Comment l’IA va révolutionner le visionnage TV ?

Youtube, Facebook Watch, Stories d’Instagram, Snapchat… le format vidéo ne cesse d’envahir nos dispositifs numériques, défiant toujours plus le vieux médium télévisuel sur ses contenus.
Mais la convergence et l’évolution des technologies pourraient sauver la télévision en changeant le mode de consommation de celle-ci.

La multiplication des plate-formes de visionnage OTT (Netflix, Quibi, Hulu et bientôt Apple..) changent profondément notre manière de consommer du contenu et remet en question le modèle plus traditionnel et linéaire de la télévision.
La « Catch-up TV », comme réponse à cette nouvelle menace des géants du streaming ne suffit plus à garder les téléspectateurs fidèles à une grille de programmes toujours plus archaïque des chaines de télévision.

C’est notamment grâce à l’intelligence artificielle qu’il sera peut-être possible de changer les pratiques de visionnage du dispositif télévisuel.
En effet, c’est en laissant le choix au téléspectateur du contenu à visionner, que la télévision pourra se frayer un chemin dans cette compétition avec les acteurs du marché des contenus dé-linéarisés.

L’intelligence artificielle est déjà utilisée pour personnaliser le panel de choix des contenus à regarder pour chaque spectateur. Une technologie de recommendation qu’utilise Netflix pour être toujours plus proche du consommateur et coller à ses goûts.

Mais de quelles façons la télévision peut-elle introduire ces technologies d’intelligences artificielles pour mieux cibler ses téléspectateurs ?

Le secteur de l’audiovisuel bénéficiera prochainement plus largement de cette nouvelle technologie, toutefois, l’enjeu des données est très important dans le déploiement de l’IA pour les médias. En effet, les données alimentent l’IA qui prend connaissance de la Data laissée par l’utilisateur pour lui permettre d’agréger un contenu qui lui correspond. C’est déjà le cas pour a publicité digitale et la méthode de programmatique, qui utilise le Real Time Bidding pour cibler davantage les clients potentiels en fonction de leurs usages d’internet.

Un des enjeux de l’IA dans la consommation télévisuelle réside tout d’abord dans le choix :
Le basculement de la télévision linéaire au format plus numérique a donné lieu à une consommation hyper-personnalisée des contenus, sans contrainte de temps ni de dispositif.
En témoigne une étude datant de 2017 du CNC sur l’économie de la télévision de rattrapage : 6,9 milliards de vidéos ont été vues en replay.

La surabondance des contenus disponibles sur des plateformes multiples obligent les éditeurs de contenus à adopter des stratégies pour mieux cibler leur audience, de plus en plus volatile.
L’IA peut donc aider à personnaliser les choix, via des recommandations toujours plus fidèles aux goûts des spectateurs.

L’IA au service de la programmatique TV :
Un autre enjeu plus connexe à celui de la consommation télévisuelle concerne la publicité. À la manière de ce qui existe déjà sur le marché de la publicité en ligne, la programmatique TV permettrait , encore une fois de cibler plus finement l’audience en lui adressant des publicités plus cohérentes en fonction de ses habitudes et de son statut socio-professionnel.
Ce qu’on appelle la « TV adressée » ou encore « segmentée » pourrait bousculer la manière dont les annonceurs organisent leurs campagnes publicitaires et changerait profondément les logiques de programmation et de diffusion de contenus.
Programmes télévisuels et publicité ayant longtemps été corrélés dans un souci d’efficacité, en fonction des logiques d’audiences et de temporalité, avec l’IA et la programmatique, on pourrait non pas parler, comme c’est le cas sur internet de Real time bidding, mais de « near time bidding » c’est à dire une diffusion publicitaire quasi-instantanée qui permettrait un ciblage de l’audience plus efficace.
La programmatique TV permettrait enfin une redéfinition de la monétisation de la publicité en fonction du contenu diffusé et de l’audience touchée.

Le dispositif télévisuel toujours plus influencé par l’IA
Récemment, Samsung a annoncé la création de sa TV QLED 8K dotée d’une intelligence artificielle. Ce nouveau dispositif, déjà commercialisé depuis octobre pour un prix oscillant entre 5000 et 7000 euros, est dotée d’une nouvelle technologie : la 8K AI Upscaling, une intelligence artificielle capable de s’adapter au format du contenu avec une qualité 8K. Une mise à jour et une évolution qui propose un visionnage de qualité, et qui permet à ce type de télévision de se différencier des autres plateformes de visionnagee par sa qualité d’image et sa haute définition.

La marque LG s’y est aussi mise en dévoilant récemment une nouvelle gamme de téléviseurs appelée ThinQ. Ces télévisions devraient être dotées de l’IA d’Amazon, Alexa, et notamment d’un micro pour les commandes vocales.

