Les rappels de produits – Un retour en arrière systématique ?

Findus – Très à cheval sur la provenance de ses ingrédients ? 

En janvier 2013, en Irlande et au Royaume-Uni, des tests réalisés sur des produits surgelés à base de bœuf produites par la marque Findus révèlent la présence de viande de cheval non déclarée. Le scandale explose et très vite des tests réalisés partout en Europe révèlent la même chose. Findus se voit obligé de procéder à des rappels massifs de produits. Assez vite, l’entreprise se tourne vers ses sous-traitants afin de comprendre l’origine de l’erreur et porte plainte contre ces derniers. Le sous-traitant Comigel met en cause le sous-traitant Spanghero qui accuse elle-même son fournisseur roumain. À la suite de l’enquête, Spanghero sera placée sous liquidation judiciaire, en effet, il est prouvé que les dirigeants de Spanghero étaient au courant de la présence de cheval dans la viande. Depuis, l’ex-directeur de l’entreprise a été condamné à six mois de prison ferme pour son rôle dans l’affaire.

Ce scandale reste l’un des plus scandales de l’industrie agroalimentaire les plus marquants du début de ce 21èmesiècle. Son aspect sulfureux y joue grandement. Lors de cette crise médiatique, les réseaux sociaux ont joué un rôle prépondérant dans la diffusion rapide des informations, tout en agissant à la fois comme un outil d’alerte immédiate mais aussi un catalyseur de réactions en chaîne parmi les consommateurs. Le rôle des réseaux sociaux lors des rappels de produit apparait alors comme un enjeu majeur. Est-ce que les rappels de produits sont toujours un problème si la crise est bien gérée grâce aux réseaux sociaux et de quelle manière les réseaux sociaux sont utilisés pour gérer la perception publique et engager les consommateurs durant une crise.

Le rôle des réseaux sociaux dans les rappels de produits 

Il est possible de parler de rappel de produit dès lors qu’une marque organise le retour d’un produit sur son lieu de production alors que certains exemplaires de ce produit sont déjà entre les mains des consommateurs. L’enjeu de ce type de situation repose sur la rapidité. En effet, si le produit n’est pas conforme, il présente un risque, l’enjeu est d’en informer le plus rapidement les consommateurs afin de limiter les dégâts et les risques sur ces derniers. Le temps est donc l’enjeu principal. Ce qui est intéressant avec les réseaux sociaux c’est qu’étant donné leur nature, ils ont la capacité de jouer ce rôle grâce à leurs capacités de diffusion massive et immédiate de l’information. En d’autres termes, grâce à leur viralité. 

Les rappels de produits sont inévitables, notamment dans l’industrie agro-alimentaire. En effet, le risque zéro étant inexistant malgré les avancées technologiques les rappels de produits sont fréquents. Les réseaux sociaux sont utilisés comme relais d’alertes de produits dangereux comme en témoigne le compte X (anciennement Twitter) @RappelConso, Twitter officiel de la République Française. Ainsi, les réseaux sociaux sont un vaisseau important des rappels de produits, notamment les réseaux qui ont une portée informationnelle, comme X (anciennement Twitter) qui est considéré comme une plateforme de micro-blogging. 

Néanmoins, tous les rappels de produits ne sont pas à l’origine d’une crise médiatique. En effet, les rappels de produits sont fréquents mais tous ne déclenchent pas de scandale. Ainsi quand nous pensons à de récents scandales alimentaires, nous pensons aux pizzas de la marque Buitoni qui ont tué deux enfants début 2022 à cause d’une contamination de bactéries mais peu d’entre nous aurons en tête le rappel de produit du Fromage de Bergues pour présence de listeria monocytogènes.

Quand la gestion de la crise galope vers le chaos 

Au début de sa crise médiatique Findus opte pour une stratégie opaque, peu d’informations sont fournies et cela laisse place à des dérives. Ainsi au début du mois de février 2013 le compte @Findus_France est créé sur X (appelé Twitter à l’époque). Dans un premier temps, une communication plutôt rassurante y est menée. Les tweets indiquent que des contrôles sur les matières premières sont menés et des engagements sont faits sur la qualité et la traçabilité des produits. Très vite, le contenu des tweets change drastiquement et menace les comptes Twitter de particuliers. Les tweets prennent alors tous la même forme « @xxx retirer ce contenu illicite sous peine de poursuites judiciaires. ». Le compte sera rapidement suspendu après une plainte de la part de Findus indiquant qu’ils ne sont pas à l’origine de la création de ce compte. Néanmoins, si cette situation a eu lieu c’est bien car la marque Findus n’a pas communiqué lors de ce début de crise, est restée floue et n’a pas investi tous les réseaux sociaux. L’e-réputation de la marque en prend un coup. 

L’enjeu de l’e-réputation

L’e-réputation se définit comme l’opinion commune sur le Web d’une marque. L’e-réputation est l’identité de la marque telle qu’elle est perçue par les internautes.  

Très vite, ayant compris l’importance de l’e-réputation sur les réseaux sociaux, Findus embauche une société spécialisée dans l’e-réputation, Reputation Squad et procède à un « nettoyage du web ». En effet, la page Wikipédia de la marque est modifiée, la page officielle Facebook est vidée. Cependant, ce type de communication n’est pas forcément plus efficace. Ne pas mentionner le scandale et chercher à l’effacer ont souvent l’effet totalement inverse.  Ce concept est assez connu et porte un nom et c’est l’effet Streinsan. C’est l’idée qu’essayer à tout prix d’interdire la circulation d’une information ne fait qu’apporter de l’attention et la visibilité sur cette dernière. Ainsi, à l’inverse de ce qui peut parfois sembler logique, communiquer de manière claire sur un scandale permet de diminuer son ampleur. En effet, en l’absence de spéculation, quand la situation est assumée et transparente, cela affaiblit la viralité d’un évènement.

Une communication loin d’être glaciale

Nous pouvons comparer la gestion de cette crise médiatique avec cella de Blue Belle Ice Cream qui a été détaillée par Kelsi Opat, Haley Magness et Erica Irlbeck. En 2015, toutes les crèmes glacées de cette marque sont rappelées à cause d’une contamination à la bactérie listeria. La réaction immédiate de la marque est différente de celle de Findus. En effet, dès le début la marque poste sur son compte Facebook des messages contenant des informations sur le rappel et le réapprovisionnement des produits. 

Ces messages à destination des consommateurs mais également des consommateurs potentiels ont créé un sentiment de confiance et de transparence vis-à-vis de la marque. Ainsi, en assumant l’entière responsabilité du problème, Blue Bell Ice Creal créé un sentiment de loyauté et de responsabilité. À l’inverse, la réaction initiale de Findus a été de rejeter la faute sur ses fournisseurs au lieu de prendre tout de suite ses responsabilités. Ce type d’action créé une perte de confiance. 

Nous pouvons dès lors supposer qu’à la différence de Findus, Blue Bell Ice Cream avait une ligne éditoriale claire en cas de rappels de produits et ou de scandale médiatique. Le cas de Blue Bell Ice Cream est encore plus intéressant car la marque a profité de cette crise médiatique pour se rapprocher de ses consommateurs en répondant à leurs questions et en mettant en avant ses employés. Cette stratégie a payé, ainsi en 2016, la marque procède à un rappel de produit spontané, c’est-à-dire un rappel de produit sans que le danger ait été avéré, sur la base d’un danger potentiel. La marque communique cette information sur Facebook qui est accueillie chaleureusement par ses consommateurs comme l’en témoignent les images ci-dessous. 

Ainsi, un rappel de produit n’est pas une fin en soi pour une entreprise, cela peut même être l’occasion pour une marque de développer une image de marque responsable, transparente et engagée. Ainsi même si plus d’une dizaine d’années après le scandale médiatique pour Findus, l’entreprise continue de prospérer, la crise médiatique de la viande de cheval n’a pas été correctement gérée et aurait pu l’être si Findus avait anticipé ce risque potentiel.  

Ce qu’il est important de retenir c’est qu’un rappel de produit peut arriver à n’importe quelle marque et qu’il est important de créer une ligne éditoriale sur les réseaux sociaux claire en amont. Le but étant de pouvoir réagir le plus vite possible et au mieux tout en étant honnête et transparent. 

Chloé Bordenave


 

La communication de crise de Dove face à sa publicité jugée raciste

Que s’est-il donc passé ? 

Le 6 octobre 2017, Dove, une marque du groupe anglais Unilever, poste une publicité Facebook faisant la promotion de son gel douche. Cette dernière met en scène trois femmes enlevant à tour de rôle leurs t-shirts. Une femme noire retire son t-shirt laissant place à une femme blanche qui à son tour ôte son t-shirt laissant place à une femme sud-asiatique. Jusque-là tout va bien. Cependant, le jour suivant, une influenceuse (@NayTheMua) reposte la publicité en s’indignant de son caractère raciste. Très vite, le post devient viral et est relayé par des milliers d’internautes sur les réseaux sociaux (cf. figure 1) dont certaines figures publiques comme l’actrice américaine Gabrielle Union. Determ dénombre ainsi plus de 30 000 posts sur ce sujet et pas moins de 12 000 mentions faisant le lien entre Dove et le terme « raciste » au cours de la semaine. L’opinion est majoritairement négative et l’utilisation d’hashtags tels que #DoneWithDove, #DoveIsRacist et #BoycottDove appellent au boycott de la marque comme c’est souvent le cas lors de crises médiatiques (vandalisme de magasins H&M en 2018, perte d’abonnés de Balenciaga en 2022 etc.). Le sujet est ensuite très vite repris par les médias traditionnels comme le New York Times qui dénonce le colorisme présent historiquement dans certaines pubs pour savons. Le savon étant utilisé dans ces publicités pour « laver » la peau noire jugée « sale ». (cf figure 2)

A gauche la figure 1 (Post Facebook de NayTheMua) et à droite la figure 2 (Ancienne publicité de savon)

De quoi est accusé Dove ? 

Dove est donc accusé par certains de perpétuer une idéologie qui valorise les peaux claires au détriment des peaux foncées, c’est ce que l’on appelle le colorisme. Le problème étant que cette idée pousse encore aujourd’hui à l’utilisation de produits éclaircissants dangereux pour la santé. L’aspect dit « coloriste » de cette publicité va donc à l’encontre des valeurs de la marque qui s’est engagé depuis 2004 à redonner confiance aux femmes et promouvoir une forme de beauté « naturelle » face à des standards de beauté toujours plus exigeants (avec le lancement de la campagne « Dove Campaign for Real Beauty »). En adoptant une position de marque activiste, Dove se doit donc de concerver une bonne image de marque, en préservant une relation de confiance et d’authenticité avec ses clients. Un « scandale » de la sorte, si mal géré, aurait pu venir entacher durablement la réputation de la marque et de facto ses ventes. D’autant plus, que le brand activism de Dove est souvent remis en question du fait de son affiliation au groupe Unilever qui est à l’origine de Fair & Lovely, une marque de produits éclaircissants produit depuis 1975 en Inde, un pays où le colorisme est exacerbé par la société des castes. Chose qui encore une fois est contraire aux valeurs de la marque.

Comment la marque est-elle parvenue à contenir cette nouvelle crise ?

Face à ce tollé, Dove a très rapidement réagi en publiant une série d’excuses sur les réseaux sociaux le jour suivant la polémique. La marque postera ainsi sur X, anciennement connu sous le nom de Twitter, et sur Facebook les posts suivants :

Dove prend ainsi l’entière responsabilité de ses actions sans chercher à trouver un bouc émissaire comme l’a fait Balenciaga en 2022 (Shifting the Blame Strategy, Bradford & Garrett (1995)), ce qui peut avoir un effet contreproductif et agacer le public.

Le 9 octobre, Dove publiera un communiqué plus long sur Facebook expliquant que l’intention de la publicité était de célébrer la diversité des femmes conformément à son engagement[1] tout en reconnaissant son caractère offensant. 

As part of a campaign for Dove body wash, a 3-second video clip was posted to our US Facebook page. It featured three women of different ethnicities, each removing a t-shirt in matching skin tones to reveal the next woman. The visual was intended to convey that Dove body wash is for every woman and be a celebration of diversity, but we got it wrong and as a result offended many people. We are deeply sorry. We have removed the post and have not published any related content. We do not condone any activity or imagery that insults any audience. We are re-evaluating our internal processes for creating and reviewing content.

Dove sur Facebook

En faisant cela, Dove adopte une stratégie d’endiguement pendant la crise en s’excusant pour désamorcer la situation qui est une technique couramment utilisée dans les stratégies de communications de crises (Coombs (2007, 2014), Bradford & Garrett (1995) etc.). Sa réactivité a permis de faire face efficacement à la viralité de la publicité puisque qu’une semaine plus tard les mentions faisant allusion au scandale avaient diminué comme le montre la figure 3 créée par Determ.

Figure 3 : évolution des mentions de Dove en octobre 2017

En cas de crise médiatique, les marques tentent également de mettre en place des mesures correctives (Liu, Jin, Briones & Kuch, 2012) : dans le cas de Dove, la marque a retiré la publicité visée par les accusations en assurant qu’à l’avenir ils seront plus vigilants sur le type de contenus produits afin d’éviter d’avoir des contenus dits « offensants » associés à leurs images. Ils s’engagent ainsi à revoir leur processus de création de publicité ce qui reste tout de même assez vague puisque aucunes actions concrètes n’ont été communiquées. La marque aurait pu par exemple mentionner leur volonté d’investir dans la formation de leur personnel sur ces problématiques.

Enfin, pour redorer son image de marque post-crise et éviter des répercussions négatives sur ses ventes et ses actions (comme ça a été le cas pour H&M en 2018 [2])  Dove adopta les deux stratégies suivantes :

  • La première a été de contacter la mannequin présente dans la vidéo, Lola Ogunyemi, qui a pu expliquer d’elle-même son ressenti face à la situation. Elle se confia ainsi dans plusieurs interviews, exprimant son choc face à la tournure des évènements. La publicité aurait été selon elle prise hors de son contexte original. Et ce, tout en réitérant son expérience positive avec la marque lors du tournage. 

 I can see how the snapshots that are circulating the web have been misinterpreted, considering the fact that Dove has faced a backlash in the past for the exact same issue. There is a lack of trust here, and I feel the public was justified in their initial outrage. Having said that, I can also see that a lot has been left out. The narrative has been written without giving consumers context on which to base an informed opinion 

Lola Ogunyemi, The Guardian

Son intervention a permis à Dove de réitérer indirectement que le caractère dit raciste (qui va à l’encontre de ses principes) de la publicité n’était pas intentionnel.

  • Enfin la deuxième stratégie adoptée par Dove a été de publier des publicités s’alignant davantage avec leurs valeurs comme la vidéo « Let’s Break the Rules of Beauty video », publiée l’année suivante célébrant le caractère multidimensionnel de la beauté qui ne relève pas seulement de l’apparence physique.
Figure 4 : Publicité de Dove de 2011

Malgré les excuses de Dove qui reprennent à la lettre les codes de la communication de crise, de nombreux internautes ont tout de même souligné que Dove n’en était pas à son premier coup d’essai et que la marque avait déjà était accusée, 6 ans plus tôt, d’avoir posté une autre publicité jugée raciste (cf figure 4). On pourrait donc s’interroger d’une part sur la façon dont Dove crée ses publicités et ses choix artistiques qui ne sont pas toujours en adéquation avec ses valeurs et d’autre part sur les plans d’actions concrets que la marque compte mettre en place afin d’éviter à l’avenir d’autres maladresses.

Alicia Nkeletela

Références :

How Social Media Is Changing Crisis Communication Strategies: Evidence from the Updated Literature, Yang Chang, 2016

Crisis Communication Stages of Dove  2017 Racism Issue, Angelia Loreta, Aminy Andawi, 2020

Dove ad isn’t only racial problem for parent company Unilever, Aimee Picchi, CBS News, 2017

I am the woman in the ‘racist Dove ad’. I am not a victim, Lola Ogunyemi, The Guardian, 2017

Dove Is « Deeply Sorry » For Its Insensitive Ad — But There’s Still Work To Do, KHALEA UNDERWOOD, Refinary 29, 2017

H&M ‘racist’ ad adds to company’s woes, RFI, 2018

Dove: real beauty and the racist history, 2017, la Trobe University

Brand Activism as a Marketing Strategy: A Bright Idea Turned Sour, Emma DA PALMA, 2020

Dove Drops an Ad Accused of Racism, Maggie Astor, New York Times, 2017

How Dove’s Reputation Crisis Unraveled On Social Media, Iva Glavinić, 2017, Determ

Dove’s Advertising Campaign Highs and Lows: From Real Beauty to Real Success
to Real Controversy, Bradley Brooks , Dawn Chanland, Steven Cox, Queens 

 Dove Issues Apology  for Ad that appears to show a black woman turning white, Lindsay Schallon, The Glamour

The Power of Consumers on Social Media: A Case Study of Balenciaga’s Crisis Communication, Paula Gárgoles, Gabriela Ambás

A Case Study on Black Twitter’s Reactions to the Framing of Blacks in Dove’s 2017 Facebook Advertisement, June 2020,  Shereena Farrington University of South Florida 


[1] « Chez Dove, notre mission est de faire de la beauté une source de confiance et non d’anxiété. Afin d’atteindre cet objectif, nous aidons les prochaines générations de femmes à developper une relation positive avec leur apparence, nous les aidons à gagner en estime de soi afin qu’elles puissent réaliser leur plein potentiel. » Site de Dove

[2] Après le scandale de 2017, H&M enregistra une baisse de 4% de ses ventes au quatrième trimestre de 2018 ainsi qu’une baisse de ses actions de 35% de janvier à décembre 2017(source : RFI)

L’authenticité à l’ère du marketing d’influence : une étude de cas de la marque Aprizo et de la créatrice de contenu Salimata

À l’ère numérique actuelle, où les consommateurs sont constamment les cibles de messages marketing, l’authenticité est devenue un facteur crucial pour les marques qui souhaitent établir une connexion durable avec leur public. Le marketing d’influence, lorsqu’il est utilisé de manière stratégique et responsable, s’avère être un outil puissant pour promouvoir l’authenticité, tirer parti de la créativité des influenceurs et renforcer la confiance des consommateurs. C’est pourquoi on observe une montée des collaborations entre marques et influenceurs depuis l’avènement des réseaux sociaux.

Cependant, avant même d’élaborer une quelconque stratégie de collaborations avec des micros ou macro-influenceurs, les marques doivent déjà  avoir une très bonne communication avec leurs abonnés et cela passe par un community management et un contenu original et captivant.

La marque Aprizo – anciennement « Infinitus » -, née en 2001, l’a très bien compris. En seulement deux ans, elle a su conquérir sa cible : les femmes âgées de 18 à  35 ans, passionnées de mode et ayant un petit budget. Elle propose des produits de qualité à des prix défiant toute concurrence, dans son magasin situé au centre commercial Torcy Bay 2, en Île-de-France. Son secret réside dans sa stratégie Social Media, dirigée par leur récente employée prénommée Salimata, qui excelle dans la maîtrise des codes de la vidéo virale.

Dans un paysage numérique saturé de contenu sponsorisé, comment la collaboration entre la marque Aprizo et la créatrice de contenu Salimata sur les réseaux sociaux impacte-t-elle la perception de l’authenticité de la marque par les consommateurs ?

Analyse du cas

Aprizo, jeune marque française de mode féminine, a donc choisi de collaborer avec une créatrice de contenu beauté et authentique sur les réseaux sociaux. La collaboration entre Aprizo et Salimata s’est basée sur une compréhension mutuelle des valeurs de chaque partie. Aprizo a d’une part reconnu la créativité et l’engagement de Salimata auprès de son public, tandis que Salimata a d’autre part été convaincue par l’engagement d’Aprizo envers des produits à prix cassés et durables.

À ce jour, Salimata n’est pas qu’une employée de l’enseigne. Elle incarne véritablement « l’essence même de la marque Aprizo sur TikTok » (cf. blog d’Apolline Studio). Salimata a su conquérir les utilisateurs de cette plateforme grâce à son charisme, son humour et son talent d’acting. Les vidéos d’Aprizo la mettant en scène combinent humour et promotion des produits, en plus de créer un lien authentique avec le public. En captivant rapidement l’audience dès les premières secondes à partir de vidéos de chutes, la marque contourne les défenses des consommateurs contre la publicité en ligne.

Origine du phénomène viral

Cette tendance du détournement de videos de chutes virales a des fins promotionnelles provient d’une marque brésilienne nommée « Liliani ». Elle a été l’une des premières à user de ce stratagème en février, avec une video présentant une chute suivie d’un contenu commercial vantant ses matelas. Elle compte aujourd’hui plus de 5 millions de vues.

Ce phénomène a ensuite inspiré un concessionnaire Nissan dans le Texas, qui a publié en mars une video d’un combat de boxe1, utilisant la chute comme transition pour promouvoir ses voitures, cumulant alors 3 millions de vues. Et dans notre cas, cela a incité la marque francilienne à suivre le mouvement dès le 26 mars dernier.2

Impact sur la perception de l’authenticité

La collaboration entre Aprizo et Salimata a eu un impact positif sur la perception de l’authenticité de la marque par les consommateurs. Les publications de Salimata sur les réseaux sociaux ont été reçues avec enthousiasme par ses followers, qui ont apprécié la transparence et l’authenticité de son message.

Plusieurs éléments ont contribué à ce succès :

  • Cohérence entre les valeurs de la marque et de l’influenceur
  • Transparence et divulgation : Salimata a clairement indiqué a ses followers qu’il s’agit de videos créées dans le cadre de son travail de chargée de communication, ce qui renforce la confiance et la crédibilité de sa recommandation
  • Contenu engageant et de qualité : création de contenu créatif et informatif mettant en avant les produits Aprizo d’une manière authentique, drôle et pertinente pour son public
  • Engagement avec la communauté : Salimata répond fréquemment aux commentaires et aux questions de ses followers – via le compte d’Aprizo et via le sien -, ce qui a permis de renforcer l’interaction et la confiance avec sa communauté

Parallèle avec le livre La Vache Pourpre (The Purple Cow) de Seth Godin

Le livre « La Vache Pourpre » de Seth Godin explore le concept de la différentiation dans le marketing. Godin soutient que dans un marché saturé de produits et de services similaires, les entreprises doivent créer des produits « remarquables » qui se distinguent de la concurrence.

Selon l’auteur, les produits remarquables, ou « vaches pourpres », sont ceux qui attirent l’attention des consommateurs et les incitent à en parler. Ils sont uniques, innovants et répondent à un besoin réel ou à un désir des consommateurs.

Pour créer des produits remarquables, Godin recommande aux entreprises de :

  • Oublier les 4 P du marketing mix (produit, prix, place et promotion), qu’il considère comme étant dépassés et ne permettant pas de se différencier efficacement.
  • Prendre des risques : Godin encourage les entreprises à sortir de leur zone de confort et à prendre des risques pour créer des produits innovants.
  • Se concentrer sur la passion en affirmant que les produits remarquables sont créés par des personnes passionnées par ce qu’elles font.
  • Mettre en avant les influenceurs en recommandant aux entreprises de s’associer à des influenceurs qui peuvent aider à promouvoir leurs produits remarquables.

Cas pratique : Aprizo et Salimata sur TikTok

La collaboration entre Aprizo et Salimata sur TikTok incarne parfaitement les principes de Seth Godin. En utilisant Salimata, une influenceuse authentique et passionnée, Aprizo a réussi à créer du contenu remarquable qui a attire l’attention des consommateurs et a renforcé la perception de d’authenticité de la marque.

Les videos de Salimata sur TikTok mettant en avant les produits Aprizo sont à la fois drôles, divertissantes et authentiques.

Aprizo et Salimata : Un duo gagnant sur TikTok pour une marque authentique

Les résultats de cette collaboration sont probants : les vidéos de Salimata ont accumulé des millions de vues, suscitant un fort engouement pour les produits Aprizo. La marque a ainsi bénéficié d’une visibilité accrue et d’une image positive auprès de son public cible.

Notamment, ses deux vidéos les plus vues sur TikTok ont obtenu des taux d’engagement de 8,95% et 10,58%, bien au-dessus de la moyenne habituelle de 3% à 6% sur la plateforme. Cela démontre l’efficacité de la stratégie mise en place par Aprizo et Salimata pour captiver et fidéliser leur audience.

On peut également noter, dans certains commentaires TikTok et Instagram, qu’une partie de leurs abonnés les suivent uniquement pour voir Salimata en action, user de sa créativité pour mettre en avant des produits. Cela pourrait cependant représenter une limite à ce modèle de stratégie de communication. En effet, le but premier d’attirer de nouveaux clients sur place ne serait ici pas atteint, tandis que la notoriété et le nom de la marque seraient bien connus d’un grand nombre de personnes – pas nécessairement clients cependant.

Leçons à retenir

Le cas Aprizo et Salimata illustre plusieurs principes clés du marketing d’influence réussi :

  • Sélection minutieuse de l’image de marque
  • Contenu original et engageant via un format et un ton du contenu s’adaptant à la plateforme et au public cible
  • Transparence assumée à travers la divulgation du contenu commercial renforce la confiance du public cible
  • Engagement avec la communauté via l’interaction avec les followers, indispensable pour diffuser le message de manière organique

En appliquant ces principes, les marques peuvent tirer parti du pouvoir du marketing d’influence pour établir une connexion authentique avec leur public et renforcer leur image.

Conclusion

La collaboration Aprizo et Salimata démontre qu’en misant sur l’authenticité, la créativité et l’engagement, le marketing d’influence peut être un outil puissant pour atteindre les objectifs marketings des marques.

Mélanie MADABOYKO FINTOBAKILA

Références :

1. Tania SOILIHI, stratège des médias sociaux des entrepreneurs

   – Lien : [Tania SOILIHI LinkedIn Post]

https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7178812229901799424?updateEntityUrn=urn%3Ali%3Afs_feedUpdate%3A%28V2%2Curn%3Ali%3Aactivity%3A7178812229901799424%29

2. Naim BENHEBRI, co-fondateur de The Next Influence

   – Lien : [Naim BENHEBRI LinkedIn Post]

https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7182028905032110080?updateEntityUrn=urn%3Ali%3Afs_feedUpdate%3A%28V2%2Curn%3Ali%3Aactivity%3A7182028905032110080%29

3. Laurent BARSANTI, chef de projet chez FoodAffairs

   – Lien : [Laurent BARSANTI LinkedIn Post]

https://www.linkedin.com/posts/laurent-barsanti-b6b474144_un-exemple-de-purple-cow-et-dinnovation-activity-7186713117945397248-n5Nh?utm_source=share&utm_medium=member_desktop

4. [Critique du livre “La Vache Pourpre” (The Purple Cow) de Seth Godin]

https://www.conseilsmarketing.com/referencement/critique-du-livre-the-purple-cow-de-seth-godin/

5. [Apolline Studio : « Le pouvoir des trends Tiktok avec la marque Aprizo »]

https://apolline-studio.fr/le-pouvoir-des-trends-tiktok-avec-la-marque-aprizo/

6. [20 minutes, TikTok : Des magasins parodient des chutes virales pour faire la promotion de leurs produits, et ça marche (vraiment)]

https://www.20minutes.fr/arts-stars/insolite/4087188-20240418-tiktok-magasins-parodient-chutes-virales-faire-promotion-produits-ca-marche-vraiment

7. [Kolsquare : COMMENT CALCULER SON TAUX D’ENGAGEMENT SUR TIKTOK ?]

https://www.kolsquare.com/fr/blog/comment-ameliorer-son-taux-dengagement-sur-tiktok

  1. Vidéo TikTok – Central Houston Nissan – 22/03/2024 ↩︎
  2. Vidéo TikTok – Aprizo – 26/03/2024 ↩︎

« Community Notes » sur Twitter : un outil efficace contre les fausses informations ?

