Lego, Barbie, Ferrari : quand les marques font des films

Dans l’univers du cinéma, une nouvelle tendance captivante émerge, érigeant un pont entre l’art du storytelling cinématographique et le pouvoir des marques emblématiques : les films de marque. Le placement de produit prend aujourd’hui une nouvelle forme saisissante avec l’avènement de ce nouveau genre. Des maisons de couture (House of Gucci, 2021), aux fabricants de jouets (Barbie, 2023), en passant par les géants de l’automobile (Ferrari, 2023), des histoires entières prennent vie sur grand écran, étroitement tissées avec les fils narratifs des marques renommées.

Les marques et leur image : en quête d’émotions

Dans notre société de consommation, où l’individu forme son identité quasi exclusivement par l’absorption de certains biens et services, ce sont les marques qui dominent nos esprits. En plus de vendre un produit, une marque vend un certain type de message, contenant une histoire sur les qualités uniques de ses créations.

La marque agit comme un objet désirable, dont la possession est capable de satisfaire les attentes du consommateur, le rendre heureux, et devient en fait un moyen pour une personne de s’orienter dans la réalité. Ce sont la qualité et la reconnaissabilité d’une marque qui contribuent à susciter des émotions positives chez les cibles et à les fidéliser. Mais dans un contexte de sursaturation du marché, les entreprises sont appelées à rechercher de nouveaux moyens d’atteindre les consommateurs.

L’expérience est un élément incontournable de la fidélisation des clients. C’est pour cela que les marques sont nombreuses à élargir leur activité : elles construisent des parcs d’attraction (Disneyland, Ferrari World, Volkswagen Autostadt), transforment leurs usines en musées (Guinness Storehouse, Heineken Experience) ou encore créent leurs propres hôtels-boutiques (Bulgari, Armani, Versace).

Toutes ces expériences ont pour but de faire vivre aux clients des émotions marquantes et positives, pour que ces émotions s’associent par la suite avec la marque, qui devient ainsi encore plus désirable. Suivant cette logique, il n’est pas surprenant que les marques aient toujours été nombreuses à vouloir se rattacher au cinéma, une attraction offrant une large palette d’émotions susceptible d’être utilisée dans une campagne marketing.

Le placement de produit, une pratique discrète mais influente

Le placement de produit a pris racine dans l’industrie cinématographique dès les premiers balbutiements du septième art. Au cours du 20e siècle, les réalisateurs ont commencé à intégrer subtilement des produits dans leurs films, créant ainsi un lien indirect entre les marques et le public. Souvent utilisé comme source de financement pour les productions cinématographiques, le placement de produit permet de compenser les coûts de réalisation tout en offrant aux annonceurs une visibilité stratégique auprès des spectateurs.

À l’origine, le placement de produit se manifestait principalement par des apparitions éphémères d’objets de consommation dans des scènes, parfois de manière transparente pour le public, mais souvent subtilement pour éviter de rompre l’immersion narrative. Cependant, au fil des décennies, cette pratique s’est développée pour devenir une stratégie marketing plus sophistiquée.

Une nouvelle forme de placement de produit : quand le produit devient l’histoire

Le paysage du placement de produit évolue rapidement depuis sa création, et l’on observe aujourd’hui une transition vers une nouvelle forme : le film de marque. Ces œuvres cinématographiques ne se contentent plus simplement de présenter des produits, mais elles en font le pivot central de l’intrigue; les marques deviennent les acteurs principaux, tissant un récit étroitement lié à leur essence même. 

Ce concept va au-delà de la simple promotion ; il s’efforce de créer une expérience immersive où le public se plonge dans l’univers narratif de la marque. Ce glissement vers une intégration plus profonde des marques dans le récit cinématographique soulève des questions fascinantes sur l’avenir du partenariat entre le monde du cinéma et celui des marques, redéfinissant ainsi la manière dont nous interagissons avec ces dernières à travers l’art cinématographique.

En 2014, LEGO s’est par exemple lancé dans la production de son propre film d’animation en présentant ses jouets emblématiques. Les répercussions ont été très positives pour la marque, avec une augmentation des ventes de jeux LEGO à la suite du succès du film, qui s’explique par une envie des spectateurs d’explorer plus encore l’univers de la marque. Outre les produits de construction traditionnels, le film a ouvert la voie à de nouveaux produits basés sur les personnages et l’univers présentés dans l’intrigue. Cela a permis à LEGO de diversifier sa gamme de produits, y compris les jeux vidéo, les séries animées et les produits dérivés. Une communauté de fans passionnés qui partagent leur amour pour LEGO s’est développée sur les médias sociaux et les forums en ligne, renforçant ainsi l’engagement des consommateurs envers la marque.

Un effet encore plus prononcé a été suscité par le film « Barbie », sorti en 2023. Non seulement le film immerge le public dans l’univers de la poupée en rose, mais il lui présente littéralement l’administration du groupe Mattel qui parle des valeurs de la marque de manière quasi directe. Le film a suscité un gigantesque buzz médiatique, et le public tout de rose vêtu ne s’est pas fait attendre dans les salles de cinéma. De nombreuses marques ont également tenté de s’inscrire dans la tendance en faisant des collaborations avec Mattel (Zara, OPI, Nyx, Gap…). Sans surprise, les ventes des poupées ont augmenté de 20% depuis le lancement des opérations marketing. Mattel a déjà annoncé la production de films sur ses autres gammes de produits, notamment Polly Pocket, Hot Wheels et même UNO.

La maison de luxe Saint Laurent, elle, est allée plus loin. En 2023 la marque diversifie son activité en créant sa propre société de production « Saint Laurent Productions”. A présent, la marque ne se contente plus d’être représentée par des costumes portés par des acteurs, mais prend les rênes artistiques des films, lui permettant de façonner de manière intégrale chaque aspect narratif et visuel. Cette initiative offre à la marque une opportunité unique d’incarner pleinement ses valeurs à travers l’expression cinématographique.

Dans les salles de cinéma… et sur le petit écran ?

Et qu’en est-il des plateformes de streaming? Pour Hugo Orchillers, responsable des placements de produit au sein de l’agence Place To Be, avec qui nous nous sommes entretenus, le travail de placement de produit est sensiblement le même qu’il soit fait pour le cinéma ou pour une plateforme de streaming. À la différence près que les plateformes de streaming se montrent plus réticentes que les producteurs de cinéma : « Les plateformes de SVOD comme Netflix proposent du placement de produit, mais cela reste vraiment infime. Les plateformes ne veulent pas créer une régie publicitaire {…} afin de rester le plus cohérent possible avec leur discours de lancement ».

Cependant, à travers le phénomène des films de marques, il se pourrait que cette volonté soit en train d’être ajustée. En effet, des géants du streaming comme Amazon Prime collaborent eux aussi avec des marques, comme le montre la sortie du film « AIR » (2023), sur la franchise Nike. Ce film réalisé par Ben Affleck dévoile le partenariat révolutionnaire entre un Michael Jordan encore méconnu, et la division de basket chancelante de Nike, qui a changé le monde du sport et de la culture avec la marque Air Jordan.

Ainsi, le phénomène des films de marque nous prouve que le cinéma est devenu un outil marketing incontournable pour forger l’identité d’une marque, immerger le public dans son univers et lui offrir une expérience mémorable tout en stimulant les achats. Qu’ils soient diffusés en salle de cinéma ou en streaming, les films de marques sont à l’origine d’un nouveau type de marché publicitaire qui, malgré sa popularité, entraîne tout de même des vagues de critiques concernant la dénaturation du septième art au profit des annonceurs. Ainsi se crée le débat sur l’avenir du cinéma et s’ouvre la voie de recherche d’une harmonie entre créativité et commerce dans le monde artistique contemporain.

Melina MAGNE et Anna ORLOVA


SOURCES :

Le Point; « Barbie » : les ventes de poupées ont augmenté de 20% depuis la sortie du film; 08/2023

Mattel; Mattel Films and Warner Bros. Pictures Announce J.J. Abrams’ Bad Robot Will Produce Hot Wheels Live-Action Motion Picture; 2022

Europe 1; La marque de luxe Saint Laurent annonce la création d’une société de production de films; 04/2023

Luc Dupont; Placement de produit : quand le cinéma devient un terrain de jeu marketing; 09/2024

Stéphane Debenedetti, Isabelle Fontaine; Le cinémarque : Septième Art, publicité et placement des marques; 2004

Est-ce la fin des moteurs de recherche tels que nous les connaissons ?

En septembre dernier, nous fêtions les 25 ans du moteur de recherche Google. 25 ans d’hégémonie, illustrée par l’entrée du verbe “googliser” dans le Larousse en 2014 ou par les 90% de parts de marché mondiales dans le Search (Statcounter, 2023). Et aujourd’hui si quelqu’un nous demande ce qu’est un moteur de recherche, nous lui présentons Google. Mais si la célèbre entreprise règne depuis des années sur ce secteur, des évolutions récentes semblent remettre en question le monopole du moteur de recherche en offrant des alternatives innovantes et adaptées aux comportements émergents des utilisateurs.

Si l’on compare les moteurs de recherche entre eux, nulle doute que Google n’a aucun souci à se faire.
Mais si l’on regarde d’un peu plus loin, d’autres acteurs pourraient remettre en question sa posture dominante.

AMAZON : LE MOTEUR DE RECHERCHE INCONTOURNABLE POUR LES PRODUITS

En se positionnant comme le « Google des produits », Amazon a transformé la manière dont nous découvrons et achetons des produits. En utilisant des données comportementales détaillées, la plateforme offre à ses utilisateurs des recommandations de produits personnalisés. Son algorithme analyse non seulement les recherches précédentes et les achats des utilisateurs mais aussi les produits qu’ils consultent et ceux qu’ils laissent dans leur panier. Cela permet à Amazon de créer une expérience d’achat hautement personnalisée et intuitive, souvent plus attrayante que les résultats génériques proposés par les moteurs de recherche traditionnels.

Mais Amazon ne se contente pas de répondre aux requêtes des utilisateurs, l’entreprise anticipe leurs besoins. 70 % des Français commencent leur recherche de produits, toutes catégories confondues, sur Amazon plutôt que sur Google (Remazing & Appinio, 2022). En présentant aux consommateurs des suggestions ultra-ciblées, Amazon fait de la découverte de produits une expérience fluide et intuitive.

À travers cette expérience d’achat entièrement intégrée, de la recherche initiale à la transaction finale, Amazon élève les attentes des consommateurs et redéfinit les nouveaux standards de la recherche en ligne.

TIKTOK : UN MOTEUR DE RECHERCHE NOUVELLE GÉNÉRATION

TikTok est de plus en plus utilisé comme un moteur de recherche, notamment par la Gen Z.
Plus de 2 Américains sur 5 utilisent TikTok comme un moteur de recherche et 1 “Gen Zer” sur 10 préfèrera TikTok à Google pour réaliser ses recherches (Adobe Express, n.d.).

La plateforme s’écarte du modèle traditionnel des moteurs de recherche pour offrir une expérience utilisateur qui fusionne divertissement et information. Avec ses vidéos courtes et captivantes, TikTok répond aux particularités des nouvelles générations, caractérisées par des durées d’attention courtes, une préférence pour l’apprentissage visuel et une certaine défiance envers les résultats traditionnels de Google, souvent perçus comme saturés de contenus sponsorisés ou moins authentiques​​.

TikTok a également su capitaliser sur ses atouts en introduisant de nouvelles fonctionnalités, comme les suggestions de recherche en dessous des vidéos, qui exploitent l’engagement des utilisateurs pour les orienter vers des contenus connexes, enrichissant ainsi l’expérience de recherche​​. De plus, le contenu généré par les utilisateurs (User-Generated Content ou UGC) renforce l’authenticité perçue de la plateforme et crée un sentiment de confiance et de communauté parmi les utilisateurs.

Cependant, la popularité croissante de TikTok comme moteur de recherche soulève également des questions sur la qualité et la véracité des informations partagées. Contrairement aux moteurs de recherche traditionnels, qui se basent sur des algorithmes complexes pour le classement des résultats, TikTok repose sur des recommandations algorithmiques qui mettent en avant des vidéos virales ou tendances, ce qui peut parfois conduire à la diffusion d’informations non vérifiées ou biaisées.

LES IA GÉNÉRATIVES : UN NOUVEAU TERRAIN DE JEU POUR LES MOTEURS DE RECHERCHE

Lorsque les Intelligence Artificielles Génératives (IAG) ont fait leur apparition, elles ont redéfinit la notion même de recherche en ligne. Et avec elles, une course à leur intégration a débuté.

Microsoft a rapidement intégré un chatbot d’IAG dans son moteur de recherche Bing, dans le but de prendre un avantage sur Google. Cela a partiellement fonctionné : on a observé un regain d’utilisation de Bing avec plus de 100 millions d’utilisateurs mensuels, mais la part de marché mondiale du moteur de recherche est restée stable à environ 3,4%. Microsoft a donc pris de l’avance en annonçant Bing Chat début 2023. Cependant, Google a rapidement réagi avec Bard, son propre chat basé sur l’IAG.

Si les deux chatbot sont des outils puissants, Bing Chat, qui utilise le modèle de langage GPT-4 d’OpenAI tandis que Bard utilise le modèle de langage PaLM 2 de Google, semble avoir l’avantage en termes de précision, de flexibilité et de disponibilité sur différentes plateformes. Cela ne signifie pas nécessairement que Bing dépassera Google en tant que leader du search, mais cela témoigne d’une concurrence accrue dans l’intégration de l’IAG au sein des moteurs de recherche.

FINALEMENT, QUEL AVENIR POUR LES MOTEURS DE RECHERCHE ?

Si l’on pourrait penser qu’il s’agit de la fin de l’hégémonie de Google, Bing ayant pris de l’avance sur les IAG et les réseaux sociaux constituant des concurrents de taille face aux nouveaux comportements des consommateurs, Google n’a pas dit son dernier mot.
En mai dernier, lors de sa conférence annuelle, Google a présenté une nouvelle version de son moteur de recherche en introduisant la SGE.

Avec la Search Generative Experience (SGE), Google incorpore les capacités de l’intelligence artificielle directement dans son moteur de recherche en proposant un résumé des meilleurs résultats d’une recherche.
C’est une véritable refonte de l’interaction utilisateur qu’entreprend Google, proposant une nouvelle manière de rechercher l’information. Demander à Google « un vélo pour un trajet quotidien de 5 km » n’est plus une simple requête mais une porte ouverte sur une liste personnalisée, avec des descriptions et des avis. L’immense base de données de produits de Google s’érige en rival direct à Amazon, promettant une intégration plus fine entre la recherche et la transaction. Fini le temps des dizaines (voire centaines..) d’onglets, l’ère est à l’efficacité et à la pertinence, un coup porté directement à la nature éparpillée du contenu social.

Si Google n’est pas prêt de quitter sa première place dans le domaine du Search, l’entreprise s’apprête à lancer un raz-de-marée dans le secteur du référencement naturel (SEO). En réduisant potentiellement le besoin des utilisateurs de visiter d’autres sites Web pour s’informer, Google risque de renforcer un potentiel abus de position dominante. Si “SGE” est désormais disponible dans 7 langues et 120 pays, ce n’est toujours pas le cas en Europe. Affaire à suivre…

Laura MARIANI

BIBLIOGRAPHIE

Recherche Google – Découvrez comment fonctionne la recherche. (n.d.). Recherche Google – Découvrez Comment Fonctionne La Recherche. https://www.google.com/search/howsearchworks/

Search engine market share worldwide | StatCounter Global Stats. (n.d.). StatCounter Global Stats. https://gs.statcounter.com/search-engine-market-share#monthly-200901-202401

Sc. (2020, June 23). Amazon, premier moteur de recherche produit pour trois quarts des Français – Stratégies. Stratégies. https://www.strategies.fr/actualites/marques/4045644W/amazon-premier-moteur-de-recherche-produit-pour-trois-quarts-des-francais.html

Adobe Express. (n.d.). Using TikTok as a search engine | Adobe Express. https://www.adobe.com/express/learn/blog/using-tiktok-as-a-search-engine

Perez, S. (2022, July 12). Google exec suggests Instagram and TikTok are eating into Google’s core products, Search and Maps. TechCrunch. https://techcrunch.com/2022/07/12/google-exec-suggests-instagram-and-tiktok-are-eating-into-googles-core-products-search-and-maps/?tpcc=tcplustwitter

Southern, M. G. (2022, June 17). Could TikTok be a search engine? For many users, it already is. Search Engine Journal. https://www.searchenginejournal.com/could-tiktok-be-a-search-engine-for-many-users-it-already-is/452871/

Comarketing-News. (2019, October 18). Amazon est désormais le premier moteur de recherche des acheteurs. https://comarketing-news.fr/amazon-est-desormais-le-premier-moteur-de-recherche-des-acheteurs/

Remazing. Appinio. (2022). Enquête sur les acheteurs Amazon. https://www.appinio.com/fr/blog/insights/comportements-achats-amazon

Cunningham, A. (2024, January 19). Bing Search shows few, if any, signs of market share increase from AI features. Ars Technica. https://arstechnica.com/ai/2024/01/report-microsofts-ai-infusion-hasnt-helped-bing-take-share-from-google/

Google I/O 2023. (n.d.). https://io.google/2023/intl/fr/

Grattepanche, M. (2023, August 11). Le nouveau moteur de recherche Google utilise l’IA générative. Abondance. https://www.abondance.com/20230511-53215-nouveau-moteur-de-recherche-google-ia-generative.html

Comment la TVOD réussit-elle à se démarquer face à l’explosion de la SVOD ?

La vidéo à la demande (VOD) a révolutionné la manière dont nous consommons des contenus audiovisuels, dépassant pour la première fois en 2023 la consommation de contenu de façon linéaire (53% des contenus audiovisuels sont aujourd’hui consommés de manière délinéarisée contre 47% en linéaire*). Ce mode de consommation offre en effet une flexibilité sans précédent dans le choix et l’accès à des films, des séries et autres programmes. Pour rappel la VOD se divise en 2 modèles différents : la VOD à l’acte (TVOD), c’est à dire la location ou l’achat (EST) d’un contenu, permettant de le visionner moyennant un paiement unique, et la VOD par abonnement (SVOD), offrant un accès illimité à une bibliothèque de contenus moyennant un abonnement mensuel. Depuis la crise sanitaire, les plateformes de SVOD n’ont cessé de se développer jusqu’à aujourd’hui représenter plus de 88% du marché de la VOD**. Pour autant, la TVOD n’est pas à négliger puisque dans l’achat de contenu audiovisuel, elle s’est pour la première fois en 2022* imposée face au chiffre d’affaires des ventes de vidéo physique. Ainsi comment la TVOD réussit-elle à se démarquer face à l’explosion de la SVOD ?

Il est important dans un premier temps de préciser qu’au sein de la TVOD, Les dynamiques sont en train d’évoluer, en effet, même si la location représente encore 66,1 % du marché de la TVOD, contre 33,9% pour l’EST**, on assiste petit à petit à un développement de l’EST, puisqu’en 2023, on observe une hausse de 8,3% de ce marché, contrairement à la location qui elle stagne voire est en légère baisse (-0,3%)* 

De plus, lorsque l’on s’intéresse plus précisément aux contenus consommés par les utilisateurs de TVOD, on peut voir que même si les contenus audiovisuels (fictions et animation) représentent la majeure partie des contenus disponibles (69%)**, les contenus les plus consommés sont les films et les DTV (notamment les films américains), qui totalisent 207,4M€ de chiffre d’affaires en 2022**. Ce qui peut sans doute s’expliquer par le côté plus attractif des contenus cinématographiques.

De plus, la TVOD est le catalogue de contenu disponible le plus exhaustif qui existe aujourd’hui. En effet, en 2022, 82 497 références étaient actives en TVOD (location et vente), contre 75 989 en 2021 (+8,6 %)**. Cela prouve que ce catalogue continue de s’étoffer au fil des années avec notamment les films et contenus audiovisuels de l’année en cours mais également des films de patrimoine restaurés par exemple. Cela permet ainsi au consommateur de visionner le film qu’il souhaite immédiatement sans être dépendant des catalogues des plateformes de SVOD qui acquièrent et perdent les droits des contenus très fréquemment. La TVOD a également l’avantage de proposer des contenus dits “frais” (6 premiers mois de l’édition vidéo.)

En effet, grâce à la chronologie des médias, la TVOD est la première façon de voir un film après sa sortie cinéma. Ainsi l’exclusivité incite les consommateurs à acheter le film. Cela a cependant l’inconvénient d’être étroitement lié aux succès des films en salle. En effet, lorsque l’on regarde le top 5 des contenus les plus achetés en VOD en 2022, 4 de ces films faisaient partie du top 5 box office de l’année 2022**. Ainsi il est arrivé que le manque de succès et plus généralement de films en salles engendre une baisse importante de la TVOD, comme ce fut le cas en 2021 lors de la crise sanitaire. Malgré tout, cette exclusivité est un argument de taille qui permet encore aujourd’hui à la TVOD de perdurer face au modèle de la SVOD voire de se développer à petit pas d’année en année  

L’un des derniers avantages de la TVOD est qu’au contraire des plateformes de SVOD, celle si peut plus facilement d’organiser des périodes de promotions (au même titre que la vidéo physique) car il est plus facile pour ce modèle de rogner sur ses marges assez confortables pour générer davantage de ventes, ce qui est plus difficile pour les plateformes de SVOD qui peinent déjà à être à l’équilibre aujourd’hui. 

Ainsi la TVOD tend à se maintenir voire se développer face aux plateformes de SVOD grâce à l’attractivité et l’exclusivité de ses contenus et grâce à un basculement des pratiques des acheteurs de vidéo physique vers toujours plus de digital. Néanmoins, cet équilibre semble fragile et peut vite être déstabilisé par des éléments extérieurs comme l’offre de films en salle mais aussi et surtout par un raccourcissement de la fenêtre d’exclusivité d’exploitation d’un film assuré par la chronologie des médias. Enfin son développement est aujourd’hui malheureusement assez négligeable face au mastodonte qu’est devenu le modèle de la SVOD. 

Sources :

* Observatoire de la Vidéo à la Demande du 23 janvier 2024

** Bilan du CNC 2022

Le futur du Live Shopping : une nouvelle ère animée par des avatars de vente

Live shopping dans le monde entier

Selon un rapport de Global Data, le marché du e-commerce en live devrait atteindre 245,15 milliards de dollars d’ici 2026. Selon les données du ministère chinois du Commerce, au cours des dix premiers mois de 2023, le chiffre d’affaires du live shpping a dépassé 2,2 billions de yuans (environ 2820,51 milliards d’euros), enregistrant une augmentation de 58,9 % en glissement annuel et représentant 18,1 % du chiffre d’affaires du commerce de détail en ligne.

Ces dernières années, le live shopping s’est rapidement développé à l’échelle mondiale, le nombre de professionnels, la diversité des secteurs, la gamme de produits, le nombre de diffusions en direct, et le montant des ventes, démontrant une dynamique puissante. En tant que nouveau modèle commercial de l’ère de l’Internet, le live shopping a émergé avec force, devenant une scène unique dans le développement économique de la Chine même du monde. 

Avatars virtuels et Live shopping

En outre, avec le développement continu du métaverse et de la technologie de l’information, la numérisation a créé une matrice de rôles divers, tels que des idoles virtuelles, des avatars virtuels, des employés numériques et des streamers virtuels. La diffusion virtuelle devient ainsi un point d’entrée et de fusion entre le monde virtuel et le monde réel. Les animateurs, en tant qu’élément essentiel du live shopping, sont-ils sur le point d’être remplacés par des streamers virtuels générés par l’IA ? Cette question suscite actuellement l’attention de divers secteurs. Les avantages indéniables sont les suivants :

  1. Ils n’ont pas besoin de se reposer et peuvent travailler de manière ininterrompue 24 heures sur 24. Les consommateurs peuvent ouvrir le live streaming à tout moment pour obtenir des informations sur les produits.
  2. Les streamers virtuels générés par l’IA n’ont pas de conscience de soi et ne seront jamais impliqués dans des incidents tels que des controverses ou des problèmes de comportement personnels, comme cela s’est produit avec les deux plus grandes stars du live streaming en Chine tels que Li Jiaqi (aussi appelé Austin Li) et Viya.
  3. Avec l’émergence de l’IA générative comme ChatGPT, non seulement le contenu des dialogues homme-machine devient plus riche, mais également les coûts opérationnels de l’apprentissage automatique sont réduits.

L’intérêt pour les avatars virtuels ne cesse de croître, et ils ont connu un énorme succès sur plusieurs plateformes de streaming et de shopping en Chine, telles que Kuaishou, Douyin (Tiktok), Taobao . En mai 2020, la marque de chanteurs virtuels Vsinger, avec des artistes tels que Luo Tianyi, a organisé des événements commerciaux en direct sur Taobao, atteignant un pic de 2,7 millions de spectateurs en ligne, dont 2 millions ont participé aux pourboires. Selon les abonnés ayant regardé le livestream du avatars virtuel la plus populaire en Chine, Luo Tianyi, ils ont exprimé leur préférence pour l’achat d’albums musicaux de Luo Tianyi et de produits correspondant à son image, par rapport aux simples endorsements commerciaux.

Les streamers virtuels présentent un potentiel de développement significatif dans le marketing de marque, contribuant efficacement à accroître la notoriété de la marque. Voici quelques exemples intéressants :

Les avatars virtuels influenceront-ils vos choix de consommation ?

En tant qu’une nouvelle tendance émergente, les avatars virtuels suscitent effectivement un vif intérêt et des discussions dans le domaine du e-shopping. Cependant, nous faisons face actuellement à une lacune dans les recherches, notamment en ce qui concerne l’impact des avatars virtuels sur les choix d’achat des consommateurs et leur ampleur.

Premièrement, nous pouvons nous pencher sur l’influence potentielle des avatars virtuels sur les décisions des consommateurs. Est-ce que l’apparition des avatars virtuels changera la perception des consommateurs des produits, leur processus de prise de décision d’achat et leur comportement d’achat ? Cela concerne l’efficacité réelle des avatars virtuels dans la transmission d’informations sur les produits, la fourniture de conseils d’achat, etc. À travers des études empiriques impliquant un grand nombre de consommateurs, nous pouvons mieux comprendre l’impact réel des avatars virtuels sur le comportement des consommateurs lors du shopping numérique.

Deuxièmement, il est nécessaire d’examiner l’acceptation des avatars virtuels par différents groupes de personnes. Les préférences d’achat et l’état d’esprit des consommateurs varient d’une personne à l’autre, et donc la recherche doit se concentrer sur des facteurs tels que l’âge, le genre, le contexte culturel, etc., qui influent sur l’attitude et le degré d’acceptation des avatars virtuels. Cela contribuera à une compréhension plus globale et permettra des prévisions plus précises de l’impact potentiel des avatars virtuels sur différents marchés.

Troisièmement, une recherche approfondie sur l’impact des avatars virtuels sur le shopping numérique nous permettra de mieux comprendre leur rôle dans l’environnement commercial, fournissant ainsi des recommandations plus scientifiques et pratiques pour le développement futur de l’expérience de shopping numérique.

Le futur : les avatars virtuels de vente remplaceront-ils les live-streamers réels?

C’est une question qui suscite beaucoup d’attention. L’évolution de cette tendance sera influencée par plusieurs facteurs.

Tout d’abord, avec l’avancée continue de la technologie, les capacités des avatars virtuels deviendront plus réalistes, répondant potentiellement aux besoins des consommateurs en matière de divertissement et d’information. Les avatars virtuels ne sont pas limités par le temps et l’espace, et peuvent fournir des services 24 heures sur 24, ce qui peut être attractif pour les consommateurs désireux d’obtenir des informations à tout moment et en tout lieu.

Ensuite, le comportement des consommateurs peut être influencé par des facteurs tels que la personnalité des avatars virtuels, leur interactivité et leur adéquation avec l’image de marque. Si les avatars virtuels parviennent à mieux répondre aux préférences des consommateurs, en offrant une expérience interactive personnalisée, ils pourraient devenir un choix préféré des consommateurs.

Cependant, l’authenticité et la chaleur humaine que possèdent les live-streamers pourraient être des aspects que les avatars virtuels ne pourront pas complètement remplacer. Certains consommateurs préfèrent interagir avec de vraies personnes, et l’expression émotionnelle et la construction de relations interpersonnelles des animateurs en chair et en os pourraient surpasser celles des avatars virtuels.

D’un point de vue industriel, l’attente envers les avatars virtuels alimentés par l’IA est qu’ils amélioreront l’efficacité, réduiront les coûts et créeront davantage de valeur commerciale pour les marques. L’apparition des avatars virtuels pourrait répondre à ces attentes, en particulier dans des contextes nécessitant une diffusion et une promotion à grande échelle.

En résumé, la question de savoir si les avatars virtuels remplaceront les live-streamers dépendra de l’évolution de la technologie, de l’acceptation des consommateurs et des besoins de l’industrie. L’avenir pourrait présenter une coexistence des deux, chacun jouant sur ses propres avantages pour répondre aux attentes et aux besoins diversifiés du public.

