sportifs en 2030 ?

La retransmission sportive est devenue de plus en plus prisée des chaînes gratuites et payantes pour réaliser d’importantes audiences, fidéliser les spectateurs et générer de substantielles recettes publicitaires.

Mais ce marché stratégique a aussi suscité l’intérêt des géants technologiques et les GAFA, Amazon et Apple, ont récemment consolidé leur présence sur ce secteur.

Selon une étude de l’ARCOM parue en 2022, l’audience moyenne annuelle des retransmissions sportives, qu’il s’agisse d’événements récurrents ou d’émissions, connaît une légère baisse sur les chaînes TV historiques de la TNT depuis 2014.

Cette tendance concomitante de la montée en puissance des nouveaux arrivants du secteur souligne une évolution du paysage médiatique, marquée par des dynamiques changeantes et des enjeux concurrentiels croissants.

Un marché de la retransmission sportive en mutation 

La multiplication des éditeurs et l’arrivée de plateformes américaines à gros moyens, dont certaines, à l’image d’Amazon Prime Video, sont déjà bien établies sur le marché français de la captation sportive, ne cesse d’ébranler le marché global des droits TV en constante hausse depuis 2012 (+57% entre 2012 et 2019) selon l’ARCOM.

La diffusion des internationaux de tennis français reflète bien les mutations du marché.

Le tournoi, historiquement diffusé uniquement par les chaînes du service publique (France TV) a désormais, depuis 2019, ses sessions de nuit proposées par Amazon sur sa plateforme vidéo. Suite à la renégociation des droits en 2019, la FFT avait ainsi pu se réjouir d’avoir augmenté ses revenus issus des droits TV de « plus de 25% ».

Elle a toutefois suscité de nombreuses critiques sur la méthode utilisée pour atteindre ces recettes « d’environ 25 millions d’euros » avec les droits de diffusion (lot 2+ Co-diffusion ½ finales et finales) cédés à Amazon. On pense par exemple à la polémique autour du quart de finale opposant Novak Djokovic à Rafael Nadal diffusé uniquement sur Prime Video et privant de nombreux fans de tennis de suivre cette rencontre gratuitement.

On pourrait citer également le groupe TF1 qui a perdu au profit de Canal+ les droits de retransmission de la F1 alors qu’il en était le diffuseur historique jusqu’en 2012.

De même, W9, diffusa de 2010 à 2018 des matchs de la ligue Europa jusqu’à ce que le groupe payant RMC en reprennent les droits.

Sur un marché des droits sportifs aux tendances inflationnistes, les chaînes gratuites se font de plus en plus concurrencer sur la diffusion des compétitions majeures.

L’analyse de l’ARCOM, montre aussi une réelle érosion des heures de retransmissions sportives en télévision gratuite (cf. graphique).

Elle constate également une écrasante domination des chaînes payantes, sur le secteur de la captation sportive, en termes d’heures de diffusion malgré une diminution du nombre de chaînes payantes diffusant des programmes sportifs depuis plusieurs années. Ainsi, sur les 145 335 heures de programmes sportifs diffusés en 2019, 95 % sont proposées par des chaînes payantes (137 553 heures), contre 5 % par des chaînes gratuites (7 024 heures).

L’inflation sur ce marché de la diffusion sportive résulte d’une part de l’arrivée de nouveaux éditeurs (Bein en 2012, SFR en 2019). On peut aussi citer désormais Amazon et bientôt peut-être DAZN (positionné sur la ligue 1) ou même Apple et Netflix. D’autre part, une stratégie systématique de maximisation des droits par les ligues professionnelles sportives et les organisateurs contribue à la hausse des prix. On l’a vu récemment avec la polémique sur les enchères de la LFP concernant les droits de ligue 1 et le retrait des négociations de Canal+ (diffuseur historique de la compétition).

Cependant, les chaînes gratuites restent compétitives sur la diffusion sportive, portée par les chaînes du service public

Car, en dépit de la hausse des droits TV et de l’érosion constante des heures de retransmission sportive depuis 2016, les chaînes gratuites conservent les droits de diffusion des courts extraits d’évènements sportifs et bénéficient d’une liste de diffusion d’évènements sportifs d’importance majeur établie par la loi relative à la liberté de communication.

Par ailleurs, hors de ce cadre juridique, elles détiennent toujours des droits de diffusion stratégiques payants comme certains matchs attractifs de coupe du monde de football pour TF1 ou des matchs d’Europa League pour le groupe M6.

La chaîne thématique L’Équipe reste aussi très attractive pour les « fans » de sport avec de nombreux contenus sportifs (émissions, gala du ballon d’or, reportages, extraits de match et résumés) comme certains matchs de coupe du monde en phase éliminatoire, par exemple, ou l’intégralité de la ligue des nations, d’intérêt plus « secondaire ».

Laurent-Éric Le Lay, l’actuel directeur des sports de France Télévisons soulignait dans un entretien au journal Le Point en 2021 qu’au-delà de la loi précitée : « le sport a besoin d’être vu par le plus grand nombre ».

            Même si la tendance globale à la baisse de la diffusion de contenus sportifs audiovisuels en télévision gratuite s’inscrit dans un mouvement plus global de baisse de consommation de contenus sur ces chaînes, les retransmissions sportives atteignent souvent des niveaux d’audience très élevés en télévision gratuite, notamment en « prime time ».

Les chaînes gratuites ont en effet, pour l’instant, une plus grande capacité à toucher une cible large que les chaînes et les plateformes payantes car elles touchent une audience moins spécialisée qui découvre ainsi de nouvelles disciplines sportives.

« …quand vous êtes diffusés sur une chaîne gratuite, vous avez des audiences incroyablement supérieures. Et parmi cette audience se trouvent des gens qui sont moins fans et qui découvrent de nouveaux sportifs et de nouvelles disciplines » (Le Lay, L-E)

Source : article de Rebucci, J. LePoint.fr

Elles se positionnent généralement sur des compétitions « événementielles » et développent un solide « partenariat avec l’organisateur de la compétition » et « les fédérations », pour toucher le plus grand nombre de spectateurs. La qualité de la relation entre les chaînes historiques et les ligues sportives professionnelles compte également dans cette course aux retransmissions sportives, les ligues cherchant les partenariats et les modèles de diffusions les plus adaptés à leurs sports et à leurs besoins.

Laurent Éric Le Lay, rappelle dans l’entretien mentionné ci-dessus que la valorisation d’événements « passe … aussi par la capacité des chaînes gratuites à réaliser divers reportages et émissions autour du sport et des athlètes concernés ».

Les chaînes payantes, visent ainsi plus fréquemment des compétitions à dimension « feuilletonnante » (ligue 1, Top 14) et une programmation régulière avec un objectif de fidélisation de leur audience.

Les chaînes gratuites restent compétitives sur la retransmission sportive mais à quel prix et pour combien de temps ?

La compétitivité des chaînes gratuites sur le marché de captation sportive reste cependant très liée à leurs capacités d’investissements et d’acquisitions de droits TV d’évènements sportifs qu’ils soient « secondaires » ou « premium ».

Mais les chaînes gratuites enregistrent des taux de croissance de leurs CA globalement peu dynamiques. Le groupe FTV enregistre une baisse de 9% sur la période 2012-2022, en raison de la baisse des dotations de l’État et des recettes publicitaires. Le taux de croissance des chaînes privées gratuites est en baisse de -2% depuis 2006. Les chaînes historiques TF1 et M6, ont vu leurs CA baisser constamment sur cette période. Cela s’explique, en partie, par une baisse du chiffre d’affaires publicitaire pour la grande majorité des groupes TV. Les chaînes historiques privées TF1 et M6 ont ainsi constatées une baisse de 23% de leurs recettes publicitaires depuis 2006 (-518 M €). Moins impacté, car dépendant à 80% des recettes publiques, le groupe France TV constate tout de même une diminution de 4% de ses recettes liées à la publicité sur la période (-137 M €).

Cette situation, surtout quand on sait que les chaînes privées dépendent à plus de 50% des investissements des annonceurs, (cf. Bilan financier des chaînes gratuites – 2022 – Arcom), si elle devait perdurer ou s’accentuer questionne la capacité future des chaines gratuites à investir encore sur du contenu sportif « premium » et pas seulement « secondaire » et dont la rentabilité n’est pas immédiate lors de sa diffusion.

D’autant que les plateformes GAFA comme Amazon deviennent de plus en plus attractives pour les annonceurs et acquièrent de nouveaux droits TV sportifs au détriment des chaînes gratuites françaises (mais aussi des chaînes à péage).

Valorisés à plusieurs centaines de milliards de dollars, les éditeurs numériques américains s’intéressent de plus en plus aux retransmissions sportives.

On les voit arriver sur ce marché, y compris en France, avec Amazon en tête de peloton.

Plus récemment Apple, un temps évoquée pour l’acquisition des droits de ligue 1 sur la période 2024-2027, a racheté, pour 2,5 milliards de dollars sur 10 ans, les droits de la MLS (Major League soccer) pour en être le diffuseur exclusif dans le monde.

La plateforme Netflix investit massivement dans les séries documentaires sportives et, preuve d’un intérêt croissant sur ce segment de contenus, l’entreprise a récemment annoncé la diffusion de son premier événement sportif en direct : un match amical qui opposera Rafael Nadal à Carlos Alcazar.

Dès lors, l’effet de ciseau crée par la contraction des chiffres d’affaires des chaines gratuites suite notamment à la réduction des revenus publicitaires et la force de frappe économique des plateformes pourrait bien fragiliser à terme les chaines gratuites sur le segment de la captation des événements sportifs.

ANTOINE BARRET

Bibliographie :

LE DECLIN DE LA TÉLÉVISION PAYANTE AUX ÉTATS-UNIS 

Selon une étude d’Ampere Analysis couvrant 96 marchés (1), la télévision payante traditionnelle, autrefois dominante, connaît un déclin sans précédent au niveau mondial : pour la première fois, la pénétration mondiale de la télévision payante devrait diminuer. En effet, alors que la SVOD gagne du terrain et que de nouveaux acteurs émergent dans le secteur de la télévision, les offres historiques se voient confrontées à des défis considérables. Cette transition est alimentée par divers facteurs, allant de la hausse des coûts à l’évolution des modes de consommation, et marque un changement de paradigme dans la manière dont les téléspectateurs accèdent à leurs contenus préférés.

Le marché nord-américain est grande partie responsable de cette baisse : aux États-Unis, la pénétration de la télévision payante est passée de 84% en 2009 à seulement 45% en 2023. Ce marché était pourtant réputé comme solide et semblait traverser les années sans grande difficulté. Les américains sont effectivement connus pour leur propension à rester de longues heures devant leur postes de télévision et à allouer une partie importante de leur budget mensuel à des abonnements à des bouquet de chaînes de télévision payante : environ 100 dollars sont dépensés chaque mois en cable tv (2)  . Ces derniers sont commercialisés par des opérateurs de réseaux câblés tels que Comcast, Charter, AT&T, Dish, Altice USA, Verizon, Cox… En 2012, 85% des foyers américains étaient concernés par l’abonnement à ces bouquets, en 2022, cela ne représente plus que 55% des foyers.
Soyons ici clairs : cela ne signifie pas pour autant que le temps de visionnage moyen a diminué, les américains regardent toujours autant la télévision qu’avant, voire plus, depuis l’arrivée de nouveaux acteurs. Cela signifie juste qu’ils la regardent autrement : on assiste ainsi plutôt à une reconfiguration du marché du payant, qu’à une véritable disparition de celui-ci. 

L’arrivée de nouveaux acteurs, et donc de nouvelles offres 

Contrairement au reste du monde, la crise sanitaire de 2020 aux Etats-Unis ne s’est pas accompagnée d’un regain d’intérêt pour le petit écran. La raison ? De nombreux foyers américains avaient déjà franchi le cap de l’abonnement à des services de vidéo à la demande, ce que l’Europe avait déjà commencé à faire mais dans une moindre mesure.
« En l’espace de quelques mois, plusieurs services nouveaux sont apparus fin 2019-début 2020 (…). Fin 2020, 72 % des foyers utilisaient au moins un service de SVoD, contre 66 % en 2018. Et les téléspectateurs ont été encore plus adeptes du streaming durant la pandémie », selon Vincent Létang, directeur d’études médias (4).
Ces nouveaux services répondent aux noms de Disney+, Netflix, Prime Video, etc. Ils ont été principalement consommés sur tablette, téléphone mais également sur Smart TV, directement connectées à internet, pendant le confinement. Ces tv connectées permettent de consommer directement des programmes audiovisuels, sans forcément passer par un abonnement au câble. Ainsi, elles offrent aux services de SVoD, une voie d’accès évidente vers téléspectateurs et potentiels abonnés, sans que ces services n’aient à passer par les acteurs historiques des télécommunications (AT&T, Altice, Charter…).
=> En 2021, près d’un téléviseur sur deux installé dans les foyers américains proposait un accès direct à internet, ce qui participe à une reconfiguration évidente du marché du payant (5)

Les services de SVOD n’ont pas été les seuls à profiter de l’ouverture de la population nord-américaine à d’autres modes de consommation audiovisuelle. Un acteur comme Youtube TV fait également figure d’autorité dans l’établissement de ces nouvelles pratiques.
Peu connu en Europe, ce service, mis en place depuis début 2017, diffuse les principaux réseaux américains et permet d’accéder à plus de 100 chaînes TV linéaires premium directement sur YouTube, dont ABC, Fox, CBS, NBC et ESPN. L’abonnement, qui coûte 72,99 dollars par mois, permet donc lui aussi de contourner le réseau classique de télécommunications pour proposer un accès direct aux chaînes payantes. Toutefois, le gros du visionnage selon « The Information » provient du service principal de Youtube, c’est-à-dire la consommation de vidéos en streaming, plutôt que des chaînes qu’il agrège, comme le fait un distributeur traditionnel (6). En 2023, Youtube TV représentait 8,1% du visionnage sur les téléviseurs connectés aux Etats-Unis, contre 6,9 % six mois auparavant et contre 6,9 % pour Netflix, selon Nielsen (6). Les formats des publicités sur Youtube TV adoptent également un format très télévisuel puisque la plateforme propose aux annonceurs des publicités de 30 secondes, sans possibilité pour le téléspectateur de les couper. 

Les foyers américains se retrouvent donc face à un choix de diffuseurs et de contenus audiovisuels pléthoriques. Aux offres payantes sans publicité, se sont aussi ajoutées des offres payantes avec pub, à la manière de Netflix, Disney+ ou Prime Vidéo, qui séduisent de plus en plus. Ces offres, plus alternatives et flexibles, sont en grande partie responsable du départ massif des abonnés aux traditionnels bouquets TV, vers les plateformes de streaming. 

Quelles répercussions pour les acteurs de la télévision payantes ? 

Face à cette fuite d’abonnés, les acteurs de la télévision payante se sont vus contraints d’augmenter leurs tarifs, alors que ces derniers étaient déjà très élevés. Conséquence : ces bouquets de chaîne séduisent moins, du fait de leurs prix élevés d’une part, et d’autre part, les contenus proposés ne sont désormais plus les plus attractifs du marché. Les investissement colossaux des plateformes de streaming en matière de contenus et de marketing visent justement à attirer le plus grand nombre d’abonnés. Ces derniers, séduits par ces nouvelles offres, se détournent ainsi progressivement de la télévision traditionnelle payante. « Pour le consommateur, il n’y a plus de dépendance vis-à-vis d’un fournisseur de câble et de bouquets de télévision classiques », explique un professionnel de l’industrie audiovisuelle (7). Le fait est que la majorité des consommateurs américains ont désormais une offre suffisamment variée pour pouvoir se passer d’un abonnement cable tv. 

Quelles stratégies adopter face à cette perte d’abonnés ?

L’augmentation des prix des abonnements de ces bouquets survient en réaction à l’arrivée de ces nouveaux acteurs, mais elle se justifie aussi et surtout par le fait, que les acteurs de la télévision payante souhaitent rendre leurs offres plus premium et qualitative qu’elles ne l’étaient auparavant. Ils savent qu’ils ne peuvent empêcher le départ inévitable d’un certain nombre de clients vers ces nouvelles offres, mais ils font également le pari que certains téléspectateurs ne pourront pas se passer de leur abonnement. La raison ? Les fans de sport par exemple, n’auront aucun autre moyen de regarder leurs compétitions favorites ailleurs que sur le câble ou le satellite (ESPN, Fox Sports, NBC Sports et des chaînes locales). En effet, même si le sport est en train de basculer en streaming (Amazon Prime Video, Peacock…), il reste difficile, pour les plateformes de streaming, de disposer de droits sportifs aussi étoffés que ceux détenus par les acteurs de la télévision payante. 

Si le sport peut être une des cartes à jouer dans la rétention des abonnés, brouiller les limites entre télévision par câble et télévision non linéaire est aussi une stratégie adoptée par tout un ensemble d’acteurs de la télévision traditionnelle. Comcast par exemple, a annoncé en 2021 le lancement de son téléviseur connecté. L’objectif ? Permettre d’accéder à la fois à de la télévision linéaire classique (via câble ou signal hertzien) mais également, à des applications de vidéo à la demande. Grâce à ces télévisions connectées installées directement chez les foyers américains, l’opérateur a la possibilité de contrôler l’interface de visionnage de ses clients. 

On assiste ainsi à une reconfiguration du marché du payant aux États-Unis. Les nouveaux acteurs ont réussi à s’imposer sur un marché qui n’était finalement pas si saturé. Le mode de diffusion n’est désormais plus ce qui importe le plus : les acteurs s’affrontent désormais sur le terrain du contenu

Emma Pajot

Sitographie

  1. https://the-media-leader.fr/la-penetration-de-la-television-payante-en-baisse-en-2024-selon-ampere-analysis/
  2. https://medium.com/@ultimatemedia2023/how-much-does-the-average-american-household-spend-on-cable-and-or-streaming-services-per-year-ab97ba994cb9#:~:text=According%20to%20a%20survey%20conducted,package%20and%20provider%20you%20choose.
  3. https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/aux-usa-le-long-declin-de-la-television-payante-20220126
  4. https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/television-la-pandemie-a-dope-le-petit-ecran-partout-dans-le-monde-sauf-aux-etats-unis-1306022
  5. https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/aux-etats-unis-les-televiseurs-connectes-simposent-dans-les-foyers-1306186
  6. https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/publicite-youtube-un-vrai-concurrent-sur-la-television-du-salon-1944993
  7. https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/le-cablo-operateur-americain-comcast-lance-sa-smart-tv-1356774

Le Fake Out Of Home, la nouvelle tendance marketing ?

Le Fake Digital Out of Home est une nouvelle tendance de street marketing avec la particularité… de ne pas vraiment exister. Il s’agit d’incruster un objet 3D animé et photoréaliste dans le monde réel et qui va interagir avec ce monde. Les contenus FOOH sont générés dans l’objectif de repousser les limites du réel et de créer des campagnes ultra réalistes et immersives. Une tendance qui connaît un réel essor et  profite des formats “snack” que ce soit sur TikTok, Instagram, Facebook ou encore Youtube.

Le Faux fait le Vrai buzz

L’un des premier Fake Out of Home a été imaginé par le vidéaste Ian Padgham pour la promotion des produits Maybellin. Il s’agit un métro londoniens parés de cils géants puis maquillés par une brosse de mascara « Sky High » grandeur nature de la marque de cosmétique.

Il ne s’est pas arrêté là et a notamment imaginé une campagne publicitaire pour Jacquemus mettant en scène le fameux sac de la marque Bambino. Le 5 avril, la marque a publié une vidéo sur laquelle plusieurs sacs ont été transformés en bus hybrides qui circulent dans les rues de la capitale française.

Le 6 septembre, c’est au tour de l’Oréal de dévoiler sa nouvelle campagne : un rouge à lèvre géant sur le dos d’une 2CV sillonne Paris et laisse une jolie trace rouge sur sa route vers l’opéra Garnier. Réalisée en animation 3D, la vidéo est rapidement devenue virale, générant plus de 11,2 millions de vues sur Instagram et plus de 4,9 millions de vues sur TikTok.

