Quand TikTok redéfinit l’art des concerts

Ces derniers mois, qui n’a pas regardé une vidéo du concert d’Harry Styles, de Beyoncé ou encore de The Weeknd lors de leurs concerts en France sur son téléphone ?

Peut-on se demander si TikTok ne bouleverserait-il pas les codes des concerts ?

Les vidéos de concerts, filmés par les fans, se multiplient sur les réseaux sociaux et deviennent ainsi un atout pour les artistes pendant leurs concerts

C’est à travers cette effervescence des concerts que TikTok a réussi à se faire une place en tant que nouveau moteur de communication et de partage. En n’étant pas réellement dans la salle de concert, un spectateur peut voir des aperçus du spectacle grâce aux nombreuses vidéos des concerts partagées sur les réseaux sociaux. Auparavant, filmer ou diffuser un concert était une pratique illégale ; aujourd’hui, cela devient une norme.

Les vidéos de concerts, filmées par les fans, et partagées sur les réseaux sociaux permettent à ceux non présents d’avoir un aperçu à 360° du concert, de voir la scénographie, mais également d’écouter les chansons phares de l’artiste, et donc de vivre le concert à travers leur écran.

TikTok et Instagram deviennent ainsi un relais live du concert, un moyen pour les fans de faire vivre les shows à travers les écrans, mais également pour les artistes de promouvoir leur spectacle sans réellement dépenser en termes de marketing. Par exemple, le hashtag #loveontour pour le concert d’Harry Styles, cumule près de 7,2 milliards de vues. 

Aujourd’hui, les artistes se sont emparés de cet outil afin de créer des shows qui reprennent des tendances du réseau social, comme Stromae qui reprend sur scène, la danse de sa musique “Alors on danse”. 

D’autres artistes comme Rosalia crée leur show à la façon de TikTok. Elle se filme en vertical avec son téléphone à différents moments de son spectacle, elle réalise les tendances TikTok dans ses concerts. La chanteuse espagnole va même plus loin, puisque pour annoncer son nouvel album, elle fait un concert en direct sur TikTok. Cette performance lui vaudra en 2022 d’avoir remporté conjointement avec TikTok une nomination aux Latin Grammy pour son film musical “Motomami” (Rosalía TikTok Live Performance), un film uniquement tourné sur des iPhones . 

Les concerts se multiplient : la tendance des concerts est au spectaculaire

Actuellement, les concerts se multiplient, que ce soit dans les petites salles ou dans les grandes. En effet, une étude du Centre National de la Musique sur la diffusion des spectacles de musiques actuelles et de variétés en 2022 en France montre qu’avec plus de 62 000 représentations payantes et 32 millions d’entrées, l’année 2022 franchit pour la première fois le milliard d’euros de recettes (1 146 M€ de billetterie). Ce sont les grandes jauges (comme les zéniths, les arenas, etc.) qui génèrent près de la moitié des recettes de billetterie (42% pour 1% de représentations).

Effectivement, on peut constater que les méga-concerts se multiplient. Entre 2019 et 2022, le nombre de représentations dans les salles de plus de 6 000 places a augmenté de 14%. Avec la crise du disque, et la faible redevance du streaming musical qui ne compense pas les ventes “physiques”, il est important pour les artistes de jouer sur scène. En parallèle, après avoir passé deux années à écouter de la musique grâce au streaming pendant le covid, les spectateurs ont désormais envie de voir les musiciens et de partager un moment unique.

De plus, le public demande de grands shows comme celui de Taylor Swift, produit par AEG, capable de déplacer près de 90 camions et pesant environ 9 milliards d’euros. Du côté des artistes, l’important est de se démarquer car la concurrence est forte, les représentations deviennent donc de plus en plus spectaculaires. C’est dans ce contexte que des salles de spectacle importantes telles que le Stade de France reçoivent de plus en plus de concerts. En effet, en 2022, un tiers du chiffre d’affaires annuel de cette salle provient des concerts (soit 78 millions d’euros).

TikTok, au coeur de l’industrie musicale, crée son propre concert : TikTok In the mix

Cependant, l’omniprésence des vidéos de concert n’entache pas l’importance d’y participer. En effet, la performance du direct conserve son pouvoir, comme on peut le voir avec la démultiplication des concerts et des festivals. De plus, dans l’industrie musicale TikTok est devenu un incontournable pour les maisons de disques qui s’efforcent de découvrir le prochain grand succès. Par exemple, Drake avec son titre phare Toosie Slide”, englobe tous les codes de TikTok afin de faire de cette chanson un hit : une rythmique saccadée connue des titres TikTok, une chorégraphie déjà prête avant la sortie du son et les 15 secondes de la chanson permettant la mise en place de challenges. 

Par ailleurs, la plateforme a permis de lancer des nouvelles carrières, de rajeunir les plus anciennes comme avec la chanson “Dreams” de Fleetwood Mac de 1977 qui connaît un regain en 2020. Également, TikTok est parvenu à faire modifier les noms des chansons de certains artistes pour mieux s’aligner dans les tendances de l’application. Ainsi, étant donné l’importance de l’industrie musicale au sein de l’application, il était normal que TikTok produise son premier concert le 10 décembre 2023. 

De plus, depuis quelques années, TikTok joue un rôle particulier dans l’émergence d’artistes ou de nouveautés musicales. La création du festival de musique « In The Mix » est donc organisée dans cette optique : donner vie à la musique, aux tendances, et aux expériences que la communauté du réseau social peut créer chaque jour.

Retransmis en direct sur TikTok, le concert s’est tenu à Sloan Park à Mesa, aux Etats-Unis. La programmation suscite l’enthousiasme des utilisateurs, avec des artistes tels que Niall Horan, Charlie Puth, Cardi B ou encore Anitta. En parallèle des têtes d’affiche, TikTok In The Mix a mis en avant de nouveaux artistes tels que Isabel LaRosa, Kaliii, LU KALA et Sam Barber. Ces artistes font partie de « TikTok Elevate », un programme d’artistes émergents.

L’événement a rapidement affiché complet avec près de 17 000 personnes. TikTok a proposé un tarif oscillant entre 25 et 60$ (soit entre 20 et 55€), afin d’avoir un prix accessible pour sa cible de prédilection, les jeunes. Pour ceux qui se rendent sur place, la plateforme propose aussi différentes séries d’activités inspirées par les tendances les plus en vogue.