Peiyi OUYANG


Références :

Les tendances du live shopping en 2023. (n.d.). https://www.kolsquare.com/fr/blog/tendances-du-shopping-en-live-en-2023

Analyse de live shopping, Xinhua News. (n.d.). http://www.news.cn/tech/20240104/0d7fb92ee9dc49ba94f579d43666069c/c.html

Étude de l’influence des animateurs virtuels sur l’intention d’achat des consommateurs dans le commerce en direct, École de gestion de l’Université de technologie de Shanghai (2023) https://pdf.hanspub.org/ORF20230600000_67334662.pdf

Références en langues étrangères :

俞继红. 元宇宙时代数字虚拟直播的演变与展望[J]. 传媒评论, 2022(11): 79-80. 

梁伟, 石丹. 洛天依“出圈”会和真人爱豆抢饭碗? [J]. 商学院, 2020(9): 56-58. 

木芯. 一夜吸粉百万, 虚拟主播带货会更有优势吗? [J]. 销售与市场(管理版), 2021(12): 20-22.

陆新蕾, 虞雯. 虚拟偶像粉丝群体的消费文化研究——以虚拟歌姬洛天依为例[J]. 当代传播, 2020(6): 75-78+112. 

Plateformes SVOD : quels contenus pour poursuivre la croissance?

S’il y a 10 ans les plateformes SVOD commençaient à faire leur apparition, aujourd’hui elles occupent une place importante sur le marché de l’attention et gagnent du terrain par rapport à la télévision classique et les autres médias traditionnels. Selon une étude d’Ampere Analysis (1), en 2023 la consommation en ligne a représenté 53% de la consommation vidéo, dépassant ainsi la consommation linéaire ( 47%) sur les 18-64 ans. L’écart est encore plus grand chez les 18-24 en France avec 83 % de la consommation en ligne contre 17% en linéaire et sur l’ensemble de la population dans les autres grands pays européens et aux États-Unis. 

Netflix a annoncé la semaine dernière avoir dépassé son objectif pour le dernier trimestre de 2023 avec 13.1 millions d’abonnés supplémentaires et cumule désormais 260 millions d’abonnés à travers le monde. Ses principaux concurrents sont Prime Vidéo avec plus de 200 millions  d’abonnés, Disney + avec 150 millions d’abonnés et Paramount avec 63 millions d’abonnés. Cette barre symbolique de 250 millions d’abonnés a pu être franchie en partie grâce à sa stratégie contre le partage de mots de passe et à la création d’une nouvelle offre moins chère avec publicité, offre avec publicité qui est maintenant disponible chez ses concurrents Prime Vidéo et Disney+. Mais dans le futur ces mesures vont atteindre leurs limites et pour les plateformes de streaming une diversification des contenus sera nécessaire.

Le marché de la vidéo à la demande est un marché très concurrentiel sur lequel de nouveaux entrants font régulièrement leur apparition. Avec une multiplication des offres d’abonnements disponibles et face à l’abondance des contenus, les utilisateurs sont souvent contraints de faire en choix concernant le service choisi. Ce choix se fait non seulement en prenant en compte leur enveloppe “loisirs” disponible qui se voit diminuer à cause de leur baisse de pouvoir d’achat, mais aussi en fonction des contenus disponibles.

Netflix et Prime Vidéo : au delà de la fiction

La fiction et le sport sont les deux types de contenus qui traditionnellement attirent les abonnés et cela semble être une des stratégies de diversification depuis plusieurs années déjà. En effet, nous avons tous vu Amazon gagner une bataille symbolique face à France TV pour la diffusion du quart de finale qui opposait Rafael Nadal à Novak Djokovic lors du tournoi de Roland Garros en 2022. Et le tennis ce n’est pas le seul terrain sur lequel le géant américain est allé afin d’élargir son parc d’abonnés. Depuis 2021, Amazon diffuse un paquet des matchs de la Ligue 1 et a déjà acquis les droits TV pour la période 2024-2029. Selon le baromètre de NPA conseil, le “Pass Ligue 1” est estimé à 1,7 millions d’abonnés et cela ne serait pas un investissement rentable pour la plateforme. En revanche, en Angleterre, au moment de l’acquisition des droits de la Premier League Prime Vidéo a vu une croissance de 35% de son parc d’abonnés (2).

En ce qui concerne Netflix, depuis son lancement la plateforme avait opté pour une stratégie différente concernant les contenus sportifs. Afin d’éviter de payer les droits de diffusion très élevés, Netflix avait opté pour la production des documentaires comme “Break Point” ou encore “Tour de France : au coeur du peloton” qui ont été dans le top des programmes les plus visionnés. De plus, pour se lancer dans le live streaming, la plateforme s’est concentrée sur l’organisation des  événements comme la Netflix Cup durant laquelle des binômes des golfeurs et des pilotes se sont affrontés dans une course à Las Vegas en novembre dernier. Néanmoins, cette stratégie semble évoluer avec l’annonce la semaine dernière d’un accord de 5 milliards de dollars avec World Wrestling Entertainment pour la diffusion des principaux événements (3).

Sur un marché de l’attention sur lequel chaque acteur souhaite capter le plus les utilisateurs, un autre type de contenu est  plébiscité par les plateformes : les jeux vidéo. En effet, les jeux vidéo ont la capacité d’augmenter le temps d’écoute, car à la différence de la fiction et des contenus sportifs, en dans la consommation des jeux vidéos, les abonnés ne sont plus des simples spectateurs et participent activement à leur expérience. Netflix s’est déjà positionné sur le sur ce type de contenus et a annoncé une croissance dans le taux d’engagement sur son offre des jeux vidéo notamment porté par le lancement de la trilogie Grand Theft Auto (4). La compagnie a déjà annoncé le développement des jeux vidéo à partir de ses franchises comme Squid Games, Mercredi ou encore Black Mirror.

Disney+ et Paramount, quant à eux, ne proposent pas actuellement de jeux vidéo. Étant donné que les deux studios possèdent d’importantes IP au vu de leur passé cinématographique, cette possibilité n’est pas à exclure dans les années à venir.

Quels autres contenus et fonctionnalités ?

Dans la poursuite de la croissance, une convergence médiatique pourrait apparaître sur les plateformes de streaming, car afin de garder leur parc d’abonnés et pour en acquérir de nouveaux, les offres devront se distinguer en termes de valeur perçue par les utilisateurs. Ainsi, il n’est pas impossible de voir de nouvelles fonctionnalités et d’autres types de contenus faire leur entrée chez Netflix, Prime ou Disney.

Selon une étude de Insider Intelligence (5), concernant le temps d’utilisation en moyenne, TikTok a dépassé Youtube (58 minutes par jour contre 48,7 minutes) et se rapproche de Netflix (62 minutes par jour). Or, les deux “poursuivants” de Netflix sont basés sur les contenus produits par les utilisateurs (UGC). Même si pour les plateformes de streaming ouvrir la possibilité aux abonnés de publier des contenus viendrait avec des réels enjeux de régularisation, cette hypothèse pourrait permettre d’accroître le temps d’attention. Le développement d’une telle fonctionnalité aurait d’autres avantages. D’un côté pour les plateformes qui sont déjà présentes sur les réseaux sociaux dans leur objectif de promotion et de communication, elles pourraient utiliser les mêmes contenus au sein de la plateforme et créer un engouement autour des programmes disponibles. D’un autre côté, pour les créateurs de contenus cela pourrait être un moyen de favoriser la création autour du service de streaming sur les médias sociaux et une nouvelle manière de monétiser les vidéos crées. 

Aujourd’hui on peut voir des extraits des films ou séries défiler sur nos réseaux sociaux, mais très souvent même si l’on les enregistre, ils tombent dans l’oubli. La possibilité de les avoir au sein du diffuseur originel de la série peut nous permettre de l’ajouter à une liste des contenus que l’on souhaite regarder.

Un autre élément qui manque sur les plateformes de streaming et qui peut faire augmenter l’engagement, c’est le sentiment de communauté. En effet, n’est malheureusement pas possible de regarder ensemble ou d’échanger avec d’autres personnes passionnées par le même contenu au sein d’une plateforme. Or, en ayant la possibilité de le faire, notre temps d’utilisation pourrait augmenter.

Sebastian Udriste

Sources :

(1)

https://www.cnc.fr/documents/36995/2097582/Observatoire+de+la+vid%C3%A9o+%C3%A0+la+demande_vpublication+2.pdf/ff3f2dc7-fd52-8969-ecd1-fb55ab663a8f?t=1706086607452

(2)

https://www.theguardian.com/media/2020/feb/20/amazon-prime-video-outpaces-netflix-growth-after-premier-league-debut

(3)

https://www.sudouest.fr/sport/5-milliards-de-dollars-netflix-s-adjuge-les-droits-pour-diffuser-le-catch-americain-de-la-wwe-18265528.php

(4)

https://www.ign.com/articles/netflix-games-engagement-tripled-in-the-last-year-in-part-thanks-to-gta

(5)

https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/en-temps-passe-tiktok-se-rapproche-de-netflix-aux-etats-unis-953936.html

Quand TikTok redéfinit l’art des concerts

Ces derniers mois, qui n’a pas regardé une vidéo du concert d’Harry Styles, de Beyoncé ou encore de The Weeknd lors de leurs concerts en France sur son téléphone ?

Peut-on se demander si TikTok ne bouleverserait-il pas les codes des concerts ?

Les vidéos de concerts, filmés par les fans, se multiplient sur les réseaux sociaux et deviennent ainsi un atout pour les artistes pendant leurs concerts

C’est à travers cette effervescence des concerts que TikTok a réussi à se faire une place en tant que nouveau moteur de communication et de partage. En n’étant pas réellement dans la salle de concert, un spectateur peut voir des aperçus du spectacle grâce aux nombreuses vidéos des concerts partagées sur les réseaux sociaux. Auparavant, filmer ou diffuser un concert était une pratique illégale ; aujourd’hui, cela devient une norme.

Les vidéos de concerts, filmées par les fans, et partagées sur les réseaux sociaux permettent à ceux non présents d’avoir un aperçu à 360° du concert, de voir la scénographie, mais également d’écouter les chansons phares de l’artiste, et donc de vivre le concert à travers leur écran.

TikTok et Instagram deviennent ainsi un relais live du concert, un moyen pour les fans de faire vivre les shows à travers les écrans, mais également pour les artistes de promouvoir leur spectacle sans réellement dépenser en termes de marketing. Par exemple, le hashtag #loveontour pour le concert d’Harry Styles, cumule près de 7,2 milliards de vues. 

Aujourd’hui, les artistes se sont emparés de cet outil afin de créer des shows qui reprennent des tendances du réseau social, comme Stromae qui reprend sur scène, la danse de sa musique “Alors on danse”. 

D’autres artistes comme Rosalia crée leur show à la façon de TikTok. Elle se filme en vertical avec son téléphone à différents moments de son spectacle, elle réalise les tendances TikTok dans ses concerts. La chanteuse espagnole va même plus loin, puisque pour annoncer son nouvel album, elle fait un concert en direct sur TikTok. Cette performance lui vaudra en 2022 d’avoir remporté conjointement avec TikTok une nomination aux Latin Grammy pour son film musical “Motomami” (Rosalía TikTok Live Performance), un film uniquement tourné sur des iPhones . 

Les concerts se multiplient : la tendance des concerts est au spectaculaire

Actuellement, les concerts se multiplient, que ce soit dans les petites salles ou dans les grandes. En effet, une étude du Centre National de la Musique sur la diffusion des spectacles de musiques actuelles et de variétés en 2022 en France montre qu’avec plus de 62 000 représentations payantes et 32 millions d’entrées, l’année 2022 franchit pour la première fois le milliard d’euros de recettes (1 146 M€ de billetterie). Ce sont les grandes jauges (comme les zéniths, les arenas, etc.) qui génèrent près de la moitié des recettes de billetterie (42% pour 1% de représentations).

Effectivement, on peut constater que les méga-concerts se multiplient. Entre 2019 et 2022, le nombre de représentations dans les salles de plus de 6 000 places a augmenté de 14%. Avec la crise du disque, et la faible redevance du streaming musical qui ne compense pas les ventes “physiques”, il est important pour les artistes de jouer sur scène. En parallèle, après avoir passé deux années à écouter de la musique grâce au streaming pendant le covid, les spectateurs ont désormais envie de voir les musiciens et de partager un moment unique.

De plus, le public demande de grands shows comme celui de Taylor Swift, produit par AEG, capable de déplacer près de 90 camions et pesant environ 9 milliards d’euros. Du côté des artistes, l’important est de se démarquer car la concurrence est forte, les représentations deviennent donc de plus en plus spectaculaires. C’est dans ce contexte que des salles de spectacle importantes telles que le Stade de France reçoivent de plus en plus de concerts. En effet, en 2022, un tiers du chiffre d’affaires annuel de cette salle provient des concerts (soit 78 millions d’euros).

TikTok, au coeur de l’industrie musicale, crée son propre concert : TikTok In the mix

Cependant, l’omniprésence des vidéos de concert n’entache pas l’importance d’y participer. En effet, la performance du direct conserve son pouvoir, comme on peut le voir avec la démultiplication des concerts et des festivals. De plus, dans l’industrie musicale TikTok est devenu un incontournable pour les maisons de disques qui s’efforcent de découvrir le prochain grand succès. Par exemple, Drake avec son titre phare Toosie Slide”, englobe tous les codes de TikTok afin de faire de cette chanson un hit : une rythmique saccadée connue des titres TikTok, une chorégraphie déjà prête avant la sortie du son et les 15 secondes de la chanson permettant la mise en place de challenges. 

Par ailleurs, la plateforme a permis de lancer des nouvelles carrières, de rajeunir les plus anciennes comme avec la chanson “Dreams” de Fleetwood Mac de 1977 qui connaît un regain en 2020. Également, TikTok est parvenu à faire modifier les noms des chansons de certains artistes pour mieux s’aligner dans les tendances de l’application. Ainsi, étant donné l’importance de l’industrie musicale au sein de l’application, il était normal que TikTok produise son premier concert le 10 décembre 2023. 

De plus, depuis quelques années, TikTok joue un rôle particulier dans l’émergence d’artistes ou de nouveautés musicales. La création du festival de musique « In The Mix » est donc organisée dans cette optique : donner vie à la musique, aux tendances, et aux expériences que la communauté du réseau social peut créer chaque jour.

Retransmis en direct sur TikTok, le concert s’est tenu à Sloan Park à Mesa, aux Etats-Unis. La programmation suscite l’enthousiasme des utilisateurs, avec des artistes tels que Niall Horan, Charlie Puth, Cardi B ou encore Anitta. En parallèle des têtes d’affiche, TikTok In The Mix a mis en avant de nouveaux artistes tels que Isabel LaRosa, Kaliii, LU KALA et Sam Barber. Ces artistes font partie de « TikTok Elevate », un programme d’artistes émergents.

L’événement a rapidement affiché complet avec près de 17 000 personnes. TikTok a proposé un tarif oscillant entre 25 et 60$ (soit entre 20 et 55€), afin d’avoir un prix accessible pour sa cible de prédilection, les jeunes. Pour ceux qui se rendent sur place, la plateforme propose aussi différentes séries d’activités inspirées par les tendances les plus en vogue.

@tiktok

Missed #TikTokInTheMix? Relive all the highlights and unforgettable moments from our first ever live music experience NOW on @Disney+ and @hulu ✨

♬ original sound – TikTok

Pour un événement de cette envergure, TikTok a réussi à atteindre des records d’audience sur la plateforme avec plus de 33,5 millions de téléspectateurs au total, profitant de la diffusion originale et des diffusions ultérieures de l’émission, adaptée au format vertical de l’application.

Paul Hourican, responsable mondial des partenariats et de la programmation musicale chez TikTok explique qu’ils sont ravis de «donner vie au fil « Pour toi », bien au-delà du concert Live de Mesa, en proposant cette expérience unique à des millions de fans à travers le monde ». En effet, en plus de la retransmission en direct sur TikTok, Disney+ s’est emparé du phénomène en permettant également de revivre le concert sur la plateforme. 

«Aucune autre plateforme ne réunit aussi bien musique, créativité et communauté que TikTok» explique Paul. En effet, leur vision est de « créer un spectacle réinventé pour l’ère TikTok et la communauté de passionnés de musique du monde entier ». Ainsi, il ne s’agit pas uniquement d’un festival mais d’un évènement culturel révolutionnaire. Grâce à ce concert, le réseau social a donc rassemblé sa communauté ce qui lui a permis de briser cette barrière de l’écran et de pouvoir partager et réunir. Ainsi, cette expérience a mis en exergue comment les plateformes numériques telles que TikTok façonnent non seulement la manière dont nous consommons la musique, mais aussi la manière dont la musique est jouée et vécue en direct.

On peut dire que TikTok influe sur la manière dont les concerts sont appréhendés. En effet, pour les spectacles de grande envergure, le concert ne se perçoit plus uniquement comme un événement artistique que l’on vit en direct, mais plutôt comme un produit à valoriser en ligne, une opportunité de générer du contenu viral pour TikTok.

Ainsi, en plus de modifier la façon dont on consomme les concerts, un show doit être filmable de la réflexion de la tenue, à la préparation, et au jour J. TikTok modifie également  la manière d’assister au concert. En effet, comme l’explique Raphaël Enthoven, aujourd’hui nous sommes dans une ère où il est plus important de filmer sa vie et de la partager plutôt que de la vivre : on va choisir «de sacrifier» le moment pour dire qu’on était là. TikTok sera un des vecteurs de cette philosophie, puisque le concert sera filmé pour se rappeler d’avoir vécu cette expérience, mais également de pouvoir dire «j’étais là ». 

Pour renverser ces codes de la société, l’artiste Dinos interdit de filmer et de prendre des photos lors de sa prochaine tournée Process Tour de 2024. Cette annonce inédite va à l’encontre du phénomène de société de capturer chaque instant avec son téléphone et rejoint la théorie de Raphaël Enthoven : vivre le moment.

Alexandra BECQUET

SOURCE :

Centre national de la musique. (2024, 29 janvier). La diffusion des spectacles de musiques actuelles et de variétés en France

Jack.(2023, 13 novembre). Comment TikTok a changé la façon de vivre les concerts.

Courrier International. (2023, 28 septembre). Comment TikTok change notre rapport aux concerts.

Fromentin, M. (2023, 26 octobre)- Begeek.fr. Le premier événement musical mondial en live de TikTok verra notamment participer Cardi B et Charlie Puth.

Richard, O. (2023, 15 décembre) – Libération. Mylène Farmer, Taylor Swift. . . le concert au stade industriel.

Romano, A. (2023, 3 septembre) – Vox. How concerts have evolved in the age of TikTok and smart phones.

Rosso, S. (2023, 26 octobre) – Siècle Digital. TikTok dévoile les contours de son premier festival de musique.

TikTok. (2023, 25 octobre) – Newsroom | TikTok. TikTok in the Mix : un grand concert live et en direct sur TikTok.

La mesure d’audience TV et streaming : vers une mesure d’audience unique ?

En France les audiences sont historiquement mesurées par Médiamétrie, une entreprise détenue par tous les principaux acteurs du paysage audiovisuel français, des diffuseurs télévision et radio aux annonceurs principaux. Les audiences TV étant la pierre de voûte du financement traditionnelle des chaînes de télévision française, ces données sont extrêmement sensibles et doivent être traitées avec impartialité pour éviter toute ingérence ou influence mal placée.

L’audience à la télévision

Depuis sa création, Médiamétrie recueille ces précieuses informations sur un panel de cinq mille foyers représentatifs de la société française. Avec six chaînes de télévisions la mesure était simple et claire pour tout le monde, le nom du panel, Audimat, rentrera dans le langage courant pour qualifier le nombre de téléspectateurs. Cependant avec le développement des chaînes du câble et plus tard de la TNT gratuite puis du replay, la mesure s’est complexifiée. D’autant plus avec l’avènement des « set top box » dans les foyers français, massivement déployées par les opérateurs de télécoms.

On a également assisté à un affinement spectaculaire de la mesure d’audience, aujourd’hui avec le panel Mediamat. Les informations fournies par Médiamétrie tous les jours à 9h proposent une exhaustivité et une finesse difficilement concevable pour les générations précédentes. Ses informations sont volontairement données par les panélistes et Médiamétrie interprète statistiquement les résultats en les rapportant à la population française totale. Ces données sont mises à la disposition des équipes dédiées de chaque chaîne qui peuvent à travers le logiciel RestitTV façonner la masse de données pour créer leur rapport d’audience en interne.

Longtemps restée hégémonique sur le marché du divertissement, la télévision a vu sa position remise en question par l’irruption des plateformes de streaming, Netflix en tête. Proposant une expérience radicalement différente en laissant au téléspectateur le soin de devenir son propre chargé de programmation, le streaming vient faire vaciller les logiques séculaires de la télévision de papa pour faire rentrer le spectateur dans l’ère de l’ATAWAD (Any Time, Any Where, Any Device).

Cette transfiguration lance un défi de taille, comment mesurer une audience sur de telles plateformes ? Qu’est-ce qu’un succès sur ces plateformes ? Comment comparer un programme Netflix d’un autre diffusé en linéaire ?

L’audience en streaming

La mesure de l’audience TV, en plus de fournir une indication claire sur la popularité d’un programme, permet surtout de valoriser les espaces publicitaires mis à disposition par les chaînes aux annonceurs. Les audiences sont donc d’un intérêt capital pour l’annonceur qui cherchera à faire le plus efficacement de la publicité pour son produit. Les plateformes de streaming étant initialement dépourvues de pub, la mesure d’une audience leur a dès lors paru vaine et se limitait à appuyer des communications marketing sporadiques. Cependant, depuis l’adoption par les plateformes d’un modèle hybride publicité/abonnement (similaire à celui de la télévision payante par câble), la mesure de la valeur d’un espace publicitaire se pose.

Aujourd’hui les plateformes publient les performances de leurs programmes avec des indicateurs de masse comme les heures vues et les « vues ». Autrefois avare en chiffres, Netflix fait montre de bonne volonté depuis quelques années en publiant régulièrement des chiffres de consommation plus ou moins précis. Dernièrement la plateforme s’est engagée à mettre à disposition de tous, deux fois par an, les performances des précédents mois de ses programmes avec plus de 50 000 heures vues. Une mesure globale sans distinction par pays, et fournissant seulement une masse d’heures vues difficilement interprétable.


Concrètement, la nouvelle série Netflix, Griselda, sortie le 25 janvier dernier, comptabilise 20,6M de vues, tout territoire confondue en 4 jours. Ce chiffre ne permet pas, évidemment, de la comparer avec la série française Rivière-perdue qui a rassemblé 4,8M de téléspectateurs sur TF1 jeudi 25 janvier. Ces chiffres mis à disposition publiquement par les deux diffuseurs, divergent fondamentalement et empêche quelconque analyse de fond.

Si un tel geste peut être considéré comme un pas en avant pour la plateforme, ce genre de données d’audience reste sans commune mesure avec celles de la télévision, beaucoup plus exhaustives. Ainsi il faudrait réussir à établir une mesure unique permettant la comparaison des performances d’un programme à la télévision et en streaming.

Quelles technologies pour une mesure unifiée ?

Médiamétrie parvient déjà à mesurer les performances des programmes regardés en non-linéaire disponibles en replay, mais non sans contraintes. En effet l’outil de Médiamétrie peut réaffecter les performances d’un programme en replay seulement si ce dernier a déjà été diffusé en linéaire et est donc doté de son « watermark ». Médiamétrie identifie ce que regarde les panélistes grâce à à la technologie du « watermark », chacun des panélistes du Mediamat est doté d’un boîtier similaire à une box tv qui, à chaque fois que la télévision ou un écran du foyer est allumé, détecte un signal sonore inaudible à l’oreille humaine. Ainsi, si la séquence d’une émission TV, diffusée sur les réseaux sociaux, devient virale, les audiences « replay » remontées par Médiamétrie peuvent être gonflées.

Cette technologie pourrait être théoriquement appliquée aux programmes diffusés sur les plateformes de streaming et permettre une mesure d’audience comparable à celle de la télévision. Mais le watermarking doit être fait à l’initiative du diffuseur et présente des contraintes techniques importantes. Une technologie complémentaire, le « fingerprinting » peut remédier à ces problématiques car elle ne nécessite pas une modification du contenu. Le fingerprinting consiste à prélever un extrait vidéo ou sonore d’un contenu audiovisuel et de le comparer à une base de données préexistante pour identifier le contenu regardé.

Médiamétrie envisage depuis quelques mois de s’affranchir du consentement des plateformes pour mesurer leur audience, on peut donc s’attendre à ce que des technologies comme le watermarking ou le fingerprinting soient celles choisies par l’institut de mesure pour enfin unifier la mesure d’audience de la télévision et du streaming.

Hadrien Pigache


Sources :

Médiamétrie réinvente ses mesures d’audience pour 2024 – Challenges
Médiamétrie veut désormais mesurer les audiences des plateformes de streaming (bfmtv.com)
Comment évoluent les audiences de la télévision à l’heure des plateformes ? (e-marketing.fr)
Top 10 TV Shows on Netflix Right Now
TOP 10 on Netflix in the World on January 31, 2024 • FlixPatrol
Netflix Top 10: ‘Griselda’ Debuts at No. 1 on English TV Chart (variety.com)
Médiamétrie – Le Fingerprinting (mediametrie.fr)
Médiamétrie – Le watermarking, une innovation technologique pour mesurer l’audience de la Télévision et de la radio (mediametrie.fr)

TikTok : future plateforme de référence pour les films et les séries ?

Envie de regarder le nouveau film « Barbie » gratuitement ? C’est possible sur TikTok, à condition d’accepter son découpage en 49 parties.

Sur TikTok, la diversité du contenu est frappante. On y trouve aussi bien des vidéos de danse virales, que des sketches comiques hilarants ou encore des conseils sur les relations amoureuses. En résumé, peu importe ce que vous recherchez ou pas, TikTok saura quelle vidéo vous montrer. 
Depuis quelques mois, un nouveau type de contenu prend de l’ampleur ou du moins, commence à faire parler.

Après avoir bouleversé l’industrie de la musique, TikTok s’attaque à celle de l’audiovisuel

Comme beaucoup de plateforme l’ont été avant elle, TikTok se transforme progressivement en « pirate de l’audiovisuel ». En effet, il est maintenant possible de regarder des films, des séries et des émissions télévisées, découpés en plusieurs parties et diffusés par des comptes TikTok dédiés à ce type de contenus. Ces contenus sont majoritairement mis en ligne de manière illégale. Les enregistrement clandestins, qu’il soient de films projetés au cinéma ou de contenus disponibles sur les plateformes de streaming, tous y passent. En outre, des séries populaires telles que « South Park » ou « Malcolm » sont présentes sur TikTok depuis un certain temps.


tractlljc4t sur TikTok

Ce mode de consommation peut sembler quelque peu déroutant. Cependant, il gagne en popularité au sein de la plateforme, et cela s’explique par plusieurs facteurs. 

Tout d’abord, ces séquences ont une capacité remarquable à capter et retenir l’attention des utilisateurs. En découpant un épisode de série en plusieurs parties, un compte peut publier une vidéo consistant uniquement en une scène riche en suspense, incitant ainsi les spectateurs à vouloir connaître la suite.
De plus, TikTok développe des fonctionnalités qui facilitent la consommation de ce type de contenus comme le « Clear Mode » ou le mode « Plein écran ».

Le rôle fondamental de l’algorithme de recommandation

Image par Katamaheen de Pixabay

Dans le fil d’actualité « Pour toi », les contenus découpés en plusieurs parties sont proposés aux utilisateurs de manière aléatoire,  ce qui contribue à la popularité de ce format. Dans un univers d’hyperchoix où une multitude d’options est constamment disponible, la fatigue décisionnelle se fait ressentir. Exacerbée par les choix infinis sur des plateformes comme Netflix, TikTok évite à l’utilisateur de se trouver dans cette situation d’anxiété en le conduisant directement au contenu. « Je suis déjà là, je suis déjà en train de le regarder, je suis déjà en train de faire défiler sur TikTok. » Voici ce que déclare un utilisateur à propos de TikTok (Wall Street Journal, 2023). Pas besoin d’aller sur une plateforme de streaming ou sur la télévision : TikTok dit à l’utilisateur quoi regarder. En résumé, avec l’algorithme de recommandation, les contenus sont presque servis sur un plateau d’argent.

L’algorithme de recommandation de TikTok contribue à mettre en lumière ces extraits dans les « Pour toi », permettant aux comptes TikTok de toucher un public plus large et d’augmenter leur visibilité. L’algorithme favorisant les vidéos regardées jusqu’à la fin, la plupart des contenus sont découpés par tranches de 3 à 5 minutes, bien que les vidéos peuvent aller jusqu’à 10 minutes. Ces vidéos courtes jouent aussi avec la frustration ressentie par l’utilisateur qui sera pousser à aller regarder d’autres vidéos ou à demander en commentaires quand est-ce que la partie suivante sera disponible. Il est important de noter que les commentaires jouent aussi un rôle important dans la recommandation par l’algorithme. 

Afin de ne pas se faire repérer par les algorithmes de modération, les créateurs ne publient pas les différentes parties d’un même contenu à la suite. Les parties sont souvent « uploadées » sur la plateforme à des heures ou jours d’intervalle, laissant le temps à la publication d’autres contenus. Autre particularité de ces vidéos, il est très rare de voir inscrit dans les descriptions le nom original du film, de la série ou de l’émission en question. Il s’agit d’une autre astuce utilisées pour éviter que la vidéos soient retirées de manière automatique de la plateforme.

Bien que ce type de visionnage puisse paraître atypique, il s’inscrit donc dans une stratégie de captation et de rétention de l’attention tout en exploitant les mécanismes propres à l’algorithme de TikTok pour maximiser la portée et l’impact du contenu publié.