@lorealparis

Fasten your seatbelts, Infaillible Matte Resistance is here 💄#LOrealParis #MatteResistance #makeup

♬ original sound – L’Oréal Paris

Une tendance qui séduit tous les secteurs

Le FOOH ne s’arrête pas aux univers des cosmétiques et de la mode. Pour la sortie du film Napoléon, c’est Sony et l’agence de Busterwood qui en ont fait l’usage avec une mise en scène spectaculaire en déroulant une affiche XXL du film sur l’Arc de Triomphe.

La volonté du Distributeur Sony Pictures était de propager la campagne sur des emblèmes iconiques de la France et de Napoléon. Édifié sous l’impulsion de l’empereur et de renommée internationale, l’Arc de Triomphe s’imposait comme une évidence pour ce film” a déclaré Sébastien Wullems, le managing director de Busterwood.

@sonypictures.fr

Napoléon s’empare de l’Arc de Triomphe ! ⚔️ Découvrez Napoléon, le film événement de Ridley Scott avec Joaquin Phoenix, le 22 novembre au cinéma. #NapoléonLeFilm

♬ son original – Sony Pictures France

Du côté des annonceurs, La Philharmonie a été le pionnier au Luxembourg en novembre dernier en mettant en avant ses « Music Box » grâce au Studio Polenta et à FOREAL. La vidéo présente d’imposantes boîtes cadeaux chutant en cascade, telles des dominos, sur le parvis de la Philharmonie.

Ces derniers mois, les exemples de FOOH se sont multipliés. Ainsi pour livre show 2023, ETAM a ressuscité en vidéo le mythique club Le Palace ; Xiamo a mis en scène ses galeries photos sur un arrêt de bus et Playstation a dévoilé sur son Instagram une transformation ambitieuse de la Tour Montparnasse prenant l’apparence d’une console géante.

Des campagnes qui rebattent les cartes

Cette nouvelle tendance vient bousculer les codes du street marketing à l’heure où les expériences en ligne se multiplient. L’engouement autour des FOOH s’explique par l’interaction qu’ils génèrent. L’essence même de ces campagnes réside dans leur capacité à semer le doute, incitant les spectateurs à interagir activement avec le contenu sur les réseaux sociaux. La création d’un lien émotionnel avec le public séduit tant les internautes que les algorithmes des réseaux sociaux favorisent naturellement ces contenus.

Aussi, le FOOH présente une série d’avantages sur les plans logistiques et économiques. Il n’implique pas les coûts liés à la location d’emplacements physiques, à la gestion de la production ou aux permis de construction. Les créateurs de ces publicités fonctionnent selon les mêmes règles que les photographes et vidéographes en ce qui concerne les autorisations et les droits d’utilisation.

L’avenir de la publicité ?

Mode passagère ou tendance pérenne ? La publicité FOOH offre des opportunités illimitées, allant des voyages virtuels aux démos interactives. Cette fusion de réalité et d’imagination permet aux marques de se connecter de manière innovante avec leur public. Les FOOH repensent intégralement la manière dont les marques communiquent car cela oblige à penser avec un storytelling omniprésent et non un focus produit.

Cependant, si grâce aux FOOH les marques sont libres d’imaginer des expériences publicitaires uniques et mémorables, cette tendance soulève aussi des inquiétudes. Certains FOOH suscitent des interrogations éthiques, notamment en ce qui concerne l’ambiguïté entre la réalité et la fiction. Ces publicités virtuelles peuvent tromper les consommateurs en les induisant en erreur visuellement. Une préoccupation d’autant plus légitime dans un contexte où les fake news et la désinformation sont devenues monnaie courante.

Il est encore trop tôt pour savoir si cette pratique est vouée à se banaliser mais s’il ne remplace pas les méthodes existantes, le Fake Out Of Home semble être un complément des plus efficaces aux formes traditionnelles de marketing.

De Rozaven Inès

Fake news sur la guerre en Ukraine : les réseaux sociaux sont-ils plus trompeurs que les médias traditionnels?

Vous avez peut-être déjà vu des passages des émissions télé dans lesquels les réseaux sociaux sont présentés comme les principaux responsables de la propagation des fake news et dans une période dans laquelle de plus en plus de monde, notamment les jeunes, s’informe en ligne et sur les réseaux sociaux il est pertinent de se demander si les réseaux sont plus trompeurs que les médias traditionnels et en particulier la télévision, en se penchant sur un événement qui nous impacte tous depuis plus d’un an maintenant : la guerre en Ukraine.

Historiquement, les chaînes d’information avaient la priorité lorsqu’un événement important se passait, maintenant avec l’émergence des réseaux sociaux un événement qui se passe même très loin de nos frontières peut vite devenir viral et faire le tour du monde. Dans ce contexte, les chaînes d’information perdent leur avantage historique dans ce jeu de concurrence avec les réseaux sociaux, la plupart des événements n’arrivant plus à la télévision en premier, mais sur les réseaux sociaux. 

Étant donné que les chaînes d’information doivent faire preuve d’une réelle réactivité afin de tenir le cap face aux réseaux sociaux et qu’elles ont besoin de contenu en continu, il arrive parfois que les chaînes d’information n’aient pas le temps nécessaire de vérifier la véracité de toutes les informations qu’elles relaient. 

Quant aux réseaux sociaux, cet attribut qui leur permet de connecter facilement le monde est à double tranchant. D’un côté, l’information peut venir de sources diverses et arriver rapidement aux quatre coins du monde. D’un autre côté, ces mêmes sources sont souvent difficilement vérifiables et une fois l’information lancée il est compliqué d’arrêter sa propagation et donc favoriser un environnement propice à l’apparition des fake news. 

En février 2022, Ursula von der Leyen annonce l’interdiction des médias d’État russes au sein de l’Union Européenne : la chaîne de télévision Russia Today et le journal Sputnik lors de l’annonce des sanctions contre la Russie. Dans une publication sur Twitter, Ursula von der Leyen affirme : «[Ils] ne pourront plus diffuser leurs mensonges pour justifier la guerre de Poutine. Nous développons donc des outils pour interdire leur désinformation toxique et nuisible en Europe». La guerre en Ukraine se joue non seulement sur les théâtre de combat, mais dans l’information également.

Les héros de l’île des Serpents

 Une vidéo a fait le tour des réseaux au début de la guerre. Il s’agit d’une vidéo initialement diffusée par le conseiller du ministre de l’intérieur ukrainien sur son compte Telegram et reprise par plusieurs médias en ligne (comme Ukrayinska Pravda). La vidéo montre les échanges entre les soldats russes et les gardes-côtes ukrainiens sur l’île des Serpents et une célèbre phrase est restée dans la mémoire collective : «Navire militaire russe, allez vous faire fou***»  . Volodymyr Zelensky avait déclaré : «Sur notre île de Zmiinyi, en la défendant jusqu’au bout, tous les gardes-frontières sont morts héroïquement. Mais ils n’ont pas renoncé. Ils recevront tous, à titre posthume, le titre de Héros de l’Ukraine. Que la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour l’Ukraine vive à jamais». La vidéo a été reprise également dans les médias français sur des chaînes d’information comme LCI et  BFMTV ou encore le journal Le Point sur son compte Twitter. 

Quelques jours plus tard, les forces armées ukrainiennes reviennent sur cette information  dans une publication Facebook déclarant que les soldats ukrainiens sont en vie et capturés par les soldats russes. Les chaînes de télévision françaises ont également clarifié la situation par la suite.

LCI et BFM ne sont pas les seules chaînes qui relaient des informations sans toujours vérifier leur provenance et leur véracité. En effet, CNEWS, a publié le 28 avril 2023 un article en ligne «VLADIMIR POUTINE : LE PRÉSIDENT RUSSE A-T-IL ÉCHAPPÉ À UN ATTENTAT AU DRONE KAMIKAZE ? » sans que Moscou ou Kiev confirment cette affirmation. Il s’agit donc d’un exemple de clickbait car en lisant le contenu de l’article est loin de démontrer un tel événement. 

Les réseaux sociaux sont eux aussi loin d’être innocents dans la propagation des fake news et la Russie semble bien maîtriser la technique de l’astroturfing en utilisant le partage massif par des faux comptes des informations propagée soit par les officiels russes (des membres du gouvernement ou des institutions russes) soit directement par des comptes dont l’identité est difficilement vérifiable ou à travers les commentaires des diverses publications.

Depuis la création de Twitter Bleu, des faux comptes peuvent maintenant obtenir le badge bleu qui fait gagner la crédibilité du compte le détenant, en payant un abonnement mensuel. Twitter Bleu pose un problème dans la propagation des fake news car certains médias traditionnels ou des journalistes indépendants perdent leur badge en refusant de payer l’abonnement alors que d’autres comptes Twitter risquent de sembler plus véridiques aux yeux des utilisateurs.

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est l’organisme chargé de veiller sur le phénomène des fake news en France. Si pour les chaînes de télévision ce contrôle peut être plus facile étant donné le rôle historique de la CSA et le fait que chaque téléspectateur peut dénoncer des passages problématiques vus à l’antenne, sur les réseaux sociaux il est plus compliqué pour le régulateur d’intervenir directement. Chaque année l’Arcom publie les déclarations des opérateurs de plateformes (Meta, Twitter, Google, etc.) en ligne sur les moyens de lutte contre la manipulation de l’information.

Une des mesures prises par Twitter pour lutter contre les fake news est le lancement de Twitter Birdwatch, un outil qui permet aux utilisateurs d’identifier des publications qu’ils estiment trompeuses et d’écrire des notes qui fournissent un contexte informatif. 

Néanmoins, sur les réseaux sociaux le nombre quotidien de publications reste trop élevé comparé aux moyens de régulation et des fake news passent toujours à travers les mailles du filet.

Bien évidemment, en France il n’y a pas de chaîne de télévision avec un discours pro russe et donc les fake news que l’on trouve dans les médias traditionnels ont peut-être moins d’impact sur l’avis général de  la population concernant la guerre que les publications sur les réseaux où tout le monde est libre de partager ses idées, mais on peut remarquer que tous les fake news sur les réseaux sociaux ne viennent pas de faux comptes et parfois les chaînes de télévision ou les journaux sont à l’origine de celles-ci.

Et en Russie?

Malheureusement les médias indépendants sont rares voire inexistants en Russie, la quasi-totalité des médias étant des médias d’État qui sont contrôlés par le Kremlin. 

Depuis le début de la guerre, les journalistes des médias indépendants ont pour la plupart dû quitter le pays étant considérés comme des “agents étrangers”. En ce qui concerne les médias d’État, afin de maintenir l’opinion et le soutien de la population la guerre est présenté comme une opération de dénazification de l’Ukraine, souvent faisant référence à la Seconde Guerre mondiale (la “Grande Guerre Patriotique » en russe), guerre qui est resté comme une fierté nationale dans la mémoire collective russe. C’est dans ce contexte que les réseaux sociaux deviennent une autre source d’information notamment pour les jeunes génération, car c’est seulement sur les réseaux sociaux qu’ils peuvent avoir un autre discours que celui propagé dans les médias d’État russes, d’où la décision de la Russie d’interdire Facebook et Instagram. 

ARTE Tracks a produit une série des mini-documentaires sur les fake news dans les médias d’État russes.

Pour conclure, il est difficile de dire si les réseaux sociaux sont plus dangereux que les médias traditionnels et parfois il faut bien prendre en compte le contexte différent d’un pays à l’autre. Il est certes important de se rendre compte que les fakes news existent et sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels et le plus important c’est de vérifier chaque information avant de la partager afin d’éviter un effet de chambre d’écho. Finalement, peut-être qu’avec le discours généralisé qui pointe du doigt les réseaux sociaux on fait encore plus attention lorsque l’on s’informe sur ceux-ci et on risque de considérer l’information des médias traditionnels comme véridique et c’est probablement dans ce rapport de confiance que l’on peut être encore plus facilement victimes des fake news.

Sebastian Udriste

Bibliographie :

Donada, E. , de la Roche Saint-André, E. (le 25 février 2022). «Allez vous faire foutre !»: que sait-on des dernières paroles de soldats ukrainiens devenus héros en défendant l’île des Serpents?. Libération (réf le 28 février 2022) :

https://www.liberation.fr/checknews/allez-vous-faire-foutre-que-sait-on-des-dernieres-paroles-de-soldats-ukrainiens-devenus-heros-en-defendant-lile-aux-serpents-20220225_6I3QUB7QMBGX7C3KMRQRAGIGWA/

La rédaction de TF1info ( le 28 février 2022). Ukraine : déclarés morts, les 13 soldats de l’île des Serpents sont en réalité aux mains des Russes. TF1 info :

https://www.tf1info.fr/international/guerre-en-ukraine-declares-morts-les-13-soldats-de-l-ile-des-serpents-sont-en-realite-aux-mains-des-russes-2212148.html

CNEWS (le 28 avril 2023). VLADIMIR POUTINE : LE PRÉSIDENT RUSSE A-T-IL ÉCHAPPÉ À UN ATTENTAT AU DRONE KAMIKAZE ?. CNEWS :

https://www.cnews.fr/monde/2023-04-28/vladimir-poutine-le-president-russe-t-il-echappe-un-attentat-au-drone-kamikaze

La rédaction numérique de France Inter (le 16 mars 2022). Comptes complotistes, fake news, propagande : plongée dans les tweets de l’ambassade russe en France. France Inter :

https://www.radiofrance.fr/franceinter/comptes-complotistes-fake-news-propagande-plongee-dans-les-tweets-de-l-ambassade-russe-en-france-2267509

Arcom. Questionnaire 2021 aux opérateurs de plateformes en ligne soumis au titre III de la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information – Twitter :

https://www.arcom.fr/sites/default/files/2022-07/D%C3%A9claration%20Twitter%20-%20%20Lutte%20contre%20la%20manipulation%20de%20l%27information%202022.pdf

Masha Borzunova, Kobalt Productions (2022). Fake News. ARTE Tracks :

https://www.arte.tv/fr/videos/109809-001-A/fake-news/

Maxime Audinet (le 16 février 2023). Un an après l’invasion de l’Ukraine : que deviennent RT et Sputnik ?. La revue des médias, INA:

https://larevuedesmedias.ina.fr/guerre-information-russie-ukraine-medias-influence-rt-sputnik-afrique-nouveau-rideau-de-fer

Evangelical Church And Celebrity Culture Are A Match Made In Heaven

Ex- Hillsong preacher Carl Lentz is on the verge of hitting 600K followers on Instagram. He and other pastors such as Chad Veach (Zoe Church in Los Angeles), Judah Smith (Churchome in Seattle) or Rich Wilkerson Jr. (Vous Church in Miami) are used to sharing the gospel on social media. They also appear in paparazzi photos, surrounding themselves with the likes of Justin Bieber and Kanye West all the while living lavish lifestyles.

Reverend Billy Graham speaks to the crowds – Tallahassee, Florida (1943)

This trend of inspiring supporters through communication technology has been around since seventeenth-century England, and famous evangelists like Billy Graham has used secular media as a tool for their ministry. In 1989, he began a series of Crusades via satellite extending his preaching to live audiences in more than 185 countries and territories.

Although incorporating celebrity culture in religion is not new, the social media exposure of spiritual leaders is slowly closing the gap between celebrity pastor and regular celebrity.

What don’t you like about church ?

Evangelical Protestants are the largest religious group in the U.S. and are accounting for 25.4% of the population in 2023. Nonetheless, this proportion has been in decline for a long time since grapes of American adults are starting to describe themselves as atheist, agnostic, or nothing in particular.

Megachurches (i.e., Protestant congregation having 2 000 or more people in average weekend attendance) have been trying to offer something different from traditional evangelicalism. Pioneering pastor Rober H. Schuller and his disciple Bill Hybels popularized the idea that churches should heavily focus on reaching seekers, the ones who distanced themselves from God but are still seeking for meaning in their lives. He believed that leaders could use marketing strategies to find out what they didn’t like about church and tailor its service according to their answers.

 The Australian Hillsong congregation has churches in 30 countries and an average global attendance of 150 000 believers weekly. As a seeker sensitive church, Hillsong tries reaching out to the unsaved person by making the church experience more inviting, comfortable and entertaining. Hillsong managed to curate a brand image promoting a more progressive form of Christianity involving theatrics and musical skits, fashion.

Indeed, megachurches offices are using technology and celebrities guests appearance to offer a high end religious experience to the audience. The goal is to create an emotionally highly charged atmosphere designed to foster the worshipper’s connection to God. As soon as you walk into the venue, you are blinded by the lights and cannot help but notice the massive LED screens along with the multiple cameras. 

According to Kelly Bollman who has been involved on the volunteer creative team of Hillsong New York, Hillsong “off-platform” identity is has important has the “on-platform” one. The off-platform identity is curated on social media and in the persona of media-trained pastors that transcend what it means to be Christian.

Relatables narratives of Christianity

Hillsong offers a message even seekers can digest by preaching what is relevant to daily life : dating, confidence, grief and so on. Since relatability appeals to younger worshipers, pastors passionately share the ups and downs of their spiritual journey. Vox explained how evangelical church was turning into “a gathering place for the cool kids, the kids who might have had too much to drink the night before but know they’re welcome no matter what on Sunday morning”. Pastors are using the language and rhetoric of the social media-savvy Millennials and Generation Z. Services available for streaming on Hillsong’s Website display titles such as “Relevance: Hole-y Jeans or Holy Life?”.

Megachurches are also adding a dose of prosperity gospel theology to their narrative, teaching the mass that God will reward believers with material benefit and success for their faithfulness. Evangelical celebrities feed this belief with their posts showcasing lavish luxury lifestyle and A-list friends. Moreover, megachurches often cultivate the image of culturally, diverse and young communities.

Media-friendly pastors

Megachurches are producing a new generation of Celebrities for Jesus, a term coined by Katelyn Beaty in her book Celebrities for Jesus: How Personas, Platforms, and Profits Are Hurting the Church. She explores the way celebrity culture has shaped the American Church. She distinguishes fame, the attention arising from an act of virtue from celebrity that relies on the tool of mass media to project an image of ourselves. Celebrity pastors are key opinion leaders and are using different tactics to make themselves appealing to their followers.

Pastors cautiously curate their Instagram feeds with selfies, inspirational messages of self-care , promotional posts urging their followers to buy their books or the latest footage of the Sunday service. About the latter, behind-the-scenes of the worships provide leaders with an aura of importance. Ferris and Harris explain that the asymmetry of knowledge between pastors and audience is a common indicator of religious celebrity. Pastor rarely interacts off-stage with the congregation but knows that his physical absence is more than  compensated by his media presence. A media-trained spiritual leader carefully balances between privacy and publicity while shaping his persona as a celebrity.

Youth Pastor Matt Davis on stage (2020)

However, scandals can still occur, as seen in the case of Carl Lentz, the former lead pastor at Hillsong Church in New York City, who was dismissed in 2020 a moral failure. He was caught having an extramarital affair and held accountable for not upholding the values he so convincingly preached.

Rich in faith and dollars

The line between pastors and their fellow celebrities starts to be blurred when the spiritual leaders engage in a transactional relationship with their followers.

Megachurches often expose their communities to paid services, and lead pastors can make significant profits from book sales and merchandising. Both online followers and Sunday attendees serve as potential customers.

 Pastor Rich Wilkerson Jr. achieved a new level of stardom when he starred in his own TV show Rich in Faith along with his wife DawnCheré Wilkerson, also a lead pastor. The Christian couple  have their own Youtube Channel called  Official Rich & DC. Thanks to their content creation activity, their net work oscillates between 1$ to 4$ million dollars as of 2023.

Beliebers turned Believers : when celebrity become religious brand ambassadors

Selena Gomez, Kendall Jenner or Chris Pratt have been vocal about their faith online. However, Justin Bieber and Hillsong have taken their spiritual partnership to a new level.   Back in 2014, the singer was a PR disaster, regularly making headlines wherever he was illegally importing a pet monkey or spending a night in jail for underage drag racing.