@tiktok

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♬ original sound – TikTok

Pour un événement de cette envergure, TikTok a réussi à atteindre des records d’audience sur la plateforme avec plus de 33,5 millions de téléspectateurs au total, profitant de la diffusion originale et des diffusions ultérieures de l’émission, adaptée au format vertical de l’application.

Paul Hourican, responsable mondial des partenariats et de la programmation musicale chez TikTok explique qu’ils sont ravis de «donner vie au fil « Pour toi », bien au-delà du concert Live de Mesa, en proposant cette expérience unique à des millions de fans à travers le monde ». En effet, en plus de la retransmission en direct sur TikTok, Disney+ s’est emparé du phénomène en permettant également de revivre le concert sur la plateforme. 

«Aucune autre plateforme ne réunit aussi bien musique, créativité et communauté que TikTok» explique Paul. En effet, leur vision est de « créer un spectacle réinventé pour l’ère TikTok et la communauté de passionnés de musique du monde entier ». Ainsi, il ne s’agit pas uniquement d’un festival mais d’un évènement culturel révolutionnaire. Grâce à ce concert, le réseau social a donc rassemblé sa communauté ce qui lui a permis de briser cette barrière de l’écran et de pouvoir partager et réunir. Ainsi, cette expérience a mis en exergue comment les plateformes numériques telles que TikTok façonnent non seulement la manière dont nous consommons la musique, mais aussi la manière dont la musique est jouée et vécue en direct.

On peut dire que TikTok influe sur la manière dont les concerts sont appréhendés. En effet, pour les spectacles de grande envergure, le concert ne se perçoit plus uniquement comme un événement artistique que l’on vit en direct, mais plutôt comme un produit à valoriser en ligne, une opportunité de générer du contenu viral pour TikTok.

Ainsi, en plus de modifier la façon dont on consomme les concerts, un show doit être filmable de la réflexion de la tenue, à la préparation, et au jour J. TikTok modifie également  la manière d’assister au concert. En effet, comme l’explique Raphaël Enthoven, aujourd’hui nous sommes dans une ère où il est plus important de filmer sa vie et de la partager plutôt que de la vivre : on va choisir «de sacrifier» le moment pour dire qu’on était là. TikTok sera un des vecteurs de cette philosophie, puisque le concert sera filmé pour se rappeler d’avoir vécu cette expérience, mais également de pouvoir dire «j’étais là ». 

Pour renverser ces codes de la société, l’artiste Dinos interdit de filmer et de prendre des photos lors de sa prochaine tournée Process Tour de 2024. Cette annonce inédite va à l’encontre du phénomène de société de capturer chaque instant avec son téléphone et rejoint la théorie de Raphaël Enthoven : vivre le moment.

Alexandra BECQUET

SOURCE :

Centre national de la musique. (2024, 29 janvier). La diffusion des spectacles de musiques actuelles et de variétés en France

Jack.(2023, 13 novembre). Comment TikTok a changé la façon de vivre les concerts.

Courrier International. (2023, 28 septembre). Comment TikTok change notre rapport aux concerts.

Fromentin, M. (2023, 26 octobre)- Begeek.fr. Le premier événement musical mondial en live de TikTok verra notamment participer Cardi B et Charlie Puth.

Richard, O. (2023, 15 décembre) – Libération. Mylène Farmer, Taylor Swift. . . le concert au stade industriel.

Romano, A. (2023, 3 septembre) – Vox. How concerts have evolved in the age of TikTok and smart phones.

Rosso, S. (2023, 26 octobre) – Siècle Digital. TikTok dévoile les contours de son premier festival de musique.

TikTok. (2023, 25 octobre) – Newsroom | TikTok. TikTok in the Mix : un grand concert live et en direct sur TikTok.

De MySpace à TikTok : les réseaux sociaux comme un eldorado de la promotion musicale

À l’ère du numérique, les médias sociaux font désormais partie intégrante de l’industrie musicale. Ce n’est plus un secret que les réseaux sociaux sont devenues un élément essentiel du marketing pour la promotion de la musique des artistes. Le premier réseau social lancé en 2003, MySpace, a d’ailleurs été construit sur la musique: de nombreux artistes ont utilisé cette plateforme pour promouvoir leur musique, partager des clips audio et vidéo, ou pour se connecter avec des fans et d’autres artistes. Le réseau est même devenu un élément clé de la promotion musicale à l’époque, avec des artistes tels que Arctic Monkeys, Adele, ou encore Lily Allen, qui ont été découverts grâce à la plateforme.Cependant, à mesure que les réseaux sociaux ont évolué, MySpace a été supplanté par des plateformes plus modernes, comme Facebook, Youtube, Instagram ou bien Twitter, qui permettent aux artistes d’atteindre de nouveaux publics et promouvoir leur musique plus efficacement que jamais. Aujourd’hui, c’est TikTok, qui reprend la place de l’outil de marketing puissant pour l’industrie musicale. Dans cet article, nous allons ainsi explorer la façon dont le secteur de la musique s’appuie sur les réseaux sociaux pour la promotion. 

Se faire connaître et développer la fanbase

La première chose à considérer est la façon dont ils peuvent être utilisés comme outil de communication pour les artistes. Les médias sociaux leur permettent de partager leur travail avec des fans potentiels en temps réel: ils peuvent obtenir un retour immédiat de la part de ceux qui écoutent ou regardent leur contenu en ligne. Les artistes nouent ainsi des relations avec les auditeurs, ce qui peut se traduire par une augmentation des ventes à terme – un élément clé de toute campagne de promotion réussie. De nombreuses fonctionnalités existent aujourd’hui sur les réseaux sociaux pour développer une communauté, comme les streamings en direct sur Instagram, Tiktok ou Twitch, où les fans peuvent s’impliquer directement en interagissant via des fonctions de chat. Par exemple, Adele a organisé son tout premier live “Q&A” sur Instagram, ou elle répond aux questions de ses fans pour la sortie de son album “30” en 2021: certains extraits font encore du bruit aujourd’hui!

Avant une sortie de projet, il est quasiment indispensable de “teaser” ce dernier sur les réseaux sociaux. En effet, de nombreux artistes publient des courts extraits sur les plateformes pour susciter l’intérêt; ces clips donnent juste assez d’informations sur le matériel à venir pour que les auditeurs soient intrigués – créant ainsi une anticipation autour des futurs projets. Par exemple, en 2020, le rappeur français Laylow sortait Trinity, un album qui a été vendu à plus de 10 000 exemplaires en première semaine: un résultat spectaculaire pour un artiste encore émergent à l’époque. Cette ascension fulgurante dans l’industrie musicale peut être expliquée par sa musique novatrice mais également par sa stratégie de marketing efficace. Celle-ci reposait sur la création d’une image forte et cohérente sur les réseaux sociaux qui se décline à travers sa musique, ses visuels, et ses collaborations artistiques. Ses clips recherchés publiés sur Youtube étaient l’un de ses principaux moyens de communication, qu’ils mettaient en avant sur ses réseaux sociaux via de courts extraits. Pour Trinity, il a procédé à un séquençage de la sortie des clips qui suit la logique de l’album. 