En octobre 2023, suite à l’attaque du Hamas contre Israël, la Commission européenne, ainsi que l’Arcom, a adressé un avertissement à la plateforme de réseaux sociaux Twitter, désormais connue sous le nom de X. L’intervention des autorités visait à modérer la diffusion de contenu inapproprié lié à cet événement, incluant de nombreuses vidéos, images et informations fallacieuses. La mise en garde de la Commission européenne et de l’Arcom à l’encontre de X, s’inscrit dans une continuité réglementaire. En effet, cette intervention n’était pas la première du genre. Déjà en octobre 2022, peu après le rachat de la plateforme par Elon Musk, l’Arcom avait rappelé à X ses obligations légales concernant la modération des contenus en ligne. Ces rappels successifs soulignent l’attention accrue des autorités régulatrices sur les pratiques de modération des réseaux sociaux, particulièrement dans le contexte de gestion des crises et de la désinformation.

La lutte contre la désinformation s’intensifie, confronté à des obstacles majeurs tels que la prolifération rapide de nouveaux contenus et la difficulté à discerner le vrai du faux. Cet enjeu, qui doit aussi ménager un équilibre délicat entre la liberté d’expression et la nécessité de limiter la propagation de contenus illicites ou préjudiciables, pousse les plateformes à innover dans leurs approches. En réponse à cette complexité croissante, plusieurs d’entre elles ont récemment adopté des stratégies de modération participative, invitant les utilisateurs à jouer un rôle actif en signalant les publications susceptibles de transgresser leurs règles. L’une des méthodes de modération les plus notables est celle mise en œuvre par la plateforme X : les Notes de la communauté. Initialement testée aux États-Unis en 2021, cette approche a été adoptée à grande échelle à l’international suite à l’acquisition de la plateforme par Elon Musk.

Qu’est qu’une note de communauté et comment cela fonctionne ?

Les notes de communauté sur Twitter (X), un outil novateur de modération participative, visent à lutter contre la désinformation en permettant aux utilisateurs de la plateforme de contribuer à la vérification des faits. Ce système fonctionne grâce à l’engagement collaboratif des membres de Twitter (X), qui peuvent apposer des annotations sur les tweets qu’ils jugent trompeurs ou inexacts. Ces notes sont ensuite visibles par tous, offrant un contexte additionnel qui aide les autres utilisateurs à mieux interpréter les publications.

Le fonctionnement est relativement simple : une fois qu’un tweet est signalé, il est examiné par des contributeurs qui évaluent son exactitude. Si une note est approuvée par suffisamment de vérificateurs, elle est publiée sur le tweet en question, offrant ainsi une forme de validation ou de correction publique. Cette méthode vise non seulement à décourager la diffusion de fausses informations, mais aussi à encourager une culture de la transparence et de la responsabilité parmi les utilisateurs.

L’impact de ces notes se manifeste particulièrement dans les domaines sensibles comme la politique et la publicité. Par exemple, lorsqu’un politicien prétend à tort que les écoles françaises ont historiquement exigé le port de l’uniforme, une note basée sur des sources fiables, telles que des articles de presse vérifiés, peut corriger cette affirmation. De même, dans le cas des conditions d’utilisation d’un réseau social, les notes peuvent clarifier des malentendus courants en s’appuyant sur des documents officiels ou des archives web pour démontrer que certaines pratiques, comme l’utilisation des contenus des utilisateurs, étaient déjà en place bien avant leur mention récente.

Les publicités ne sont pas épargnées par cette vérification ; des notes ciblent souvent des annonces prétendant des bénéfices exagérés ou pratiquant le « dropshipping » sans transparence. Ces interventions permettent de protéger les consommateurs contre des pratiques commerciales douteuses, en exposant la réalité derrière des offres trop alléchantes pour être vraies.

Parfois, le zèle des contributeurs peut mener à ce que certains considèrent comme du « pinaillage » — des corrections de détails minuscules qui, bien que techniquement corrects, peuvent sembler excessifs. Cependant, même ces interventions minimes jouent un rôle dans l’élaboration d’un discours en ligne plus précis et mesuré, reflétant la mission de la plateforme d’encourager une communication honnête et informée.

Des limites à considérer…

Les Notes de la communauté de Twitter (X), bien qu’efficaces dans la lutte contre la désinformation, rencontrent cependant des limites inhérentes à leur popularité et à leur mode de fonctionnement. Prévues pour enrichir le débat public par des corrections et des clarifications, ces notes sont parfois victimes de leur propre succès. En effet, leur usage excessif tend à diluer leur impact, transformant potentiellement un outil de vérification en un moyen de surinformation.

Un autre problème réside dans leur structure même : rédigées et évaluées par les utilisateurs via un système de votes, les Notes de la communauté peuvent être manipulées par des groupes organisés. Ces derniers, agissant de concert, peuvent influencer la visibilité des corrections, en promouvant ou en supprimant des notes selon leurs intérêts, qu’ils soient politiques ou autres. Cette dynamique peut compromettre l’objectivité et la neutralité des informations, permettant à certaines vérités factuelles de se retrouver injustement écartées ou à des narratifs biaisés de prévaloir.

Les notes de la communauté de Twitter (X) sont-elles efficaces ?

Dans une étude récente, des chercheurs de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de HEC Paris ont examiné l’efficacité des Notes de la communauté de Twitter (X),. L’objectif était de déterminer si ajouter des annotations contextuelles à des tweets potentiellement trompeurs pourrait réduire leur viralité.

L’analyse s’appuie sur une base de données de quelque 285 000 notes collectées via le programme de Notes de la communauté de Twitter (X). Les résultats montrent une réduction notable de la diffusion des tweets annotés. Concrètement, la présence d’une note diminue de presque 50% le nombre de retweets. De plus, les tweets avec notes ont 80% plus de chances d’être supprimés par leurs auteurs, un indicateur que les utilisateurs reconsidèrent peut-être le contenu partagé en présence de contexte supplémentaire.

Cependant, l’étude révèle aussi une limitation majeure : l’efficacité des notes est fortement dépendante de leur rapidité de publication. Avec un délai moyen de 15 heures avant qu’une note ne soit publiée, la plupart des tweets atteignent déjà une large audience avant que l’intervention n’ait lieu, ce qui limite l’impact global du programme.

Face à ces constatations, les chercheurs recommandent une mise en œuvre plus rapide des notes pour améliorer leur efficacité. Ils soulignent que, bien que la modération de contenu pilotée par la communauté montre un potentiel certain, sa capacité à contrer efficacement la propagation de fausses informations est entravée par les retards dans l’application des annotations.

Cette étude vient enrichir le débat sur les stratégies de modération de contenu sur les réseaux sociaux, en démontrant l’importance de la rapidité et de la précision dans les interventions visant à réduire la diffusion de l’information trompeuse. Les résultats encouragent d’autres plateformes à envisager des approches similaires, tout en soulignant la nécessité d’améliorations technologiques et organisationnelles pour maximiser leur impact.

Quel avenir pour ces Notes de la communauté ?

En matière de régulation et d’impact sociétal, les Notes de communauté émergent comme un modèle potentiel pour d’autres plateformes désireuses de responsabiliser leurs utilisateurs dans le combat contre la désinformation. Ce système de modération participative pourrait bien servir de référence pour les législateurs et les organismes de régulation, à l’heure où s’esquissent de nouvelles législations sur la gestion des contenus numériques tels que le Digital Service Act. L’efficacité croissante de cette méthode, sous réserve de certaines améliorations essentielles, la positionne comme un futur standard industriel susceptible d’améliorer la transparence et l’intégrité des informations partagées sur les réseaux sociaux. Malgré les défis présents, l’évolution des Notes Communautaires pourrait marquer un tournant dans les pratiques de modération en ligne, s’inscrivant dans une démarche collective vers des espaces numériques plus fiables et véridiques.

Si Hao Li

Bibliographie et sitographie

https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/sur-twitter-x-une-montee-de-la-desinformation-depuis-lattaque-du-hamas-1986245

https://www.radiofrance.fr/franceinter/avec-les-notes-de-communaute-twitter-x-marche-sur-les-pas-de-wikipedia-8574656

https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/vrai-ou-faux-les-community-notes-du-reseau-social-x-luttent-elles-efficacement-contre-la-desinformation_6051188.html

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/veille-sanitaire/veille-sanitaire-du-jeudi-31-aout-2023-8788843

https://www.bloomberg.com/graphics/2023-israel-hamas-war-misinformation-twitter-community-notes

https://theconversation.com/les-utilisateurs-de-x-doivent-lutter-seuls-contre-la-desinformation-qui-y-sevit-216779

Casilli, A. A. (2019). En attendant les robots-Enquête sur le travail du clic. Média Diffusion.

Chuai, Y., Tian, H., Pröllochs, N., & Lenzini, G. (2023). The Roll-Out of Community Notes Did Not Reduce Engagement With Misinformation on Twitter. arXiv preprint arXiv:2307.07960.

Renault, T., Amariles, D. R., & Troussel, A. (2024). Collaboratively adding context to social media posts reduces the sharing of false news. arXiv preprint arXiv:2404.02803.

Boeing, une communication qui bat de l’aile

Depuis le début de l’année, Boeing traverse une crise sans précédent suite aux incidents qu’ont subi un de ses modèles d’avion commercial, amplifiée par les réseaux sociaux. Retour sur la stratégie de communication de l’avionneur, qui doit faire face à des conséquences économiques lourdes et une réputation difficile à restaurer.

Photo prise par un internaute lors du vol de l’Alaska Airlines entre Portland et Ontario

L’image a fait le tour des réseaux sociaux : le 5 janvier dernier, lors d’un vol de l’Alaska Airlines reliant Portland et Ontario, une porte s’est détachée de la carlingue de l’avion, provoquant la dépressurisation de l’avion et la panique des passagers. Le modèle d’avion concerné, un Boeing 737 Max 9, n’en est cependant pas à sa première défaillance. En effet, on recensait déjà des incidents avec ce même modèle depuis plusieurs années, dont notamment deux crashs en 2018 et 2019, faisant près de 350 morts.

Un déjà-vu communicationnel qui ne porte pas ses fruits

Face aux images qui se sont diffusées très rapidement sur les réseaux sociaux, Boeing a dû entrer en gestion de crise, et actionner plusieurs leviers de communication. Chacun des réseaux sociaux de l’entreprise a été mobilisé de manière différente, et force est de constater que les modes de communication ont été particulièrement disparates.

C’est sur X (anciennement Twitter) que la réaction a été la plus rapide : la compagnie a pu informer ses clients en temps réel sur la situation, et rendre compte de ses actions.

Boeing a radicalement adapté sa communication habituelle, adoptant un ton formel et partageant régulièrement communiqués de presse et mises à jour sur les enquêtes en cours ainsi que les différents remaniements organisationnels. Toutefois, cette stratégie communicationnelle du direct et de la transparence n’a pas été adoptée sur tous les médias sociaux de Boeing. Sur Facebook par exemple, où l’entreprise a un rythme de publication plus élevé et met en avant des contenus plus authentiques et personnels, la réaction a été bien différente. Boeing n’a pas mis en pause sa stratégie de communication habituelle, et a continué à publier sur l’ensemble de ses activités. Seulement les premières mises à jour concernant la crise ont été relayées, contrairement aux communiqués de presse qui se sont vus oubliés.  

C’est finalement sur Instagram que la communication de crise a été la plus légère. Aucune publication au lendemain des évènements, Boeing a attendu plusieurs mois pour mettre en avant sa nouvelle politique de contrôle qualité renforcé.

Dans un monde interconnecté, ces différences de transparence n’ont pas été suffisantes pour effacer et limiter la viralité de la crise sur certains réseaux : les commentaires des internautes restent les mêmes, et demandent tous à Boeing de rendre des comptes sur les différentes affaires en cours. Une stratégie de communication de crise qui n’a par ailleurs pas beaucoup changé depuis la crise du 737 Max 8 en 2019 : l’entreprise avait mis en œuvre les mêmes mécanismes, affichant déjà des faiblesses dans sa gestion de crise.  

Les médias sociaux ont permis un renversement de pouvoir pour les consommateurs. La culture de l’immédiateté, permise techniquement par les réseaux sociaux, a grandement fait évoluer les stratégies de gestion de crise. Les entreprises, exposées à l’enjeu du direct et à une époque où les informations se diffusent quasi instantanément, se doivent de développer un sens accru de la réactivité. Et contrairement aux médias traditionnels, elles doivent également faire face aux réactions des internautes, dont la parole peut se placer sur un pied d’égalité avec les marques, voire totalement la surpasser lorsqu’elle se massifie. Il suffit de regarder n’importe quelle publication de Boeing, en rapport ou non avec les 737 Max 9, pour s’apercevoir du poids des critiques perpétuelles que reçoit l’avionneur. L’enjeu de l’urgence de la gestion de l’information se pose d’autant plus qu’il est particulièrement complexe de démentir des informations devenues virales. Comment se dépêtrer des accusations de négligence en matière de sécurité, quand les images et les témoignages des internautes sont ceux qui font les audiences les plus fortes ? D’autant plus que dans un secteur comme l’aviation, qui fait déjà l’objet de peurs irrationnelles et de récits sensationnalistes, il est plus difficile qu’ailleurs de rétablir une confiance aussi gravement atteinte et imagée.   

Une crise de résolue, dix de plus à affronter

En gestion de crise, admettre fait partie des principales stratégies dont une entreprise dispose pour tenter de se sortir d’affaire. Bien que reconnaître une faute ne soit pas un comportement toujours inné, il se fonde ici sur un principe de la théorie des jeux : l’admission de la crise est motivée par le pari d’une réduction du temps d’exposition médiatique d’une affaire, évitant dès lors la multiplication d’investigations journalistiques et judiciaires. Pari raté pour Boeing.

Quelques jours après le premier incident d’Alaska Airlines, d’autres vols se voient perturbés par des pannes, des dysfonctionnements et des défaillances du Boeing 737. Début mars, la porte de la soute d’un avion est retrouvée ouverte à l’atterrissage, Boeing ayant essayé de dédouaner la responsabilité du modèle d’avion. Un autre Boeing 737 perdra une roue en plein vol peu après, dans un énième épisode d’une crise fortement relayée qui ne semble que s’alourdir, sans aucune autre issue de sortie que mettre en œuvre des contrôle de qualité renforcé. L’anxiété générale se voit d’autant plus amplifiée quand John Barnett, ancien salarié de Boeing et lanceur d’alertes au sujet des processus de production insécures de l’entreprise, est retrouvé mort peu après des auditions contre son ancien employeur, contre qui il avait intenté une action en justice pour un départ à la retraite prématuré.

L’accumulation des crises a eu raison de la position de Dave Calhoun, CEO de Boeing, qui s’est vu contraint de démissionner, preuve de l’ampleur de la crise et de la menace réputationnelle qui pèse sur l’entreprise et ses responsables. « Nous devons continuer à réagir à cet accident avec humilité et une transparence totale. Nous devons également faire preuve d’un engagement total en faveur de la sécurité et de la qualité à tous les niveaux de notre entreprise. », déclarait-t-il dans une lettre adressée aux employés de la compagnie. Et bien que l’annonce de son départ et des futures restructurations organisationnelles à venir dans l’entreprise ait pu désamorcer en partie la crise, l’annonce du bonus de départ de 24 millions de dollars de Dave Calhoun, qui a provoqué de fortes réactions négatives, relève encore une fois d’une faute dans la stratégie communicationnelle de Boeing, qui semble peiner à sortir d’un cercle vicieux pour sa réputation.  

Le cours de l’action Boeing en chute libre

Mais les défaillances sécuritaires de Boeing n’ont pas seulement entaché la réputation de l’aviateur auprès des consommateurs, puisqu’elles ont également brisé la confiance des actionnaires de l’entreprise. Les internautes, par le biais de leur prises de position massives et virales influencent les investisseurs plus qu’auparavant, grâce à leur pouvoir d’action sur la réputation d’une entreprise. Bien que la tendance globale du cours de l’action Boeing ait été à la baisse, les moments de chute libre qu’on peut observer correspondent parfaitement aux différentes crises qu’a connu l’entreprise récemment. Depuis le début de l’année, la valeur de l’action de Boeing a chuté de 29%, en faisant une des compagnies les moins performantes du S&P 500, de quoi déplaire aux investisseurs.

Comparaison du cours des actions Boeing et Airbus depuis novembre 2023

Une dégradation qui bénéficie d’ailleurs grandement à son concurrent européen de toujours, Airbus, qui a vu le cours de son action augmenter de 30% en l’espace de six mois. Les compagnies aériennes, principales clientes de Boeing, subissent de plein fouet cette crise et les nombreux contrôles de sécurité, gardant à terre une partie de leur flotte.

Pour Boeing, le chemin vers la restauration de sa réputation semble être un marathon semé d’embûches, où chaque pas vers la transparence et l’amélioration de la sécurité est crucial. L’avenir de l’aviateur américain dépendra de sa capacité à assurer une rigueur sans faille dans chaque aspect de sa production tout en montrant que les restructurations organisationnelles ne sont pas qu’un simple geste communicationnel.

Barbara S.

Autres références

  • MANGA, Xavier, 2018. La communication de crise à l’ère des médias socionumériques
  • Wiertz, Nathan ; Philippe, Clément. Gestion de crise en entreprise : étude du cas de Boeing lors de la crise du 737 MAX et de l’effet des stratégies sur les médias. Louvain School of Management, Université catholique de Louvain, 2021

Intelligence artificielle et réseaux sociaux : quel avenir ?

Près de vingt ans après la création de Facebook, les réseaux sociaux se retrouvent à un moment décisif de leur évolution, marqué par l’avènement de l’intelligence artificielle.

Les réseaux sociaux sont devenus indispensables dans notre quotidien, remodelant nos interactions sociales et notre manière de consommer l’information, ainsi que notre participation à la sphère publique. Ces plateformes offrent à chacun la possibilité de partager du contenu potentiellement viral. Toutefois, la création de contenu original, la gestion d’audiences étendues et le maintien d’une présence constante face à la masse de publications incessantes peuvent s’avérer complexes.

Facebook a été parmi les premiers à intégrer ces avancées technologiques à tous les niveaux de sa plateforme. En 2013, Mark Zuckerberg fait appel à Yann Le Cun, chercheur français en intelligence artificielle et figure de proue de l’apprentissage profond, pour superviser son laboratoire dédié à l’IA. Ces avancées sont mises en œuvre lorsque le réseau social propose du contenu basé sur les centres d’intérêt des utilisateurs, recommande des contacts en fonction de leur activité, identifie automatiquement les personnes dans les photos grâce à la reconnaissance faciale, ou analyse les images publiées pour garantir leur conformité aux règles de la plateforme.

Alors que ces plateformes ont déjà intégré l’IA depuis leur création, l’avènement d’outils tels que ChatGPT, Gemini ou encore DALL-E pourrait transformer radicalement les pratiques de création et d’utilisation sur ces plateformes. Les possibilités offertes par l’intelligence artificielle sont tellement vastes qu’il est difficile d’en dresser une liste exhaustive.

Une amélioration des fonctionnalités déjà existantes grâce à l’IA

Depuis son intégration dans les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle ouvre de nouvelles perspectives, enrichissant les fonctionnalités des plateformes et offrant une expérience utilisateur plus personnalisée et pertinente. Cette technologie va bien au-delà des capacités des CRM traditionnels en collectant et en analysant des quantités massives de données. Cette analyse en profondeur permet de comprendre les préférences des utilisateurs, aidant ainsi les marques à ajuster leurs campagnes en temps réel en se basant sur des métriques clés telles que les taux de clics et de conversion.

En outre, grâce à des algorithmes d’apprentissage automatique, l’IA analyse le comportement des utilisateurs pour leur recommander du contenu pertinent, des contacts potentiels ou des groupes d’intérêt. Elle est également utilisée par les annonceurs pour le ciblage et les recommandations publicitaires. Cette personnalisation renforce l’engagement des utilisateurs et facilite les connexions entre les consommateurs et les marques. Des plateformes telles que YouTube, Spotify ou encore Netflix proposent des vidéos, de la musique et des films en fonction de l’historique de navigation de chaque utilisateur, alimentant ainsi leurs modèles d’intelligence artificielle avec les données récoltées.

Par ailleurs, l’IA est également utilisée pour détecter automatiquement les contenus inappropriés, tels que les discours de haine ou le harcèlement en ligne. Cette capacité renforcée permet de maintenir des environnements en ligne sûrs et respectueux, favorisant ainsi la confiance entre les utilisateurs et les marques. Facebook, par exemple, a récemment eu recours à l’IA pour rejeter automatiquement les contenus identifiés par un humain comme des fausses informations.

Enfin, sur les réseaux sociaux, l’IA peut automatiser certaines tâches telles que la planification et la publication de contenu. Cette automatisation libère du temps pour les spécialistes du marketing, leur permettant de se concentrer sur la création de stratégies de contenu innovantes et créatives.

De nouvelles interactions

Au-delà des fonctionnalités natives des plateformes, l’intelligence artificielle ouvre un champ immense de possibilités pour révolutionner nos interactions en ligne et, par extension, la manière dont les marques exploitent les médias sociaux pour accroître leur notoriété et leur visibilité.

De nos jours, de plus en plus d’entreprises font appel à l’intelligence artificielle pour créer des chatbots sur les réseaux sociaux. Ces agents conversationnels, de plus en plus sophistiqués, peuvent répondre instantanément et de manière personnalisée aux questions des utilisateurs, permettant ainsi aux entreprises d’offrir un service client plus réactif et efficace.

Grâce à l’intelligence artificielle, la barrière linguistique n’est plus un obstacle majeur. Cette technologie permet aux utilisateurs de communiquer et de partager du contenu dans différentes langues, favorisant ainsi la diversité et l’inclusion en ligne. Pour les marques, cet outil représente une opportunité précieuse pour conquérir de nouveaux marchés à l’international.

Par ailleurs, l’intelligence artificielle peut jouer un rôle essentiel dans le filtrage et le tri des informations circulant sur les réseaux sociaux en fonction de leur fiabilité. Cette fonctionnalité permet aux utilisateurs d’accéder à des contenus de qualité et de lutter contre la propagation de fausses informations. En conséquence, les marques bénéficient d’une protection contre le risque de désinformation, préservant ainsi le lien de confiance avec leur audience.

L’impact de l’IA générative

En plus de son utilisation traditionnelle, l’intelligence artificielle générative a profondément remodelé les réseaux sociaux. Par exemple, depuis l’été 2023, TikTok propose une fonctionnalité permettant de générer automatiquement un avatar. De même, Snapchat Plus a lancé « MyAI« , une fonctionnalité réservée aux abonnés, capable de tenir des conversations sur divers sujets, d’analyser des images et de créer des filtres.

La création de contenu est également devenue plus accessible. Grâce à des outils tels que ChatGPT ou DALL-E, il est désormais très simple de produire des contenus textuels, des photos ou des vidéos susceptibles de devenir viraux. Nous pouvons même anticiper l’émergence d’outils de création de plus en plus sophistiqués, capables de générer du contenu plus attractif, de meilleure qualité et parfois indiscernable de celui créé par un être humain.

Parallèlement, l’IA générative est de plus en plus exploitée dans le domaine de la publicité sur ces plateformes. Google Ads a intégré cette technologie dans ses outils d’optimisation publicitaire, permettant ainsi aux marques d’interagir directement avec Google Ads pour configurer leurs campagnes. De son côté, Meta a récemment lancé « AI Sandbox » pour les annonceurs, une sélection d’IA générative conçue pour les aider à concevoir des publicités.

L’IA et les réseaux sociaux, une menace pour l’information ?

L’émergence de l’IA peut cependant être une menace supplémentaire pour le journalisme et la vérification de l’information. Leur légitimité était déjà remise en question par la présence des réseaux sociaux. Le scandale Cambridge Analytica lors des élections présidentielles américaines de 2016, au cours duquel les données personnelles de dizaines de millions d’utilisateurs de Facebook se sont retrouvées sans leur consentement entre les mains d’une firme ayant travaillé pour la campagne de Donald Trump, est un des exemples les plus marquants de la montée de la désinformation dans le monde.

La recherche du buzz favorise-t-elle donc la diffusion de propos provocateurs et extrêmes, ces derniers étant encouragés par les algorithmes des plateformes ? De plus, avec l’avènement de l’IA générative capable de produire du contenu, que ce soit des textes ou des images, se pourrait-il que le contrôle de l’information soit exclusivement entre les mains de ceux qui maîtrisent le mieux ces nouveaux outils ? Aujourd’hui, selon Radio France, 57 % des citoyens français estiment qu’il est nécessaire d’être prudent vis-à-vis des informations diffusées par les médias sur les grands sujets d’actualité. De plus, un quart des personnes âgées de 18 à 34 ans s’informent via des influenceurs, tandis que 42 % des moins de 35 ans se montrent réceptifs à la possibilité de lire des articles rédigés par une intelligence artificielle.

La multiplication des « deep fakes » grâce à l’intelligence artificielle accélère ce phénomène de désinformation, et la défiance qu’ont les citoyens envers l’information. Aujourd’hui l’IA est utilisé pour des tentatives de manipulation de l’information. En effet, de nombreuses attaques, notamment russes, coïncide avec l’arrivée de l’IA qui donne un pouvoir colossal à la malveillance et à la volonté de déstabiliser les élections européennes, en juin prochain. L’élection présidentielle en Slovaquie à l’automne 2023 avait déjà été prise pour cible. Le candidat de gauche avait été victime d’un deep fakes audio qui a été publié pendant la période moratoire, juste avant le scrutin du week-end, causant ainsi sa défaite.

Face à cette montée des deep fakes, les principaux acteurs doivent lutter contre la désinformation. Il est impératif de rester attentif aux implications éthiques et sociales de cette évolution. Les décideurs politiques, les régulateurs et les entreprises doivent collaborer pour élaborer des cadres réglementaires solides qui protègent les droits des utilisateurs tout en favorisant l’innovation. Le vote d’un nouveau règlement nommé Artificial Intelligence Act en décembre 2023 converge vers cette idée de régulation de l’intelligence artificielle.

L’IA doit ainsi être utilisée pour lutter contre la propagation de fausses informations, en promouvant des sources d’information fiables et en vérifiant les faits. Dans ce sens, Meta a annoncé ces dernières semaines qu’il identifiera à partir de mai 2024, les sons, images et vidéos générés par l’intelligence artificielle sur ses réseaux sociaux, en apposant la mention « Made with AI » sur un grand nombre de contenus générés automatiquement.

Selim Amara

Sources :

Structuration, conception et animation des réseaux sociaux : l’avenir de la sociabilité numérique dans nos sociétés.

À l’ère de l’information numérique et de la communication instantanée, les réseaux sociaux sont au cœur de nos modes de vie. Espace virtuel de partage, ils nous permettent d’interagir sur Internet en partageant photos, vidéos, opinions, idées où un certain nombre d’évènements de la vie quotidienne. Si des géants comme Facebook, Instagram, Snapchat où Twitter dominent le paysage, ils sont néanmoins source de vives critiques qui fragilisent leur hégémonie. Une vague de plateformes alternatives, comme BeReal, Mastodon, ou des réseaux plus spécialisés tels que Truth Social et Parler, commencent ainsi à émerger. Cette diversification suggère un futur où la sociabilité numérique pourrait prendre des formes variées pour mieux répondre aux besoins spécifiques de ses utilisateurs.