Le cinéma se fait pirater, il prend les devants !

En 2020, Quibi, le service de streaming de vidéos courtes venu tout droit d’Hollywood n’a pas tenu longtemps sur le marché. Bien que ce fut un échec, le potentiel de ce type de contenu paraît aujourd’hui plus important que ce qu’il était il y a quelques années. Comme annoncé lors du festival Médias en Seine à Paris en 2023, l’une des prochaines tendances média qui se dessine est la nécessité de maitriser le format de vidéos verticales (Reuters Institute, 2023).

Neil Shyminsly, expert en Pop culture et professeur d’anglais au Cambrian College, affirme qu’ « il y a une crainte croissante que la programmation télévisuelle devienne de plus en plus courte à mesure que le succès est déterminé par l’algorithme de TikTok. » (CBCNews, 2023). 

Photo de Hannah Wernecke sur Unsplash

Effectivement, certains grands studios se sont déjà lancés dans la publication de contenus en plusieurs parties. Le 3 octobre 2023, à l’occasion du Mean Girls Day, Paramount à rendu disponible le temps d’une journée le film Mean Girls en intégralité, découpé en 23 parties sur son compte TikTok. « Les paramètres semblent évoluer », a déclaré Alex Alben, professeur de droit de l’internet et de la confidentialité à la Faculté de droit de l’UCLA. « Quelqu’un au sein du studio est en train de peser le fait qu’ils bénéficieraient davantage de la diffusion d’un extrait de leur film par des millions de personnes plutôt que de chercher à l’interdire. » (NewYorkTimes, 2023). Un représentant de Paramount a expliqué que la publication de « Mean Girls » sur TikTok visait à accroître la visibilité du film auprès d’un nouveau public potentiel (NewYorkTimes, 2023). Un coup marketing de la part du studio ? Très probable, sachant que le jour même, la sortie du nouveau « Mean Girls » au cinéma début janvier 2024 a été annoncée.

D’autres studios et plateformes de streaming ont très vite suivi. En août 2023, Peacock a publié un épisode de 2023 de la version américaine de « Love Island » ainsi qu’un épisode de « Killing It » divisé en 5 parties. Voici ce qu’Anupam Chander, professeur de droit et technologie à Georgetown, dit à ce propos : « Il peut être utile pour les détenteurs des droits d’auteur de voir leur travail distribué à un public plus large afin de susciter davantage d’intérêt pour ce travail et générer des ventes ultérieures. ». En réalité, certains détenteurs des droits de ces contenus, qu’ils soient publiés légalement ou non, pourraient profiter de cette tendance. Dans les faits, cela peut permettre de remettre au gout du jours d’anciens contenus et de booster la popularité de ceux qui en ont besoin. Il faut reconnaître que la capacité de TikTok à engager son public est forte et va au-delà des jeunes générations (InsiderIntelligence, 2023).

De nouvelles productions uniquement dédiées à TikTok

TikTok a vu émerger de nouvelles productions uniquement dédiées à sa plateforme. Dès 2020, plusieurs séries australiennes ont vu le jour telles que Love Songs, publiée par épisodes de 10 minutes ou Scattered, publiée en 38 épisodes de 1 minute. Récemment, Adam McKay, avec sa société de production Yellow Dot Studios, est devenu le premier producteur hollywoodien à investir dans une série diffusée uniquement sur TikTok. Intitulée « Cobell Energy », elle est diffusée depuis le 14 novembre 2023 sur la plateforme à raison de 2 épisodes par semaine.

cobellenergy sur Tiktok

Et le respect des droits d’auteur dans tout ça ?

Il est évident que la publication illégale de contenus sous droits pose question. Réguler ce type de contenus sur TikTok devient un challenge très complexe en comptant les 34 millions de vidéos postées par jour sur la plateforme. Comment gérer le sentiment de non-respect du travail accompli pour la réalisation d’un film, d’une série etc. ? Publier un contenu en plusieurs parties porte-t-il atteinte à la nature même de celui-ci ? Comment gérer le partage de revenu ? Beaucoup de questions n’ayant pas de réponses encore assez concrètes. 

Pour remédier à ces publications, trop nombreuses, de contenus allant à l’encontre des conditions d’utilisation de la plateforme, TikTok a mis en place un algorithme de détection des contenus sous droits d’auteur. En plus de cela, les détenteurs de ces droits ainsi que les utilisateurs peuvent signaler à la plateforme un contenu qu’ils considèrent comme « piraté ».
Avec l’arrivée du Digital Services Act en Europe, de nombreuses plateformes comme TikTok se sont vues imposées la mise en place de mécanismes de signalement mais aussi de contrôle plus soutenus de ces contenus illicites. En septembre 2023, TikTok a annoncé avoir supprimé plus de 4 millions de contenus jugés comme illicites par l’Union Européenne.

Finalement, il ne reste plus qu’à voir si ce type de consommation et de diffusion dépassera le stade de tendance et réussira à s’installer dans le temps.

Margot Brenier


Bibliographie

Alcántara, A. (2023, 16 septembre). People are streaming pirated movies on TikTok, one short clip at a time. WSJ. https://www.wsj.com/tech/tiktok-pirated-movies-free-2cd9389a

Croquet, P., & Trouvé, P. (2023, 9 octobre). On TikTok, the success of « sliced up » films and TV series. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/en/pixels/article/2023/10/07/on-tiktok-the-success-of-sliced-up-films-and-tv-series_6155629_13.html

Holtermann, C., & Kircher, M. M. (2023, 4 octobre). ‘Mean Girls’ has a One-Day run on TikTok. The New York Times. https://www.nytimes.com/2023/10/04/style/tiktok-movies-mean-girls.html#:~:text=A%20Paramount%20representative%20wrote%20in,companies%20have%20experimented%20with%20TikTok.

Hoover, A. (2023, 14 novembre). TikTok is the new TV. WIRED. https://www.wired.com/story/tiktok-new-show-tv-takeover/

Murray, C. (2023, 24 octobre). Will ‘Don’t Look Up’ director’s new series work on TikTok ? It will need better luck than these social media efforts. Forbes. https://www.forbes.com/sites/conormurray/2023/10/24/will-dont-look-up-directors-new-series-work-on-tiktok-it-will-need-better-luck-than-these-social-media-efforts/?sh=42cf59fc5aa1

Radio-Canada. (2023, 15 juin). La transformation de TikTok en plateforme de diffusion, un clip piraté à la fois. Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1988120/tiktok-contenu-pirate-series-films-cinema-plateforme-diffusion-tendance

Rahmil, D. (2023, 28 septembre). Regarder Barbie par tranches de 3 minutes, c’est la vie de cinéphile que j’ai choisie. L’ADN. https://www.ladn.eu/media-mutants/tendance-tiktok-regarder-films-tranches/

Renaud-Chouraqui, E. (2024, 23 janvier). Quel sera l’impact du DSA dans la lutte contre la contrefaçon en ligne ? https://info.haas-avocats.com/droit-digital/quel-sera-limpact-du-dsa-dans-la-lutte-contre-la-contrefacon-en-ligne

Richards, J. (2021, 14 juin). TikTok TV : Aussie Gen Z drama ‘Scattered’ and the promise of a new platform. NME. https://www.nme.com/en_au/features/tv-interviews/tiktok-tv-aussie-gen-z-drama-scattered-2968680

Six, N. (2020, 8 avril). Quibi, le « Netflix » des vidéos courtes, se lance sur mobile aux Etats-Unis. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/04/07/quibi-le-netflix-des-videos-courtes-se-lance-sur-mobile-aux-etats-unis_6035878_4408996.html

Tingley, A. (2023, 14 novembre). Variety. Variety. https://variety.com/2023/digital/news/adam-mckay-yellow-dot-studios-cobell-energy-tiktok-series-ari-cagan-1235764568/

Les plateformes de streaming vidéo OTT en Asie: une concurrence féroce, notamment dans la production et l’acquisition de séries originales

Ces derniers temps, de plus en plus de séries asiatiques diffusées sur des plateformes de streaming internationales ont acquis une renommée et une influence dépassant leur continent d’origine. Cependant, en examinant attentivement le paysage audiovisuel en Asie, on remarque l’émergence d’une multitude d’autres productions exceptionnelles, similaires à une vague récente. Cette tendance est en partie alimentée par la concurrence féroce entre de nombreuses plateformes OTT en Asie, qui investissent de manière croissante dans le contenu, en particulier dans les créations originales ou exclusives. La diversité des plateformes OTT contribue également à cette concurrence de plus en plus intense.

Les plateformes: l’expansion rapide des applications OTT en Asie

Les plateformes OTT connaissent une importance croissante dans le paysage audiovisuel asiatique, marquant une transition significative dans la manière dont le contenu est consommé. Cette évolution est caractérisée par une expansion rapide des plateformes de streaming à travers la région. Lors de la conférence « Future of Media 2024 » en novembre 2023, les données de Nielsen Consumer & Media View (CMV) mettent en lumière l’adoption rapide des plateformes numériques en Asie, où 64 % des téléspectateurs privilégient désormais les services de streaming vidéo. Lors de cette même conférence, Arnaud Frade, président de la division commerciale pour l’Asie, a souligné que le visionnage multi-écrans est désormais la norme et que l’essor des chaînes de streaming est inexorable [1].

La grande et croissante base d’utilisateurs d’Internet en Asie, associée à une forte pénétration des appareils mobiles, offre un terrain propice aux services de OTT. Cela explique pourquoi le marché des plateformes de streaming vidéo en Asie se caractérise par une croissance rapide et une grande diversité [2].

En analysant plus en profondeur les tendances macro comme les raisons de cette expansion, dans sa rubrique « View from Asia » en juin 2023, Unmish Parthasarathi, fondateur de Picture Board Partners, souligne que cette adoption massive est due à trois tendances macro: une population jeune, particulièrement en Asie du Sud et du Sud-Est; une connectivité abordable et accessible; et le manque d’alternatives de divertissement à prix ou commodité. Il a également estimé que l’Asie devrait voir l’ajout d’un milliard de consommateurs en ligne au cours de cette décennie [3].

Un rapport intitulé « Future of TV » de la plateforme adtech The Trade Desk et du cabinet de recherche Kantar, mené en 2020 et axé sur l’Asie du Sud-Est, a révélé qu’OTT est l’un des canaux médiatiques à la croissance la plus rapide dans la région, avec un taux de pénétration de 31%, soit 180 millions de téléspectateurs OTT. Selon leur enquête, 72% des répondants estiment qu’ils maintiendront ou augmenteront leur consommation d’OTT à l’avenir [4].

En raison de son potentiel économique, l’Asie suscite rapidement un investissement important de la part des plateformes internationales qui cherchent à capturer une part de l’audience en pleine croissance. Commentant le rapport intitulé « Distribution vidéo en ligne et à large bande en Asie-Pacifique 2022 » de Media Partners Asia (MPA), le directeur exécutif de MPA, Vivek Couto, a déclaré : « Les investisseurs se concentrent de plus en plus sur une échelle accrue, une monétisation améliorée et une rentabilité réelle à travers les plateformes vidéo en ligne mondiales, locales et régionales. Dans ce contexte, le rôle de l’Asie-Pacifique continue de jouer un rôle crucial dans l’avenir de l’industrie mondiale de la vidéo en ligne. La région reste le plus grand contributeur à la croissance mondiale des clients et des utilisateurs de vidéo en ligne aujourd’hui et émerge comme un contributeur significatif à la croissance des revenus. » [5]

Par conséquent, sur la carte des plateformes OTT en Asie, nous pouvons observer un mélange entre les géants du streaming vidéo aux côtés des plateformes locales, les exemples les plus évidents étant Netflix ou Amazon Prime Video.

Les services OTT populaires dans les pays d’Asie du Sud-Est
Source: https://insight.freakout.net/what-is-ott-and-why-does-it-matter/

Le contenu: la concurrence dans la production et l’acquisition des séries originales

L’ampleur des investissements des plateformes OTT internationales sur le marché asiatique peut facilement s’expliquer par le succès des contenus originaux produits en Asie. Selon MPA, les dramas coréens ont largement dominé la part de marché du visionnage sur la plateforme Netflix en 2022 [6], aux côtés du triomphe de la série coréenne « Squid Game », devenant ainsi le programme le plus regardé sur Netflix à l’échelle mondiale. Cela témoigne de l’intérêt du public pour les contenus originaux asiatiques.


Source: Statista

Début 2023, selon les prévisions de MPA, Netflix a prévu de dépenser 1,9 milliard de dollars pour du contenu local dans la région Asie-Pacifique cette année-là, représentant ainsi 47% de ses revenus. Cette tendance est stimulée par la Corée, le Japon, puis suivie par l’Inde, l’Australie et certaines parties de l’Asie du Sud-Est [7]. Aujourd’hui, 60 % du public mondial de Netflix a regardé du contenu coréen, tandis que 70 % de ses spectateurs se trouvent en dehors des États-Unis [8].

En analysant le cas de Netflix, une compétition intense pour attirer les utilisateurs et sécuriser des contenus exclusifs a été relevée. Cette concurrence entre les plateformes internationales et locales a façonné l’industrie du divertissement en Asie. La grande majorité des bénéfices de Squid Game sont allés à Netflix, ce qui a incité le gouvernement coréen à intervenir, donc il a annoncé en juin 2023 son intention de fournir 500 milliards de wons (390 millions de dollars) pour aider les plateformes de streaming locales à rivaliser avec les concurrents mondiaux [8]. La montée de la concurrence dans la production de séries originales a été un aspect marquant de l’évolution du paysage audiovisuel asiatique. Cette compétition s’intensifie alors que de plus en plus de plateformes de streaming investissent dans la création de contenu exclusif pour attirer et fidéliser les audiences. En conséquence, cette concurrence est devenue un moteur pour les plateformes OTT locales, qui s’efforcent de se démarquer non seulement par la production de contenus exclusifs en interne mais également par l’acquisition de contenus exclusifs, notamment récemment avec les contenus « day and date ».

Le concept de « série day and date » a gagné en popularité en Asie, désignant la sortie simultanée des épisodes d’une série sur plusieurs marchés internationaux. Cette approche permet aux téléspectateurs asiatiques de regarder des séries au même moment que leurs homologues du monde entier, évitant ainsi les spoilers et créant une expérience de visionnage communautaire. Cette stratégie a été largement adoptée par les plateformes de streaming en Asie pour maximiser l’engagement et la portée de leurs séries originales.

Bien qu’il n’y ait pas de définition académique étant donné que c’est un phénomène nouveau, le terme « séries day and date » est couramment utilisé dans l’industrie télévisuelle. Les contenus “day and date” deviennent de plus en plus populaires et sont devenus un enjeu majeur en raison de :

  • La culture de l’idolatrise en Asie, principalement en Chine et en Corée du Sud, où la culture de l’idolatrise est bien établie et où la culture générale est exportée globalement depuis longtemps.
  • La lutte pour la part de marché dans le secteur concurrentiel de l’OTT, ce qui pousse les plateformes à vouloir être les premières, voire les seules, à diffuser ces contenus.
  • Selon les informations internes dans l’industrie, l’acquisition des séries “day and date” est très difficile parce que de nombreuses plateformes sont engagées dans des négociations pour obtenir les séries les plus convoitées et potentiellement rentables.

Parmi les séries “day & date” et les séries originales les plus populaires en Asie, plusieurs ont rencontré un succès remarquable, tant sur le plan critique que commercial. Ces séries originales ont contribué à renforcer la réputation des plateformes de streaming asiatiques sur la scène internationale et ont ouvert de nouvelles opportunités pour la production et la distribution de contenu asiatique à travers le monde.

Taxi Driver 2
Source: https://www.stellarsisters.com/casting-acteurs-taxi-driver-saison-2-confirmes/

La série coréenne « Taxi Driver 2 » est un exemple du succès des contenus “day and date”. Au Vietnam, la série a été diffusée pour la première fois sur l’application K+ (la plateforme OTT de Canal+ au Vietnam) en même temps qu’en Corée du Sud, ce qui a été un grand succès pour K+, en faisant le contenu “day & date” le plus rentable jamais diffusé sur ce plateforme. Cette série a récemment remporté le prix “Best Drama Series” (Meilleure Série) lors de la 28e cérémonie des “Asian Television Awards”, qui s’est tenue à Ho Chi Minh-Ville, Vietnam [9].

Un autre exemple est la série chinoise « Only for Love ». Avant sa diffusion, la série a suscité beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme, comme en témoignent les plus d’un million de notifications de visionnage préalablement enregistrées sur la plateforme Mango TV (la plateforme de diffusion originale de cette série) [10]. Cet intérêt pour la série a conduit à une forte demande au niveau de l’acquisition entre les plateformes OTT en Asie.

Les prospects dans l’avenir des plateformes OTT en Asie

La concurrence intense entre les plateformes OTT en Asie bénéficie aux consommateurs en leur offrant un large éventail d’options de contenu et de forfaits adaptés. Cependant, cette diversité accrue rend les choix plus difficiles, notamment en ce qui concerne les prix, les préférences de contenu et les plateformes préférées. Pour rester pertinentes dans un marché en constante évolution, les plateformes de streaming doivent rester à l’écoute des besoins des consommateurs. L’avenir du paysage audiovisuel asiatique dépendra des stratégies des plateformes OTT pour attirer les créateurs et maintenir la qualité des contenus. Les tendances émergentes comme les coproductions internationales et les formats innovants joueront également un rôle clé.

Thi Xuan Ha Nguyen

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Sitographie:

[1] https://www.nielsen.com/fr/news-center/2023/streaming-and-digital-on-the-rise-in-asia/

[2] https://www.vdocipher.com/blog/2022/01/asia-vod-platforms/

[3] https://www.isportconnect.com/the-view-from-asia-the-rise-and-rise-of-ott-in-asia/ 

[4] https://www.contentgrip.com/report-future-of-tv-ott-southeast-asia/ 

[5] https://www.broadcastprome.com/news/apac-online-video-revenue-to-hit-73bn-by-2027-mpa/ 

[6] https://www.contentasia.tv/news/netflixs-apac-content-spend-may-hit-us19b-2023-apac-revenues-12-us4b-japan-korea-drive-growth

[7] https://variety.com/2023/tv/news/netflix-content-spending-asia-pacific-1235543665/ 

[8] https://time.com/6339351/netflix-squid-game-asia-expansion/ 

[9] https://tuoitrenews.vn/news/ttnewsstyle/20240115/south-korean-netflix-series-wins-asian-emmys-in-vietnam/77845.html

[10] https://bazaarvietnam.com/review-phim-di-ai-vi-doanh-only-for-love/

L’IA, la nouvelle arme pour capturer notre attention

Dans le monde tumultueux du numérique, une vérité demeure inchangée : notre attention est une ressource précieuse, convoitée par les géants de la technologie. 

Aujourd’hui, nous nous interrogeons sur le rôle croissant de l’intelligence artificielle (IA) et de l’analyse prédictive dans l’économie de l’attention, un concept dont l’importance a été cyniquement résumée par Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1, lorsqu’il déclarait en 2004 que la chaîne vendait du « temps de cerveau humain disponible » à des annonceurs comme Coca-Cola. Cette remarque, qui a suscité une polémique en France, résonne avec une pertinence accrue à l’ère du numérique.

Qu’est-ce que l’économie de l’attention ? 

L’économie de l’attention, concept qui a émergé dans les années 90, décrit un monde où l’abondance d’informations dépasse notre capacité à les absorber. Dans cet univers saturé, capter l’attention devient un enjeu majeur. Les entreprises, en exploitant nos tendances à la distraction, s’efforcent de nous maintenir collés à nos écrans pour maximiser l’exposition publicitaire. 

Chaque jour, nous sommes submergés par 720 000 heures de nouvelles vidéos sur YouTube5 milliards de snaps, et 500 millions de stories. Cela se traduit par une capacité réduite à se concentrer, avec une attention moyenne tombant à peine à 9 secondes par sujet. Les entreprises doivent donc se battre pour gagner un peu plus d’attention de chacun.

Quel lien avec l’analyse prédictive et l’IA ? 

L’analyse prédictive, utilisant des techniques comme l’apprentissage automatique, la modélisation statistique, et l’exploration de données, anticipe nos comportements futurs. Elle est employée massivement dans le marketing, notamment à travers le scoring pour prioriser les clients, les modèles d’identification pour acquérir de nouveaux prospects, et la segmentation automatisée pour personnaliser les campagnes publicitaires.

L’IA, en particulier le Machine Learning, est au cœur de cette révolution. Elle permet de créer des modèles sophistiqués capables d’identifier des schémas complexes dans de vastes ensembles de données. Ces modèles, qu’ils soient supervisés ou non supervisés, sont utilisés pour anticiper les tendances et les comportements, offrant aux entreprises un avantage compétitif notable.

À l’ère du numérique, nous assistons donc à une redéfinition de l’économie de l’attention, propulsée par l’IA et l’analyse prédictive. Les entreprises ne se contentent plus de vendre des produits ; elles vendent notre attention, en exploitant nos interactions sur le web. Mais à quel prix pour notre liberté et notre capacité à choisir ?

Comment l’IA et l’analyse prédictive transforment-elles l’économie de l’attention, et quelles sont les implications éthiques, sociales et personnelles de cette nouvelle ère de l’hyper-attention ?

L’Impact de l’IA et de l’Analyse Prédictive sur l’Économie de l’Attention

Une recherche montre que, dans le monde actuel saturé de contenus, les marques réalisent 90% de leurs interactions avec leurs parties prenantes à partir de seulement 5% de leurs contenus. Cela suggère que la majorité des contenus produits suscitent peu ou pas d’engagement. Avec la montée de l’IA générative, les organisations ont le choix entre produire une quantité croissante de contenus de faible qualité ou opter pour une stratégie axée sur la production de contenus de haute qualité. Cette seconde stratégie, qui inclut le ciblage des publics, la pertinence et la créativité des contenus, et l’interactivité, semble être la plus viable. 

L’intelligence artificielle (IA) et l’analyse prédictive transforment radicalement l’économie de l’attention, en particulier dans le domaine du marketing. Ces technologies permettent une approche plus qualitative et personnalisée du contenu, ce qui est crucial dans un monde où une grande partie du contenu produit suscite peu ou pas d’engagement. 

Génération de contenu et analyse de données : L’IA est utilisée pour créer du contenu personnalisé et analyser des données complexes, transformant ces informations en rapports faciles à comprendre et en visualisations captivantes. Selon l’étude de HubSpot, 48 % des entreprises utilisent l’IA générative dans divers aspects de leur stratégie marketing, améliorant ainsi la prise de décision et la création de rapports de performance.

Prédiction du comportement des clients : Grâce à ses immenses bases de données, l’IA identifie des modèles dans les interactions et préférences des consommateurs pour prédire leur comportement. Des outils comme Predict AI by Neuronsutilisent des données de suivi oculaire et de réponse cérébrale pour comprendre comment les clients réagissent aux publicités et à la marque.

Amélioration du processus créatif : L’IA aide les équipes marketing à analyser de grandes quantités de données pour guider le processus créatif. Par exemple, Persado a analysé trois ans de données d’un client de détail pour identifier les concepts et messages les plus puissants, influençant ainsi l’ensemble du processus créatif.

Les Questions Éthiques : Vie Privée et Manipulation

L’utilisation de l’IA et de l’analyse prédictive dans le marketing soulève des inquiétudes éthiques, notamment autour de la vie privée et de la manipulation des comportements. 

L’article de Forbes souligne que le marketing nécessite un équilibre délicat entre l’engagement de technologies prédictives intelligentes, comme l’IA, et le respect des normes éthiques qui construisent la confiance entre les marques et les clients.

Dans cette perspective, la technologie prédictive peut avoir des implications éthiques profondes, en particulier lorsqu’elle est utilisée pour découvrir des vérités non volontaires sur les individus à partir de données existantes. Un article de la Harvard Business Review intitulé « Quand la technologie prédictive devient-elle contraire à l’éthique ? » par Eric Siegel, soulève des questions importantes sur les implications éthiques de la technologie prédictive. Il se concentre sur le dilemme éthique qui se pose lorsque les algorithmes peuvent prédire des informations sensibles sur vous (comme votre orientation sexuelle ou si vous souhaitez quitter votre emploi). Ces prédictions ne sont pas basées sur la manipulation, la fuite ou le vol de données. Au contraire, elles sont générées à partir de nouvelles données – la découverte indirecte de vérités non volontaires sur les individus. L’article soulève la question de savoir s’il y a un inconvénient lorsque les modèles prédictifs fonctionnent trop bien. Nous savons qu’il y a un coût lorsque les modèles prédisent de manière incorrecte, mais y a-t-il aussi un coût lorsqu’ils prédisent correctement ? Il est important de rester vigilant lorsque l’apprentissage automatique sert à renforcer une pratique contraire à l’éthique existante, et également lorsqu’il génère des données qui doivent être manipulées avec soin.

De plus, un article de Forbes, de août 2023, explore comment l’IA transforme la façon dont les entreprises interagissent avec leurs clients, influençant les décisions d’achat et le comportement des consommateurs.

Il souligne que la montée de l’IA et la demande d’hyper-personnalisation des services est une épée à double tranchant. L’IA permet aux entreprises de créer des liens plus forts avec leurs clients grâce à des expériences sur mesure qui répondent aux besoins et aux préférences individuelles, des suggestions de produits personnalisées au service client individualisé. Pourtant, alors que ces services « pratiques » permis par l’IA deviennent la norme, les entreprises devraient-elles toujours chercher à dépasser les attentes des clients ?

Conclusion 

Pour clore, un petit conseil de Sabine Duflo : adoptons la méthode des « 4 pas » pour échapper à l’aspirateur de l’attention que sont nos écrans. Tout simplement : pas d’écrans le matin, ni aux repas, avant de dormir ou dans la chambre. C’est comme un régime, mais pour nos yeux !

L’intégration de l’IA et de l’analyse prédictive dans l’économie de l’attention suggère un futur où la qualité du contenu prime sur la quantité. Néanmoins, cette évolution nécessite une réflexion éthique approfondie, centrée sur la protection de la vie privée et la prévention de la manipulation des consommateurs.

Enfin, un petit mot de Rémi Godeau sur le livre de Bruno Patino, Submersion (2023) : « Désormais, nous explique Bruno Patino, la submersion paralyse et le choix peut devenir une suffocation : « Une concurrence inattendue se présente : l’économie du choix. » ».

Jeanne BOUVARD


Sources 

Anizon, E. Milot, O. et Zarachowicz, W. (2020). “On me transforme en marchand de cerveaux” : quand Patrick Le Lay tentait de se défendre. Télérama. (https://www.telerama.fr/television/nous-vendons-du-temps-de-cerveau-humain-disponible-quand-patrick-le-lay-tentait-de-se-defendre,n6618251.php)

Bouissiere, Y. (2024). YouTube™ : statistiques complètes & chiffres clés 2024. Proinfluent.com (https://www.proinfluent.com/youtube-chiffres-cles/)

Dubourg, B. (2022). L’économie de l’attention. Rédaction financière. (https://www.redactionfinanciere.com/l/leconomie-de-lattention/)

Godeau, R. (2024). Economie du choix, intelligence artificielle et médias : le grand carambolage. LinkedIn. (https://www.linkedin.com/pulse/economie-du-choix-intelligence-artificielle-et-médias-rémi-godeau-rv5ge/?originalSubdomain=fr)

Hironde, J-B. (2023). AI’s Impact On The Future Of Consumer Behavior And Expectations. Forbes. (https://www.forbes.com/sites/forbestechcouncil/2023/08/31/ais-impact-on-the-future-of-consumer-behavior-and-expectations/?sh=fee61e47f6db)

Hutchinson, E. (2022). The Role Of Ethics In The Evolving World Of Marketing AI. Forbes. (https://www.forbes.com/sites/forbescommunicationscouncil/2022/08/17/the-role-of-ethics-in-the-evolving-world-of-marketing-ai/?sh=4bc830fc2e97)

Leuenberger, M. (2023). Statistiques Instagram : 10 chiffres pour améliorer sa stratégie social media en 2024. Shopify. (https://www.shopify.com/fr/blog/statistiques-instagram)

Sansonetti, J. (2024). Chiffres Snapchat 2023 : Statistiques, utilisateurs du réseau social et prévisions. WiziShop. (https://www.wizishop.fr/blog/chiffres-snapchat)

Shahid, K. (2023). 11 Artificial Intelligence Examples from Real Brands in 2023. Hubspot Blog. (https://blog.hubspot.com/marketing/11-artificial-intelligence-examples-from-real-brands-in-2024)

Siegel, E. (2020). When Does Predictive Technology Become Unethical?. Harvard Business Review. (https://hbr.org/2020/10/when-does-predictive-technology-become-unethical)

(2023). Comment l’IA transforme le marketing en entreprise. Archimag. (https://www.archimag.com/demat-cloud/2023/10/30/hubspot-enquete-intelligence-artificielle-ia-marketing-entreprises)

Marketing truth or marketing hype? Beckon digs into the latest buzzwords and trends to reveal what’s working and what’s not. Beckon. (https://s39940.pcdn.co/wp-content/uploads/2018/12/Marketing-Truth-or-Marketing-Hype-Beckon-Report.pdf)

La chronologie des médias à l’ère de la SVOD : Quelles problématiques ?

