En quoi les plateformes de réseaux sociaux sont-elles en position de s’imposer dans le marché des Metaverse ? 

Après l’emploi du mot « NFT » dans le langage courant et son statut de mot de l’année 2021, les metaverse, concept popularisé par Meta, bousculent d’ores et déjà les codes de la communication numérique. Récemment Citi Bank a estimé à une valeur de marché entre 8000 et 13000 milliards de dollars d’ici 2030 l’économie des metaverse. Elle est en passe de révolutionner les usages et les interactions en combinant le monde physique et numérique. Bien que ses usages soient pour le moment limités, il n’est que peu risqué de projeter un développement important des applications et de l’adoption à l’avenir, là où le parallèle avec Internet des années 2000 semble évident.

Ainsi, quel regard ont les réseaux sociaux, sensibles aux tendances, sur cette nouvelle opportunité.

Les metaverses, des lieux propices au développement des réseaux sociaux

Pour le moment, les metaverses sont considérés comme un secteur de niche par rapport aux réseaux sociaux. Cela dit, cette innovation a le potentiel d’attirer des communautés d’utilisateurs, d’influenceurs, des marques et des annonceurs. De plus en plus d’évènements sont organisées dans des metaverse. Les participants n’étant limités que par leur connexion Internet et non par leur localisation. L’accès peut être facilement restreint aux détenteurs de NFT, ce qui permet de cibler davantage son audience et de la fidéliser au travers de produit exclusif.

Dernièrement, Samsung a dévoilé son dernier smartphone sur Decentraland (un des metaverse leader), offrant aux participants des NFT exclusifs. Ces événements permettent aux utilisateurs et aux marques de se rencontrer virtuellement et ce depuis le monde entier. 

Selon une étude menée par IZEA Research, 70 % des influenceurs voient les metaverses remplacer entièrement les réseaux sociaux, en prenant le contrôle des plateformes vidéo actuelles et en ouvrant de nouvelles possibilités : à la fois de revenus et de communication. 

Outre l’organisation d’événements, les influenceurs peuvent monétiser leur activité dans les metaverses de diverses manières et cherchent activement à le faire. Selon l’étude d’IZEA mentionnée ci-dessus, 51 % des influenceurs cherchent à créer un modèle de revenu en lien avec un metaverse et 21 % y gagnent déjà de l’argent.

“The metaverse is moving towards becoming the next generation of the internet or Web 3.”

Citi Bank

Les nouveaux outils de l’avenir des réseaux sociaux

En quelques années, les réseaux sociaux ont conquis des milliards d’adeptes et la communication numérique joue un rôle prépondérant dans notre société. Nous sommes désormais entourés de ces applications qui nous permettent de nous connecter les uns aux autres, de faire du shopping, lire, jouer, partager, etc…

Le rôle des plateformes à évoluer au fur et à mesure passant d’une solution simple de communication à un outil de diffusion, de vente et d’influence. Ainsi, les leaders de cette industrie sont en recherche perpétuelle d’innovation afin d’améliorer leur solution et attirer un public jeune, cœur de cible pour leur marché. Deux tendances principales ressortent sur ce vers quoi tend les réseaux sociaux :

1. La création d’expérience d’achat basée sur la réalité augmentée

Avec l’essor des solutions internes d’achat sur une série d’applications de réseaux sociaux populaires, la combinaison du social et du commerce est en cours de démocratisation.

Les réseaux sociaux souhaitent accélérer l’utilisation de la réalité augmentée afin de créer une nouvelle forme de contenu. Les entreprises pourront offrir à leurs clients une expérience différente en leur proposant de se familiariser avec un produit ou un service avant de l’acheter. Les frontières entre le monde virtuel et le monde réel s’estompent de plus en plus, faisant de la réalité augmentée un formidable outil à l’avenir pour les réseaux sociaux.

2. Une « événementialisation » des réseaux

Avec l’essor des techniques de diffusion de contenu, les réseaux sociaux et leurs utilisateurs tendent de plus en plus vers une « évènementialisation » du contenu. Ces évènements représentent un nouveau moyen de communication pour promouvoir une marque, une entreprise, des services et des produits. Par l’essor de créateur diffusant du contenu en direct mobilisant parfois plusieurs centaines de milliers de personnes, les réseaux sociaux sont devenus un espace de création de communauté et de partage d’expérience. Là où les premières versions de réseaux permettaient des échanges en petits groupes, désormais la place est à la création d’évènement et de contenu. Ainsi, grâce aux possibilités technologiques utilisées dans les metaverses, de plus en plus d’entreprises et de marques organisent des évènements tels que très récemment le Paris NFT Day simultanément au Palais Brongniart et dans Decentraland.

