Les Médias Sociaux : lanceurs d’alerte ou méfiance ?

A l’ère du numérique, 58% de la population mondiale utilise les médias sociaux dont 46% sont des femmes. Faisant désormais partie intégrante de nos vies, ces derniers ne sont pas sans impact sur notre société. Il suffirait de citer LinkedIn pour l’accès au marché de l’emploi ou encore Instagram pour la monétisation des influenceurs pour comprendre les enjeux liés à ces médias. Concernant Instagram, il s’agit à l’origine d’un service de partage de photos et de vidéos avec ses « followers ». En 2015, 41% des utilisateurs avaient entre 16 et 24 ans. D’après les derniers chiffres Hootsuite 2021, 70% des utilisateurs actifs mensuels ont moins de 34 ans. Le média social est également devenu le théâtre de mouvements contestataires, comme les photos de profil bleu pour soutenir les Ouïghours lancé par Glucksman.  Comme nous allons le voir, c’est également devenu le lieu de revendications salariales, et de dénonciations d’harcèlement ou de comportements sexistes.

                Il s’agit notamment du cas de Chloé[1], salariée dans une entreprise de communication. Extenuée par des blagues sexistes et par un management dégradant, elle écrit un message au compte « BalanceTonAgency ». Le lendemain, en arrivant au travail, tout le monde en discute. L’entreprise s’inquiète et le top management se réunit. Un peu plus tard, des mesures sont prises pour les salariés, contre le harcèlement ou encore pour sensibiliser. Il s’agit d’un exemple, mais il en existe des milliers d’autres. Comme Chloé, de nombreuses personnes se sont plaintes de comportements sexistes notamment. Le phénomène a pris une ampleur inespérée.

Balance ton Agency : D’un compte Instagram à la réalité 

Créée en Septembre 2020 par une femme sortie de l’anonymat depuis peu, ce compte a très vite été propulsé dans le milieu de la communication et de la publicité. Le but est de dénoncer le harcèlement moral et sexuel vécu dans les agences de ce milieu. Et pour se faire, rien de mieux qu’Instagram. Dès Octobre 2020, plusieurs témoignages sont arrivés contre l’un des grands patrons, aussi président de l’Association des Agences-conseils en Communication. Après une réunion de crise avec tous les grands patrons du milieu, il démissionne face à des accusations accablantes. Depuis, le compte culmine désormais plus de 380K followers sur Instagram, obligeant les organisations à changer leurs méthodes.

« Tu ferais mieux de bosser au lieu de te pavaner dans les couloirs avec tes talons », « Tu es jolie aujourd’hui, on a envie de te sodomiser. » Ce sont le type de comportement dénoncé sur ce compte. Avec l’ampleur qu’il a pris, les organisations ont dû réagir, et changer. Ce compte exacerbe l’échec des ressources humaines dans les agences, là pour défendre les intérêts de l’agence et non aider le salarié. Les problèmes de harcèlement venant essentiellement du top management, il est difficile pour un employé de s’en plaindre en interne. Mais la norme change. Le futur président de l’AACC a produit une lettre d’engagement, puis a proposé différentes initiatives pour lutter contre le sexisme au travail.  Ce compte a notamment permis de mettre en place différentes enquêtes internes et procès aux prud’hommes. Il a même entraîné la démission de Julien Casiro le patron de Braaxe accusé d’avoir eu des comportements hautement inappropriés au travail. D’autres organisations ont pris des mesures en interne, licenciement, mise en place d’une cellule d’écoute, intérêt accru porté sur les employés, sensibilisation aux harcèlements. Mais tout cela a un coût, la créatrice de ce compte est elle-même poursuivie en justice par trois entreprises pour diffamation : Cimaya, Comfluence et Braaxe. Néanmoins, il semblerait que le monde de la publicité ne soit pas la seule victime de ce type de management.

Des pratiques dénoncées dans d’autres cadres : BalancetonBar, BalancetaStartup, etc.