Le « Nouveau Monde de la Distribution »

L’essor du streaming et l’augmentation rapide des contenus audiovisuels en ligne, combinés à l’évolution de nos habitudes de consommation, ont radicalement transformé l’industrie du cinéma traditionnelle. Cette métamorphose a engendré un nouvel écosystème où les films sont diffusés via une multitude de canaux et génèrent des revenus de diverses sources. Selon Peter Broderick (producteur américain), nous sommes en présence d’un « Nouveau Monde de la Distribution« , qui se distingue par des coûts réduits, des stratégies personnalisées, des sources de revenus variées et un accès direct aux spectateurs.

Dans ce cadre, Internet occupe une place centrale dans la désintermédiation de l’industrie cinématographique, affaiblissant les intermédiaires traditionnels tels que les distributeurs et les exploitants, au profit d’une relation directe entre producteurs et consommateurs. Autrefois, la chronologie des médias, qui garantissait plusieurs fenêtres d’exploitation pour les films, permettait de segmenter les sources de revenus, de la sortie en salle à la diffusion en DVD, puis à la télévision payante et gratuite. Cependant, avec l’apparition des services de vidéo à la demande, de plus en plus proches de la sortie en salle, chaque fenêtre d’exploitation se rétrécit.

La chronologie des médias actuelle en France…

Initialement conçue pour protéger les salles de cinéma de la concurrence de la télévision, puis de la vidéo, la chronologie des médias avait pour objectif de garantir un équilibre dans le paysage audiovisuel. La France s’est distinguée en adoptant une approche singulière, tant au niveau européen qu’international, en édictant des textes contraignants. Ces derniers étaient d’abord intégrés aux cahiers des charges des chaînes publiques durant l’ère du monopole dans les années soixante et soixante-dix, puis inscrits dans la loi en 1982. Aujourd’hui, ces principes sont régis par des décrets découlant d’accords interprofessionnels.

En effet, la chronologie des médias est ponctuellement actualisée, pour tenir compte des usages qui émergent, de l’arrivée de nouveaux concurrents et de l’évolution du paysage audiovisuel. Révisée en 2018 puis en 2022, voici les grandes lignes de la chronologie des médias actuelle :

Source : Numerama

… et à l’international ?

Un bref tour d’horizon à l’étranger révèle qu’aucun autre pays au monde ne possède une réglementation aussi rigoureuse et précise que la France en matière de chronologie des médias. La directive européenne SMA accorde aux États membres la liberté d’appliquer des règles plus strictes ou plus détaillées que celles prévues au niveau européen pour les services relevant de leur compétence.

Cependant, la majorité des pays ont choisi de ne pas légiférer sur la question de la chronologie des médias. Certains pays européens, à l’instar de l’Allemagne, ont néanmoins adopté des dispositions législatives, bien que moins contraignantes. En Allemagne, par exemple, l’obtention d’aides publiques est conditionnée au respect de délais de diffusion spécifiques : six mois pour les services à la demande, douze mois pour les chaînes de télévision payantes et dix-huit mois pour les chaînes de télévision gratuites. Le Portugal dispose également d’une réglementation via un décret-loi datant de 2006, mais les dispositions de ce décret peuvent être modifiées dans le cadre d’accords entre les ayants droit et les diffuseurs.

En outre, dans ces pays, une œuvre qui ne sort pas en salle peut être diffusée directement à la télévision ou sous forme de DVD, ce qui n’est pas possible en France actuellement, risquant de perdre une part significative des financements prévus pour une sortie en salles. Cependant, la plupart des autres pays, comme la Grèce, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Danemark, la Roumanie, n’ont tout simplement pas de dispositions sur la chronologie des médias, tout comme aux États-Unis où la question de la diffusion est réglée contractuellement, film par film.

Les « petits films » souffrent-ils de la chronologie des médias ?

En 2013, le Bureau Européen des Unions des Consommateurs (BEUC) a souligné que la chronologie des médias en vigueur ne correspondait pas à la réalité du marché, en particulier en donnant la priorité à l’exploitation en salle malgré l’émergence des nouveaux canaux de distribution comme les services de SVOD1. Selon le BEUC, l’ordre chronologique des fenêtres d’exploitation nuit particulièrement aux films « modestes » dont les budgets de promotion sont limités. Ainsi, rendre les œuvres disponibles rapidement après leur sortie en salle serait plus avantageux sur le plan commercial.

L’ordre traditionnel de sortie des films est de plus en plus remis en question, comme le souligne Xavier Rigault, producteur français et co-président de l’Union des producteurs de cinéma. Selon lui, permettre à un film de sortir directement en vidéo pourrait contribuer à « décongestionner les salles » et à réduire le piratage des œuvres, un problème majeur actuellement au sein de l’industrie du cinéma. Actuellement, lorsqu’un film est retiré rapidement de l’affiche, il doit attendre quatre mois avant de pouvoir être diffusé en vidéo. Cependant, promouvoir cette « deuxième sortie » nécessite un nouvel investissement dans une campagne publicitaire, ce qui pose un réel défi pour de nombreux distributeurs. Cette difficulté est accentuée par le fait que la durée de vie d’un film en salle est courte, généralement entre 10 et 15 jours, en raison du nombre important de films sortant chaque semaine, d’autant plus que les blockbusters américains laissent peu de place à la diversité.

Qu’est-ce qu’une œuvre cinématographique en 2024 ?

La salle de cinéma a longtemps représenté le principal lieu d’exploitation des films, étant même déterminante dans la définition d’une « œuvre cinématographique », qui est officiellement reconnue comme telle une fois qu’elle a obtenu un visa d’exploitation, lequel nécessite une diffusion en salles.

Cependant, de nos jours, de plus en plus de diffuseurs produisent leurs propres contenus, parfois réalisés par des cinéastes renommés, qui suivent les mêmes codes que les films traditionnels, mais sont diffusés exclusivement sur leurs plateformes de streaming, contournant ainsi le circuit traditionnel des cinémas. Cette évolution soulève la question de savoir si des films tels que « A l’Ouest rien de nouveau » (Edward Berger, 2022), « The Killer » (David Fincher, 2023), « The Power of The Dog » (Jane Campion, 2021), ou encore « The Irishman » (Martin Scorsese, 2019) doivent être considérés comme des œuvres cinématographiques, même si leur première diffusion se fait sur une plateforme de SVOD telle que Netflix. Malgré cela, ces films démontrent une qualité de réalisation, d’écriture et de technique qui les distingue davantage des téléfilms que des œuvres cinématographiques conventionnelles.

The Irishman (Martin Scorsese, Netflix, 2019)

Cette question de classification suscite des débats, notamment lors de festivals de renom comme Cannes, où les films non destinés à sortir en salles en France ne sont pas éligibles à la compétition. En revanche, la Mostra de Venise a décerné le Lion d’Or à une production Netflix (« Roma » d’Alfonso Cuaron, 2018) et les Oscars ont récompensé en 2021 le dernier film de Jane Campion, « The Power of the Dog« .

Cependant, au-delà de cette question de désignation, se pose celle de l’accès aux mécanismes de financement de la production cinématographique. Il est donc crucial de déterminer si de telles œuvres peuvent bénéficier des aides financières du CNC, même si elles ne sortent pas en salles. De nombreuses voix plaident en faveur d’un assouplissement de l’obligation de première diffusion en salles, proposant que les films puissent obtenir leur statut cinématographique en étant diffusés directement en vidéo, ce qui pourrait favoriser une diversification des modes d’exploitation et une évolution du paysage cinématographique français.

Quel avenir pour la chronologie des médias ?

Face à l’évolution rapide des plateformes de SVOD, les autorités pourraient choisir une approche plus flexible en assouplissant les règles de la chronologie des médias, en renonçant à son caractère contraignant au profit de recommandations, éventuellement assorties d’incitations fiscales ou budgétaires. Cette tendance reflète celle observée dans de nombreux pays étrangers, où les ayants droit ont plus de latitude dans la gestion de la chronologie des médias, permettant ainsi une plus grande souplesse dans la diffusion des films. Cette approche favorise l’expérimentation et pourrait permettre de distinguer les approches bénéfiques à long terme de celles moins favorables.

Selon Jean-Yves Mirski, délégué général du Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN), il y a une tendance à réduire les délais entre la sortie en salle et la diffusion sur d’autres supports. La sortie universelle, où un film est lancé simultanément sur tous les supports, est de plus en plus envisagée. Cette pratique n’est plus taboue, notamment depuis la sortie du film de Steven Soderbergh, « Bubble« , en 2006, qui est sorti au cinéma et sur la chaîne coproductrice HDNET, puis en DVD quatre jours plus tard. Des stratégies similaires sont de plus en plus courantes, comme la diffusion en VOD premium avant la sortie en salles de « Melancholia » de Lars von Trier en 2011, ou la mise à disposition gratuite sur YouTube du film « Home » de Yann Arthus-Bertrand dix jours avant sa sortie en salles, à la télévision et en DVD, qui a rencontré un réel succès auprès du public (à noter qu’il s’agit d’un film militant destiné à être vu par l’audience la plus étendue possible).

Cependant, bien que certaines expériences de diffusion simultanée sur plusieurs supports rencontrent un succès réel, elles restent exceptionnelles et résultent souvent d’un financement particulier ou d’une stratégie publicitaire spécifique.

Il est ainsi légitime de remettre en question l’intervention de l’État dans l’établissement de la chronologie des médias. Plutôt que d’imposer des règles, pourquoi ne pas laisser chaque acteur décider de ses propres règles en concluant des contrats avec les détenteurs des droits de films et les différents circuits de distribution ? En d’autres termes, serait-il possible de privilégier les mécanismes du marché, basés sur l’offre et la demande, plutôt que des décisions publiques dans le domaine de la chronologie des médias ? Les professionnels du secteur se verront confrontés à ces questions dans les années à venir, avec une nécessité de révision de la chronologie des médias envisagée d’ici début 2025.

Anne-Lise MAGNIEN


Sources

Pascal Lechevallier, 2020, La Chronologie des médias en Europe

Alex Scoffier, 2019, Repenser l’industrie du cinéma à l’ère du numérique

Alain Le Diberder, 2020, Chronologie des médias : attention danger !

Observatoire européen de l’audiovisuel, 2019, La chronologie des médias : une question de temps


  1. Livre vert : Se préparer à un monde audiovisuel totalement convergent, 2013
    https://www.beuc.eu/sites/default/files/publications/2013-00586-01-e.pdf ↩︎

Comment TikTok influence l’industrie cinématographique ? 

Tiktok prend de plus en plus de place dans l’industrie cinématographique, que ce soit à travers les publicités qui font la promotion de films sur la plateforme, des critiques de films, des courts métrages réalisés par les créateurs de contenus ou encore la rediffusion d’extraits de films.  Le 3 octobre 2023, Paramount est allé encore plus loin et a diffusé sur la plateforme la totalité du film Mean Girls (2004). Le film avait alors été découpé en 23 parties. La date du 3 octobre fait directement référence au film puisqu’il s’agit du « Mean Girls Day » qui est devenu un véritable symbole de la culture populaire (Croquet & Trouvé , 2023). Nous pouvons également supposer que ce coup marketing a été effectué afin de relancer l’engouement pour Mean Girls alors qu’un remake est sorti le 10 janvier 2024. Paramount a alors su s’adapter à une tendance Tiktok qui propose un découpage de différents contenus (afin de s’accorder au format) allant d’un film, une série ou encore un reportage.

La promotion, le point décisif

Lors la sortie d’un film, le marketing est un facteur essentiel et déterminant pour son parcours. D’après Laurent Creton, l’objectif du marketing dans le cinéma « est de satisfaire dans les meilleures conditions les attentes et les besoins de la clientèle afin d’optimiser l’adéquation du produit avec son marché » (Creton, 2020). Si nous reprenons notre exemple Paramount et Mean Girls, c’est exactement ce que le studio a fait. Il a su adapter son format à la cible choisie (une cible jeune 15-24 ans) et au format proposé par Tiktok.

La promotion se crée autour du film et une « image de marque » se crée. L’exemple parfait est le film Barbie, sortie en 2023. Sans un budget colossal de 150 millions de dollars, l’influence du film n’aurait certainement pas été la même (Jouin, 2023). L’été 2023 fut un été en rose. Tout était aux couleurs de la célèbre Barbie, de nombreuses marques se sont également associées pour créer des collections spéciales telles que Crocs, O.P.I, AirBnb, Zara, Maserati ou encore Buger King. Grâce à cette diversité de marques et de représentations, l’influence de Barbie n’a fait que croître. Evidemment, les tendances Tiktok ont également suivi à travers plusieurs hashtags. Nous pouvons citer le #Barbiefoot où les utilisateurs reproduisent une scène du film ou Margot Robbie enlève ses talons ; #Barbieshake qui consiste à boire un milkshake rose avant de se transformer en Barbie ou encore le #Barbiemovie qui rassemble tous types de contenus autour du film. D’autres hashtags tel que #NotMyKen a lui aussi fait réagir avant la sortie du film. Cet hashtag dénonçait le fait que Ryan Gosling soit trop âgé pour jouer le rôle de Ken. Aux vues du succès du film, cet hashtag n’a pas entaché sa réputation. Tiktok, en tant que relayeur de contenu a réellement fait partie du processus de marketing 360 pour le film, a accru sa visibilité et a sans doute poussé de nombreuses personnes à se rendre en salles (1,446 millliards de dollars au box office).

Tiktok se place ainsi comme un outil marketing incontournable pour les films et leur éventuel succès. Pourquoi ? Grâce à son fort taux d’engagement, son format court/créatif et sa viralité.

Insaisissable et imprévisible

En 2023, la sortie du film Le Consentement restera un cas d’école en ce qui concerne l’influence de Tiktok sur le parcours d’un film. Le Consentement relate l’histoire de Vanessa Spingora, 14 ans, alors sous l’emprise de Gabriel Matzneff, célèbre auteur des années 1980. C’est une adaptation du roman Le Consentement de Vanessa Spingora. Lors de la première semaine d’exploitation, le film a cumulé environ 59 000 entrées. Habituellement, après la première semaine, les entrées pour un film sont divisées par deux et particulièrement pour les films d’auteurs. C’est exactement l’inverse qui est arrivé pour Le Consentement, en trois semaines, les entrées ont triplé pour arriver à un pic d’entrées de 142 000 et redescendre. Au total, le film aura comptabilisé 616 000 entrées (AlloCiné , 2023). Ces chiffres records s’expliquent par l’émergence d’une tendance Tiktok qui avait pour but de se filmer avant et après avoir vu le film. La vidéo de « l’après » met en évidence de façon nette le choc ressenti par les utilisateurs.

Le #leconsentementfilm dénombre plus de 7,8 millions de vues sur Tiktok et les vidéos liées au film ont été vues plus de 20 millions de fois (Vasseur, 2023). Marc Missonier, producteur du film avait alors déclaré, « Les ados se sont emparés du film par eux-mêmes. Il faut rester modeste par rapport à ça, c’est impossible à programmer. Mais le film les a touché au cœur, c’est certain ». Il reconnaît « n’avoir pas prévu ce phénomène ». Du fait de la popularité du film sur Tiktok, un public jeune s’est rendu en salle et un réel engouement est né. De plus, par son sujet, le film a certainement raisonné pour de nombreux jeunes qui sont de plus en plus engagés et favorisent la liberté de la parole sur des sujets tels que les violences sexuelles. Ainsi, en plus de donner de l’élan à ce film d’auteur, via la plateforme Tiktok, des sujets sociétaux sont abordés et permet une certaine forme de libération de la parole. Comme nous l’avons précédemment évoqué, Tiktok est un réseau social important dans la promotion d’un film mais cet évènement n’était pas prévu par le distributeur. La plateforme « n’a pas amplifié le succès du Consentement, il l’a créé » (Guerrin, 2023). A l’inverse de l’exemple du film Barbie où le réseau social avait justement été utilisé pour élargir le succès du film. Tiktok se démarque alors par sa viralité insaisissable et imprédictible.

Plus récemment, le film Saltburn a également pu profiter de la viralité de Tiktok et accroitre sa notoriété. Il s’agit d’un cas légèrement différent puisqu’il s’agit d’un film sorti sur Prime Video le 22 décembre 2023 et non en salle. Il est donc plus difficile de quantifier les vues puisque Prime Video ne partage pas ses données. Cependant, nous pouvons tout de même remarquer l’importance du film sur Tiktok. Saltburn, réalisé par Emerald Fennell, raconte l’histoire d’un étudiant de l’Université d’Oxford qui va se plonger dans l’univers aristocratique grâce à son camarade de classe qui l’invite dans son vaste domaine familial. A nouveau, ce film a fait parler de lui sur Tiktok pour ses scènes choquantes, les utilisateurs se filmaient alors en train de réagir. Le #Saltburn dénombre plus de 5,5 milliards de vues. Tiktok a également propulsé la chanson « Murder On The Dancefloor » de Sophie Ellis Bextor qui apparait à la fin du film. Scène durant laquelle Barry Keoghan déambule et danse dans le manoir. Cette scène finale a alors été reproduite par de nombreuses personnes sur Tiktok. La chanson « Murder On The Dancefloor » a été utilisée plus de 226 00 fois et a été écoutée plus de 1,5 millions de fois le soir du nouvel an soit une augmentation de 340% par rapport à l’année dernière (La Dépêche, 2024). Que ce soit en salle ou sur les plateformes, Tiktok offre une certaine accessibilité du cinéma au jeune public.

Quelles perspectives ?

Après avoir bouleversé l’industrie musicale, Tiktok s’en prend au fonctionnement de l’industrie cinématographique. De par un fort taux de complétion et d’engagement, le système de vidéos courtes mis en place influence directement la décision de l’utilisateur : regarder un film ou non. A noter, « 52 % des utilisateurs de TikTok ont découvert un nouvel acteur, un nouveau film ou une nouvelle émission de télévision sur TikTok. Ce taux démontre à nouveau le pouvoir que la plateforme afin de susciter des tendances et une popularité pour les films (Davies, 2023 ). Tiktok place le spectateur au cœur de la dynamique.

Après avoir étudié la façon dont Tiktok s’implante dans le but de créer un engouement et pousser le public à aller au cinéma ou regarder des films, nous pouvons ouvrir notre sujet nous demander si Tiktok ne serait pas finalement un concurrent à l’industrie cinématographique.  La plateforme opère un réel changement dans les habitudes de ses utilisateurs. Comme nous l’avons évoqué, il est possible de regarder des films en plusieurs parties. Au-delà d’être utilisé comme un outil de marketing, un outil propulseur, la plateforme Tiktok pourrait elle-même en être actrice. En 2023, Tiktok, partenaire officiel du Festival de Cannes avait déjà organisé son propre festival de court-métrages. Le « Tiktok Short Film » qui permettait aux cinéphiles du réseau social de soumettre leur création, une vidéo verticale originale de plus d’une minute. Néanmoins, cet élan peut remettre en question la légitimité de Tiktok à se positionner comme acteur du cinéma.

Solène TAGMOUNT

Références

AlloCiné . (2023). Le Consentement . Récupéré sur AlloCiné.

Creton, L. (2020). La marketing cinématographique . Dans L. Creton, Economie du cinéma (p. 157 à 177). Armand Colin .

Croquet , P., & Trouvé , P. (2023, Octobre 5). Sur TikTok, le succès des films et reportages « saucissonnés ». Récupéré sur Le Monde : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/10/05/sur-tiktok-le-succes-des-films-et-reportages-saucissonnes_6192690_4408996.html

Davies, R. (2023 , Avril 21). TikTok is changing the film industry by putting the power back in the hands of fans. Récupéré sur Why Now: https://whynow.co.uk/read/tiktok-is-changing-the-film-industry-by-putting-the-power-back-in-the-hands-of-fans

Guerrin, M. (2023, Novembre 17). « En assurant le succès du film “Le Consentement”, grâce à un public jeune et populaire, TikTok réussit là où des politiques culturelles échouent depuis des décennies ». Récupéré sur Le Monde: https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/17/en-assurant-le-succes-du-film-le-consentement-grace-a-un-public-jeune-et-populaire-tiktok-reussit-la-ou-des-politiques-culturelles-echouent-depuis-des-decennies_6200560_3232.html

Jouin, S. (2023, Octobre 10). Barbie : une campagne marketing aux 150 millions de dollars. Récupéré sur Affect: https://www.afffect.fr/blog/barbie-une-campagne-marketing-aux-150-millions-de-dollars

La Dépêche. (2024, Janvier 2024). « Saltburn », le film tendance sur les réseaux sociaux. Récupéré sur La Dépêche : https://www.ladepeche.fr/2024/01/11/saltburn-le-film-tendance-sur-les-reseaux-sociaux-11691380.php

Vasseur, V. (2023, Octobre 23). « Le consentement » : comment une tendance TikTok a relancé cette adaptation du roman de Vanessa Springora. Récupéré sur France Inter: https://www.radiofrance.fr/franceinter/le-consentement-sur-tiktok-le-film-adapte-du-roman-de-vanessa-springora-plebiscite-par-les-jeunes-1978640

Le chaos informationnel généré par la certification payante sur les réseaux sociaux : étude du cas de X


La prolifération de fausses informations sur les réseaux sociaux est aujourd’hui un problème sociétal et politique majeur. Ceci s’inscrit dans un contexte où les réseaux sociaux se positionnent en tant que principal moyen d’acquisition d’information chez les jeunes. Selon une étude de Médiamétrie datant de 2018, 71 % des individus âgés de 15 à 34 ans déclarent utiliser régulièrement les réseaux sociaux à des fins d’information, surpassant ainsi l’audience des journaux télévisés (49 %), des flashs d’information sur les radios musicales (33 %) et même de la presse quotidienne, incluant sa version en ligne (29 %). 

Cette nouvelle réalité suscite un certain nombre d’inquiétudes largement discutées dans les sphères politiques et médiatiques. L’un des sujets phares concerne le fait que Facebook et X (anciennement Twitter) jouent un rôle central dans la diffusion et la propagation de « fake news », rumeurs et autres formes de désinformation. 

Pourtant, ces géants des médias proposent en majorité un service de vérification de comptes. La vérification, symbolisée par un badge ou une encoche, joue, du moins historiquement, un rôle de confirmation de l’identité du détenteur du compte.

Rapide historique des modèles de certification

Twitter a été le précurseur de la vérification des comptes sur les réseaux sociaux en 2009 après avoir conclu que les suspensions de comptes à posteriori étaient insuffisantes pour faire face aux usurpations d’identité. Au cours des années suivantes, les principales plateformes ont suivi le modèle de Twitter, proposant une vérification de compte avec une terminologie similaire et une iconographie comparable. 

Figure 1 : Historique des programmes de vérification de compte sur les principales plateformes de médias sociaux en janvier 2023 (8.)

La finalité principale de la vérification de compte, point de cohérence au fil du temps et sur différentes plateformes jusqu’aux modifications récentes de X et Meta, a été de remédier à l’usurpation de compte en confirmant l’identité du propriétaire du compte. Cependant, la vérification a rapidement pris une autre signification, notamment en tant que signe de l’importance d’un compte et de la crédibilité de son contenu.

La transition vers un modèle de certification payante

Meta et X, ont récemment entamé une transition majeure dans leurs programmes de certification de compte, évoluant d’un système de confirmation d’identité des utilisateurs à un service premium payant. 

Cette tendance semble principalement motivée par une stratégie visant à accroître les profits et à revitaliser un modèle économique éprouvé. Cependant, ces transformations ne se limitent pas à de simples ajustements de service. Elles entraînent également une refonte significative des modalités d’accès à l’information sur ces plateformes, soulignant ainsi l’impact profond de ces innovations sur la dynamique de partage et de consommation d’informations au sein de ces réseaux sociaux.

Historiquement, Twitter réservait l’attribution des encoches bleues uniquement aux comptes jugés « actifs », « remarquables » et « authentiques ». La démonstration d’authenticité impliquait notamment une preuve d’identité, telle qu’une photo d’un permis de conduire. 

Depuis décembre 2022, X est passé sous un nouveau régime à certification payante, et a assoupli ces critères, notamment en remplaçant « authentique » par « sécurisé » (actif depuis 90 jours, puis encore assoupli à 30 jours, avec un numéro de téléphone confirmé) et « non trompeur ». Il est cohérent de noter que le nouveau processus de vérification pour les coches bleues n’exige ainsi aucune preuve affirmative d’identité. 

La désinformation, enjeu majeur de cette transition ?

Les enjeux liés à ces nouvelles méthodes d’information via les réseaux sociaux se manifestent de manière particulièrement préoccupante chez les jeunes en raison de la nature nouvelle de leur consommation d’information. Un cas interessant concerne les « bulles de filtres », concept popularisé en 2011 par l’essayiste Eli Pariser, qui étend l’idée de la « chambre d’écho » formulée par Sunstein (2001). Cette notion explique un effet inhérent aux médias sociaux et révèle que, par le biais d’algorithmes prédictifs, ces plateformes exposent majoritairement les utilisateurs à des contenus a priori alignés avec leurs préférences et opinions.

En enfermant les internautes dans un univers informationnel qui les isole des citoyens aux opinions divergentes, les réseaux sociaux participent alors à la polarisation et à la fragmentation de l’espace public.

En parallèle, une étude intitulée « Vérification des comptes sur les médias sociaux : Perceptions des utilisateurs et inscription payante », datant de juin 2023 (8), a mis en évidence une méconnaissance des critères de vérification des comptes Twitter. Plus de la moitié des répondants ont démontré une incompréhension sur les critères d’attribution des coches bleues, et plus de 80 % des participants à l’étude a interprété de manière erronée les nouveaux indicateurs de vérification couleur or et gris récemment introduits par X. 

Cette refonte des modalités d’accès à l’information sur les plateformes pose ainsi une question majeure : comment garantir la fiabilité de l’information lorsque le principe même de certification est subvertit, et que cette fonctionnalité ne peut plus être considérée comme un gage de fiabilité ? 

Des conséquences dans le monde réel

L’un des exemples les plus significatifs des risques encourus par la certification payante se manifeste à travers l’exemple du New York Times.  

Seulement quelques heures après avoir déclaré ne pas avoir l’intention de « payer pour maintenir la certification de ses comptes officiels », le prestigieux quotidien américain a vu disparaître le badge bleu du compte du journal, pourtant suivi par une audience de 55 millions d’abonnés. Cet événement a été rapidement suivi d’un tweet du PDG de X, Elon Musk, accusant le média de propagande.

Un internaute possédant déjà un compte vérifié a alors tiré avantage de cette situation en renommant son compte avec le nom du célèbre média américain. Cela a conduit à une situation paradoxale où le véritable compte du New York Times s’est retrouvé non certifié, tandis que le compte frauduleux qui usurpait l’identité du journal conservait sa certification.

D’autres exemples témoignent de conséquences dramatiques de ce nouveau système de certification payante dans le monde réel. Alors que le coût de l’insuline la rend inaccessible à de nombreux citoyen aux États-Unis, un compte vérifié a pris l’identité du géant pharmaceutique Eli Lilly, annonçant faussement que l’entreprise fournirait gratuitement le médicament. En l’espace de quelques heures, le cours des actions d’Eli Lilly a connu une chute de près de 5 %, entraînant des pertes financières évaluées à plusieurs milliards de dollars de capitalisation boursière pour l’entreprise.

Dès lors, comment la certification peut-elle rester synonyme d’authenticité ? L’incapacité à distinguer ceux qui ont payé de ceux qui ne l’ont pas fait pose un défi significatif en terme de crédibilité de l’information, particulièrement au regard du prix extrêmement abordable de ce service, à environ 10 euros par mois.

Les associations tirent la sonnette d’alarme

Le chaos résultant de ces modifications du système de certification soulève des préoccupations sérieuses en matière de droits, qui sont le sujet de divers communiqués d’associations telles que Human Rights Watch ou Reporters sans frontières (RSF). 

Human Rights Watch souligne notamment que les inquiétudes soulevées pointent vers la nécessité de repenser les plateformes sociales en général, tant elles représentent des places publiques numériques et nécessitent une surveillance plus démocratique, y compris des réglementations plus strictes ancrées dans des normes de droits humains. 

« Aucun individu ne devrait détenir le pouvoir que Musk exerce sur une infrastructure d’information aussi cruciale. » Musk chaos raises serious rights concerns over Twitter. – Human Rights Watch (6.)

Reporters sans frontières (RSF) dénonce également cet outil comme dangereux et trompeur, qui instaure un régime à deux vitesses sur l’accès à l’information en ligne et qui ne garantit pas la fiabilité de l’information. RSF appelle donc à retirer cet outil et préconise de mettre en place des règles pour encadrer ces pratiques, en rappelant que les entreprises gérant les réseaux sociaux ont une responsabilité dans le chaos informationnel et que leurs intérêts économiques ne doivent pas passer avant ceux des citoyens. 