La nouvelle Creator Economy : un écosystème appartenant à la communauté

La promesse initiale d’Internet était d’être ouvert. Actuellement, une poignée d’entreprise gèrent les flux de données sociales de 3,5 milliards de personnes.

Le Web 3.0 est une réaction à la centralisation mise en place par le Web 2.0 qui représente un problème fondamental non seulement pour la technologie, mais aussi pour la société. L’idée globale du Web 3.0 est de construire un monde plus décentralisé. En l’absence d’autorité centrale et par le biais d’une gouvernance partagée, l’utilisation des données est contrôlée par les utilisateurs eux-mêmes.

Les réseaux sociaux fonctionnent sur un principe d’économie des plateformes centralisés. Le Web 3.0 introduit quant à lui un nouveau concept : l’économie de la propriété. Ainsi, les nouvelles plateformes sont gouvernées par la communauté d’utilisateur.

Evolution du WEB

Mais alors où en sont les réseaux sociaux avec l’adoption de cette technologie ?

Récemment, Meta a annoncé que 47% de commission serait prélevée sur les objets mis en vente sur la marketplace. Pourquoi est-ce problématique ? Car cela est une pratique du Web 2.0 et que cela est un véritable frein pour les Web 3.0 natifs, cœur de cible de demain.

Ces objets vendus par Meta seront en réalité des NFT pouvant être utilisés dans le metaverse pour différentes actions. Par cette décision, Meta expose sa logique purement commerciale à développer cette solution. Or, le Web 3.0 a une autre philosophie, une éthologie qui lui est propre, où le créateur est au centre de l’écosystème.

Alors que les jeunes ne sont déjà plus présents sur Facebook et quittent Instagram peu à peu, les plateformes Web 3.0 sont en train de s’imposer auprès des créateurs grâce à leur liberté d’action et leur modèle centré sur la Creator Economy.

Comparaisons des commissions des plateformes

Des plateformes telles que Sandbox et Decentraland sont les leaders du marché. Bon nombre d’entreprises et de marques internationales y ont d’ores et déjà acquis des parcelles et compte bien y développer à l’avenir des évènements, des lieux de rencontre, d’échanges, d’achat et de promotion.

« The fact that it is decentralised means that the people who use Decentraland own and govern it. »

Dave Carr, CCO Decentraland

La Creator Economy ne consiste plus seulement à apporter de la valeur aux plateformes. Il s’agit de nouvelles formes de relations directes : créateur – communauté. Là où les contenus des réseaux sociaux sont dans un espace fermé, les créateurs se tournent de plus en plus vers les plateformes Web 3.0 pour y diffuser du nouveau contenu et se créer une nouvelle audience.

Le 20 avril 2022 Coinbase a dévoilé sa markeplace NFT et cela restera dans les mémoires comme une date importante, à l’intersection des plateformes Creator Economy et Web 3.0.

Marketplace Coinbase NFT (©Cryptobullsbears)

Coinbase NFT aspire à aller au-delà d’un simple hub pour acheter et vendre des biens. En fait, son interface utilisateur ressemble beaucoup, osons-nous le dire, à un actuel réseau social. L’espace commentaire y est présent, le fil d’actualité, les recommandations, les likes etc…

Fort de ses 90 millions d’utilisateurs, Coinbase par cette décision stratégique, s’approprie les codes des réseaux sociaux et place ses pions pour devenir l’un des pionniers de l’économie sociale du Web 3.0 tournée vers le créateur.

Coinbase peut devenir Instagram plus rapidement qu’Instagram ne pourrait créer une marketplace NFT. La puissance de Coinbase ici est de créer une traction sociale pour se transformer en une super-application qui peut englober les NFT, entre autres.

Alors, pourquoi les réseaux sociaux actuels ne seront pas les leaders de demain ? Car les jeunes n’utilisent pas forcément ses applications obsolètes. Ils se tourneront vers l’application que leurs amis et pairs utiliseront. Coinbase montre alors des signes de réelle innovation de production et a su prendre conscience que le marché et la psychologie des utilisateurs est en train de changer. Les réseaux sociaux ont su porter l’économie du Web 2.0, désormais leurs codes semblent ne plus être en adéquation avec ce que propose le Web 3.0 avec la technologie blockchain et les metaverse.

Les pionniers d’aujourd’hui pourront être les leaders du Web 3.0 : l’avenir de l’internet décentralisé.

Alina Viatkina

Sources

Compréhension du marché :
Etude de Citi Bank sur l’avenir des metaverse :
Etude de Izea Research :
NFT mot de l’année 2022 selon le Collins Dictionnary :
Creator Economy :
Images :

Télévision et VR : un mariage heureux ?