Mugshot of Justin Bieber taken by Miami Beach Police – Miami, Florida (2014)

At his lowest, he got baptized in an NBA player’s bathtub by none other than Pastor Lentz. Since then, his relationship with Hillsong is an essential part of his social media brand. On Instagram, Bieber is a vocal Christian and more importantly a vocal Hillsong supporter, appearing at Hillsong events alongside Lentz and speaking in tongues on his posts.

Justin Bieber posting about Easter on Instagram (2018)

In 2017, he even posted an Instagram Live of him praising God to a heartfelt piano melody. Bieber was performing a song written by the Christian rock band Hillsong United followed by 2.5 million souls on Instagram. Hillsong is known for its focus on Christian pop songs that are not solemn hymns, still in a move to attract seekers. This led them to produce millions of dollars’ worth of albums and singles, all available on regular music streaming services. 

Bieber is a perfect representative for Hillsong as he provides media attention for the megachurch, while benefiting from their redemption narrative.

Also, Bieber is Christian, but not too Christian. His Christianity is seen through the lyrics of some of his songs but is tamed so that non-believers are under the impression they are listening to a conventional love song. His fans love it and so does the church, benefiting from the pop stars’ following, the Beliebers.

A fairly conservative theology

Credits : rawpixel.com

Various articles criticize how Hillsong’s curated forward-thinking and youthful brand clashes with its underlying conservative evangelical theology. One issue is that the church leaders do not endorse homosexual lifestyles, as noted in a 2015 blog post by Hillsong’s founder, Brian Houston.

Moreover, only 3% of evangelical churches in America have a female lead pastor, according to the latest National Congregations Study from Duke University. Even when women are co-pastors, their male partners are still seen as the primary preachers.

As a result, they successfully invest in social media for self-expression purposes. Like their male counterparts, they are white, charismatic and good-looking individual. Holly Furtick married to Steven Furtick, lead pastor of Elevation Church has half a million followers on Instagram, runs an online book club and hosts a Youtube Channel with 78 000 subscribers. She also has a website showcasing her favorite recipe and a shop where customers can buy worship merchandise. While evangelical digital culture offers female leaders a space of influence, this authority is not transgressive enough to challenge the patriarchal structure within churches. Female microcelebrities serve as visual examples of a good Christian woman devoted to marriage and motherhood, but they don’t fundamentally challenge traditional gender roles.

It is evident that megachurches are conflicted  between modernity and traditionalism. Their seeker sensitive model is consumer oriented, catering to fill the desire with the bored unchurched. Megachurches design an entertaining and immersive religious experience in which pastors and celebs play a pivotal role. Religious content creators are appealing to the believers and non-believers because they are inspiring and trendy. But for Christian celebrities, social media are not the place of Biblical transgression but rather a showcase of the ideal concept of the Christian Life. And they sometimes struggle to live up to that.

Linda Ndiaye


References

Becker, C., & Becker, C. (2021, 15 juillet). Jésus, un influenceur avant l’heure. Aleteia. https://fr.aleteia.org/2021/07/15/jesus-un-influenceur-avant-lheure/

Biography – Billy Graham Memorial. (2023, 15 février). Billy Graham Memorial. https://memorial.billygraham.org/biography/

Burton, T. I. (2018, 1 octobre). Justin Bieber, Hillsong Church, and the celebrity redemption narrative. Vox. https://www.vox.com/identities/2018/10/1/17596502/justin-bieber-hillsong-carl-lentz-married

Frishberg, H. (2022, 29 décembre). Inside disgraced, disheveled ex-Hillsong pastor Carl Lentz’s downgraded house. New York Post. https://nypost.com/2022/03/09/pics-emerge-of-disgraced-disheveled-ex-hillsong-pastor-carl-lentzs-house/

Gaddini, K., & Gaddini, K. (2022). The Rise and Fall of Evangelical Influencers | Religion & Politics. Religion & Politics. https://religionandpolitics.org/2022/03/15/the-rise-and-fall-of-evangelical-influencers/

GotQuestions.org. (2022, 4 janvier). GotQuestions.org. https://www.gotquestions.org/seeker-sensitive-church.html

Hillsong Church. (2022, 22 novembre). Fact Sheet – Hillsong. Hillsong. https://hillsong.com/fact-sheet/

Kidwell, J., & Borer, M. I. (2021). The Sanctuary of the Spectacle : Megachurches and the Production of Christian Celebrities and Consumers. Journal of Media and Religion, 20(2), 53‑64. https://doi.org/10.1080/15348423.2021.1925463

Nadeem, R. (2022, 13 septembre). Modeling the Future of Religion in America. Pew Research Center’s Religion & Public Life Project. https://www.pewresearch.org/religion/2022/09/13/modeling-the-future-of-religion-in-america/

Ostling, R. (2022). Is Celebrity Culture Eroding American Evangelicalism ? This Publishing Insider Says Yes. Religion Unplugged. https://religionunplugged.com/news/2022/9/13/is-celebrity-culture-eroding-american-evangelicalism-this-publishing-insider-says-yes

Religion in America : U.S. Religious Data, Demographics and Statistics | Pew Research Center. (2022, 13 juin). Pew Research Center’s Religion & Public Life Project. https://www.pewresearch.org/religion/religious-landscape-study/

Robert Schuller and The Seeker Sensitive Church. (s. d.). https://cicministry.org/commentary/issue56.htm

The Cult of Celebrity in the Church of Christ. (2023, 25 janvier). Acton Institute. https://www.acton.org/religion-liberty/volume-33-number-1/cult-celebrity-church-christ

Turner, L. (2019, 6 février). Chris Pratt, Justin Bieber, and the rise of the “cool” Christian celebrity. Vox. https://www.vox.com/culture/2019/2/6/18205355/church-chris-pratt-justin-bieber-zoe-hillsong

Williams, G. (2022, août 17). Katelyn Beaty Explores the Underbelly of Christian Celebrity Culture. Sojourners. https://sojo.net/articles/katelyn-beaty-explores-underbelly-christian-celebrity-culture

Russie/Ukraine : quand la guerre devient virtuelle

Désinformer. Semer le doute. Décontextualiser. Emouvoir. Propager la haine.

Telles sont les actions rendues possibles par l’intermédiaire des réseaux sociaux dans le cadre de l’invasion agressive menée par la Russie en Ukraine. Cette guerre ne se limite pas aux champs de bataille, mais se caractérise essentiellement par la manière dont elle est propagée et partagée en ligne.

@Source : BFM TV.

Les conflits armés précédents ont également connu l’implication des médias sociaux, mais l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie démontre quotidiennement comment les plateformes en ligne altèrent la manière dont la guerre est rapportée, vécue et comprise. Cela est en grande partie dû à la couverture Internet en constante augmentation et à l’utilisation croissante des réseaux sociaux, avec 79% des Ukrainiens utilisant Internet contre 88% des Russes selon les chiffres de Datareportal de 2023. À titre de comparaison, lorsque la Russie a envahi l’Ukraine en 2014, seulement 4 % des abonnés ukrainiens à la téléphonie mobile avaient accès à des réseaux 3G ou plus rapides, et pendant la guerre en Syrie en 2015, seuls 30 % de la population syrienne étaient en ligne (OECD, 2022). Cette dynamique a également mis en évidence l’ampleur de la menace de la désinformation, qui a toujours été utilisée comme une arme mais dont la portée et la pénétration potentielle ont été multipliées à l’aide des réseaux sociaux.

Un terrain de jeu étendu sur plusieurs canaux

Les réseaux sociaux servent d’outils de propagande via les contenus partagés sur les différentes plateformes et les interactions entre les nombreux utilisateurs. Des conversations sur Whatsapp et Telegram, des vidéos relayées sur Twitter, TikTok ou Instagram ou encore des posts sur VKontakte, le ‘Facebook local’ : tous les canaux de diffusion sont mobilisés, qu’il s’agisse des médias traditionnels, des réseaux sociaux, des sites web d’information, des blogs ou encore des messageries instantanées, dans le but de propager des discours, des images ou des vidéos destinés à influencer l’opinion publique ou à désinformer les citoyens.  

Bien que VKontakte soit la solution de réseau social préférée en Russie (comptant 73% de la part des utilisateurs russes), Instagram – appartenant à la même entreprise mère Meta – reste en tête, utilisé par environ 59% des utilisateurs de réseaux sociaux dans ce pays, soit près de 80 millions de personnes selon une estimation de FranceInfo, se basant sur les données de Statista.

Malgré cela, la Russie a récemment décidé de bloquer Instagram pour protester contre Meta. Ces sanctions à l’encontre du géant américain des réseaux sociaux font suite à la décision de Meta d’autoriser la publication de messages incitant à la violence à l’encontre des dirigeants et du personnel militaire russes dans certains pays, et cela uniquement dans le contexte de la guerre en Ukraine. Dans cette guerre de communication, Meta est devenue « la figure de l’Occident », perçue comme une menace par les autorités russes. Les utilisateurs russes doivent désormais se tourner vers les autres réseaux sociaux ou utiliser un réseau privé virtuel (VPN) pour contourner la censure imposée par les autorités. L’interdiction d’Instagram a d’ailleurs entraîné une hausse de la demande de VPN de plus de 2 000 %, selon TOP10VPN, une société de surveillance numérique. Cela confirme l’importance cruciale des réseaux sociaux dans cette guerre de désinformation où tous les canaux de diffusion sont utilisés pour influencer l’opinion publique.

@Photographie : Chesnot/Getty

« C’est gagné quand le doute est installé »

Les récits de désinformation russes reposent fréquemment sur des demi-vérités et des « whataboutisms » – tentatives de répondre à un problème en le comparant à un autre problème qui n’a rien à voir avec le problème initial-, ou sont simplement faux, obscurcissant ainsi les faits. Ainsi, les acteurs russes utilisent une approche diversifiée pour introduire, amplifier et diffuser des récits faux et déformés à travers le monde. Ils se basent notamment sur une combinaison de faux comptes et de comptes artificiels, de sites web anonymes et de sources médiatiques officielles de l’État pour diffuser et amplifier du contenu qui sert leurs intérêts et décrédibilise les récits concurrents.

« Si la désinformation est une arme de guerre indéniable, les stratégies mises en place, et les raisons de leur utilisation diffèrent âprement dans ce conflit : l’un l’utilise pour justifier l’invasion d’un état souverain, l’autre pour tenter justement de préserver cette souveraineté. »

Arnaud Mercier, professeur en sciences de l’information et de la communication (novembre 2022)

Le nombre d’exemples illustrant la désinformation dans ce champ de batail virtuel est indénombrable et ne cesse d’accroître, voici ci-dessous un rappel des plus marquants:

  • Attaque de Marioupol : la discréditation d’une bloggeuse ukrainienne  
@Source : AP. Cette influenceuse beauté a été accusée de mentir après la publication de cette photo.

En mars dernier, un hôpital pour enfants a été la cible d’un bombardement à Marioupol en Ukraine. La Russie a remis en cause la véracité de ces faits et a accusé cette influenceuse ukrainienne d’avoir joué le rôle d’une femme enceinte lors de cette attaque. Le porte-parole du ministère russe de la Défense a même défendu cette affirmation absurde en justifiant que Marianna Podgourskaïa est une bloggeuse Instagram. En plus de la non-validité de l’argument, cette accusation a été rapidement démentie après qu’une de ses publications antérieures prouve qu’elle était bien enceinte à ce moment. Cet exemple illustre la stratégie russe visant à discréditer les informations ukrainiennes en semant le doute dans l’esprit du public, rendant ainsi difficile la distinction entre la vérité et le mensonge.

@Marianna a posté cette photo sur Instagram fin février, demandant à ses followers de deviner si son bébé serait un garçon ou une fille. Source : Instagram.
  • Avions de combats russes dans le ciel ukrainien

La décontextualisation ne vient pas toujours du camp russe, bien que cette technique reste majoritairement utilisée par les pro-russes.

https://twitter.com/pok4439/status/1496729760340520962?s=49&t=ImOdUOxXv3fUoW4gYBrthA

Une publication, qui a été vue plusieurs milliers de fois, prétendait montrer des avions russes survolant l’Ukraine après l’annonce de l’intervention militaire de Vladimir Poutine dans le pays en 2022. Il est important de noter que cette vidéo partagée ne concernait pas la situation actuelle en Ukraine. En réalité, il s’agit d’un extrait d’une vidéo plus longue qui avait été diffusée en 2020 et montrant la répétition de la parade militaire du « jour de la victoire », célébré chaque 9 mai en Russie pour commémorer la victoire sur l’Allemagne nazie et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette diffusion de fausses informations s’inscrit dans la stratégie russe visant à semer la confusion dans l’opinion publique en décrédibilisant les informations provenant de l’Ukraine.

Susciter l’émotion, parfois avec l’humour

L’utilisation des réseaux sociaux ne se cantonne pas à la propagation de doutes pour discréditer le partie adverse. En effet, les médias sociaux ont évolué pour devenir bien plus qu’un simple canal d’information : ils sont devenus des canaux de mobilisation et d’émotion, notamment en rendant la guerre plus « attrayante ».

De la danse des soldats ukrainiens sur les lignes de front aux visites imperturbables des abris antiatomiques par des citoyens ordinaires, la « première guerre TikTok du monde » a généré un flux constant de reportages d’actualité en direct depuis les zones de combat. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’est pas le seul à utiliser TikTok comme canal de diffusion, de nombreux citoyens utilisent le réseau social quotidiennement pour informer, parfois de manière humoristique, sur la réalité du combat et de la vie sous les bombardements.

@valerisssh

Thanks for supporting ukrainian refugees!

♬ Zou Bisou Bisou – Gillian Hills

Ces vidéos permettent de rendre compte de la réalité vécue par les populations en Ukraine en éliminant les barrières géographiques. Elles ont aussi la particularité de toucher un public plus jeune qui n’aurait peut-être pas été informé de la guerre par d’autres canaux de communication.

« Si c’était une guerre de mèmes, nous serions en train de gagner. »

Cette citation provient d’une source qui s’occupe du compte du ministère ukrainien de la défense, qui a souhaitée rester anonyme. Elle conclue bien sur la situation actuelle de cette guerre hybride se jouant sur le terrain virtuel de la désinformation.

Valentine CAZIN

Références :

  • BBC News. (2022, October 4). Ukraine crisis: Social media users struggle to separate fact from fiction. BBC News. https://www.bbc.com/news/world-europe-63272202
  • BBC News. (2022, October 3). Ukraine war: Russian officials claim government offensive imminent. https://www.bbc.com/news/world-europe-63272202.amp
  • CNET France. (2022, July 22). VPN : le ban d’Instagram en Russie fait encore bondir leur popularité. CNET France. https://www.cnetfrance.fr/news/vpn-le-ban-d-instagram-en-russie-fait-encore-bondir-leur-popularite-39939067.htm
  • Datareportal. (2023). Digital 2023 Ukraine. https://datareportal.com/reports/digital-2023-ukraine
  • Datareportal. (2023). Digital 2023 Russian Federation. https://datareportal.com/reports/digital-2023-russian-federation
  • France Info. (2022, April 28). Vrai ou Fake : la femme enceinte évacuée sur brancard à Marioupol est-elle une actrice ? France Info. https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/vrai-ou-fake-la-femme-enceinte-evacuee-sur-brancard-a-marioupol-est-elle-une-actrice_5014961.html
  • France Info. (2022, February 22). Guerre en Ukraine : un an de propagande et de désinformation. France Info. https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/video-guerre-en-ukraine-un-an-de-propagande-et-de-desinformation_5677757.html
  • L’ADN. (2022, March 11). Ukraine : TikTok, la première guerre « attractive » du monde. L’ADN. https://www.ladn.eu/actualite/ukraine-reseau-sociaux-tiktok-tactique-guerre-attractive/
  • NPR. (2023, February 28). How Russia Is Losing (And Winning) The Information War In Ukraine. NPR. https://www.npr.org/2023/02/28/1159712623/how-russia-is-losing-and-winning-the-information-war-in-ukraine
  • OECD. (2022, March 15). Disinformation and Russia’s war of aggression against Ukraine. OECD Ukraine Hub. https://www.oecd.org/ukraine-hub/policy-responses/disinformation-and-russia-s-war-of-aggression-against-ukraine-37186bde/
  • Polytechnique Insights. (2022, March 10). Ukraine : une guerre hybride sur le terrain de la désinformation. Polytechnique Insights. https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/geopolitique/ukraine-une-guerre-hybride-sur-le-terrain-de-la-desinformation/
  • Statista. (2022, February). Réseaux sociaux les plus utilisés par les Russes en 2021. Statista Infographies. https://fr.statista.com/infographie/26982/reseaux-sociaux-les-plus-utilises-par-les-russes/#:~:text=Les%20r%C3%A9seaux%20sociaux%20du%20groupe,pour%20les%20deux%20derniers%20cit%C3%A9s.
  • TV5MONDE. (2022, March 23). Conflit en Ukraine : les réseaux sociaux influencent-ils la guerre ? TV5MONDE. https://information.tv5monde.com/info/conflit-en-ukraine-les-reseaux-sociaux-influencent-ils-la-guerre-452619
  • Zolan, A. (2023, February 28). How Russia Is Losing (And Winning) The Information War In Ukraine. NPR. https://www.npr.org/2023/02/28/1159712623/how-russia-is-losing-and-winning-the-information-war-in-ukraine

E-SPORT : Comment les plateformes ont aidé à faire de l’E-sport un divertissement grand public ?

Le Championnat du monde 2022 de League of Legends bat un nouveau record d’audience en enregistrant un pic de 5,1 millions de spectateurs lors de sa finale. Selon la société de données Esports Charts, il s’agit d’une augmentation de 1,1 million par rapport à l’édition 2021. L’une des réussites les plus emblématiques de la compétition organisée par Riot Games est d’avoir renoué avec son pic d’audience sur la plateforme de streaming en ligne Twitch en atteignant près de 3,1 millions de spectateurs simultanés lors du match décisif.

En devenant le tournoi League of Legends le plus regardé de l’histoire, ce record traduit une réalité bien plus significative : les compétitions rendues de plus en plus accessibles par les plateformes contribuent à faire de l’E-sport un divertissement grand public indétournable.

La montée en puissance de l’E-sport : un divertissement à l’ère du numérique

Le sport électronique, plus communément appelé E-sport désigne la pratique de jeux vidéo en compétition organisée sous forme de tournois et réunissant les plus grands joueurs professionnels de la planète.

Bien que numérique, la discipline reprend tous les codes d’un sport traditionnel. En effet, les compétitions se déroulent dans des arènes accueillant des milliers de spectateurs et dont la scénographie est travaillée pour rendre le tournoi divertissant et impressionnant. Tout comme la diffusion d’une coupe du monde de football ou d’une finale de NBA, les compétitions sont rythmées par les interventions animées de commentateurs du monde entier. Enfin, les joueurs exercent à un niveau professionnel d’excellence et sont accompagnés de leurs coach. L’atteinte de ce niveau exige, comme tout sport, un entraînement quotidien intensif.

Unique en son genre, la discipline offre aux fans de jeux vidéo une nouvelle expérience de divertissement.

Lors de la cérémonie d’ouverture des Championnats du monde 2022 de League of Legends, de nombreux artistes internationaux étaient présents comme Lil Nas X ou encore Jackson Wang. Les visuels et la scénographie mise en place prouvent encore une fois à quel point les compétitions sont divertissantes pour le public.

Ainsi, les plus grands champions de League of Legends, DOTA 2, Call of Duty ou encore Counter-Strike : Global Offensive sont parfois presque autant adulés que les plus grandes stars du football et rassemblent alors une communauté de fan conséquente et ce, notamment sur les plateformes digitales telles que Twitch, YouTube, Twitter ou encore Instagram.

Cette croissance rapide connue par l’E-sport ces dernières années est tout sauf anodine : les médias sociaux ont joué un rôle déterminant dans la démocratisation de la discipline en attirant un public de plus en plus important et diversifié.  

Une opportunité de connexion avec les fans du monde entier

Twitch est certainement l’un des principaux acteurs des médias sociaux dans l’Esport. Classée première plateforme de streaming de jeu vidéo, Twitch comptabilise environ 31 millions de visiteurs en ligne chaque jour et offre ainsi l’accès à une audience large et variée.

