AMAZON : LE NOUVEAU GÉANT DE LA PUB ?

 Actuellement, le marché français de la publicité online est accaparé par deux acteurs, que sont Google et Facebook. En effet, ces derniers captent près de 2/3 des investissements, mais plus pour longtemps… Un nouvel entrant est en train de bousculer la hiérarchie : il s’agit d’Amazon qui investit depuis deux ans dans une offre publicitaire baptisée Amazon Media Group. Ce dernier est déjà connecté aux principales places de marché : Google Adexchange, Appnexus, Rubicon Project…

Parviendra t-il à casser le duopole actuel ? 

Il faut savoir que la publicité d’Amazon se concentre sur des produits sponsorisés. Via Amazon Media Group, les annonceurs vont payer pour mettre en valeur leurs produits et accroître leur visibilité sur la plateforme. Concrètement, Amazon propose des bundles « media + data » (offre promotionnelle où un ensemble de produits complémentaires sont vendus ensemble par lot pour attirer les clients) aux agences. Le business model d’Amazon étant très orienté vers le commerce en ligne, Amazon s’efforce donc de créer des campagnes attractives qui renvoient vers l’espace commercial de l’annonceur au sein du site.

Des atouts indéniables

On le sait tous, la monétisation des données personnelles est désormais l’or noir du 21ème siècle, ce qui se vérifie avec les résultats de Google et de Facebook. Sur ce terrain, Amazon ne cache pas ses ambitions : avec près de 4,5 millions de visiteurs par jour et 10 à 21 millions par mois en France (source : Médiamétrie), Amazon est un siphon à data. 

Selon Gartner, l’entreprise a le potentiel nécessaire pour devenir un leader de la publicité numérique au même titre que Google et Facebook.

En fait, le modèle économique est très simple : le but est de récolter le plus d’informations personnelles sur les internautes afin de les revendre aux acteurs de la publicité, annonceurs et agences. Amazon aurait donc un double avantage concurrentiel avec les autres vendeurs d’espaces publicitaires : d’un côté une possession de data énorme, et de l’autre des clients vis-à-vis des marques qui achètent ces espaces publicitaires.

Ainsi, sa force réside dans toutes les informations qu’il détient sur ses clients : 40% des visiteurs d’Amazon sont des acheteurs, selon le PDG de Performics France. Or, cette data transactionnelle n’est pas possédée par Google et Facebook. 

Dès lors, les équipes commerciales travaillent ensemble à la création des clusters d’audience, en fonction de la cible visée. 

Par exemple : un annonceur qui cible les CSP+ pourra se concentrer sur les détenteurs d’American Express. 

Autre atout non négligeable, le programme de livraison « Premium » permet de « verrouiller » près de 4 millions de clients et de proposer aux annonceurs une data géolocalisée de qualité. La base de données d’Amazon serait segmentée à partir des adresses de livraison qu’il détient pour cibler des endroits particuliers (un quartier ou une zone précise de Paris). 

Concrètement, Amazon est prêt à payer chère une data transactionnelle qu’il est difficile de trouver ailleurs même si son coût est, de fait, plus élevé que celui de la donnée socio-démo standard.

Pour parler en chiffres, au cours du troisième trimestre 2018 clôturé fin octobre, Amazon a vu son chiffre d’affaires généré par la publicité exploser de +122% sur un an, passant de 1,1 milliard à 2,5 milliards de dollars. 

« Les annonceurs américains devraient dépenser 4,61 milliards de dollars sur Amazon au cours de l’année 2018 », (cabinet eMarketer). L’entreprise de Jeff Bezos obtiendrait alors une part de marché de 4,1% aux États-Unis, contre 20,6% pour Facebook et 37,1% pour Google.

Un modèle encore fragile pour le moment

Il a été dit plusieurs fois qu’Amazon était un des meilleurs dans le real-time bidding côté ROI, même s’il reste derrière Google AdWords et Facebook. 