Trinityville – Laylow

Les médias sur les plateformes de réseaux sociaux  jouent également un rôle important dans la promotion de la musique, qui délivre des courts interviews d’artistes, ou promeut tout simplement la sortie d’un projet. On peut citer des médias digitaux, sur Instagram et Twitter comme Antidote, les Inrocks, Camino TV ou bien Raplume. 

En outre, les services de streaming tels qu’Apple Music et SoundCloud ont permis aux labels indépendants ou aux groupes non signés qui ne bénéficient pas du soutien d’une grande maison de disques, d’accéder à une exposition sans précédent grâce à des algorithmes spécialement conçus pour découvrir de nouveaux talents (ce qui n’était pas le cas il y a encore peu de temps). Les artistes émergents ont maintenant des opportunités disponibles sans coût, autre que le temps investi dans la création d’un contenu de qualité – leur permettant d’avoir un plus grand espace dans ce marché compétitif. On peut citer de nombreux talents connus grâce à Soundcloud, comme Jorja Smith, en passant par Billie Eilish ou bien Lil Uzi Vert. 

TikTok ou bien la nouvelle star de la promotion musicale

TikTok est une plateforme de médias sociaux permettant aux utilisateurs de créer et partager de courtes vidéos courtes. Lancée en 2016, l’application a connu une croissance exponentielle pour atteindre plus d’un milliard d’utilisateurs actifs mensuels dans le monde entier. Les utilisateurs de TikTok se prêtent à des vidéos de danse, lip sync ou bien des challenges, avec un audio souvent tiré de chansons tendances. Pour l’industrie musicale, TikTok est devenu un moyen puissant de promouvoir la musique et de lancer des artistes. Les chansons qui deviennent virales sur TikTok sont souvent propulsées au sommet des classements des charts musicaux, grâce à l’énorme audience de la plateforme. De nombreux artistes américains tels que Doja Cat ou bien Megan Thee Stallion ont tous connu une croissance rapide de leur popularité grâce à des musiques qui sont devenues populaires sur TikTok, notamment pendant la période de Covid. Des challenge de danse autour de sa chanson « Savage” de Megan Thee Stallion ou « Say So » de Doja Cat ont été crée et repris par de nombreux fans.

Say So – Doja Cat

Les maisons de disques et les promoteurs peuvent utiliser TikTok pour lancer des campagnes de marketing ciblées. L’application propose des services spécialisés tels que le suivi analytique, la conception de profils personnalisés, des campagnes promotionnelles ou bien des conseils en matière d’image de marque. Les artistes peuvent faire appel à des influenceurs ou à des célébrités très suivies sur diverses plateformes afin de faire connaître les prochaines sorties ou les événements liés à l’œuvre d’un artiste particulier. Cette méthode peut s’avérer très efficace, car elle permet à ceux qui n’ont peut-être pas eu l’occasion d’écouter la musique de l’artiste de découvrir ce qu’il crée de manière organique, tout en augmentant sa visibilité auprès des fans qui le connaissent déjà bien ! 

En conclusion

Les réseaux sociaux sont ainsi le nouvel eldorado de la promotion musicale pour les artistes. Tout bien considéré, il est clair que les plateformes jouent un rôle vital dans les stratégies de promotion modernes, et le fait d’avoir des profils actifs sur plusieurs réseaux est aujourd’hui presque incontournable pour  promouvoir votre musique. Si vous ne l’avez pas encore fait, c’est le moment idéal pour commencer à construire votre présence en ligne aujourd’hui.

Artemia S.

Les réseaux sociaux ont-ils amplifié le pouvoir des fans dans l’industrie du divertissement ?

Les réseaux sociaux ont créé une nouvelle ère de fan culture, transformant la manière dont les fans interagissent avec l’industrie du divertissement. Mais comment se traduit concrètement cette montée en pouvoir des fans ? Les stars des réseaux sociaux sont-elles devenues les nouveaux maîtres de l’industrie du divertissement ? Comment les acteurs du divertissement s’adaptent-ils à cette nouvelle ère ? Dans cet article, nous explorons comment les réseaux sociaux ont changé la donne dans l’industrie du divertissement et comment les fans ont pris le contrôle grâce à ces plateformes.

Photo de John Schnobrich sur Unsplash

Game changers : comment les réseaux sociaux ont transformé l’industrie du jeu vidéo

Les communautés de fans ont toujours été très présentes dans l’industrie du jeu vidéo, on pourrait même considérer que cette dernière a été précurseur de la cocréation avec le principe des mods. Les mods, ou modifications, ce sont des contenus créés par les joueurs pour modifier ou ajouter des fonctionnalités à un jeu existant. Ils sont souvent créés par des fans passionnés qui souhaitent partager leur propre vision du jeu avec la communauté de joueurs et peuvent aller de simples ajustements de gameplay à des ajouts massifs de contenu, voire de nouvelles histoires ou de nouveaux univers.

Avec les mods, l’industrie du jeu vidéo a permis aux fans de devenir des créateurs et de contribuer activement au développement du jeu. Par exemple, le jeu Counter Strike, l’un des jeux de tir à la première personne les plus populaires de tous les temps, est en fait un mod crée par deux fans à partir du jeu Half-Life. Counter Strike a ensuite été racheté par Valve Corporation, qui a acquis les droits de propriété intellectuelle du jeu et a collaboré avec les créateurs pour le développer en tant que jeu autonome.