En diffusant l’intégralité des compétitions E-sport régionales, nationales et internationales qui se déroulent à travers le monde, la plateforme rend la discipline plus accessible non seulement aux communautés de fans des différentes franchises mais également aux fans de jeux vidéo qui ne sont pas encore familiers avec cet univers niche du gaming.

L’argument de la masse est évidemment décisif sur la plateforme : plus il y a de monde, plus le stream remonte dans les classements et est donc exposé à une plus large audience. C’est notamment en permettant à certains streamers comme Ibai de couvrir la finale des Championnats du monde 2022 de League of Legends que la compétition a établi de nouveaux records d’audience. Le streamer espagnol a rassemblé à lui seul plus de 481 000 spectateurs simultanés lors de l’événement, preuve que la force des communautés fait la différence.  

L’argument du divertissement l’est alors encore plus. Ce qui fait l’attractivité de Twitch, c’est son expérience de visionnage interactive avec la mise à disposition d’un chat de discussion. Les fans du monde entier peuvent alors se connecter entre eux en réagissant et interagissant en temps réel. Mais dans le cadre des compétitions e-sport, la plateforme pousse l’expérience immersive encore plus loin en intégrant de nombreux mini-jeux. Par exemple, Chat Clash permet aux fans de voter pour l’équipe qu’ils soutiennent en utilisant des émoticônes spécifiques dans la discussion en direct. Ceux-ci sont ensuite affichés à l’écran lors de la diffusion de la compétition. Des jeux de pronostics et des quiz interactifs sont également intégrés afin de tester les connaissances des fans et leur permettre de gagner des récompenses.

Ces fonctionnalités permettent d’immerger et d’engager l’audience de manière forte, ce qui renforce la culture du divertissement de l’e-sport.

Twitter joue également un rôle majeur dans la popularisation de l’E-sport. Le réseau social constitue le canal principal utilisé par les fans afin de rester à jour sur les dernières actualités du secteur. La viralité particulière de la plateforme permet de diffuser rapidement des informations mais aussi d’atteindre une audience conséquente. Twitter parvient à réunir les fans grâce à l’utilisation massive de hashtags qui permettent de facilement regrouper les publications autour d’un sujet commun et d’ainsi rassembler les communautés. Par exemple, le joueur de Call of Duty, Scump, utilise régulièrement le #GreenWalI afin de rassembler sa communauté de fans sur les réseaux sociaux.

L’influence étendue à l’E-sport

Comme les plus grands athlètes, les joueurs professionnels d’E-sport ont une portée immense sur les médias sociaux : sur Twitch et Youtube les plus grandes stars touchent des millions de personnes chaque jour dans des livestreams. Ainsi, on retrouve de plus en plus la logique d’influence appliquée aux gamers notamment sur Instagram.

Des joueurs, comme le professionnel coréen Faker (de son vrai nom, Lee Sang-hyeok), partagent les coulisses des compétitions (entrainements, gameplay, vie personnelle en dehors des entraînements). Leur apparition avec d’autres stars influentes, comme ici le célèbre joueur de foot coréen Son Heung-min, accroit son influence auprès d’une autre audience.

D’autres partagent du contenu exclusif afin de se rapprocher et de fidéliser leur communauté. Par exemple, l’équipe américaine TSM (Team SoloMid) diffuse depuis 8 ans sur YouTube sa série documentaire « TSM Legends » dans laquelle ils révèlent les coulisses des compétitions.

Ces initiatives permettent de rapprocher la communauté de fans de ses « héros » en apportant un regard plus humain à leur profession et en cultivant leur influence via différents canaux.

Gentle Mates ou l’E-sport pour tous

En avril 2023, les streamers et Youtubeurs Squeezie, Gotaga et Brawks ont lancé leur première structure E-sport « Gentle Mates » sur le jeu Valorant.

Cette association n’est pas anodine pour l’avenir du E-sport français car elle s’appuie sur des communautés de fans très diversifiées et promet de participer à la popularisation de la discipline du fait de leur notoriété respective. On y retrouve Gotaga et Brawks, deux acteurs majeurs dans le domaine de l’E-sport puisqu’ils sont les co-créateurs de la Team Vitality (équipe française d’E-sport). Le duo s’associe à Squeezie, premier Youtubeur français aux 18 millions d’abonnés. Ce dernier touche un large public sur YouTube, plateforme où il offre du contenu divertissant et varié. Il possède également une solide communauté sur Twitch où il a dernièrement battu des records d’audience avec la diffusion du Grand Prix Explorer.

Ce qui rend ainsi cette structure unique, c’est qu’elle ne s’adresse pas qu’aux adeptes de l’E-sport. Gentle Mates utilise ainsi les médias sociaux pour promouvoir sa structure et ses joueurs à une large audience. Par exemple, la diffusion du trailer de promotion a notamment contribué à toucher un public nombreux et a suscité un fort engagement sur les réseaux sociaux au-delà des fans d’E-sport traditionnels.

Sur tous les gens qui jouent aux jeux vidéo, la moitié ne connaissent pas l’E-sport. Plus on est nombreux à suivre cette discipline, plus la discipline a du potentiel et plus il va se passer de choses autour de celle-ci. Dans l’intérêt de tout le monde, c’est cool de faire des ponts pour rendre ça accessible aux gens.

Squeezie

L’engagement d’une communauté variée de fans sur les réseaux sociaux répond ainsi à la volonté de Gentle Mates de réussir à décloisonner le milieu niche que peut constituer l’E-sport, divertissement encore en expansion.

Par l’influence de ces personnalités et l’engagement de leur communauté sur les différentes plateformes, la structure promet de populariser encore un peu plus l’E-sport au sein du paysage français.

Évolutions en perspective

L’avenir de l’E-sport est plus que prometteur et travaille sur de nombreuses perspectives pour son développement. Les technologies émergentes, comme la réalité virtuelle et augmentée peuvent offrir de nouvelles opportunités pour les joueurs et les fans de se connecter entre eux, en créant des expériences de jeu encore plus immersives et en augmentant la qualité des tournois.

Les plateformes vont-elles réussir à s’adapter à ces nouveaux enjeux ?

Emmanuelle YOG


SOURCES

Flamm. (2022, 6 novembre). League of Legends : Un pic à plus de 5 millions de personnes pendant la finale des Worlds 2022 de League of Legends, un nouveau record. Team aAa. https://www.team-aaa.com/fr/actualite/un-pic-a-plus-de-5-millions-de-personnes-pendant-la-finale-des-worlds-2022-de-league-of-legends-un-nouveau-record_127688#:~:text=C’est%20au%20cours%20de,l’histoire%20de%20League%20of

GOTAGA. (2023, 16 avril). JE LANCE MA STRUCTURE ESPORT (avec Squeezie et Brawks) [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=kego3hlrVUc

Marchandet, W., & Marchandet, W. (2022). Worlds 2022 : une audience globale en demi-teinte. Trente Trois Degrés : Le média de toute une génération. https://trentetroisdegres.fr/worlds-2022-une-audience-globale-en-demi-teinte/

News_13052021_eSports_ISPO_Netzwerk. (s. d.). ISPO.com. https://www.ispo.com/fr/theme/esports

Reisacher, A. (2023, 22 février). Chiffres Twitch & # 8211 ; 2023. BDM. https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-twitch/

SnapChat, Facebook, Twitter, … Avec l’abonnement payant : est-ce la fin de l’ère des réseaux sociaux à 100% gratuits?

Payer l’abonnement à 9,60€ sur Twitter ou 11€ sur Facebook et Instagram permet dès maintenant d’avoir un compte certifié avec un badge bleu et l’accès à d’autres services.

« Nous relançons @TwitterBlue lundi – abonnez-vous sur le web pour 8 dollars par mois ou sur iOS (le système d’exploitation d’Apple utilisé sur les iPhone, NDLR) pour 11 dollars par mois pour avoir accès aux fonctionnalités réservées aux abonnés, notamment la coche bleue.»

Le groupe Twitter a indiqué dans un tweet, publié le 10 décembre 2022.

En novembre 2022, Twitter a lancé une offre payante : « Twitter Blue. » Cet abonnement allant de 9,60€ à 12€ par mois ou 100,8€ par an (tarifs en France) permet d’obtenir le petit badge bleu, c’est-à-dire d’avoir un compte certifié, et donne également accès à d’autres fonctionnalités telles qu’Éditer le Tweet, dépasser les 280 caractères, recevoir 50% de publicités en moins dans les fils, images de profil NFT, … 

En février 2023, le patron de Meta semble de suivre le pas d’Elon Musk en prévoyant une formule similaire à ses plateformes, Facebook et Instagram, en mettant en place un modèle d’abonnement payant nommé « Meta Verified. » Pour un prix oscillant entre 11€ et 14€ par mois, cette offre permet aux utilisateurs de faire vérifier leur compte, d’obtenir des protections contre l’usurpation d’identité, mais aussi de gagner en visibilité. L’abonnement est pour l’instant uniquement disponible en Australie, en Nouvelle Zélande et aux États-Unis. 

Mais, ce ne sont pas les seuls. En effet, Snapchat, Discord, Linkedin, … ont toutes leurs propres offres d’abonnement payant. Le modèle payant s’implante peu à peu dans les réseaux sociaux : est-ce la fin de l’ère des réseaux sociaux 100% gratuit ? Explications

Les réseaux sociaux : des modèles financés par des revenus publicitaires arrivent à maturité.

Selon le rapport « Global Advertising Market : Industry Trends, Share, Size, Growth, Opportunity and Forecast 2023-2028 », en 2022, les revenus publicitaires en ligne mondiaux ont atteint 615,2 milliards de dollars. Selon Statista worldwide, les revenus sur les réseaux sociaux représenteraient environ 36% des revenus publicitaires en ligne mondiaux, soit 207,1 milliards de dollars. Ce nombre est d’autant plus flagrant lorsqu’il s’agit des réseaux sociaux. 

En effet, la publicité génère plus de la moitié des revenus des réseaux sociaux : Facebook a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires publicitaire de 117 milliards de dollars, soit environ 97% de son chiffre d’affaires total (Rapport Annuel 2021, Meta); en 2021, Twitter a généré un revenu total de 5,08 milliards de dollars dont la publicité représentait environ 88%, soit 4,51 milliards de dollars (Rapport annuel 2021, Twitter). 

Mais comment les réseaux sociaux se rémunèrent-ils via la publicité ? « Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit. » 

Pendant près de deux décennies, le modèle économique des réseaux sociaux était 100% gratuits pour les utilisateurs : pas besoin de payer pour poster, pas besoin de payer pour accéder au contenu, pas besoin de payer pour parler à ses amis. Le cœur du modèle économique des réseaux sociaux était les revenus publicitaires dont la publicité ciblée. Ces derniers s’efforcent de cerner les comportements et profils de leurs utilisateurs sur le web en se servant des données collectées. Ainsi, les entreprises qui souhaitent diffuser leurs annonces doivent acheter des espaces d’affichage en ligne, en précisant le profil d’utilisateurs cible souhaité. En fonction de ces critères, les algorithmes des réseaux sociaux diffusent les publicités aux utilisateurs ciblés. 

Mais depuis quelque temps, les réseaux sociaux ont fait face à des problèmes de rentabilité. La publicité ne génère plus autant de revenus qu’auparavant en raison de l’affaiblissement du marché publicitaire, de différents scandales concernant l’usage des données, le renforcement de la législation de la protection des données personnelles. Le groupe Meta (Facebook, Instagram, Whatsapp) a même enregistré une baisse de revenus annuels, en 2022, pour la première fois depuis son entrée en bourse en 2012. L’ère de la gratuité des réseaux sociaux est-elle en train de se clore ? « Nous sommes au commencement de la fin d’une ère. (…) L’économie de l’attention qui a transformé les plateformes sociales en entreprises les plus profitables au monde a fini par se tirer une balle dans le pied. », explique  Clara Lindh Bergendorff dans les colonnes de Forbes.

Le modèle économique des réseaux sociaux est en plein évolution : les offres d’abonnement se multiplient.

Nous assistons à une évolution du modèle économique des réseaux sociaux où l’ère de la gratuité semble de disparaitre au profit de l’abonnement. En effet, le modèle de l’abonnement permet d’assurer des rentrées de revenus récurrents et stables pour faire face à la forte volatilité des revenus liés à la seule publicité.

Linkedin a montré que cela fonctionne et la mise en place de l’abonnement est inévitable : la publicité ne représente que 20% du chiffre d’affaires total de l’entreprise. En effet, les services de recrutement et les abonnements constituent ses principales sources de revenus. Selon le site Kinsta, 39% des utilisateurs de Linkedin payent pour un de ces abonnements. Linkedin a réussi à développer des formules payantes le permettant d’avoir un modèle économique durable. 

« Sur LinkedIn, il y a toute une offre d’abonnements payants et là, ça fonctionne. On les achète parce qu’on veut avoir plus de visibilité ou alors quand on est recruteur. On a besoin de ces offres »

Emmanuel Berne

« C’est payant, mais vous êtes quand même le produit »

Instagram et Tiktok testent actuellement un système d’abonnement premium à certains créateurs. Snapchat a lancé sa formule payante nommée Snapchat+. Twitter a lancé Twitter Blue, Meta avec Meta verified… Ces offres payantes donnent accès à des fonctionnalités exclusives aux abonnées telles que la vérification des comptes, l’accès au service client, plus de visibilité,… afin d’encourager les internautes à rester actifs.

«L’idée est d’améliorer l’authenticité [des profils et donc des échanges] et la sécurité sur nos services.»

Mark Zuckerberg, PDG de Meta

La question se pose alors de savoir si les utilisateurs sont-ils prêts à payer. Les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, Instagram ou Tiktok proposent-ils des offres suffisamment intéressantes pour inciter les usagers à payer l’abonnement ?  

Il semblerait que ce ne serait pas aussi facile de faire payer les utilisateurs parce que les réseaux sociaux ont proposé leurs services gratuitement pendant bien trop longtemps. En effet, la formule « c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit » est ancrée dans la culture populaire. Pour que la formule « c’est payant, mais vous êtes quand même le produit » puisse succéder à la première, il faut une nouveauté qui soit vraiment intéressante pour séduire les utilisateurs et pour faire passer la pilule du payant.  

Sophie Hong Vy Nguyen-Massicot

Bibliographie :

  • Baudot, J. (s. d.). Modèle économique des réseaux sociaux. http://www.jybaudot.fr/Management/reseauxsociaux.html
  • Bergendorff, C. L. (2021, 12 mars). From The Attention Economy To The Creator Economy : A Paradigm Shift. Forbes. https://www.forbes.com/sites/claralindhbergendorff/2021/03/12/from-the-attention-economy-to-the-creator-economy-a-paradigm-shift/?sh=3a183e20faa7
  • Diallo, K., & Diallo, K. (2022). Réseaux sociaux : les utilisateurs sont-ils prêts à payer ? L’Éclaireur Fnac. https://leclaireur.fnac.com/article/107960-reseaux-sociaux-les-utilisateurs-sont-ils-prets-a-payer/
  • Laratte, A. (2022, 6 novembre). Payer pour avoir un badge bleu sur Twitter ? C’est désormais possible dans certains pays. leparisien.fr. https://www.leparisien.fr/high-tech/payer-pour-avoir-un-badge-bleu-sur-twitter-cest-desormais-possible-dans-certains-pays-05-11-2022-W73TOEMLEFFZFOFZKP5OYB2XXI.php
  • Osman, M. (2023). Mind-Blowing LinkedIn Statistics and Facts (2023). Kinsta®. https://kinsta.com/blog/linkedin-statistics/
  • Afp, C. A. (2023, 20 février). A son tour, Meta lance une offre payante. Capital.fr. https://www.capital.fr/entreprises-marches/a-son-tour-meta-lance-une-offre-payante-1460713
  • Laratte, A. (2023, 20 février). Facebook, Twitter, Instagram. . . la fin des réseaux sociaux gratuits ? leparisien.fr. https://www.leparisien.fr/high-tech/facebook-twitter-instagram-la-fin-des-reseaux-sociaux-gratuits-20-02-2023-QAJ3NAJT2BEXTM3KEPQ2UFASXQ.php
  • Wurlod, O. (2023, 20 février). Payer pour Instagram et Facebook : L’ère des réseaux sociaux 100 % gratuits se termine. 24 heures. https://www.24heures.ch/lere-des-reseaux-sociaux-100-gratuits-se-termine-300382518290
  • Statista. (s. d.). Social Media Advertising – Global | Market Forecast. https://www.statista.com/outlook/dmo/digital-advertising/social-media-advertising/worldwide

Balenciaga et les réseaux sociaux : la cancel culture a-t-elle encore frappé ?

Boycott, dénonciations et lynchage, les réseaux sociaux en tant qu’espace public et lieu d’expressions, sont également les théâtres de polémiques et controverses. Au fil des années, ils sont devenus des armes pouvant avoir des impacts positifs comme négatifs considérables.

63.1 milliards. C’est le nombre d’internautes dans le monde entier recencés en avril 2022 et parmi eux, 4.7 milliards sont utilisateurs de réseaux sociaux.

Aujourd’hui incontournables, les réseaux sociaux sont de véritables outils marketing afin de se faire connaître et d’avoir accès à la notoriété. En adoptant certains codes, il est aisé d’être propulsé sur le devant de la scène. C’est pourquoi la plupart des marques et notamment les marques de luxe ont commencé à axer leurs stratégies sur leurs campagnes de communication en ligne. Cependant, cet accès simplifié à la célébrité est également à double tranchant, la moindre erreur pouvant être fatale. Balenciaga en a d’ailleurs fait les frais en novembre dernier avec ses deux campagnes impliquant de la pédopornographie et la mise en scène d’enfants avec des accessoires associés à des pratiques SDM.

Les réseaux sociaux : une nouvelle vitrine des marques de luxe

La communication sur les réseaux sociaux est devenue monnaie courante .

De fait ils offrent une couverture très intéressante afin de pénétrer en profondeur le marché. Les marques ont recours notamment à des stratégies d’influences. En ayant recours à des individus bénéficiant d’une certaine popularité tout en ayant une image en adéquation avec la marque, la visibilité et la crédibilité des enseignes s’en retrouvent d’autant plus affirmées. Il n’est pas rare de retrouver des célébrités égéries de marque de luxe.

Nous pouvons citer en exemple Kim Kardashian égérie de Balenciaga ou encore Lea Seydoux, égérie de Louis Vuitton. La crise du covid19 est également passée par là. Entre les différentes contraintes sanitaires sans oublier les confinements, les réseaux sociaux étaient l’unique moyen de conserver un lien avec les consommateurs, les évènements en présentiels étant bannis et les ouvertures de nouvelles boutiques suspendues.  Très vite, les résultats sont apparus puisque de 2020 à 2022, Louis Vuitton est passé de 35.1 à 52.5 millions de followers et d’autres de ses pairs l’ont suivi dans cette ascension comme Gucci, Dior ou encore Balenciaga.

Selon le classement luxe Digital , parmi les marques les plus populaires en ligne Gucci, Dior et Channel arrivent en tête de la liste. Cependant, d’autres enseignes comme Gucci ou Balenciaga sont très populaires sur les réseaux sociaux. Le 29 avril 2023, Louis Vuitton comptabilise 52.7 millions de followers, Chanel 55.7 millions, Gucci 51.5 millions alors que Dior ne comptabilise que 43.9 millions. Ces données soulignent que bien que certaines marques soient plus recherchées en ligne que d’autres, toutes peuvent bénéficient d’une visibilité médiatique plus importante et donc d’un levier de manœuvre non négligeable afin d’accroître leur influence.

Ce levier est maximisé par un contenu étudié et une logique d’engagement mis en place. Le partage régulier de contenus concernant les nouvelles collections mais également les évènements phares de la marque de type défilés ou soirées mondaines, jusqu’à s’étendre à la publication des interviews de leurs collaborateurs et égéries, ont permis d’impliquer les consommateurs dans le quotidien et l’intimité des enseignes.