                Il suffit de taper « Balanceta… » pour s’apercevoir de l’ampleur du phénomène. Des dizaines de comptes dénoncent des comportements dérangeants dans tous les secteurs. Parmi eux, deux sont de plus en plus connus : Balance ton bar et Balance ta Startup.

Ce dernier connait un succès malheureusement fulgurant : plus de 180K followers sur Instagram en un an.

Le principe est le même : libérer la parole dans l’écosystème de startups. Quelques-unes des start-ups épinglées : Chefin, Qapa, Side, Meero, Lydia, Swile, Doctolib, ou encore Lou Yetu. Quelques années auparavant, un article de blog écrit par une ancienne salariée d’Uber avait provoqué la démission et le changement de tout le top management d’Uber. Désormais, les salariés ont le pouvoir de ternir l’image de l’entreprise si cela ne leur plait pas. Ce compte souligne également le manque de mixité présent dans ce milieu. Les femmes sont beaucoup moins nombreuses dans les milieux de la Tech, et du numérique. 59,9% des femmes dans la Tech déclarent avoir fait l’expérience de harcèlement sexuel au travail ou connaitre quelqu’un qui en a fait l’expérience (rapport State of Startups 2018). Néanmoins, il est vrai que les salariés ont des attentes plus grandes envers des startups que des grands groupes. La philosophie et l’écosystème qui viennent avec le mot « start-up » engendre un rêve, une attente supérieure à celle d’un poste dans une boite du CAC 40. Ainsi, un type de management sera plus à même d’être critiqué dans ce microcosme que s’il est appliqué chez Renault. Pour finir, en phase d’hyper-croissance, le recrutement est quasi hebdomadaire et les soft skills ne sont pas toujours alignés avec les besoins. De surcroît, avec peu de diversité cela est une recette de dénonciation de la part des salariés.

Concernant Balance ton Bar, le but est radicalement différent. Avec un compte par grande ville, celui de Paris a 37K followers. Il publie des témoignages de personnes droguées dans des bars, pratique illicite qui persiste et se développe de plus en plus. « Un serveur m’a droguée le soir où on a gagné la Coupe du monde», «Je ne pouvais plus marcher, plus parler», «Je me suis réveillée chez moi avec trois préservatifs usagés autour de moi» sont des témoignages lisibles sur le compte. La procureure de Paris a même annoncé ouvrir une procédure judiciaire à la suite de plusieurs plaintes et témoignages. Ce compte souhaite faire basculer la honte de l’autre côté : ce n’est pas la faute des femmes d’avoir été inadvertants, mais du bar de ne pas s’occuper de sa clientèle et parfois même d’être complice de ces pratiques.

Le libre arbitre remit en cause ?

Tous ces témoignages, à l’aube de #Metoo, posent une réelle question philosophie. Le libre arbitre, cette faculté de penser par soi-même, est-elle en danger ? Comme nous pouvons le lire ci et là, ce « tribunal populaire » fait fi des institutions, condamne publiquement sans même passer par la justice, et dénonce de manière anonyme. Est-ce dont ça, la société de demain interconnectée ? Dans le cas de BalancetonAgency, seule 5 témoignages suffisent à l’écriture d’un post. Cela peut poser des questions déontologiques, puisqu’il est très facile de trouver cinq collègues pour dénoncer un manager. Concernant BalanceTaStartUp, dénonciations ou calomnies, ces paroles pourraient être manipulées par des concurrents bien contents d’étriper un rival devenu gênant. La créatrice de BTA souhaite qu’il existe des façons de faire plus légales, plus encadrées, et que les moyens mis en place ainsi que la justice ne sont pas de leur côté. Les réseaux sociaux permettent donc de redonner du pouvoir à ceux qui n’avaient plus de voix, mais malheureusement certains excès et/ou faux témoignages peuvent ternir cette belle initiative.