Les réseaux sociaux, vers le début d’une nouvelle ère ?

L’intégration des réseaux sociaux sur Internet remonte au début du XXIème siècle avec la mise en service de Sixdegrees.com en 1996 puis quelques années plus tard de Meta (anciennement Facebook) en 2004 et de Twitter en 2006. Initialement, ces derniers furent mise en place pour donner la possibilités aux utilisateurs de combiner les interactions personnelles avec la communication de masse. Cela permettait ainsi à ces derniers de pouvoir converser avec des amis, partager des photos personnelles ou des moments de vie privée tout en ayant la possibilité de diffuser des messages à un plus large public.

Même si l’objectif n’a concrètement pas changé, la priorité de ces plateformes à trouver des sources de revenus et un modèle économique stable les a poussé à transformer leurs mode de fonctionnement. Si il est toujours possible de voir les publications de ses amis, de les commenter où de converser à travers des groupes ou des messageries privées, une partie de notre temps d’écran sur ses plateformes est désormais centré vers de courtes vidéos d’inconnus ou de médias sociaux, soigneusement choisi selon notre profil.

L’algorithme plutôt que le social ?

Dans la course effrénée pour maximiser l’engagement des utilisateurs, les réseaux sociaux ont progressivement accordé une place prépondérante à des algorithmes de plus en plus sophistiqués. Conçus pour analyser et prédire les préférences des utilisateurs, ils façonnent désormais le contenu que chacun voit sur son fil d’actualité. À l’origine, l’idée était de rendre l’expérience utilisateur plus personnalisée et pertinente, cependant, cette personnalisation a peu à peu glissé vers une logique de maximisation du temps passé sur les plateformes. En effet, les algorithmes tendent à privilégier le contenu susceptible de provoquer des réactions immédiates et répétées, telles que les vidéos virales ou les posts polarisants. Ce phénomène a ainsi réduit la visibilité des interactions plus personnelles et significatives au profit de contenus souvent superficiels et divertissants. Cette transformation a eu un impact direct sur la nature des échanges sur les réseaux sociaux, déplaçant l’axe central de « social » à « spectacle », où les utilisateurs sont guidés vers un flux continu de contenus optimisés pour capter leur attention.

Un temps d’écran qui ne cesse d’augmenter

Commençons d’abord par mettre du relief dans nos propos. Aujourd’hui, le temps d’écran sur les smartphones consomment en moyenne un quart des heures d’éveil par individu. À leur tour, le temps passé sur les réseaux sociaux correspond environ à la moitié du temps d’écran des téléphones portables. En prenant des journées de 15h, nous passons donc en moyenne pas moins de 2h de notre temps quotidien sur ces plateformes.

L’augmentation du temps d’écran est une conséquence directe de l’efficacité des algorithmes des réseaux sociaux à capturer et à retenir l’attention des utilisateurs. Cette stratégie est doublement bénéfique pour les plateformes : elle augmente à la fois le volume de publicités vues et la quantité de données collectées sur les préférences et comportements des utilisateurs.

Plus les individus passent de temps en ligne, plus ils sont susceptibles de réagir à des contenus variés, enrichissant ainsi les bases de données qui alimentent les algorithmes. Cette boucle de rétroaction crée un environnement où les utilisateurs sont incités à consommer toujours plus de contenu, souvent au détriment de leur bien-être.

Plusieurs études ont par la suite vivement critiqué le fonctionnement des réseaux sociaux en montrant que l’excès de temps passé sur les réseaux sociaux peut mener à des sentiments d’isolement social, d’anxiété, et de dépression, surtout chez les jeunes. (dès 2014, es chercheurs de l’université de Pittsburgh (Pennsylvanie) se sont intéressés à cette relation, publiant leurs résultats dans l’American journal of preventive medicine.)

Les réseaux sociaux au cœur de la désinformation

La structure même des réseaux sociaux crée un environnement propice à la diffusion rapide de « fake news ». Ces dernières se propagent en effet facilement en utilisant la tendance des algorithmes à favoriser les contenus qui génèrent de l’engagement, qu’il s’agisse de likes, de partages ou de commentaires. Le problème est d’autant plus important du fait les utilisateurs viennent à être enfermer dans des bulles informationnelles, où ils sont principalement exposés à des opinions et des faits qui renforcent leurs croyances préexistantes. Cela limite l’exposition à des perspectives diverses mais renforce également les préjugés. Les plateformes de réseaux sociaux sont ainsi devenues des acteurs puissants dans la configuration du discours public, avec une capacité sans précédent à influencer tant les individus que les dynamiques sociétales et politiques à grande échelle.

Une diversification du réseau social traditionnel

Structuration des réseaux sociaux alternatifs :

De nouveaux réseaux sociaux cherchent à se différencier des « géants du web » en adoptant des structures qui favorisent la décentralisation et l’autonomie des utilisateurs. Ces plateformes, telles que Mastodon ou diaspora*, utilisent des architectures fédérées ou distribuées où les serveurs opèrent de manière indépendante, permettant aux communautés de gérer leurs propres espaces tout en restant connectées au réseau global. Cette structure offre plusieurs avantages notables :

D’abord, elle permet de favoriser la protection des données personnelles : Contrairement aux modèles centralisés, où les données des utilisateurs sont stockées sur des serveurs uniques et contrôlés par une seule entité, les réseaux décentralisés stockent les informations de manière distribuée. Chaque « nœud » ou instance dans le réseau a son propre contrôle sur les données qu’il héberge, réduisant ainsi les risques liés à la surveillance massive et aux fuites de données.

Les réseaux décentralisés ne dépendent également pas d’un serveur central, ce qui les rend moins susceptibles aux pannes massives. Permettant une plus grande modularité, les utilisateurs peuvent choisir les instances ou les services qui correspondent le mieux à leurs besoins et valeurs.

Enfin, qui dit réseau social décentralisé implique que les utilisateurs ou les communautés qu’ils forment ont souvent un mot à dire sur la gouvernance du réseau. Cela peut inclure des décisions sur les politiques de modération, les mises à jour des fonctionnalités ou même le code source du réseau lui-même, souvent géré de manière open source.

Création de contenu et engagement communautaire

Animer un réseau social alternatif nécessite une approche qui balance l’engagement des utilisateurs avec le respect de leur autonomie et de leur vie privée. Pour se faire, encourager les utilisateurs à créer et partager du contenu reste un point vital. La modération est aussi un défi majeur. En adoptant des approches de modération communautaire où les règles et les décisions de modération sont prises collectivement par les utilisateurs ou par des modérateurs élus, les réseaux alternatifs affirmeraient la transparence dans leurs processus. Les technologies comme la blockchain et les contrats intelligents (smart contracts) offrent des possibilités nouvelles pour les réseaux sociaux alternatifs, notamment en termes de gestion sécurisée des identités numériques favorisant les transactions au sein de la communauté.

Défis et perspective d’avenir

Bien que prometteurs, les réseaux sociaux alternatifs rencontrent plusieurs défis. D’abord, ces réseaux ont des difficultés pour atteindre une masse critique d’utilisateurs, essentielle pour que le réseau soit vivant et attractif. Les crises de confiance affectant les grandes plateformes pourraient cependant inciter les utilisateurs à rechercher des alternatives aux réseaux actuels. Ensuite, il y a le défi de l’interopérabilité, c’est-à-dire la capacité des différents réseaux décentralisés à fonctionner ensemble de manière fluide. Enfin, le défi économique reste prépondérant : trouver un modèle viable financièrement sans compromettre les principes éthiques et la protection des données est crucial.

Antoine MANTEL

Références
– SiecleDigital (2023, Mars 16) – Jeremy Lipp – 2023, le début de la fin des réseaux sociaux ? https://siecledigital.fr/2023/03/16/2023-debut-de-la-fin-reseaux-sociaux
– FashioNetwork (2023, Mai 2) – AFP Relaxnews – Mode et réseaux sociaux: la fin de la lune de miel ? https://fr.fashionnetwork.com/news/Mode-et-reseaux-sociaux-la-fin-de-la-lune-de-miel-,1505240.html
– LeNouvelEconomiste (2023, Février 15) – The Economist – La fin annoncée des réseaux sociaux https://www.lenouveleconomiste.fr/la-fin-annoncee-des-reseaux-sociaux-110114/
– Forbes (2018, Août 20) – Sabah Kaddouri – Réseaux Sociaux, Le Début De La Fin ?https://www.forbes.fr/technologie/reseaux-sociaux-le-debut-de-la-fin
– RennaissanceNumérique (Non daté) – Léa Roubinet – Réseaux sociaux décentralisés : vers un Web3 éthique ?https://www.renaissancenumerique.org/publications/reseaux-sociaux-decentralises-vers-un-web3-ethique

Médiamétrie 2024 : Nouvelle ère de mesure d’audience TV et défis de l’intégration des réseaux sociaux

Dans une ère où le numérique bouscule les traditions, Médiamétrie franchit un pas de géant avec une révision capitale de son système de mesure des audiences télévisuelles. L’entité de référence pour les statistiques médiatiques, Médiamétrie, dévoile une initiative audacieuse qui a commencé à prendre effet le 1er janvier 2024 : l’intégration des interactions sur les réseaux sociaux dans le calcul des audiences.

L’audience totale : au-delà du téléviseur

En décembre 2023, Médiamétrie, fidèle à son image innovante, a annoncé étendre son panel d’audience à 12 000 individus, y compris 500 foyers sans téléviseurs, à partir du 1er janvier 2024. Médiamat, outil emblématique de Médiamétrie, enregistrera désormais une audience « tous lieux (domicile, hors domicile, en mobilité), tous écrans (téléviseur et écrans Internet – ordinateur, smartphone et tablette), toutes temporalités (Live, différé, replay/preview) », pour une représentativité plus complète de l’audimat français. L’entreprise reconnaît ainsi que la télévision a dépassé les frontières du salon pour se diffuser dans chaque recoin de notre vie quotidienne. Pour connaître l’intégralité de la réforme rendez-vous sur le site de Médiamétrie.

Dans cette volonté de couvrir « l’intégralité des comportements de consommation », l’outil comptabilise désormais les clips des émissions diffusés sur des plateformes telles que TikTok, Facebook, Instagram ou encore X. Les statistiques quotidiennes, publiées chaque matin à 9 heures, ne se limitent donc plus à la consommation passive devant le petit écran, mais englobent désormais l’interaction active des téléspectateurs dans l’espace numérique. 

https://twitter.com/Mediametrie/status/1735629447099818095

Mais pour bien comprendre ces changements, il est crucial de reconnaître l’influence significative de ces chiffres d’audience révélés tous les matins à 9h. Depuis de nombreuses années, ils dictent les tendances, influencent les décisions des annonceurs et orientent les stratégies des chaines de télévisions. En embrassant le numérique, Médiamétrie ne se contente pas de suivre l’évolution ; elle redéfinit les règles du jeu, posant ainsi les jalons d’une industrie télévisuelle française plus connectée et réactive. 

La conquête du numérique par les chaînes télévisuelles : embrasser le concept de Social TV

Pour s’aligner sur les innovations de Médiamétrie et rester compétitives dans un paysage médiatique en perpétuelle évolution, les chaînes de télévision doivent faire leur place sur les réseaux sociaux. Cela implique l’adoption du concept de Social TV, une stratégie qui utilise les réseaux sociaux pour enrichir l’expérience télévisuelle. Elle permet aux spectateurs de participer activement aux conversations en temps réel, de partager leurs opinions et même d’influencer le contenu à l’antenne. Ce phénomène transforme la télévision d’une activité traditionnellement passive en une expérience communautaire et interactive. Cette approche est utilisée essentiellement pour capter l’attention du spectateur souvent partagée entre l’écran télévisuel et un second écran, généralement celui du téléphone.

Pour saisir l’ampleur de la Social TV, observons l’émission « Touche Pas à Mon Poste » (TPMP), émission qui s’est taillé une place de choix dans le paysage audiovisuel français, ayant même valu à son hôte le surnom de « Parrain du PAF ».

La recette de TPMP se prête parfaitement à l’interactivité des réseaux sociaux. Chaque épisode, riche en débats, en « clash » et en séquences mémorables, déclenche des vagues de réactions en ligne, entraînant une avalanche de tweets, de partages, et de commentaires sans oublier son lot de polémiques.

Pour tirer parti de cette effervescence, la production de TPMP a élaboré une stratégie digitale complète et réfléchie. Elle s’appuie sur des équipes dédiées qui orchestrent la conversation numérique en direct, favorisant ainsi une connexion instantanée entre les téléspectateurs et le plateau. Le live-tweet durant l’émission est encouragé, rendant chaque diffusion un événement en soi, où le public peut influencer le déroulement ou le contenu par ses réactions. Les meilleurs moments de l’émission sont rediffusés quasiment instantanément sur le compte X de l’émission. 

En outre, TPMP tire parti de contenus exclusifs destinés aux plateformes sociales pour maintenir l’intérêt et stimuler l’engagement en dehors des heures de diffusion. Cette stratégie bien rodée crée un écosystème cohérent où contenu télévisuel et numérique se renforcent mutuellement, transformant ainsi TPMP en un véritable phénomène de Social TV.

Ainsi, la décision de Médiamétrie d’englober les interactions sur les réseaux sociaux dans ses mesures d’audience est un vent favorable pour des émissions comme « Touche Pas à Mon Poste » (TPMP). En reconnaissant l’impact des plateformes digitales, Médiamétrie valorise l’engagement qui est au cœur de la stratégie de TPMP. 

Toutefois, cette évolution ne favorise pas uniformément toutes les émissions. « Quotidien », le principal rival de TPMP, se trouve dans une position délicate depuis son retrait de Twitter en 2023. L’émission est contrainte de déployer des stratégies transverses pour amplifier sa visibilité et compenser l’absence d’une plateforme autrefois cruciale pour l’engagement des téléspectateurs.

https://twitter.com/Qofficiel/status/1737929527446122990

Pour contrebalancer cette absence, « Quotidien » mise sur la popularité de ses chroniqueurs pour générer du buzz et augmenter ses chiffres d’audience. Par exemple, la présence sur les réseaux sociaux de Jean-Michel Apathie, connu pour ses interventions tranchées et sa notoriété, est un levier puissant. L’approche de « Quotidien » s’appuie sur le rayonnement individuel des figures de l’émission pour attirer et fidéliser les audiences, tout en cherchant à créer un contenu partageable qui puisse virer à la tendance et notamment sur X. En exploitant intelligemment la résonance de ses chroniqueurs et en diversifiant ses points de contact avec le public, « Quotidien » s’efforce de rester compétitif dans le nouveau paysage audiovisuel redéfini par Médiamétrie.

Mais quels défis face à cette transformation de la mesure de l’audience ?  

La quête d’audience et le péril du sensationnalisme

Le premier est la tendance inquiétante à privilégier les contenus provocateurs ou sensationnels afin de stimuler les réactions sur les réseaux sociaux. Cette course effrénée au « clash » risque de marginaliser les programmes de qualité, ceux qui privilégient l’information pertinente ou le divertissement constructif. Les chaînes pourraient être tentées de renforcer des dynamiques qui favorisent les controverses et les débats clivants, plutôt que d’encourager une programmation diversifiée. En somme, cette nouvelle méthode de mesure d’audience pourrait involontairement dévaloriser les programmes du PAF qui ne génèrent pas un buzz immédiat sur les réseaux sociaux, redessinant le paysage télévisuel non pas sur la base de la qualité, mais de la capacité à provoquer une réaction instantanée.

Le Risque d’Enfermement dans une Bulle de Filtre

Un autre risque majeur de cette nouvelle mesure est le phénomène de la « bulle de filtre ». Ce concept décrit une situation où les algorithmes des réseaux sociaux filtrent et présentent aux utilisateurs du contenu basé sur leurs interactions précédentes, leurs préférences et leurs comportements en ligne. Ce processus crée un écho personnalisé où l’individu est principalement exposé à des idées, des opinions et des contenus qui lui « correspondent ». Le danger est que l’on croit choisir activement le contenu auquel on est exposé, alors qu’en réalité, notre environnement informationnel est orchestré par des algorithmes qui visent à maximiser notre engagement.

Dans le contexte de la Social TV, cela signifie que les programmes qui deviennent viraux ou qui sont personnalisés pour nous sur les réseaux sociaux peuvent obtenir une visibilité disproportionnée. Cette situation contraste avec la sélection intentionnelle d’un programme à regarder en direct ou en replay, où le choix et l’attention sont exercés de manière plus consciente et délibérée. Les téléspectateurs risquent de perdre une part de leur autonomie, étant de plus en plus influencés par ce que les algorithmes déterminent être le plus susceptible de retenir leur attention, plutôt que par leurs propres choix.

Finalement, une interrogation subsiste quant à l’avenir du PAF. Alors que Médiamétrie redéfinit ce qui fait ou défait les succès télévisuels, restera-t-il assez de place pour la qualité quand le sensationnel semble régner en maître ?

Solène Gautier

Sources

  1. « Nouveau calcul des audiences : pourquoi vous n’en avez pas fini avec le buzz à la télé », Le Parisien, 14-04-2024,
  2. « La mesure d’audience de la télévision, c’est quoi? », Médiamétrie
  3. « Social TV : un vivier d’opportunités pour les annonceurs », Ruche & Pollen
  4. « Que sont les bulles de filtre? », 50A

Le phénomène Telegram, à la fois messagerie et réseau social : un concurrent sérieux pour Meta ?

Quelles sont ses forces, ses faiblesses et les possibilités de son évolution future ?

Telegram ne se limite pas à être une application de messagerie instantanée qui compte plus de 900 millions d’utilisateurs actifs mensuels. C’est également un réseau social prometteur, en passe de devenir un sérieux concurrent pour les plateformes Meta. En outre, Telegram est une société privée totalement possédée par son fondateur. L’entreprise compte seulement 30 ingénieurs et ne possède pas de département des ressources humaines. Telegram mise sur la qualité et la fiabilité de ses services plutôt que sur le marketing pour attirer et fidéliser ses utilisateurs. La société s’engage aussi à préserver une impartialité politique.

Telegram a été développé en 2013 par les frères Pavel et Nikolaï Dourov. L’accent principal a été mis sur la transmission sécurisée des données grâce à l’utilisation du protocole cryptographique MTProto, qui assure un chiffrement de bout en bout, du serveur à l’utilisateur pour les chats standards, et d’utilisateur à utilisateur pour les chats secrets. Pendant longtemps, Telegram fonctionnait sans modèle de monétisation. Pendant ce période, il était financé par son PDG Pavel Dourov. En 2015 Durov a admit que le fonctionnement de Telegram lui coûtait 12 millions de dollars par an. 

Aujourd’hui, Telegram dispose de deux principales sources de monétisation : l’abonnement premium et la publicité. L’introduction de méthodes de monétisation n’a pas détérioré l’expérience utilisateur. La version premium offre seulement un petit ensemble de fonctionnalités supplémentaires, telles que la déchiffrement de messages audio et vidéo en texte et la possibilité d’interdire aux autres utilisateurs d’envoyer des messages vocaux. La publicité apparaît uniquement dans des chaînes publiques sous forme de courts messages textuels. Les publicités sont clairement indiquées et ne peuvent être confondues avec le contenu.

Examinons d’autres fonctionnalités qui distinguent Telegram de ses concurrents. D’abord, Telegram n’est pas seulement une messagerie instantanée, mais aussi un réseau social grâce à ses chaînes. Une chaîne Telegram est un outil de communication unidirectionnelle, mais les utilisateurs peuvent laisser des réactions et des commentaires. L’utilisation des chaînes est pleinement intégrée dans l’interface utilisateur : les messages des chaînes arrivent comme de simples messages privés. Il est à noter que Telegram n’utilise pas de système de recommandation : les utilisateurs voient sur la page principale uniquement les chaînes auxquels ils sont abonné, et elles s’affichent dans l’ordre chronologique des dernières publications. Cela permet d’éviter que des chaînes moins populaires mais importants pour l’utilisateur ne se perdent dans le flux de nouvelles.

Une autre caractéristique remarquable de Telegram est son stockage cloud gratuit. Tant que le compte reste actif, tous les fichiers, photos, audios et vidéos sont sauvegardés sans limitation de volume. L’application elle-même ne nécessite pas plus de 100 Mo de mémoire, et le cache peut toujours être nettoyé via le menu principal.

Telegram offre également de vastes options pour la gestion de l’envoi de messages : il est possible de programmer l’envoi, d’envoyer des messages sans notification ou de créer des messages qui s’auto-détruisent. Les utilisateurs peuvent aussi interdire la retransmission de leurs messages.

Le code de Telegram et son API sont ouverts aux développeurs. Il existe également une API pour les chat bots. Les possibilités d’interaction avec les chat bots sont presque illimitées, allant de la création de stickers à partir de photos au paiement de services, en passant par l’intégration avec des outils comme Chat GPT et Midjourney. Un chat bot ressemble à n’importe quel autre chat, l’interaction reste simple et intuitive. 

Une autre fonctionnalité utile de Telegram est la possibilité de remplacer le numéro de téléphone enregistré sur le profil par un pseudonyme. Les utilisateurs peuvent également être recherchés par ce pseudonyme, ce qui ajoute une couche de confidentialité et permet de garder le numéro de téléphone mobile secret.

Telegram possède de nombreuses fonctionnalités utiles, mais l’une des plus importantes est la présence de chats secrets, où le chiffrement de bout en bout va d’un utilisateur à l’autre. Cela signifie que les messages sont stockés uniquement sur les appareils des participants au dialogue. Pourquoi alors tous les chats ne sont-ils pas chiffrés de cette manière par défaut ? La raison en est que si l’appareil est perdu, les données des chats secrets ne peuvent pas être récupérées, et il n’est pas possible de se connecter à ces chats à partir de différents appareils via un seul compte. 

Selon DataAI, Telegram se classe actuellement sixième parmi les applications les plus utilisées dans le monde. Cette popularité attire inévitablement l’attention des services de sécurité nationaux de différents pays ainsi que de grandes corporations comme Google et Apple, qui cherchent à exercer un contrôle sur la plateforme. Apple menace parfois de retirer Telegram de l’AppStore et entrave ses mises à jour, tandis que Google a bloqué la technologie de domain fronting, qui constituait une protection importante pour le messager contre les blocages. Comment Telegram réussit-il à rester indépendant et à maintenir sa neutralité?

Premièrement, Telegram appartient à son fondateur, ce qui lui permet de prendre des décisions indépendantes sans ingérence extérieure. Deuxièmement, le siège de Telegram est basé aux Émirats Arabes Unis, un pays connu pour sa neutralité politique.

La pandémie de COVID-19 a révélé l’ampleur de la liberté offerte par Telegram, se manifestant par sa gestion de la communication durant cette période critique. Telegram est devenu l’un des rares réseaux sociaux à ne pas censurer les publications critiques sur les mesures de lutte contre le virus et la vaccination. La plateforme a collaboré activement avec les canaux gouvernementaux pour diffuser des informations officielles sur les mesures prises, mais n’a pas bloqué les voix critiques. Ainsi, différentes opinions ont pu coexister sur la plateforme, tandis que les services comme ceux de Meta supprimaient les publications contenant des informations jugées peu fiables. « Il est sensé de confronter des opinions opposées et d’espérer que la vérité émerge de ces débats, » a déclaré Pavel Dourov dans une interview.

Les principaux problèmes qui limitent la popularité de Telegram incluent les risques liés à l’utilisation de son haut niveau de confidentialité à des fins malveillantes et le nombre relativement faible d’utilisateurs dans certains pays. La sécurité et la liberté représentent un dilemme complexe. Cependant, il est important de se rappeler que le chiffrement de bout en bout protège la liberté d’expression et aide à se défendre contre le piratage, le vol de données, la fraude et la divulgation illégale d’informations. En ce qui concerne le manque d’utilisateurs, Telegram offre toujours d’importantes possibilités. Bien que tous les amis et membres de la famille ne soient pas inscrits sur cette plateforme, Telegram peut être utilisé non seulement pour communiquer, mais aussi comme un réseau social pour lire des chaînes, publier du contenu, ainsi comme un espace de stockage cloud gratuit.

Actuellement, Telegram compte 41 millions d’utilisateurs en Europe, ce qui est légèrement inférieur au seuil de 45 millions nécessaire pour être reconnu comme une « très grande plateforme ». Cependant, le site officiel de Telegram présente une section sur le Digital Service Act qui détaille les mesures prises par la plateforme pour se conformer à ces normes :

  • La plateforme définit les comportements et contenus interdits, tels que le spam, la promotion de la violence, le contenu sexuel illégal et d’autres activités illégales.
  • Telegram utilise des méthodes de modération automatiques et manuelles pour son contenu public
  • Actions possibles de Telegram inclut la suspension temporaire ou permanente de certaines fonctionnalités du compte, l’étiquetage des comptes comme « Faux » ou « Fraude », et la possibilité de bloquer ou de supprimer des utilisateurs et du contenu en cas de violations graves.
  • Telegram n’utilise pas d’algorithmes de recommandation pour promouvoir du contenu, mais propose des contenus basés sur les requêtes et abonnements des utilisateurs
  • Les utilisateurs peuvent contacter Telegram via le bot @EURegulation, qui sert de point de contact unique dans le cadre du Digital Service Act. 
  • Les autorités de l’UE peuvent contacter Telegram via un représentant à Bruxelles pour les questions liées à l’Acte sur les services numériques.

En 2018, le RGPD a été publié, et peu après, Telegram a mis à jour son application pour se conformer à cette réglementation. Selon un article sur le site officiel de Telegram, la plateforme a été initialement conçue pour protéger les données personnelles, ce qui a nécessité peu de modifications pour répondre aux exigences du RGPD. Telegram propose un chat bot où les utilisateurs peuvent demander une copie de toutes les données enregistrées les concernant et obtenir des clarifications supplémentaires sur la confidentialité.

Je pense que la popularité de Telegram continuera de croître, bien qu’il ne remplace pas WhatsApp, dont les utilisateurs sont déjà habitués à son interface et possèdent les chats et groupes nécessaires. Étant donné les nombreuses fonctionnalités de Telegram, les deux plateformes peuvent être complémentaires. De plus, il est possible que de nouveaux concurrents émergent, tels que Signal et Olvid, qui sont des plateformes plus récentes et gagnent en popularité.

Elizaveta Kolpakova

Liste de références:

TikTok vs. Universal Music: Qui paie la note de la musique numérique ?

Dans le monde numérique de la musique, TikTok et Universal Music Group s’affrontent dans un combat qui retient l’attention à l’échelle mondiale. Ce conflit, marqué par des accusations de sous-évaluation des royalties, met en lumière les tensions croissantes entre les plateformes de streaming et les géants de l’industrie musicale. Avec 1,5 milliard d’utilisateurs actifs par mois[1], TikTok, originellement une plateforme de danse, est devenu un phénomène culturel dont l’influence sur l’industrie musicale est indéniable. Son logo, une note de musique, est le symbole de son rôle de catalyseur dans la diffusion de la musique mondiale. TikTok ne se contente pas de suivre les tendances musicales, il les forge, influençant les goûts et propulsant les carrières d’artistes sur la scène internationale. Cependant, cette influence massive soulève des enjeux critiques. Le conflit ouvert avec Universal Music Group met en lumière une problématique essentielle : comment les plateformes numériques comme TikTok peuvent-elles équilibrer innovation et respect des droits des créateurs ? 