L’IA de plus en plus compétitive chez les FAI
L’enjeu futur des modes de consommation de la télévision réside également dans l’accès aux contenus proposés.
Récemment, Free a dévoilé la Freebox Delta, une box améliorée qui a abandonnée le lecteur DVD bluray pour d’autres fonctionnalités comme un système de pilotage et de commande par voix humaine, un accès gratuit au catalogue de Netflix, un débit dix fois plus rapide que l’ADSL, et une diffusion de programmes numériques.
La convergence de la TV linéaire avec les usages d’internet, tout cela, grâce à l’intelligence artificielle, n’a pas fini de changer notre mode de consommation de la télévision.

Toutefois, il reste un enjeu indéniable qui concerne moins la façon dont nous consommons la télévision mais plus particulièrement ce que nous regardons…
En effet, les programmes diffusés par les chaines TV traditionnelles doivent s’adapter aux nouveaux formats déjà présents sur le web. Des formats plus courts et plus dynamiques et un renouvellement du catalogue et des grilles TV permettraient d’engranger une audience plus grande. La multiplication des contenus et des canaux de diffusion pose encore un enjeux de taille pour les chaines : la fidélisation du téléspectateur. Mais à l’heure où les contenus sont disponibles « Any Time Anywhere, Any device » comment concurrencer un nouveau marché insaisissable qui disrupte complètement celui qui auparavant, régnait en maître sur nos usages ?

Un constat reste indéniable : le consommateur est au centre des préoccupations des éditeurs de contenus. Il influence le marché audiovisuel par sa demande de plus en plus spécifique et abondante en terme de contenus à visionner.

La télévision et le mode de consommation de cette dernière n’est peut-être pas vouée à disparaitre mais de profonds changements son à prévoir dans le fond comme dans la forme pour pallier à une chute d’audience toujours plus grandissante et à une concurrence toujours plus accrue des contenus OTT.

Léa Bernabeo

Le programmatique en télévision, pour bientôt ?

Alors que le SRI vient de dévoiler son bilan annuel de l’e-pub en France pour l’année 2017[1], plusieurs tendances s’affirment. D’abord, la décroissance de la part des investissements publicitaires des médias traditionnels (65,6%) au profit du digital (34,4%) se poursuit. Notamment, l’écart entre télévision (27,2%) et digital continue de se creuser depuis 2016, année charnière, où la publicité numérique dépassait le média roi télévisuel. Autre constat, les achats programmatiques poursuivent leur folle croissance et totalisent 63% des achats display (bannière et vidéo).

Aucune mention cependant de la part des achats TV programmatiques, promettant un achat automatisé et ciblé, annoncé pourtant depuis plusieurs années comme une des plus grandes tendances de la publicité en ligne[2] et comme le prochain bouleversement à venir sur le marché publicitaire qui sauvera la télévision.  Ceci alors même que le programmatique TV pourrait représenter 6% des investissements TV en 2018 aux USA[3] et que le marché mondial représenterait $19,1 Md en 2021[4]. Alors quand est-il en France ? La télévision programmatique (PTV) est-ce pour bientôt ?

 

Le programmatique TV : qu’est-ce que c’est ?

Déjà, la définition du programmatique, désignant l’achat et la vente de publicités via un processus automatisé, est sujette à galvaudisation puisque souvent raccourcie à tort aux seuls achats RTB (Real Time Bidding). La définition de ce qu’est et sera le programmatique TV demeure d’autant plus floue. Flou que l’on doit aussi bien au terme télé, qui ne désigne plus seulement depuis plusieurs années l’unique écran noir du salon, qu’à celui de programmatique. D’une part, les devices et les modes de réception du signal ont évolué entre TV connectée, IPTV, satellite, service OTT ou TNT et le flux s’est délinéarisé. D’autre part, le programmatique pour se qualifier hésite entre adressable TV, targeted TV ou programmatic TV… tachons d’y voir plus clair.

Si la définition du programmatique était une pure transcription du mode d’achat web, alors cela se définirait simplement par l’achat automatisé et informatisé d’inventaires publicitaires télévisuels. Cependant, pour le programmatique TV, l’opportunité ne vient pas réellement de l’automatisation. Quand on compare aux centaines de milliers d’inventaires disponibles sur internet, et pour lesquels l’achat automatisé a été un réel gain opérationnel, les inventaires TV restent, eux, limités.  Avec l’émergence des technologies de PTV, la proposition de valeur vient davantage d’un meilleur ciblage. C’est la fin du GRP (Gross Rating Point) tel qu’il fût pendant des décennies, c’est-à-dire liés aux seules données sociodémographiques (âge + sexe) au profit d’un GRP, dit data, qualifié. En découle les termes d’adressable TV ou targeted TV qui peuvent également tout à fait être commercialisés de manière classique. Avec un meilleur ciblage, c’est aussi la promesse d’une diffusion contrôlée et d’un meilleur ROI. Quand la télévision, désignée longtemps comme le « media de masse », s’adresse à une audience, le PTV ne cible plus que certains foyers. Inutile pour un annonceur de diffuser sa publicité de couches pour bébés à l’ensemble des téléspectateurs, incluant retraités, célibataires ou encore les foyers où les enfants ont bien grandi, quand il peut se concentrer uniquement sur les foyers avec enfants en bas âges. A la clef, la promesse de belles économies. Également, celle d’une uniformisation des cibles TV et digitales pour une meilleure connaissance de l’utilisateur et une meilleure optimisation des campagnes qui deviennent réellement multiscreen. LE PTV constitue donc une grosse opportunité pour les annonceurs.