Les marques ont également appris à adopter leur contenu en fonction des différentes cibles des différentes plateformes, afin d’apparaître authentiques et accessibles pour tous. Chacun doit pouvoir s’identifier et se projeter au travers de leur histoire et de leurs créations.

Le joyau français de Kering : un habitué des provocations

Balenciaga, maison française de Kering, est connue pour utiliser les réseaux sociaux afin de faire parler d’elle et de ses créations. En effet, la marque fait régulièrement l’objet d’articles et de buzzs sur les réseaux sociaux avec des créations jugées provocantes et parfois à la limite de l’indécence. Nous pouvons penser à la mise en vente de baskets déchirées à plus de 1000 euros en mai 2022. L’objet de cette création était de souligner la durabilité des chaussures et donc que les articles Balenciaga ont pour vocation d’accompagner leurs utilisateurs tout au long de leur vie.

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Autre prouesse créative non pas moins épargnée par les critiques, la mise en vente de sacs à main inspirés de sacs poubelles, mais à un prix bien éloigné de ces objets domestiques.

Le directeur artistique de Balenciaga a cependant toujours affirmé sa position et l’a exprimé lors d’une interview suite au défilé de la collection automne-hiver 2022-2023.

« Je ne pouvais vraiment pas rater l’occasion de concevoir le sac-poubelle le plus cher du monde. Qui n’aime pas les scandales dans la mode ? »

Demna Gvasalia Women Wear’s Daily, 6 mars 2022

Ainsi, certaines enseignes vont jouer de leur visibilité et du pouvoir de diffusion des réseaux sociaux afin de faire parler d’elle et de gagner en visibilité. Cependant visibilité n’est pas synonyme de popularité.

Balenciaga : une campagne dévastratrice

En novembre 2022, Balenciaga a connu une véritable descente aux enfers avec une campagne sur les réseaux jugée inadmissible par l’opinion public.

En effet, sur Instagram la marque avait partagé des photos afin de promouvoir de nouveaux objets en vente, la marque souhaitant étendre son domaine d’expertise au-delà du prêt à porter. Jusqu’à là rien à redire, puisqu’il est devenu monnaie courante chez les marques de luxe, d’élargir leur champ d’action comme l’a fait Dior avec l’ouverture de son café à Paris. Cependant Balenciaga a poussé la chose plus loin que ce qu’elle n’aurait dû en mettant en scène des enfants avec des peluches portant des accessoires associés à des pratiques BDSM. L’opinion publique a lynché la marque, l’accusant de sexualiser des enfants et donc d’avoir un comportement absolument intolérable. Après avoir gardé le silence pendant plusieurs jours tandis que la toile se déchainait sur cette campagne, la marque a présenté publiquement ses excuses et a retiré les photos compromettantes.

Cela aurait pu passer pour une simple erreur et l’histoire en serait restée là mais quelque semaine après, le joyau de Kering a de nouveau fait parler de lui avec la promotion d’un sac Balenciaga x-Adidas sur une pile de documents. En zoomant sur ces documents, le public s’est rendu compte qu’il s’agissait d’un compte rendu d’un procès statuant que « la promotion et la publicité de la pornographie infantile relève de la liberté d’expression ».

Encore une fois, la marque a présenté ses excuses publiques et cette fois-ci, elle a remis la faute sur l’équipe chargée de la campagne. Balenciaga a totalement nié être au courant du contenu de la campagne et a même engagé des poursuites judiciaires contre l’équipe concernée.

Malgré cette initiative, le scandale a pris une telle ampleur que rapidement les effets se sont faits ressentir. Le lendemain du premier scandale, les actions du joyau Kering ont connu une chute de 0.02%. Cette chute pourrait impacter au long terme la maison dans sa croissance fulgurante initiée en 2019 . De fait, la firme réalisait un chiffre d’affaire de 927 millions de dollars en 2019 jusqu’à atteindre les 1.189 milliards en 2021. Dans le communiqué officiel des résultats annuels Kering n’a communiqué aucun résultat concernant Balenciaga. « Balenciaga a réalisé une excellente année, en dépit d’un mois de décembre difficile », cette phrase est l’unique information dont nous disposons. Cependant le directeur général délégué de Kering a admis que « la regrettable controverse  » dont Balenciaga avait fait l’objet a fortement impacté les résultats de cette maison. Kering a par ailleurs estimé que « les procédures avaient été correctement suivies mais une erreur de jugement » aurait été la cause de ces deux scandales ayant eu lieu en une seule année. Cela a poussé la maison à revoir ses procédures et à mettre en place de nouvelles mesures .

« Plus que de changer les personnes, il est question de renforcer l’organisation en favorisant davantage de diversité et d’intelligence collective ainsi que la capacité à exprimer une opinion différente dans les jugements »

Jean Marc Duplaix directeur financier de Kering dans Fashion work

Un bad buzz médiatique sur tous les plans

Même si la crise ne semble pas avoir eu d’effets exorbitants sur le résultat , la maison connait une véritable crise concernant son image, jamais vue jusqu’alors.

En raison de la polémique, elle a fait l’objet d’un bad buzz international. Les stars et célébrités se sont rapidement désolidarisées de la marque. L’égérie du moment Kim Kardashian avait notamment annoncé sur Twitter qu’elle reévaluait son partenariat avec Balenciaga.

 

« I have been quiet for the past few days, not because I haven’t been disgusted and outraged by the recent Balenciaga campaigns, but because I wanted an opportunity to speak to their team to understand for myself how this could have happened.« 
Kim Kardashian (@KimKardashian) 27 novembre 2022

D’autres stars ont retiré de leurs réseaux sociaux tout contenu associé à la marque comme Alexa Demie, actrice emblématique de la série Euphoria. Cela s’est même étendu à certains partenaires qui ont enlevé de leurs stands les produits Balenciaga comme la marketplace The Closet à Dubai.

Sur Tiktok, la réaction a été la plus violente. On a pu voir pendant plusieurs semaine des vidéos d’internautes et d’influenceurs déchirants et brûlants leurs articles Balenciaga. Un hashtag #cancelbalenciaga a même été créé pour l’occasion et le 28 novembre il cumulait plus de 25.5 millions de vues et le 30 avril, 310.7 millions de vues. Rappelons que Tiktok cible principalement les jeunes de 13 à 20 ans, avec cette campagne Balenciaga a perdu de son prestige et de son attractivité auprès d’une cible qu’elle avait réussi à conquérir parmi les plus jeunes.

Un calme jusqu’au prochain scandale ?

S’il semble que les choses se soient calmées pour le petit joyau français de Kering, cela n’aura pas été sans conséquences. Bien qu’étant habituée à faire la une en raison de créations provocantes et originales, cette fois-ci le buzz aurait eu un effet plus que négatif et il est probable qu’au prochain scandale, la marque soit « cancel » pour de bon.

Mathilde Delevoye

Références

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Dippa, S. L. (2022, 2 décembre). Balenciaga : sur TikTok, ils mettent le feu aux vêtements de la marque. Le HuffPost. https://www.huffingtonpost.fr/life/video/balenciaga-sur-tiktok-ils-mettent-le-feu-aux-vetements-de-la-marque_210980.html (accessed April, 30th 2023)

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Assaut du Capitole : entre désinformation et incitations à la violence

Quelles responsabilités pour Facebook et Twitter ?

Le 6 janvier 2021, des partisans de Donald Trump envahissent le Capitole, là où siège le Congrès américain. Une seule idée en tête : empêcher la certification de la victoire de Joe Biden à la présidentielle américaine de 2020. 
Retour sur le rôle joué par ces réseaux sociaux lors de cet évènement majeur de l’histoire américaine.

Une préparation pré-élection présidentielle 2020 afin d’éviter le scandale de 2016

Photo de little plant sur Unsplash

Dans le contexte des élections présidentielles américaines de novembre 2020, il était inconcevable pour Facebook de revivre un scandale de la même ampleur que celui de 2016. En 4 ans, la plateforme a œuvré à la mise en place de mesures concrètes ayant pour but de protéger l’intégrité de la nouvelle élection, limiter la diffusion de fausses informations et lutter contre l’incitation à la haine et à la violence.

Mark Zuckerberg avait affirmé en octobre 2020 que le règlement de la plateforme empêcherait tout candidat de «déclaré victoire prématurément» et de «délégitimer les résultats de l’élection». Afin de limiter la désinformation, Facebook a implémenté la «War Room». Cette cellule de vérification analyse en temps réel les abus signalés sur les élections. Dani Lever, responsable des affaires publiques de Meta a affirmé que Facebook avait mis en pause ses campagnes publicitaires politiques et supprimé le groupe StopTheSteal début novembre 2020.  Le groupe qui comptait 360 000 utilisateurs parmi ses rangs, mettait en doute la légitimité de l’élection en diffusant la théorie du «Big Lie».

Pour Twitter, c’est seulement 2 mois après l’attaque que l’ex CEO Jack Dorsey affirma que la plateforme avait effectivement joué un rôle dans la diffusion de fausse informations et dans l’organisation de cette attaque. Twitter avait misé sur des pratiques de marquage de tweets et de déréférencement. 

Lorsqu’un tweet contenait des informations trompeuses au sujet de l’élection, il était étiqueté d’un avertissement. Une autre mesure plus radicale a été mis en place d’octobre 2020 jusqu’à l’élection. Si certains messages de personnalités politiques et/ou influentes contenaient des propos non vérifiés et trompeurs, une bannière contenant un avertissement sur le contenu empêchait de lire le tweet. Les tweets ciblés étaient privés d’interactions (retweet, like, commentaire). En amont de l’élection, Twitter avait décidé début 2020 d’instaurer des messages de fact checking à la fin des tweets contenant du contenu trompeur.

@realDonaldTrump sur Twitter

Des baisses de vigilance sous l’impulsion de la liberté d’expression 

Après l’annonce des résultats, Facebook était soulagé. L’opération s’était déroulée sans encombre. Certaines mesures, temporaires, ont donc été retirées.
Facebook a décidé de démanteler la cellule Civic Integrity Team composée d’experts qui détectaient et combattaient la désinformation et les discours haineux. Ces changements ont commencé à inquiéter plusieurs employés du réseau social. A partir de la fin des élections, certains employés ont remarqué que le nombre de signalements pour des messages contenant de fausses informations augmentaient fortement. 
Des documents internes, révélés par la lanceuse d’alerte Frances Haugen, ont soulignés les manquements de Facebook en termes de lutte contre la désinformation et d’incitation à la violence ayant joué un rôle dans l’attaque du Capitole.
Des pistes d’amélioration du règlement ont été proposées pour contrer la désinformation mais déclinées par la hiérarchie. L’une des raisons avancées par la direction est que cela ne ferait qu’augmenter le nombre de signalements erronés et diminuerait l’engagement sur la plateforme. Comme précisé par Haugen lors de son témoignage au Sénat, Facebook semble vouloir faire passer son « profit avant la sécurité » et « avant la population ».

Image par El Sun de Pixabay

La suppression du groupe StopTheSteal n’a non plus été d’une grande efficacité. Cela donna un boost de popularité aux groupes moins importants contenant des propos #StoptheSteal. Les membres du groupe d’origine se sont juste dispatchés. StopTheSteal était bien plus qu’un groupe Facebook et la plateforme n’a pas vraiment œuvré à contrôler et signaler ces groupes complotistes. 

Sur Facebook, les algorithmes jouent un rôle majeur dans la diffusion de ces fausses informations. Dans les documents révélés, il a été confirmé qu’il n’a fallu que 2 jours pour qu’un utilisateur, suivant quelques personnalités/médias conservateurs, ait des recommandations conspirationnistes et 1 semaine pour que des contenus du groupe QAnon lui soient recommandés.

L’une des révélations majeure des Facebook Files était la mise en place d’une politique de fact-checking XCheck permettant de limiter les faux signalements de comptes. Certaines personnalités politiques et comptes les plus suivis bénéficiaient d’une vérification des signalement à part. Cependant, certaines de ces personnalités soumises à ce système se retrouvaient «whitelisted» et exemptées du règlement de Facebook : «Contrairement au reste de notre communauté, ces personnes peuvent enfreindre nos normes sans aucunes conséquences».

De son côté, Twitter a aussi failli. 
Il n’a pas su prendre en considération les avertissements de ses employés sur les risques de la mauvaise gestion de la désinformation et des incitations à la violence sur la plateforme après les élections de 2020. Malgré les efforts et les signalements reportés par Twitter Safety Policy team, en charge de la rédaction du règlement de la plateforme, aucune mesure supplémentaire n’a été prise. Les dirigeants semblaient plus inquiets de déclencher la colère des supporters du président sortant plutôt que de préserver le discours électoral (Draft Comittee Report, The Washington Post, 2023).

Un règlement proposé par la Twitter Safety Policy team visant les messages qui incitaient indirectement à la violence («coded incitement to violence» CIV) n’a pas été retenu par les dirigeants, considérant que les messages visés pouvaient être interprétés dans un autre contexte. Le supposé règlement portait notamment sur ce message: «stand back and stand by». Il avait été utilisé par le président Trump pour s’adresser plus tôt dans l’année au groupe d’extrême droite Proud Boys connu pour ses idées fortes et ses comportements violents. Peu de temps après, cette expression était devenu le cri de ralliement de groupes de supporters Trump sur Twitter.

Twitter a pris l’initiative d’écouter les signalements déposés par des organisations comme Fair Fights luttant pour des élections justes aux États-Unis. Ces tweets, directement liés à l’incitation à la violence au nom d’une élection truquée, ont reçu des avertissements mais n’ont cependant pas été retirés. Pour Twitter, ces messages restaient dans le cadre de la liberté d’expression et n’avaient en aucun cas dépassé les limites du règlement.
Twitter montre ici des signes de relâchement quant à la gestion des messages haineux et de la désinformation.

Un rapport de la MDPI révéla qu’afin d’éviter les signalements, des hashtags contenants des fautes étaient utilisés massivement. Des tweets relatifs aux suspicions de corruption des Biden utilisaient majoritairement le #bidencrimefamiily plutôt que #bidencrimefamily. Cela devait déjouer les mesures mises en place par le règlement de la plateforme tout en ralliant les supporters autour de théories conspirationnistes.

@realDonaldTrump sur Twitter

Le 19 décembre 2020, Trump écrivait : «Big protest un D.C. on January 6th». Par la suite, le nombre de tweets utilisant les CIV «locked and loaded» et «civil war» ont augmenté de manière exponentielle.

Selon un ancien employé de la plateforme, il a fallu attendre l’attaque du 6 janvier 2021 pour que Twitter demande à la Safety Policy team de mettre en place en urgence la CIV Policy. Cependant, toujours incomplète dû à son blocage quelques mois plus tôt, son application était imparfaite.

Au Capitol, les attaquants documentaient leur avancée sur Twitter, obligeant les responsables de la modération à supprimer/bannir en direct les contenus et hashtags problématiques. D’autres hashtags, remontés dans les tendances, ont dû être déréférencé comme #CivilWar.

Une prise de conscience sur l’importance de la désinformation et de l’incitation à la haine ?

Donald J.Trump sur Facebook

Dani Lever confirme la suppression des contenus ayant comme la mention StoptheSteal dès l’instant de l’attaque ainsi que la suspension du compte de Donald Trump pendant 24 heures. Comme l’a annoncé Facebook, cela fut étendu à 2 semaines puis à une durée indéterminée. 

C’est finalement il y a un peu plus d’un mois, le 17 mars 2023, que l’ancien président fait son retour avec une vidéo et 3 mots : I’M BACK !


Facebook s’est engagé à renforcer l’obligation des administrateurs de groupes de vérifier les messages postés, à désactiver les interactions sur les posts provenant de groupes avec des taux élevés de discours haineux/violents et à déréférencer les contenus qui enfreindraient les règlements.

Après l’attaque, Twitter a suspendu le compte @realDonaldTrump (une première fois pendant 12 heures puis de manière permanente). Fin 2022, après l’arrivée d’Elon Musk à la tête de Twitter, son compte a été à nouveau débloqué. Plus de 70000 comptes ont été bloqués, des mesures ont été ajoutées à la Civic Integrity Policy, les comptes affiliés aux contenus conspirationnistes ont été déréférencés et certains sujets ne pourront plus apparaître dans les tendances.

Bien que les attaquants présents au Capitol ainsi que Donald Trump sont responsables de leurs actions, il est clair que les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur dans la préparation en amont de cet évènement. Même si le January 6th Comittee a décidé de s’attarder sur la responsabilité de Trump, cette affaire aura été l’opportunité pour ces grands réseaux sociaux d’être mis face aux conséquences de leurs décisions.

Margot Brenier


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https://blog.twitter.com/en_us/topics/company/2020/suspension

L’économie de la célébrité à l’ère des réseaux sociaux : impacts et nouvelles tendances dans l’industrie du la K-Pop

Source : Alexander Shatov

Si vous utilisez des réseaux sociaux, vous avez probablement déjà entendu parler de la K-pop. En effet ce genre musical né en Corée du Sud dans les années 90 est extrêmement présent sur toutes les plateformes sociales, notamment grâce aux fans de ces chanteurs de pop coréenne que l’on appelle « idoles ».

La K-Pop et sa fulgurante montée en popularité

Caractérisée par des vidéos extravagantes aux grands budgets, des chorégraphies détaillées et des productions musicales uniques et variées, la K-Pop a su séduire un bon nombre de fans, et ce depuis des décennies. Néanmoins, durant ces dernières années, le genre a franchi un nouveau seuil de popularité en devenant une industrie internationale faisant succomber toutes les barrières géographiques : 89 millions de fans dans 113 pays, des tournées mondiales, des apparitions dans les plus grands festivals de musique (Coachella, Lollapalooza), de nombreux prix (Grammys, BBMAs, VMAs…), etc.

Et l’une des explications derrière cette montée rapide en popularité réside dans les réseaux sociaux. Mais comment les réseaux sociaux ont-ils transformé l’industrie du divertissement sud-coréenne, notamment dans des logiques d’économie de la célébrité ?

Une économie de la célébrité déjà présente…

« La célébrité, c’est l’avantage d’être connu de ceux qui ne vous connaissent pas »

Nicolas de Chamfort, poète et journaliste français.

Les célébrités sont dotées d’une influence parasociale, qui est un type de relation sociale à sens unique dont une personne peut faire l’expérience vis-à-vis d’une personnalité publique ou d’un personnage de fiction. Le fan peut ainsi développer des sentiments d’amitié, même sans existence de réelle interaction directe.

En Corée du Sud, cette influence était déjà assez forte avant les réseaux sociaux, avec une industrie de K-Pop prônant une apparente proximité entre les fans et les artistes en multipliant les apparitions de ces derniers : émissions de variété, séances de dédicace, téléréalités, publicités télévisées… Les artistes deviennent des professionnels du divertissement pour leurs fans, et sont ainsi déjà au centre d’une économie de la célébrité dans laquelle le fan est prêt à consommer toute sorte de contenu dès lors qu’elle est en lien avec sa star favorite, faisant tourner une économie.

… mais renforcée par les réseaux sociaux

Les médias sociaux introduisent de nouvelles opportunités de relations parasociales, car ils tendent à jouer sur des interactions fréquentes, plus personnelles et parfois réciproques entre les célébrités et leurs fans. En profitant de cette nouvelle opportunité, l’industrie de la K-Pop s’est approprié l’usage de ces réseaux (TikTok, Instagram, Twitter, Youtube) et est parvenue à en faire profit grâce à des stratégies inédites et créatives pour gagner en exposition et entretenir des relations solides avec leurs fans, notamment en postant régulièrement du contenu donnant aux fans un sentiment de proximité : vlogs, lives, challenges, sketchs, documentaires, multiplication des shows de variété et émissions de téléréalité…

L’objectif est rempli : partager leur quotidien et se positionner comme un ami pour des fans de plus en plus fidèles, grâce à des contenus viraux produits en parallèle de leur carrière musicale ; chose qui était auparavant compliquée alors que la promotion des artistes reposait essentiellement sur des méthodes traditionnelles telles que les apparitions télévisées ou les interviews à la radio.

Les fans, fidèles à leurs idoles vont alors les soutenir quoiqu’il arrive, en achetant leurs albums, places de concert, en votant, etc.