Des impacts majeurs sur l’industrie musicale

L’algorithme de TikTok, fondé sur l’apprentissage automatique, est au cœur de la promotion de la musique sur la plateforme, influençant de manière significative les tendances musicales actuelles. En analysant les interactions des utilisateurs avec les vidéos, telles que la durée de visionnage, les likes, les commentaires, et les partages, l’algorithme affine ses recommandations pour mieux s’adapter aux goûts de chaque utilisateur. Ce système s’appuie également sur les métadonnées des vidéos, comme les hashtags et les descriptions, qui fournissent des indices précieux sur les genres musicaux et les artistes en vogue[2].
Cette technologie ne se contente pas de réagir aux préférences des utilisateurs ; elle propulse les morceaux qui gagnent en popularité via des challenges, des memes ou chorégraphies. Une fois qu’un titre commence à se distinguer, l’algorithme le promeut davantage, augmentant sa visibilité et renforçant son engagement. Ce mécanisme crée un cercle vertueux où la popularité d’un morceau sur la plateforme peut entraîner un effet boule de neige. En effet, lorsqu’une chanson devient populaire sur TikTok, l’algorithme incite davantage d’utilisateurs à l’intégrer dans leurs vidéos pour capitaliser sur sa popularité croissante. 
De manière significative, TikTok s’est affirmé comme une force majeure dans l’industrie de la découverte musicale. Selon des données de la plateforme, environ 75% des utilisateurs ont découvert de nouveaux morceaux en 2021[3], ce qui témoigne de l’efficacité de l’algorithme pour introduire une diversité musicale à son audience. La plateforme est donc devenue un outil marketing indispensable pour les artistes et les labels qui cherchent à augmenter la visibilité de leurs artistes.

TikTok : Moteur de changement ou entrave pour les artistes ? Exploration des défis de rémunération


Malgré une visibilité sans précédent sur TikTok, les artistes peinent souvent à voir cette exposition se traduire en rémunération équitable. La plateforme a certes mis en place des mesures comme SoundOn, lancé en 2022, qui permet aux artistes de déposer leurs morceaux et de conserver une grande part des royalties pendant les premières années d’écoute. Toutefois, la structure de rémunération de TikTok reste basée sur le nombre de vidéos utilisant les morceaux plutôt que sur les streams eux-mêmes. Ainsi, « Funny Song » de Thomas Hewitt-Jones, utilisée dans plus de 372k de vidéos et écoutée plus de 2 milliards de fois, n’a rapporté que 600 euros à son créateur[4], révélant un déséquilibre frappant entre l’utilisation virale et la compensation financière.

Contrats de Licence : Un terrain d’entente pour une distribution équitable ?
TikTok a formé des partenariats avec des labels majeurs comme Warner Music Group, élargissant son catalogue musical et augmentant la visibilité des artistes concernés. Cependant, la montée en popularité de versions modifiées de chansons, notamment des versions accélérées, soulève des questions sur la distribution des bénéfices générés par ces nouvelles créations. En réponse, certains labels ont commencé à publier officiellement ces versions, s’assurant ainsi que les artistes originaux bénéficient des retombées économiques.

Les labels face au défi TikTok
Les relations entre TikTok et les maisons de disque, souvent compliquées, se tendent parfois durant les renégociations de contrats. Un conflit notable a éclaté en janvier 2024 entre TikTok et Universal Music Group (UMG) met en lumière ces tensions. Universal a retiré sa vaste bibliothèque musicale de la plateforme, affectant des milliers de vidéos qui utilisaient des chansons d’artistes populaires comme Taylor Swift, The Weeknd, et Billie Eilish résultant en une multitude de vidéos sans musique, ce qui a réduit leur portée et leur engagement.

Ce retrait est intervenu après que des négociations sur les royalties se sont soldées par un échec, Universal reprochant à TikTok de ne pas offrir une rémunération juste et équitable pour l’utilisation de sa musique.[5]
Du côté de TikTok, la plateforme a exprimé sa volonté de parvenir à un accord, mettant en avant son rôle dans la promotion de la musique et l’exposition qu’elle offre aux artistes. TikTok a déclaré travailler activement pour rétablir la musique d’UMG sur son service, soulignant son désir de maintenir un partenariat bénéfique pour tous les acteurs impliqués, y compris les créateurs de contenu et les fans de musique.

Les relations labels et ertistes à l’ère de TikTok
TikTok a transformé le marketing digital, poussant les artistes non seulement à créer de la musique mais aussi à devenir des créateurs de contenu. Des artistes comme Florence and the Machine et Halsey ont publiquement exprimé leur frustration face à la pression de leurs labels pour générer des vues sur TikTok[6]. Cette nouvelle dynamique a réduit l’exposition via les médias traditionnels, obligeant les artistes à adopter de nouvelles stratégies numériques pour rester pertinents. Le cas de Steve Lacy, dont le titre « Bad Habit » a été utilisé dans près de 500,000 vidéos sur TikTok, a été propulsé au sommet du Billboard Hot 100[7], illustre parfaitement comment la viralité sur la plateforme peut propulser un artiste au sommet des classements.

TikTok et l’industrie musicale : Redéfinir les acteurs et leur dynamiques

Les artistes, les maisons de disques, et les plateformes de diffusion naviguent dans un paysage complexe où chaque acteur doit s’adapter aux nouvelles réalités du marché numérique.

Impact sur les artistes
L’ascension de TikTok a redéfini les trajectoires de nombreux artistes, façonnant une nouvelle ère où le bouche à oreille électronique devient un vecteur puissant de succès. Cependant, cette nouvelle dynamique met également en lumière les dilemmes auxquels les artistes sont confrontés, notamment l’impact de la structure des réseaux sociaux sur leur autonomie et leur carrière artistique. Sur TikTok, un simple clip peut propulser une chanson en tête des hit-parades, mais cette visibilité soudaine pose question : les artistes perdent-ils leur contrôle créatif en faveur de contenus conçus pour maximiser leur résonance sur les réseaux ? La pression pour créer des œuvres qui ‘fonctionnent’ sur ces plateformes peut aussi mener à une uniformisation de la création musicale, où l’originalité cède la place à la viralité.

Impact sur les maisons de disques
Pour les maisons de disques, TikTok représente à la fois une opportunité et un défi. Les labels musicaux doivent naviguer dans un paysage complexe de droits numériques, tout en adoptant des stratégies de marketing innovantes telles que le social listening et la gestion. Les accords de licence avec TikTok sont cruciaux, car ils déterminent non seulement les revenus générés par les streams mais aussi la manière dont la musique est utilisée et partagée par les utilisateurs.

Impact sur les plateformes de diffusion
TikTok, en particulier, doit finement équilibrer ses stratégies pour rester attrayant pour les maisons de disques et les artistes indépendants, tout en répondant aux attentes des utilisateurs qui cherchent constamment du contenu nouveau et engageant. Leur succès et influence dans l’industrie musicale dépendent essentiellement de leur aptitude à négocier des accords de licence favorables, à résoudre les conflits et à respecter les réglementations internationales.

Perspectives et solutions potentielles

Face aux défis de la répartition des revenus dans l’industrie musicale, l’exploration de modèles économiques alternatifs s’avère cruciale. Des innovations qui valorisent l’engagement des utilisateurs plutôt que le simple nombre de vidéos pourraient offrir une rémunération plus équitable aux créateurs. Parallèlement, le rôle des régulateurs et des politiques publiques est essentiel pour assurer une médiation efficace des conflits et promouvoir des pratiques justes. Ces autorités peuvent aider à établir un cadre réglementaire qui soutient l’innovation tout en protégeant les droits des artistes, garantissant ainsi que toutes les parties prenantes bénéficient équitablement des profits générés par la musique.

TikTok transforme profondément l’industrie musicale, soulignant la nécessité de repenser les modèles de rémunération des artistes. La tension entre les plateformes de streaming et les maisons de disques illustre clairement le besoin urgent de réformes adaptatives. La collaboration entre régulateurs, artistes, labels et plateformes est cruciale pour naviguer dans ce paysage en évolution et assurer une distribution des revenus plus juste, bénéfique pour tous les acteurs de l’industrie.

Hanaé Macke

Sources:

[1] Coëffé, T., 2024. Chiffres réseaux sociaux – 2024. [En ligne] 
Disponible sur: https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-reseaux-sociaux/
[2] Ashbridge, Z., 2022. How the TikTok algorithm works: Everything you need to know. [En ligne] 
Disponible sur: https://searchengineland.com/how-tiktok-algorithm-works-390229#h-how-does-the-tiktok-algorithm-work
[3] Le Figaro., 2022. TikTok est devenu un moteur de découverte musicale en analysant le goût de ses abonnés. [En ligne] 
Disponible sur: https://www.lefigaro.fr/culture/tiktok-est-devenu-un-moteur-de-decouverte-musicale-en-analysant-les-gouts-de-leurs-abonnes-20220211
[4] Anon., 2022. « On ne touche que quelques centimes ! » : sur TikTok, la rémunération discutable des artistes. [En ligne] 
Disponible sur: https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/reportage/la-remuneration-des-artistes-sur-tiktok-5760413
[5] Branstetter, D., 2024. Universal Music Group and TikTok’s Contractual Standstill. [En ligne] 
Disponible sur: https://www.vanderbilt.edu/jetlaw/2024/02/13/universal-music-group-and-tiktoks-contractual-standstill/
6] McGoran, P., 2024. How TikTok is Disrupting the Music Industry. [En ligne] 
Disponible sur: https://careerhub.students.duke.edu/blog/2024/03/07/how-tiktok-is-disrupting-the-music-industry/
[7] Anon., 2022. Steve Lacy’s ‘Bad Habit’ Has Been Used For Nearly 500,000 TikTok Videos — Now, It’s No. 1 On The Billboard Hot 100. [En ligne] 
Disponible sur: https://afrotech.com/steve-lacy-bad-habit-tiktok

BeReal et la quête d’authenticité : vers une utilisation plus saine des réseaux sociaux ?

Les téléphones qui vibrent tous en cœur, chacun attrape son smartphone pour se saisir de cette notification le plus rapidement, et porter son téléphone en mode « selfie ».
« ⚠️ C’est l’heure de BeReal ⚠️ » : voilà la notification reçue tous les jours, à un moment aléatoire et commun à tous, par les 25 millions d’utilisateurs quotidiens de BeReal.

Le principe est simple : partager avec ses amis proches un moment spontané de sa journée, choisi par l’application, avec un chronomètre de 2 minutes pour capturer une photographie hybride, avec caméra avant, et caméra arrière en même temps ! Le slogan de BeReal prône la volonté de retrouver une proximité avec votre réseau d’ami « Tes amis, pour de vrai ». D’ailleurs, c’est l’application elle-même qui vous met en garde quant au réseau que vous vous y constituez. Avant d’envoyer une demande d’ajout, ou d’en accepter une, on vous demande « Est-ce que tu connais vraiment cette personne ? » ou encore « Es-tu sûr(e) de bien les connaitre ? ». C’est ainsi quelques 119 millions de personnes à travers le monde, qui ont été tentées de rejoindre le mouvement BeReal. Et pour cause, une promesse d’authenticité assumée : on ne veut plus voir les storys léchées de ses amis sur Instagram, mais on veut les voir comme ils sont au quotidiens, naturels et spontanés. L’arrivée d’une telle application sur le marché des réseaux sociaux semblerait en avoir chamboulé les codes. On peut ainsi se poser la question : la promesse d’authenticité soutenue par BeReal. pourrait-elle mener à une utilisation plus saine des réseaux sociaux ?

Les codes traditionnels des réseaux sociaux : paraître et artifices

L’avènement des réseaux sociaux, notamment avec l’arrivée d’Instagram, est marqué par l’avènement du paraître et des artifices. Tout est porté vers l’apparence : on crée des filtres qui rendent la bouche plus pulpeuse, ou qui effacent les cernes ; on ne montre aux autres que ce qui les ferait rêver ; on fait la course aux likes en posant sur toutes ses photos. Certains parviennent même à faire de leur physique avantageux un métier, en devenant influenceurs. Sur la plateforme émergent les tendances, qu’elles soient vestimentaires ou comportementales. Instagram dicte les standards de beauté, jusqu’à avoir un réel impact sur la santé mentale de ses utilisateurs, en particulier les jeunes filles, dont la société les ramène sans cesse à leur physique.

BeReal. et l’authenticité : un réseau social d’un nouveau genre

En 2020, BeReal. émerge alors en France comme le protagoniste d’une lutte contre la superficialité. Pas de filtre, pas d’artifices : avec BeReal. tout repose sur son concept fort. Alors qu’Instagram est envahi par l’utilisation de filtres dans ses storys, BeReal se place à contre-courant en incitant les utilisateurs à se montrer au naturel.  Et si les internautes habitués à se montrer sous leur meilleur jour auraient pu être effrayés, c’est tout l’inverse qui se produit. Début 2022, deux ans après sa sortie en France, elle sort au grand jour avec plus de 28 millions de téléchargements ; aujourd’hui elle en compte 119.

BeReal. semblerait même avoir influencé le comportement des utilisateurs sur les autres réseaux sociaux.

De nombreux influenceurs, en prenant par exemple Matilda Djerf, changent la direction de ce qui se poste sur Instagram. On ne flambe plus avec des photos remplies de filtres et d’artifices à la Kylie Jenner, mais on fait désormais des « dumps », un enchaînement de plusieurs photos dans un même post Instagram, montrant notre vie quotidienne. Photos de son chien, en pyjama, ou en prenant son petit déjeuner :  Matilda Djerf incarne ce nouveau genre, cet aesthetic scandinave où la « slow life » est mise en avant. De manière générale, les filtres passent peu à peu à la trappe, alors qu’ils envahissaient les storys de tout le monde quelques temps auparavant.

On observe aussi l’émergence de storys privées, notamment sur Instagram, qui permet à ses utilisateurs de créer des sous-groupes « amis proches », dont les storys ne seront disponibles au visionnage que pour le groupe d’amis sélectionné par l’utilisateur. L’idée est la même que sur BeReal. : partager certains moments de spontanéité avec son cercle intime seulement.

BeReal. devient même un nouveau support de contenu sur les autres réseaux sociaux. Les internautes repostent leurs BeReal. en story, ou dans leurs dumps Instagram. BeReal. profite d’autres plateformes pour faire sa promotion, comme avec TikTok, où a été lancé un concours du BeReal. le plus fou.

Des nouvelles fonctionnalités controversées : vers une conformisation du réseau social ?

L’influence de BeReal. est certaine, et l’application semble être le parfait compromis : un réseau social certes, mais où l’on est soi-même, et dont la sphère se limite à son cercle d’amis proches.

Pourtant certaines mises à jour récentes sembleraient faire perdre à l’application de sa singularité, jusqu’à la mener à se conformer aux autres plateformes.

Pour lutter contre les utilisateurs contournant le principe de spontanéité, en postant leur BeReal. en retard plutôt qu’à l’heure choisie par l’application, BeReal. a mis en place un principe de « récompense » pour ceux respectant les règles du jeu. Si la photo est postée dans les 2 minutes imparties, alors l’utilisateur « gagne » le droit de poster deux autres BeReal. dans la journée, à l’instant qu’il le souhaite. Si l’objectif est de maintenir la spontanéité promise par le réseau social, le résultat semble s’en éloigner. En effet, les utilisateurs bénéficient de plus d’opportunités pour partager leurs photos, en en choisissant leur moment pour deux sur trois d’entre elles.

Il y a quelques jours, une autre fonctionnalité a été ajoutée : en plus d’un BeReal. classique par jour, les utilisateurs peuvent faire un BeReal. « roulette ». L’application sélectionne ainsi une photo issue de la galerie de l’utilisateur, qui peut choisir de la poster ou non, en bénéficiant de 5 essais (il peut relancer la roulette 5 fois).

Si ces nouvelles fonctionnalités ne sont aujourd’hui pas alarmantes, on y retrouve toutefois une similarité avec le chemin parcouru par Instagram avec ses storys. Quand Instagram a lancé son option Story en 2016, l’objectif était de permettre aux utilisateurs d’être plus naturels, de dévoiler leur vie sans artifice. Quelques années plus tard, elles sont devenues aussi calculées et filtrées que les publications classiques, en plus d’être bourrées de publicités. BeReal. pourrait donc prendre le même chemin.

Mais la mise à jour qui marque sans doute le plus gros pas vers la conformisation du réseau social est sans doute celle du 7 février 2024. Promue par les fondateurs de BeReal. comme la plus marquante depuis la création de l’application, cette fonctionnalité ouvre les portes de BeReal. aux marques et aux célébrités. Ainsi, ces « RealPeople » et « RealBrands » ne sont pas logés à la même enseigne que les utilisateurs anonymes : ils sont certifiés, et suivis par des « RealFans ». On est loin des mises en garde de BeReal. qui insistait sur l’importance de n’ajouter que ses amis proches.

BeReal. qui se plaçait à contre-courant des autres réseaux sociaux dictés par la superficialité, les artifices, et le business, devient ainsi une plateforme où l’on peut retrouver des posts sponsorisés… comme sur toutes les autres.

BeReal. promettait intimité et spontanéité, et le premier semble d’ores et déjà perdu. On peut alors se questionner sur le futur de l’application : va-t-elle se faire influencer par les géants comme Instagram, au point de perdre son essence d’authenticité ?

Marine Marzin

Touche Pas à Mon Poste (TPMP) et la construction d’une communauté utile tant au niveau médiatique qu’idéologique

Le 14 mars dernier, lors de son audition au Sénat dans le cadre de la commission d’enquête sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre, Cyril Hanouna a rappelé que son émission phare Touche Pas à Mon Poste avait au commencement, plus de followers sur Facebook que de téléspectateurs sur France 4. Un fait unique dans l’univers télévisuel français.

Pour rappel : Touche pas à Mon Poste dit TPMP est un talk-show quotidien d’infotainment diffusé depuis le 1 avril 2010 et présenté par Cyril Hanouna.

Alors que son arrivée dans le petit écran coïncide avec les débuts de l’utilisation de masse des réseaux sociaux, TPMP les a investi massivement. D’abord Facebook et Twitter dès 2010 puis Instagram et YouTube en 2015.

Au fil des années, cette stratégie s’est révélée payante puisque l’utilisation des réseaux sociaux lors du visionnage d’émission TV s’est retrouvé une habitude chez beaucoup d’individus (72% des 16-21 ans en 2019 aux Etats-Unis et 49% des milléniales en 2016).

Aujourd’hui, TPMP compte 1,5 millions de téléspectateurs quotidiens sur C8 entre 19h et 21h, 3.8 millions d’abonnés sur Twitter, 4.5 millions sur Facebook, 952 000 sur Instagram et 2.4 millions sur Youtube. Aussi, entre janvier et juin 2022, le #TPMP était le 12ème hashtag le plus utilisé sur Twitter, premier pour les émissions TV.

Ce lien entre audiences et puissance numérique peut être expliqué par un attachement des individus utilisant certains réseaux sociaux aux émissions de TV. En 2015, Ipsos Connect UK révèle dans une étude mené pour Twitter que 60% des utilisateurs de Twitter au Royaume Uni portent un grand intérêts aux émissions TV tandis qu’ils sont seulement 20% lorsqu’ils n’utilisent pas Twitter.

Accroitre sa présence sur les réseaux sociaux peut donc entrainer de meilleures audiences à l’antenne. C’est dans cette optique que l’émission TPMP a commencé une stratégie de marketing digital sur les réseaux sociaux dès 2010.

Déployant des mécanismes performants afin de créer une communauté numérique active, TPMP a réussi à faire de sa communauté un outil efficace médiatiquement mais également idéologiquement.

Plongeons dans cette communauté pour en ressortir les caractéristiques.

  1. La création d’une communauté active, engagée et valorisée permettant d’accroitre la notoriété de l’émission

La première stratégie gagnante de l’émission est d’avoir créé une réelle communauté active autour d’elle et de ses protagonistes.

Dès son démarrage, Cyril Hanouna a construit l’émission autour de sa communauté.

Dès 2012, la communauté avait déjà une nom « les fanzouzes », des lieux de conversations régulières (Twitter, Facebook) et une stratégie collective : promouvoir l’émission.

La création de la communauté s’est faite d’abord par l’initiative de l’animateur grâce à divers moyens à l’antenne et hors antenne.

Tout d’abord, l’utilisation récurrente à l’antenne de la notion de « famille » pour parler du lien qui unissait les téléspectateurs, les chroniqueurs et l’animateur a permis de renforcer les lien d’une communauté de téléspectateurs.

Aussi, les interactions avec le public étaient exclusivement tournées autour de la formation d’une communauté (remerciement, valorisation de la présence sur les réseaux sociaux…).

De plus, la conversation à propos de l’émission sur les réseaux sociaux était valorisée par le partage de certains messages à l’antenne. Les internautes étaient donc poussés à commenter TPMP sur les réseaux sociaux pour voir leur message diffusé à la télévision.

Enfin, Cyril Hanouna avait une contribution sur ses réseaux sociaux privés très en lien avec la construction d’une communauté made in TPMP. On peut citer plusieurs exemples comme l’instauration d’un rituel de tweet appelé « le tweet du dimanche soir » grâce auquel chaque internaute savait que tous les dimanches soirs Cyril Hanouna donnerai de ses nouvelles sur Twitter, le fait qu’il se soit abonné à un grand nombre d’internautes engagés dans la communauté fanzouze ou encore le fait qu’il annonçait à l’antenne les week-end où il allait répondre aux messages privés sur ses réseaux sociaux.

Toute cette stratégie de communication, via les réseaux sociaux ou à l’antenne de la part de l’animateur de TPMP, a permis aux téléspectateurs de se sentir entendus et utiles, ce qui a renforcé la création d’un réel sentiment de communauté autour de l’émission tout en poussant à son engagement sur les réseaux sociaux.

Cependant, rendre la communauté active ne repose pas que sur l’animateur mais aussi sur les comptes de l’émission présents sur les différents réseaux sociaux.

En effet, les comptes Facebook et Twitter de TPMP, principalement, ont rapidement créé une politique de publications récurrentes et diversifiées, incitant l’engagement des abonnés.

Les stratégies de publications incitant à l’engament sont nombreuses, nous allons donc restreindre leur explication à certaines : les annonces de programmes, les jeux concours et les extraits vidéos.

Tout d’abord, les annonces de programmes.

Les publications quotidiennes annonçant le programme de l’émission du soir ont très vite été installées dans le calendrier des publications. Celles-ci permettent en effet de créer de l’engouement sur une émission en incitant les internautes à la regarder. De plus, expliciter le contenu de l’émission permet aux internautes de commenter ce programme bien avant son heure de début, les séquences qui leurs plaisent, celles qui les dérangent, celles qui font polémique…

Dès le milieu d’après-midi, TPMP obtient donc une publicité supplémentaire dû au earned média, aux internautes qui partagent leurs avis sur le programme du soir.

Ensuite, les jeux concours.

Cette deuxième stratégie de publication nous permet d’aborder deux notions importante : l’importance du hashtag et l’engagement par le jeu.

L’engagement par le jeu à très vite été utilisé par les comptes de TPMP sur les différents réseaux sociaux car il permettait d’augmenter la visibilité de la marque, de son hashtag. L’émission a utilisé et utilise encore plusieurs types de jeux dont les deux principaux sont :

Enfin, les extraits vidéos.

Cette troisième stratégie de publication permet d’être un maximum visible sur les réseaux sociaux car ce sont des types de contenus qui sont favorisés par les algorithmes. De plus, les vidéos engendre plus de commentaires car le propos partagé est plus accessible. Les extraits vidéos permettent donc de créer de l’engagement via des partages ou des commentaires.

Les vidéos diffusés sur les réseaux sociaux de TPMP sont de deux natures : des replays de passages passés à l’antenne et des extraits inédits (coulisses, défis annoncé à l’antenne et relevé sur les réseaux sociaux…). Les extraits déjà passés à l’antenne permettent aux internautes qui ne regardent pas en direct d’avoir accès aux contenus et de pouvoir les partager ou les commenter. Les extraits inédits permettent de valoriser les téléspectateurs présents sur les réseaux sociaux. Les téléspectateurs sont donc poussés à suivre TPMP sur les réseaux sociaux pour avoir accès à des contenus exclusifs. L’impact des vidéos sur la visibilité numérique de l’émission est fort puisque plus d’une publication sur deux en est une.

Grâce à cette politique de publication et de valorisation des réseaux sociaux émanant de la part de Cyril Hanouna ou des comptes officiels de l’émission, TPMP se retrouve extrêmement visible sur les réseaux sociaux, ce qui conduit à de belles audiences en télévision linéaire, c’est-à-dire sur C8.

Mais, la puissance de la stratégie marketing de TPMP s’est révélée au fil du temps plus puissante qu’il n’y paraissait, permettant à l’émission d’assoir non plus seulement une puissance médiatique mais aussi une puissance idéologique.

2. La communauté, un outil de propagande

A force de renforcer sa communauté grâce à des stratégies de publications efficaces, TPMP a fait de sa communauté un outil de propagande important.

D’après le Larousse, la propagande est une « Action systématique exercée sur l’opinion pour lui faire accepter certaines idées ou doctrines ».

Nous verrons donc ici que la communauté de TPMP est devenue actrice de la propagande de l’émission après en avoir été le public.

Il est intéressant d’analyser le rôle de la communauté de TPMP sous deux angles : son rôle dans les polémiques et son rôle dans les messages véhiculés par l’émission.

Tout d’abord, le rôle de la communauté dans les polémiques subies par l’émission.

Petit rappel important, TPMP connait depuis 2016 de nombreuses polémiques au sujet de certaines séquences diffusées à l’antenne. Lors de ces polémiques, TPMP peut compter sur sa communauté pour défendre contre vents et marées l’émission sur les réseaux sociaux mais également en plateau, où Cyril Hanouna n’hésite pas à utiliser sa communauté comme argument de défense.

Nous pouvons citer comme exemple la polémique du canular jugé homophobe en mai 2017.

Lors de cette polémique, Cyril Hanouna est accusé d’avoir, lors d’une séquence diffusée à l’antenne, humilié et incité à la stigmatisation des personnes homosexuelles lors d’un canular téléphonique.

Dès le lendemain, les critiques et les plaintes au CSA fusent.

De son côté, sur les réseaux sociaux, la communauté de TPMP défend son animateur et publie tout le bien qu’elle pense de l’émission. Cette défense sur les réseaux sociaux est accrue par les propos de l’animateurs à l’antenne qui remercie sans-cesse ses fidèles « fanzouzes » de le défendre ainsi.

Aussi, Cyril Hanouna n’hésite pas, encore une fois, à supprimer les frontières réseaux sociaux-télévision, en invitant sur son plateau un homme se revendiquant être « fanzouze » et homosexuel et qui a défendu corps et âme Cyril Hanouna sur les réseaux sociaux. Un parfait inconnu mais membre de la communauté est donc invité en direct à s’exprimer. Ni expert, ni membre d’une association, ni artiste, sa seule légitimité est alors d’être membre de la communauté. Défendant à l’antenne l’animateur de TPMP, il est utilisé comme porte-parole de la communauté. D’un côté il montre aux détracteurs que les fans de l’émissions sont toujours là. De l’autre, il montre aux téléspectateurs qui ne se sont pas encore exprimés qu’ils peuvent le faire et il prouve à ceux qui se sont exprimés qu’ils avaient raisons.