Dans cette ère de transformation digitale, la télévision cherche sa place. Ses recettes publicitaires stagnent alors que les diffuseurs se multiplient et la génération Y s’en désintéresse. Si la télévision reste encore le média de masse par excellence, que son expertise en matière de production de contenus lui garantit encore sa valeur, la question est : pour combien de temps encore ?

Internet a fait émerger une concurrence protéiforme et donne le sentiment aux jeunes générations que le poste de télévision est devenu un format poussiéreux. Comment rivaliser avec Youtube qui prône les UGC (users generated content) ? Comment donner du sens à la linéarisation des programmes quand le public s’habitue à l’ATAWAD (AnyTime, AnyWhere, AnyDevice), fortement aidée par les OTT ? Comment convaincre le téléspectateur de continuer à regarder un écran au milieu du salon dans un univers multi-devices ? Certains l’affirment haut et fort : la télévision est morte. Je ne le crois pas.

Le secteur télévisuel doit changer, c’est certain. C’est souvent la conséquence de l’apparition d’un nouveau média sur les anciens pour que ces derniers ne disparaissent pas. C’est d’ailleurs ce qu’elle fait. Les grands groupes audiovisuels français développent leur stratégie numérique : catch up TV, transmédia, départements « nouvelles écritures », etc. Or, pour les raisons citées plus haut, l’incursion dans le numérique est difficile et une monétisation de ses contenus encore peu satisfaisante. Pourtant, il y a des motifs d’espoir. Le premier est qu’Internet aura confirmé l’intérêt phénoménal des utilisateurs pour les contenus : la vidéo est partout. Cela tombe bien, c’est le cœur de métier de la télévision. L’autre bonne nouvelle est le développement des technologies et les nouveaux modes de diffusion. Le dernier MIPTV l’aura bien compris et, parmi d’autres choses, la VR a tenu une place importante.

On définit communément la réalité virtuelle comme étant une technologie capable de projeter un individu dans un monde conçu numériquement. Les gamers en ont déjà fait l’expérience et elle semble convaincre. Mais la réalité virtuelle ne sera pas réservée qu’aux jeux vidéo, toutes les industries ont à y gagner, en premier lieu les diffuseurs. Alors, Télévision et VR : mariage heureux à venir ? Si les perspectives sautent aux yeux des parties prenantes, encore faudra-t-il réussir à lever les obstacles d’une technologie… vieille de plus de 20 ans déjà.

 

D’intéressantes perspectives pour les diffuseurs et annonceurs…

L’Internet c’est la transformation des usages. Le public est passé de la passivité à l’interactivité, de la masse à l’individualisation. Aujourd’hui, l’individu a pris une place centrale, pour les marques, pour le marketing. Pourquoi la VR semble-t-elle si intéressante ? Je vais citer Eric Scherer, directeur de la prospective chez France Télévisions, qui résume ainsi les choses : la VR est « un média qui coche toutes les cases de l’époque : interactivité, personnalisation, mobilité, immersion ».

C’est avant tout la promesse de nouveaux contenus : nouvelles formes, nouvelles expériences. La plupart des genres télévisuels semblent adaptés à emprunter ces nouveaux codes. Du côté des programmes de stock (information, divertissements, etc.), une forte interaction devient désormais possible. Les jeux, par exemple, restent une valeur sûre pour les chaînes et ont, de tout temps, cherché à impliquer l’audience dans ceux-ci (appels, votes, questions, etc.). La VR rendrait alors possible une participation en bonne du forme du téléspectateur de chez lui, et non plus restreint à groupe de candidats. Peut-on imaginer un jeu d’envergure national, voir international, avec un nombre de participants conséquents ?

Du côté du stock, on pense en premier lieu à la fiction. La VR aura, tel un jeu vidéo, la capacité de projeter l’individu dans l’histoire, de lui donner un rôle. Certains broadcasters, à l’image de Showcase avec la websérie Halcyon, emprunte déjà ce chemin. Autrement dit, ce serait l’apparition d’une narration innovante qui garantirait un engagement total de la part du « VRspectateur » . En outre, le documentaire est un genre particulièrement friand des expérimentations, avec l’exemple de Arte qui s’est émancipé du petit écran avec le projet The Enemy, au budget conséquent (1,6 millions d’euros), exclusivement conçu pour la réalité virtuelle. Couplé à son expertise en matière de production, la VR est bel et bien une voie crédible pour la télévision et l’exploitation de nouveaux formats éditorialisés.