Les différentes agences et leurs stars, en maîtrisant parfaitement leurs contenus et leur viralité, sont ainsi devenus expertes dans ce domaine de la présence en ligne, et ont su s’imposer comme des personnalités à la réputation extrêmement solide : en date du 30 avril 2023, Lisa des Blackpink est l’idole de K-Pop la plus suivie et la 38e célébrité la plus suivie au monde sur Instagram, avec 92.9 millions d’abonnés. Elle est suivie par V des BTS, deuxième star coréenne et 82e mondialement avec 58.6 millions d’abonnés.

Les réseaux sociaux, un moyen de rassembler les communautés de fans

Ces très larges bases d’abonnés sont principalement constituées de fans, qui vont s’organiser en communautés – ou « fandoms » – sur les réseaux sociaux afin de pouvoir soutenir au mieux leurs artistes qu’ils considèrent et tiennent en estime. Ils vont ainsi agir à leur échelle comme des promoteurs de leurs idoles favorites sur les réseaux sociaux : discussions entre fans, hashtags hissés dans les tendances, comptes fans écrivant sur l’actualité d’un groupe… En 2020, Twitter a enregistré 6.7 milliards de tweets liés à la K-Pop.

Les agences, quant à elles, ont su déceler le potentiel de ces communautés de fans motivés et ont alors décidé d’investir dans de nouveaux moyens pour faire tourner cette économie de la célébrité, en les réunissant autour de contenus exclusifs. C’est ainsi qu’ont été créés Vlive puis Weverse, deux réseaux sociaux dédiés exclusivement aux interactions entre artistes et fans, qui leur permettent d’échanger dans des cadres plus intimistes et donc de préserver ce sentiment de proximité. Les artistes peuvent y poster des messages courts, répondre aux posts des fans, faire des lives pour parler de leur quotidien avec leurs fans. Sur chacune de ces plateformes, chaque artiste a un compte auquel le fan peut s’abonner, et ce dernier peut même profiter de plus d’avantages en payant, notamment en achetant une adhésion au fanclub de leur artiste favori.

De nouvelles opportunités pour les artistes

Les réseaux sociaux représentent aussi des opportunités inédites pour les artistes. Tout d’abord la nature même des réseaux, reliant les quatre coins du monde, a permis aux artistes de gagner en renommée grâce à la musique, en accédant à des marchés qui n’auraient pas été envisageables sans une présence physique lors de tournées ou autres évènements.

Les stars sont aussi devenues des marques à part entière dans cette économie de la célébrité, et peuvent générer des revenus grâce des activités annexes, car leurs fans seront prêts à soutenir tous leurs projets et produits (G-Dragon et sa marque de mode, IU et sa marque de cosmétiques…).

Cette logique est aussi valable pour les partenariats de plus en plus communs, à une ère où les marques sont de plus en plus disposées à digitaliser leur marketing en collaborant avec des célébrités aux grandes bases d’abonnés. Les idoles de K-Pop sont ainsi en haut de leur liste grâce à leur popularité sans précédent auprès des fans, qui peut faire augmenter considérablement les ventes de n’importe quel produit. Cela passe par des posts sponsorisés, ou même des contrats d’endorsement de plus en plus nombreux et prestigieux : Jungkook (BTS) pour Calvin Klein, Hanni (New Jeans) pour Gucci, Lisa (Blackpink) pour Céline, Cha Eun Woo (Astro) pour Dior, etc.

Les célébrités coréennes ont également la possibilité d’utiliser leur plateforme en tant que leader d’opinion pour sensibiliser à des causes sociales et des campagnes de bienfaisance, créant un impact positif dans la société. Par exemple, à la suite d’un don d’un million de dollars du groupe BTS au mouvement Black Lives Matter, leur fandom ARMY s’est organisé sur les réseaux sociaux grâce à l’hashtag #MatchAMillion, et a réussi à doubler la donation pour le mouvement par ses propres moyens.

Une exposition plus grande aux dérivés liées à la réputation et à l’économie de la célébrité

Néanmoins l’impact des réseaux sur l’industrie du divertissement coréen n’est pas que positif. En effet ils introduisent une plus grande pression pour les idoles quant à le gestion de leur statut de célébrité.

Les scandales et controverses, notamment, sont beaucoup plus visibles et impactantes en raison des réseaux sociaux, poussant les stars doivent à faire très attention à chacun de leurs gestes au quotidien, car ils sont observés.

Cela est dû en partie au fait qu’avec de cette logique d’interaction extrême, les fans peuvent développer un sentiment de droit sur la vie privée et les actes de leurs idoles : ils sentent que ces derniers ont besoin d’eux et leur doivent beaucoup au vu de leur implication incomparable, et vont donc se servir des réseaux sociaux pour exprimer leur possessivité ou leur mécontentement sur chacun de leurs actes, mêmes anodins ; allant parfois à critiquer l’apparence d’idoles s’écartant des standards de beauté. Des fans extrêmes vont même aller jusqu’à les suivre, à leur envoyer des lettres de menace, ce qui peut détériorer les relations.

Beaucoup vont les considérer comme des marchandises qui ne peuvent pas s’écarter d’une vision idéalisée que les fans ont d’eux. Cette pression est telle que l’industrie a connu plusieurs cas de suicides, alors que les idoles supportent de moins en moins la pression et les critiques du milieu, et que certains commencent à exprimer leur mécontentement.

Il est donc clair que les réseaux sociaux ont énormément apporté au milieu de la K-Pop en renforçant l’impact des artistes et leur proximité avec les fans ; néanmoins cela peut se faire à leurs dépens car ils peuvent souffrir de cette ouverture au monde, qui introduit plus de pression et les prive de certaines libertés. Il est donc nécessaire que les agences fassent le nécessaire afin d’assurer leur bien-être, en imposant des limites et en adaptant leur comportement à cette nouvelle ère connectée.

Article de Wendy Mbango.

Sources

  • Black lives Matter : après le don de BTS à 1 million de dollars, les fans du groupe font la même chose, Le Parisien.
  • #KpopTwitter achieves new record of 6.7 billion Tweets globally in 2020, Twitter Blog.
  • List of Most-Followed Instagram Handle in World, Sacnilk.com.
  • K-Pop 2023: A Look at the Statistics Behind the Music, Gitnux.

Cinéma et jeu vidéo : deux arts irréconciliables ? 

Tomb Raider, Silent Hill, Assassin’s Creed, Uncharted…depuis la sortie de Super Mario Bros dans les années 90, les jeux vidéo sont régulièrement adaptés pour le grand écran. Une source d’inspiration inépuisable  pour l’industrie du cinéma, comme en témoigne la sortie d’un nouveau film – un dessin animé cette fois – consacré au petit bonhomme à casquette rouge. Bien que ces aventures épiques soient souvent controversées, elles témoignent de la popularité croissante des jeux vidéo en tant que source d’inspiration pour l’industrie cinématographique.
En 1998, les frères Le Diberder déploraient déjà les « résultats lamentables » des adaptations cinématographiques de jeux vidéo, à l’instar de  Final Fantasy: The Spirits Within, fustigé à la fois par  la critique et les fans du jeu. Beaucoup justifient  ces échecs par les faiblesses des jeux d’origine. Néanmoins,  il serait pertinent de s’interroger davantage sur les différences fondamentales entre ces deux médias qui les rendent incompatibles.

Le risque de vouloir faire plaisir à tout le monde

Les franchises de jeux vidéo sont devenues de véritables phénomènes de société, avec des communautés de joueurs actives et passionnées. De nombreux cinéastes y voient donc  une opportunité de « surfer » sur la notoriété déjà bien installée de certains univers, tout en attirant un nouveau public par le cinéma, un média plus accessible. Ainsi, si des films comme Resident Evil ou Assassin’s Creed ont connu un certain succès au box-office, c’est notamment parce que ces deux licences étaient  déjà bien connues du grand public. Elles ont ainsi pu compter sur un public de curieux, non initié, mais aussi sur  leurs  fans, présents pour  s’assurer de la fidélité du film au jeu d’origine.
Par ailleurs, adapter une licence au cinéma permet de démocratiser le jeu vidéo auprès du  grand public. Mais ce double ciblage, qui espère transformer les cinéphiles en gamers et inversement,  pose problème. En voulant faire plaisir à tout le monde, bon nombre de réalisateurs et scénaristes se sont perdus concernant la direction à donner à leur adaptation, donnant lieu à des maladresses mémorables. C’est notamment ce qui a été reproché à la première adaptation de Super Mario Bros au cinéma, en 1993 : en voulant constamment rappeler l’œuvre originale tout en le rendant accessible, beaucoup de références se sont retrouvées placées aléatoirement dans le film et sans vraiment de réflexion. Dans leurs critiques, de nombreux  fans de la franchise ont été même jusqu’à les  juger « ridicules ».

L’art subtile d’adapter avec succès les jeux vidéo au cinéma 

La narrativité

Dans l’un de ses écrits, l’universitaire américain spécialisé dans les médias, Henry Jenkins, explique que l’adaptation cinématographique des jeux vidéo est un exercice complexe car certaines caractéristiques propres à ce médium ne sont pas facilement transposables à l’écran. En effet, contrairement au cinéma, où la narrativité est au cœur de chaque construction, les jeux vidéo offrent une grande liberté au joueur qui peut influencer le déroulement de l’histoire. Cette spécificité particulièrement importante pour les joueurs, est difficile à reproduire dans un film où la narration est prédéterminée.

Au cinéma, le récit est essentiellement séquentiel ou linéaire et influence donc la façon dont le film est perçu et compris, ainsi que les choix esthétiques du réalisateur. Les films utilisent des techniques cinématographiques telles que les dialogues et les cinématiques pour raconter l’histoire de manière cohérente. Le public est ainsi un observateur passif, qui suit le déroulement du récit sans avoir de prise sur son issue.

Dans les jeux vidéo, en revanche, la narration est souvent non-linéaire, le joueur est un participant actif à la construction de l’histoire. Cela crée une différence majeure dans la construction du scénario par rapport au cinéma, où la narration est essentiellement linéaire et le public est un observateur passif. En outre, le temps de jeu d’un jeu vidéo, qui peut s’étendre sur 15 à 30 heures, contraste avec la durée d’un film, qui est généralement comprise entre 1h30 et 3h, limitant ainsi la possibilité de développer des personnages et des émotions complexes.

Pour les frères Le Diberder, auteurs de « Qui a peur des jeux vidéo », ce sont ces différences en termes de structure narrative qui créent un fossé entre cinéma et jeux vidéo.

L’interactivité

Ce fossé est renforcé par la présence (ou l’absence) d’interactivité. En effet, bien que la dimension narrative existe au sein des jeux vidéo, elle se retrouve éclipsée par ce que l’on peut appeler « l’interaction narrative » qui correspond à la notion de « jouabilité ». 

Et pour cause, le gameplay des jeux vidéo, qu’Alexis Blanchet (enseignant et chercheur français en cinéma et nouveaux médias) définit comme « l’agencement des règles imposées par le jeu et les possibilités d’appropriation de ces règles par le joueur » dans son ouvrage « Des pixels à Hollywood : cinéma et jeu vidéo, une histoire culturelle et économique » est difficilement imitable pour le cinéma. En effet, des mécanismes tels que le choix des dialogues et les embranchements narratifs ne peuvent pas facilement être reproduits au cinéma.

Dans son article consacré aux relations entre cinéma et jeu vidéo, Sandy Baczkowski conclut simplement que « On ne regarde pas un jeu, on y joue. On ne joue pas à un film, on le regarde » : devant un film, nous sommes des spectateurs, tandis que devant un jeu vidéo nous sommes de véritables joueurs. Ainsi, un jeu vidéo pourra, par exemple, offrir plusieurs histoires ou fins différentes selon les interventions du joueur, tandis que les films ont une fin unique pour tous les spectateurs.

L’immersion dans l’espace-temps

Au niveau de l’espace-temps, là aussi les deux médias diffèrent : lorsque le cinéma se caractérise par une proposition d’un récit en image, le jeu vidéo, quant à lui, est un univers numérique dans lequel les joueurs sont amenés à plonger, s’immerger voire s’enfermer pour vivre des aventures hors du temps et de l’espace. En effet, ils se déplacent au sein de l’espace et ainsi du temps, libérant le présent du jeu pour répondre à une logique de mémoire virtuelle. Le cinéma sollicite donc principalement le regard, la vue, tandis que le jeu vidéo correspond également à une dimension tactile et corporelle.

Des convergences indéniables :  le cinéma transludique

Ainsi, il paraît évident que le cinéma et le jeu vidéo répondent à des logiques qui sont, par essence, différentes à plusieurs niveaux, rendant impossible l’adaptation d’un jeu vidéo en film. 

Néanmoins, on observe ces dernières années que des convergences entre le cinéma et la vidéoludique apparaissent et se renforcent. Au cinéma, les expériences sont de plus en plus immersives : on parle alors de « remédiatisation », que Jay David Bolter et Richard Gursin définissent dans leur ouvrage « Remediation : Understanding New Media », comme la reprise des formes et techniques d’un média par un autre. On constate qu’au cinéma apparaissent des stratégies de remédiatisation pour créer davantage d’immersion pour le spectateur. Les réalisateurs utilisent des techniques de narration spécifiques pour immerger le public dans l’histoire, grâce au montage, à la mise en scène, etc… Ces techniques sont accompagnées par les avancées technologiques de ces dernières années, telles que la 3D, la 4D, les effets spéciaux, le son spatialisé, la technologie Dolby Atmos, la VR, etc… Par exemple, le film de Christopher Nolan, Dunkerque, transporte les spectateurs directement dans l’action des événements de la Seconde Guerre mondiale grâce à sa narration non linéaire, combinée à une cinématographie immersive et à une bande sonore stressante. 

A partir de ce phénomène, Martin Picard théorise l’idée de « cinéma transludique » dans sa thèse intitulée « Pour une esthétique du cinéma transludique : Figures du jeu vidéo et de l’animation dans le cinéma d’effets visuels du tournant du XXIe siècle ». Il définit ce concept comme une forme de cinéma qui aurait plus à voir avec l’esthétique des jeux vidéo et des nouveaux médias en général qu’avec les codes cinématographiques classiques du cinéma. Un film transludique reste un film « traditionnel » du fait qu’il comporte un récit avec un début, un milieu, une fin, axé sur la progression d’un ou plusieurs personnages. Les spectateurs ne peuvent donc pas intervenir dans l’action et avoir un impact sur son déroulement. Néanmoins, il intègre des éléments vidéoludiques dans sa narration et sa mise en scène et s’impose donc comme le résultat de la convergence de différentes influences, notamment à travers l’attitude ludique qui permet d’impliquer davantage le spectateur sans pour autant lui donner la maîtrise du récit, tout en conservant des conceptions et des idées qui existent depuis toujours au cinéma.

Anne-Lise Magnien

Sources

Picard M. (2009), Pour une esthétique du cinéma transludique

Marti Marc (2012), Jeux vidéo et logiques narratives

Maison des Sciences de l’Homme (2019), Culture vidéoludique !

Alix Odorico (2021), Ces raisons qui expliquent pourquoi les adaptations des jeux vidéo en film sont souvent ratées

Di Crosta Marida (2009), Entre cinéma et jeux vidéo : l’interface-film

Comment les deepfakes peuvent impacter la santé sur les réseaux sociaux ?

Vous avez déjà pu tomber sur la fameuse vidéo de Barack Obama insultant Donald Trump ou encore sur celle de Zelensky diffusée sur une chaîne d’information officielle ukrainienne. Certains adeptes du deepfake, s’amusent à inventer des visages qui n’existent pas, à parler à la place de personnalités publiques…

Cependant, l’usage du deepfake souligne des risques en termes de droits à l’image et désinformation de masse.

Le deepfake consiste en la création de photos, d’audios ou de vidéos utilisant le visage d’une personne existante ou non, rendus crédibles grâce à l’intelligence artificielle. Contraction de Deep Learning et fake, cette technologie repose sur les GANs (Generative Adversarial Networks), produisant un contenu très réaliste.

Le champ des possibles du deepfake s’élargit. Du visage d’une personne sur le corps d’un autre, à la création d’une personne qui n’existe pas ou encore à la possibilité de prendre l’apparence d’une personne sur une vidéo et de « cloner » sa voix, le Deepfake ne cesse de gagner en réalisme.

Cependant, nous pouvons nous interroger quant aux dangers auxquels les internautes sont exposés via l’utilisation de cette technologie. Rappelons que le premier Deepfake a été publié sur Reddit, plateforme sur laquelle un utilisateur mettait en scène des célébrités comme Natalie Portman ou Jessica Alba dans de fausses vidéos pornographiques. Une entrée plutôt fracassante…

Cette technologie est d’autant plus répandue par l’usage des réseaux sociaux et pourrait fortement nuire à la santé de tous.

De ludique à politique, comment peuvent-ils impacter la santé via les réseaux sociaux ?

L’impact sur le secteur de la santé

Commençons par l’aspect négatif :

L’influence des deepfakes sur la santé commence à préoccuper les experts.

Certains deepfakes sont utilisés pour compromettre la confidentialité des données de santé des patients. Les cybercriminels peuvent ainsi publier sur les réseaux des enregistrements vocaux ou des vidéos semblant provenir de professionnels de la santé ou autorité comme l’OMS mais qui sont en réalité des pièges à clics. Les risques sont qu’ils y fassent fuiter les données personnelles des malades.

D’un point de vue purement médical, une vidéo peut, par exemple, être diffusée et faire croire que quelqu’un a été guéri d’une maladie via un traitement spécifique. Un politique peut sembler dire ou agir à l’opposé des recommandations de santé publique…

Ces pratiques peuvent pousser à adopter des comportements préjudiciables, conduisant, qui plus est, à des fraudes à l’assurance maladie et des perturbations des soins de santé.

Par conséquent, il est important que les utilisateurs des réseaux sociaux soient conscients de la possibilité de deepfakes médicaux et qu’ils vérifient toujours l’authenticité des informations avant de les partager.

De surcroît, l’augmentation de deepfakes aux visages « parfaits » sur les réseaux va de pair avec l’accroissement du taux de chirurgie esthétique.

« En moyenne, sur cette tranche d’âge (18-34 ans), la proportion de femmes qui poussent les portes des cabinets de chirurgie esthétique est de l’ordre de 80%. »

Chirurgie esthétique : favorisée par les réseaux sociaux, la tendance explose chez les jeunes (rtl.fr)

Heureusement il n’y a pas que du mauvais au deepfake :

Parfois le trucage de voix peut être utilisée à des fins positives. La voix pouvant être trafiquée, certaines communications du secteur de la santé pourrait mieux « passer » aux yeux des utilisateurs.

« Si l’on prend l’exemple d’une campagne de santé publique, avec 2-3 % de personnes convaincues en plus, les Deepfake peuvent sauver des vies. »

Deepfake, entre réel progrès et enjeux éthiques (bpifrance.fr)

Par ailleurs, la langue des signes n’étant encore que très peu répandue, en particulier sur les réseaux sociaux, les deepfakes pourraient améliorer le quotidien de personnes atteinte de mutisme. Leur message pourrait avoir plus d’impact et entraîner plus d’engagement.

De plus, les deepfakes pourraient contribuer aux progrès de la science. Un des exemples relevés serait leur capacité à repérer des organes malades au travers de la radiographie, aidant ainsi les médecins à effectuer un diagnostic. Les réseaux sociaux pourraient alors y développer la diffusion de ces savoirs (pour les étudiants en médecine par exemple).

Images d’IRN générées grâce aux GANs

L’impact sur la santé mentale

Commençons à nouveau par le négatif :

Les deepfakes peuvent également avoir un impact sur la santé mentale des gens sur les réseaux sociaux.

Une personne peut être victime de cyberharcèlement et voir sa réputation salie par du deepfake utilisant son visage dans un contexte faux et défavorable. Ces risques touchent principalement les femmes pouvant être victimes de Revenge porn. Cependant, certaines victimes doutent de leur statut avançant qu’elles n’étaient pas réellement présentes sur ces vidéos et guérissent difficilement de ce traumatisme.