En fidélisant sa communauté et en créant un sentiment de famille, TPMP a réussi à transformer sa communauté en véritable armée, prête à tout pour défendre l’émission et son animateur.

Ensuite, le rôle de la communauté dans le relai de  « l’idéologie » de TPMP.

Afin de comprendre au mieux cette partie, il est important de rappelé que Touche Pas à Mon Poste à connu de nombreuses évolution éditoriales depuis sa création, dont la principale s’est observée en 2018, année de l’épisode des Gilets Jaunes, où l’émission a basculé d’une ligne éditoriale de divertissement vers celle d’une émission de société traitant des sujets d’actualités sociétales et politiques.

Aussi, il est important de mettre au clair le terme « idéologie de TPMP » dans lequel la communauté joue un rôle. Claire Sécail, historienne des médias et chargée de recherches au CNRS qualifie ainsi les discours portés par l’émission depuis 2018. Elle dit de ces discours qu’ils sont « empreints d’anti-élitisme, d’antiparlementarisme et de populisme pénal ». Elle rajoute que « l’émission fait le jeu des idéologies et stratégies populistes ». Nous nous attacherons donc à l’utilisation de la communauté dans le relais de ces idéologies populistes comme l’illustre Claire Sécail.

Dans son essai Touche Pas à Mon Peuple, l’historienne des médias décortique le lien entre TPMP et sa communauté en appuyant le fait que Cyril Hanouna s’est authentifié comme animateur « populaire auprès du peuple pour se réclamer du peuple » dans son émission ce qui lui « offre une légitimité » dans les débats. Cette (auto ?)-désignation comme émission populaire permet à ses protagonistes, dont l’animateur, de clamer que « critiquer l’émission revient à critiquer son public, donc le peuple ».

Le public de TPMP, et donc sa communauté, permet ainsi à l’émission de se caractériser comme populaire et légitime, vis-à-vis du débat démocratique, de traiter des sujets politiques.

Cependant, au-delà de simplement permettre la diffusion de débats et d’avis, la communauté devient aussi le relai de ces avis sur les réseaux sociaux. Les membres de la communauté n’hésitent pas à prendre les arguments des protagonistes comme vérités, au même niveau qu’on prend pour vérités tout ce que nous dit nos parents ou notre famille à un certain âge. Après tout, les créateurs d’une communauté qui égaye la vie des membres ne peux qu’avoir raison sur des sujets politiques et sociétaux.

Aussi, en plus de relayer les avis sur les réseaux sociaux, la communauté permet d’appuyer certains propos à l’antenne. L’outils utilisé par l’émission est alors les sondages.

Les sondages, publiés sur Twitter en direct, ont très vite été utilisés par l’émission pour appuyer le sentiment de communauté. En donnant la possibilité aux téléspectateurs de participer à des débats, ils se sentent proches de l’émissions et valorisés. Pour la production, les résultats des sondages permettent aussi de rendre valables certaines positions. Peu importe le nombre de répondant aux sondages et sa représentation de la population française, lorsque les résultats des sondages sont diffusés à l’antenne, ils sont toujours pris pour argent comptant. Les résultats divulgués permettent de montrer que le public est du même avis, donc le peuple. Ne pas être d’accord signifie donc être contre le peuple que représente le public de TPMP (cf : Touche Pas à Mon Peuple, Claire Sécail).

Les sondages se transforment aussi en outils de manipulation puisque leurs résultats sont diffusés à l’antenne seulement lorsqu’ils sont favorable à l’avis de l’animateur. Si la majorité des internautes a répondu le contraire des propos de Cyril Hanouna à l’antenne, le sondage n’apparaitra jamais en direct.

Les résultats des sondages sont donc utilisés subjectivement, diffusés si ils appuient un propos, non diffusés si ils remettent en cause l’avis de l’animateur.

Conclusion :

En dix ans et malgré les différentes lignes éditoriales prises par TPMP, la stratégie digitale d’omniprésence sur les réseaux sociaux n’a, elle, jamais changé.

Elle a tout d’abord permis de créer une communauté fidèle et active, utilisée comme promotion de l’émission dans le but de renforcer les audiences.

Avec l’arrivée des polémiques, TPMP a mesuré l’impact qu’elle avait sur sa communauté, capable de devenir une réelle armée numérique de défense.

Mais c’est avec l’arrivée des débats sociétaux et politiques, que son rôle a vraiment changé : elle est devenue un relai et un appui pour les avis de l’animateur, poussé par une idéologie populiste, illustrée par Claire Sécail.

En définitive, l’émission Touche Pas à Mon Poste permet de montrer la puissance de la création d’une communauté numérique, tant au niveau des audiences que de la réputation ou de la propagande.

Au départ vecteur de joie et de fraternité, la communauté de TPMP a doucement glissée vers un relai d’idées populistes, au même titre que l’émission en elle-même.

Sarah Saucet

Références :

La chute de la Silicon Valley Bank : Réseaux sociaux et gestion bancaire en question

Le 10 mars 2023, la Silicon Valley Bank (SVB), la 16ème plus grande banque des États-Unis et un pilier du financement des entreprises de technologie et de biotechnologie, s’effondrait de manière spectaculaire. Cette faillite, la plus significative depuis la crise financière de 2008, soulève de nombreuses questions sur l’influence des réseaux sociaux dans la banque moderne et met en lumière des pratiques de gestion éloignées des standards bancaires habituels.

Un effondrement fulgurant

Tout a commencé le 8 mars, lorsque la SVB a annoncé la nécessité de lever des fonds de toute urgence après des pertes significatives sur des obligations. Cette annonce a provoqué une panique parmi les investisseurs et les déposants, majoritairement des entreprises de la tech et des startups, qui craignaient pour la sécurité de leurs actifs.

En moins de 48 heures, une vague massive de retraits s’est déclenchée, exacerbée par les réseaux sociaux où des messages alarmants circulaient rapidement. Des hashtags comme #BankRun et #SVBCollapse devenaient viraux, illustrant la rapidité avec laquelle la peur et la suspicion peuvent se propager dans l’ère digitale.

Retraits Hypothétiques de Fonds de la SVB Suite à l’Annonce

Le graphique illustre la réaction rapide et massive des déposants de la Silicon Valley Bank suite à l’annonce du besoin urgent de lever des fonds le 8 mars. On observe une escalade dramatique des retraits, commençant par 5 milliards de dollars le jour de l’annonce, suivi d’une augmentation vertigineuse à 20 milliards le lendemain, et culminant à 50 milliards le 10 mars. Cette courbe montante témoigne de l’effet immédiat des inquiétudes des déposants et de l’impact amplificateur des réseaux sociaux, où des messages alarmants ont circulé à une vitesse fulgurante, incitant à une réaction en chaîne de retraits de fonds. Ce graphique hypothétique est représentatif du phénomène de bank run accéléré par le numérique, mettant en lumière la vulnérabilité des institutions financières dans un contexte où l’information se propage en temps réel.

Les réseaux sociaux : catalyseur d’une crise de confiance

Sur Twitter, LinkedIn et d’autres plateformes, des entrepreneurs influents tels que David Sacks et Jason Calacanis partageaient leurs inquiétudes et conseillaient ouvertement aux autres de retirer leurs fonds, intensifiant la panique. Cette réaction en chaîne a souligné un aspect nouveau des crises bancaires modernes : l’impact immédiat des réseaux sociaux. Les réseaux sociaux ont fonctionné comme un amplificateur de la crise de confiance, réduisant le délai habituel pour des réactions et des corrections. La rapidité de l’information, couplée à l’écho des chambres de résonance en ligne, a transformé ce qui aurait pu être une gestion de crise interne en un spectacle public et chaotique.

Le Tweet qui a Ébranlé les Marchés : Le Rôle de David Sacks dans la Panique de la SVB

Au cœur de la crise de la Silicon Valley Bank, David Sacks, entrepreneur respecté et figure de proue de l’industrie technologique, a joué un rôle déterminant en amplifiant les enjeux de la situation sur Twitter. Ses tweets du 10 mars 2023 ont non seulement capturé l’attention immédiate de ses abonnés, mais aussi celle du monde financier à large échelle. Par ses interrogations directes – « Where is Powell? Where is Yellen? » – Sacks appelait à une action urgente des régulateurs, exprimant une exigence collective pour la sauvegarde des dépôts et la prévention d’une contagion financière plus large. Son tweet, « Stop this crisis NOW. Announce that all depositors will be safe. Place SVB with a Top 4 bank. Do this before Monday open or there will be contagion and the crisis will spread, » était un cri d’alarme soulignant l’urgence et la gravité perçue de la situation. Avec une voix résonnant dans l’écosystème des startups, Sacks a influencé la perception publique et a possiblement accentué la pression sur les décideurs.

En abordant le thème de la responsabilité fédérale, « Anybody who thinks that preventing bank runs and panics isn’t a federal responsibility missed a couple hundred years of financial history, » il rappelait la nécessité de la surveillance et de l’intervention des autorités financières dans des moments critiques. Ce faisant, il a mis en exergue la responsabilité des institutions face à un risque systémique. La clarification concernant sa propre entreprise, « Craft has no money at SVB, » visait à apaiser les spéculations et à distinguer ses commentaires professionnels des intérêts personnels. L’impact de Sacks dans cette crise n’était pas négligeable, ses tweets agissant comme des catalyseurs d’opinion parmi les entrepreneurs et investisseurs déjà nerveux, et mettant en évidence le pouvoir influent des leaders d’opinion dans le secteur technologique en temps de crise financière.

Gestion bancaire défaillante

Au-delà des réseaux sociaux, le cœur du problème résidait dans la gestion même de la SVB. La banque avait misé massivement sur des investissements à long terme, principalement des obligations d’État, qui se sont dépréciées avec la montée des taux d’intérêt par la Réserve fédérale. Cette stratégie, risquée et peu diversifiée, a rendu la banque particulièrement vulnérable à un changement de conjoncture.

De plus, la SVB avait une concentration exceptionnelle de dépôts provenant d’un secteur spécifique : la technologie. Cette homogénéité de la base de clients a exacerbé l’effet de contagion lorsque la confiance a commencé à fléchir, montrant les limites d’une stratégie de niche dans un environnement instable.

Gestion Bancaire vs. Tempête Numérique : Les Vrais Coupables de la Débâcle de la SVB

L’effondrement de la SVB peut être attribué à deux facteurs principaux qui, en interagissant, ont amplifié la crise : une gestion bancaire hasardeuse et l’influence des réseaux sociaux. D’une part, la banque avait adopté une stratégie d’investissement risquée, en plaçant une grande partie de ses actifs dans des obligations à long terme qui se sont dévaluées avec l’augmentation des taux d’intérêt. Cette gestion, peu conforme aux pratiques conservatrices typiques du secteur bancaire où la diversification et la prudence prévalent, a placé la banque dans une position financièrement vulnérable.

D’autre part, les réseaux sociaux ont joué un rôle prépondérant dans l’accélération de la crise. La propagation rapide d’informations parfois erronées ou exagérées a engendré une panique massive parmi les déposants, aggravant une situation déjà tendue.

Réactions réglementaires

La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) a rapidement pris le contrôle de la banque, garantissant les dépôts jusqu’à 250 000 dollars et cherchant à stabiliser le secteur. Ce scénario rappelle l’importance d’une régulation adaptée à l’évolution des pratiques bancaires et des technologies de l’information. La chute de la SVB incite à une réflexion sur le rôle des régulateurs et des banques elles-mêmes dans la gestion des risques. Elle pose également la question de l’impact des technologies et des médias sur la stabilité financière.

Pour répondre à ces défis, un projet de loi pourrait être envisagé, tel que le Projet de Loi N° XYZ: Loi pour l’Encadrement des Communications Financières Numériques. Cet article propose des mesures spécifiques pour encadrer les communications financières sur les plateformes numériques, afin de prévenir les mouvements de panique amplifiés par ces nouveaux médias. Il stipule que les institutions financières doivent établir des protocoles clairs pour les communications en période de crise, approuvés par l’autorité de régulation compétente, et que les plateformes numériques doivent collaborer avec les autorités pour vérifier les informations potentiellement déstabilisatrices. La loi envisagerait également la création d’une unité spéciale au sein de la FDIC pour surveiller ces communications, assurant ainsi une réponse rapide et coordonnée en cas de future instabilité financière.

Les autorités pourraient ainsi mieux contrôler l’interaction entre les communications financières et la réaction du public, minimisant le risque de panique bancaire déclenchée ou exacerbée par les réseaux sociaux et autres plateformes numériques.

La débâcle de la Silicon Valley Bank révèle l’interaction complexe entre une gestion bancaire risquée et l’effet amplificateur des réseaux sociaux. Cet événement force une réévaluation des stratégies de gestion de crise à l’ère numérique et rappelle l’importance cruciale de l’adhérence aux principes de gestion de risque et de communication efficace. Les régulateurs et les institutions financières doivent considérer ces nouvelles dynamiques pour prévenir de futures crises. Face à cette nouvelle réalité, comment les banques peuvent elles équilibrer innovation et sécurité pour gagner la confiance dans un monde hyperconnecté ?

Kelly CLAIRE

L’ascension des réseaux sociaux en tant que source principale d’informations financières : exemple de X et de la faillite de FTX

Si les marchés financiers ont jusqu’ici bénéficié d’une opacité certaine due à des mécanismes complexes, la démocratisation de l’Open Finance, des réseaux sociaux et de la Finance Décentralisée ont tenté d’éclaircir ce rideau opaque, parfois au grand dam de certains de ses acteurs.

L’information, nerf des marchés

Dans le monde des marchés financiers, l’accès à des informations précises et opportunes est le fondement d’une prise de décision éclairée. Traditionnellement, des plateformes comme Bloomberg ont joué un rôle crucial en tant que fournisseurs d’informations financières de premier plan.

Reconnues pour leur fiabilité et leur profondeur d’analyse, les institutions financières classiques ont servi d’épine dorsale pour les traders, les investisseurs et les analystes en leur fournissant des données en temps réel, des analyses de marché, et des outils de prévision sophistiqués. Leur influence sur les marchés est telle que les flux d’informations qu’elles distribuent peuvent impacter directement les prix des actifs et les stratégies de trading à l’échelle mondiale.

Exemple de terminal Bloomberg

Cependant, à l’ère de la transition au numérique, le paysage de l’information financière a connu une transformation radicale avec l’avènement des réseaux sociaux, et notamment X (ex-Twitter). Cette plateforme, par sa nature spontanée et largement accessible, est rapidement devenue une source incontournable d’informations financières. La rapidité avec laquelle les informations circulent sur X peut parfois devancer celle des fournisseurs traditionnels d’informations financières, permettant aux investisseurs de réagir instantanément à des développements qui ne sont pas encore couverts ni, en principe, « pricé » (i.e le pricing étant le processus d’attribution du prix à un actif compte tenu de son contexte).

Cette transition vers les réseaux sociaux comme sources primaires d’information pose de nouvelles questions sur la véracité et la fiabilité des données, tout en soulignant un changement de paradigme dans la manière dont l’information financière est consommée et utilisée. Dans le contexte des cryptomonnaies, où le marché est particulièrement sensible aux rumeurs et aux annonces, X a acquis une place prépondérante, influençant souvent les mouvements de marché de manière significative et immédiate.

Cas d’école : le cas de FTX

FTX a été, pendant un temps, la 3ème place de marchée centralisée d’échange de cryptomonnaies, enregistrant à son apogée près de 21 milliards de dollars de volume d’échange par jours. La startup, fondée en 2019, a connu la banqueroute 3 années plus tard en 2022. La chute spectaculaire de FTX, exacerbée et mise en lumière par les interactions sur X, est un cas d’étude frappant de l’impact des réseaux sociaux sur le marché des cryptomonnaies.

L’affaire a commencé par l’annonce initiale par CZ (Changpeng Zhao), le PDG de Binance (1ère place de marché centralisée), de vendre ses avoirs en jetons FTT via X. Les jetons FTT, émis par FTX, représentent des actifs décentralisés émis sur la blockchain. Selon CZ, FTX détiendrait près de 30% de la totalité des FTT et l’inscrirait à son actif pour augmenter sa valorisation. Cette annonce a immédiatement secoué le marché et entrainé une vente massive du FTT. Cette action et la réponse rapide de FTX sur la même plateforme ont entraîné une forte volatilité du jeton FTT. X a agi non seulement comme un canal d’information mais aussi comme un amplificateur de la crise, propageant les nouvelles à une vitesse fulgurante et contribuant à un sentiment de panique parmi les détenteurs de FTT.

Au fur et à mesure que la situation se dégradait, Twitter est devenu un terrain fertile pour les rumeurs et les spéculations. La fluidité des informations, souvent non vérifiées, a créé une atmosphère de confusion et d’incertitude. Cela a exacerbé la crise de confiance envers FTX, poussant davantage d’investisseurs à retirer leurs fonds, précipitant ainsi la faillite de la plateforme. Cet afflux de demande de retrait pour une plateforme réputée insolvable a entraîné une prophétie auto réalisatrice. La plateforme arrête alors de fonctionner, et est placée sous enquête du gendarme de la bourse américain.

Tweet publié par le PDG de FTX Sam Bankmand-Fried pendant la crise

La faillite de FTX illustre de manière dramatique comment X peut influencer les marchés financiers, non seulement en diffusant des informations, mais aussi en amplifiant les crises en faisant office de chambre d’écho. FTX détenant un grand nombre d’actifs pour le compte d’acteurs institutionnels ou des boursicoteurs, un risque de contagion a entrainé des retraits sur nombre d’autres plateformes du fait de la diffusion des fausses rumeurs sur X. De manière plus large, la chute de FTX aura entraîné un refroidissement du marché crypto, fortement entaché par plusieurs scandales et largement volatile, entraînant un « bear market » (marché baissier).
Cette affaire met en lumière la nécessité pour les régulateurs et les participants du marché de mieux comprendre et gérer l’impact des réseaux sociaux dans la diffusion des crises financières et économiques. Si la crise des Subprimes de 2008 est avant tout une crise de confiance survenue à une ère ou les réseaux sociaux n’étaient que peu développés, les effets d’une telle crise là où les champs de batailles des réseaux sociaux permettent à tout un chacun de créer de l’information aurait pu être beaucoup plus dévastateurs.

Sources :

Correlation between emotional tweets and stock prices, Kätriin Kurk 2018
Looking Back on FTX’s Impact, Kaiko Research Team 2023
Bankruptcy of FTX, Wikipedia

Quel est l’impact des influenceurs sur la perception de l’authenticité des marques par les consommateurs ?

Introduction

L’impact des influenceurs sur la perception de l’authenticité des marques par les consommateurs est un sujet de plus en plus pertinent dans le monde du marketing digital. À une époque où la publicité traditionnelle perd peu à peu de son efficacité, les marques se tournent vers des influenceurs aux communautés ciblées pour gagner plus facilement la confiance des consommateurs. Cet article explore comment les interactions entre les influenceurs et leurs abonnés peuvent affecter la perception de l’authenticité d’une marque et, par conséquent, influencer le comportement des consommateurs.

La notion d’authenticité

Définition et importance

L’authenticité, dans le contexte du marketing d’influence, fait référence à la perception qu’ont les consommateurs de la vérité, de la sincérité et de l’intégrité d’un influenceur lorsqu’il recommande un produit ou une marque. Cette perception est cruciale car elle influence directement la manière dont les messages publicitaires sont reçus par les audiences.

Dimensions de l’authenticité

Selon des études récentes, l’authenticité d’un influenceur se décompose en quatre dimensions principales : l’originalité, la naturalité, la continuité et la fiabilité (Bruhn M., Schoenmüller V., Schäfer D., Heinrich D. 2012). Chacune de ces dimensions contribue à façonner l’image que les consommateurs se font de l’influenceur et, par extension, de la marque qu’il représente.

Influence des interactions sur la perception de l’authenticité

Engagement et authenticité

L’engagement des consommateurs avec les publications d’un influenceur est souvent perçu comme un indicateur de son authenticité. Un taux élevé d’interaction (likes, commentaires, partages) suggère que l’audience trouve l’influenceur crédible et digne de confiance, ce qui, par projection, renforce l’authenticité perçue de la marque.

Transparence et confiance

La transparence, désormais obligatoire par la loi sur l’influence en France (LOI n° 2023-451 du 9 juin 2023, alinéa 1 de l’article 5) en ce qui concerne les partenariats rémunérés, est une pierre angulaire pour maintenir la confiance des consommateurs dans l’ensemble. Son importance est décuplée dans l’actuel paysage numérique où les frontières entre contenu organique et contenu sponsorisé peuvent parfois sembler floues, notamment dans des formats comme les vidéos TikTok ou les stories Instagram. En étant clairs et explicites sur la nature de leurs partenariats, les influenceurs édifient un climat de confiance avec leur public, élément fondamental pour la pérennité de leur relation.

Effets de la perception de l’authenticité sur le comportement des consommateurs

Les perceptions d’attractivité, de confiance et d’expertise des influenceurs, renforcées par leur authenticité, ont un impact direct sur la propension des consommateurs à engager un bouche-à-oreille positif (Wang, E.S.-T. et Weng, Y.-J.,2024). Ce comportement est crucial pour les marques car il peut significativement amplifier la portée et l’efficacité des campagnes marketing. De plus, ce phénomène est souvent accentué par les interactions para-sociales, qui se développent lorsque les abonnés commencent à percevoir leurs relations avec les influenceurs comme étant proches et personnelles, bien qu’ils ne se rencontrent jamais en réalité. Ces interactions peuvent créer un sentiment de familiarité et d’attachement envers l’influenceur, renforçant ainsi la confiance et l’engagement du consommateur envers les produits ou les marques promues.

Bien que le marketing d’influence soit souvent moins coûteux et plus efficace que les méthodes plus traditionnelles, et malgré une réglementation croissante dans le secteur, les influenceurs les moins consciencieux sont encore souvent au centre de controverses. Nous avons pu en constater de nombreux exemples, notamment avec la vague d’« influvoleurs » de Dubaï (terme créé par le rappeur Booba suite aux polémiques), une controverse qui a en partie incité la France à légiférer sur le secteur.

Plus récemment, une vidéo de « Simon Puech » a souligné qu’il reste encore beaucoup à faire du côté des influenceurs en ce qui concerne les produits et services qu’ils promeuvent car beaucoup ne savent même pas ce qu’ils vendent.

Nonobstant, l’influence peut être à double tranchant. Bien que de nombreux influenceurs utilisent leur plateforme pour promouvoir des produits ou services, il est également possible que leur influence puisse nuire à l’image d’une marque, d’une personne ou d’une cause. Un exemple récent implique l’influenceur Marques « MKBHD » Brownlee, un Youtubeur spécialisé dans les critiques de nouvelles technologies. Il a reçu de nombreuses critiques désobligeantes concernant une de ses vidéos, craignant que celle-ci ne ternisse l’image de marque du produit en question et en la jugeant contraire à l’éthique.

Cependant, c’est précisément dans cette situation que réside l’essence même de Marques. Il est apprécié en tant qu’influenceur pour son authenticité et son expertise concernant les nouvelles technologies. Ses dimensions d’authenticité associées sont par ailleurs :

Originalité : Son approche unique des critiques de produits technologiques et sa capacité à présenter des informations complexes de manière accessible et engageante.

Naturalité : Sa communication décontractée et honnête crée une connexion authentique avec son public.

Continuité : Il maintient une qualité constante dans ses vidéos au fil du temps.

Fiabilité : Sa réputation d’influenceur de confiance, fournissant des critiques objectives et transparentes.

Conclusion

En conclusion, l’impact des influenceurs sur la perception de l’authenticité des marques et sur le comportement des consommateurs est indéniable. À une époque où la confiance des consommateurs est essentielle pour la réussite des stratégies marketing, les influenceurs jouent un rôle central en établissant des relations authentiques avec leur public. Leur capacité à incarner les dimensions de l’authenticité telles que l’originalité, la naturalité, la continuité et la fiabilité contribue à renforcer la confiance des consommateurs et à stimuler l’engagement envers les marques qu’ils représentent.

Cependant, il est également important de reconnaître les défis et les controverses auxquels sont confrontés les influenceurs, en particulier en ce qui concerne la transparence, l’éthique et la responsabilité dans la promotion de produits et services. La réglementation croissante dans le secteur et les récentes polémiques soulignent la nécessité d’une réflexion continue sur les meilleures pratiques et les normes éthiques dans le marketing d’influence.

En fin de compte, le potentiel positif des influenceurs pour les marques et les consommateurs est immense, mais il est essentiel que les influenceurs, les marques et les régulateurs travaillent ensemble pour garantir que cette industrie reste authentique, éthique et bénéfique pour toutes les parties prenantes.

Adrien Louÿs

Sources :

  • Agnihotri, D., Chaturvedi, P., Kulshreshtha, K. and Tripathi, V. (2023), « Investigating the impact of authenticity of social media influencers on followers purchase behavior: mediating analysis of parasocial interaction on Instagram », Asia Pacific Journal of Marketing and Logistics, Vol. 35 No. 10, pp. 2377-2394. https://doi-org.proxy.bu.dauphine.fr/10.1108/APJML-07-2022-0598
  • Ardley, B. , Craig, C. , Hunt, A. and May, C. (2022) “Product Endorsements on Instagram: Consumer Perceptions of Influencer Authenticity”. Open Journal of Business and Management, 10, 1196-1214. doi: 10.4236/ojbm.2022.103065.
  • Wang, E.S.-T. and Weng, Y.-J. (2024), « Influence of social media influencer authenticity on their followers’ perceptions of credibility and their positive word-of-mouth », Asia Pacific Journal of Marketing and Logistics, Vol. 36 No. 2, pp. 356-373. https://doi.org/10.1108/APJML-02-2023-0115
  • Bruhn, Manfred and Schoenmüller, Verena and Schäfer, Daniela and Heinrich, Daniel, Brand Authenticity: Towards a Deeper Understanding of its Conceptualization and Measurement (October 4, 2012). Advances in Consumer Research, Vol. 40, 2012, Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=2402187

Les luttes contre la désinformation et la protection des données des personnelles sur les réseaux sociaux ont un unique sauveur : la cryptographie.

Une étude du potentiel des techniques de ZKP lors de l’identification sur les réseaux sociaux.

Et si on pouvait s’identifier sur un réseau social en ligne sans rien dévoiler de notre identité? Et si ce réseau social pouvait être certain de la véracité de cette identification en ayant accès à aucune donnée sur l’utilisateur? C’est l’utopie défendue par une technique de cryptographie de vérification d’identité: le Zero Knowledge Proof.

« The thing that we are trying to do at facebook, is just help people connect and communicate more efficiently. » C’est ainsi que, 20 ans après l’initiative de Zuckerberg, les réseaux sociaux rassemblent aujourd’hui presque 5 milliards d’utilisateurs mondiaux(Forbes). Si les gens sont bien connectés, le défi principal des plateformes sociales réside dans leur incapacité à vérifier efficacement l’identité d’un utilisateur avant la création d’un compte :  faux comptes, comptes clonés et comptes multiples compromettent la sécurité des utilisateurs, sapent la crédibilité des informations et érodent la confiance dans ces plateformes.

En bref: le FAKE (accounts, interactions, news) parasite progressivement la légitimité de ces réseaux à être des vecteurs des liens sociaux.

Aujourd’hui, comment les identités sont-elles vérifiées?