La contribution des fans était donc déjà bien implantée dans l’industrie du jeu vidéo avant l’ère des réseaux sociaux, mais leur arrivée a tout de même accéléré ce phénomène. Avant l’avènement des réseaux sociaux, la création de communautés de joueurs se faisait principalement à travers des forums de discussion, sites web spécialisés, blogs etc…, qui permettaient aux joueurs d’échanger des astuces, des mods et des avis sur les jeux vidéo qu’ils aimaient, mais étaient souvent moins interactifs et limitaient la richesse des échanges. Les réseaux sociaux, eux, permettent une communication plus directe et plus fréquente entre les joueurs et les développeurs, et grâce à ça on a des communautés de fans plus importantes et plus actives autour de leurs jeux préférés. Les réseaux sociaux ont également permis aux développeurs de lancer des campagnes de financement participatif, avec par exemple Kickstarter. Cela permet aux développeurs de recevoir des financements pour des projets qui ne sont ne pas soutenus par les éditeurs traditionnels, tout en créant une communauté de fans qui sont investis dans le développement du jeu. Les développeurs sont de plus en plus à l’écoute des commentaires des joueurs et les prennent en compte pour améliorer et élargir leurs offres.

Un bon exemple est Star Citizen, un jeu de simulation spatiale en cours de développement par Cloud Imperium Games. Les développeurs ont utilisé Kickstarter pour financer le jeu et ont depuis utilisé les réseaux sociaux pour interagir avec la communauté de fans et pour fournir des mises à jour sur le développement du jeu. Les fans ont également pu participer à des tests alpha et beta pour aider à améliorer le jeu. Dans les jeux plus populaires, on peut penser à Minecraft qui utilise fréquemment les réseaux sociaux pour interagir avec la communauté de joueurs et pour obtenir des nouvelles idées.

Finalement, les plateformes de streaming comme Twitch ont révolutionné la manière dont les fans interagissent avec les jeux et les joueurs professionnels. Grâce à ces plateformes, les fans peuvent regarder leurs joueurs préférés en direct, participer à des discussions en temps réel, et même leur apporter un soutien financier. Ces interactions ont renforcé la relation entre les fans et les joueurs, tout en permettant à de petits studios de jeux de bénéficier d’une promotion gratuite et d’un public plus large. Les réseaux sociaux ont également contribué à populariser l’e-sport, qui sont maintenant des événements majeurs, rivalisant avec les tournois sportifs traditionnels en termes de prestige et de financement.

Les réseaux sociaux : la nouvelle scène de l’industrie musicale

Les réseaux sociaux permettent aux artistes de se faire connaître et de promouvoir leur musique sans passer par les canaux traditionnels de l’industrie musicale. De nombreux artistes déjà bien en place, comme Aya Nakamura, délaissent les médias traditionnels comme la télévision pour la promotion de leurs projets, ils préfèrent ainsi les réseaux sociaux pour être moins dépendants des médias traditionnels et contrôler eux-même leur exposition médiatique. Pour ce qui est des artistes émergents, les réseaux sociaux jouent un réel rôle de propulseur de chansons et artistes au sommet des charts grâce à l’engagement des fans. Des titres peuvent devenir viraux grâce aux défis, aux mèmes ou aux vidéos créés par les utilisateurs, influençant ainsi les tendances musicales comment expliquer dans l’article Chanteurs, influenceurs, labels, comment faire de la musique sous le règne de TikTok ?. Par exemple, TikTok a joué un rôle majeur dans le succès de nombreux morceaux et artistes, tels que Lil Nas X et son titre « Old Town Road ».

Plus concrètement, certains artistes ont permis à leur fans de participer activement à la création de projets musicaux. Par exemple, le groupe Coldplay, a lancé un projet appelé « A Head Full of Dreams » en 2016, où les fans étaient invités à soumettre des vidéos d’eux en train de chanter une partie de la chanson « Amazing Day », pour être compilées dans un clip vidéo officiel.

De l’écran à l’écran : comment les réseaux sociaux ont créé une nouvelle ère de participation des fans

Les industries cinématographiques et télévisuelles n’échappent pas au phénomène de pression des fans sur les réseaux sociaux. Les producteurs et les réalisateurs peuvent maintenant utiliser les réseaux sociaux pour tester leurs idées et évaluer leur popularité auprès des fans avant de les mettre en production.

Les fans, eux, utilisent souvent les réseaux sociaux pour exprimer leur soutien ou leur mécontentement concernant le sort de leurs séries préférées. Des hashtags tels que #SaveOurShows ou #RenewOurShows sont fréquemment utilisés sur Twitter pour encourager les chaînes de télévision à renouveler ou annuler des séries en fonction de la mobilisation des fans. Bien que l’impact de ces campagnes puisse être difficile à mesurer, elles montrent que les réseaux sociaux offrent aux fans une plateforme pour exprimer leur passion et potentiellement influencer les décisions des producteurs.

C’est ce qui s’est passé pour la série « Sense8 » de Netflix, qui a été annulée en 2017 après deux saisons. Les fans se sont mobilisés sur les réseaux sociaux, notamment Twitter et Facebook, pour exprimer leur mécontentement et demander le retour de la série. En raison de l’engouement des fans et de la pression exercée sur les réseaux sociaux, Netflix a finalement accepté de produire un épisode spécial de deux heures pour conclure l’histoire.

Entre tendance et créativité : comment les réseaux sociaux affectent l’innovation dans l’industrie du divertissement

Bien que les réseaux sociaux offrent une plateforme pour les fans de s’exprimer, certains craignent que la prise en compte excessive de l’avis des fans ne conduise à une uniformisation du divertissement. En effet, les producteurs et les créateurs peuvent être tentés de suivre les tendances populaires sur les réseaux sociaux au lieu de prendre des risques créatifs ou de proposer des idées originales.

Par exemple, dans l’industrie du cinéma, de nombreux films sont adaptés de franchises populaires ou de livres à succès pour capitaliser sur une base de fans déjà existante. Bien que cela puisse être une stratégie efficace pour attirer un public, cela peut également conduire à une saturation du marché et à un manque de diversité dans les idées et les histoires présentées. De plus, les fans ayant de plus en plus de poids, même un créateur qui souhaite imposer une idée originale aura du mal à se faire entendre. C’est ce qui est arrivé aux créateurs de Game of Thrones : les fans, après avoir critiqué la saison finale, ont lancé une pétition en ligne pour refaire la saison. Cependant, les créateurs de la série, ont défendu leurs choix créatifs et ont déclaré qu’ils n’allaient pas la refaire.

Les réseaux sociaux ont donc définitivement amplifié le pouvoir des fans dans l’industrie du divertissement. Les fans ont maintenant la possibilité de dicter les tendances et de déterminer le succès des productions, créant une nouvelle ère de fan culture qui est là pour rester.