Cependant, il est clair que le DSP (Demand Side Platform) d’Amazon laisse à désirer pour le moment puisque les « bugs » sont encore très présents. C’est sans doute la raison pour laquelle Amazon fait encore profil bas. En outre, les formats proposés sont encore très basiques, de la bannière display essentiellement, et la vidéo commence à être proposée en extension d’audience. Mais l’intégration aux deux principaux SSP (Sell Side Platform) vidéo du marché, Freewheel et Youtube, n’est pas encore proposée. 

D’importantes parts de marché vont être à prendre à mesure que les acteurs de la grande consommation vont basculer une partie de leurs investissements TV vers le digital. Ces derniers se tourneront sans doute naturellement vers une offre qui leur garantira un impact direct sur leurs ventes online. 

Microsoft et Oath Net dépassés pour la première fois

Si Amazon est encore un débutant dans la publicité en ligne, il se hisse à la troisième place, avec 4,15% de parts de marché, surpassant pour la première fois Microsoft (4,05%) et Oath Net (ex-Yahoo et AOL, désormais aux mains du groupe télécoms Verizon, 3,32%). En 2018, eMarketer prévoit que le groupe tirera 4,61 milliards de dollars de la publicité aux Etats-Unis.

Pourquoi un telle ascension ? Une raison plausible de ce constat serait que les consommateurs débutent de plus en plus leurs recherches de produits sur Amazon, plutôt que Google. Au deuxième trimestre, Amazon avait dégagé 2,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires dans la catégorie « autres ventes » qui recouvrent essentiellement les recettes publicitaires. 

Quelle réaction pour les grands distributeurs ?

Il y a une très forte tendance à se rapprocher des nouveaux concurrents : Wallmart et Carrefour pactisent avec Google, Carrefour avec Tencent, Auchan avec Alibaba, Monoprix avec Amazon… Leur objectif est d’apprendre à travers ces partenariats, mais les risques sont évidemment importants.

Quels sont-ils ? Tout d’abord, que Monoprix perde l’accès à la data, moteur du nouveau modèle vertueux du retail en s’associant à la market place d’Amazon. Que Carrefour et Wallmart offrent potentiellement à un futur concurrent (Google), l’opportunité de développer sa courbe d’expérience dans l’univers du retail. Enfin qu’Auchan prenne le risque de donner les clés de compréhension de nouveaux marchés cible pour Alibaba.

Ainsi, le rapprochement avec des acteurs moins menaçants (de type Criteo, par exemple sur le volet publicitaire) serait probablement une démarche moins risquée pour apprendre les nouveaux codes de ce secteur.

L’avenir d’Amazon : vers de la publicité sur les enceintes connectées ?

Il est clair qu’Amazon s’efforce de se diversifier notamment dans les formats publicitaires. Elle aurait d’ailleurs annoncé le lancement d’un service de streaming gratuit (avec publicité quand même), via sa filiale IMDb. 

Cette stratégie offrira donc une nouvelle voie pour les annonceurs. Un risque demeure encore puisqu’on sait tous qu’il y a peu de plateformes de streaming gratuites qui sont économiquement viables. 

Mais a priori M.Bezos sait ce qu’il fait : il choisit un format attractif (la vidéo) pour attirer le plus d’annonceurs. 

Un des prochains axes possibles de développement serait la publicité sur les enceintes connectées. Amazon a été pionnier en la matière, avec son modèle Echo sorti dès 2015 aux États-Unis. 

« Tous les acteurs réfléchissent à la manière d’intégrer de la publicité sur les enceintes connectées, mais le bon format reste à trouver en terme de durée, de non-intrusivité et de ciblage », explique Caroline Huet (NPA Conseil).

En somme, Amazon tente de s’intercaler entre les deux géants et il y arrivera doucement mais sûrement comme le pense Marcus Wohlsen quand il affirme que «Si Facebook sait qui sont vos amis, Google sait ce qui vous intéresse ponctuellement sur Internet, Amazon sait ce que vous avez acheté et a une bonne idée de ce que vous pourriez vouloir acheter ensuite».

L’avenir nous le dira…

Camille Desroches

SOURCES :

Data 1st party : Ce que les médias devraient apprendre des GAFA.