Mais d’où vient cette data ? En France, selon le dernier rapport du SNPTV, plus de 48% des foyers reçoivent la télévision via leur box (IPTV) et près de 56% de la population possède un téléviseur connecté soit une augmentation de 15% en seulement 4 ans[5]. Le fournisseur d’accès à internet possède donc l’ensemble des données de connexion, données restant pour l’instant inexploitées en publicité. Quand on accède à un service OTT (type Netflix, Amazon vidéo…) directement depuis son écran ou casté par le biais d’un appareil, il faut se loguer et entrer ses identifiants. Les données utilisateurs : profil, consommation, géolocalisation sont également collectées. C’est l’ensemble de ces données 1st, 2nd et 3rd party qui seraient mises à disposition du PTV impliquant donc leur collecte, regroupement et synchronisation via les DMP du marché. En conséquence, c’est un élargissement du modèle de la catch-up TV où login et cookie permettent déjà d’adresser une publicité ciblée qui est proposé avec la télévision programmatique. Ceci de manière automatisé et grâce à des délais, sinon en temps réel, bien plus courts.

 

Où en est le marché en France ?

 

Alors que les USA, avec les ¾ du marché, et les pays anglo-saxons concentrent la plupart des investissements en TV programmatique avec plus de 2 Mds € en 2017 (rapport Idate Digiworld[6]), en France le marché n’en est qu’à ses débuts. En cause ? Le décret de 1992 relatif à la publicité et plus particulièrement légiférant le fait que « les messages publicitaires doivent être diffusés simultanément dans l’ensemble de la zone de service » (Art.13). Il est interdit, hormis pour les décrochages régionaux, de diffuser des contenus publicitaires adaptés, ciblés et géolocalisés sur la TNT. Les professionnels du secteur attendent donc patiemment un assouplissement du décret par le CSA. Pour ce qui est des boxs, leur technologie ne permet pas, pour l’instant, d’adresser des signaux différents en fonction des utilisateurs. Quand cela sera possible, le rapport de force entre chaînes et FAI, à l’image de TF1 menaçant de couper sa diffusion sur les boxes des utilisateurs Orange si ce dernier ne concède à mettre la main au portefeuille, sera certainement inversé puisque la data sera dans le camp des fournisseurs d’accès. En attendant, c’est donc la TV programmatique linéaire qui se trouve figée.

Pour ce qui est du non-linéaire, les premières expérimentations sont déjà à l’œuvre. TF1, première chaîne de France, a développé sa technologie d’AdSwitching dès 2015 permettant une publicité ciblée en digital sur mobile, PC et tablette et propose la commercialisation du dispositif en programmatique via sa place de marché One Exchange. Pour, Jean-François Ruhlmann, directeur délégué digital TF1 Publicité : « L’AdSwitching permet à nos annonceurs de cibler ces audiences avec un triple bénéfice : live, contexte engageant et activation data. L’« Adressable TV » est désormais une réalité avec la possibilité d’individualiser les campagnes sur nos audiences live digitales[7] ». Également, France Télévision a lancé sa propre place de marché Francetv Exchange, et s’est dotée d’un SSP pour commercialiser son inventaire vidéo sur PC, mobile et IPTV. Pour passer sur le linéaire, il n’y a qu’un pas.

 

Même si le programmatique TV reste à construire en France avec des normes de diffusions de mesures de l’audience et des métriques communes, il apporte de belles promesses pour le marché TV : ciblage affiné et optimisé, meilleur ROI, campagnes cross-devices… d’autant plus dans un contexte où la publicité digitale est aux prises avec les problématiques de visibilité, brand-safety et de fraude, le programmatique en télévision pourrait alors être une alternative.

 

Bruno Massondo

 

[1] SRI – PWC – UDECAM, Observatoire de l’e-pub – bilan 2017, janvier 2018, France

[2] http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/68315/les-10-tendances-de-la-publicite-en-ligne-en-2018.shtml

[3] OffreMedia, La TV programmatique pourrait représenter 6% des investissements TV en 2018 aux USA d’après emarketer.com, juin 2016

[4] Idate Digiworld, De la TV programmatique à la TV adressable, août 2017

[5] SNPTV, Le guide du SNPTV 2017

[6] Idate Digiworld, De la TV programmatique à la TV adressable, août 2017

[7] Site de TF1pub.fr

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