Laura Mariani

Bibliographie :

  • Morgane Brucelle. Fan culture : résistance et mémétique sur les médias sociaux. Littératures. Université Paul Valéry – Montpellier III, 2018. Français. ffNNT : 2018MON30021ff. fftel-02001831f
  • Ravenelle, C. (2021). Les fans qui modifient leurs jeux vidéo : études des communautés de moddings dans les intervalles des séries vidéoludiques de Bethesda. Érudit. https://doi.org/10.7202/1089618ar
  • DUMORTIER SAINT-LAURENT, C. (2021). RAPPORTS DE POUVOIR DANS LE DÉVELOPPEMENT OUVERT DE JEUX VIDÉO : LE CAS DE STAR CITIZEN [Mémoire de maitrise]. UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL.

Spotify et les Maisons de Disques : collaboration ou concurrence ?

Crédit : Unsplash – Alexander Shatov

Le géant du streaming Spotify fait encore et toujours parler de lui.

La plateforme d’écoute suédoise, leader mondiale de la musique en ligne a vu sa croissance prendre de la vitesse au troisième trimestre de 2022, et s’approche désormais du demi-milliard d’utilisateurs.

La série « The Playlist », diffusée sur Netflix en octobre, a cumulé succès critique et succès d’audience. Retraçant la genèse de la success story de Daniel Ek, entrepreneur de génie, et de ses associés, cette sortie évènement confirme que Spotify continue de fasciner à travers le Monde. Un des fils développés à travers les 10 épisodes est la relation tumultueuse du site avec l’industrie musicale et plus particulièrement les grandes Majors tels qu’Universal.

Alors que Spotify prend toujours plus de parts de marchés et innove continuellement, il est particulièrement intéressant de suivre sa stratégie de diversification et ses rapports avec les labels…

Diversification & Partenariats

Avant de se pencher sur les derniers projets en développement au sein de Spotify, un petit retour en arrière s’impose.

Crédit : AFP

Développé initialement en 2006 par Daniel Ek et Martin Lorentzon à Stockholm, le software a depuis parcouru beaucoup de chemin. Depuis ses premiers lancements internationaux – Royaume-Uni en 2010, États-Unis en 2011- et le premier million d’abonnés atteint en 2011, Spotify a lancé de nombreuses initiatives pour résister à la concurrence et faire en sorte de croître de façon continuelle.

Pour mentionner les partenariats, toujours en 2011, la plateforme a signé des contrats clés avec les grandes Majors, pour s’assurer les droits de distribution de catalogues d’artistes les plus larges possible. Une première étape majeure dans ce qui s’annoncera être une longue épopée de négociations et renégociations pour des accès exclusifs et différents partenariats artistes, avec des situations bien souvent tendues ainsi que de nombreux désaccords. Plus récemment, en 2020, un article de Siècle Digital mentionnait des relations plus apaisées qui s’illustre par des accords avec Universal et Warner sur des droits de diffusion sur plusieurs années.

Au-delà de la pure et simple distribution de musique, Spotify incarne la croissance technologique et a su expérimenter avec un service à la base très simple.
Parmi ses grands succès, on peut citer le lancement de playlists types « My Discover Weekly », qui se basent sur les données d’écoute des utilisateurs pour leur proposer chaque semaine des découvertes personnalisés.

Autre succès majeur, Spotify Wrapped, lancé en 2015, est désignée par Variety comme l’une des plus grandes réussites du Groupe et leur opération marketing majeure de l’année. Campagne très rentable donc pour la plateforme qui n’a qu’à proposer à ses utilisateurs un résumé de leur habitude d’écoute de l’année grâce à toute la data collectée au fil des mois.

On pourra également mentionner les « Enhanced Albums », dernière nouveauté en date qui vous permet de vous immerger toujours plus dans la musique de vos artistes favoris. Grâce à « Enhanced », Spotify propose une expérience qui va cumuler pistes musicales, interviews d’artistes et visuels exclusifs.

Si Spotify innove au sein même de son site et de ses applications mobiles, le numéro 1 du streaming diversifie également son activité grâce à des initiatives et softwares annexes. C’est le cas de Spotify Studios et Spotify for Artists, qui lui permettent de gagner de plus en plus d’indépendance par rapport aux Labels.

Spotify for Artists & Spotify Studios

Alors, qu’est-ce que Spotify for Artists et Spotify Studios ?

Crédit : Spotify for Artists Website

Comme son nom l’indique, Spotify for Artists est une extension du site destinée aux artistes et musiciens du monde entier. Le but est simple : leur permettre d’uploader leur musique, de modifier leurs profils, de soumettre des titres aux différentes playlists, ou encore d’obtenir des informations et statistiques détaillés sur les écoutes de leurs titres. Les fonctionnalités sont très diverses et vont encore plus loin : annoncer des concerts, vendre des produits dérivées… c’est tout l’univers et l’économie d’un musicien qu’il est possible de gérer depuis cette plateforme.

Et le problème pourrait venir de là. Si une plateforme de ce type est très utile, notamment aux labels qui suivent les résultats de leurs artistes, elle permet également plus d’autonomie à ces mêmes artistes, qui pourraient donc « bypasser » leurs maisons de disque pour se gérer eux-mêmes. Un des limites à mentionner : Spotify rémunère en moyenne un artiste entre 0,003$ et 0,005$ par stream, selon le magazine Forbes. Ce qui veut dire qu’il peut être compliqué pour un artiste indépendant encore peu connu de vivre à son compte, là ou un label pourrait lui garantir des avances et autres contrats pour lui permettre de prendre le temps de se développer tout en ayant une sécurité financière.

Nous en arrivons donc à Spotify Studios. Si Spotify a conclu dans ses différents contrats avec les grandes Majors qu’elle ne signera pas d’artiste et ne sera pas directement propriétaire de copyright musicaux, rien n’empêche la plateforme de traiter en direct avec les artistes ainsi que leurs équipes tant que ceux-ci ne sont pas signés et possèdent l’intégralité de leurs droits, selon Les Échos. Le journal détaille que Spotify propose des contrats de licence depuis 2019, et même si cette activité reste encore minoritaire par rapport au chiffre d’affaires du groupe, elle n’en reste pas moins prometteuse. Obstacle de taille cependant : cette activité « Spotify Studios » est pour le moment limitée à de petits artistes émergents et à la production de contenus originaux dont principalement des podcasts. De plus, Spotify ne peut pas se permettre de devenir ou développer une activité officielle de label. Dans une industrie musicale ou quasiment l’intégralité des recettes sont contrôlées par 4 acteurs (Universal, Sony, Warner et EMI), le géant suédois ne peut pas prendre le risque de rentrer en conflit et en concurrence direct avec l’un d’entre eux au risque de diminuer drastiquement son catalogue.