A titre d’exemple, une jeune femme s’est récemment exprimée concernant une expérience de viol vécue dans un hôtel Resort au Zanzibar (présent ici). Face aux accusations accablantes, des milliers d’internautes se sont précipités sur la page de l’hôtel pour diminuer le rating, passant de 4,4 à 1,3. Le lendemain, une fois la tempête des réseaux sociaux passée, la note est revenue à 4,4 et tous les témoignages ont été supprimés. Dans ce cas comme dans les précédents, la question est la même : Les réseaux sociaux doivent-ils jouer un rôle de lanceur d’alerte, chamboulant ainsi le système actuel, ou seulement la justice peut donner raison ou tort aux individus ?

Ewen MARGUET


[1] Chloé est un pseudonyme choisi dans le cadre de notre article

Source:

https://start.lesechos.fr/societe/engagement-societal/exclusif-balance-ton-agency-sort-de-lanonymat-anne-boistard-se-confie-1348679

https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/vie-entreprise/harcelement-au-travail-5-conseils-pour-reagir-1348130

https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/balance-ton-agency-crise-changement

https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/management-toxique-startups

https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/balance-ton-bar-une-enquete-ouverte-pour-viol-a-nancy-apres-un-temoignage-anonyme_4937267.html

La (re)conquête de Twitter par Eric Zemmour

66%. C’est la part des jeunes qui s’informent en premier lieu sur Internet aujourd’hui. Et c’est même un tiers des Français qui sont concernés par cette tendance. Sur ces internautes, 20% s’informent d’abord via les réseaux sociaux selon le baromètre annuel Kantar Public Onepoint pour La Croix[1]. Et pourtant, les réseaux sociaux sont souvent blâmés pour leur manque d’objectivité et de véracité : ils ne représenteraient pas systématiquement la réalité et seraient sujets à de nombreux biais algorithmiques. Ces algorithmes développés en interne et souvent bien protégés par les géants du numérique ont été parfois critiqués pour un de leurs buts supposés premiers : susciter l’émotion pour pousser l’utilisateur à interagir. Il est ainsi aisé d’imaginer des effets de propagation dans les contenus mis en avant sur ces plateformes, demeurant par conséquent bien différents de ceux des médias traditionnels comme la télévision.

C’est dans ce contexte que nous allons nous intéresser à la campagne électorale de 2022 du candidat Éric Zemmour, et plus particulièrement à sa campagne sur le réseau social Twitter, en nous appuyant sur l’ouvrage Toxic Data de Davis Chavalarias, directeur de recherche à l’Institut des Systèmes Complexes du CNRS. Son livre pose la question suivante : les réseaux sociaux peuvent-ils influencer les votes ? Pour le démontrer, M. Chavalarias a utilisé un outil, le « politoscope », pour observer le militantisme en ligne. Ont été ainsi scrutés depuis 2017 plusieurs milliers de tweets issus des différentes communautés politiques et des médias pour mettre en lumière « plusieurs actions qui ont visé à déstabiliser les élections ou influencer le choix des électeurs [lors de la dernière présidentielle] »[2].

La première observation de cet ouvrage est l’amplification des discours anti-Macron et anti-Mélenchon favorisant ainsi la montée de l’extrême-droite et donc du parti d’Éric Zemmour « Reconquête ». David Chavalarias explique alors que cette action n’a pas été seulement menée par des Français mais également par des acteurs étrangers comme des sympathisants de l’ex-président américain Donald Trump aux Etats-Unis. Selon une étude menée par la société Twitter en 2021, « Algorithmic Amplification of Politics on Twitter », les partis politiques ne seraient en fait pas tous égaux sur les réseaux sociaux car les discours conservateurs demeureraient plus largement diffusés que les autres plus modérés. Cela semble même se vérifier dans la réalité puisqu’en France les comptes avec le plus d’influence sont ceux des extrêmes avec Eric Zemmour en tête devant Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon selon le magazine Challenges[3].

Ainsi, c’est sur cette donnée que les responsables de la communication du candidat Éric Zemmour ont notamment fait reposer sa campagne sur Twitter. En effet, une enquête récente du journal Le Monde[4] explique comment l’équipe du candidat a mis en place une stratégie « d’astroturfing ».