Aussi La VR n’exclut pas la convivialité. Bien au contraire, le social prendrait là encore une nouvelle dimension : on pourrait partager – vivre – un contenu en temps réel, une histoire en commun, ou même tout simplement regarder un format dans un univers virtuel à plusieurs. Une télévision plus sociable est une aubaine pour les annonceurs. Souvent une « purge d’audience », la coupure publicitaire pourrait trouver ici un nouvel élan et interagir avec l’audience. Là aussi, fin à la passivité, une publicité par exemple « gamifiée » mais surtout personnalisée pourra continuer d’éveiller l’intérêt de l’individu en l’immergeant dans l’univers de la marque.

 

mais de nombreux défis restent à relever

Les perspectives offertes par la VR semblent révolutionnaires. Par ailleurs, selon certains analystes financiers, le marché de la réalité virtuelle est promis à un avenir radieux : il devrait dépasser celui de la télévision d’ici 2025. Cependant, en ce qui concerne le secteur audiovisuel, s’il n’est pas à douter de la plus-value apportée en matière de consommation de contenus, certaines barrières actuelles seront nécessairement à dépasser si la télévision veut voir en la VR un avenir, cela à plusieurs niveaux.

On peut considérer dans un premier temps un facteur psychologique. Souvenez-vous, en 2010, la révolution 3D qui accompagnait les salles de cinéma était aussi promise à nos téléviseurs. Les grands constructeurs, à l’image de Samsung ou bien encore LG, se sont empressés de proposer un gamme de télévision 3D. Une fois l’effet de curiosité passé, cette technologie a vite décliné. Peu y ont adhéré, les diffuseurs en premier lieu. Mais surtout, les téléspectateurs ont tout simplement rechigné à devoir porter un dispositif. C’est contraignant. Or, la VR suppose nécessairement un dispositif pour pouvoir en profiter. Si les hardcore gamers semblent apprécier la VR pour jouer, en sera-t-il de même pour le téléspectateur lambda ? Aujourd’hui les casques sont massifs, encombrants et isolent physiquement. De plus, une immersion intégrale, plus tactile, va imposer davantage d’accessoires qu’un simple casque… L’objectif pour la VR sera de se rendre la moins invasive possible pour ne pas freiner les utilisateurs.

Au niveau marketing aussi : comment réussir à « montrer » cette technologie ? C’est un véritable défi auquel les constructeurs devront répondre. En effet, comment inciter à consommer une technologie que seule son utilisation permettra d’évaluer ? L’immersion offerte par la VR ne peut être retranscrite dans une publicité, aussi bien offline ou online, elle sera donc difficile à vendre.

La conception des contenus est l’autre aspect crucial. Dans l’histoire des médias, une même logique s’est à chaque fois répétée : quand un nouveau médium apparaît, il a tendance à exploiter les contenus des anciens médias dans un premier temps. Par exemple, lorsque la télévision est apparue, elle diffusait au départ des bulletins radiophoniques. Il est donc vital que les formats prévus pour la VR soient pensés pour celle-ci et ne pas se contenter  d’y « pousser » la télévision traditionnelle. De même, le défi narratif est énorme : comment raconter une histoire si l’on ignore par avance le comportement de l’individu (que regardera-t-il ? Ou s’orientera-t-il ? ) : comment le guider dans un environnement 360° ? Si la VR est une opportunité pour tous conteurs (la promesse d’une véritable immersion), encore frauda-t-il en assurer une certaine cohérence.

Enfin, ce sont aussi les conditions de production qui s’en trouveront impactées. Réaliser un programme TV, qu’il soit de flux ou de stock, reviendra de plus en plus à le penser comme un jeu vidéo. De nouveaux métiers seront à considérer pour tourner une fiction ou un divertissement : des développeurs, des ingénieurs, etc. En voit-on aujourd’hui dans les devis des producteurs ? Non bien sûr. Il va falloir s’attendre à une explosion des coûts de production, un investissement qui dépendra du taux d’adoption de cette technologie.

 

Conclusion

La VR est une technologie prometteuse, au cœur de nombreux intérêts aujourd’hui. Si elle semble dépasser le simple effet de mode, son adoption concrète par l’industrie audiovisuelle est loin d’être acquise. Mais les chaînes affichent une volonté certaine de creuser la question, ce qui est déjà un bon signe.

En creux, cela signifie surtout que la télévision, en l’état actuel, a un besoin urgent de se renouveler pour reconquérir un jeune public. La VR est-elle l’ultime solution ? Difficile à affirmer mais les nouvelles technologies doivent être au cœur de la réflexion des chaînes.

 

Benjamin Mollié

 

 

Quitter la version mobile