« Spotify ne peut pas se permettre de développer une activité officielle de label »

Ainsi, la plateforme doit développer des stratégies parallèles pour se développer tout en maintenant ses relations avec les grandes majors.

Data & futurs A&R

S’il y a bien un point ou Spotify et les grands acteurs du streaming musical peuvent tirer leur épingle du jeu, il s’agit de la Data collectée et de son utilisation.

Crédit : Wired

Lorsque vous créez un compte sur la plateforme, vous leur donnez accès à un grand nombre d’informations : historique d’écoutes, playlists, heures d’activités, mais également nombre d’appareils connectés, localisation…

Et si le groupe suédois fait déjà usage de cette donnée pour vous proposer de meilleures recommandations et la vendre à des annonceurs, un nouveau type d’usage pourrait être bientôt possible.

Selon le site Music Business Worlwide et de nombreux autres médias spécialisés, Spotify aurait déposé en mars dernier un brevet pour une technologie qui permettrait de découvrir des artistes et des morceaux avant qu’ils connaissent un grand succès commercial. La stratégie derrière cette technologie est simple : Spotify va mettre en place des algorithmes pour repérer des profils d’utilisateurs qui sont des « dénicheurs de tendances ». Ces personnes, catégorisées comme « early adopters » écoutent fréquemment des artistes peu connus et il arrive régulièrement que ces artistes et leurs morceaux finissent par avoir une grande reconnaissance publique.

Ainsi, Spotify va tracker leurs dernières écoutes et investir dans des morceaux et des musiciens pour l’instant peu connus, en attendant qu’ils le deviennent. Le meilleur dans tout ça ? Les « early adopters » ne seront pas au courant qu’ils le sont, et que Spotify utilise leur donnée dans ce cadre. Ce seront donc des utilisateurs lambdas qui payeront un abonnement et qui contribueront à enrichir le site sans s’en rendre compte.

Cette technologie pourrait à terme, si efficace, remplacer le travail des « A&R », spécialistes des labels qui sont chargés de la découverte des nouveaux artistes.

Stratégie novatrice donc et qui méritera d’être suivie de près. Elle pourrait cependant s’avérer moins efficace que prévu selon la qualité des algorithmes et les potentielles législations qui pourraient être mis en place pour protéger les utilisateurs et leurs données.

Pressions & Difficultés

Crédit : Unsplash / Reet Talreja

Spotify, qui reste de loin leader de son secteur, a donc encore de nombreuses ressources et stratégie de développement en cours. Cependant, il est important de mentionner que le tableau n’est pas entièrement rose. Le Groupe affiche des pertes importantes en 2022, aux alentours de 430 millions d’euros, et le cours de l’action a chuté en un an.

Les investissements dans « Studios » et le développement des podcasts ont beaucoup couté et pour l’instant rapporté bien moins que calculé initialement. Globalement, le marché du streaming audio est en ralentissement avec de nombreuses zones géographiques qui arrivent à maturité. Bien qu’intéressants à suivre, les divers projets d’innovations et d’activité se rapprochant d’un Label entamés par le Groupe sont sujets à un contexte global tendu et à des négociations toujours aussi peu évidentes avec les plateformes.

Si le géant suédois envisage de se développer à travers les artistes indépendants et émergents, il sera donc clé de suivre si ces derniers seront coopérants, ou se tourneront vers d’autres acteurs avec des stratégies bien différentes telles que Bandcamp ou Distrokid

Posté par Nicolas Roger

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Références :

  • Spotify gagne des abonnés mais reste dans le rouge. (2022, 26 octobre). BFMTV. https://www.bfmtv.com/tech/actualites/streaming/spotify-gagne-des-abonnes-mais-reste-dans-le-rouge_AD-202210260251.html
  • Nedelec, G. (2018, 18 juin). Comment Spotify tente de court-circuiter les labels. Les Echos. https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/comment-spotify-tente-de-court-circuiter-les-labels-133537
  • Kafka, P. (2018, 8 juin). Spotify is competing with music labels by cutting direct deals with musicians. Vox. https://www.vox.com/2018/6/8/17441544/spotify-daniel-ek-direct-deal-music-labels
  • Music Business Worldwide. (2022, 6 juin). The major labels face an uphill battle for streaming market share. Here’s how they might fight back. https://www.musicbusinessworldwide.com/podcast/the-major-labels-face-an-uphill-battle-for-streaming-market-share-heres-how-they-might-fight-back/
  • Spotify tells competition regulator that streaming innovation risks being held back by label clauses. (s. d.). Digital | Music Week. https://www.musicweek.com/digital/read/spotify-tells-competition-regulator-that-streaming-innovation-risks-being-held-back-by-label-clauses/086595
  • Gangloff, Y. (2020, 24 juillet). Spotify et Universal signent un nouvel accord avec une collaboration étendue. Siècle Digital. https://siecledigital.fr/2020/07/24/spotify-et-universal-signent-un-nouvel-accord-avec-une-collaboration-etendue/
  • Dellatto, M. (2022, 14 avril). Spotify Says It Paid $ 7 Billion In Royalties In 2021 Amid Claims Of Low Pay From Artists. Forbes. https://www.forbes.com/sites/marisadellatto/2022/03/24/spotify-says-it-paid-7-billion-in-royalties-in-2021-amid-claims-of-low-pay-from-artists/
  • Loignon, S. (2023, 31 janvier). Spotify proche du demi-milliard d’utilisateurs dans le monde mais creuse ses pertes. Les Echos. https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/spotify-proche-du-demi-milliard-dutilisateurs-dans-le-monde-mais-creuse-ses-pertes-1902191
  • Berghe, V. (2022, 6 avril). Spotify traque vos données : pourquoi et comment l’éviter ? Les Numériques. https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/spotify-traque-vos-donnees-pourquoi-et-comment-l-eviter-n180005.html
  • Dabi-Schwebel, G. (2021, 9 juin). La data dans l& # 039 ; industrie musicale. Agence 1min30. https://www.1min30.com/brand-marketing/data-musique-spotify-26956/amp/

Documentaires, lives inédits, clips en NFT, performances à la TV… Entre démarches artistiques et objets promotionnels, jusqu’où va la promotion musicale à l’ère du numérique ?