Dépasser ses first party data pour mieux vendre de la publicité.

En acquérant CCM Benchmark au mois d’octobre 2015, le Groupe Figaro avait pour objectif de devenir le groupe digital leader en France, en terme de visites d’une part, avec 24 millions de visiteurs uniques mensuels, et de data d’autre part, en diversifiant ses données 1st party. Son alliance avec l’éditeur de sites communautaires lui permet, en effet, de récupérer un autre type de données first party, comme les logs des internautes sur les forums. Une belle promesse publicitaire.

Le groupe, à l’instar des autres médias en presse et en télévision, a pris conscience d’une nécessité nouvelle : la  qualification véritable de son audience. Ainsi, avec le passage du média planning à l’audience planning, et la généralisation des DMP chez les annonceurs, ces derniers sont devenus exigeants. Les médias ont une promesse à tenir : une audience qualitative, et donc qualifiée. Exit les abus des premières heures de la publicité en ligne, pour le moins en apparence ; les éditeurs de contenu jurent avoir réglé les soucis de visibilité, de brand safety, et de fraude.

La combinaison de la data 1st et 3rd party : « connaître les inconnus ».

Internet a permis aux éditeurs de récolter de nouvelles données 1st party, plus précises, grâce aux web analytics : les données nominatives pour les utilisateurs loggés, les données comportementales pour tout visiteur (temps passé sur le site, durées d’écoute ou de lecture, moments de « décrochage » de lecture ou de visionnage, etc), la géolocalisation. Néanmoins, pour pouvoir vendre de la publicité ciblée, cette donnée 1st party de l’éditeur ne suffit plus car, si elle permet d’analyser le trafic et les comportement en ligne des internautes, le pourcentage de personnes loggées en presse écrite ou en radio reste très faible, ce qui ne permet pas de les identifier précisément. C’est notamment la raison pour laquelle les plateformes de catch-up TV de chaînes comme M6 ou TF1 obligent désormais leurs utilisateurs à se créer un compte afin de visionner des contenus.

Il a donc fallu enrichir ces profils avec de la data 3rd party, vendue ou louée par des acteurs tiers. Celle-ci apporte un autre type d’information sur l’internaute anonyme qui arrive sur un site, grâce aux « traces » qu’il a laissé lors de sa navigation, hors du site. Les acteurs de la 3rd party data, tels que Weborama, collectent les données des cookies et des tags, afin de définir des profils d’audience.

La combinaison de la data 1st et 2nd party  – Mieux cibler le consommateur visé par l’annonceur grâce à ses données.

Afin de parfaire le ciblage publicitaire, un autre type de données est injecté dans les plateformes d’achat d’inventaire : la donnée 2nd party, c’est-à-dire les données du partenaire commercial. L’annonceur peut ainsi tenter de cibler précisément, chez le média, les profils de sa base de donnée. Le croisement de la data 2nd party (de l’annonceur) avec la data 1st party (de l’éditeur) permet donc d’améliorer la qualité et la valeur du ciblage publicitaire : ce n’est plus la quantité d’impressions délivrées qui est valorisée, mais la qualité du ciblage du prospect.

D’un point de vue publicitaire, les médias traditionnels s’emploient donc à rattraper leur retard sur la collecte de données en ligne et le ciblage publicitaire. En revanche, ils sont encore loin d’optimiser la valeur de cette data, notamment 1st party, en les mettant au service de leurs contenus.

Traiter ses datas au service du contenu également.

Collecter des données ne suffit pas, c’est leur traitement qui apporte de la valeur à la data. Les données collectées sur l’audience en ligne pourraient permettre aux médias de recréer des marques fortes en optimisant le contenu et le personnalisant pour chaque utilisateur. Utiliser la data à des fins uniquement publicitaires est un palliatif fragile à la baisse des revenus : si l’audience déserte les contenus, c’est également à terme la disparition du « temps de cerveau disponible » si cher aux annonceurs. Or pour l’instant, les DMP semblent avoir du mal à quitter les régies pour rejoindre également les rédactions.