Reprenons. Selon Paul Conge, journaliste pour le magazine Marianne, « l’astroturfing est une manière de tromper les algorithmes en appelant quelques centaines ou milliers de personnes à relayer le même message en même temps afin qu’il remonte dans les tendances. Le procédé valorise ainsi massivement un candidat ou ses idées auprès de tous les autres utilisateurs du réseau social impliqué. ». Dérivée d’AstroTurf, une marque de moquette synthétique conçue pour ressembler à de l’herbe naturelle, cette technique remonte aux années 1980 aux Etats-Unis, lorsqu’un sénateur du Texas reçut de nombreux courriers de « citoyens » qui étaient en fait une campagne de lobbying d’une compagnie d’assurance. L’astroturfing peut également être utilisé pour diffuser des « fake news » et donc désorienter le débat public notamment lors d’élections. La stratégie consiste finalement à créer des tendances grâce au volume, dans la mesure où une centaine de personnes seulement suffisent pour imposer un débat public[5].

Revenons au cas d’Éric Zemmour. Une première observation qui peut être faite est que sa communauté Twitter a « la plus forte densité de liens internes, avec une moyenne de 7,28 connexions par membre » selon le politoscope de M. Chavalarias, ce qui signifie donc que l’information circule en vase clos. Cette observation peut cependant être trompeuse. Le parti Reconquête dispose de beaucoup de comptes « les […] avec Zemmour » pour toucher un maximum de personnes externes et ainsi souder un électorat potentiel. Pourtant, ces comptes créés récemment parlent en réalité davantage de grandes tendances et pas vraiment, si ce n’est pas du tout, de la profession qui les unit (Par exemple : « Les profs avec Zemmour » ont interagit sur des thèmes comme le Covid, le voile ou encore l’Islam).

D’autre part, beaucoup de thèmes ont été placés dans les « Tendances » sur Twitter (thèmes les plus abordés dans le pays dans un laps de temps relativement court) par le parti d’Éric Zemmour en 2021 : #lesfemmesaveczemmoour, #zemmourcandidat, etc. Cela semblait ainsi présenter un large mouvement de ralliement à M. Zemmour même lorsqu’il n’était pas en campagne officiellement.

Analysons plus précisément la montée du hashtag #lesfemmesaveczemmour. Tout commence le 4 novembre 2021 avec deux comptes qui publient 44 tweets avec une image et cet hashtag. S’en suivent alors beaucoup d’autres comptes avec d’autres tweets. A titre exemple, un des comptes a publié 150 visuels en 30 minutes. Par ailleurs, certains comptes publient les mêmes tweets simultanément. En fait, si l’on observe plusieurs comptes (Génération Z, etc.), il apparaît que plusieurs mêmes tweets ont été publiés dans le même ordre, et certains utilisateurs retweetaient – repartageaient – en masse, avec par exemple 297 retweets en douze minutes, ce qui semble difficilement réalisable sans programme informatique. Il est d’ailleurs très probable, selon David Chavalarias, qu’il y ait eu une utilisation de robots et de « fermes à contenus », site web de production de contenus de faible valeur avec pour seul objectif la génération d’interactions. En effet, publier 600 tweets par jour sur le même sujet semble peu « humain », même si cette supposition demeure difficilement démontrable à cause de la confidentialité des données de ce type de plateformes. Au total, David Chavalarias dénombre plus de 1300 campagnes d’astroturfing pour un seul compte en comptant les comptes qui avaient publiés le même message « pour faire croire que ce message-là étaient défendu par plusieurs personnes au même moment ». En fait, des soutiens officiels d’Éric Zemmour comme Samuel Lafont, responsable de la stratégie numérique d’Éric Zemmour, donnaient des directives comme par exemple : « mettez le hashtag #lesfemmesaveczemmour en tendance ». Samuel Lafont résume d’ailleurs la campagne qu’il a mené comme de la communication et non de l’astroturfing. Le hashtag apparaît dans les « tendances » ce qui le rend d’autant plus populaire. En effet, certains vont tweeter par désaccord, donnant paradoxalement de la visibilité à la tendance et d’autres, avec une plus faible audience, vont se manifester pour soutenir la tendance car cela les fait sortir de leur microcosme. Le biais est ainsi construit : si tout le monde pense pareil, cela doit forcément avoir de la légitimité. Mais en réalité, la moitié des tweets proviennent de seulement 17 comptes créés spécialement pour l’opération de gonflage du parti. Cette opération a ainsi été répétée par la suite avec d’autres hashtags.