Helene Palmer


Bibliographie

  1. Aublanc, M. (2023, 9 avril). Twitter Blue : Comment l’abonnement payant va augmenter le risque de désinformation. www.20minutes.frhttps://www.20minutes.fr/by-the-web/4031545-20230409-twitter-blue-comment-abonnement-payant-va-augmenter-risque-desinformation
  2. Boyadjian, J. (s. d.). Désinformation, non-information ou sur-information ? Cairn.info. https://www.cairn.info/revue-reseaux-2020-4-page-21.htm
  3. Ganesan, A. (2022, 13 novembre). Musk chaos raises serious rights concerns over Twitter. Human Rights Watch. https://www.hrw.org/news/2022/11/12/musk-chaos-raises-serious-rights-concerns-over-twitter
  4. Les jeunes et l’information : Une étude du ministère de la Culture vient éclairer les comportements des jeunes en matière d’accès à l’information. (s. d.). https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Les-jeunes-et-l-information-une-etude-du-ministere-de-la-Culture-vient-eclairer-les-comportements-des-jeunes-en-matiere-d-acces-a-l-information
  5. Legacy Verification Policy. (2023, 5 avril). https://help.twitter.com/en/managing-your-account/legacy-verification-policy
  6. Not playing ball. (s. d.). https://blog.twitter.com/official/en_us/a/2009/not-playing-ball.html
  7. RSF réclame la fin des certifications payantes sur les réseaux sociaux et de leur logique censitaire. (s. d.). RSF. https://rsf.org/fr/rsf-r%C3%A9clame-la-fin-des-certifications-payantes-sur-les-r%C3%A9seaux-sociaux-et-de-leur-logique
  8. Xiao, M., Wang, M., Kulshrestha, A., & Mayer, J. (2023, 28 avril). Account verification on social media : user perceptions and paid enrollment. Princeton University. https://arxiv.org/abs/2304.14939
  9. X Verification requirements – How to get the Blue Check. (2023, 2 octobre). https://help.twitter.com/en/managing-your-account/about-twitter-verified-accounts
  10. York, J. (2022a, novembre 16). « Changer les règles du jeu » : les enjeux de la certification payante sur Twitter. France 24. https://www.france24.com/fr/%C3%A9co-tech/20221116-changer-les-r%C3%A8gles-du-jeu-les-enjeux-de-la-certification-payante-sur-twitter

L’impact des fusions-acquisitions sur le marché de la SVOD

En 2017, Disney secouait l’industrie avec l’acquisition historique de la 21st Century Fox pour 52 milliards de dollars, catapultant Hulu au sommet avec un éventail de contenus diversifiés. Privant Netflix et Amazon de précieuses œuvres Disney, Pixar et Marvel, Disney se retirait audacieusement de Netflix, lançant sa propre plateforme, Disney+, en 2020. Cette stratégie, initiée sous l’administration Trump, pose des défis dans un paysage médiatique en mutation et des régulations anti-trust renforcées. L’année 2023 a marqué une autre étape cruciale avec l’approbation réglementaire de la fusion tant attendue entre Discovery et Warner Media. Dirigée par David Zaslav, cette alliance a fusionné des réseaux emblématiques tels que TNT, CNN, Discovery et HGTV, créant un catalogue de contenus d’importance significative. Le défi majeur réside dans l’unification d’un public jusque-là segmenté entre deux offres distinctes : HBO Max, orienté vers le grand public, et Discovery +, axé sur les contenus non scénarisés à des tarifs relativement abordables. Cette tendance à la réunification vise à réduire la fragmentation des plateformes de SVOD, offrant une expérience plus cohérente pour les utilisateurs en rationalisant droits et ressources. 

En parallèle, les géants du streaming renforce leur stratégie et le succès est au rendez-vous. Disney+ met en avant ses capacités publicitaires comme élément clé de différenciation, annonçant lors du CES 2024 le lancement de Gateway Shop. Il s’agit d’une expérience de commerce électronique transparente intégrée au streaming, permettant aux spectateurs d’acheter directement les produits présentés dans les contenus Disney. Ajay Arora, vice-président principal du commerce, a déclaré que Gateway Shop est « la première expérience publicitaire télévisée transparente et achetable de Disney (…) Il permet au spectateur de passer de l’intérêt à l’action à l’achat sans jamais quitter l’environnement de visualisation. C’est du commerce en streaming sans interruption. » Pendant ce temps, Netflix enregistre une croissance significative avec 13 millions d’abonnés supplémentaires, dépassant les 260 millions au T4 2023. La restriction du partage de compte et le succès de l’offre avec publicité contribuent à cette augmentation. Netflix se diversifie également dans les jeux vidéo et prévoit une expansion dans les événements sportifs en 2024, illustrant une stratégie centrée sur la diversification des services et des contenus quand Disney mise tout sur la publicité. 

Du côté européen, Bertelsmann, cherchant à renforcer sa position audiovisuelle en Europe, a rencontré des échecs dans ses fusions, notamment avec RTL/Talpa Network, M6/TF1, et Simon & Schuster. Ces échecs révèlent une dynamique symptomatique de ce que Thomas Rabe, PDG de Bertelsmann, anticipait dès 2020 : un besoin d’assouplissement des réglementations pour permettre des « coopérations significatives voire des fusions plus importantes afin de créer des champions nationaux ». Canal+ se démarque lui en tant que principal distributeur de films en Europe, et la potentiel acquisition à venir d’OCS renforcerait sa position sur le marché. Ce rachat permettrais à Canal+ de s’imposer comme précurseur de cette vague de fusion-acquisition venu de l’ouest. Le groupe se distinguant déjà grâce à sa stratégie de partenariat qui propose depuis avril 2023 les programmes AppleTV+ dans son offre, ainsi que des packages donnant accès au services Disney+, Netflix, OCS et Paramount+.

Les répercussions des fusions en cours ne se limitent donc pas à la SVOD, et s’étendent à d’autres marchés grâce aux stratégies de diversification adoptées. Ces fusions donnent naissance à de nouveaux conglomérats médiatiques qui contrôlent l’ensemble du processus, de la production à la diffusion, et influencent la course à l’attention. Les changements majeurs dans les dynamiques de l’industrie suscitent également des questions sur l’impact sur la sélection des contenus, les lignes éditoriales et la création artistique, avec des répercussions qui s’étendent à d’autres secteurs économiques. Comment ces mastodontes du divertissement interagiront-ils avec d’autres secteurs économiques ? Comment leur empreinte se fera-t-elle ressentir dans des domaines connexes tels que la technologie, la publicité, voire la politique ? Les réponses à ces questions dessineront le visage d’un paysage médiatique en perpétuelle évolution.

Les conséquences d’une concentration entre géants du secteur

Selon une étude menée par Parrot Analytics, une fusion entre WarnerBros Discovery et Paramount créerait une entité qui deviendrait le leader incontesté de la demande aux États-Unis, surpassant Disney avec 29,1 % de la demande en 2023. Cependant, à l’échelle mondiale, cette fusion ne représenterait que 9,1 % de la demande de contenus originaux, se classant derrière Prime Video (11,3 %) et bien loin de Netflix (34,6 %), mais devant Disney (8,8 %). Si Warner Bros. réussit à acquérir Paramount, il pourrait se positionner en tant que concurrent sérieux, surtout avec le lancement imminent de leur service MAX dans plusieurs grands pays. Une force à plusieurs échelle : au cinema, à la télévision et en streaming. Cette fusion, bénéfique pour les droits sportifs et la diversité des contenus, pourrait rencontrer moins de résistance réglementaire. Mais la gestion de la dette et les défis de cohabitation demeurent des préoccupations. 

Second scénario imaginé par l’étude, celui d’un rachat de Paramount par Comcast, maison-mère de NBC Universal. Cette fusion propulserait ce nouveau géant en tête du podium, dépassant Disney en termes de demande globale de contenus aux États-Unis. Toutefois, au niveau mondial, elle se classerait juste derrière Apple TV+ avec seulement 6,8 % de part de marché. Cette fusion, bien que potentiellement puissante, semble compromise par la législation fédérale, qui n’autorise pas la réunion au sein d’un même groupe de deux réseaux hertziens : CBS et NBC. Pour que la fusion se fasse il faudrait abandonner un des réseaux, mais les deux groupes respectifs sont-ils prêt à un tel sacrifice ? 

Enfin, l’étude révèle un dernier scénario intrigant : David Ellison, le patron de Skydance Media, boite de production américaine, serait prêt à faire une offre pour acquérir la holding qui contrôle Paramount. Un tel rachat pourrait orienter le groupe vers la production, suivant ainsi le modèle de Sony Pictures. Ce dernier avait envisagé une fusion avec le groupe de télévision indien Zee Entertainment pour créer un géant du divertissement capable de rivaliser avec les leaders du streaming. Cependant, le projet a été annulé en janvier 2024, affaiblissant leur position respective en Inde, tandis que la fusion entre Reliance et l’unité indienne de Disney était en négociation. Une fusion menacé elle aussi par la politique anti-trust, les deux groupe posséderait suite à la potentiel fusion un monopole sur les droit du cricket en Inde et une importante part de marché à la télévision. De quoi faire vaciller l’examen réglementaire ! 

Les récentes réformes de la Federal Trade Commission (FTC) et du ministère de la Justice redéfinissent la politique antitrust américaine en mettant l’accent sur la protection du bien-être à long terme des consommateurs et des travailleurs. Traditionnellement guidée par le critère du bien-être du consommateur, la nouvelle approche vise à élargir les objectifs de la législation antitrust en incluant des préoccupations sociales, telles que la préservation de la démocratie et la protection des petits concurrents. Cette réforme s’oppose aux critiques de l’ancienne norme, accusée de ne pas prévenir la concentration du pouvoir économique, en se concentrant sur les actions anticoncurrentielles ayant des conséquences graves à long terme. Une fusion telle que Warner Bros. Discovery-Paramount peut sembler une concurrence à court terme contre Netflix et Disney+, mais à long terme, elle pourrait créer un géant médiatique susceptible de coordonner plutôt que de concurrencer. Cela aurait des répercussions sur les salaires, les licenciements, les prix des contenus, et compliquerait l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché. Ces nouvelles normes examinent les aspects verticaux des fusions, en vérifiant si l’entreprise issue de la fusion contrôle un produit dont les rivaux ont besoin pour être compétitifs. Cela contraste avec l’ancienne norme à court terme, comme l’a montré la fusion AT&T-Time Warner en 2017.

Bénéfices pour les investisseurs ou les consommateurs ?

Le marché médiatique devient alors le théâtre de spéculations intenses sur d’éventuelles transactions de fusion-acquisition, principalement centrées autour du sort de Paramount Global. Paramount Global, dirigé par Shari Redstone, est perçu comme ayant atteint un carrefour entre croissance et vente, potentiellement susceptible de déclencher d’autres transactions, un effet de flipper lorsqu’une entreprise d’envergure affiche un panneau « À Vendre ». (Pour information, ni Paramount Global ni la société mère de Shari Redstone, National Amusements, n’ont commenté publiquement sur le sujet.) Initialement perçu comme une aubaine pour les consommateurs désireux d’échapper à la multiplateformisation et de souscrire à une offre plus complète, les fusions entraînent inévitablement une concentration des contenus, aboutissant à une offre finalement moins diversifiée. L’approche « fourre-tout » adoptée par les stratégies de valorisation à la Netflix, ciblant un large public, risque d’engendrer de la frustration chez les consommateurs cherchant à trouver ce qu’ils veulent réellement regarder. Au cœur de cette réflexion réside la question de la pertinence des plateformes sur-éditorialisées face à l’émergence de ces géants fusionnés. L’avènement de la technologie, porté par l’intelligence artificielle, ouvre-t-elle la voie à une avancée majeure en matière de personnalisation au sein du paysage médiatique en mutation? À l’instar des bulles de filtres sur les réseaux sociaux, l’IA pourrait offrir une personnalisation plus fine, plaçant chaque individu au centre d’une multitude de contenus médiatiques fusionnés. Un exemple probant se dessine avec Amazon, qui, en agrégeant les données récoltées auprès des consommateurs sur divers marchés, pourrait perfectionner sa personnalisation et ainsi approfondir sa connaissance du consommateur. Cet effet boule de neige, résultant en une personnalisation plus pointue, pourrait potentiellement constituer une concurrence redoutable pour des plateformes telles que Mubi. Ces dernières, en misant sur un positionnement spécifique, risquent de voir leur axe de différenciation s’estomper dans cette nouvelle ère de personnalisation médiatique propulsée par l’IA. Mais si le traitement des données est de plus en plus refrénée c’est peut-être ce même axe de différenciation qui permettra à ces plateforme de tirer leur épingle du jeu. Qui sait ! 

Daassiss Chaïma


Sources

Parrot Analytics dresse quatre scénarios de concentration à Hollywood

Retournement de situation, la fusion des plateformes HBO Max et Discovery+ est annulée

Merger Guidelines U.S. Department of Justice and the Federal Trade Commission 

La plateforme de streaming Max, fusion de HBO Max et Discovery+, lancée en France en 2024

Max : Warner annonce sa nouvelle plateforme de streaming, fusion de HBO Max et Discovery+

La SVOD et le Covid-19 ont provoqué une vague de fusions et acquisitions en Europe

Données massives et droit de la concurrence : les fusions-acquisitions des plateformes numériques

Scénarios anticoncurrentiels pour les fusions numériques – Note de référence de l’OCDE

WarnerMedia and Discovery have completed their mega-streaming merger

Une fusion Disney-Reliance en Inde dans le domaine du divertissement risque de se heurter à des problèmes antitrust

Paramount Potential M&A: Warner Bros. Discovery, Skydance, Apollo – Oh My!

As Paramount, WB Discovery and Others Weigh M&A Options, Is More Consolidation Really the Answer to Hollywood’s Profit Problem?

Inde-Sony met fin à son projet de fusion avec le groupe de télévision Zee Entertainment

Le paysage du streaming vidéo en reconstruction

L’année 2023 avait déjà marqué un tournant pour le streaming vidéo. Mais aujourd’hui, de nombreuses restructurations sont en train d’aboutir, entrainant une modification de l’industrie et de ses acteurs. De nouvelles orientations stratégiques émergent et chamboulent profondément les plateformes de streaming. Déjà bien établies, Amazon Prime, Disney+ et Netflix font souffler un vent nouveau sur leurs modèles, et poussent leurs concurrents et nouveaux acteurs à faire de même. Les business modèles sont redéfinis, et innovés pour permettre une rentabilité toujours plus forte, dans un contexte d’hyper saturation des contenus, et d’inflation. 

Avec la « streamflation » (Pour L’Éco), la hausse des prix des abonnements aux services de streaming, il est primordial pour les grands acteurs, comme Netflix et Disney+ et leurs positions dominantes, de retenir leurs abonnés malgré ces hausses. En 2023, Netflix a subi une légère baisse de 3% dans son nombre global d’abonnés par rapport à 2022 (Capital). C’est dans cette dynamique que de nouvelles stratégies se développent. 

La télévision et les télécoms : à la poursuite du streaming

Les chaînes de télévision s’imposent de plus en plus dans le paysage du streaming vidéo. Passant d’un modèle linéaire à un modèle non-linéaire, ils marquent leur présence dans un milieu déjà saturé par divers acteurs. Que ce soit Arte, France Télévisions, TV5 Monde… les chaînes de télévisions optent pour le streaming et s’adaptent à la transformation digitale. Via le replay des programmes ou la production de contenus originaux, ces acteurs traditionnels viennent à la conquête du numérique et proposant pour la plupart, des offres gratuites, reposant ou non sur la publicité : une manière de se différencier des grands acteurs du marché. Le lancement de TF1+, le 8 janvier dernier, apporte un nouvel air dans le streaming proposé par la télévision et repose, selon le PDG Rodolphe Belmer, sur une stratégie à double volet (Satellifacts). D’une part, la filiale de Bouygues vise à renforcer son positionnement dominant dans le secteur du linéaire. D’autre part, TF1 met l’accent sur le développement de son offre de streaming, en se concentrant particulièrement sur le divertissement et l’information, les deux principaux axes éditoriaux du groupe. La plateforme gratuite accessible sans abonnement arrive après la fermeture de Salto en mars dernier (Ibid), et vise à devenir la première plateforme de streaming gratuite en France et en Europe, accessible sur divers écrans et opérateurs à partir de mars 2024 (Le Figaro). TF1+ s’avère déjà être un franc succès pour la chaîne, avec une augmentation significative de son audience et une croissance de 70 % de ses utilisateurs quotidiens et de 80 % du nombre de vidéos visionnées, en comparaison à la même période de l’année précédente sur les mêmes plateformes. De plus, elle souligne le succès de son service TF1+, qui a attiré trois fois plus de nouveaux comptes créés depuis le 8 janvier par rapport à la moyenne de l’année 2023 (Satellifacts).

Les chaînes de télévision ne sont pas les seules à s’attaquer au streaming vidéo. L’opérateur télécom et le fournisseur d’accès à Internet, Free, a créé cette année, en mars 2023, sa nouvelle interface de VOD gratuite financée par la publicité (AVOD), accessible à tous les abonnés Freebox. Avec une offre proposant plus de 300 films et séries, Free tente de s’installer sur le marché du streaming en cannibalisant ses abonnés. Une nouvelle étape pour le monde des télécoms, et un nouveau concurrent pour les plateformes de streaming (CB News).

Dans ce paysage en constante évolution, où les frontières entre télévision traditionnelle et streaming vidéo s’estompent, les acteurs historiques et nouveaux venus se lancent dans une course stratégique pour l’innovation. Cette expansion rapide du marché du streaming, enrichie de modèles diversifiés et de stratégies dynamiques, ouvre la voie à un avenir où la créativité et l’adaptabilité définiront le succès dans un secteur de plus en plus concurrentiel.

Les contenus des plateformes : productions originales ou contenus sous licence ?

Netflix semble asseoir, encore et toujours, sa place de numéro 1 dans l’univers du streaming vidéo, laissant aux autres participants comme Disney et Warner Bros, des difficultés à s’assumer, et devant trouver de nouvelles stratégies pour fonctionner. En effet, bien que Bob Iger de Disney ait précédemment établi une comparaison audacieuse entre le prêt de contenu à Netflix et la distribution de technologies nucléaires à des nations du tiers-monde, il apparaît désormais que Disney trouve une nécessité financière dans les revenus générés par ces échanges de contenu (Variety). Récemment, Disney a conclu un accord avec Netflix, incluant le partage des droits de streaming pour « Grey’s Anatomy » et la licence de 41 autres séries à Netflix. Disney bénéficie ainsi de revenus de licence nécessaires pour ses projets de développement. Netflix, quant à lui, a une stratégie similaire, se concentrant sur le contenu sous licence qui représente une part importante de son temps de visionnage. Disney prévoit de réduire ses dépenses de contenu en 2024, se concentrant davantage sur les sports, tandis que « Grey’s Anatomy » devrait compenser la baisse de l’engagement en streaming (Ibid).

Imitant Warner Bros. Discovery, Disney a accru l’envoi de ses contenus, y compris d’anciennes séries HBO et de films de super-héros, à Netflix. Cette approche a transformé un déficit de trésorerie de 930 millions de dollars en 2021 en un excédent de 2 milliards en 2023. Actuellement, les studios favorisent les licences plutôt que de produire en masse du contenu original, avec 45% du visionnage Netflix basé sur du contenu sous licence en 2023. Disney prévoit de réduire ses dépenses en contenu, se concentrant sur les sports, ce qui limitera la création de nouvelles séries originales (Ibid).

Cependant, le géant américain du streaming aux lettres rouges, crée par Reed Hastings, a annoncé vouloir investir 17 milliards de dollars cette année dans la production originale de contenus, tout en adaptant sa stratégie initiale. Le nouveau but est de réduire la sortie à environ 25 à 30 films chaque année, au lieu de la cinquantaine de films produits dans le passé (L’Echo).

Dans cette ère de transformation stratégique, l’utilisation de contenus sous licence pourrait devenir la norme pour les plateformes de SVOD (Subscription Video On Demand). Cela permettrait non seulement de réduire les coûts, mais aussi d’assurer une rentabilité durable dans un marché de plus en plus concurrentiel.

La fusion des plateformes : une stratégie émergente 

Face à la montée des prix, les plateformes de streaming cherchent à se regrouper pour devenir plus attractives. Un exemple notable est MyCanal, qui intègre divers contenus et plateformes dans ses offres. La cession de OCS, plateforme de SVOD d’Orange, à Canal+, tout juste approuvée par l’Autorité de la Concurrence, appuie le certain intérêt qui existe pour les services de streaming de proposer plusieurs offres dans leurs abonnements. Les fusions entre plateformes gagnent en popularité parmi les géants du streaming. En France, Amazon Prime a rejoint ce mouvement proposant à ses clients le Pass Warner, donnant accès au catalogue HBO, de Warner TV, d’Adult Swim, de Toonami, de Cartoon Network, de Discovery Channel, d’Eurosport ou encore de CNN propriété du studio Warner Bros. Ce principe de « bundler » des offres, regrouper plusieurs services dans une seule interface, croit de plus en plus au sein des stratégies du streaming vidéo. Récemment, Apple TV+ et Paramount+ sont entrés en discussions concernant la possibilité de proposer leurs deux services dans un package (Variety). Cette idée pourrait s’avérer être très bénéfique pour la plateforme de Apple, disposant d’un catalogue de contenus très réduit comparé à Disney+ par exemple. Le fait de proposer deux services en un apporte également une attractivité supplémentaire aux deux produits (Ibid). 

Par ailleurs, la fusion envisagée entre Warner Bros. Discovery et Paramount Global dépasse la simple SVOD, visant un champ d’action plus large. Cette éventuelle fusion a pour but de consolider leurs actifs dans divers domaines comme la télévision, le cinéma, le sport et le streaming, pour se positionner face à des concurrents tels que Netflix et Disney. Une telle fusion permettrait également d’enrichir leur collection de franchises cinématographiques et de réseaux de télévision (Variety).

Dans ce contexte évolutif, il est plausible d’envisager un avenir où un modèle à la MyCanal prédomine, une plateforme unique offrant un accès à diverses options de streaming, là où aujourd’hui, les Français sont abonnés en moyenne à 1,9 plateformes de streaming (L’Opinion). Cette centralisation pourrait répondre à la saturation des plateformes de SVOD actuelles, tout en gardant à l’esprit que d’autres modèles, tels que les FAST(Free Ad-supported Streaming Television) et l’AVOD (Advertising Video On Demand), gagnent également en popularité et diversifient le paysage du streaming.

Le monde du streaming vidéo est entré dans une ère de transformation profonde, avec des acteurs majeurs redéfinissant leurs approches pour s’adapter à un marché en constante évolution. Alors que les fusions et les stratégies de contenu sous licence deviennent des leviers cruciaux pour la compétitivité, l’avenir du streaming pourrait révéler des collaborations et des innovations encore inédites. Cette dynamique laisse entrevoir un paysage du streaming en perpétuelle mutation, où adaptation et créativité seront clés pour captiver un public mondial de plus en plus exigeant.

Emma Bauchet 


Références

“TF1+: devenir «la destination gratuite de référence pour le divertissement familial et l’info »” Satellifacts, 21 dec 2023. 

« TF1+ : 1er bilan à 10 jours « couronné de succès » ; lancement sur la Freebox Pop le 22 janvier », Satellifacts, 19 Jan 2024. 

Aquilina, Tyler. “Apple-Paramount Bundle Would Be Another Hail Mary Streaming Play.” Variety, 5 Dec. 2023, variety.com/vip/apple-paramount-bundle-would-be-hail-mary-streaming-play-1235821129/.

Aquilina, Tyler. “Licensed Content Is the New Currency in Hollywood.” Variety, 14 Dec. 2023, variety.com/vip/licensed-content-is-new-currency-in-hollywood-1235837365/.

Caroline Sallé, « TF1 plonge dans le grand bain du streaming », Le Figaro (Kiosque), 21 dec 2023.

Rouget, Clément. “Streamflation et Élasticité Prix. La Hausse Des Prix de Netflix….” Www.pourleco.com, 29 Aug. 2023,www.pourleco.com/consommation/streamflation-et-elasticite-prix-la-hausse-des-prix-de-netflix-ou-disney-fera-t-elle.

Sacré, Jean-François. “Netflix Veut Produire Moins Mais Mieux.” L’Echo, L’Echo, 16 Jan. 2024, www.lecho.be/entreprises/divertissement/netflix-veut-produire-moins-mais-mieux/10518671.html.

Spangler, Todd, and Jennifer Maas. “Warner Bros. Discovery, Paramount Global in Merger Talks.” Variety, 20 Dec. 2023, variety.com/2023/biz/news/warner-bros-discovery-paramount-merger-talks-1235847958/#recipient_hashed=3d2b11103722dc9ff263af43e494e689460e238c6e598d9223dd6145a16cf98a&recipient_salt=aec34c0ee3694872accbb008cccc984f6e6a7fdb8c418f895ea5e61f1a5f3bd9.

Whelan, Robbie, et al. “Les Plateformes de Streaming Font Le Pari de La Hausse Des Prix.” L’Opinion, 16 Aug. 2023, www.lopinion.fr/wsj-lopinion/les-plateformes-de-streaming-font-le-pari-de-la-hausse-des-prix.

Wojciak, Thierry. “Free Lance Son Application TV : OQEE by Free.” CB News, 24 Jan. 2024, www.cbnews.fr/medias/image-free-lance-son-application-tv-oqee-by-free-81780.

Younan, Sarah. “Lancement de TF1+ : Notre Top 10 Des Meilleures Plateformes de Streaming Gratuites.” Capital.fr, 8 Jan. 2024, www.capital.fr/entreprises-marches/plateformes-de-streaming-tv-ce-que-vous-pouvez-avoir-en-gratuit-1489134

La consolidation du secteur des télécommunications en Europe, est-elle inévitable ? 

« Trop d’acteurs sur un marché pèsent sur les investissements dans les infrastructures de demain ». La directrice générale d’Orange, Christel Heydemann, souligne par cette phrase, la volonté de recomposer le secteur des télécoms en Europe. Nous allons à travers cet article explorer la situation actuelle, examiner les défis et solutions, tout en mettant en lumière la question de la consolidation du secteur comme option privilégiée.

Un marché des télécommunications soumis à d’importantes forces concurrentielles.

Un marché atomisé dans toute l’Europe.

Premièrement, le marché des télécommunications en Europe est caractérisé par une fragmentation notable, avec une intensité concurrentielle extrêmement élevée. Cette situation se manifeste par la présence de nombreux acteurs à travers les différents pays du continent, où l’on observe fréquemment plus de trois opérateurs par pays. En Europe, on compte ainsi une centaine d’opérateurs pour une population totale de 447 millions de citoyens, tandis que les États-Unis ne comptent que trois opérateurs pour 331 millions d’habitants, et la Chine présente un chiffre similaire pour une population de 1,4 milliard de personnes.

Des perspectives de croissances limitées.

Deuxièmement, les opérateurs évoluent dans des secteurs de plus en plus matures, comme le démontre le graphique de l’ARCEP ci-dessous, où la croissance des revenus des opérateurs français sur le marché de détail n’a augmenté que de 1,6 % en un an, au deuxième trimestre 2023. Les opérateurs européens et notamment français n’évoluent pas sur des secteurs en hypercroissance.

Evolution annuelle des revenus des opérateurs en France (en %)

Source : Observatoire des marches des communications électroniques – Les services de communications électroniques en France – 2e trimestre 2023 (05 octobre 2023) (arcep.fr)

Une intensité concurrentielle qui entraine une guerre de prix féroce.

Troisièmement, les prix pratiqués en Europe par les opérateurs restent très compétitifs et significativement inférieurs à ceux proposés outre-Atlantique, comme le démontre le graphique ci-dessous :

Comparaison des offres fixe et mobile d’opérateurs leaders Sélection de pays, septembre 2023, € TTC/mois, ajustements PPA via coefficients de l’OCDE

Source : Fédération Française des Télécoms Plaquette-FFTelecoms-Etude-economique-Telecoms-2023.pdf

Cette concurrence intense oblige les opérateurs à comprimer leurs marges, ce qui limite leur rentabilité et leur capacité d’investissement. Ces tensions sur les prix entraînent des répercussions directes sur la rentabilité des acteurs et donc de facto sur la capitalisation boursière des opérateurs télécoms.

Des investissements futur conséquent dû à la croissance exponentielle du trafic et des usages.

Quatrièmement, les telcos auront dans les années à venir une demande croissante en investissement en raison du déploiement des futures technologies et de l’explosion attendue du trafic. Selon une étude récente de la Fédération Française des Télécoms, le trafic Internet en France pourrait quintupler d’ici à 2030, ce qui nécessiterait d’importants investissements futurs.

Haut Débit fixe – Consommation de données par foyer Go/mois/foyer – France

Fédération Française des Télécoms  Plaquette-FFTelecoms-Etude-economique-Telecoms-2023.pdf

Cependant, cette hausse des investissements entraîne une augmentation de la taille critique à atteindre pour les opérateurs. Jacques Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, estime qu’environ 200 milliards d’euros d’investissements seront nécessaires d’ici à 2030 pour que le continent bénéficie d’infrastructures de télécommunications au plus haut niveau. Actuellement, peu d’acteurs sur le marché ont la capacité financière nécessaire pour supporter de tels investissements.

Un morcellement des réglementations entre pays de l’Union européenne.

Enfin, déjà dès 2015, le PDG d’Orange de l’époque, Stéphane Richard, soulignait une fragmentation dans la réglementation des télécommunications en Europe, déclarant que « l’Europe des télécoms n’existe pas » en raison des 28 marchés, 28 régulateurs et 28 autorités de concurrence différents. Pour rappel, à la fin de 2020, la plupart des États membres n’avaient pas encore transposé la directive du code des communications électroniques européen.

En conclusion, l’état actuel du marché européen des télécommunications présente des défis significatifs, notamment une intensité concurrentielle extrêmement forte due au nombre élevé d’opérateurs dans chaque pays européen. Cette dispersion entrave la coordination nécessaire pour créer des acteurs de premier plan capables de rivaliser à l’échelle mondiale. De plus, les investissements nécessaires dans les années à venir semblent constituer un obstacle insurmontable pour de nombreux opérateurs, à moins qu’une solution de financement ne soit trouvée.