Depuis que le numérique s’est imposé comme canal principal de distribution et de consommation de musique, l’industrie musicale est confrontée à plusieurs phénomènes qui poussent les artistes et leurs maisons de disque à redoubler d’inventivité pour vendre leur art. En assistant à ces différentes évolutions, la question de savoir en quoi la numérisation de l’industrie musicale pousse les acteurs de la musique à événementialiser au maximum les sorties d’albums, en proposant tout un tas d’activations marketing annexes à l’album en lui-même se pose.

Booba se met aux NFT. Capture du site de vente de NFT du rappeur —  Orelsan, Montre Jamais ça à personne, affiche du film —  Angèle, le documentaire, affiche du film — Travis Scott en concert sur Fortnite, capture

Des activations marketing qui tournent autour des artistes, mais qui s’éloignent parfois de la pure démarche artistique.

Récemment, plusieurs albums très attendus sont sortis en l’espace de quelques jours. Pour ne citer qu’eux, Orelsan et Adele ont sorti leurs albums respectifs le 19 novembre, et Angèle et Ninho l’ont fait une semaine plus tard, le 3 décembre.

Mais qui dit nombreuses sorties d’albums, dit embouteillages à la sortie, saturation de l’espace médiatique et même des canaux de distribution. Sûrement pour répondre à cela, de nouveaux formats promotionnels sont apparus, parfois surprenants, parfois attendus, mais qui ont fait émerger une nouvelle tendance promotionnelle globale.

Parmi ceux-ci, le format documentaire, qui est déjà largement répandu dans l’industrie musicale. Après Nekfeu, Vald, Lomepal ou encore Travis Scott en 2019, c’est au tour d’Orelsan et d’Angèle de nous laisser entrer dans leur intimité à travers des documentaires qui retracent leurs parcours, qui nous ouvrent les portes de leurs univers créatifs, mais aussi et surtout qui font la promotion de leur nouvel album. Si les documentaires musicaux ont la côte depuis de nombreuses années maintenant, ils n’interviennent plus au même moment dans la carrière d’un artiste. Des documentaires ou films comme This is it ! retraçant le parcours de Mickaël Jackson ou encore Bohemian Rapsody pour Queen, retracent l’ensemble de la carrière d’artistes qui ont bouleversé l’histoire de la musique. Mais peut-on en dire autant des artistes qui documentent leur vie eux-mêmes, alors même que leur carrière est loin d’être terminée ? Pourquoi est-ce tant nécessaire d’événementialiser à tout prix la sortie d’un nouveau projet ?

La saturation des canaux de distribution pousse les acteurs à tout mettre en œuvre pour vendre un maximum dès la sortie du projet.

Avec le développement du numérique, nous assistons à une saturation des canaux médiatiques. En effet, comme l’expliquent Benghozi P. et Benhamou, F (2008)[1], l’ouverture de nouveaux canaux de distribution permise par le commerce électronique réduit les coûts de diffusion en ligne, ce qui permet à un nombre plus important de producteurs, de distributeurs et d’éditeurs de proposer leurs productions à la vente, pour un coût marginal très faible.

De ce fait, l’offre disponible en ligne est extrêmement riche, ce qui peut provoquer finalement un effet assez néfaste sur les ventes, ce qu’on appelle « le paradoxe du choix », théorisé par Barry Schwartz en 2005[2]. En ayant une liberté de choix de plus en plus grande, les consommateurs, au lieu de se retrouver de plus en plus libres, sont finalement paralysés et ne parviennent pas à prendre une décision. Ensuite, si le consommateur parvient à sortir de cette paralysie et à faire un choix, alors le choix sera moins satisfaisant. En effet, plus il y a d’options, plus il est facile de regretter le choix fait.

Face à ce constat, les artistes et les professionnels du secteur ont tout intérêt à aider le consommateur dans ce choix en lui amenant le plus d’arguments possible pour que le choix soit porté sur leur œuvre. Forts de ce constat de saturation du marché, les majors doivent jouer sur la « cascade informationnelle » (De Vany, Walls, 2002) qui prend sa source « dans les premiers résultats en termes de vente », car ces premiers résultats vont être déterminants dans le choix du consommateur, sur le mode de l’imitation. Il faut donc tout faire pour vendre un maximum dans les premiers temps de l’exploitation commerciale de l’œuvre ; ce qui permettra de bénéficier d’économies d’échelle, d’optimiser l’efficacité des campagnes promotionnelles et de libérer rapidement de l’espace sur le marché pour les autres produits de la marque. (Debenedetti, S. 2014)[3].

La saturation des canaux médiatiques pousse les artistes et leurs labels à communiquer sur de nouveaux canaux.

Puisque les canaux de distribution sont saturés – il y a trop de biens à vendre – logiquement, les canaux de communication sont eux aussi saturés. Face à l’abondance d’offre sur le marché, les consommateurs sont donc victimes du paradoxe du choix. Mais les médias le sont aussi, et eux avec la responsabilité supplémentaire d’orienter les consommateurs dans leurs choix, et de faire vendre les oeuvres des artistes. En limitant le choix possible du consommateur et en lui conseillant un certain bien plutôt qu’un autre, ils vont permettre aux consommateurs d’avancer dans le parcours d’achat[4], ce qui va amener plus de ventes pour l’artiste. Ainsi, l’enjeu est fort pour les artistes aussi : plus leur projet sera intéressant, plus les médias seront intéressés et vont en parler, et plus les artistes pourront maximiser leurs ventes.

En parallèle de ce phénomène de saturation des canaux médiatiques, se développe la notion « d’économie de l’attention »[5], décrite comme étant un aspect crucial de la modernité et de la société capitaliste par Crary, J. et Ropussel, S. Avec toujours plus de nouveaux produits, de nouvelles sources de stimulation et de nouveaux flux d’information, il est difficile de porter son attention sur une seule chose, sans distraction aucune.

En combinant ces deux éléments, qui font que et les consommateurs et les médias sont saturés d’informations, il apparaît nécessaire pour les artistes de tout faire pour sortir du parcours d’achat et de promotion classique, et de multiplier les points de contacts avec leur public.

Tout ceci participe à la perte d’efficacité des campagnes traditionnelles. Faire le tour des médias traditionnels est toujours requis, mais ce n’est plus suffisant. On l’a vu avec l’intervention de Stromae au journal de 20h de TF1, où la dernière question de la journaliste se transforme en performance de l’artiste. Si cette performance a été décrite par certains comme étant un coup de génie de l’artiste, elle est très critiquée par d’autres, comme le journal l’Obs, qui dénonce la perte de frontières entre information et promotion[6].