Les responsables de la communication de Reconquête ne sont pas arrêtées là. En effet, il a été prouvé que des sites internet comme petition-permis-a-points.fr ou encore lesfemmesaveczemmour.fr ont été relayés via Twitter par des sympathisants d’Éric Zemmour[6].

Ces sites, sous forme de pétition, incitaient à entrer ses coordonnées, afin de constituer une base de données pour le parti politique. Des courriels ont par conséquent été envoyés par la suite aux personnes concernées pour récupérer de potentiels adhérents. Par ailleurs, selon Paul Conge, auteur du livre « Les grands remplacés », le parti a également recruté des militants, et plus précisément des jeunes, via, par exemple, le jeu vidéo Fortnite, en les conduisant dans des espaces de discussion privés[7]. L’univers du jeu vidéo a été utilisé car il touche des jeunes gens, parfois dans la solitude de leur écran, constituant donc une cible plus encline à être influencée.

En fin de compte, là où la loi française n’interdit pas de telles stratégies, il est interdit d’amplifier artificiellement un message selon le règlement de Twitter. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une centaine des comptes mentionnés jusqu’ici ont été suspendu sur le réseau social.

Selon Amnesty Internationale ou Reporter sans frontières, il existe des solutions pour se protéger de telles pratiques. Il faudrait, selon ces organisations, réguler les plateformes voire refonder leur modèle économique pour un accès égal à toutes les expressions, car l’espace public doit permettre une délibération non biaisée avec une diversité de points de vue. Selon Christophe Deloire, Directeur général de Reporters sans frontières, on ne peut pas déléguer à des entreprises aux intérêts privés l’organisation de l’espace public et nous devons donc inventer de nouvelles obligations juridiques dédiées à ces questions[8].

Nous pouvons tout de même espérer que certaines mesures du DSA (Digital Service Act) ainsi que la volonté du nouveau propriétaire de Twitter Elon Musk de lutter contre les « spam bots »[9] permettront d’endiguer ces vastes campagnes de tentatives de manipulation de l’opinion.

Cléa Desitter

En quoi les plateformes de réseaux sociaux sont-elles en position de s’imposer dans le marché des Metaverse ? 

Après l’emploi du mot « NFT » dans le langage courant et son statut de mot de l’année 2021, les metaverse, concept popularisé par Meta, bousculent d’ores et déjà les codes de la communication numérique. Récemment Citi Bank a estimé à une valeur de marché entre 8000 et 13000 milliards de dollars d’ici 2030 l’économie des metaverse. Elle est en passe de révolutionner les usages et les interactions en combinant le monde physique et numérique. Bien que ses usages soient pour le moment limités, il n’est que peu risqué de projeter un développement important des applications et de l’adoption à l’avenir, là où le parallèle avec Internet des années 2000 semble évident.

Ainsi, quel regard ont les réseaux sociaux, sensibles aux tendances, sur cette nouvelle opportunité.

Les metaverses, des lieux propices au développement des réseaux sociaux

Pour le moment, les metaverses sont considérés comme un secteur de niche par rapport aux réseaux sociaux. Cela dit, cette innovation a le potentiel d’attirer des communautés d’utilisateurs, d’influenceurs, des marques et des annonceurs. De plus en plus d’évènements sont organisées dans des metaverse. Les participants n’étant limités que par leur connexion Internet et non par leur localisation. L’accès peut être facilement restreint aux détenteurs de NFT, ce qui permet de cibler davantage son audience et de la fidéliser au travers de produit exclusif.