Par ailleurs, les deepfakes peuvent conduire à une usurpation d’identité de la part de cybercriminels se faisant passer pour d’autres via des notes vocales crédibles. Cette situation provoque une perte de confiance et instaure un climat de « paranoïa » .

D’autre part, il est désormais facile pour les utilisateurs de se créer une « fausse vie » et de « faux attributs physiques », qu’ils partageraient sur les réseaux sociaux. Des biais raciaux, sexistes et des critères de beauté « standards » inatteignables y sont, d’ailleurs, cachés sous la table. En effet, les deepfakes ont souvent tendance à blanchir, rajeunir ou vieillir les utilisateurs, à donner des traits plus fins pour une femme et inversement pour les hommes. Cette théologie de la perfection physique prônant le transhumanisme enferme les users dans un carcan de mensonges, complexes et de frustrations.

Le feed d’un jeune se voit donc de plus en plus lisse : une jeune femme magnifique dans un paysage de rêve alors que tout s’avère souvent truqué (fond vert). Cette surexposition constante au « parfait » pousse certains utilisateurs à ne plus se reconnaitre et à accepter leur faux visage à mesure que leur taux de likes augmente. Ce qui induit des troubles en termes de définition et limites de soi avec la question suivante : « Où s’arrête le vrai Moi, où commence mon faux personnage ». Pas étonnant que le taux de chirurgie esthétique augmente….

« Chaque fois que j’obtenais un “j’aime” sur une photo, je sentais ces endorphines comme si c’était moi, comme si quelqu’un que je connais aimait une photo de moi »

https://leclaireur.fnac.com/article/220141-apres-les-vraies-fausses-vies-sur-les-reseaux-sociaux-place-aux-vies-truquees-grace-a-lia/

Mais l’aspect positif donne un brin d’espoir :

Avez-vous déjà entendu parler de la Deepfake Therapie ? Une étude publiée dans la revue Frontiers in Psychiatry a mis en avant deux victimes d’agressions sexuelles dialoguant sur la plateforme Zoom avec leur faux agresseur, en présence de leur thérapeute. Elle s’est avérée fructueuse puisque l’une des victimes a vu ses stress post-traumatiques diminuer en une semaine. Précisons que l’agresseur s’exprime « avec empathie sans chercher à revictimiser le patient » . Ce type de plateforme existe déjà notamment DeepTherapy.ai, dans laquelle certains endeuillés parlent avec un défunt. Il faut cependant savoir limiter son utilisation car en faussant le vrai, certaines séquelles peuvent subsister. Cette pratique pourrait s’étendre de la médiation pour le divorce au harcèlement des enfants.

Certaines personnes n’arrivent pas à tourner la page concernant une personne étant donnée la visibilité que donnent les réseaux sociaux et cette pratique pourrait fortement les aider.

Conclusions et résolutions qui en découlent

Les deepfakes constituent donc le sujet emblématique des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle. Nous devons ainsi tenir compte de la portée de cette IA afin de protéger la santé de tous.

Heureusement, une réglementation vient encadrer les dérives des deepfakes.

Ainsi, l’utilisation de deepfakes pour tromper les internautes sur l’identité d’une personne peut être punie par la loi.

Aux États-Unis, par exemple, le Congrès a adopté la loi de lutte contre la cybercriminalité (Cybercrime Enforcement Act) en 2019, qui criminalise la production et la distribution de deepfakes dans le but de tromper ou de nuire à une personne. La loi impose des peines allant jusqu’à 10 ans de prison.

En France, les deepfakes peuvent être considérés comme de l’escroquerie ou de l’usurpation d’identité, voire de la diffamation, selon la loi sur la liberté de la presse. Ainsi, un deepfake non mentionné comme tel est illégal. La loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information permet de stopper la diffusion massive de désinformation.

Au niveau européen, le projet de règlement sur les services numériques (« Digital Services Act ») prévoit des mesures pour lutter contre les risques systémiques découlant des plateformes en ligne et moteurs de recherche, en particulier contre tout effet négatif sur le discours civique.

D’autre part, la Commission européenne a publié un code de conduite européen renforcé pour lutter contre la désinformation. Le Conseil de l’Union européenne a adopté une résolution en 2021 appelant à une réglementation renforcée des deepfakes pour lutter contre la désinformation et les menaces pour la sécurité.

Enfin, plusieurs solutions ont été développées par les grands acteurs du numérique pour détecter et lutter contre les deepfakes, comme le Deepfake Detection Challenge de Facebook, AWS, Microsoft et Partnership in AI, ainsi que la plateforme InVID pour aider les journalistes à détecter les vidéos truquées.

Désormais, il est obligatoire de préciser si un contenu est Deepfake ou non.

Cependant, cette réglementation pose également des défis en matière de liberté d’expression et de droits de la personne, la ligne entre manipulation de contenu malveillant et parodie étant souvent floue.

Ce qui importe donc le plus est d’être conscient que les réseaux sociaux ne sont pas la vraie vie…

Chirel Darmouni.

Sources

WeChat, l’application totale

En 2022, 1,3 milliards de personnes utilisent l’application de messagerie WeChat. Parmi ces utilisateurs, deux tiers sont localisés en Chine0. Sur l’App Store, l’application se présente comme représentant un véritable « style de vie » à part entière.

Créée en janvier 2011, WeChat est à l’origine une application mobile de messagerie textuelle et vocale. Le groupe Tencent, son créateur, est qualifiable de « géant chinois du numérique ». Dès 1998, le groupe lance la messagerie instantanée qui deviendra la plus populaire de Chine : OICQ, un clone d’ICQ (une messagerie développée en 1996 par Mirabilis, une entreprise israélienne), renommé par la suite QQ pour prévenir d’une déconvenue juridique. Les services en ligne gérés par Tecent s’étendent des réseaux sociaux aux jeux-vidéos, en passant par les services bancaires, du streaming vidéo, et aujourd’hui le cloud et l’intelligence artificielle. Avec Alibaba et Baidu, Tencent est l’une des plus grandes entreprises chinoise travaillant dans le numérique. Elle est la plus valorisée du pays en 2022, à 375 milliards d’euros1.

WeChat tient son nom de Weixin, qui signifie « micro-message » en chinois2. L’objectif de sa création est de créer un concurrent de Whatsapp, déployable en Chine. Avec le temps, des fonctionnalités ont été ajoutées, et l’application est désormais irréductible à un système de messagerie. On pourrait imaginer une comparaison avec Line pour le Japon, Kakao Talk pour la Corée du Sud, Facebook ou Instagram pour l’Europe et l’Amérique. Mais l’application développée par Tencent s’étend au-delà de ces utilisations. Aujourd’hui, WeChat est indispensable au fonctionnement de la société chinoise. Si WeChat peut apparaître grossièrement comme une pâle copie de différents médias sociaux majoritairement utilisés en occident, c’est que l’on sous-estime le modèle pris peu à peu par l’application, entre complexité, omniprésence et presque-monopole sur le territoire chinois.

Lorsque Tencent développe QQ, elle ne prévoit pas immédiatement son adaptation mobile. Similaire à MSN, la messagerie commercialisée par Microsoft à partir de 19953, QQ s’utilise sur PC. Il a donc fallu adapter QQ aux services de téléphonie et aux mobiles, et lancer WeChat.

Mais alors, pourquoi WeChat s’est-elle immédiatement positionnée comme une messagerie mobile idéale pour les citoyens chinois ? Elle est le précurseur d’une technologie répondant parfaitement à un certain besoin des Chinois au moment de son déploiement : la messagerie vocale. En effet, les répondeurs n’existent alors pas chez les opérateurs chinois, ce qui obligent systématiquement les citoyens à appeler directement ou à écrire. Or, le mandarin permet difficilement une communication écrite, de par l’utilisation d’idéogrammes. L’adapter sous forme de clavier est difficile4, car la prononciation et le ton a un impact sur la signification d’un mot. Alors, les messages vocaux intégrés à la messagerie instantanée répondent à cette problématique, et permettent à WeChat de s’implanter rapidement dans le quotidien des Chinois, et ce dès 2011.

En 2012, WeChat met en place la possibilité de s’identifier via un QR Code, qui devient un identifiant numérique à scanner. L’application décide également de développer l’aspect social : elle lance la fonctionnalité « moments », qui permet aux utilisateurs de de partager des images, des liens ou des mises à jour avec des légendes. On peut ensuite y réagir, les liker, les commenter, et même partager des moments vidéo éphémères comme via les storys Instagram dès 2018. Mais WeChat ne met pas en place ces fonctionnalités de façons à étendre au maximum les réseaux humains (et donc sociaux) de ses utilisateurs : on ne peut ajouter une personne sur WeChat que si le contact nous a été transféré par un ami commun. L’autre possibilité est celle de scanner le QR Code affilié au compte d’un utilisateur directement sur son téléphone, et pour cela il faut être à proximité directe. On comprend donc la volonté de créer un réseau social dont les liens sont étroits, recréant en ligne une forme de sphère privée5.

La fonctionnalité official account, elle-aussi instaurée en 2012, permet à WeChat d’obtenir une dimension informative : des acteurs journalistiques, institutionnels, commerciaux, touristiques, scolaires, peuvent envoyer des messages push aux utilisateurs, et ainsi communiquer sur leurs actualités, informer, mais aussi transmettre des messages publicitaires. WeChat devient un média d’information, qui s’impose comme le 1er de Chine dès 2016, d’après « The 39th China Statistical Report on Internet Development »6, publié par le China Internet Network Information Center en 2017. Cependant, les acteurs privés ne sont pas les seuls à pouvoir utiliser la fonctionnalité official account. Les utilisateurs influents deviennent alors eux aussi producteurs de contenu médiatique.

WeChat Pay est instauré en 2013, et constitue un porte-monnaie électronique. Le fait d’instaurer un service de paiement déploie un nouvel aspect de l’application : elle inclut désormais l’acte marchand. Son but est de se diffuser dans tous les aspects quotidiens de Chine. Ceux qui ne trouvaient pas d’intérêt à utiliser un média social ou informationnel se voient contraints d’utiliser eux-aussi l’application, afin de pouvoir payer dans certaines circonstances. WeChat Pay est accepté dans toutes les boutiques de Chine, et même dans de grands magasins à l’étranger (tels que le BHV Marais ou les Galeries Lafayette à Paris). Le système des « enveloppes rouges » permetd’envoyer de l’argent virtuellement, dans le cadre de la tradition chinoise des hongbao, les étrennes échangées lors du nouvel an chinois. Désormais, ces enveloppes circulent toute l’année, pour faire circuler des sommes d’argent. Certains espaces de consommation ou lieux n’acceptent plus les paiements en espèces, le paiement dématérialisé via WeChat s’impose petit à petit, même chez les plus âgés qui se doivent alors d’être présents sur l’application. Seule AliPay, le système de paiement développé par Alibaba Group en 2004, tente de concurrencer WeChat Pay, mais il n’a pas la force qu’à WeChat en étant déjà intégré à une application complète.

Média social, d’information, service de paiement et d’identification, WeChat ne cesse de se déployer au sein de la société chinoise et est devenu un écosystème construit et structuré. Au-delà de sa propre structuration, WeChat est lui-même structurant pour les citoyens chinois, car c’est par lui que la quasi intégralité des actions numériques effectuées dans la journée vont passer. On peut désormais, via l’application, faire presque tout ce que l’on peut retrouver sous forme de service numérisé dans la vie quotidienne : effectuer des démarches administratives, acheter un billet de train ou un ticket de cinéma, commander un repas ou un taxi ou encore envoyer des mails professionnels à l’étranger. L’application constitue une aujourd’hui une agrégation des services7 : elle contient des « mini-programmes », des applications dans l’application elle-même8. Les entreprises externes à WeChat peuvent donc s’y retrouver pratiquement intégrées.

L’agrégation des services mis en place par WeChat crée une forte dépendance. Regroupant toutes les interactions sociales, les informations mais également les paiements et les aspects administratifs, WeChat se positionne comme une plateforme « totale ». En Chine, elle est utilisée pour tout, et par tous. Cette omniprésence centralise l’entièreté des données collectées sur les utilisateurs, et donc sur les citoyens chinois : ce qu’ils font et comment ils le font, qui ils fréquentent, ce qu’ils mangent, leurs habitudes de consommation, de déplacement, et de paiement. Or, dans sa chartre d’utilisation9, WeChat précise qu’il ne chiffre pas toutes les données collectées : l’application souhaite être en mesure de les « collecteur, utiliser, stocker et partager ».

Le réseau unique et structuré constitué par Tencent permet au gouvernement chinois de maîtriser l’organisation sociétale. S’il est un besoin de censure, de régulation, ou de transmission d’information, le Parti Communiste Chinois est en mesure d’agir directement sur tous ses citoyens par le biais de WeChat10. En plus d’avoir, par son intermédiaires, accès aux habitudes et aux pratiques de chacun. Toutes les applications mobiles et les mises à jour effectuées par le groupe sont soumises à l’État chinois avant leur mise en service, et ce depuis 202111. Depuis 2015, le géant chinois du numérique Tencent est autorisé par le gouvernement à développer un système de notation des citoyens, donc de crédit social12. L’entièreté des données fournies par WeChat constitue une base extrêmement précise d’informations sur les comportements, et donc d’évaluation potentielle. 

Le contrôle social exercé par le gouvernement chinois s’effectue tant via WeChat que dans la vie réelle. En d’autres termes, ce qui se passe sur WeChat en Chine affecte immédiatement les conditions de vie d’un de ses utilisateurs. Si l’État considère qu’un individu est problématique, il peut par exemple agir en supprimant son compte WeChat. Et, avec celui-ci, les sommes d’argents présentes sur le compte bancaire en ligne relié à WeBank, ou reçues lors des transitions WeChat Pay13. Cette suppression de compte peut également couper le citoyen de ses communications professionnelles, médicales et administratives. De la même façon, enlever de son propre cercle WeChat quelqu’un de problématique aux yeux du gouvernement ou s’étant simplement mal comporté, est désormais valorisé via le crédit social. Par tous les temps et en tous lieux chinois, WeChat est ainsi devenu le lien quasi-direct entre ceux qui contrôlent et surveillent la population chinoise, et ceux qui doivent se contenter de la constituer.

David Butow/Corbis via Getty Image

De MySpace à TikTok : les réseaux sociaux comme un eldorado de la promotion musicale

À l’ère du numérique, les médias sociaux font désormais partie intégrante de l’industrie musicale. Ce n’est plus un secret que les réseaux sociaux sont devenues un élément essentiel du marketing pour la promotion de la musique des artistes. Le premier réseau social lancé en 2003, MySpace, a d’ailleurs été construit sur la musique: de nombreux artistes ont utilisé cette plateforme pour promouvoir leur musique, partager des clips audio et vidéo, ou pour se connecter avec des fans et d’autres artistes. Le réseau est même devenu un élément clé de la promotion musicale à l’époque, avec des artistes tels que Arctic Monkeys, Adele, ou encore Lily Allen, qui ont été découverts grâce à la plateforme.Cependant, à mesure que les réseaux sociaux ont évolué, MySpace a été supplanté par des plateformes plus modernes, comme Facebook, Youtube, Instagram ou bien Twitter, qui permettent aux artistes d’atteindre de nouveaux publics et promouvoir leur musique plus efficacement que jamais. Aujourd’hui, c’est TikTok, qui reprend la place de l’outil de marketing puissant pour l’industrie musicale. Dans cet article, nous allons ainsi explorer la façon dont le secteur de la musique s’appuie sur les réseaux sociaux pour la promotion. 

Se faire connaître et développer la fanbase

La première chose à considérer est la façon dont ils peuvent être utilisés comme outil de communication pour les artistes. Les médias sociaux leur permettent de partager leur travail avec des fans potentiels en temps réel: ils peuvent obtenir un retour immédiat de la part de ceux qui écoutent ou regardent leur contenu en ligne. Les artistes nouent ainsi des relations avec les auditeurs, ce qui peut se traduire par une augmentation des ventes à terme – un élément clé de toute campagne de promotion réussie. De nombreuses fonctionnalités existent aujourd’hui sur les réseaux sociaux pour développer une communauté, comme les streamings en direct sur Instagram, Tiktok ou Twitch, où les fans peuvent s’impliquer directement en interagissant via des fonctions de chat. Par exemple, Adele a organisé son tout premier live “Q&A” sur Instagram, ou elle répond aux questions de ses fans pour la sortie de son album “30” en 2021: certains extraits font encore du bruit aujourd’hui!

Avant une sortie de projet, il est quasiment indispensable de “teaser” ce dernier sur les réseaux sociaux. En effet, de nombreux artistes publient des courts extraits sur les plateformes pour susciter l’intérêt; ces clips donnent juste assez d’informations sur le matériel à venir pour que les auditeurs soient intrigués – créant ainsi une anticipation autour des futurs projets. Par exemple, en 2020, le rappeur français Laylow sortait Trinity, un album qui a été vendu à plus de 10 000 exemplaires en première semaine: un résultat spectaculaire pour un artiste encore émergent à l’époque. Cette ascension fulgurante dans l’industrie musicale peut être expliquée par sa musique novatrice mais également par sa stratégie de marketing efficace. Celle-ci reposait sur la création d’une image forte et cohérente sur les réseaux sociaux qui se décline à travers sa musique, ses visuels, et ses collaborations artistiques. Ses clips recherchés publiés sur Youtube étaient l’un de ses principaux moyens de communication, qu’ils mettaient en avant sur ses réseaux sociaux via de courts extraits. Pour Trinity, il a procédé à un séquençage de la sortie des clips qui suit la logique de l’album. 

Trinityville – Laylow

Les médias sur les plateformes de réseaux sociaux  jouent également un rôle important dans la promotion de la musique, qui délivre des courts interviews d’artistes, ou promeut tout simplement la sortie d’un projet. On peut citer des médias digitaux, sur Instagram et Twitter comme Antidote, les Inrocks, Camino TV ou bien Raplume. 

En outre, les services de streaming tels qu’Apple Music et SoundCloud ont permis aux labels indépendants ou aux groupes non signés qui ne bénéficient pas du soutien d’une grande maison de disques, d’accéder à une exposition sans précédent grâce à des algorithmes spécialement conçus pour découvrir de nouveaux talents (ce qui n’était pas le cas il y a encore peu de temps). Les artistes émergents ont maintenant des opportunités disponibles sans coût, autre que le temps investi dans la création d’un contenu de qualité – leur permettant d’avoir un plus grand espace dans ce marché compétitif. On peut citer de nombreux talents connus grâce à Soundcloud, comme Jorja Smith, en passant par Billie Eilish ou bien Lil Uzi Vert. 

TikTok ou bien la nouvelle star de la promotion musicale

TikTok est une plateforme de médias sociaux permettant aux utilisateurs de créer et partager de courtes vidéos courtes. Lancée en 2016, l’application a connu une croissance exponentielle pour atteindre plus d’un milliard d’utilisateurs actifs mensuels dans le monde entier. Les utilisateurs de TikTok se prêtent à des vidéos de danse, lip sync ou bien des challenges, avec un audio souvent tiré de chansons tendances. Pour l’industrie musicale, TikTok est devenu un moyen puissant de promouvoir la musique et de lancer des artistes. Les chansons qui deviennent virales sur TikTok sont souvent propulsées au sommet des classements des charts musicaux, grâce à l’énorme audience de la plateforme. De nombreux artistes américains tels que Doja Cat ou bien Megan Thee Stallion ont tous connu une croissance rapide de leur popularité grâce à des musiques qui sont devenues populaires sur TikTok, notamment pendant la période de Covid. Des challenge de danse autour de sa chanson « Savage” de Megan Thee Stallion ou « Say So » de Doja Cat ont été crée et repris par de nombreux fans.

Say So – Doja Cat

Les maisons de disques et les promoteurs peuvent utiliser TikTok pour lancer des campagnes de marketing ciblées. L’application propose des services spécialisés tels que le suivi analytique, la conception de profils personnalisés, des campagnes promotionnelles ou bien des conseils en matière d’image de marque. Les artistes peuvent faire appel à des influenceurs ou à des célébrités très suivies sur diverses plateformes afin de faire connaître les prochaines sorties ou les événements liés à l’œuvre d’un artiste particulier. Cette méthode peut s’avérer très efficace, car elle permet à ceux qui n’ont peut-être pas eu l’occasion d’écouter la musique de l’artiste de découvrir ce qu’il crée de manière organique, tout en augmentant sa visibilité auprès des fans qui le connaissent déjà bien ! 