Les systèmes actuels reposent principalement sur des méthodes post-création pour détecter et désactiver les faux comptes. Ces méthodes comprennent des algorithmes d’apprentissage automatique qui analysent le comportement des comptes, les rapports des utilisateurs et les processus de vérification manuelle. Cependant, ces approches sont réactives plutôt que préventives, ce qui signifie que les faux comptes peuvent encore exister temporairement et potentiellement s’engager dans des activités nuisibles avant d’être détectés . Cette situation met en évidence le besoin pressant de solutions proactives capables d’authentifier efficacement l’identité réelle d’un utilisateur avant la création d’un compte, réduisant ainsi considérablement le risque et l’impact des faux comptes. 

Brève typologie des attaques sur l’identité: 

Attaque par clonage d’identité:

Les attaques par clonage d’identité se produisent lorsqu’un acteur malveillant crée un profil en utilisant le même nom, les mêmes photos et d’autres détails personnels d’un utilisateur légitime, clonant ainsi son identité. L’objectif de ces attaques consiste généralement à tromper les amis ou les personnes qui suivent l’utilisateur légitime en leur faisant croire qu’ils interagissent avec une personne authentique.

Attaque Sybil:

Une attaque Sybil implique qu’une seule entité malveillante crée de nombreux faux profils pour manipuler le réseau ou ses utilisateurs. Ces attaques peuvent influer sur divers aspects du réseau, tels que la diffusion de fausses informations, la manipulation des métriques de popularité ou le ciblage direct d’utilisateurs individuels. La lutte contre ces attaques passe généralement par la détection des anomalies, la vérification des utilisateurs et l’imposition de restrictions aux comptes nouveaux ou non vérifiés.

Marionnettes (Sockpuppet)

Il s’agit d’un modèle d’attaque par l’identité dans lequel des utilisateurs malveillants (marionnettistes) s’inscrivent sur plusieurs comptes (sockpuppets). À l’aide de ces comptes, les marionnettistes se livrent à différentes activités malveillantes. Ils font de la publicité pour de fausses choses, du spam ou provoquent des controverses sur les réseaux sociaux. Si un compte est banni par un site de réseau social, les marionnettistes en créent un autre pour poursuivre leurs activités. Les sockpuppets sont de multiples faux comptes créés par le même utilisateur. 

Qu’en dit la loi?

En France, ces atteintes à l’identité sont appréhendées légalement par le délit d’usurpation d’identité numérique (l’article 226-4-1 du code pénal), qui incrimine « le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération ». Seulement, comme souvent, le droit positif n’est pas assez armé contre le Goliath de la cyber-criminalité. Le David auquel il faut faire appel appel face aux lacunes légales s’appelle ZKP (une technique de vérification d’identité par cryptographie). 

C’est quoi ce ZKP? 

Le Zero Knowledge Proof (preuve d’absence de connaissance) est un principe cryptographique permettant à une partie de démontrer à une autre qu’elle possède un élément d’information spécifique et vérifiée, sans révéler d’autres détails que la preuve de connaissance. Associée à la nature décentralisée et immuable de la technologie blockchain, la ZKP devient un outil de confiance pour la vérification d’identité.

Pour illustrer, imaginons que vous vouliez aller dans un club et qu’il y ait une restriction d’âge – personne de moins de 18 ans ne peut entrer. Normalement, vous devriez aller voir le garde du corps et lui montrer votre pièce d’identité, qui ne contient pas seulement votre âge, mais aussi votre photo, votre année de naissance, probablement votre adresse, etc. En revanche, grâce aux ZKP, vous pouvez prouver que vous possédez un document qui vous appartient et que vous avez plus de 18 ans. Vous présentez cette preuve, qui peut être un code QR, par exemple, la personne chargée de la sécurité scanne le code et l’écran s’affiche en vert si vous remplissez la condition d’âge. C’est tout. 

Vous avez réussi à prouver votre majorité sans communiquer votre nom, votre nationalité, ni même votre date de naissance. Cette technique de cryptographie permet de garantie la véracité d’une information ou d’un utilisateur sur les réseaux sociaux sans qu’il ait à dévoiler ses données personnelles. 

Un facteur essentiel pour que les ZKP fonctionnent est la présence d’une autorité/source de confiance. Par exemple, si vous voulez prouver à vos amis que vous avez plus de 1 000 followers sur Twitter, l’étape suivante consiste à créer un ZKP sur le nombre total de followers de votre compte et à le partager avec vos amis. Vos amis sauront que le résultat est correct car la preuve est générée à partir d’un élément d’information indéniablement vrai. Vous ne pouvez pas falsifier/ inventer le nombre de personnes qui vous suivent sur Twitter, l’information provient d’une source fiable (par exemple, Twitter). Cette preuve est une preuve cryptographique qui ressemble à un ensemble de chiffres et de lettres.

Concrètement, comment la cryptographie peut-elle aider à réduire les risques de désinformation et d’atteintes aux données personnelles?

✔️Grâce au ZKP combiné à la vérification d’identité, les utilisateurs peuvent prouver qu’ils sont des êtres humains référencés et uniques aux réseaux auxquels ils s’identifient, sans leur envoyer d’informations personnelles. Cela peut contribuer grandement à lutter contre les attaques cyber liées à l’identité et assurer l’unicité des comptes. Par extension, cette technique permettrait de réduire les risques de désinformation, les robots dans les médias sociaux, l’abus de position dominante de certaines marques et de leurs campagnes…

Sources:

Thelma Tertrais

Les réseaux sociaux comme catalyseurs de changements sociaux et politiques à travers le monde : des espaces d’expression politique et de mobilisation

À l’ère numérique dans laquelle nous évoluons, les réseaux sociaux se sont imposés comme des outils incontournables de communication, de mobilisation et d’expression publique. Que ce soit sous des régimes autoritaires où la censure prédomine, ou dans des démocraties où la parole est plus libre, ces plateformes redéfinissent les interactions sociales et politiques. Examinons comment, dans ces différents contextes et en particulier en Chine, au Cameroun, et en France, les réseaux sociaux facilitent une nouvelle forme de dialogue et de contestation.

Une libération de la parole dans des contextes de coercition

Dans des contextes politiques laissant peu de place à l’expression individuelle, les réseaux sociaux se révèlent être des espaces essentiels d’expression publique. C’est par exemple le cas en Chine, où le gouvernement exerce un contrôle rigoureux sur les médias traditionnels, limitant fortement l’accès à l’information et la liberté d’expression :  « La fermeture de Facebook, Youtube ou Twitter relève en effet autant du protectionnisme économique que de la censure médiatique » (Renaud, 2014). Dans ce contexte où « l’opinion publique’’ est façonnée par le parti politique dans les médias professionnels, des réseaux sociaux Chinois ont fait leur apparition. Sina Weibo, par exemple, permet une nouvelle forme d’émancipation de ses utilisateurs en leur offrant un support d’expression, notamment pour rendre visibles leurs revendications sociales et leurs protestations. 

Dans son article La sphère publique sur les réseaux sociaux en Chine : enjeux et stratégies des acteurs (2018) publié dans la revue  Les Enjeux de l’information et de la communication, Tao Tingting dresse une analyse des préoccupations principales des utilisateurs de Sina Weibo en étudiant les discours des 100 comptes ayant un très grande influence sociale sur la plateforme. Ses résultats sont régroupés dans le tableau suivant :

source : Tao, T. (2018). La sphère publique sur les réseaux sociaux en Chine : enjeux et stratégies des acteurs. Les Enjeux de l’information et de la communication, 18(3A), 135-148. https://doi.org/10.3917/enic.hs6.0135

De cette manière, on observe que les préoccupations principales des utilisateurs de la plateforme sont autour du thème du politique (49,91%) et du social (16,41%). Egalement, dans son étude, Monsieur Tingting, explicite que les revendications politiques sont axées autour de sujets tels que la démocratie et la reforme. Quant aux revendications sociales, celles ci sont sur des sujets tels que l’égalité de richesse et l’éducation.

Ainsi, pour contrebalancer le déficit démocratique de leur pays, les chinois ont pris pour alternative d’exprimer une forme de résilience sociale en instaurant un dialogue public sur les réseaux sociaux auxquelles ils ont accès. Sina Weibo fonctionne donc non seulement comme un réseau social mais aussi comme une plateforme de contestation et de mobilisation. Les discussions qui y prennent place révèlent souvent des préoccupations sociales et politiques qui, autrement, resteraient silencieuses ou réprimées. Cela montre comment, même sous des régimes autoritaires, les technologies numériques peuvent faciliter une certaine forme de liberté d’expression et servir de catalyseur pour le changement social.

Les réseaux sociaux ont également la capacité de contourner les limitations des espaces publics physiques, permettant la mobilisation sociale et la justice dans des contextes où les manifestations traditionnelles ou les rassemblements sont réprimés ou impossibles. L’affaire Eva au Cameroun est un autre exemple de cette autre dimension des réseaux sociaux : leur capacité a contourner les limitations des espaces publics physiques. Cette affaire concerne un cas tragique survenu entre juin 2015 et décembre 2016, période durant laquelle près de soixante enfants ont disparu au Cameroun. Parmi eux, Éva, une fillette de deux ans, a été trouvée décapitée à Douala. Face à cette affaire, le gouvernement Camerounais est resté passif et aucune enquête n’a été engagée. Les médias classiques locaux étant sous le contrôle constant et permanent du pouvoir en place, l’affaire a également été étouffée au niveau de la presse écrire, de la radio et de la télévision. 

Face aux limites des médias traditionnels en place, les réseaux sociaux ont alors joué un rôle crucial en permettant aux Camerounais de briser le silence médiatique, de partager des informations, et de mobiliser le soutien public et international autour de cette tragédie.

Alors que le contexte politique Camerounais ne donnait pas la possibilité d’une mobilisation au sein de l’espace publique physique, la mobilisation s’est, en effet, faite à travers les réseaux sociaux. A travers eux, la mobilisation a pu être massive, s’appuyant sur des objectifs affectifs, cognitifs et conatifs. Ainsi, pour susciter l’émotion et donc l’engagement et le militantisme des populations Camerounaise et Internationales, la photographie de la victime ainsi que du lieu où son corps a été retrouvé a été fortement partagé sur Facebook, certains internautes changeant même leurs photos de profils à cet effet. Aussi, en lisant, commentant et partageant les internautes ont démontré leur volonté d’informer à leur tour les autres internautes, le cumul des ressentiment a alors suscité de nombreuses actions symboliques et appelé à des marches de soutien.

« Internet représente un espace ouvert qui procure aux mouvements sociaux une grande autonomie, puisque les barrières de contrôle disparaissent et les protestations, les plaintes ou les appels à la mobilisation arrivent, à peu de frais, à un nombre plus grand de partisans ».

Suarez Collado, 2013, 51

Les exemples Chinois et Camerounais mettent en lumière le rôle crucial que peuvent jouer les réseaux sociaux dans des contextes politiques et sociaux variés, agissant comme des facilitateurs de dialogue et de mobilisation là où les canaux traditionnels sont insuffisants ou inexistants.

Les Réseaux sociaux, amplificateurs des mobilisations 

En France, tandis que la liberté d’expression est un droit majeur garanti par l’article 11 de la DDHC, les Réseaux Sociaux trouvent également leurs places, dans des contextes de mobilisation sociales, cela notamment en jouant des rôles cruciaux dans l’organisation de mouvements, tels que les gilets jaune. En effet, ce mouvement de protestation commencé le 17 novembre 2018 s’est développée de manière massive via les Réseaux Sociaux. On recense par exemple à la mi décembre, soit un mois après le début du mouvement, 1548 groupes Facebook de plus de 100 membres chacun associés au mouvement. Les plateformes de Réseaux Sociaux et notamment de Facebook ont été essentielles pour structurer le mouvement et aidé à coordonner les manifestations à grande échelle, à rassembler les participants et à diffuser des informations en temps réel.

Pour démontrer l’impact des réseaux sociaux dans la mobilisation, dans « Les déterminants de la mobilisation des Gilets jaunes », Pierre C. Boyer, Thomas Delemotte, Germain Gauthier, Vincent Rollet et Benoit Schmutz ont réalisé une étude permettant de démontrer le lien entre la mobilisation en ligne et hors ligne. En utilisant deux sources de données compilées reflétant à la fois la mobilisation online et offline et en construisant trois indicateurs ( Nombre de rassemblements prévus par zone géographique, Nombre de membres de groupes Facebook associés à chaque zone géographique et Nombre de publications sur les groupes Facebook associés à chaque zone géographique), ils ont démontrer une corrélation positive entre les indicateurs de mobilisation online et offline. Plus précisément, l’étude a également démontré une forte corrélation (74%) entre le nombre de groupe Facebook par départements et le nombre de blocage ayant eu lieu dans ce département ainsi qu’une corrélation de 62 % entre le nombre de blocage dans ce département et le nombre de publications sur Facebook.

De nombreux travaux théoriques récents (Edmond [2013] ; Little [2016] ; Barberà et Jackson [2018]) se sont penchés sur l’importance des réseaux sociaux en ce qui est de l’émergence de mouvements de protestation de grande ampleur. Aussi, alors que la coordination est essentielle pour à l’action collective mais souvent limitée par les asymétries d’information et les contraintes des canaux de communication, les réseaux sociaux permettent de transformer les habitudes des citoyens comme des gouvernements.

Le dialogue en Chine, la mobilisation au Cameroun et les manifestations en France ne sont que quelques exemples de la manière dont les réseaux sociaux permettent de créer des espaces pour des voix qui autrement resteraient silencieuses et offrent des moyens de contestation et de résistance face à l’oppression. Ces plateformes ont révolutionné la manière dont nous communiquons mais ont également redéfini les paradigmes de mobilisation et d’expression dans des contextes variés à travers le monde. Ainsi, que ce soit dans des pays où la censure prédomine ou dans des démocraties où la parole est plus libre, les réseaux sociaux ont prouvé leur capacité à servir de catalyseurs pour le changement social et politique.

Louise Lefevre

Sources:

Les influenceurs sont-ils vraiment le meilleur allié d’un cinéma plus dynamique?

Le 23 février dernier, la présence de l’influenceuse Léna Situations en tant qu’animatrice du tapis rouge des César a suscité beaucoup de critiques sur les réseaux sociaux.

Léna Situations, de son vrai nom Léna Mahfouf, cumulant plus de 4 millions d’abonnés sur Instagram, s’est en effet vue confier la tâche d’animatrice du direct sur MyCanal et le compte Tiktok de Canal +. Interviewer les icônes du cinéma français à leur entrée, c’est ce qu’on reproche à cette instagrameuse qui n’aurait visiblement pas sa place à un tel évènement. Pourtant ce n’est pas la première fois que le monde du cinéma s’allie avec ce genre de créateurs de contenus, et une telle association devrait paraître évidente, et même nécessaire. Aujourd’hui des noms comme Paola Locatelli, Seb, Carla Ginola, Charlie Damelio, sont communs sur les tapis rouges. Mais Léna Situations marque un tournant : plus que faire partie du décor, une influenceuse peut avoir la main.

Un objectif : réintéresser les digital natives

Selon un rapport du CNC, les 15-24 ans représentaient la population la plus faible des spectateurs du cinéma en France en 2022 (15,7% des spectateurs), une proportion encore plus faible que les 3-14 ans (17,4% des spectateurs). À l’inverse, les 15-24 ans sont les plus présents sur les réseaux sociaux, 80% d’entre eux y participeraient selon une enquête Statista. Sur 4,8 milliards d’utilisateurs d’Internet dont 98% présents sur les réseaux sociaux dans le monde, il est aisé de comprendre que le cinéma a considérablement perdu de son influence sur une population jeune, qui ne se ferme pourtant pas complètement aux médias.

Peut-on dire que la présence croissante des influenceurs dans la liste des invités des cérémonies du cinéma a pour unique objectif d’attirer de nouveaux les jeunes vers les salles obscures ? Si l’on fait abstraction de leur présence évidente en tant que promoteurs des marques qui les invitent, on peut dire que oui. En effet, les médias sociaux ont permis une multiplication des relations « para-sociales ». Ce terme qualifie les sentiments d’amitié et d’admiration qu’une personne lambda, un fan, va éprouver envers une personnalité publique, qu’il ne connaît pas personnellement. Les influenceurs ont multiplié les interactions avec leurs admirateurs, multipliant par la même occasion le nombre de ces derniers.

Le cinéma, un média vieux au public vieillissant, prend donc le pari naturel de ces créateurs de contenus numériques pour réunir une population sur laquelle il n’a plus de prise.

Les influenceurs : des armes de pointe du marketing

Les influenceurs sont depuis plusieurs années déjà les mascottes de toutes marques espérant devenir virales. La vitalité, c’est la vitesse de diffusion d’un contenu, ou le nombre de personnes touchées par celui-ci. De nombreuses marques ont pris l’habitude de travailler en partenariats avec les créateurs de contenus : cadeaux, produits en collaboration, stories ou posts rémunérés font partie des nombreuses stratégies de promotion réalisables. Une autre s’est donc développée : inviter des influenceurs à certains illustres évènements sous le nom de la marque. C’est ce qui explique notamment le défilé des influenceurs les plus populaires sur Instagram et Tiktok, sur le tapis rouge de Cannes. Bien que leurs contenus, voir même leurs centres d’intérêts, n’aient pas grand chose, si ce n’est rien à voir avec le cinéma, ceux-ci ont droit d’accès aux évènements les plus selects du milieu, telles que les avant-premières dans le prestigieux Théâtre des Lumières.

Cette association peut poser question, pourtant elle fonctionne. Leur présence a permis de concentrer l’attention de toute leur communauté sur le Festival de Cannes. La stratégie portant ses fruits, les institutions du cinéma ont à leur tour décidé de s’y prendre au jeu. Le Festival de Cannes s’est déjà associé deux années de suite à Tiktok en tant que partenaire officiel, les César ont quant à eux engagé Léna Situations. Pari gagnant : près de 150 000 viewers suivaient l’entrée des vedettes à l’Olympia en live sur le Tiktok de Canal+, un chiffre phénoménal pour une chaîne traditionnelle sur Tiktok.

Une présence qui pose problème

Au-delà des nombreuses critiques qu’a suscité le rôle de Léna Situations aux César, la présence des influenceurs à de tels évènements du cinéma est loin d’être acceptée par la majorité. La stratégie fonctionne pour les 15-24 ans, les jeunes redécouvrent l’envie d’aller au cinéma grâce à leurs idoles. Pour les habitués il n’en est cependant pas du même son de cloche. Pourquoi? Parce que cette association ne fait pas sens de prime abord. Cannes, comme les César, sont des marques à part entière qui ont construit leur image depuis des dizaines d’années comme les évènements les plus illustres du cinéma français et international. Haut lieu de prestige, réunion d’amateurs et de connaisseurs, célébration de tout un art, la présence de créateurs de vidéos courtes et de photos Instagram fait tout de suite contraste.

Ce problème relève d’une anomalie dans le « celebrity endorsement » de ces marques, c’est-à-dire de l’image que ces associations renvoient. L’un des critères de succès d’une campagne avec une célébrité est la congruence. Il s’agit d’une question de « match » entre la marque en elle-même, et la célébrité qui la représente. Les deux sont en réalité rarement issues des mêmes secteurs, les pubs télévisées en sont d’ailleurs un parfait exemple. Cependant de manière générale, la célébrité engagée doit redorer l’image de la marque : on se rappelle tous de la pub de Jo-Wilfried Tsonga pour Kinder Bueno, ou de Brad Pitt pour Boursorama Banque. Ils n’ont aucun rapports, mais apportent une influence positive sur l’image de la marque.

Pour la communauté cinématographique, associer le cinéma à de « simples influenceurs » ne fait pas sens, et détériore même l’image de cet art. En dehors de leur propre communauté, les influenceurs ne font pas l’unanimité, et sont souvent dénigrés. Pourtant ce n’est pas la première fois que des vedettes sans rapport avec le cinéma défilent sur ces tapis rouges. Avant eux : les top models, les footballers professionnels, les candidats de télé-réalités avaient déjà leur place, et étaient pourtant des armes de marketing bien moins efficaces.

Au-delà du marketing : un postulat sur l’état des médias

Lorsque Léna Situations prend le micro pour interviewer les plus grandes figures du cinéma de l’année, l’engagement franchit néanmoins une nouvelle étape, celle de faire comprendre à la presse qu’elle n’est plus ni le média dominant, ni le média important. La journaliste Camélia Kheiredine a notamment regretté sur X que cette place lui ait été confiée, plutôt qu’à un jeune journaliste spécialisé et qualifié. En effet la presse traditionnelle est en déclin, et le cinéma semble lui aussi déjà lui tourner le dos. Nathalie Chifflet écrivait en 2017 « […] la presse a perdu le monopole de l’influence. D’ailleurs, le mot d’influence ne lui appartient même plus. Le digital lui a confisqué, signalant par là-même le déplacement des relais d’opinion« .

La décision des César de ne pas confier cette position à un journaliste signe dès lors un constat morose : une association systématique et automatique de la jeunesse aux influenceurs, une perte d’espoir totale dans un intérêt pour une presse spécialisée. La France n’en est qu’à ses balbutiements. Les États-Unis nous précèdent de plusieurs années. Les influenceurs qui s’improvisent journalistes pullulent sur les tapis rouges de tous types d’évènements culturels et ne font pour le moment pas preuve des qualités qui définissent ce métier.

Le débat est donc ouvert sur le rôle que vont vraiment porter les influenceurs pour le cinéma et le monde de la culture dans le futur. Entre dégradation de l’information et influence notoire, les institutions auront à faire un choix. Le Festival de Cannes renouvèle de nouveau son partenariat officiel avec Tiktok, qui se défend lui-même d’être un réel levier pour la culture. Entre le concours Tiktok Short Films durant le festival, qui a déjà récompensé la jeune Claudia Couchet, lui permettant de travailler sur des projets de plus grande envergure par la suite, les partenariats avec différents salons culturels, et le hashtag #Booktok, Tiktok porte ses arguments. La présence des influenceurs est cependant toujours questionnable, surtout lorsque nombreux suspectent une amputation du nombre de Pass 3 jours à Cannes (pass permettant aux jeunes amateurs d’assister au festival) au profit de plus de places pour ces derniers.

Anaëlle Mousserin

Sources:

Comment TikTok s’adapte et influence le commerce électronique ?

L’essor des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux se sont installés dans notre quotidien depuis les années 2000 et leur place est primordiale aujourd’hui. Selon une étude de We Are Social, en 2024, 5,04 milliards d’utilisateurs actifs peuplent les réseaux sociaux, soit 62,3 % de la population mondiale. Les réseaux sociaux, dotés de différentes fonctionnalités, ont commencé à influencer et à changer les modes et les habitudes de vie des consommateurs, surtout pour la génération Y et Z. Par exemple, ils utilisent davantage les applications de messagerie instantanée pour échanger avec leurs proches, à la place de SMS et appels. De plus, au lieu de regarder la télévision ou d’écouter la radio, ils se tournent vers les applications de courtes vidéos pour se divertir. D’ailleurs, de plus en plus de consommateurs utilisent les réseaux sociaux pour découvrir, évaluer et acheter des produits. Ainsi, les réseaux sociaux sont devenus de nouveaux canaux efficaces de communication et de vente des produits pour les marques.

TikTok : une plateforme en pleine expansion

Avec l’explosion d’informations actuelle, la durée d’attention de l’humain a tendance à diminuer, faisant de l’attention une denrée rare que les commerçants se disputent. Les réseaux sociaux encouragent donc une circulation des contenus plus visuelle, plus rapide et plus résumée. Cette tendance favorise l’essor d’applications de vidéos courtes, telles que TikTok. Lancée en 2016, TikTok est une plateforme de médias sociaux permettant de créer et de partager de courtes vidéos. Grâce à ses avantages tels que la diversité des contenus, l’algorithme de recommandation efficace, ainsi que son format de vidéo courte facile à regarder, créer et partager, TikTok a rapidement conquis un grand public, surtout les jeunes, et a connu un grand succès. Selon les données de Statista, il figure parmi les réseaux sociaux les plus utilisés dans le monde, derrière Facebook, YouTube et Instagram, avec un nombre de MAU de 1,5 milliard début 2024. De plus, TikTok est aussi l’application sur laquelle les utilisateurs dépensent le plus d’argent. Ses revenus ne cessent d’augmenter. Son chiffre d’affaires mondial était de 14,3 milliards de dollars en 2023, contre 9,4 milliards en 2022. Ses revenus proviennent principalement de la publicité, des achats intégrés (TikCoins et cadeaux virtuels) et du e-commerce (TikTok Shop). Cette dernière est une nouvelle source de revenu en rapide croissance pour TikTok.

TikTok s’oriente vers une plateforme du Social Shopping

Le commerce électronique, ayant plus de 50 ans d’histoire, a débuté dans les années 70 et a été propulsé par l’explosion d’Internet depuis les années 90. Avec le développement des réseaux mobiles et la démocratisation des médias sociaux après 2010, il a connu une croissance exponentielle. 

Depuis 2020, TikTok a commencé à amorcer de nouvelles solutions du e-commerce. Il s’est associé à Shopify pour offrir une solution de conversion directe dans l’application. Ce partenariat permet aux marchands sur Shopify de toucher directement les utilisateurs de TikTok et permet également à ces derniers d’acheter chez un marchand de Shopify sans quitter l’application. De plus, il permet aux commerçants, via le tableau de bord sur Shopify, d’accéder aux fonctionnalités essentielles de TikTok For Business pour créer et gérer des campagnes publicitaires sur TikTok, et suivre leurs performances en temps réel.

En 2021, TikTok a lancé TikTok Shop pour renforcer sa présence dans le domaine du social shopping, permettant l’achat et la vente directe sur l’application. Il propose aux marques trois fonctionnalités natives pour diffuser et vendre directement leurs produits sur TikTok : les vidéos Shopping, le Catalogue Produit et le Live Shopping.

1. Les vidéos Shopping sont des contenus vidéos classiques dans l’onglet « For you » des utilisateurs. Elles intègrent un lien vers un produit avec une icône panier, ce qui dirige les utilisateurs vers le catalogue de produits et leur permet d’effectuer l’achat sans quitter l’application. 

2. Le Catalogue Produit est un espace regroupant tous les produits de la marque.

3. Le Live Shopping permet aux vendeurs de mettre en avant plusieurs fiches produits lors d’un stream en direct et aux spectateurs du live de les acheter directement. Les produits sont affichés et épinglés (icône panier) pendant la diffusion en direct, accompagnés de toutes leurs informations, images, tarifs et descriptions.

De plus, TikTok propose aussi l’onglet « Shop » présentant des produits sélectionnés dans différentes catégories. Il fournit également divers services aux vendeurs, tels que la logistique efficace avec des collectes à domicile illimitées, le paiement sécurisé et la gestion des entrepôts.

En conséquence, de l’attraction des utilisateurs à l’achat final, TikTok et sa boutique intégrée offrent une expérience d’achat en ligne plus fluide pour les consommateurs, ce qui augmente nettement les taux de conversion et stimule les ventes. À l’heure actuelle, TikTok Shop est disponible dans 6 pays d’Asie (l’Indonésie, la Thaïlande, le Vietnam, la Malaisie, Singapour, les Philippines), aux États-Unis et au Royaume-Uni, rencontrant un gros succès, surtout en Asie du Sud-Est.

Comment TikTok influence l’e-commerce ?