Pour la majorité des éditeurs, les algorithmes de recommandation autour du contenu sont encore loin d’être une réalité à l’exception de Melty, premier groupe médias chez les jeunes. Son business modèle repose ainsi sur « Shape », son algorithme prédictif. Celui-ci permet au média en ligne d’anticiper les sujets qui plairont à l’audience et deviendront viraux. Il influence aussi bien le fond, en s’inspirant des requêtes Google des tranches d’âge concernées et en faisant évoluer l’article en fonction des comportement de lecture, que la forme, en conseillant la sémantique la plus à-même de faire remonter l’article dans les moteurs de recherche.

 C’est pour s’aligner avec Google News ou la recommandation du News Feed de Facebook que les éditeurs traditionnels cherchent, de plus en plus, à créer une page d’accueil évolutive et personnalisée. Le Washington Post, depuis son rachat par Jeff Bezos, utilise ainsi deux nouveaux outils pour renforcer son audience en ligne. D’une part, Bandito lui offre la possibilité de publier un article avec cinq titres, photos et traitements de l’histoire différents, arbitrés par un algorithme en fonction de la combinaison générant un engagement maximal du lecteur. D’autre part, Loxodo lui permet de mesurer son « lead » : la qualité perçue d’un article par rapport à ceux d’autres éditeurs, ou la réaction provoquée par une notification mobile.

En améliorant leur contenu grâce au traitement de la donnée, les « marques» média tels que Le Elle, les Échos ou le Figaro susciteraient une attention plus captive. Ce cercle vertueux autour de la data permet aussi une diversification : opérations spéciales, événements, location ou vente d’emailing à des entreprises partenaires. Néanmoins, l’utilisation de la 1st party data à des fins d’amélioration et de personnalisation des contenus n’est pas encore une réalité pour la majorité des éditeurs dits « traditionnels ». Ceux-ci se limitent encore à une valorisation publicitaire.

Les GAFA et NATU, très en avance sur le traitement des données.

Face à eux, des acteurs tels que Google ou Netflix ont construit leurs business model autour de la donnée 1st party. Ils n’excellent pas seulement dans le traitement de leur data, via des algorithmes auto-apprenant (deep learning et machine learning) et de recommandation qui permettent d’améliorer constamment l’expérience de l’utilisateur, ils ont également pris une longueur d’avance sur la quantité de données stockées. On pourrait presque évoquer un phénomène de « vinification » des datas, dans le sens où, Facebook, comme Google, a segmenté, croisé, fait « macérer » des données comportementales, émotionnelles, transactionnelles, contextuelles depuis dix ans.

Si les médias aujourd’hui, commencent à « profiler » leur base de données, la supériorité des GAFA[1] est donc incontestable en terme d’expérience dans la connaissance de leurs utilisateurs (consumer centric).

La vraie supériorité : avoir une donnée 1st party assez puissante pour se passer de la 3rd.

 Ces nouveaux acteurs ont donc dépassé la nécessité d’acquérir une donnée autre que leur 1st party data grâce à leur expérience son traitement. Des entreprises, telles que Netflix,  dont l’algorithme est devenu la proposition de valeur, peuvent se passer d’intermédiaires de la 3rd party en intégrant leurs outils à leur algorithme propriétaire.

Celui de Netflix développe ainsi de la 1st party data dès son premier contact avec son utilisateur : il se log dès le premier mois d’abonnement (gratuit sur le modèle freemium), ce qui permet à la plateforme d’associer précisément la donnée nominative et comportementale, affinitaire, émotionnelle ou transactionnelle. Si la data ne permet pas de produire des contenus originaux, elle guide les choix de production et leur suggestion au consommateur[2]. L’algorithme de recommandation se base sur les goûts et le profil du client ainsi que sur un système de filtrage à partir de profil similaire (look-alike). Netflix ne faisant que croître, ce modèle éditeur est devenu un best case, au regard de l’importance du traitement de la 1st party data.