Dernièrement, Samsung a dévoilé son dernier smartphone sur Decentraland (un des metaverse leader), offrant aux participants des NFT exclusifs. Ces événements permettent aux utilisateurs et aux marques de se rencontrer virtuellement et ce depuis le monde entier. 

Selon une étude menée par IZEA Research, 70 % des influenceurs voient les metaverses remplacer entièrement les réseaux sociaux, en prenant le contrôle des plateformes vidéo actuelles et en ouvrant de nouvelles possibilités : à la fois de revenus et de communication. 

Outre l’organisation d’événements, les influenceurs peuvent monétiser leur activité dans les metaverses de diverses manières et cherchent activement à le faire. Selon l’étude d’IZEA mentionnée ci-dessus, 51 % des influenceurs cherchent à créer un modèle de revenu en lien avec un metaverse et 21 % y gagnent déjà de l’argent.

“The metaverse is moving towards becoming the next generation of the internet or Web 3.”

Citi Bank

Les nouveaux outils de l’avenir des réseaux sociaux

En quelques années, les réseaux sociaux ont conquis des milliards d’adeptes et la communication numérique joue un rôle prépondérant dans notre société. Nous sommes désormais entourés de ces applications qui nous permettent de nous connecter les uns aux autres, de faire du shopping, lire, jouer, partager, etc…

Le rôle des plateformes à évoluer au fur et à mesure passant d’une solution simple de communication à un outil de diffusion, de vente et d’influence. Ainsi, les leaders de cette industrie sont en recherche perpétuelle d’innovation afin d’améliorer leur solution et attirer un public jeune, cœur de cible pour leur marché. Deux tendances principales ressortent sur ce vers quoi tend les réseaux sociaux :

1. La création d’expérience d’achat basée sur la réalité augmentée

Avec l’essor des solutions internes d’achat sur une série d’applications de réseaux sociaux populaires, la combinaison du social et du commerce est en cours de démocratisation.

Les réseaux sociaux souhaitent accélérer l’utilisation de la réalité augmentée afin de créer une nouvelle forme de contenu. Les entreprises pourront offrir à leurs clients une expérience différente en leur proposant de se familiariser avec un produit ou un service avant de l’acheter. Les frontières entre le monde virtuel et le monde réel s’estompent de plus en plus, faisant de la réalité augmentée un formidable outil à l’avenir pour les réseaux sociaux.

2. Une « événementialisation » des réseaux

Avec l’essor des techniques de diffusion de contenu, les réseaux sociaux et leurs utilisateurs tendent de plus en plus vers une « évènementialisation » du contenu. Ces évènements représentent un nouveau moyen de communication pour promouvoir une marque, une entreprise, des services et des produits. Par l’essor de créateur diffusant du contenu en direct mobilisant parfois plusieurs centaines de milliers de personnes, les réseaux sociaux sont devenus un espace de création de communauté et de partage d’expérience. Là où les premières versions de réseaux permettaient des échanges en petits groupes, désormais la place est à la création d’évènement et de contenu. Ainsi, grâce aux possibilités technologiques utilisées dans les metaverses, de plus en plus d’entreprises et de marques organisent des évènements tels que très récemment le Paris NFT Day simultanément au Palais Brongniart et dans Decentraland.

La nouvelle Creator Economy : un écosystème appartenant à la communauté

La promesse initiale d’Internet était d’être ouvert. Actuellement, une poignée d’entreprise gèrent les flux de données sociales de 3,5 milliards de personnes.

Le Web 3.0 est une réaction à la centralisation mise en place par le Web 2.0 qui représente un problème fondamental non seulement pour la technologie, mais aussi pour la société. L’idée globale du Web 3.0 est de construire un monde plus décentralisé. En l’absence d’autorité centrale et par le biais d’une gouvernance partagée, l’utilisation des données est contrôlée par les utilisateurs eux-mêmes.