Les réseaux sociaux et leur innovation en termes d’intégration des fonctionnalités d’e-commerce influencent non seulement les habitudes d’achats des consommateurs, mais donnent également aux e-commerçants de nouvelles opportunités de vente et de communication. Cela a révolutionné le mode traditionnel d’e-commerce. 

En ce qui concerne les impacts sur les consommateurs, les réseaux sociaux jouent maintenant un rôle primordial dans la découverte, l’évaluation et l’achat de produits. En intégrant des fonctionnalités de commerce électronique dans l’application, TikTok facilite leur processus d’achat et offre une expérience plus fluide. Au lieu de rechercher des produits en ligne par eux-mêmes, les consommateurs peuvent découvrir des produits intéressants tout en regardant des vidéos. En effet, environ 60% des utilisateurs découvrent de nouveaux produits sur TikTok, cela se traduit notamment par le hashtag “TikTok made me buy it”.

De plus, les consommateurs privilégient les vidéos de feedback ou les commentaires générés par d’autres consommateurs pour l’évaluation des produits. Ce qui est encore plus pratique, c’est la possibilité d’effectuer l’achat en quelques clics sans quitter l’application.

En ce qui concerne les impacts sur les e-commerçants, TikTok et sa boutique intégrée ont changé leur façon de vendre et de faire connaître leurs produits. D’une part, TikTok s’avère être un canal de communication plus efficace que les sites d’e-commerce traditionnels. En tant que plateforme de contenu généré par les utilisateurs, il rend les publicités moins intrusives et crée un écosystème harmonieux où contenu créatif et marketing numérique coexistent. De plus, TikTok offre des outils puissants aux e-commerçants pour gérer et optimiser leurs campagnes publicitaires, comme TikTok Ads Manager. En outre, la communication sous forme de vidéo sur TikTok est plus attrayante et virale que celle sous forme d’image et de texte sur les sites d’e-commerce traditionnels. D’ailleurs, grâce à un nombre plus considérable d’utilisateurs actifs sur TikTok, les marchands peuvent gagner plus de trafic sur l’application. À part cela, le suivi des tendances (trends), l’utilisation des hashtags viraux ou la coopération avec les influenceurs permettent aussi aux marques d’augmenter la viralité des contenus marketing et stimuler les ventes. D’autre part, TikTok offre un nouveau canal de vente. Il donne l’opportunité aux vendeurs de transformer l’attention des millions d’utilisateurs actifs en achats. De plus, la possibilité d’acheter directement depuis l’application aide à augmenter les taux de conversion pour les marques. Tout cela a incité les e-commerçants, surtout les PME, à changer et à améliorer leur stratégie de communication et de vente, en recourant davantage aux médias sociaux.

Avantages commerciaux de TikTok VS enjeux éthiques et légaux

Pour conclure, les réseaux sociaux sont devenus incontournables pour les consommateurs et les marques. TikTok, en tant que l’un des réseaux sociaux les plus populaires, a un impact profond sur le commerce moderne. TikTok Shop marque une évolution dans l’achat en ligne. Il a non seulement changé les habitudes de consommation en créant une expérience fluide, où le divertissement, la découverte de produits et le shopping se rencontrent sans couture. Il a également modifié la manière dont les marques interagissent avec leur audience et élargi les voies de marketing et de vente. Cela pousse le développement et la transformation du mode d’e-commerce traditionnel. 

Cependant, il ne faut pas négliger les risques et les défis entraînés par ce type de shopping en ligne. D’après une étude d’Accenture, cela génère quelques appréhensions chez les consommateurs, comme le manque de protection de l’acheteur, les variations de qualité et de fiabilité, ainsi que des failles dans les politiques de remboursements. De plus, les recommandations personnalisées de contenu sur les médias sociaux basées sur des algorithmes nécessitent la collecte et l’analyse des données, ce qui entraînera une préoccupation sur la sécurité des données et la violation de la vie privée. En outre, les algorithmes portent aussi atteinte aux consommateurs, en termes de réduction de l’espace des choix possibles, de possibilité de manipulation des comportements et d’abus d’exploitation en extrayant la totalité des surplus des consommateurs. Par conséquent, il est nécessaire de considérer comment harmoniser l’amélioration de performance commerciale des marques avec le respect de l’éthique et de la réglementation.

Yimin DU

Références

1. BDM, 《Chiffres réseaux sociaux – 2024》, disponible en ligne sur <https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-reseaux-sociaux/>, consulté le 11 avril 2024
2. Statista, 《Réseaux sociaux les plus utilisés dans le monde 2024》, disponible en ligne sur <https://fr.statista.com/statistiques/570930/reseaux-sociaux-mondiaux-classes-par-nombre-d-utilisateurs/>, consulté le 11 avril 2024
3. BDM, 《Chiffres TikTok : les statistiques à connaître en 2024》, disponible en ligne sur <https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-tiktok/ >, consulté le 11 avril 2024
4. Faster Capital, 《Modèle commercial et sources de revenus de TikTok decouvrir les secrets de la generation de revenus de TikTok》, disponible en ligne sur <https://fastercapital.com/fr/contenu/Modele-commercial-et-sources-de-revenus-de-TikTok—decouvrir-les-secrets-de-la-generation-de-revenus-de-TikTok.html>, consulté le 12 avril 2024 
5. Fevad, 《Le focus du mois : TikTok, le nouvel outil marketing pour les e-commerçants》, disponible en ligne sur <https://www.fevad.com/le-focus-du-mois-tiktok-le-nouvel-outil-marketing-pour-les-e-commercants/>, consulté le 12 avril 2024  
6. Siècle digital, 《Le partenariat entre TikTok et Shopify se déploie en Europe》, disponible en ligne sur <https://siecledigital.fr/2021/02/23/partenariat-tiktok-shopify-europe/>, consulté le 12 avril 2024  
7. Techcrunch, 《TikTok partners with Shopify on social commerce》, disponible en ligne sur <https://techcrunch.com/2020/10/27/tiktok-invests-in-social-commerce-via-new-shopify-partnership/>, consulté le 12 avril 2024  
8. Neads.io, 《TikTok Shop : comment fonctionne le shopping sur TikTok》, disponible en ligne sur <https://neads.io/blog/tiktok-shop-comment-fonctionne-le-shopping-sur-tiktok/>, consulté le 13 avril 2024
9. TikTok Shop, 《What is TikTok Shop》, disponible en ligne sur <https://seller.tiktokglobalshop.com/account/register>, consulté le 13 avril 2024 
10. Arcane, 《TikTok Shopping : la plateforme s’oriente vers le social shopping》, disponible en ligne sur <https://www.arcane.run/blog/tiktok-shopping-la-plateforme-soriente-vers-le-social-shopping>, consulté le 14 avril 2024 
11. Ecommerce-nation, 《TikTok accélère le développement de son E-commerce》, disponible en ligne sur <https://www.ecommerce-nation.fr/tik-tok-shop-succes/>, consulté le 14 avril 2024
12. ESCEN, 《L’influence des réseaux sociaux sur le commerce moderne》, disponible en ligne sur <https://escen.fr/linfluence-des-reseaux-sociaux-sur-le-commerce-moderne/>, consulté le 14 avril 2024  
13. Fevad, 《Social selling : les réseaux sociaux au service des e-commerçants en 2022》, disponible en ligne sur <https://www.fevad.com/social-selling-les-reseaux-sociaux-au-service-des-e-commercants-en-2022/>, consulté le 17 avril 2024 
14. Cairn, 《Intelligence artificielle et manipulations des comportements de marché : l’évaluation ex ante dans l’arsenal du régulateur》, disponible en ligne sur < https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-economique-2020-2-page-203.htm>, consulté le 17 avril 2024

Dévoiler la stratégie de contenu sur Instagram : Comment Reels, Lives et Stories influent sur l’engagement et la conversion ?

À l’ère numérique d’aujourd’hui, les médias sociaux sont des plateformes cruciales pour la transmission et le partage d’informations. Comment attirer l’attention de l’audience potentielle et les guider vers vos sites web ou magasins ? Comment détecter et répondre à leurs besoins? Ce sont toutes des questions clés en marketing sur les réseaux sociaux. En plus du contenu créatif, les différents approches du contenu est également très importante. Vidéo ? Images ? Texte ? Audio ? L’utilisation astucieuse de différentes formes de contenu aidera à maximiser les résultats. Cet article prendra Instagram comme exemple, pour discuter des caractéristiques de ces trois nouveaux formats : les reels, les stories et les lives, examinera leur efficacité en termes d’engagement et de conversion, et découvrira comment utiliser efficacement ces formats dans les stratégies de marketing.

Source : Later

Instagram est l’un de canal le plus important pour leurs campagnes de marketing d’influence, offrant principalement quatre formats de publication : les posts, les reels, les stories et les lives. Les posts, en tant que format le plus traditionnel et principal d’Instagram, permettent de diffuser des informations sous forme de vidéos, d’images, de carrousels, etc. Mais depuis 2019, le taux d’engagement moyen des posts dans le feed (hors réels et IGTV) a diminué de 44 %. Selon l’étude de Later portant sur 81 millions de publications Instagram, le taux d’engagement moyen des posts était de 5,16 % en 2019, mais a chuté à 2,88 % d’ici fin 2021. On constate que même si les post conservent leur place sur Instagram, les marques commencent à expérimenter de plus en plus de nouveaux formats.

  • Réel

Le Reel est un format de vidéo courte de 15 à 90 secondes, introduit sur le marché français en 2020 pour rivaliser avec son concurrent TikTok. Le taux moyen d’engagement par post pour les Reels était de 1,23 % en 2023, ce qui en fait actuellement le type de contenu le plus performant sur Instagram. 

Tout d’abord, les Réels offrent des outils d’édition intégrés, une bibliothèque audio et des divers filtres et AR effets, ce qui permet de répondre à la demande croissante des utilisateurs en matière de montage rapide et de partage. D’ailleurs, contrairement aux Stories qui ne durent que 24 heures et aux Lives qui sont diffusés en temps réel, les Reels peuvent être conservés à long terme et facilement partagés avec d’autres utilisateurs, ce qui conduit à une portée organique (Reach) plus large. De plus, le format court des Reels les rend plus interactifs et divertissants, ce qui augmente ainsi leurs chances de devenir viraux. Selon les données de Socialinsider, comparé aux carrousels et aux images, les Reels génèrent deux fois plus de portée et sont également plus susceptibles de recevoir des likes et des commentaires. De plus, selon la graphique sur l’algorithme de l’instagram, il a été constaté que la corrélation entre les impressions et les likes est la plus forte (0,85), tandis que la relation avec les commentaires (0,16) et le nombre de followers (0,12) est plus faible. Cela signifie que les Réels peuvent obtenir une notoriété élevée avec un nombre relativement faible de followers ou de commentaires, ce qui est avantageux pour les petits créateurs. 

Source : Semrush

Ainsi, pour les marques et les entreprises, les reels représentent un excellent canal de marketing pour accroître l’engagement du public et la reconnaissance de la marque. Par exemple, Sephora France est l’une des marques qui utilisent efficacement les Reels d’Instagram. La beauté Sephora a utilisé efficacement les Reels pour présenter des tutoriels de maquillage rapides avec leurs produits, obtenant plus de 2 millions de vues et des milliers de likes, commentaires et partages, ce qui a stimulé l’engagement et l’intérêt pour leurs produits.

De plus, collaborer avec les KOLs, lancer des tendances et des challenges sur les Reels et encourager les utilisateurs à la création de contenu (UGC) est aussi une stratégie efficace. Par exemple, la compagnie aérienne Delta crée souvent des Reels interactifs, invitant les utilisateurs à participer à des vidéos, par exemple, il a publié un reel avec la question « if you could squeeze in one more trip before the end of the year, where would you go ? ». Ce reel a obtenu plus de 104 000 vues et 700 commentaires. De plus, Delta partage régulièrement des vidéos sur les destinations mondiales provenant de clients, d’influenceurs et de ses employés, pour inspirer les futurs voyageurs. Starbucks fait aussi la même stratégie. Ils encouragent activement leurs clients à créer des contenu et à partager leurs expériences avec des hashtags tels que #Starbuckstumbler, #starbuckscups, #starbucksmood, etc.

  • Story 

La story est un contenu (photo ou vidéo) – ou une série de contenus – que l’on publie sur Instagram et qui s’efface automatiquement après 24 heures. Elle a été lancée par Instagram en 2016 pour inciter les utilisateurs à partager en temps réel des moments de leur quotidien. En comparant le taux moyen de portée des stories Instagram avec les post dans le feed, nous avons constaté que la plupart du temps, les stories Instagram n’atteignent que la moitié des personnes touchées par les post.  Selon le markerly, son taux moyen d’engagement se situe entre 1 % et 7 % selon la taille des abonnés, légèrement inférieur à celui des Reels (2%-8%). 

Source : Rival IQ

Cependant, les stories sont un outil très efficace pour communiquer de manière plus spontanée et authentique avec leurs abonnés. Tout d’abord, les stories offrent diverses formes d’interactivité amusantes, telles que le sondage, le quizz, le compte à rebours, etc., qui peuvent favoriser l’interaction, renforcer l’engagement du public, et créer une expérience plus immersive pour les utilisateurs. Par exemple, Nike a utilisé la sondage dans sa story, demandant aux utilisateurs de voter pour leur design Air Max préféré. Cela a non seulement suscité l’anticipation pour le lancement du produit, mais a également encouragé une participation directe de milliers d’utilisateurs. Deuxièmement, les liens « Swipe-Up » et les autocollants de liens dans les stories permettent un accès direct aux sites web, aux pages produits ou à d’autres contenus pertinents, réduisant ainsi l’écart entre l’engagement et la conversion. Troisièmement, les stories sont aussi propices d’être utilisées comme teasers, par exemple en utilisant des stories pour prévisualiser vos vidéos ou événements en lives, reels ou sur IGTV, voire sur d’autres plateformes telles que YouTube. Cela peut susciter l’attente chez le public et inciter les spectateurs de stories à regarder la vidéo complète.

  • Live 

Un live (ou salon direct) est une diffusion vidéo en direct qui permet de communiquer en temps réel avec sa communauté. Sur Instagram, les utilisateurs peuvent désormais diffuser en direct jusqu’à quatre heures avec trois co-organisateurs au maximum. Les lives sont un excellent moyen de maintenir le contact avec son public et de renforcer sa fidélité. Ils favorisent les échanges directs et permettent d’obtenir immédiatement des retours sur le contenu proposé, ainsi que de répondre aux questions des spectateurs pour dissiper leurs doutes. De plus, la nature en temps réel des lives offre une expérience authentique qui inspire davantage confiance chez les spectateurs, ce qui en fait un outil idéal pour promouvoir des produits et des services en montrant leur authenticité et en encourageant les achats. Les Q&A avec le Leadership Team, Behind the Scenes Expérience, les live d’unboxing, etc., sont tous des choix très efficaces. Cependant, les lives sont en temps réel, ce qui signifie que les spectateurs peuvent facilement les manquer. Il est donc essentiel de les annoncer à l’avance via des stories ou d’autres moyens de promotion, pour maximiser l’audience. En outre, organiser régulièrement des séminaires ou des tutoriels sur live est également une excellente façon d’attirer un public potentiel. Par exemple, Barry’s Bootcamp organise régulièrement des sessions en live pour partager des cours d’entraînement énergiques. Cela crée une communauté numérique pour sa marque, attire et fidélise les amateurs de fitness.


Pour conclure, sur la plateforme Instagram, ces trois outils offrent tous des opportunités d’engagement et de conversion, mais chacun présente des caractéristiques distinctes et ils peuvent être utilisés de manière complémentaire pour diversifier la stratégie de contenu d’une marque ou d’une personne. Les reels sont la principale tactique pour atteindre de nouveaux publics et augmenter les engagements tels que les likes et les commentaires, les lives sont efficaces pour susciter des échanges directs, et les stories sont idéales pour augmenter l’interactivité directe du public et diriger le trafic vers leurs reels, lives ou leurs site web. Lors de l’élaboration d’une stratégie de marketing, il est essentiel d’exploiter efficacement les caractéristiques et les avantages de chacun de ces outils, tout en mettant l’accent sur la qualité et l’authenticité du contenu. Après la publication, il est également important de surveiller attentivement les indicateurs tels que le taux d’engagement par portée, le taux de conversion, le taux de rétention, etc., et de les analyser pour résoudre les problèmes éventuels.

YE Jiayi


Référence: 

Blair Feehan , 《 2024 Instagram Stories Benchmark Report》, disponible en ligne sur <https://www.rivaliq.com/blog/instagram-stories-benchmark-report/>, consulté le 14  avril 2024

Jessica Worb, 《How Reels Have Impacted Feed Post Performance》, disponible en ligne sur <https://later.com/blog/instagram-reels-engagement/>, consulté le 14  avril 2024 

Stellar tech, 《The complete guide to content formats and types on Instagram》, disponible en ligne sur <https://stellar.io/resources/influence-marketing-blog/guide-instagram-formats-content/>, consulté le 15  avril 2024  

Markerly,《Engagement Metrics: Do Instagram Reels or Stories drive better engagement?》, disponible en ligne sur <https://markerly.com/pulse/engagement-metrics-do-instagram-reels-or-stories-drive-better-engagement/>, consulté le 16  avril 2024  

Elena Cucu, 《Instagram Benchmarks: What Is the Best-Performing Content Type on Instagram Based on Data》, disponible en ligne sur <https://www.socialinsider.io/blog/instagram-benchmarks/#reach>, consulté le 16  avril 2024 

Shannon O‘Shea, 《Les Avantages des Reels Instagram pour Toute Entreprise》, disponible en ligne sur <https://fr.semrush.com/blog/instagram-reels-pour-entreprise/>, consulté le 15  avril 2024 

Search engine journal, 《5 Clever Ways Brands Are Using Instagram Live》, disponible en ligne sur <https://www.searchenginejournal.com/clever-brands-instagram-live/403084/>, consulté le 17 avril 2024 

IQ hashtag, 《Top Hashtags for #starbucks Enthusiasts》, disponible en ligne sur <https://iqhashtags.com/hashtags/hashtag/starbucks>, consulté le 17  avril 2024 

Keyhole, 《Starbucks Social Media Strategy: Insights into Viral Campaigns》, disponible en ligne sur<https://keyhole.co/blog/starbucks-social-media-strategy/#2-Engaging-with-customers-through-interactive-content>, consulté le 17  avril 2024 

Jessica Worb, 《How Brands Are Going Viral With Instagram Reels》, disponible en ligne sur <https://later.com/blog/brands-on-instagram-reels/#sephora>, consulté le 17  avril 2024 

Evelyn Taylor, 《5 brands beating the Instagram Reels algorithm》, disponible en ligne sur <https://emplifi.io/resources/blog/brands-beating-the-instagram-reels-algorithm>, consulté le 17  avril 2024 

Instagram, 《Instagram Live Producer》, disponible en ligne sur <https://about.instagram.com/fr-fr/blog/tips-and-tricks/instagram-live-producer/>, consulté le 17  avril 2024 

Laura Jourdain, 《Pourquoi intégrer le format live dans sa stratégie de contenu ?》, disponible en ligne sur <https://locrea-communication.fr/blog/pourquoi-integrer-le-format-live-dans-sa-strategie-de-contenu/>, consulté le 17  avril 2024 

Être célèbre pour son succès : les influenceurs et la crypto-monnaie

La montée des influenceurs qui utilisent leurs comptes pour faire la promotion de méthodes de trading risquées.

Avec le développement des réseaux sociaux le nombre de personnalités “connues pour leur notoriété” a explosé, le résultat est donc qu’aujourd’hui le culte de la célébrité est à son paroxysme. On rencontre une forme de multiplication des micro-célébrités sous la forme d’influenceurs ayant ainsi leurs propres audiences et communautés, et comme toute position de notoriété en découle une forme de responsabilité vis-à-vis des communautés concernées. 

Le marketing relationnel n’est en rien un concept nouveau et existe depuis l’époque Tupperware où la marque misait sur des interventions de particuliers chez d’autres particuliers pour répandre le produit. L’idée du marketing par influenceurs est aujourd’hui similaire mais démultipliée.

C’est ici que les abus de pouvoir font surface et depuis quelques années sous une forme particulièrement complexe : les arnaques liées à la crypto-monnaie.

En effet, on a remarqué une insurgence d’influenceurs orientant leurs contenus sur la réussite financière. On entend de la part de ces influenceurs des phrases telles que « Bouge ton c*l, change ta vie », « Se faire de l’argent en dormant », « Reprends ta vie en main » illustrées par des vidéos d’opulence et succès.

Des scandales pas si récents

On pense alors aux scandales internationaux avec par exemple Jake Paul (23 millions d’abonnés) qui vient d’être poursuivi en justice pour son projet NFT CryptoZoo qui lui aurait fait gagner des millions de dollars au détriment de ses abonnés. 

En effet, avec ce projet lancé en septembre 2021, Logan Paul avait créé une application de jeu en ligne visant à rendre ludique et accessible le trading en NFT. L’idée était de permettre aux utilisateurs d’élever des œufs de créatures fictives ayant chacune une valeur en ETH (commençant à 0.285 Ethereum : 340 dollars). Ensuite les participants pourront s’échanger les œufs sur la plateforme afin de finir par les transformer en monnaie réelle. Cependant à cause de problèmes en interne dans la société et fraudes, les utilisateurs se sont retrouvés dénués revenus lors du « Hatch Day », le jour où les « œufs » crypto-monnaie devaient éclore et révéler leur valeur réelle.

Vidéo d’excuses de Jake Paul diffusée sur Youtube suite à la chute de CryptoZoo

Le youtubeur avait par ailleurs déjà participé à des scandales similaires l’année précédente avec son système Dink Doink qu’il mettait en avant sur ses réseaux sociaux. Ce projet, sous un marketing qui le personnifie par un personnage fictif de dessin animé, se voulait capable de rémunérer ses utilisateurs sans efforts à travers un système de « Tokens » NFT. Peu après le lancement de la plateforme, la valeur des Tokens en question a d’abord subi une brusque hausse de 40 000% qui s’est ensuite écrasée en seulement deux semaines. Se présentant à la base comme seulement un investisseur de la plateforme, Logan Paul est suspecté d’être un des fondateurs derrière le projet.

Publication de Logan Paul pour la promotion de Dink Doink

Le copy trading en France, une pratique en manque de régulation

Mais là où la question devient plus intéressante et pointue c’est lorsque l’on se penche sur les cas plus récents d’influenceurs français tels que le couple Blata qui ont fait la promotion de méthodes de “copy trading”. Ce 23 janvier 88 membres du Collectif d’Aide aux Victimes d’Influenceurs ont déposé une plainte contre X et pour abus de confiance contre Marc Blata sur ces sujets.

En effet, Marc Blata (qui est loin d’être un exemple isolé) a commencé à faire de la promotion sur ses réseaux sociaux (depuis Dubaï) “d’opportunités” en trading NFT. Ainsi, c’est à travers des slogans soulignant l’occasion de “se faire de l’argent en dormant” ou “100% de chances de gagner” et le fameux «Copiez, collez, encaissez.» que les abonnés de Marc Blata se sont retrouvés sur Telegram (une application de messagerie cryptée). Ils n’avaient ainsi qu’à copier des instructions envoyées par le couple Blata (Marc et Nadé) pour les placer sur des marchés financiers et plus particulièrement le FOREX: un marché particulièrement volatile sur lequel les devises sont échangées les unes contre les autres à des taux de change instables.

Ces méthodes maintenant très répandues de participer au trading crypto-monnaie sans en avoir les moindres connaissances préalables s’appellent le copy trading: une technique d’investissement dans laquelle un particulier reproduit automatiquement les transactions exécutées par un autre trader, souvent appelé « trader expert ». En substance, le copy trading permet aux investisseurs de copier les stratégies de trading d’autres personnes, dans le but de reproduire leur succès financier. Cela se fait souvent via une plateforme en ligne (dans le cas de Marc Blata Telegram) qui relie les traders, influenceurs et particuliers, facilitant la copie des transactions en temps réel.

Exemple d’instructions copy-trading destinées au “Blata Gang”

Cependant, là où le sujet devient épineux c’est que l’influenceur touche de larges commissions sur l’argent investi et plus l’investissement est élevé, plus la commission est élevée. Ainsi, il est avantageux pour ces influenceurs de ne pas mentionner les risques du copy trading. 

En effet, selon l’AMF (Autorité des Marchés financiers) 8 particuliers sur 10 perdent de l’argent lorsqu’ils s’engagent dans des pratiques de copy trading. Cela arrive car, le montant du gain est dépendant du risque choisi et de l’investissement initial du particulier. En effet, le risque dépend du coefficient multiplicateur choisi par l’utilisateur sur chaque transaction : son « lot ». Le problème est donc qu’après avoir quelques gains initiaux de quelques euros sur les premières transactions, les utilisateurs finissent toujours par augmenter leurs lots et investissements et ainsi subir de lourdes pertes. De leur côté, les traders professionnels ont une bien plus grande agilité et rapidité de réaction sur les marchés financiers que les particuliers qui copient des instructions plus datées qui ont bien plus le risque d’être obsolètes. 

Ainsi, c’est ici que se questionne la responsabilité de l’influenceur. En effet, le copy trading étant aujourd’hui toujours parfaitement légal, sa promotion en ligne est cependant dans une zone grise en discussion en ce moment même au parquet de Paris. 

Un système basé sur l’addiction

En élargissant le sujet la comparaison peut-être faite avec d’autres industries telles que les paris sportifs ou le jeu en ligne. Le point commun principal étant que le grand danger de ces plateformes, structures ou marchés est leur caractère addictif qui pousse à augmenter les risques.

En effet, ces méthodes de copy trading (ou les plateformes telles que celles de Logan Paul) permettent de rendre accessibles aux particuliers le trading sur des marchés qui demandent normalement des véritables structures technologiques et connaissances. Les particuliers sont voués à l’échec lorsqu’ils investissent en suivant aveuglément des instructions d’inconnus mieux équipés sur des marchés comme le FOREX.

« Il y a des idiots dans mes abonnés. »

De son côté Marc Blata est devenu connu à travers la télé-réalité et ce sont les réseaux sociaux qui ont permis de capitaliser et monétiser sa notoriété. Son statut d’influenceur lui a ainsi permis de transférer et individualiser une partie de l’audience qu’il avait auparavant en télé-réalité. C’est donc à travers cela que les personnalités vont monétiser leur notoriété.

Interview Cash Investigation par Elise Lucet de Marc Blata

Lorsque interviewé par Elise Lucet pour Cash Investigation (diffusé le 4 avril dernier sur sur France 2), l’influenceur se défend: “Mes abonnés, je ne les choisis pas. Mes abonnés, ils me critiquent, ils m’insultent, etc. Il y a des idiots dans mes abonnés.”. Selon lui, actuellement exilé à Dubaï, la responsabilité repose sur ses abonnés « idiots » qui ont mal suivi ses conseils.

Tom Averink

Sources:

Algorithme et santé mentale : comment les algorithmes font de la santé mentale une tendance ?

Mise sur le devant de la scène à la suite des multiples confinements liés à la crise sanitaire, la santé mentale s’est progressivement démocratisée ces dernières années jusqu’à être considérée aujourd’hui comme l’une des priorités du gouvernement Attal. Rapidement, les réseaux sociaux ont été envisagés comme un espace privilégié d’expression qui, du fait de la barrière du virtuel, facilite la prise de parole. Ils se sont emparés du sujet inondant les fils “Pour toi” de contenus autour de l’anxiété et de la dépression, contenus remportant un tel succès qu’ils en sont devenus viraux. La santé mentale devient ainsi un sujet de monétisation, orientant de ce fait, les consommateurs dans leurs choix et habitudes.