En conclusion, la question n’est pas tant de se demander pourquoi aller au delà de la first party mais quelle sera sa nature, qui la possèdera et comment l’utiliser. La vraie bataille sera celle de la data, entre nouveaux détenteurs de la données (GAFA, FAI) et médias, qui en auront besoin tant pour orienter leurs contenus que pour les monétiser. L’importance d’aller au-delà de la 1st party data découle aussi de l’emprise des FAI sur cet actif naturel des médias.

 

[1] Google, Amazon, Facebook, Apple

[2] Pour se faire les programmes sont “taggés” et “séquencés” pour en déduire des dénominateurs communs à partir de facteurs tels que : le rythme de visionnage, le contenu de ces programmes ou le genre notamment.

Claire Manzano

Le programmatique, la publicité personnalisée bientôt à la télévision ?

 

Alors qu’il a déjà fait ses preuves sur le web, l’achat programmatique peine à percer sur le téléviseur. Paradoxe, alors que la télévision connectée (IpTv) est aujourd’hui, le mode de consommation majoritaire en France. Les régies publicitaires semblent saisir les enjeux du marché et lancent leurs premières offensives.

Au premier semestre de 2016, la part du programmatique représentait plus de 50 % du display selon l’Observatoire de l’e-pub du SRI. L’explosion de ce mode d’achat a d’ores et déjà su conquérir le marché publicitaire digitale. Les chaines et leur régie l’ont déjà expérimenté sur leurs plateformes numériques. Malgré son succès, le programmatique peine à percer sur d’autres marchés publicitaires, notamment sur celui de la télévision linéaire.

Cependant, avec près de 80 % de taux de pénétration dans la population française, la télévision connectée (IpTV) possède toutes les capacités techniques nécessaires pour développer l’achat programmatique en Tv. Dans une société où le consommateur est de plus sollicité par les marques, la distribution d’une publicité ciblée et personnalisée pourrait être le remède à cette surpression des messages publicitaires. Les régies publicitaires des chaines se saisissent de la question petit à petit. Les acteurs du marché cherchent, à travers de nouvelles offre innovantes liant offre programmatique et offre classique, à maximiser l’efficacité des campagnes publicitaires.

Afin d’en saisir les enjeux, il est essentiel de différencier la télévision linéaire et la télévision non linaire. La question du programmatique n’appelant pas les mêmes réponses en fonction de la manière de consommer le média Télévision.

Explosion du programmatique sur la télévision non linéaire 

Aujourd’hui, le marché du programmatique, porté par le RTB est en forte croissance ( +50% sur le display et 10% sur la vidéo – en RTB). Malgré les craintes initiales de dévalorisation des espaces publicitaires, aucune destruction de valeur n’est à déplorer. Pourquoi ? Les régies – et leurs chaines – ont su s’entourer de partenaires dont la priorité était de « premiumiser » l’achat programmatique. Les plus connus sont aujourd’hui La Place Média et Audience Square, les deux régies publicitaires programmatiques, leaders sur le marché. Ces places de marché digitale ont mis au centre de leur préoccupation le principe de « brand safety », afin de sauvegarder la valorisation des inventaires publicitaires.

Par ailleurs, les régies misent de plus en plus sur le programmatique direct plutôt que sur le programmatique pur : là où le programmatique pur permet de connaitre la catégorie de site sur lequel la publicité va être délivrée, le programmatique direct permet la connaissance du média précis de diffusion.

Les régies publicitaires se positionnent également sur la data en imposant le système du log. A l’image d’M6, qui ne donne accès au contenu d’M6 Play qu’en échange de data utilisateurs. Pour cela, l’utilisateur à pour obligation de se logger, soit via Facebook connect, soit en renseignant un certain nombre d’informations personnelles type sexe, âge et adresse mail. Cette initiative permet à la régie de développer sa data 1rst party et parallèlement séduire les annonceurs avec une audience qualifiée.