Les solutions envisagées pour répondre aux enjeux de financement et d’investissement des télécoms.

Face aux défis financiers et d’investissement dans le secteur des télécommunications, plusieurs solutions sont envisagées par les opérateurs :

La première réponse des telcos est une approche conjoncturelle axée sur la résilience plutôt que la croissance. Au cours des deux dernières années, les acteurs du marché ont pris des mesures visant à optimiser leurs structures de coûts et à réduire leurs dépenses. Par exemple, le groupe britannique BT a annoncé la suppression de près de 55 000 emplois d’ici 2030, reflétant une tendance générale à l’optimisation des ressources.

La deuxième solution préconisée par les acteurs des télécommunications consiste à rééquilibrer la chaîne de valeur en imposant aux GAFAs de financer les infrastructures dont ils bénéficient. Les géants du net captent une part importante de la valeur créée par ces infrastructures sans en payer le prix. Ainsi, des opérateurs télécoms pressent l’UE pour obtenir une contribution financière juste des Big Tech au financement des réseaux télécoms, citant Netflix, Google, Meta, Amazon et TikTok comme responsables de l’augmentation du trafic internet.

Enfin, la troisième solution privilégiée par les acteurs des télécoms est la consolidation du secteur à l’échelle européenne. Une intégration horizontale des opérateurs permettrait de mutualiser les coûts, d’augmenter les capacités et d’améliorer la couverture géographique, atteignant ainsi une taille critique plus facilement. Cependant, cette approche n’est pas nouvelle et a déjà été confrontée à des obstacles, comme en témoigne la fusion avortée entre Telefónica UK (O2) et Hutchison 3G UK (Three) en 2020 au Royaume-Uni, refusée pour préserver la concurrence.

Sommes-nous à l’aube d’une consolidation du secteur ?

Le secteur des télécoms subit une recomposition majeure depuis quelques années, confronté à des transformations inédites et à des pressions concurrentielles accrues. De nombreux opérateurs, ont recours à des fusions et acquisitions pour renforcer leurs capacités, à l’image de l’acquisition de VOO en Belgique en juin 2023 par Orange. De la même manière, Xavier Niel, fondateur d’Iliad, a étendu également son empreinte en Pologne avec des investissements dans les opérateurs Play et UPC. Enfin, on peut également citer la prise de participation d’Altice, dans l’opérateur britannique BT en mai 2023.

Prenons le cas d’Orange et Masmovil en Espagne, où la fusion visant à créer le deuxième opérateur du marché est en stand-by depuis 18 mois. La Commission européenne exige des concessions d’Orange pour éviter des augmentations tarifaires impactant les consommateurs et entravant la concurrence. En 2015 déjà, Bruxelles redoutait la fusion entre deux opérateurs dans un pays comptant 4 opérateurs : « Les études montrent qu’une réduction du nombre d’acteurs de quatre à trois dans un pays européen peuvent causer une hausse des prix pour le consommateur… mais pas forcément une augmentation des investissements ». Reste à voir si la position de Bruxelles évoluera dans l’année à venir concernant la fusion d’Orange et Masmovil, ce qui pourrait déclencher une vague de mouvements et ouvrir la voie à une consolidation potentielle du secteur en Europe.

Enfin, concernant la position de la France vis-à-vis de la consolidation, le Pays s’engage activement en faveur d’une consolidation du secteur des télécoms en Europe, rejoignant la Commission européenne dans la création d’un marché unique visant à réduire le nombre d’opérateurs majeurs. L’objectif est de renforcer la compétitivité face aux grandes puissances mondiales ayant trois opérateurs nationaux. La diversité actuelle, avec près d’une centaine d’opérateurs en Europe, entrave les investissements nécessaires pour adopter les dernières technologies. La fragmentation du marché européen complique également le déploiement de nouveaux services en raison des réglementations nationales disparates. Les ministres européens, dont Jean-Noël Barrot, expriment leur soutien à cette initiative, soulignant ses avantages en termes de financements et d’harmonisation réglementaire. Le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, prévoit d’ailleurs un livre blanc sur l’avenir des télécommunications au premier trimestre 2024. Enfin, Jean-Noël Barrot est convaincu qu’un marché européen des télécoms attirerait plus facilement les investisseurs nécessaires aux 200 milliards d’euros d’investissements prévus d’ici 2030 pour les infrastructures de télécommunications.

Pour conclure, au vu de la situation actuelle marquée par une intensité concurrentielle forte et une atomisation du marché, le secteur des télécoms en Europe est confronté à des menaces telles que des investissements massifs requis dans les années à venir. Dans ce contexte, la consolidation du secteur émerge comme une solution cruciale pour les opérateurs, offrant la possibilité de réaliser des effets de synergie, de mutualiser les coûts, et de faciliter l’accès aux financements nécessaires. C’est la voie privilégiée par les acteurs des télécoms, soutenue activement par la France qui plaide pour une harmonisation des règles européennes. Tous les regards sont tournés vers Bruxelles, en attente du feu vert concernant la fusion entre Orange et MasMovil en Espagne, une décision qui s’annonce déterminante pour le futur du secteur dans les mois à venir.

ADRIEN CLAVERO

Sources :

Delphine Cuny, (23/01/2015). Télécoms : dans 10 ans, plus que 3 ou 4 gros opérateurs en Europe ? Télécoms : dans 10 ans, plus que 3 ou 4 gros opérateurs en Europe ? (latribune.fr)

Romain Gueugneau, (05/10/2015). Consolidation dans les télécoms : les réticences de Bruxelles. Consolidation dans les télécoms : les réticences de Bruxelles | Les Echos

Tribunal de l’Union européenne, (28/05/2020). Le Tribunal de l’Union européenne annule la décision de la Commission refusant le projet de rachat de Telefónica UK par Hutchison 3G UK dans le secteur du marché de la téléphonie mobile. Le Tribunal de l’Union européenne annule la décision de la Commission refusant le projet de rachat de Telefónica UK par Hutchison 3G UK dans le secteur du marché de la téléphonie mobile (europa.eu)

Cours des comptes européennes, (28/01/2022). Déploiement des réseaux 5G au sein de l’UE: des retards et des questions de sécurité encore sans réponse. Rapport spécial – Sécurité des réseaux 5G (europa.eu)

Alexandre Piquard, (05/05/2022). L’idée de faire financer les réseaux télécoms par les GAFA progresse à Bruxelles. Réseaux télécoms : l’idée de les faire financer par les GAFA progresse à Bruxelles (lemonde.fr)

Paul Louis, (22/05/2022). POUR LA PATRONNE D’ORANGE, IL Y A UN « TROP-PLEIN D’ACTEURS » DANS LES TÉLÉCOMS EN EUROPE. Pour la patronne d’Orange, il y a un « trop-plein d’acteurs » dans les télécoms en Europe (bfmtv.com)

Pierre Manière, (03/10/2022). Consolidation des télécoms : les opérateurs espèrent un changement de doctrine de Bruxelles. Consolidation des télécoms : les opérateurs espèrent un changement de doctrine de Bruxelles (latribune.fr)

Fabienne Schmitt, (20/10/2022). Fusion O2-Three : la justice à nouveau appelée à trancher. Fusion O2-Three : la justice à nouveau appelée à trancher | Les Echos

Alexandre Joux, (10/2022). Télécoms : la concentration relancée en Europe, la souveraineté en question. Télécoms : la concentration relancée en Europe, la souveraineté en question (la-rem.eu)

Olivier Pinaud, (26/03/2023). Télécoms : vers une nouvelle saison des mariages entre opérateurs en Europe ? Télécoms : vers une nouvelle saison des mariages entre opérateurs en Europe ? (lemonde.fr)

Alice Drout, (13/04/2023). Non, l’Europe ne doit pas taxer les entreprises du numérique pour financer les télécoms. Non, l’Europe ne doit pas taxer les entreprises du numérique pour financer les télécoms (entreprendre.fr)

Le Figaro ; AFP, (18/05/2023). Téléphonie : le groupe britannique BT compte supprimer jusqu’à 55.000 emplois d’ici 2030. Téléphonie : le groupe britannique BT compte supprimer jusqu’à 55.000 emplois d’ici 2030 (lefigaro.fr)

Julien Lepoix, (07/08/2023). Opérateurs télécoms : des fusions au sein de l’UE sont-elles envisageables ? Opérateurs télécoms : des fusions au sein de l’UE sont-elles envisageables ? (selectra.info)

Lucas Mediavilla, (02/10/2023). À Bruxelles, les télécoms veulent faire payer les Gafa. À Bruxelles, les télécoms veulent faire payer les Gafa (lefigaro.fr)

ARCEP, (05/10/2023). LES SERVICES DE COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES EN FRANCE 2 E TRIMESTRE 2023. Observatoire des marches des communications électroniques – Les services de communications électroniques en France – 2e trimestre 2023 (05 octobre 2023) (arcep.fr)

Pierre Manière, (11/10/2023). L’Union européenne veut réviser la réglementation des télécoms. L’Union européenne veut réviser la réglementation des télécoms (latribune.fr)

Pierre Manière, (24/10/2023). Fusion d’Orange et MasMovil : Christel Heydemann espère un feu vert en fin d’année. Fusion d’Orange et MasMovil : Christel Heydemann espère un feu vert en fin d’année (latribune.fr)

Raphaël Balenieri ; Fabienne Schmitt, (24/10/2023). Télécoms : la fusion Orange-MasMovil vire au bras de fer avec Bruxelles. Télécoms : la fusion Orange-MasMovil vire au bras de fer avec Bruxelles | Les Echos

Olivier Pinaud, (06/12/2023). Télécoms : la France pousse pour une consolidation européenne. Télécoms : la France pousse pour une consolidation européenne (lemonde.fr)

Arnaud, (08/12/2023). Télécoms : la France pousse pour une consolidation européenne. Télécoms : la France pousse pour une consolidation européenne – alloforfait.fr

Lucas Mediavilla, (17/12/2023). Concurrence féroce, réglementations obsolètes… La grande déprime des télécoms européens. Concurrence féroce, réglementations obsolètes… La grande déprime des télécoms européens (lefigaro.fr)

Fédération Française des Télécoms, (18/12/2023). LES TÉLÉCOMS : ACTEURS DU NUMÉRIQUE EN PREMIÈRE LIGNE Étude économique 2023. Plaquette-FFTelecoms-Etude-economique-Telecoms-2023.pdf

Olivier Pinaud, (11/01/2024). Les télécoms européennes en pleine recomposition. Les télécoms européennes en pleine recomposition (lemonde.fr)

Les plateformes de streaming à la conquête des droits sportifs en France : où en sommes-nous début 2024 ?

Les plateformes de streaming se sont aujourd’hui imposées en France comme des acteurs majeurs du divertissement. Récemment, elles ont commencé à se tourner vers un nouveau domaine : les droits sportifs. En France, cette tendance prend de l’ampleur. Les géants du streaming cherchent à acquérir les droits de diffusion de divers sports, bouleversant ainsi le paysage traditionnel de la diffusion sportive.

Récemment, la mise en vente des droits de la Ligue 1 (football) par la LFP, par le biais de son président Vincent Labrune, témoigne de l’intérêt croissant des plateformes pour ce marché-là. Actuellement, deux plateformes de streaming pourraient se placer sur ces droits.
La plateforme de streaming britannique DAZN, spécialisée dans le sport en direct, a montré un grand intérêt pour la Ligue.Cependant, ses offres auprès de la LFP ont pour le moment été jugées insuffisantes. Ensuite, Amazon Prime Video, qui diffuse déjà une partie des matchs de Ligue 1 en France, souhaite rester un diffuseur majeur de la compétition et obtenir une partie du lot proposé par la LFP. Mais, les acteurs traditionnels sont encore dans la course : BeinSport pourrait intervenir alors que Canal+ observe pour le moment.

Cet appel d’offre témoigne donc de la place que prennent ces plateformes dans les discussions et chez le consommateur. Dans le football, le tennis et encore le basketball, on sent leur intérêt croissant. Nous allons présenter ici les nouveaux acteurs souhaitant accentuer leur présence dans le paysage sportif en France.

De nouveaux acteurs compétitifs 

Tout d’abord, DAZN est un service OTT lancé en 2016 par Leonard Blavatnik, un milliardaire britanno-américain et actionnaire de Warner Music et Deezer. Cette plateforme, souvent appelée le « Netflix du sport », est maintenant accessible dans plus de 200 pays. À ses débuts, DAZN s’est principalement axée sur la diffusion de la boxe en pay-per-view. Cependant, elle s’est progressivement diversifiée, notamment en acquérant des droits dans le football, cherchant à rivaliser avec les diffuseurs traditionnels européens tels que Movistar (Espagne), Sky Sports (Angleterre et Allemagne) et Canal+ (France). Dans ce sens, DAZN a remporté les droits de diffusion de la Serie A pour la période 2024-2029, proposant 10 matchs par journée, dont trois en exclusivité.

En août 2023, une collaboration a été établie entre Canal+ et DAZN, menant à la création de Canal + Ligue 1, une chaîne numérique OTT. Cette nouvelle offre, intégrée à DAZN, diffuse deux matchs de la Ligue 1 Uber Eats par journée et est disponible via un abonnement combiné DAZN & Canal+ Ligue 1. D’autres nombreuses compétitions, telles que la Ligue des Champions féminine, la D1 Arkema, Jupiler Pro League ou encore  Boxe & le MMA (hors UFC) sont disponibles via cet abonnement. Un autre abonnement disponible est le NFL Game Pass, proposé séparément au tarif de 149€ par an, qui offre la possibilité de regarder tous les matchs de la saison de football américain. Par ailleurs, DAZN a consolidé sa présence en France en établissant des partenariats de distribution avec des opérateurs tels qu’Orange, Bouygues Télécom et SFR.

Ensuite, Prime Video, le service de streaming d’Amazon, a réalisé des investissements stratégiques significatifs dans les droits sportifs en France, marquant un tournant dans son approche du contenu. Parmi les acquisitions les plus notables, on trouve les droits de diffusion d’une partie de la Ligue 1, en chipant notamment l’affiche du dimanche soir à Canal+. Ils ont également acquis les droits de diffusion pour le tournoi de tennis Roland-Garros, un des quatre tournois du Grand Chelem. L’entrée de Prime Video dans le domaine des droits sportifs en France n’est pas seulement une stratégie pour augmenter le nombre d’abonnés, mais aussi un moyen de renforcer la marque Amazon dans le paysage médiatique français.

Un marché difficile d’accès

En somme, le marché des droits sportifs est très compétitif et onéreux, rendant difficile l’émergence de nouveaux acteurs. Amazon a été la première plateforme généraliste à acquérir un large éventail de droits de diffusion sportifs, en France (Roland Garros, Ligue 1) et à l’étranger (NFL aux États-Unis).  Mais, même si ces plateformes ont une structure solide, diffuser des événements sportifs en direct à grande échelle implique des défis techniques et financiers. Il faut une expertise technique considérable et des seuils de rentabilité élevés. L’échec de Mediapro en 2021, qui a acquis les droits de diffusion du championnat français de football mais n’a pas réussi à rentabiliser son investissement, illustre ces difficultés.

Les plateformes SVOD rencontrent des défis pour se spécialiser dans les événements sportifs en raison de la nécessité d’une expertise de diffusion élevée, de seuils de rentabilité exigeants, et du besoin d’une offre diversifiée. DAZN est une exception notable, avec une valorisation en milliards et des droits de diffusion variables selon les territoires. Les plateformes généralistes hésitent à concurrencer les diffuseurs traditionnels en raison des investissements conséquents et des contraintes contractuelles. Les droits les plus importants sont généralement détenus par des chaînes avec une offre riche, augmentant leur attractivité. Cependant, les acteurs de la SVOD commencent à investir dans les droits sportifs, attirés par le potentiel de séduire un nouveau public et de proposer une stratégie localisée. 

Netflix : le choix d’une stratégie inédite

Netflix, quant à lui, arrive avec une stratégie assez différente. Alors que la plateforme est attendue depuis pas mal d’années comme diffuseur du sport en direct, Netflix garde aujourd’hui sa position pour une consommation différente du sport. Avec son savoir-faire et ses réalisations réussies en production, la société américaine s’oriente plutôt vers la création de contenus exclusifs, se tenant ainsi à l’écart de l’achat traditionnel de droits de diffusion pour les compétitions sportives. Plutôt que de dépenser des fortunes dans les droits sportifs, ce qui mettrait en péril son business model, Netflix préfère créer l’événement lui-même avec un tournoi de golf opposant stars du golf et de la Formule 1 : la Netflix Cup, une compétition sportive décalée lors d’un tournoi de golf aux règles revisitées. Il n’est pas impossible de voir Netflix arriver en France avec cette proposition de contenu.

En combinant le sport et le divertissement, Netflix attire un public friand de contenus sportifs en direct tout en contrôlant les coûts d’organisation. Cette stratégie semble offrir un avantage financier plus important, ou du moins plus immédiat, par rapport à celui qu’Amazon pourrait obtenir en acquérant les droits de diffusion de compétitions sportives existantes.

Jean Pisanté

Bibliographie

Après 2 ans d’application, quelles sont les conséquences du décret SMAD sur la production et la diffusion du cinéma français ?

Le 1er juillet 2021, le décret SMAD fixait les règles de contribution à la production d’œuvres cinématographiques appliquées aux services de vidéo à la demande par abonnement, payants à l’acte ou gratuits (SMAD). Le texte s’applique aussi bien aux acteurs français qu’étrangers (Netflix, Disney+, Amazon Prime Vidéo) se substituant ainsi au décret de novembre 2010 qui ciblait seulement les SMAD domestiques. Les services de SVOD américains les plus populaires arrivés en France au milieu de la décennie 2010 n’étaient donc pas concernés par ces obligations au sens de la loi de 1986 sur l’audiovisuel.

Ces plateformes déjà bien implantées dans le paysage audiovisuel français doivent à présent participer aux financements d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, européennes ou d’expression originale française, à hauteur d’au moins 20% du chiffre d’affaires réalisé l’année précédente. Ce taux peut être porté à 25% lorsque la plateforme propose un ou plusieurs films 12 mois après leur sortie en salles. Il est important de rappeler que ces obligations concernent les productions indépendantes et non les créations dites « originales ». Concrètement, cette contribution se décline sous la forme de préachat de droits d’exploitation SVOD et de financements de travaux de développement.

Des premiers signes encourageants

Les conséquences de ces nouveaux entrants dans le financement d’œuvres cinématographiques restent encore difficiles à évaluer. En réalité, 2022 a été la première année entière d’application du décret. Le CNC n’a pas encore livré son rapport sur l’année 2023 même si quelques résultats ponctuels semblent encourageants quant à l’efficacité de ces nouveaux dispositifs. L’arrivée de nouveaux acteurs à la fin 2022 comme Apple TV+ et Paramount+ a du renforcer cette injection de liquidités dans l’industrie cinématographique. On peut noter cependant une baisse en 2022 de 3,4% des dépenses des SMAD et des services de télévision dans la production cinématographique mais qui est principalement due au recul des chaînes et au surinvestissement de Canal+ en 2021.

Les niveaux ont rejoint ceux des années pré-covid ce qui est un signe encourageant pour la filière et les SMAD jouent le jeu : leurs investissements de 58,5 millions d’euros en 2022, en hausse par rapport au 42 millions d’euros en 2021 témoignent de la volonté de ces acteurs de s’intégrer dans le système de financement du cinéma français. Antoine Boilley, membre de l’ARCOM, note que les 22 SMAD en France ont respecté leurs obligations et que certains les ont même dépassées.  

Autre signe encourageant pour l’engagement des SMAD dans leurs obligations d’investissement : après Amazon fin 2022, Netflix a signé un accord avec les organisations d’auteurs et de producteurs en septembre 2023 lors du Festival de La Rochelle pour garantir une contribution plus élevée. Cette tendance d’investissement à la hausse dans le cinéma hexagonal se reflète ensuite dans le catalogue des plateformes : en 2022, 9 600 titres différents étaient proposés avec ¾ de l’offre cinéma disponible trustée par Netflix, Prime Vidéo et MyCanal. Avec un statut hybride de plateforme VàDA et de replay, MyCanal et OCS offrent une part de films français plus importante.

Une tendance qui marque la forte progression des plateformes SVOD dans le paysage cinématographique avec un élargissement de son audience renforcée par la crise sanitaire : l’hétérogénéité des programmes et l’augmentation du temps libre ont participé à la nette progression du nombre d’abonnés. Autre explication dans ce sens et qui renforce la présence des SMAD dans les usages de consommation du cinéma : la généralisation des téléviseurs connectées dans les foyers (45,5% en 2021) qui proposent les plateformes SMAD à portée de télécommande et l’utilisation du mobile de plus en plus présente (+11,7% entre 2018 et 2022).    

Un changement important dans la chronologie des médias

      L’autre changement du décret SMAD concerne la chronologie des médias : avec des obligations de financement plus importantes, les plateformes ont vu leur fenêtre d’exploitation se rapprocher de la sortie salle, passant de 36 mois à 17 mois (15 en cas d’accord avec le cinéma français comme c’est le cas pour Netflix). Les chaînes cinéma payantes restent à 9 mois (sauf Canal+ à 6 mois du fait de son accord professionnel et qui souhaite jouer un rôle de plus en plus important dans le financement du cinéma). Les fenêtres d’exploitation des chaînes gratuites (France Télévisions, TF1, M6) ne changent pas en restant à 22 mois. L’évolution la plus notable est donc le passage des plateformes SVOD avant les chaînes gratuites dans les fenêtres d’exploitation.

Un passage qui pourrait renforcer la désaffection lancinante des audiences pour la télévision au profit des SMAD mais qui répond en partie à la révolution des usages marquée par une consommation fragmentée, des plateformes différenciées et des changements dans les modes de distribution. Il est bon de rappeler que les chaînes linéaires demeurent un pilier du secteur cinématographique avec 78,2% des dépenses des diffuseurs en 2022. Pour Antoine Boilley (ARCOM), “Ces données traduisent la place privilégiée et prépondérante des groupes audiovisuels dans le financement de la création audiovisuelle et cinématographique. […] Il en va de toute la dynamique du financement de notre industrie de programmes dans l’audiovisuel et le cinéma”. D’autant que les chaînes ont obtenu un accord de co-exploitation avec les plateformes : lorsqu’un film est exploité sur une chaîne TV linéaire, il est alors retiré de la plateforme de streaming pour la durée d’exploitation.

Des craintes qui persistent

Le décret SMAD ne semble pas pour autant rassurer l’ensemble du secteur. Certains craignent des déséquilibres de plus en plus forts entre petites et grosses productions. “Les plateformes concentrent leurs investissements sur très peu d’œuvres” regrette Sébastien Borivent, DG de Tetra Media Studio. Selon le CNC, entre 2018 et 2022, la moitié des investissements des plateforme est allée dans le format série. La Présidente du collège audiovisuel du SPI (Syndicat des Producteurs Indépendants), Nora Melhli, s’inquiète : “L’arrivée des plateformes n’a pas irrigué le secteur comme on l’espérait. Les risques sont grands. On est peut-être à la veille de l’effondrement d’une bulle”.

Le producteur de cinéma, Saïd Ben Saïd, dans une interview au journal Le Monde, décrit une stratégie néfaste pour le secteur : “Aujourd’hui, les plateformes envahissent nos marchés. Au lieu d’aider les distributeurs, les producteurs et les exploitants indépendants à y résister, on lance la grande fabrique de l’image pour faire de la France une terre d’accueil pour les plateformes américaines. On ne sauve pas le cinéma français en en faisant un prestataire de services pour Netflix. Ça ne fonctionne pas comme ça.”

Avec les pressions que peuvent faire subir les SMAD, surtout les plus importants, sur le législateur, les tensions entre les différents acteurs n’ont pas disparu. On se souvient de Disney menaçant de sortir ses blockbusters annuels directement sur Disney+ si la chronologie des médias n’était pas révisée à son avantage. Les studios semblent avoir compris depuis qu’une exploitation en salle reste le meilleur moyen pour rentabiliser de tels projets et des stratégies de distribution hybrides commencent à apparaitre.    

Enfin dernier sujet d’interrogation qui plane : le bénéfice des SMAD dans l’exposition du cinéma français. Même si la contribution financière des plateformes au financement des œuvres cinématographiques semble acquise, leur visibilité au sein des plateformes ne suscite pas la même attention. Les 2/3 des films consommés sur les plateformes sont américains alors que la part de marché des films français est de 20%. Une ventilation stable depuis 3 ans mais qui reste déconnectée de l’exploitation salle où les films américains sont en général à 40% de part de marché à égal avec le cinéma français.

En prenant une focale plus large, on peut s’inquiéter de la visibilité des acteurs nationaux lorsque l’écran d’accueil des téléviseurs connectés s’apparente de plus en plus à une grille d’applications avec Google au premier plan. YouTube représenterait 30% du temps d’écran consommé sur ces téléviseurs, éclipsant donc en partie les productions audiovisuelles et cinématographiques françaises.     

Il ne faut pas oublier les autres menaces qui planent sur le secteur cinématographique français : une inflation grimpante qui grignote les budgets, des taux bancaires importants, des grèves qui se multiplient chez les techniciens intermittents, le recul de l’audiovisuel public. Sur ce dernier point, le décret SMAD ne permet pas d’effacer les incertitudes qui planent quant à la trajectoire budgétaire de France Télévisions, premier financeur de la fiction française (288M€ en 2022-2023). Nora Melhi ajoute : “Nous avons besoin d’un audiovisuel public fort. Que France Télévisions et Arte, nos deux premiers partenaires, soient confortés dans leur rôle. Et qu’ils renforcent leurs financements. C’est un enjeu démocratique.”

Au lendemain de la crise sanitaire, le décret SMAD a permis d’injecter de nouvelles liquidités bienvenues dans le système de financement du cinéma français en s’intégrant aux côtés des diffuseurs historiques. Les changements des modes de diffusion et des habitudes de consommation dans les foyers français ont renforcé cette intégration sur laquelle il était nécessaire de légiférer. Mais certains acteurs trouvent que cette intégration délaisse en partie le modèle de protection culturel des organisations indépendantes domestiques. La coexistence avec les diffuseurs doit encore être structurée. Les chiffres de 2023 du CNC devraient permettre de confirmer cette tendance d’investissement à la hausse en positionnant les plateformes comme un acteur important dans le rebond de la production cinématographique.

Sacha Szydywar

Sources :

  • Décret SMAD du 22 juin 2021, Article rédigé par Pierre Abouchahla, DG d’Écran Total pour le magazine Écran Total, publié le 23/06/2021
  • Un investissement en production de 1,6 milliard d’euros en 2022 (+12%) par les chaînes et plateformes, Article d’Isabelle Repiton pour Écran Total, publié le 19/12/2022
  • La Rochelle 2023 : la bonne santé de la fiction française n’efface pas les inquiétudes de la filière, Article d’Isabelle Repiton et Estelle Aubin pour Écran Total, publié le 20/09/2023
  • Saïd Ben Saïd, producteur de cinéma : il y a trop de films et beaucoup se ressemblent”, propos recueillis par Jacques Mandelbaum pour le journal Le Monde, publié le 05/10/2022
  • Observatoire de la vidéo à la demande, Rapport du CNC par Cécile Lacoue, directrice des études, des statistiques et de la prospective du CNC publié le 27/01/2023
  • SVOD et financement : les bêtes noires de la chronologie des médias, entretien avec Pascal Rogard (SACD) et Pascal Lechevallier (What’s Hot Media) pour MediaSchool
  • Nouvelle chronologie des médias : des changements mais pas de bouleversements, Article pour MC2I Experts publié le 23/02/2022
  • Le décret SMAD pourrait générer jusqu’à 1,5 Md€ pour la production française d’ici 2024 selon NPA Conseil, Estimations pour The Media Leader, publié le 20/09/2021

Carrefour et Netflix lancent l’abonnement Carrefour Plus.

Entre distribution alimentaire et distribution de contenu, il n’y a qu’un pas. C’est ce qu’ont prouvé Carrefour, le géant français de la grande distribution et Netflix, la plateforme de streaming à la demande en s’associant au sein de l’offre Carrefour Plus.

Moyennant 5,99€/mois, les clients disposent d’une réduction de 10% sur 6 000 produits de la marque Carrefour dans les magasins de l’enseigne ainsi qu’un abonnement Netflix Standard avec publicité offert. Les souscripteurs ont néanmoins la possibilité de s’abonner à des formules supérieures via Carrefour Plus en payant la différence, soit 7,50€/mois pour Netflix Standard et 14€/mois pour Netflix Premium. Aussi, dans le cas où le client a déjà un compte Netflix, il peut l’associer au Programme Carrefour Plus.

Bien que, l’abonnement inédit ne soit disponible que dans les agglomérations de Rouen et Bordeaux depuis le 16 janvier 2023, son retentissement est général. En effet, si Carrefour et Netflix s’étaient déjà associés pour commercialiser des dérivés de certaines séries (dont Stranger Things), leur partenariat franchi un cap supplémentaire.