Les réseaux sociaux fonctionnent sur un principe d’économie des plateformes centralisés. Le Web 3.0 introduit quant à lui un nouveau concept : l’économie de la propriété. Ainsi, les nouvelles plateformes sont gouvernées par la communauté d’utilisateur.

Evolution du WEB

Mais alors où en sont les réseaux sociaux avec l’adoption de cette technologie ?

Récemment, Meta a annoncé que 47% de commission serait prélevée sur les objets mis en vente sur la marketplace. Pourquoi est-ce problématique ? Car cela est une pratique du Web 2.0 et que cela est un véritable frein pour les Web 3.0 natifs, cœur de cible de demain.

Ces objets vendus par Meta seront en réalité des NFT pouvant être utilisés dans le metaverse pour différentes actions. Par cette décision, Meta expose sa logique purement commerciale à développer cette solution. Or, le Web 3.0 a une autre philosophie, une éthologie qui lui est propre, où le créateur est au centre de l’écosystème.

Alors que les jeunes ne sont déjà plus présents sur Facebook et quittent Instagram peu à peu, les plateformes Web 3.0 sont en train de s’imposer auprès des créateurs grâce à leur liberté d’action et leur modèle centré sur la Creator Economy.

Comparaisons des commissions des plateformes

Des plateformes telles que Sandbox et Decentraland sont les leaders du marché. Bon nombre d’entreprises et de marques internationales y ont d’ores et déjà acquis des parcelles et compte bien y développer à l’avenir des évènements, des lieux de rencontre, d’échanges, d’achat et de promotion.

« The fact that it is decentralised means that the people who use Decentraland own and govern it. »

Dave Carr, CCO Decentraland

La Creator Economy ne consiste plus seulement à apporter de la valeur aux plateformes. Il s’agit de nouvelles formes de relations directes : créateur – communauté. Là où les contenus des réseaux sociaux sont dans un espace fermé, les créateurs se tournent de plus en plus vers les plateformes Web 3.0 pour y diffuser du nouveau contenu et se créer une nouvelle audience.

Le 20 avril 2022 Coinbase a dévoilé sa markeplace NFT et cela restera dans les mémoires comme une date importante, à l’intersection des plateformes Creator Economy et Web 3.0.

Marketplace Coinbase NFT (©Cryptobullsbears)

Coinbase NFT aspire à aller au-delà d’un simple hub pour acheter et vendre des biens. En fait, son interface utilisateur ressemble beaucoup, osons-nous le dire, à un actuel réseau social. L’espace commentaire y est présent, le fil d’actualité, les recommandations, les likes etc…

Fort de ses 90 millions d’utilisateurs, Coinbase par cette décision stratégique, s’approprie les codes des réseaux sociaux et place ses pions pour devenir l’un des pionniers de l’économie sociale du Web 3.0 tournée vers le créateur.

Coinbase peut devenir Instagram plus rapidement qu’Instagram ne pourrait créer une marketplace NFT. La puissance de Coinbase ici est de créer une traction sociale pour se transformer en une super-application qui peut englober les NFT, entre autres.

Alors, pourquoi les réseaux sociaux actuels ne seront pas les leaders de demain ? Car les jeunes n’utilisent pas forcément ses applications obsolètes. Ils se tourneront vers l’application que leurs amis et pairs utiliseront. Coinbase montre alors des signes de réelle innovation de production et a su prendre conscience que le marché et la psychologie des utilisateurs est en train de changer. Les réseaux sociaux ont su porter l’économie du Web 2.0, désormais leurs codes semblent ne plus être en adéquation avec ce que propose le Web 3.0 avec la technologie blockchain et les metaverse.

Les pionniers d’aujourd’hui pourront être les leaders du Web 3.0 : l’avenir de l’internet décentralisé.

Alina Viatkina

Sources

Compréhension du marché :
Etude de Citi Bank sur l’avenir des metaverse :
Etude de Izea Research :
NFT mot de l’année 2022 selon le Collins Dictionnary :
Creator Economy :
Images :
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