Enfin, les régies publicitaires développent des offres basées sur la data, permettant d’augmenter le ROI de leur campagne grâce à une audience qualifiée, et donc par extension, un ciblage plus précis. L’illustration parfaite est le lancement de Data One par TF1, en partenariat avec Kantar, qui se rapproche des habitudes de consommation en proposant une approche basée sur des GRP par produit – par exemple GRP Sodas ou GRP biscuits. Cette offre permet entre autre de s’adresser à des profils d’acheteurs produit – Exit la ménagère de moins de 50 ans avec enfants – mais également de détecter les décisionnaires d’achat.

Le programmatique est donc bien installé pour ce qui est de la télévision non linéaire tant pour le display que pour la vidéo. Le nouveau challenge pour les régies et acteurs du programmatique d’adapter ce mode d’achat à la télévision linéaire.

La puissance du téléviseur …

La télévision est et reste le média de masse par excellence, idéal pour valoriser son image de marque ou pour les lancements produits. Il permet de toucher la plus large audience de manière efficace et économique, malgré son coût d’entrée élevé. Après l’avoir désertée pendant un temps, les annonceurs reviennent vers le petit écran progressivement.

Malgré tout, la télévision, a dû faire face à une dévalorisation de son inventaire publicitaire. La cause principale réside dans la fragmentation de l’audience, elle-même due à une multiplication de l’offre. Une note une dévalorisation de 37% entre 1993 et 2016. De plus, le temps accordé à la publicité par heure est passé de 9 minutes à 6 minutes depuis 2009. Certains acteurs du marché souhaiteraient remonter ce temps publicitaire à 12 minutes. Cependant, la surpression publicitaire à la télévision (à l’image des USA par exemple) serait une erreur à ne pas commettre, dans une société où le « ras le bol » publicitaire est déjà virulent.

… boosté par le programmatique

La télévision connecté (IpTv), représente aujourd’hui près de 80 % des téléviseurs en France. La technologie est donc là et permettrait la mise en place du mode d’achat programmatique – techniquement parlant. Avec la fragmentation des audiences, les régies ont intérêt à conserver et augmenter la valeur de leurs inventaires publicitaires. Pour cela, la data collectée par les FAI via les boxes (et donc les téléviseurs connectés) est une vraie mine d’or. Les régies lancent d’ailleurs des offres programmatiques allant dans ce sens.
Tout d’abord, l’exemple de TF1 avec son offre One Data, fondée sur une collaboration avec les FAI permettant d’enrichir la data de l’IpTV, apportant une data comportementale, sur les goûts et les manières de consommer des téléspectateurs.

Canal + Régie est à l’initiative du projet ALLADIN (All Ad In). La régie du groupe Canal a voulu réunir toutes les régies publicitaires françaises autour de ce projet plaçant la programmatique au centre des problématiques de rentabilité publicitaire. L’objectif principal de ce consortium est de constituer une large base de données qualifiées, réelle monnaie d’échange unique face au traditionnel Médiamat. La data segmentée « traditionnelles » sera donc couplée avec une approche dite plus « reach ». Autrement dit c’est le rapprochement entre la puissance de frappe de la télévision traditionnelle et le ciblage précis, aujourd’hui possible sur le web.

Cette innovation structurelle du marché est indéniablement en marche. Cette méthode programmatique remplacera-t-elle à terme les méthodes de vente traditionnelle ? Rien n’est moins sûr. En effet, les acteurs du marché imaginent, pour le moment, une solution de complémentarité entre les deux approches. Par ailleurs, les contraintes de la programmatique sur le web ne sont pas les mêmes que sur la télévision. Inconcevable par exemple, d’imaginer un écran noir en cas de non vente d’un espace publicitaire. La mise en vente d’espace publicitaire en temps réel n’est donc pas pour tout de suite.

Il existe sur la média Télé, une barrière législative concernant l’interdiction de la segmentation des messages publicitaires (à l’exception de France 3 régions).

Enfin, imaginons que ce système se révèle efficace et soit mis en place. La question de la propriété des revenus publicitaires devient légitime dans ce marché de plus en plus intermédié. On risque une guerre de pouvoir entre les régies, les agences et les nouveaux arrivant sur le marché, détenteurs de la data qualifiée : les FAI.

 

Alexandra Douffiagues

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