Crédits : Carrefour

Un pari gagnant pour Carrefour

Véritable arme marketing, Carrefour Plus semble être un pari gagnant pour l’enseigne. D’une part, Carrefour espère augmenter son nombre d’adhérents. D’après Caroline Dassié, la directrice exécutive marketing et marque propre du groupe, l’objectif serait d’atteindre environ 15 000 clients sur les 108 magasins testés, soit le double des abonnements d’aujourd’hui. Carrefour n’est pas le seul acteur de la grande distribution à s’être tourné vers les programmes d’abonnement payants, plus complets que la simple carte de fidélité gratuite. Par exemple, Casino offre 10% de réduction sur le ticket de caisse des souscripteurs de Casino Max. Monoprix propose la livraison gratuite dans son programme à la consonance familière, Monopflix. Néanmoins, l’unicité de Carrefour Plus en France constitue un point de différenciation important dans un secteur très concurrentiel. Carrefour Plus combine à des avantages traditionnels, l’accès gratuit à une plateforme de streaming populaire. Cela constitue un argument de vente, incitant les consommateurs à choisir ce distributeur par rapport à un autre. Pour autant, les réductions sur les produits de la marque Carrefour proposées par le programme restent une incitation supplémentaire à l’abonnement. En période inflationniste, les français ont été forcés d’effectuer des arbitrages alimentaires. Rappelons également que les marques distributeurs connaissent un pourcentage d’inflation plus élevé que les autres marques, dépassant 14% pour les marques distributeurs contre 12% pour les autres (Capital). Globalement, Carrefour espère conserver le pouvoir d’achat des consommateurs en les aidant à ne pas arbitrer entre consommation alimentaire et divertissement. Ils peuvent avoir accès au deux pour moins de 6€.

D’autre part, Carrefour espère fidéliser et verrouiller la base d’adhérents Carrefour Plus. Les adhérents peuvent être plus enclins à rester abonnés puisque l’accès à Netflix dépend de leur participation continue au programme. De plus, la souscription au programme ne s’étend qu’aux magasins de l’enseigne, ce qui écarte les consommateurs des commerces concurrents.

Une première mondiale pour Netflix

Pour Netflix, le partenariat avec un acteur de la grande distribution est une première. Il faut dire que les acteurs du streaming ont traditionnellement eu un lien étroit avec les opérateurs télécoms. Les fournisseurs d’accès internet ont commencé à commercialiser des abonnements combinant accès aux plateformes de vidéos à la demande au sein de leur offre de téléphonie et internet. Ces bundles sont un canal d’acquisition de clients à bas coût pour les fournisseurs de contenus comme Netflix et une nouvelle source de revenu pour ces opérateurs. Et les chiffres le montrent bien : 20% des abonnements aux services de vidéo à la demande sont commercialisés via les compagnies télécoms (Bango). En France, les opérateurs Orange, Bouygues Télécomou SFR proposent des box internet avec Netflix même si seul Free inclut le forfait Netflix Essentiel dans son tarif d’abonnement.

Quand les retailers surfent sur la tendance du Super Bundling

Au sein du marché de l’abonnement, un paradoxe subsiste. Les consommateurs désirent avoir accès à davantage de contenus très différenciés – musique, divertissement, alimentaire, services financiers, etc… Le nombre de souscriptions par personne devrait doubler  passant de 2.2 à 5.3 entre 2018 et 2026 (Juniper Research). En même temps, ils se sentent submergés par la fragmentation de leurs souscriptions dont la gestion est propre à chacune. En conclusion, les consommateurs désireraient centraliser leurs différents services au sein d’une même plateforme. Le concept de Super Bundling dépasse donc celui de bundling puisqu’il est un hub de multiples souscriptions à des services très différenciés, mais dont le processus d’abonnement et de paiement est centralisé. Bien sûr, les opérateurs télécoms se sont saisis de cette opportunité, mais ils ne sont pas les seuls à être devenus créatifs dans la conception de leurs formules. En effet, les banques et les retailers tentent de s’insérer sur le marché du Super Bundling. Aux États-Unis, le distributeur Walmart inclut le service SVOD Paramount+ dans son abonnement Walmart+ en 2022.

Netflix veut toucher une nouvelle démographie

Crédits : IStock/ Pixels Effect

L’union de Carrefour et Netflix est un moyen pour la plateforme de conquérir de nouveaux abonnés payants. Avec ses milliers de points de vente et ses 14 millions d’adhérents encartés, Carrefour expose Netflix auprès d’une population relativement sous-représentée parmi ses abonnées. Carrefour est une enseigne de milieu de gamme dont les prix sont similaires à ceux pratiqués par Auchan, Système U et Intermarché. Le client type de Carrefour a entre 25 et 34 ans est citadin et gagne plus de 2 000€ par mois (OpinionWay). Netflix a donc l’opportunité de cibler cette nouvelle démographie de CSP- ou du moins de conquérir “ceux qui étaient hésitants à s’abonner” pour reprendre les mots de Laurent Uguen, directeur commercial de Netflix France. 

Le fait que l’offre d’entrée de gamme à 5.99€ soit comprise dans Carrefour Plus n’est pas un hasard. En 2023, la formule avec publicité a grandement participé à la croissance de Netflix : l’abonnement à la formule a augmenté de 70% en Q4 2023 et représente 40% des nouvelles créations de comptes dans les pays où il est actif. Le 23 janvier 2023, le streamer rend public son désir de supprimer la formule “Basic Netflix” à $11.99 à commencer par le Canada et le Royaume-Uni. La priorité de Netflix est donc d’étendre la distribution de sa formule d’entrée-de-gamme avec ses 23 millions d’utilisateurs actifs.

 Netflix espère faciliter l’abonnement à son service en s’immisçant dans le quotidien des consommateurs. Le fait que les clients puissent s’abonner à Carrefour Plus — et donc à Netflix — aux détours de leurs courses est une révolution en soit. Les commerces de proximité sont des antennes relais ancrées dans le quotidien des Français. À la différence, les opérateurs télécoms ont moins cette relation de confiance avec leurs abonnés et le dialogue avec ces derniers est rare (à l’occasion du renouvellement du contrat). La grande distribution profite de la récurrence d’usage de ses clients.

Et si le retail media était la prochaine étape ?

Même si rien n’a été annoncé en termes de données publicitaires, la convergence entre commerce et contenu a de quoi ravir les annonceurs. Carrefour est l’acteur alimentaire le plus important du retail media en France avec ses 14 millions d’encartés. Le géant monétise la donnée collectée auprès de ses consommateurs en magasin et en ligne, c’est-à-dire qu’il vend des espaces publicitaires auprès des marques. Son activité retail media s’est renforcée avec en 2022, la création de Unlimitail avec Publicis qui se veut être le one-stop-shop du retail media en Europe et Amérique Latine. La joint venture regroupe les data shoppers d’autres distributeurs comme Kingfisher France, Groupe Galeries  Lafayette, Rakuten France, Showroomprive Group.

Penser que Carrefour Plus puisse rentrer dans le spectre du retail media n’est pas aberrant. Mettons qu’un adhérent Carrefour Plus regarde un programme Netflix via son abonnement avec publicité. La donnée collectée de son parcours marchand, renseignant sur les habitudes d’achat de ce consommateur, peut servir à personnaliser les annonces publicitaires auxquelles ce même consommateur est exposé sur Netflix. Cela pourrait être une manière pertinente pour Netflix de redonner de la valeur à son seul inventaire d’abonnés. En croisant data shopper et valeur contextuelle des programmes au sein de Unlimitail, les possibilités de ciblages publicitaires granulaires pourraient donc être immenses. Ceci est déjà le cas avec France TV et M6, deux partenaires TV de poids pour Unlimitail sur le volet extension d’audience.

Un modèle à la Amazon Prime

Tout ceci n’est pas sans rappeler les pratiques d’Amazon, le leader mondial de l’e-commerce. Sa formule d’abonnement Amazon Prime combine la livraison d’articles prioritaires à une offre de streaming vidéo Prime à 6,99€/mois. Carrefour Plus est donc un rival direct de la formule Prime qui compte en France 7 millions d’adhérents. À noter que Prime Vidéo s’apprête à vivre un changement radical à partir du 29 janvier, date à laquelle la publicité par défaut arrive sur la plateforme d’abord pour une poignée de pays. Les données d’usage et de transaction récoltées par Amazon pourront très certainement servir à enrichir ses services publicitaires sur Prime Vidéo.

Des doutes subsistent côté consommateurs

L’offre promotionnelle de Carrefour et Netflix suscite des interrogations. Est-elle si avantageuse ? Sur les réseaux sociaux, l’Association des Franchisés Carrefour estime que les détenteurs de la Carte Pass et de la carte de fidélité bénéficient déjà de réductions sur leurs achats. Pourquoi donc souscrire à Carrefour Plus pour bénéficier de l’abonnement Netflix avec publicité s’ils peuvent s’abonner auprès du streamer pour le même prix de 5,99€. Qu’ont-ils réellement à y gagner ?

Le bilan est fixé à décembre 2024, date à laquelle Carrefour Plus pourrait être étendu à la France entière si 3% des clients des zones pilotes y ont souscrit.

Linda Ndiaye

Références

Dilhuit, A. L. (2023, 27 novembre). Étude Bango : La révolution du super bundling dans l’économie de la souscription. SlimPay. https://www.slimpay.com/fr/blog/etude-bango-la-revolution-du-super-bundling-dans-leconomie-de-la-souscription/

Echelard, G. (2024, 15 janvier). En s’alliant avec Netflix, Carrefour chasse sur les terres d’Amazon Prime. Challenges. https://www.challenges.fr/entreprise/grande-conso/en-s-alliant-avec-netflix-carrefour-chasse-sur-les-terres-d-amazon-prime_880125

Harel, C. (2024, 17 janvier). Carrefour : Pourquoi s’allier à Netflix plutôt qu’à Amazon Prime ou Disney+ ? Capital.fr. https://www.capital.fr/conso/carrefour-pourquoi-sallier-a-netflix-plutot-qua-amazon-prime-ou-disney-1490589

Jaimes, N. (2023, 15 juin). Tout ce qu’il faut savoir sur Unlimitail, la joint-venture retail media de Carrefour et Publicis. Mntd. https://www.mntd.fr/retail-media/tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-unlimitail–la-joint-venture-retail-media-de-carrefour-et-publicis-755904

Influentia (2024, 18 janvier). Netflix & Carrefour : L’arbre SVOD et la Forêt Retail Media – Influencia. Influencia. https://www.influencia.net/netflix-carrefour-larbre-svod-et-la-foret-retail-media/

Silvestre, A. (2024, 16 janvier). Netflix et Carrefour s’allient pour une nouvelle formule d’abonnement avec streaming et réduction à la caisse. Le HuffPost. https://www.huffingtonpost.fr/culture/article/netflix-et-carrefour-s-allient-pour-une-nouvelle-formule-d-abonnement-avec-streaming-et-reduction-a-la-caisse_228397.html

Roth, E. (2024, 23 janvier). Netflix is going to take away its cheapest ad-free plan. The Verge. https://www.theverge.com/2024/1/23/24048107/netflix-basic-subscription-ads-earnings-q4-2023

Publicité et live streaming : Netflix confirme sa nouvelle stratégie de diversification défensive

2024 marque l’entrée de Netflix dans l’arène du live streaming. La plateforme a annoncé le 23 janvier 2024 avoir signé un accord de diffusion avec la société TKO – la maison-mère de la WWE, la plus importante fédération américaine de catch – et de l’UFC – l’organisation spécialisée dans les combats de MMA (arts martiaux mixtes). Signe d’investissements colossaux dans la programmation en direct, l’accord de 10 ans évalué à plus de 5 milliards de dollars assure à Netflix de devenir le nouveau foyer de l’émission de catch à succès « Monday Night Raw ». Avec une entrée en vigueur en janvier 2025, l’accord réserve au streamer les droits exclusifs sur l’émission aux États-Unis et ses droits de distribution dans plusieurs pays dont le Canada, l’Amérique latine et le Royaume-Uni. Comme un passage de témoin de la télévision linéaire à la diffusion en continu, la chaîne USA Network qui diffusait jusqu’alors l’émission vieille de 31 ans renonce à trois heures de programmes en direct par semaine tout au long de l’année. Selon la chaîne CNBC, cette annonce représente pour Netflix « son plus grand saut dans le domaine du divertissement en direct » (“its biggest jump into live entertainment[1]”). Plus qu’un saut dans le divertissement en direct, Netflix opère depuis plus d’un an un revirement de stratégie dont l’accord avec la WWE n’est pas l’unique volte-face. Désormais, le cahier des charges de la plateforme affiche comme priorités autant l’élargissement de son offre de divertissement – des événements en direct, des contenus sportifs et des jeux – que le développement de son activité publicitaire.

Une stratégie de diversification portée par le live streaming, les contenus originaux et ceux sous licence

Recette enviée de ses concurrents, la formule du succès de Netflix reposait originellement sur des contenus originaux, l’absence de télévision en direct et de publicité, et une bibliothèque inégalée de films et de séries à diffuser dans le monde. Mais la perte historique d’un million d’abonnés en 2022 a contraint la firme américaine à trouver de nouveaux relais de croissance. Parmi eux, le partenariat avec la WWE permet à Netflix d’accéder aux millions de téléspectateurs annuels de « Raw » lors de rendez-vous hebdomadaires en direct. Netflix n’en est cependant pas à son coup d’essai. En 2023, la société avait annoncé qu’elle organiserait son tout premier événement sportif en direct avec des pilotes de F1 et des golfeurs professionnels s’affrontant lors d’un tournoi de golf. Quelques mois plus tôt, elle s’était déjà essayée à la diffusion en direct avec l’émission de stand-up du comédien américain Chris Rock. Avec la WWE, l’arrivée de Netflix sur le marché du live streaming implique un nouvel usage de la plateforme – la possibilité de regarder plus régulièrement des émissions sur rendez-vous -, et avec lui, de nouvelles recettes – les annonceurs et les abonnés. Pour le Wall Street Journal, cette stratégie « s’inspire des chaînes de télévision que Netflix a commencé à remplacer dans le cadre de ses efforts pour devenir la principale source de divertissement des ménages » (“It takes a page from the TV networks Netflix has started to replace as the streamer works to become the main source of households’ entertainment[1]”). On peut aussi considérer l’accord avec la WWE comme une mesure défensive permettant à Netflix d’égaler l’étendue du contenu sportif en direct disponible sur les services rivaux, tels que Max de Warner Bros Discovery et Peacock de NBCUniversal.

La création de films originaux et d’émissions de téléréalité comme « Too hot to handle » ou « Love is Blind » complète ce nouveau portefeuille de programmes. « La société s’est lancée dans la télé-réalité, les romans à l’eau de rose et les séries internationales, tout en confiant de grosses sommes d’argent à des scénaristes de renom tels que Shonda Rhimes et Ryan Murphy » explique le Financial Times[2]. Netflix prévoit de dépenser jusqu’à 17 milliards de dollars en contenu en 2024[3]. « Aucune société de divertissement n’a jamais essayé de programmer à cette échelle et pour autant de goûts et de cultures[4] », Netflix a-t-il écrit, glorieux, à ses actionnaires le 23 janvier 2024.

La poussée de Netflix dans le domaine du live streaming, ses investissements dans la création originale ainsi que sa décision d’accorder des licences pour davantage de programmes télévisés à ses concurrents interviennent alors que l’entreprise tente de relancer la croissance de son volet publicitaire, son autre cheval de bataille dans la course aux abonnés.

Le pari de la publicité ou le virage stratégique d’un modèle économique qui s’essouffle

Grâce notamment à sa politique plus stricte en termes de partage des mots de passe et à son abonnement moins coûteux avec de la publicité lancé en novembre 2022, Netflix a recruté 13,1 millions d’abonnés au cours du trimestre de décembre 2023[1], ce qui représente la plus forte croissance d’abonnés jamais enregistrée au cours du quatrième trimestre.

L’accord avec la WWE intervient alors que le streaming se rapproche de l’omniprésence de la télévision par câble. Marc DeBevoise, PDG de la société de technologie de diffusion en continu Brightcove, déclare à propos du catch professionnel que « c’est l’une des rares choses qui génère une audience de plus de 10 millions de téléspectateurs, ce qui est nécessaire pour développer une activité publicitaire[1] ». Cette stratégie de contenus s’inscrit donc pleinement dans la lignée des efforts de Netflix pour faire de la publicité une source significative de revenus d’ici à 2025.

Dans sa course aux abonnés, Netflix a engagé une stratégie de diversification tant de ses contenus que de ses revenus, s’inspirant du modèle traditionnel de la télévision câblée. L’arrivée du catch en direct doit permettre de gagner en abonnés ainsi que de contribuer à la nouvelle activité publicitaire du groupe, ce qui offrira probablement une justification supplémentaire pour augmenter les prix des abonnements à l’avenir. Le cahier des charges de Netflix évolue au gré des innovations et des usages, redistribuant sans cesse les cartes de la consommation audiovisuelle en ligne.

Adèle de Crépy

Sources : 

–      « The Netflix Pivot is Complete », Angela Watercutter, Wired, 23 janvier 2024. 

–      « Netflix to stream WWE’s Raw starting next year in its biggest jump into live entertainment », Alex Sherman et Jacob Pramuk, CNBC, 23 janvier 2024. 

–      « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024. 

–      « Netflix profite des fêtes et engrange 13 millions d’abonnés supplémentaires », Capital, 24 janvier 2024. 

–      « Netflix s’inspire de l’ancien modèle de la télévision câblée en ajoutant le sport en direct », Zone Bourse, 24 janvier 2024.

–      « Liens vagabonds : Le modèle de Netflix évolue et rabat les cartes du « old streaming » », Kati Bremme, Alexandra Klinnik et Aude Nevo, Méta-Media, 27 janvier 2024. 


[1] « Netflix s’inspire de l’ancien modèle de la télévision câblée en ajoutant le sport en direct », Zone Bourse, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix profite des fêtes et engrange 13 millions d’abonnés supplémentaires », Capital, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.

[2] « Liens vagabonds : Le modèle de Netflix évolue et rabat les cartes du « old streaming » », Kati Bremme, Alexandra Klinnik et Aude Nevo, Méta-Media, 27 janvier 2024.

[3] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.

[4] « Netflix’s Subscribers, Revenue Surge as It Cracks Down on Password Sharing », Jessica Toonkel et Joe Flint, The Wall Street Journal, 24 janvier 2024.


[1] « Netflix to stream WWE’s Raw starting next year in its biggest jump into live entertainment » , Alex Sherman et Jacob Pramuk, CNBC, 23 janvier 2024.

Les chaînes gratuites diffuseront-elles encore des évènements sportifs en 2030 ?

La retransmission sportive est devenue de plus en plus prisée des chaînes gratuites et payantes pour réaliser d’importantes audiences, fidéliser les spectateurs et générer de substantielles recettes publicitaires.

Mais ce marché stratégique a aussi suscité l’intérêt des géants technologiques et les GAFA, Amazon et Apple, ont récemment consolidé leur présence sur ce secteur.

Selon une étude de l’ARCOM parue en 2022, l’audience moyenne annuelle des retransmissions sportives, qu’il s’agisse d’événements récurrents ou d’émissions, connaît une légère baisse sur les chaînes TV historiques de la TNT depuis 2014.

Cette tendance concomitante de la montée en puissance des nouveaux arrivants du secteur souligne une évolution du paysage médiatique, marquée par des dynamiques changeantes et des enjeux concurrentiels croissants.

Un marché de la retransmission sportive en mutation 

La multiplication des éditeurs et l’arrivée de plateformes américaines à gros moyens, dont certaines, à l’image d’Amazon Prime Video, sont déjà bien établies sur le marché français de la captation sportive, ne cesse d’ébranler le marché global des droits TV en constante hausse depuis 2012 (+57% entre 2012 et 2019) selon l’ARCOM.

La diffusion des internationaux de tennis français reflète bien les mutations du marché.

Le tournoi, historiquement diffusé uniquement par les chaînes du service publique (France TV) a désormais, depuis 2019, ses sessions de nuit proposées par Amazon sur sa plateforme vidéo. Suite à la renégociation des droits en 2019, la FFT avait ainsi pu se réjouir d’avoir augmenté ses revenus issus des droits TV de « plus de 25% ».

Elle a toutefois suscité de nombreuses critiques sur la méthode utilisée pour atteindre ces recettes « d’environ 25 millions d’euros » avec les droits de diffusion (lot 2+ Co-diffusion ½ finales et finales) cédés à Amazon. On pense par exemple à la polémique autour du quart de finale opposant Novak Djokovic à Rafael Nadal diffusé uniquement sur Prime Video et privant de nombreux fans de tennis de suivre cette rencontre gratuitement.

On pourrait citer également le groupe TF1 qui a perdu au profit de Canal+ les droits de retransmission de la F1 alors qu’il en était le diffuseur historique jusqu’en 2012.

De même, W9, diffusa de 2010 à 2018 des matchs de la ligue Europa jusqu’à ce que le groupe payant RMC en reprennent les droits.

Sur un marché des droits sportifs aux tendances inflationnistes, les chaînes gratuites se font de plus en plus concurrencer sur la diffusion des compétitions majeures.

L’analyse de l’ARCOM, montre aussi une réelle érosion des heures de retransmissions sportives en télévision gratuite (cf. graphique).

Elle constate également une écrasante domination des chaînes payantes, sur le secteur de la captation sportive, en termes d’heures de diffusion malgré une diminution du nombre de chaînes payantes diffusant des programmes sportifs depuis plusieurs années. Ainsi, sur les 145 335 heures de programmes sportifs diffusés en 2019, 95 % sont proposées par des chaînes payantes (137 553 heures), contre 5 % par des chaînes gratuites (7 024 heures).

L’inflation sur ce marché de la diffusion sportive résulte d’une part de l’arrivée de nouveaux éditeurs (Bein en 2012, SFR en 2019). On peut aussi citer désormais Amazon et bientôt peut-être DAZN (positionné sur la ligue 1) ou même Apple et Netflix. D’autre part, une stratégie systématique de maximisation des droits par les ligues professionnelles sportives et les organisateurs contribue à la hausse des prix. On l’a vu récemment avec la polémique sur les enchères de la LFP concernant les droits de ligue 1 et le retrait des négociations de Canal+ (diffuseur historique de la compétition).

Cependant, les chaînes gratuites restent compétitives sur la diffusion sportive, portée par les chaînes du service public

Car, en dépit de la hausse des droits TV et de l’érosion constante des heures de retransmission sportive depuis 2016, les chaînes gratuites conservent les droits de diffusion des courts extraits d’évènements sportifs et bénéficient d’une liste de diffusion d’évènements sportifs d’importance majeur établie par la loi relative à la liberté de communication.

Par ailleurs, hors de ce cadre juridique, elles détiennent toujours des droits de diffusion stratégiques payants comme certains matchs attractifs de coupe du monde de football pour TF1 ou des matchs d’Europa League pour le groupe M6.

La chaîne thématique L’Équipe reste aussi très attractive pour les « fans » de sport avec de nombreux contenus sportifs (émissions, gala du ballon d’or, reportages, extraits de match et résumés) comme certains matchs de coupe du monde en phase éliminatoire, par exemple, ou l’intégralité de la ligue des nations, d’intérêt plus « secondaire ».

Laurent-Éric Le Lay, l’actuel directeur des sports de France Télévisons soulignait dans un entretien au journal Le Point en 2021 qu’au-delà de la loi précitée : « le sport a besoin d’être vu par le plus grand nombre ».

            Même si la tendance globale à la baisse de la diffusion de contenus sportifs audiovisuels en télévision gratuite s’inscrit dans un mouvement plus global de baisse de consommation de contenus sur ces chaînes, les retransmissions sportives atteignent souvent des niveaux d’audience très élevés en télévision gratuite, notamment en « prime time ».

Les chaînes gratuites ont en effet, pour l’instant, une plus grande capacité à toucher une cible large que les chaînes et les plateformes payantes car elles touchent une audience moins spécialisée qui découvre ainsi de nouvelles disciplines sportives.

« …quand vous êtes diffusés sur une chaîne gratuite, vous avez des audiences incroyablement supérieures. Et parmi cette audience se trouvent des gens qui sont moins fans et qui découvrent de nouveaux sportifs et de nouvelles disciplines » (Le Lay, L-E)

Source : article de Rebucci, J. LePoint.fr

Elles se positionnent généralement sur des compétitions « événementielles » et développent un solide « partenariat avec l’organisateur de la compétition » et « les fédérations », pour toucher le plus grand nombre de spectateurs. La qualité de la relation entre les chaînes historiques et les ligues sportives professionnelles compte également dans cette course aux retransmissions sportives, les ligues cherchant les partenariats et les modèles de diffusions les plus adaptés à leurs sports et à leurs besoins.

Laurent Éric Le Lay, rappelle dans l’entretien mentionné ci-dessus que la valorisation d’événements « passe … aussi par la capacité des chaînes gratuites à réaliser divers reportages et émissions autour du sport et des athlètes concernés ».

Les chaînes payantes, visent ainsi plus fréquemment des compétitions à dimension « feuilletonnante » (ligue 1, Top 14) et une programmation régulière avec un objectif de fidélisation de leur audience.

Les chaînes gratuites restent compétitives sur la retransmission sportive mais à quel prix et pour combien de temps ?

La compétitivité des chaînes gratuites sur le marché de captation sportive reste cependant très liée à leurs capacités d’investissements et d’acquisitions de droits TV d’évènements sportifs qu’ils soient « secondaires » ou « premium ».

Mais les chaînes gratuites enregistrent des taux de croissance de leurs CA globalement peu dynamiques. Le groupe FTV enregistre une baisse de 9% sur la période 2012-2022, en raison de la baisse des dotations de l’État et des recettes publicitaires. Le taux de croissance des chaînes privées gratuites est en baisse de -2% depuis 2006. Les chaînes historiques TF1 et M6, ont vu leurs CA baisser constamment sur cette période. Cela s’explique, en partie, par une baisse du chiffre d’affaires publicitaire pour la grande majorité des groupes TV. Les chaînes historiques privées TF1 et M6 ont ainsi constatées une baisse de 23% de leurs recettes publicitaires depuis 2006 (-518 M €). Moins impacté, car dépendant à 80% des recettes publiques, le groupe France TV constate tout de même une diminution de 4% de ses recettes liées à la publicité sur la période (-137 M €).

Cette situation, surtout quand on sait que les chaînes privées dépendent à plus de 50% des investissements des annonceurs, (cf. Bilan financier des chaînes gratuites – 2022 – Arcom), si elle devait perdurer ou s’accentuer questionne la capacité future des chaines gratuites à investir encore sur du contenu sportif « premium » et pas seulement « secondaire » et dont la rentabilité n’est pas immédiate lors de sa diffusion.

D’autant que les plateformes GAFA comme Amazon deviennent de plus en plus attractives pour les annonceurs et acquièrent de nouveaux droits TV sportifs au détriment des chaînes gratuites françaises (mais aussi des chaînes à péage).

Valorisés à plusieurs centaines de milliards de dollars, les éditeurs numériques américains s’intéressent de plus en plus aux retransmissions sportives.

On les voit arriver sur ce marché, y compris en France, avec Amazon en tête de peloton.

Plus récemment Apple, un temps évoquée pour l’acquisition des droits de ligue 1 sur la période 2024-2027, a racheté, pour 2,5 milliards de dollars sur 10 ans, les droits de la MLS (Major League soccer) pour en être le diffuseur exclusif dans le monde.

La plateforme Netflix investit massivement dans les séries documentaires sportives et, preuve d’un intérêt croissant sur ce segment de contenus, l’entreprise a récemment annoncé la diffusion de son premier événement sportif en direct : un match amical qui opposera Rafael Nadal à Carlos Alcazar.

Dès lors, l’effet de ciseau crée par la contraction des chiffres d’affaires des chaines gratuites suite notamment à la réduction des revenus publicitaires et la force de frappe économique des plateformes pourrait bien fragiliser à terme les chaines gratuites sur le segment de la captation des événements sportifs.

ANTOINE BARRET

Bibliographie :

LE DECLIN DE LA TÉLÉVISION PAYANTE AUX ÉTATS-UNIS 

Selon une étude d’Ampere Analysis couvrant 96 marchés (1), la télévision payante traditionnelle, autrefois dominante, connaît un déclin sans précédent au niveau mondial : pour la première fois, la pénétration mondiale de la télévision payante devrait diminuer. En effet, alors que la SVOD gagne du terrain et que de nouveaux acteurs émergent dans le secteur de la télévision, les offres historiques se voient confrontées à des défis considérables. Cette transition est alimentée par divers facteurs, allant de la hausse des coûts à l’évolution des modes de consommation, et marque un changement de paradigme dans la manière dont les téléspectateurs accèdent à leurs contenus préférés.

Le marché nord-américain est grande partie responsable de cette baisse : aux États-Unis, la pénétration de la télévision payante est passée de 84% en 2009 à seulement 45% en 2023. Ce marché était pourtant réputé comme solide et semblait traverser les années sans grande difficulté. Les américains sont effectivement connus pour leur propension à rester de longues heures devant leur postes de télévision et à allouer une partie importante de leur budget mensuel à des abonnements à des bouquet de chaînes de télévision payante : environ 100 dollars sont dépensés chaque mois en cable tv (2)  . Ces derniers sont commercialisés par des opérateurs de réseaux câblés tels que Comcast, Charter, AT&T, Dish, Altice USA, Verizon, Cox… En 2012, 85% des foyers américains étaient concernés par l’abonnement à ces bouquets, en 2022, cela ne représente plus que 55% des foyers.
Soyons ici clairs : cela ne signifie pas pour autant que le temps de visionnage moyen a diminué, les américains regardent toujours autant la télévision qu’avant, voire plus, depuis l’arrivée de nouveaux acteurs. Cela signifie juste qu’ils la regardent autrement : on assiste ainsi plutôt à une reconfiguration du marché du payant, qu’à une véritable disparition de celui-ci. 