Actualité : la santé mentale, une priorité du gouvernement Attal

Selon une enquête menée par Santé Publique France datant du 23 octobre 2023, la santé mentale des Français continuent de se dégrader en 2023 et ce, particulièrement chez les 18-24 ans. Cette dégradation s’inscrit dans la continuité d’une accélération remarquée depuis 2021, année plongée dans une postpandémie lente et violente. Les recours aux soins d’urgence pour pensées et gestes suicidaires ne cessent d’augmenter et il est estimé à 20,8% le taux de personnes concernées par la dépression en 2021 contre 11,7% en 2017 ; nous passons ainsi du simple au double en à peine cinq ans. Ces chiffres préoccupants sont aujourd’hui la source d’une prise de conscience généralisée sur le sujet, prise de conscience allant jusqu’à Matignon faisant de la santé mentale une des priorités du gouvernement Attal.  

Crise sanitaire : la santé mentale devient un sujet de santé publique 

Les problèmes de santé mentale ont toujours existé mais ont surtout été toujours minimisés par rapport à ceux liés à la santé physique. Comme ces troubles peuvent être, de fait, physiquement invisibles, indétectables à l’œil nu, ils ont l’énorme inconvénient de ne marquer les esprits que de ceux qui en subissent les conséquences directes ou indirectes. De plus, comme la santé mentale est, de ce constat, minimisée voire méprisée par l’opinion publique, l’aborder restait encore tabou. Jusqu’à la crise sanitaire. 

Lorsque le confinement a fait son apparition en France, toutes les habitudes et routines de la population ont changé, soudainement, sans prévenir. Les Français ont dû s’adapter avec les ressources dont ils disposaient, dans l’urgence. La vie sociale a été mise sur pause et des millions de personnes ont très vite fait face à l’isolement. Si la crise sanitaire n’a fait que plonger les personnes souffrantes de maladie mentale dans une bulle encore moins supportable, elle a également été à l’origine d’une diffusion généralisée de l’anxiété, de la dépression et des pensées et gestes suicidaires au sein de l’ensemble de la population. Là où la santé mentale n’apparaissait que comme un cas isolé pour certains, elle est désormais au cœur des préoccupations ; elle concerne une amie, un collègue, une camarade, un professeur ou encore soi-même si bien que nous nous retrouvons tous à une personne d’un individu souffrant de santé mentale. Enfermée chez soi, la population ne pouvait communiquer qu’à travers des écrans, renforçant la dépendance au numérique et aux réseaux sociaux. Sans repère, la population s’accroche à ce seul lien de communication et le quotidien devient de plus en plus guidé par les algorithmes.  

Réseaux sociaux : un espace d’expression privilégié par les jeunes

Protégés par la barrière du virtuel, les créateurs de contenus voient en les réseaux sociaux un espace privilégié d’expression et les utilisateurs, un moyen de réagir à ces contenus de manière anonyme s’ils le souhaitent. Cette mise à distance avec la réalité facilite et encourage la prise de parole faisant des réseaux sociaux, ce qui est souvent nommé de “safe place”. Finalement, ils retrouvent leur sens premier, celui d’interagir avec des personnes avec lesquelles nous sommes liés par des affinités de toute nature qu’elles soient amicales, professionnelles ou de l’ordre d’un sujet commun, ici la santé mentale.  Du fait de cette barrière du virtuel, les utilisateurs ont moins de mal à s’exposer et se crée ainsi une sorte de société parallèle conduite et contrôlée par les réseaux sociaux.  

Une alternative aux freins à la consultation payante de professionnels 

Aujourd’hui, 59,4% de la population mondiale utilisent les médias sociaux au moins une fois par jour. Ce chiffre s’explique notamment par les effets de réseau directs qu’ils procurent mais également par la facilité de se créer un compte. Ces plateformes sont très accessibles, intuitives et addictives. Cette accessibilité va de pair avec la gratuité de son service. Ce dernier point est important pour notre sujet. En effet, l’accès à la guérison de problèmes de santé mentale est souvent pointé du doigt ; cet accès passe généralement par la consultation de psychologues, prestations payantes qui, de fait, filtrent ses patients. Les réseaux sociaux s’imposent dès lors comme une alternative à ces freins liés à la consultation de professionnels qui ne sont, d’ailleurs, pas seulement financiers mais également moraux. En effet, encore aujourd’hui, malgré la démocratisation opérée autour de la santé mentale, aller voir un psychologue n’est pas un acte anodin dans l’esprit des gens. Avec les réseaux sociaux, les personnes souffrantes n’ont plus à faire cet effort de s’exposer et de se confronter au regard pesant de la société et peuvent se cacher derrière une identité virtuelle qui capte les conseils donnés sur ces plateformes pour améliorer leur santé mentale. En effet, les contenus portant sur la santé mentale peuvent prendre plusieurs formes : ce sont à la fois des conseils présentés sous l’angle du développement personnel ou encore des formats vlogs. Ces contenus sont très appréciés car ils vont (en apparence du moins) à l’encontre de la superficialité et de la “génération filtre” guidant les réseaux sociaux depuis plusieurs années. Ils se veulent plus proches du réel et ont pour but de légitimer l’idée d’aller mal, de le comprendre, de l’admettre et de l’assumer. La formulation “c’est ok” revient souvent dans ce sens et sert de mantra auquel s’accrocher et autour duquel les personnes souffrantes peuvent s’unir. Elle permet d’enlever aux réseaux sociaux cet aspect “culpabilisant” qu’ils peuvent initiés en ne montrant que des contenus améliorés, retouchés et mis en scène.  

Algorithme : scroller sur la santé mentale

L’engagement accordé à ces contenus précise le goût de ceux qui les regardent et permet à l’algorithme de personnaliser ses suggestions. Par ce jeu des algorithmes, les consommateurs d’une plateforme comme TikTok, particulièrement connu pour son algorithme puissant, se retrouvent dans des boucles infinies de contenus autour de la santé mentale. En alimentant cette spirale infernale, l’algorithme ne permet pas aux utilisateurs de sortir de cette bulle très cloisonnée dans laquelle ils ont été progressivement enfermés et font face quotidiennement à un contenu exclusivement tourné autour de l’anxiété et de la dépression. 

 « Quand [j’]“aime” une vidéo triste qui [me] parle, tout à coup, toute ma page “Pour toi” est triste. Je me retrouve dans le “TikTok triste”. Ça affecte mon humeur. »

Francis, 18 ans, étudiant aux Philippines.

Témoignage recueilli par Amnesty International lors d’une enquête portant sur l’exposition des jeunes aux contenus autour de la santé mentale sur TikTok.

Avec ces vidéos, les individus souffrants de mauvaise santé mentale se soutiennent, certes, contrant en apparence contre l’isolement, mais alimentent finalement le réseau social de ce sujet, jusqu’à son omniprésence. Avec l’algorithme, ils sont exclusivement et en permanence plongés dans ce contexte et cette atmosphère moroses. 

La capitalisation sur la viralité d’une maladie

Présentée ainsi, la combinaison algorithme/santé mentale ne semble pas alarmante. Pour autant, elle comporte des limites. Si la multiplication des contenus portant sur la santé mentale permet une démocratisation du sujet certes appréciable, elle va de pair avec leur succès, et très vite, leur monétisation. Ce genre de contenus devient une véritable source de revenus pour celles et ceux qui en produisent, incitant certains utilisateurs à en devenir eux aussi les créateurs. Dès lors qu’un contenu devient viral, des utilisateurs capitalisent sur cette viralité pour en tirer profit. Ainsi, le jeu des réseaux sociaux s’instaure de nouveau, plaçant la mise en scène au cœur des contenus et faisant émerger de nouvelles tendances pour maintenir cette viralité. Les contenus sur la santé mentale sont alors banalisés mais surtout idéalisés et souffrir d’un trouble mental signifie « être à la mode ». L’année dernière, une nouvelle tendance maquillage fait son entrée sur Tiktok, celle des cernes. Le principe ? Accentuer voire se créer des cernes pour paraître plus fatiguée et ainsi, en moins bonne santé. 

Si cette tendance avait pour but de démocratiser les “imperfections” qui sont normalement camouflées par le maquillage, des millions de jeunes adolescentes se sont emparées de cette astuce pour prôner une mauvaise hygiène de vie.  L’apparition de cette tendance en dit long sur les proportions qu’a pris le traitement de la santé mentale sur les réseaux sociaux, principalement sur Tik Tok.  

Aujourd’hui, la démocratisation d’un sujet sur les réseaux sociaux va de pair avec les excès de son exploitation. Malheureusement, ces plateformes permettent aujourd’hui de capitaliser sur la viralité de ses excès, les encourageant ainsi grandement. Si ce constat est plutôt commun à l’exposition d’une problématique sur les réseaux sociaux, il est d’autant plus alarmant lorsqu’il s’empare de la santé. Se pose alors la question de la modération sur ces réseaux, notamment sur une plateforme comme Tiktok, qui s’attaque aujourd’hui davantage à des thématiques sensibles pouvant heurter le public (terrorisme, sexualité) qu’à l’engrenage de la viralité et de l’exposition qu’elle implique. Si ces thématiques sont considérées comme « dangereuses » pour son public, quand est-il du principe de viralité ?

Sources :

  • « TikTok : un modèle dangereux pour la santé mentale des jeunes et des enfants », enquête publiée le 10 novembre 2023, Amnesty International
  • « Santé mentale : sur TikTok, une spirale de « contenus qui encouragent les pensées dépressives », interview publiée le 21 novembre 2023, par Jérémy Torres pour Libération
  • « TikTok plombe-t-il la santé mentale des ados ? », publié le 17 février 2023, par Audrey Parmentier pour Konbini

Louise Rialland

Newsjacking ou l’art de surfer sur l’actualité pour gagner en visibilité : méthode efficace de communication ? 

Bernie Sanders, la famille royale, Macron, tous ont été la cible du newsjacking – mais qu’est ce donc ?

Le newsjacking est une méthode marketing qui consiste à diffuser une image, une vidéo ou encore un message en rapport avec un sujet d’actualité. Le but est de provoquer une réaction, un choc chez le spectateur. On parle souvent de publicité “opportuniste”.

Pour cela, la campagne publicitaire doit être déclenchée le plus rapidement possible afin de ne pas perdre cet effet d’émulsion. Sont donc privilégiés les médias permettant une mise en place rapide de cette dernière (presse quotidienne, Internet, réseaux sociaux  …).En effet, cette méthode de marketing perd tout son sens si elle est reçue “trop tard”  par rapport à l’actualité exploitée. Le message perd alors toute sa valeur. La réactivité des équipes marketing de la marque est donc un élément indispensable. 

“Le newsjacking consiste à surfer sur une vague de buzz avant qu’elle ne soit formée totalement.”Frédéric Canevet, spécialiste en marketing B2B. 

La plupart du temps, c’est l’humour et la connivence qui sont mis en avant. Les jeux de mots et images détournées sont utilisés à foison. Au-delà de développer ce lien tacite avec l’audience en profitant de la viralité d’un buzz ou d’un événement, l’idée est également de profiter d’éventuelles retombées de presse ou sociales. 

Le newsjacking n’est pas forcément le fruit d’une immense réflexion, de grandes campagnes publicitaires comprenant des films publicitaires ou encore des emballages spéciaux. Cela peut simplement être un post ou un tweet, simple mais rebondissant instantanément sur l’actualité. Prenons l’exemple de ce tweet marketing de Netflix, en septembre 2020, à la suite d’une explosion dans Paris :

Ce dernier avait atteint la barre des 100 000 likes quelques minutes seulement après sa parution. 

Ou encore ce post de Monoprix en 2014 lors de la coupe du monde :

En quelques secondes seulement, le nombre de partages avait été fulgurant. Et on le comprend, la mise en scène est bien trouvée !

Dans le domaine du marketing traditionnel et digital, le real-time marketing a donc plusieurs objectifs : 

  • Améliorer la notoriété, l’image, l’engagement de la marque auprès du grand public
  • Une croissance rapide du chiffre d’affaires de la marque
  • La promotion d’un nouveau produit ou service grâce à cette méthode innovante
  • Se démarquer par rapport aux concurrents 
  • Créer une relation avec son audience cible et surtout tâcher d’accroître cette dernière

Le newsjacking présente donc divers avantages. Au-delà de rajeunir son image et d’améliorer sa réputation, cette méthode de marketing est un réel moyen pour générer de nouveaux prospects et de nouvelles ventes. En effet, les posts sur les réseaux sociaux relatifs au newsjacking sont les plus relayés par leur caractère ludique et inédit. Grâce au newsjacking, l’entreprise augmente donc sa chance de toucher une audience bien plus large que celle ordinaire.

Renforcer la confiance créée avec l’audience en jouant de cette complicité est également un atout far de l’approche marketing. Le newsjacking relève donc du marketing émotionnel et s’inscrit parfaitement dans cette vision d’amélioration d’image et de réputation. Cette stratégie digitale est également très utilisée afin de relancer la visibilité d’une marque et réveiller une communauté endormie. De nos jours, il est crucial pour une marque d’être présente au sein de la sphère médiatique. Utiliser le newsjacking est donc une manière idéale de se démarquer au sein de cette dernière, sortir son nom du lot. Toutes les entreprises n’osent pas encore se lancer et on les comprend. Faire du newsjacking c’est tout un art. 

Comment surfer (sans couler) sur l’effervescence médiatique ? 

La créativité est le maître mot. Cependant, il est essentiel de veiller à la bonne diffusion du message choisi. Si ce dernier est maladroit ou manque de pertinence,  le newsjacking peut rapidement virer à l’échec total et l’effet inverse de celui escompté : bad buzz, perte de réputation … On pense notamment à la campagne diffusée par les 3Suisses au lendemain de l’attentat à l’encontre du journal Charlie Hebdo début d’année 2015. Une action entraînant du remue-ménage dans le mauvais sens du terme et un bad buzz considérable pour la marque. 

Pour se mettre à l’abri d’un tel fiasco, voici quelques conseils : 

  • Forcer l’activité : Surtout pas ! Le principe même du newsjacking réside dans le fait de  surprendre les internautes. Créer le buzz pour le buzz ou surfer sur la même actualité que tous ne sera en aucun cas bénéfique. 
  • Ne pas trop planifier : Au risque de perdre en spontanéité, tout réside dans la gestion de l’urgence et de la surprise une nouvelle fois !
  • Éviter les sujets sensibles, susceptibles de créer une politique négative ( conflit armés, attaques terroristes …). Ne pas oublier de prendre des pincettes avec l’ironie, tout le monde n’est pas réceptif à cette manière de communiquer.
  • Résister à la récupération : Aucun effet de surprise dans ce cas, voire pire un vieillissement de l’image de la marque, jugée trop arriérée pour être à la page de l’actualité.  

Pour un effet garanti, il est essentiel d’établir un plan rapide – le newsjacking rime avec urgence – mais surtout efficience. Afin de déployer cette stratégie de manière réussie, trois étapes de bases semblent nécessaires : 

  1. Le benchmarking ou la veille marketing : Comme explicité plus haut, il ne faut surtout pas arriver trop tard ou encore pire passer à côté des événements d’actualités. Collecter et organiser les informations auprès d’autres médias spécialisés est donc nécessaire. Effectuer une veille SEO en s’aidant d’outils tels que Google Trends ou Oncrawl est un plus. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le newsjacking permet de toucher aussi bien des audiences B2C que B2B.
  1. être réactif mais attentif : Agir vite, certes, mais en étant  innovant et surtout sûr de ses sources. Le ton, le texte, tout doit être méticuleusement réfléchi.  L’idée est de proposer le contenu le plus pertinent, impactant et surtout plaisant afin de ravir le plus grand nombre.  Connaître sa cible principale est obligatoire afin de savoir la manière la plus judicieuse pour s’y adresser. D’autres part, inclure un aspect émotionnel est vivement recommandé : message de soutien à une cause, storytelling… Enfin quelque soit la nature du contenu, l’utilisation d’hashtags renforce la popularité et donc la vitesse de partage du post. Pour les JO 2024, utiliser #Paris2024 ou encore #OlympicSpirit peut propulser une campagne à l’avant de la scène. 
  1. Miser sur une stratégie multicanale : La campagne doit être vue, entendue, visionnée mais surtout retenue. Les blogs, campagnes d’emailing ou newsletters ne sont pas à négliger. Le format vidéo est également très apprécié. Les canaux de communication les plus exploités restent ceux visuels, permettant un partage immédiat sur les réseaux sociaux. Ces derniers par leur fonctionnalités de likes, commentaires et partages sont le support idéal, favorisant viralité et engagement.

Illustrons quelque peu ces propos.

Les experts en la matière : 

Monoprix : Comment parler newsjacking sans parler de Monoprix. La marque de supermarchés est la référence française dans ce secteur. Ses packagings jouent des temps forts de l’année pour mettre en avant les produits, le recours aux jeux de mots est pratiqué à profusion. Cette manière décalée de promouvoir les produits confère à la marque une réelle valeur ajoutée. 

Campagne célébrant les 45 ans du lancement de la mission spatiale Apollon 11: 

Campagne diffusée lors de la 68e édition du festival de Cannes en 2015 :

Ikea : La branche canadienne a souvent réussi à conquérir le cœur du grand public. Cette dernière mise également sur le newsjacking pour augmenter son capital sympathie. Sa communication digitale mise sur un visuel minimaliste mais efficace qui engendre souvent des milliers d’intéractions à travers le monde et des centaines de partages et reprises média.

Campagne diffusée à l’annonce du mariage du Prince Harry avec  Meghan Markle en 2018 : 

Campagne réagissant à l’image virale du sénateur américain Bernie Sanders :

Burger King : Pour conclure cette série d’exemples, il semblait indispensable d’évoquer le géant du Whopper. Connu pour son retour et ses campagnes de communications originales, c’est sans surprise que BK s’empare, à son tour, du newsjacking. 

Campagne réagissant à l’annonce de l’éclipse solaire au Canada le 8 avril dernier : 

Campagne diffusée lors du confinement de 2020 :

Le newsjacking, pratique déjà bien comprise par un certain nombres de marques semble donc être la technique idéale pour séduire son public sur un air enfantin ! Quoi de mieux que l’humour pour être convaincant et convaincu. Attention tout de même à ne pas se louper au risque d’être mis de côté. 

Originalité et créativité, nous avons hâte de voir ce que nous réserve les marques pour l’Euro et les JO de Paris 2024 !

Sources : 

Marketing, E. (2022, September 15). Newsjacking : qu’est-ce que c’est ? [Définition, marketing et exemples]. E-marketing.fr. 

Dorle, R. (2023, May 20). Stratégies de newsjacking : conquérir l’actualité pour un marketing efficace. Journal du Net

Sitew. (s. d.). Comment développer son entreprise en ligne avec le newsjacking ? Sitew.

Gripich, M. (2019). Newsjacking as a tool of influence on the image of a company in social networks. Zaporizhzhia National University. 

Lily Madura

Le tourisme photographique – Comment Instagram a transformé le voyage et les sites touristiques

Voyage-t-on pour prendre des photos ? Dans une étude de 2011 portant sur l’expression de soi à travers le tourisme et la photographie, Russel Belk et Joyce Yeh font remarquer que la courbe de croissance du tourisme mondial est sensiblement similaire au développement et à la démocratisation des appareils photo. Corrélation rapide, certes, étant donné que ces deux courbes sont liées à une période de développement économique important, mais il n’en est pas moins que l’on place l’appareil photo en bandoulière au même niveau que le guide du routard lorsqu’il s’agit de se représenter les immanquables du touriste, toute destination confondue. Aujourd’hui, les optiques de smartphone n’ont plus rien à envier aux appareils reflex plus encombrants, et il n’y a plus grand monde qui ne s’improvise photographe en tout temps, que ce soit dans la vie de tous les jours ou, et c’est d’autant plus marqué, en voyage.

Faire de la photographie un enjeu de distinction sociale. C’est ainsi que s’est positionné le réseau social Instagram, qui réunit aujourd’hui plus de deux milliards d’utilisateurs mensuels (We Are Social), et ce développement sans précédent (création d’Instagram : 2010) a profondément réformé en moins de 10 ans un certain nombre de secteurs, dont le tourisme. Nous allons explorer dans cet article comment les codes de succès sur ce réseau social et ses mécanismes algorithmiques influencent les comportement des touristes et comment les acteurs du secteur doivent aujourd’hui s’adapter pour devenir, ou rester, « Instagrammables » (mot rentré dans le Larousse).

L’omniprésence de l’egocasting

Concaténation de « ego », le soi, la personnalité, et « cast », diffuser en anglais, la notion d’egocasting désigne le fait de s’exposer, de mettre en avant son image et sa personnalité sur un réseau social, qu’il soit en ligne ou non. Si la télévision a permis de faire apparaître cette notion, dans une mesure limitée du fait de la difficulté d’y apparaître pour le citoyen moyen, c’est bien internet, avec les blogs dans un premier temps mais surtout avec les réseaux sociaux, qui l’a poussé jusqu’à devenir la norme. Dans une étude publiée en novembre 2015 intitulée L’égocasting sur Instagram : la génération Y à la découverte du monde, Geneviève Cassan étudie ce phénomène appliqué au tourisme. Elle montre que le voyage est l’un des facteurs importants d’expression de soi à travers Instagram, c’est l’une des manières les plus efficaces de se mettre en valeur. Si bien que le caractère « instagrammable » d’une destination devient un critère de choix majeur, plus que les avis des agences de voyage ou des guides touristiques réputés. En 2019, 42 % des voyageurs français prenaient cette notion d’« instagrammabilité » comme principale orientation vers une destination (One Poll). Et ce pourcentage est loin de diminuer avec le temps. L’objectif du voyage devient les photos qu’on y prend et qu’on pourra publier. 

Mais que recherchent les utilisateurs en publiant ainsi ? On connaît bien les divers mécanismes psychologiques qui expliquent l’entrain qu’ont les utilisateurs à générer de l’engagement, des commentaires, des likes et à augmenter leur nombre de followers. La photographie de voyage est particulièrement efficace dans cette optique car elle permet de se démarquer. Pour la majorité des utilisateurs, les gens qui les suivent sont des gens qui font partie de près ou de loin de leurs cercles sociaux, et donc qui vivent plus ou moins proche d’eux, qui ont un mode de vie assez similaire. Voyager, c’est sortir de ce quotidien et proposer à ces cercles sociaux des photos qui sortent de l’ordinaire et sur lesquelles les followers vont s’arrêter, liker et commenter. L’un des effets recherchés est de susciter la jalousie, ce qui augmente l’estime de soi. Il n’est pas rare de trouver sous des photos de voyage des  commentaires du style « j’aimerais trop être à ta place » ou « tu as de la chance ».

Montrer que l’on voyage donc, mais en s’y mettant en scène. En tapant « #voyage » sur la barre de recherche d’Instagram, on se rend compte qu’une grande partie des images de voyage publiées sont des photos où les gens se prennent en photo, ce qui a pour effet de rendre l’image plus inédite mais aussi de se mettre en valeur, plutôt que de poster une image avec un paysage vierge.

L’optimisation d’Instagram autour de l’egocasting

En termes de construction algorithmique et d’expérience utilisateur, Instagram est bien en adéquation avec ce phénomène d’egocasting. Les codes de ce réseau social ont convergé vers un modèle où toutes les photos doivent être très qualitatives, travaillées, retouchées pour être mises en avant et likées par un maximum d’utilisateurs. Dans cette optique, Instagram a développé et mis à disposition des filtres et des options de retouche simples d’utilisation et qui n’ont rien à envier à des logiciels de retouche professionnelle.

La construction du mur Instagram exploite également très bien l’objectif des utilisateurs de faire de leur profil une véritable galerie permettant d’afficher publiquement les accomplissements touristiques. Une galerie qui, dans de nombreux cas, pourrait être qualifiée de galerie d’art. Dans Staging tourism : tourists as performers, 2000, Tim Edensor voit dans l’expérience touristique une performance artistique dont le voyageur est le créateur et à travers lequel il cherche à exprimer certaines émotions et aspects de sa personnalité qu’il transmet grâce à la photographie de voyage. Le mur instagram, c’est une expression de sa personnalité, avec travers des photos que l’on cherche à rendre dinstinctives et donc très souvent des photos de voyage. On y retrouve d’ailleurs assez facilement les goûts de l’utlisateur. Casse cou, amateur de sensations fortes ou au contraire de détente devant de beaux paysages. Amateur de cuisine, de culture locale, de rencontres inédites, chacun met en avant ce qu’il considère être valorisant parce que cet élément précis reflète une partie de sa personnalité, ou alors de la personnalité qu’il cherche à se donner, la personnalité de son identité numérique.

En 2003, le magazine britannique Geographical présentait un article affirmant qu’il fallait désormais impérativement prendre les choses en photo pour les rendre vraies et que celles-ci agiraient à titre de témoins de ce que l’individu a vécu. La galerie Instagram fait donc office de centre de stockage de souvenirs, de preuve de ce qu’on a vécu. Il n’est d’ailleurs plus si important d’avoir réellement vécu ces expériences, l’essentiel étant de les avoir en photo. Zeynep Arda en 2014 crée le concept de « non-événement » pour définir ce mécanisme qui consiste à se rendre à un endroit, par exemple un musée, pour s’y prendre en photo et repartir sans l’avoir visité. L’essentiel n’est plus de faire mais que les gens pensent qu’on l’ait fait.

L’adaptation des sites touristiques

Face à ces nouveaux enjeux, avoir une stratégie intagramo-centrée est crucial pour les sites touristiques. En explorant les articles de recommandations faites par des agences de marketing dans le tourisme, toutes citent l’importance de développer ses réseaux sociaux, de publier fréquemment des photos travaillées pour les rendre belles et attirantes. Mais en réalité, ce qui attire les touristes, ce n’est pas la qualité des comptes des destinations en question, mais la qualité du feedback apporté par les visiteurs actifs et influents sur ces réseaux. Pour un musée par exemple, l’enjeu n’est pas tant de travailler le compte propriétaire du musée mais plutôt de travailler le site même pour que les gens aient envie de s’y prendre en photo et de publier ces photos. C’est le positionnement qu’a pris le Manoir de Paris en ouvrant en juin 2020 la « Mad Dimension », un espace aménagé dans le but précis de prendre des photos et de les publier sur Instagram en taguant le lieu.

En faisant cela, les sites touristiques espèrent profiter du phénomène de viralité, bien connu par les utilisateurs des réseaux sociaux. Rendre une photo virale, c’est s’assurer d’un flot important de nouveaux visiteurs pendant un certain temps, qui voudront à leur tour prendre cette même photo pour montrer qu’ils ont été là. La créativité est de mise pour obtenir ce résultat. Par exemple, dans un petit village de pêcheurs quelques kilomètres au sud de Rio de Janeiro au Brésil appelé Guaratiba, une pierre disposée dans un angle particulier permet de prendre une photo qui donne l’impression d’être pendu dans le vide. Cette photo est devenue virale et attire aujourd’hui un grand nombre de touristes vers ce village qui a vu naître nombreux restaurants, hôtels et autres aménagements pour accueillir ces touristes. Ainsi, une simple photo « instagrammable » peut transformer un lieu en véritable destination touristique. C’est un enjeu important qui doit rentrer dans la conception même des lieux touristiques, au même titre que les aménagements d’accueil et de confort. 

Vianney d’Aboville

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