En conclusion

Les réseaux sociaux sont ainsi le nouvel eldorado de la promotion musicale pour les artistes. Tout bien considéré, il est clair que les plateformes jouent un rôle vital dans les stratégies de promotion modernes, et le fait d’avoir des profils actifs sur plusieurs réseaux est aujourd’hui presque incontournable pour  promouvoir votre musique. Si vous ne l’avez pas encore fait, c’est le moment idéal pour commencer à construire votre présence en ligne aujourd’hui.

Artemia S.

Les nouvelles sources d’informations sur les réseaux sociaux : l’exemple d’HugoDécrypte

En 2015, alors qu’il est en première année à Sciences Po, Hugo Travers, dit HugoDécrypte, crée sa chaîne YouTube, qu’il présente comme un média qui se veut ouvert aux jeunes et informatif via un traitement journalistique de l’actualité. 6 ans plus tard, il est à la tête d’une entreprise de 25 employés postant quotidiennement des condensés d’actualités sur TikTok, Instagram, Twitch, Snapchat, Twitter et même Spotify sous format audio. Aujourd’hui, son média semble avoir conquis les jeunes audiences sur les réseaux sociaux, alors que de nombreux médias s’interrogent sur la façon dont ils pourraient capter ce public réputé fragile et désintéressé.

De nouvelles formes d’information

A seulement 25 ans, le média HugoDécrypte compte à ce jour 1305 publications sur Instagram pour 2.5 millions de followers, 1400 vidéos sur Youtube pour 1.89 million d’abonnés et 266 millions de likes sur TikTok, pour 4.2 millions de followers. Le média est devenu le media par excellence sur les réseaux sociaux. 

Le média HugoDécrypte s’engage à rendre accessible n’importe quel sujet au plus grand nombre. Ce principe de vulgarisation permet à un jeune de 14 ans de comprendre et de s’intéresser à des sujets d’actualité. Sur le fond, un sujet pourra donc tout autant intéresser un adolescent que quelqu’un qui maitrise déjà le sujet.

Le concept de la chaîne est simple : Hugo décrypte l’actualité et les sujets de société qui intéressent les jeunes, en utilisant des exemples concrets et des images pour illustrer ses propos. Ses vidéos sont courtes, souvent moins de dix minutes, et vont droit au but. Il aborde des sujets variés, allant de la politique aux nouvelles technologies, en passant par les enjeux environnementaux ou encore les phénomènes de société.

La force du média est la compréhension des stratégies et enjeux propres à chaque réseau social. Chaque réseau à ses codes, son public est ses modes d’utilisation. Le média propose une réflexion stratégique sur les contenus qui seront diffusés. Sur Youtube, on retrouve les « Actus du jour » (entre 10 et 15 minutes d’infos par jour) ainsi que des reportages. Le vidéaste détient également une chaine secondaire à 900K abonnés sur lesquels il poste des grands formats, reportages, débats… Sur Instagram, il privilégiera des formats écrits (carrousels) intuitifs et visuels ainsi, que des courts extraits pour les Reels. Sur TikTok, il postera des formats courts et impactants. Le média compte également un compte Twitter et une chaîne Twitch sur laquelle Hugo anime un talk-show tout les mercredis.

Enfin, le fait de passer par ces canaux d’information renforce le degré de transparence entre le média et les consommateurs. Le manque de transparence sur la manière dont les médias traditionnels diffusent les informations leur est souvent reproché. Chez HugoDécrypte, les personnes qui suivent le média peuvent facilement faire un retour sur les contenus. Cela participe au maintien de la confiance envers le média.

Capter un public jeune et défiant par l’horizontalité 

Selon le 35ème baromètre de confiance dans les médias publié en janvier 2022 par Kantar & La Croix, la rupture entre la jeunesse française et les supports de radio, de télévision et de presse écrite s’accroît chaque année. Chez les 18-24 ans, l’intérêt pour l’actualité a chuté de 51 % à 38 % en l’espace d’un an. Cette jeune population estime également que certains sujets qui leur sont chers n’ont pas été assez traités par les médias traditionnels (comme le dérèglement climatique par exemple).

Ainsi, dans un contexte compliqué où l’actualité est négative, les 18-25 ans s’intéressent de moins en moins aux médias dits « traditionnels ». C’est là que les nouveaux médias, tels que HugoDécrypte, prennent de l’importance en s’implantant sur les réseaux sociaux où les jeunes se trouvent déjà. Ce qu’il représente correspond parfaitement à ce que les jeunes recherchent : des informations rapides, concises et expliquées par une personne sympathique de 25 ans. Alors que la fiabilité de l’information sur les réseaux sociaux était la principale source de méfiance, HugoDécrypte change la donne en se présentant comme fiable, transparent et pluraliste. Sa stratégie marketing est efficace; son public ressent une proximité et une spontanéité, alors que tout est en réalité minutieusement préparé. Selon Hugo Travers, le succès de son média repose sur la confiance mutuelle avec les internautes. En somme, cela pourrait être notre « pote ». Un « pote » que l’on peut peut retrouver sur la chaîne de Squeezie le lundi, puis sur sa chaîne le mardi en train d’expliquer le conflit israélo-palestinien.

Cette nouvelle façon de penser les médias, sur les réseaux sociaux, se caractérise par une approche horizontale. Contrairement aux médias traditionnels où l’information est diffusée de manière verticale, avec des experts et des journalistes diffusant l’information vers le public, les médias sur les réseaux sociaux impliquent davantage les utilisateurs dans la production et la diffusion de l’information. Les réseaux sociaux permettent une interaction directe entre les producteurs et les consommateurs, offrant ainsi une approche plus démocratique et collaborative. Cette approche permet aux utilisateurs de partager leur point de vue, de poser des questions, de discuter et d’interagir avec les autres utilisateurs, créant ainsi une communauté d’intérêts autour du média et une nouvelle façon de s’informer. Bien que l’envie de transparence et de dialogue entre un média et sa communauté ait toujours existé, elle s’est longtemps heurtée à un modèle de diffusion descendant où le média transmettait l’information et le public la recevait. Avec l’avènement des réseaux sociaux, il y a davantage d’horizontalité dans les échanges. 

Un virage à emprunter pour les médias traditionnels

Ainsi, si l’on suit le modèle à succès d’HugoDécrypte, la digitalisation des contenus proposés est primordiale à la survie des médias traditionnels. Depuis quelques années, on observe ainsi la transition des médias traditionnels vers les réseaux sociaux. Même si les médias traditionnels ne sont pas voués à disparaître, de plus en plus investissent les réseaux sociaux. Par exemple, le Monde a très rapidement proposé ses contenus sur les réseaux sociaux : Snapchat, Youtube, Facebook Instagram et plus récemment TikTok. Aujourd’hui, Le Monde compte 1.7m de followers sur Instagram, 1.54m d’abonnés sur YouTube et 800k followers sur TikTok. Dès lors, celui-ci s’ancre dans l’esprit des jeunes de 18-25 ans comme un média moderne et dans l’ère du temps.

Les médias traditionnels comme la télévision, la radio et les journaux ont des relations complexes avec l’utilisation du big data et la façon dont l’information est numérisée. Cela est dû aux opportunités de croissance que cela peut apporter mais également au chamboulement de leur business model. Tout cela a un impact sur la façon dont l’information est produite, consommée et payée.

Avec l’avènement des réseaux sociaux, la transition vers une nouvelle façon de fonctionner pour les médias est devenue presque nécessaire. Les médias doivent s’adapter à cette nouvelle réalité pour continuer à être pertinents et atteindre leur public. Cela implique des changements dans la façon dont ils produisent, diffusent et monétisent l’information.

Jean Pisanté


Bibliographie

Léa Iribarnegaray (20 Octobre 2020): « HugoDécrypte » et sa petite entreprise. LeMonde.fr. https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/09/22/hugo-decrypte-et-sa-petite-entreprise_6095649_4401467.html

Astrid-Edda Caux et Rita Faridi (12 Octobre 2018): HugoDécrypte en long, en large, et en Travers. La Péniche. https://www.lapeniche.net/hugodecrypte-en-long-en-large-et-en-travers/

Kati Bremme (20 Janvier 2022): Baromètre Kantar-La Croix : les médias attendus comme acteurs de la démocratie. Méta-Média.fr. https://www.meta-media.fr/2022/01/20/barometre-kantar-la-croix-les-medias-attendus-comme-acteurs-de-la-democratie.html

Léa Iribarnegaray (05 avril 2022): Jean Massiet, HugoDécrypte, « Brut »… Comment de nouveaux producteurs d’infos captent les jeunes sur les réseaux sociaux. LeMonde.fr. https://www.lemonde.fr/campus/article/2022/04/05/jean-massiet-hugodecrypte-brut-comment-de-nouveaux-producteurs-d-infos-captent-les-jeunes-sur-les-reseaux-sociaux_6120599_4401467.html

Randa El Fekih (25 janvier 2023): Hugo Travers : « Seuls les médias qui réussiront leur transition en ligne survivront ». MediaConnect.com. https://mediaconnect.com/hugo-travers-seuls-les-medias-qui-reussiront-leur-transition-en-ligne-survivront/?lang=fr

Olivier Meier (05 juillet 2022): LES MÉDIAS TRADITIONNELS FACE À LA NUMÉRISATION DE L’INFORMATION. Management&datascience. https://management-datascience.org/articles/20406/

Randa El Fekih (25 janvier 2023): Hugo Travers : « Seuls les médias qui réussiront leur transition en ligne survivront ». MediaConnect.com.

Les bulles de filtre : une influence sociale et politique ?

Parmi les nombreuses critiques récentes issues de la presse occidentale du réseau social TikTok, revient souvent l’idée que l’application du géant chinois Byte Dance favoriserait la création de bulles de filtre, et ce bien plus que ses concurrents comme Facebook, Instagram, Twitter ou même LinkedIn.

L’existence des bulles de filtre

Concept souvent répandu au sein des presses presque lobbystes « anti réseaux sociaux » mais finalement assez peu démontré, la bulle de filtre est décrite par Eli Rider comme « l’état dans lequel se trouve un internaute lorsque les informations auxquelles il accède sur Internet sont le résultat d’une personnalisation mise en place à son insu ».

Ainsi, en utilisant diverses données collectées sur les utilisateurs, des algorithmes déterminent les contenus qui leur seront accessibles. L’expression « bulle de filtres » illustre l’isolement résultant de ce mécanisme : chaque utilisateur navigue dans une version unique du web, adaptée à ses préférences et créant donc une « bulle » personnalisée.

Stratégies d’audience et algorithmes

En conséquence de leurs modèles d’affaires centrés sur le contenu et la data, les grandes entreprises d’internet développent des stratégies d’audience reposant sur la hiérarchisation des pages web dictée par l’implémentation d’algorithmes, comme le Page Rank de Google, qui offre plus de visibilité aux pages les plus citées, liées et commentées. Et l’on retrouve également ces mêmes types de stratégies sur les réseaux sociaux.

Dans A quoi rêvent les algorithmes ? , Dominique Cardon explique que « les calculateurs reproduisent l’ordre social ».

Ces algorithmes trient et hiérarchisent les informations, sans que l’on sache précisément leurs composantes techniques. Ces actions ont des visées commerciales, en présentant aux utilisateurs des publicités adaptées à leur profil. On assiste donc à une « personnalisation » de l’information.

De plus, les algorithmes renforcent la culture du « winner takes all » : grâce aux recommandations, plus un contenu est vu, plus il sera suggéré à d’autres utilisateurs. Celui-ci entre alors dans un cercle vertueux (ou vicieux ?), au détriment des autres contenus qui sont complètement négligés. C’est pour cette raison que les algorithmes ont tendance à rendre certaines informations invisibles. Et ces derrière ces deux concepts que se cache celui de la chambre d’écho, au cœur du débat sur les bulles de filtre. Cette notion fait référence à l’idée que les réseaux sociaux, en créant un environnement cognitivement homogène, nous renvoient une image emprisonnant de nous-mêmes, validant ainsi nos opinions et croyances préexistantes et annihilant notre libre arbitre.

Renforcement de l’entre-soi idéologique et fragmentation de la réalité sociale

Ce constat un tant soit peu dramatique est susceptible d’entraîner des conséquences directs sur la politisation des individus. L’entre-soi idéologique serait donc favorisé par Internet et plus particulièrement par les réseaux sociaux. Les forums tels que « jeuxvideo.com » sont connus pour abriter une communauté d’extrême droite ou de droite radicale, créant une chambre d’écho où ces idées sont renforcées. Les utilisateurs opposés à ces idéologies évitent généralement ce site, ce qui explique le faible nombre de signalements. En revanche, Facebook et Twitter rassemblent des communautés et opinions diverses, ce qui peut entraîner des confrontations idéologiques et plus de signalements de contenus discriminatoires. De plus, les algorithmes de recommandation sur des plateformes comme Instagram ou TikTok maintiennent ces bulles en utilisant les traces numériques telles que les likes, les re-visionnages ou les commentaires sur du contenu d’extrême droite par exemple. Le contenu suivant sera alors influencé par ces traces. Cela conduit à une information biaisée, concentrée sur des thématiques réactionnaires, identitaires, racistes ou xénophobes.

En fin de compte, les individus se retrouvent dans une réalité fragmentée, contribuant ainsi à la segmentation de la société. Les groupes sociaux continuent d’exister sur Internet et l’idée d’un internet en dehors du monde est illusoire. Les nouvelles technologies ne modifient pas fondamentalement les rapports sociaux hors ligne. Les conflits et dynamiques sociales existent indépendamment de l’Internet. Les individus ont une existence sociale qui dépasse le contexte en ligne et leur comportement sur Internet est souvent influencé par leur réalité sociale et leur identité en dehors de la sphère numérique. Cependant, cette existence sociale est renforcée par ces réseaux. Pendant les années 2015 et 2016, marquées par une vague d’attentats terroristes en France, le nombre de signalements de contenus haineux en ligne a connu une augmentation significative. Les catégories de contenus les plus signalées étaient celles impliquant des « provocations publiques à la haine et la discrimination raciale, ethnique ou religieuse », des « apologies de crimes de guerre et contre l’humanité », ainsi que des « injures ou diffamations xénophobes ou discriminatoires ».  Cette corrélation entre les événements majeurs tels que les attentats et l’augmentation des signalements démontre en partie que les réseaux sociaux peuvent refléter voire amplifier les phénomènes sociaux qui se produisent à l’extérieur comme en témoigne l’augmentation des rixes mortels entre jeunes dans les quartiers populaires.

Au-delà des limites des bulles de filtre : la démocratisation de l’espace public

Ce constat ne doit cependant pas devenir dogmatique car Internet reste selon Dominique Cardon un des meilleurs moyens de démocratisation  de l’espace public. Dans La démocratie Internet, Internet est décrit comme le moyen d’un élargissement de l’espace public, favorisant sa démocratisation. L’auteur soutient que l’apparition de nouveaux acteurs dans l’espace public a entraîné la levée des obstacles qui bloquaient l’accès à la parole, et a multiplié des formes des expressions publiques plus subjectives, personnelles et privées via les réseaux sociaux.

« Internet pousse les murs de l’espace public, tout en enlevant le plancher ».

Internet a bouleversé la hiérarchie des émetteurs de savoir et de vérité, autrefois presque incontestable dans les médias de masse traditionnels. Aujourd’hui, l’autorité ne repose plus uniquement sur quelques institutions médiatiques établies, telles que les journaux, les chaînes de télévision et les radios. Internet a permis à n’importe qui de devenir un émetteur potentiel de savoir et d’informations. Les plateformes en ligne, comme les blogs, les réseaux sociaux et les sites web indépendants, offrent à chacun la possibilité de partager ses idées, opinions et connaissances avec un public potentiellement mondial. Cette démocratisation de la production de contenu a donné lieu à une multitude de sources d’information accessibles aux individus, renforçant en théorie l’idée de neutralité globale des réseaux. Cela remet en question les médias de masse, les nouveaux médias étant perçus à différents moments comme une avancée, une libération des formes de communication traditionnelles, favorisant une meilleure interconnexion entre les individus et un nouveau lien social.

Fractures informationnelles et polarisation du paysage médiatique

Si le marché de l’information s’est profondément transformé avec l’émergence des réseaux, les médias traditionnels restent assez consommés en particulier en France. Il semble donc intéressant d’analyser la polarisation de l’espace médiatique français pour comprendre les fractures informationnelles auxquelles contribuent les bulles de filtres des nouveaux médias.

Selon un rapport publié par l’Institut Montaigne, Bruno Patino, Dominique Cardon et Théophile Lenoir affirment que le champ médiatique en France est structuré selon un axe vertical, avec d’un côté les médias du centre et de l’autre les médias périphériques, tandis qu’aux États-Unis, il est polarisé selon un axe gauche droite horizontal. Cependant, quel que soit le pays, les réseaux sociaux proches du centre sont utilisés par une population d’individus diplômés de l’enseignement supérieur : « C’est en fait un monde social qui élargit le champ des dominants : hommes politiques, journalistes, urbains, etc. ».

Ainsi, cette polarisation se répercute sur les réseaux sociaux. Dans les médias du centre, les plus institutionnalisés, dont Twitter et Facebook sont relativement proches, la circulation de l’information fonctionne différemment que dans les espaces les plus éloignés de ce centre. Une fraction de la population se voit exclue de l’espace public prédominant où elle forge sa relation avec le monde, en s’opposant aux médias centraux. Les « fake news » résultent alors d’une opposition sociale entre le public central et le public périphérique. Pour qu’une fausse information soit crédible, elle doit être soutenue par une personne ayant une certaine autorité. Ce phénomène, appelé « blanchiment d’information » développé par Dominique Cardon, implique que des personnalités influentes légitiment cette information. Les « fake news » ne peuvent se propager que si des individus y croient, les diffusent, les ciblent et les adaptent pour les intégrer à l’agenda médiatique, souvent en créant une communauté. Les milieux d’extrême droite identitaires utilisent principalement cette tactique en diffusant des informations exagérées, manipulées ou sorties de leur contexte, renforçant ainsi les bulles de filtres et confortant leurs partisans. Et on assiste de plus en plus à un glissement dangereux de certains médias et réseaux sociaux.

Une influence palpable pour qui ?

En conclusion, Internet et les réseaux sociaux reflète nos comportements dans le monde réel en les modifiant légèrement. Si un individu évolue dans un environnement socialement homogène, fermé ou de niche comme les mouvements identitaires, la « bulle » aura une influence significative amplifiante. Nonobstant, beaucoup de progrès techniques offrent désormais la possibilité aux individus même marginalisés de retrouver leur libre arbitre par un contrôle technique des filtres.

Mais pour la majorité de la population, il est compliqué de prouver que les réseaux sociaux via les bulles de filtre emprisonnent les individus. Les réseaux sociaux formeraient en fait une multitude de communautés où les informations circuleraient entre elles via les liens faibles augmentant ainsi la neutralité. En outre, l’irrationalité psychologique des individus est telle qu’il est difficile d’affirmer avec certitude que les propositions de contenu des algorithmes exercent une grande influence sur nos comportement sociaux et politiques, pour une majorité modérée aux sources informationnelles diverses en tout cas…

Bibliographie

  • Dominique Cardon : A quoi rêvent les algorithmes ?
  • Dominique Cardon : La Démocratie d’Internet
  • Institut Montaigne : Bruno Patino, Dominique Cardon et Théophile Lenoir
  • ENS Lyon
  • Wikipédia
  • Le Monde
  • Le Bilan
  • Le Figaro
  • Radio France
  • L’Obs
  • France Culture
  • Libération
  • Le Parisien
  • Le Journal du Net
  • La Gazette des Communes
  • L’internaute

Un article écrit par Jonathan Lévy Guillain

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