L’arrivée de nouveaux acteurs, et donc de nouvelles offres 

Contrairement au reste du monde, la crise sanitaire de 2020 aux Etats-Unis ne s’est pas accompagnée d’un regain d’intérêt pour le petit écran. La raison ? De nombreux foyers américains avaient déjà franchi le cap de l’abonnement à des services de vidéo à la demande, ce que l’Europe avait déjà commencé à faire mais dans une moindre mesure.
« En l’espace de quelques mois, plusieurs services nouveaux sont apparus fin 2019-début 2020 (…). Fin 2020, 72 % des foyers utilisaient au moins un service de SVoD, contre 66 % en 2018. Et les téléspectateurs ont été encore plus adeptes du streaming durant la pandémie », selon Vincent Létang, directeur d’études médias (4).
Ces nouveaux services répondent aux noms de Disney+, Netflix, Prime Video, etc. Ils ont été principalement consommés sur tablette, téléphone mais également sur Smart TV, directement connectées à internet, pendant le confinement. Ces tv connectées permettent de consommer directement des programmes audiovisuels, sans forcément passer par un abonnement au câble. Ainsi, elles offrent aux services de SVoD, une voie d’accès évidente vers téléspectateurs et potentiels abonnés, sans que ces services n’aient à passer par les acteurs historiques des télécommunications (AT&T, Altice, Charter…).
=> En 2021, près d’un téléviseur sur deux installé dans les foyers américains proposait un accès direct à internet, ce qui participe à une reconfiguration évidente du marché du payant (5)

Les services de SVOD n’ont pas été les seuls à profiter de l’ouverture de la population nord-américaine à d’autres modes de consommation audiovisuelle. Un acteur comme Youtube TV fait également figure d’autorité dans l’établissement de ces nouvelles pratiques.
Peu connu en Europe, ce service, mis en place depuis début 2017, diffuse les principaux réseaux américains et permet d’accéder à plus de 100 chaînes TV linéaires premium directement sur YouTube, dont ABC, Fox, CBS, NBC et ESPN. L’abonnement, qui coûte 72,99 dollars par mois, permet donc lui aussi de contourner le réseau classique de télécommunications pour proposer un accès direct aux chaînes payantes. Toutefois, le gros du visionnage selon « The Information » provient du service principal de Youtube, c’est-à-dire la consommation de vidéos en streaming, plutôt que des chaînes qu’il agrège, comme le fait un distributeur traditionnel (6). En 2023, Youtube TV représentait 8,1% du visionnage sur les téléviseurs connectés aux Etats-Unis, contre 6,9 % six mois auparavant et contre 6,9 % pour Netflix, selon Nielsen (6). Les formats des publicités sur Youtube TV adoptent également un format très télévisuel puisque la plateforme propose aux annonceurs des publicités de 30 secondes, sans possibilité pour le téléspectateur de les couper. 

Les foyers américains se retrouvent donc face à un choix de diffuseurs et de contenus audiovisuels pléthoriques. Aux offres payantes sans publicité, se sont aussi ajoutées des offres payantes avec pub, à la manière de Netflix, Disney+ ou Prime Vidéo, qui séduisent de plus en plus. Ces offres, plus alternatives et flexibles, sont en grande partie responsable du départ massif des abonnés aux traditionnels bouquets TV, vers les plateformes de streaming. 

Quelles répercussions pour les acteurs de la télévision payantes ? 

Face à cette fuite d’abonnés, les acteurs de la télévision payante se sont vus contraints d’augmenter leurs tarifs, alors que ces derniers étaient déjà très élevés. Conséquence : ces bouquets de chaîne séduisent moins, du fait de leurs prix élevés d’une part, et d’autre part, les contenus proposés ne sont désormais plus les plus attractifs du marché. Les investissement colossaux des plateformes de streaming en matière de contenus et de marketing visent justement à attirer le plus grand nombre d’abonnés. Ces derniers, séduits par ces nouvelles offres, se détournent ainsi progressivement de la télévision traditionnelle payante. « Pour le consommateur, il n’y a plus de dépendance vis-à-vis d’un fournisseur de câble et de bouquets de télévision classiques », explique un professionnel de l’industrie audiovisuelle (7). Le fait est que la majorité des consommateurs américains ont désormais une offre suffisamment variée pour pouvoir se passer d’un abonnement cable tv. 

Quelles stratégies adopter face à cette perte d’abonnés ?

L’augmentation des prix des abonnements de ces bouquets survient en réaction à l’arrivée de ces nouveaux acteurs, mais elle se justifie aussi et surtout par le fait, que les acteurs de la télévision payante souhaitent rendre leurs offres plus premium et qualitative qu’elles ne l’étaient auparavant. Ils savent qu’ils ne peuvent empêcher le départ inévitable d’un certain nombre de clients vers ces nouvelles offres, mais ils font également le pari que certains téléspectateurs ne pourront pas se passer de leur abonnement. La raison ? Les fans de sport par exemple, n’auront aucun autre moyen de regarder leurs compétitions favorites ailleurs que sur le câble ou le satellite (ESPN, Fox Sports, NBC Sports et des chaînes locales). En effet, même si le sport est en train de basculer en streaming (Amazon Prime Video, Peacock…), il reste difficile, pour les plateformes de streaming, de disposer de droits sportifs aussi étoffés que ceux détenus par les acteurs de la télévision payante. 

Si le sport peut être une des cartes à jouer dans la rétention des abonnés, brouiller les limites entre télévision par câble et télévision non linéaire est aussi une stratégie adoptée par tout un ensemble d’acteurs de la télévision traditionnelle. Comcast par exemple, a annoncé en 2021 le lancement de son téléviseur connecté. L’objectif ? Permettre d’accéder à la fois à de la télévision linéaire classique (via câble ou signal hertzien) mais également, à des applications de vidéo à la demande. Grâce à ces télévisions connectées installées directement chez les foyers américains, l’opérateur a la possibilité de contrôler l’interface de visionnage de ses clients. 

On assiste ainsi à une reconfiguration du marché du payant aux États-Unis. Les nouveaux acteurs ont réussi à s’imposer sur un marché qui n’était finalement pas si saturé. Le mode de diffusion n’est désormais plus ce qui importe le plus : les acteurs s’affrontent désormais sur le terrain du contenu

Emma Pajot

Sitographie

  1. https://the-media-leader.fr/la-penetration-de-la-television-payante-en-baisse-en-2024-selon-ampere-analysis/
  2. https://medium.com/@ultimatemedia2023/how-much-does-the-average-american-household-spend-on-cable-and-or-streaming-services-per-year-ab97ba994cb9#:~:text=According%20to%20a%20survey%20conducted,package%20and%20provider%20you%20choose.
  3. https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/aux-usa-le-long-declin-de-la-television-payante-20220126
  4. https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/television-la-pandemie-a-dope-le-petit-ecran-partout-dans-le-monde-sauf-aux-etats-unis-1306022
  5. https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/aux-etats-unis-les-televiseurs-connectes-simposent-dans-les-foyers-1306186
  6. https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/publicite-youtube-un-vrai-concurrent-sur-la-television-du-salon-1944993
  7. https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/le-cablo-operateur-americain-comcast-lance-sa-smart-tv-1356774

Sur petits et grands écrans, l’animation française à la conquête du monde : les raisons stratégiques d’une success story tricolore

Le point commun entre les films Super Mario Bros, Ninja Turtles : Teenage Years, Miraculous et Migration ? Ce sont des productions Made in France ET de véritables hits à l’international. Depuis plusieurs décennies, la France est parvenue à développer une véritable expertise dans le secteur de l’animation, attirant l’attention de l’industrie cinématographique mondiale, y compris les géants d’Hollywood et du marché de l’animation japonaise. On parle aujourd’hui « d’âge d’or » de l’animation française, appréciée non seulement pour sa créativité et sa qualité technique, mais aussi pour sa capacité à toucher un public très diversifié. De nos jours, les plus grands studios américains et japonais s’arrachent les talents français, tandis que les sociétés d’animation tricolores sont sollicitées sur des licences d’envergure internationale (entre autres, Star Wars, League Of Legends, Super Mario, Les Tortues Ninja…). Focus sur les atouts stratégiques contribuant à la réussite de cette « exception culturelle française. »

UN SOCLE ÉDUCATIF UNIQUE 

La France dispose d’un terreau particulièrement fertile d’écoles renommées spécialisées dans l’animation ; Les Gobelins, l’ESMA, Rubika, ARTFX et MoPA figurent parmi les meilleures formations d’animation au monde d’après le classement établi par l’Animation Career Review. Ces écoles fournissent aux étudiants toutes les compétences nécessaires pour exceller dans le secteur, elles sont notamment réputées pour leur capacité à enseigner toutes les techniques d’animation, 2D comme 3D, là où les écoles américaines ont par exemple fait le choix de pleinement se focaliser sur la 3D au tournant des années 2000, délaissant les techniques d’animation traditionnelles. À l’inverse, le Japon a longtemps manifesté sa réticence à l’égard de la 3D, accusant aujourd’hui un lourd retard technologique et artistique sur ses pays concurrents. La diversité des techniques et des influences artistiques est au coeur des formations françaises. Elles sont en lien étroit avec l’industrie, car ce sont généralement des professionnels en activité qui enseignent dans ces écoles. La France offre ainsi aux jeunes des formations d’une grande qualité, perpétuellement alimentées par les meilleurs professionnels du secteur. 

Contrairement à ses voisins anglo-saxons, ces formations s’étalent sur plusieurs années et sont généralement peu coûteuses. Face à l’explosion de la demande internationale, ces écoles, autrefois peu connues et relativement « niches », font désormais face à une explosion de leurs effectifs. D’après une étude du CNC, le nombre d’étudiants spécialisés en animation devrait doubler d’ici 2030. Ces écoles sont regroupées au sein du RECA, un réseau d’intérêt général qui vise à « favoriser la lisibilité de l’offre en formation dans le secteur de l’animation » et « faciliter le dialogue entre les écoles et avec les professionnels dans le respect d’une déontologie commune » selon ses fondateurs. Les écoles françaises bénéficient ainsi d’une visibilité internationale, convoitées par les jeunes talents du monde entier. 

UN SOUTIEN INSTITUTIONNEL INDÉFECTIBLE

L’animation en France bénéficie du soutien des institutions culturelles et gouvernementales. Le CNC soutient financièrement la production d’œuvres animées françaises : en 2022, les aides du CNC couvraient 18% des devis en animation. Pour la télévision, 50 programmes français ont été aidés en 2022, soit plus de 1600 épisodes. À noter que France Télévisions demeure depuis plus de 10 ans le premier groupe européen commanditaire de programmes d’animation français. Au cinéma, 13 productions animées d’initiative française ont été aidées par le CNC en 2022, c’est un record. 

Le CNC vise également à instaurer un cadre réglementaire favorable au développement de cette industrie à l’international. Particulièrement depuis plusieurs années, encourager l’animation Made in France est devenu un véritable enjeu pour faire face à la compétitivité accrue des autres pays. Depuis 2016, le crédit d’impôt international (C2I) favorise les collaborations internationales. Les entreprises étrangères sont davantage enclines à travailler avec des studios d’animation français, car en plus de leur précieux savoir-faire, les dispositifs fiscaux mis en place sont très avantageux. En 2022, 52 œuvres d’animation agréées au C2I ont généré près de 190M€ de dépenses en France ; c’est deux fois plus qu’en 2019. Dans le contexte du plan d’investissement national France 2030 et de l’appel à projet La grande fabrique de l’image (sous la supervision du CNC), le soutien envers la filière devrait se consolider. L’objectif est d’abord de soutenir de manière durable les projets portés par des acteurs majeurs comme Illumination MacGuff (Moi Moche et Méchant, les Minions, SuperMario Bros), Xilam (Oggy et les cafards, J’ai perdu mon corps), Blue Spirit (Ma vie de Courgette, Blue Eye Samurai) ou Mikros Images (Bob L’éponge, Pat’Patrouille, Asterix) ; tout en favorisant le développement de studios créatifs en croissance, comme MIAM ! (Edmond et Lucy) et Fortiche (Arcane, Rocket & Groot).  

UNE « FRENCH TOUCH » DÉSIRÉE

La France est reconnue pour son cinéma d’auteur, et cela s’applique également à l’animation. Les créateurs français ont souvent la liberté artistique nécessaire pour développer des projets originaux et innovants, contribuant ainsi à l’émergence de films d’animation uniques. Chez son voisin outre-atlantique, il est d’usage de constituer des pools d’auteurs et de réaliser une multitude d’études de marché afin de déceler le plus précisément possible les attentes du public, dans une logique de rentabilité et de minimisation des risques. En France, le modèle est beaucoup plus léger, la vision de « l’auteur » demeure au coeur des processus de création : d’une certaine façon, chaque œuvre est un prototype. La diversité de techniques utilisées, des influences et des scénarios déployés ont façonné ce style d’animation unique, une « french touch » reconnue mondialement pour son exigence, sa qualité, son design et sa sensibilité. Les oeuvres sont si éclectiques qu’elles parviennent à capter les publics du monde entier : en 2023, nos salles obscures ont accueilli l’ambitieux polar de SF Mars Express, le somptueux conte onirique Sirocco ou encore la comédie haut en couleur Linda veut du poulet ! Ces films, bien que très différents, ont pour facteur commun leur succès, critique comme commercial. 

Leur carrière est boostée par l’international avec souvent la moitié du chiffre d’affaires réalisé à l’étranger, à l’instar du film français Le Petit Prince (2015) qui a enregistré 18 millions d’entrées sur 65 territoires. Pour Marc du Pontavice, PDG des studios Xilam, la réussite de l’exportation française s’explique par la qualité unique de l’animation : « Les Européens et particulièrement les Français ont appris le métier dans un creuset d’influences très variées et ont créé leur propre identité graphique qui du coup s’exporte très bien. Elle est très universelle, moins américano-centrée ou japono-centrée que nos concurrents. » La FRanime s’exporte si bien à l’international que certains auteurs français se retrouvent propulsés aux manettes de superproductions françaises d’initiative étrangères, à l’instar de Benjamin Renner (Ernest et Célestine, Le Grand Méchant Renard), réalisateur sur Migration (Universal, Illumination). 

DES COLLABORATIONS INTERNATIONALES

La France a su établir des collaborations fructueuses avec des studios étrangers, européens, américains et japonais. En 2022, 7 films d’animation sur 10 étaient des coproductions internationales. Les producteurs se tournent vers leurs voisins européens et internationaux pour trouver des fonds et veiller à l’adéquation entre le produit final et les publics internationaux. Selon le CNC, entre 2012 et 2021, le financement international représentait 25% du financement global des films d’animation d’initiative française. Aujourd’hui, le taux approche les 30%. La production d’animation française se veut donc par principe international, avec 80% à 90% de coproductions européennes.

Notons le rôle croissant des plateformes dans la production française. Les quelque 120 studios d’animations français collaborent de plus en plus régulièrement avec les plateformes de streaming : en 2020, Xilam réalisait plus de 50% de son chiffre d’affaires avec Netflix et Disney+.  « Il y a 5 ans, l’essentiel de notre chiffre d’affaires provenait des chaînes françaises et des réseaux de chaînes étrangères » relève Marc du Pontavice. Ces plateformes ont tendance à privilégier l’animation destinée à un public adulte, là où les chaînes de télévision publiques et européennes se focalisent davantage sur l’animation pour enfants. Cependant, l’animation pour adulte progresse partout, chaînes comme plateformes sont conscientes des vastes poches de marché sur ce segment. Les récentes séries Netflix à succès Arcane et Blue Eye Samurai en sont les parfaits exemples. Arcane, produite par le jeune studio français Fortiche, est l’une des séries animées les plus chères de l’histoire, avec un budget avoisinant les 80M$, soit dix fois le budget d’une série d’animation classique. Blue Eye Samurai, produite par Blue Spirit, a été renouvelée par Netflix moins d’une semaine après sa sortie, preuve de son incontestable succès. Ce type de séries, largement saluées par la critique pour la singularité et la beauté de leurs graphismes, a le vent en poupe sur les plateformes.

PERSPECTIVES DE MARCHÉ

Ainsi, la haute qualité d’animation demeure l’avantage concurrentiel principal de la FRanime, c’est un atout stratégique puissant mais fragile, challengé par de multiples enjeux. Pensons notamment aux avancées technologiques majeures que connait ce secteur actuellement, particulièrement sur le terrain de l’intelligence artificielle : Jeffrey Katzenberg, le co-fondateur de DreamWorks, estime que 90 % des artistes pourraient être remplacés par l’IA dans les années à venir. Les besoins en main d’oeuvre pourraient structurellement diminuer, créant davantage de compétition entre les animateurs…

Benjamin Attia

SOURCES

Sébastien Denis, « De Toy Story à J’ai perdu mon corps : III. L’animation industrielle et ses alternatives, NECTART, 17, 84-93

« Le marché de l’animation en 2022 », CNC, 13/06/2023

Jérôme Lachasse, « Pourquoi le cinéma d’animation français est le plus envié au monde », BFM, 16/06/2023

« Cinéma d’animation : les écoles françaises s’imposent à l’international », CNC, 01/09/2022

« Le cinéma d’animation français brille dans les salles obscures du monde entier », Gouvernement, 16/01/2024

Maxime Delcourt, « Le cinéma d’animation, grand fleuron de la France à l’étranger », Slate FR, 21/08/2023

Jérôme Lachasse, « Pourquoi l’animation pour adultes est si difficile à produire », BFM, 17/06/2023

Miotisoa Randrianarisoa & J. Paiano, « 90 % des artistes des studios de films d’animation risqueraient d’être remplacés par l’IA », 11/01/2024. 

Le Fake Out Of Home, la nouvelle tendance marketing ?

Le Fake Digital Out of Home est une nouvelle tendance de street marketing avec la particularité… de ne pas vraiment exister. Il s’agit d’incruster un objet 3D animé et photoréaliste dans le monde réel et qui va interagir avec ce monde. Les contenus FOOH sont générés dans l’objectif de repousser les limites du réel et de créer des campagnes ultra réalistes et immersives. Une tendance qui connaît un réel essor et  profite des formats “snack” que ce soit sur TikTok, Instagram, Facebook ou encore Youtube.

Le Faux fait le Vrai buzz

L’un des premier Fake Out of Home a été imaginé par le vidéaste Ian Padgham pour la promotion des produits Maybellin. Il s’agit un métro londoniens parés de cils géants puis maquillés par une brosse de mascara « Sky High » grandeur nature de la marque de cosmétique.

Il ne s’est pas arrêté là et a notamment imaginé une campagne publicitaire pour Jacquemus mettant en scène le fameux sac de la marque Bambino. Le 5 avril, la marque a publié une vidéo sur laquelle plusieurs sacs ont été transformés en bus hybrides qui circulent dans les rues de la capitale française.

Le 6 septembre, c’est au tour de l’Oréal de dévoiler sa nouvelle campagne : un rouge à lèvre géant sur le dos d’une 2CV sillonne Paris et laisse une jolie trace rouge sur sa route vers l’opéra Garnier. Réalisée en animation 3D, la vidéo est rapidement devenue virale, générant plus de 11,2 millions de vues sur Instagram et plus de 4,9 millions de vues sur TikTok.

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Une tendance qui séduit tous les secteurs

Le FOOH ne s’arrête pas aux univers des cosmétiques et de la mode. Pour la sortie du film Napoléon, c’est Sony et l’agence de Busterwood qui en ont fait l’usage avec une mise en scène spectaculaire en déroulant une affiche XXL du film sur l’Arc de Triomphe.

La volonté du Distributeur Sony Pictures était de propager la campagne sur des emblèmes iconiques de la France et de Napoléon. Édifié sous l’impulsion de l’empereur et de renommée internationale, l’Arc de Triomphe s’imposait comme une évidence pour ce film” a déclaré Sébastien Wullems, le managing director de Busterwood.

@sonypictures.fr

Napoléon s’empare de l’Arc de Triomphe ! ⚔️ Découvrez Napoléon, le film événement de Ridley Scott avec Joaquin Phoenix, le 22 novembre au cinéma. #NapoléonLeFilm

♬ son original – Sony Pictures France

Du côté des annonceurs, La Philharmonie a été le pionnier au Luxembourg en novembre dernier en mettant en avant ses « Music Box » grâce au Studio Polenta et à FOREAL. La vidéo présente d’imposantes boîtes cadeaux chutant en cascade, telles des dominos, sur le parvis de la Philharmonie.

Ces derniers mois, les exemples de FOOH se sont multipliés. Ainsi pour livre show 2023, ETAM a ressuscité en vidéo le mythique club Le Palace ; Xiamo a mis en scène ses galeries photos sur un arrêt de bus et Playstation a dévoilé sur son Instagram une transformation ambitieuse de la Tour Montparnasse prenant l’apparence d’une console géante.

Des campagnes qui rebattent les cartes

Cette nouvelle tendance vient bousculer les codes du street marketing à l’heure où les expériences en ligne se multiplient. L’engouement autour des FOOH s’explique par l’interaction qu’ils génèrent. L’essence même de ces campagnes réside dans leur capacité à semer le doute, incitant les spectateurs à interagir activement avec le contenu sur les réseaux sociaux. La création d’un lien émotionnel avec le public séduit tant les internautes que les algorithmes des réseaux sociaux favorisent naturellement ces contenus.

Aussi, le FOOH présente une série d’avantages sur les plans logistiques et économiques. Il n’implique pas les coûts liés à la location d’emplacements physiques, à la gestion de la production ou aux permis de construction. Les créateurs de ces publicités fonctionnent selon les mêmes règles que les photographes et vidéographes en ce qui concerne les autorisations et les droits d’utilisation.

L’avenir de la publicité ?

Mode passagère ou tendance pérenne ? La publicité FOOH offre des opportunités illimitées, allant des voyages virtuels aux démos interactives. Cette fusion de réalité et d’imagination permet aux marques de se connecter de manière innovante avec leur public. Les FOOH repensent intégralement la manière dont les marques communiquent car cela oblige à penser avec un storytelling omniprésent et non un focus produit.

Cependant, si grâce aux FOOH les marques sont libres d’imaginer des expériences publicitaires uniques et mémorables, cette tendance soulève aussi des inquiétudes. Certains FOOH suscitent des interrogations éthiques, notamment en ce qui concerne l’ambiguïté entre la réalité et la fiction. Ces publicités virtuelles peuvent tromper les consommateurs en les induisant en erreur visuellement. Une préoccupation d’autant plus légitime dans un contexte où les fake news et la désinformation sont devenues monnaie courante.

Il est encore trop tôt pour savoir si cette pratique est vouée à se banaliser mais s’il ne remplace pas les méthodes existantes, le Fake Out Of Home semble être un complément des plus efficaces aux formes traditionnelles de marketing.

De Rozaven Inès

Alain Chabat : Un Maître de l’Adaptation dans l’Écosystème Audiovisuel Français

Photo Credit : Pascal Le Segretain/Getty Images Entertainment

Au sein de l’écosystème audiovisuel français, un nom se détache par son talent polyvalent et sa capacité à évoluer avec les tendances médiatiques : Alain Chabat. Né en Algérie et élevé en France métropolitaine, sa passion précoce pour les bandes dessinées, le cinéma et la comédie a pavé la voie d’une carrière remarquable. À l’âge de 22 ans, il fait ses débuts sur les ondes de RMC, une rencontre qui marquera un tournant décisif avec Pierre Lescure. Ensemble, ils tracent le chemin vers Canal+, où Chabat façonne les hilarants sketches des Nuls, en compagnie de Chantal Lauby, Bruno Carette et Dominique Farrugia.

La Cité de la Peur : Une Marque Indélébile

Les Nuls conquièrent le petit écran et se lancent dans l’écriture de leur première œuvre cinématographique : La Cité de la Peur. Cette comédie, devenue une référence incontournable de l’humour français, séduit par son ton décalé, son casting de talent et ses nombreuses références culturelles. Tant et si bien qu’à l’occasion du 25e anniversaire du film, une pétition signée par 37 000 personnes appelle Alain Chabat et Gérard Darmon à réenchanter la scène culte de la Carioca », lors du Festival de Cannes.

La Magie de la Réalisation…

La transition vers la réalisation marque un nouveau sommet dans la carrière d’Alain Chabat. Didier, où il brille dans le rôle-titre, lui vaut un César de la meilleure première œuvre, confirmant son génie comique. Puis, il signe le mémorable Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, élevant la comédie à un niveau inédit, inscrivant le film dans l’histoire cinématographique pour plusieurs générations. Récemment ressorti au cinéma, il cumule aujourd’hui près de 25 millions d’entrées à travers le monde. Chabat y dévoile son aptitude à diriger une production d’envergure, s’affirmant brillamment derrière la caméra.

Acteur, réalisateur… et producteur

En parallèle de ses succès en tant qu’acteur et réalisateur, Alain Chabat se lance dans la production, quelques mois après le triomphe de La Cité de la Peur. La création de sa propre société, Chez Wam, marque un virage majeur dans sa trajectoire professionnelle. En tant que producteur, Chabat soutient les jeunes talents et les projets novateurs, offrant une vitrine aux voix créatives encore méconnues du grand public. Chez Wam se distingue par la diversité des projets et la pluralité des genres, témoignant de l’éclectisme artistique d’Alain Chabat. Parmi la quinzaine de films produits se trouvent aussi bien Prête-moi ta Main, une comédie légère, que Un Monde à Nous, un film plus audacieux et engagé, et même un documentaire et des programmes pour la télévision.

Pas toujours si magique…

Alors que tout ne fut pas toujours une réussite, Chabat a su rebondir après des revers. Le film RRRrrrr!!!!, bien que critiqué par certains médias, a attiré pas moins de 1,7 million de spectateurs, un chiffre qui ferait bien envie aujourd’hui…

Une tentative à l’international

Toujours en quête de nouvelles aventures, Alain Chabat a exploré le marché américain en partageant l’affiche avec Ben Stiller et Amy Adams dans La Nuit au Musée 2, sorti en 2009. Cette incursion internationale souligne sa volonté d’élargir les horizons artistiques et d’enrichir sa palette d’expériences.

Vers de Nouveaux Horizons : L’Animation et Bien Plus Encore

Mais Alain Chabat ne s’arrête pas là. Il prête sa voix à l’emblématique Shrek, ajoutant sa touche d’humour et de profondeur à ce personnage chéri du grand écran. Plus récemment, il incarne René Goscinny dans le film d’animation Le Petit Nicolas : Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?

Toujours présent sur le petit écran, il anime et produit le jeu télévisé comique Burger Quizz, vingt ans après son lancement initial. Toujours en quête de défis, il a initié l’année précédente son propre late-show sur TF1, démontrant ainsi sa parfaite compréhension des médias contemporains.

En s’engageant également sur la plateforme Twitch pour l’événement caritatif Z Event, avec l’émission Questions pour un streamer, Alain Chabat témoigne de sa volonté de se renouveler et de toucher un public toujours plus vaste. 

Dernière actualité : la réalisation de la première série animée Netflix basée sur la célèbre bande dessinée « Astérix ».

À travers cette épopée médiatique, de la radio au streaming, Alain Chabat éclipse par sa capacité à s’adapter dans un univers en constante mutation. Toujours prêt à se réinventer, il a su conquérir de nouveaux publics, faisant de lui un maître incontesté de l’adaptation dans le monde des médias français.

Jeanne Bouvard

Anne-Lise Magnien

Mélina Magne


Sources 

Ferrari P. (2022) ZEvent 2022 : Alain Chabat, mix technos, dessins sur Paint… Retour sur une édition bienveillante, www.20minutes.fr/. 20 Minutes. Disponible sur : https://www.20minutes.fr/arts-stars/web/3348791-20220912-alain-chabat-mix-technos-dessins-paint-retour-z-event-2022-tout-bienveillance-edition-loin-flop-craignaient-certains (Dernier accès : 1 octobre 22023)

Lecoutere A. (2022) Le Late avec Alain Chabat : votre nouveau rendez-vous sur TF1, https://tf1-et-vous.tf1.fr/. TF1 et Vous. Disponible sur : https://tf1-et-vous.tf1.fr/tf1-vous-donne-rendez-vous-avec-le-late-avec-alain-chabat (Dernier accès : 1 octobre 22023)

Rezo A. (2010) Alain Chabat – Interview, www.artistikrezo.com. Artistik Rezo. Disponible sur  : https://www.artistikrezo.com/cinema/alain-chabat-interview.html (Dernier accès : 30 septembre 2023)

Tuil J. (2021) Alain Chabat renoue avec l’emblématique Astérix dans une série animée Netflix totalement inédite, https://about.netflix.com/fr/newsroom. About Netflix. Disponible sur :  https://about.netflix.com/fr/news/asterix-the-gaul-to-star-in-netflix-animated-series (Dernier accès : 1 octobre 22023)

(2023) Alain Chabat, https://www.wikiwand.com/. Wikiwand. Disponible sur : https://www.wikiwand.com/fr/Burger_Quiz (Dernier accès : 30 septembre 2023)

(2023) Alain Chabat, https://fr.wikipedia.org. Wikipedia. Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Chabat (Dernier accès : 1 octobre 22023)

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