Stromae chante L’Enfer au journal de 20h de TF1, capture

Outre ce besoin d’en faire « toujours plus », les artistes ont aussi besoin de faire différemment. Nous l’avons vu avec l’interview de Vald dans l’émission Salut les Terriens par Thierry Ardisson en 2017, qui avait provoqué un tollé médiatique. Le rappeur, qui avait été réduit à « son statut de rappeur blanc » a décidé à la suite de cette interview d’arrêter la promotion en télé[7]. Les médias traditionnels semblent parfois déconnectés de la réalité des artistes et imposent un cadre trop strict et vieux jeu par rapport à ce que ceux-ci aimeraient mettre en avant. C’est peut-être pour cela que tant de nouveaux formats émergent, permettant à l’artiste de s’exprimer librement et à sa façon, face à des personnes qui vont avoir une plus grande facilité à les comprendre devient essentiel pour les artistes, qui, avec la rapidité de la transmission d’informations sur Internet, peuvent se retrouver au cœur de polémiques en un clin d’œil.

Interview de Jazzy Bazz par Mehdi Maïzi – exemple d’interviews longues, plus personnelles, avec un animateur spécialisé dans la musique

Le format album a perdu en vitesse depuis la numérisation de l’industrie musicale.

Enfin, l’essor du numérique a fait émerger de nouveaux modes de consommation de la musique. Les plateformes de streaming de musique mettent en avant des singles[8], plus que des albums ou des projets entiers. Il devient alors trop cher pour un artiste de promouvoir un album entier ; souvent, la dernière track ne sera pas ou peu écoutée, et la construction artistique de l’album ne sera pas forcément remarquée. C’est d’ailleurs devenu un réel problème pour les artistes, qui voient leur œuvre être consommée autrement qu’ils ne l’avaient pensé. C’est d’ailleurs pour cela que la chanteuse Adele a demandé à Spotify de supprimer la lecture aléatoire des pages albums[9].

Face à cette perte de vitesse du format album[10], il faut alors tout faire pour que la sortie soit remarquée, et inciter les fans à écouter l’album en entier.


Ces nouveaux outils promotionnels permettent de booster les ventes des artistes qui adoptent ces nouvelles stratégies, mais elles ont aussi pour effet de creuser encore plus l’écart qui existe entre les artistes installés, les « stars », et les artistes indépendants qui ne sont pas signés en major. En effet, pour pouvoir disposer d’un plan médiatique innovant, il faut des moyens, et seuls les plus gros artistes signés dans les plus grosses maisons de disque sont à même de sortir des sommes aussi importantes pour la promotion d’un seul artiste…

Ces nouveaux outils promotionnels vont-ils amener l’industrie musicale vers encore plus de concentration, encore moins de visibilité, et donc encore moins de revenus pour les indépendants ?

Joséphine BOËLLE


[1] Benghozi, P. & Benhamou, F. (2008). Longue traîne : levier numérique de la diversité culturelle ?. Culture prospective, 1, 1-11. https://doi-org-s.proxy.bu.dauphine.fr/10.3917/culp.081.0001

[2] Schwartz, B. (2005). Le paradoxe du choix : comment la culture de l’abondance éloigne du bonheur

[3] Debenedetti, S. (2014). Chapitre 7. Le marketing des industries culturelles : film, livre et musique enregistrée. Dans : Dominique Bourgeon-Renault éd., Marketing de l’Art et de la Culture (pp. 241-281). Paris: Dunod. https://doi-org-s.proxy.bu.dauphine.fr/10.3917/dunod.bourg.2014.01.0241″

[4] Résumé d’un ted talk : Le Paradoxe du choix. Agence inbound marketing b2b, stratégie digital et seo. (2018). Retrieved from https://www.inboundvalue.com/blog/resume-ted-talk-paradoxe-choix

[5] Crary, J., Roussel, S., Sansregret, M. & Poncet, P. (2014). Chapitre 1. Le capitalisme comme crise permanente de l’attention. Dans : Yves Citton éd., L’économie de l’attention: Nouvel horizon du capitalisme ? (pp. 33-54). Paris: La Découverte. https://doi-org-s.proxy.bu.dauphine.fr/10.3917/dec.citto.2014.01.0033″

[6] Gonzague, A., & Delassein, S. (2022, January 10). Pourquoi la prestation de Stromae Sur TF1 était Franchement Embarrassante. L’Obs. Retrieved January 29, 2022, from https://www.nouvelobs.com/culture/20220110.OBS53064/pourquoi-la-prestation-de-stromae-sur-tf1-etait-franchement-embarrassante.html

[7] Marie, L. (2017, October 9). Vidéo : Vald Règle Ses Comptes Avec Ardisson après son interview surréaliste dans salut les terriens. Konbini. Retrieved from https://www.konbini.com/fr/musique/vald-regle-comptes-ardisson-interview-salut-terriens/

[8] Jazzy Bazz, l’interview par Mehdi Maïzi. Retrieved from https://www.youtube.com/watch?v=Dbdvub1VOXc&t=1058s.

[8] Prat, N. (2018, November 30). Le single fait toujours les gros titres. Libération. Retrieved from https://www.liberation.fr/musique/2018/11/30/le-single-fait-toujours-les-gros-titres_1695238/

[9] Demotivateur. (2021, November 22). Adele fait supprimer La Lecture Aléatoire des albums Sur Spotify. Demotivateur. Retrieved from https://www.demotivateur.fr/entertainment/a-sa-demande-adele-fait-supprimer-la-lecture-aleatoire-des-albums-sur-spotify-26936#:~:text=Adele%2C%20qui%20vient%20de%20sortir,la%20chanteuse%20britannique%20sur%20Twitter.

[10] Menez, C. (2019, May 21). Quelques impacts du streaming sur la création musicale. LinkedIn. Retrieved from https://www.linkedin.com/pulse/quelques-impacts-du-streaming-sur-la-cr%C3%A9ation-musicale-menez/

Le jeu-vidéo et le streaming en direct sont-ils l’avenir de l’industrie musicale ?

Industrie musicale : éléments de contexte

Après 16 années consécutives de décroissance, l’industrie musicale a vu son chiffre d’affaires repartir à la hausse pour la première fois en 2016 après une restructuration du secteur, notamment autour du streaming. Dans ce contexte, la crise sanitaire qui frappe la planète depuis le début de l’année 2020 déstabilise une industrie encore fragile et risque d’avoir un impact considérable sur l’ensemble de sa chaîne de valeur. La musique va donc devoir trouver des alternatives pour continuer de croître ou a minima se maintenir à flot. L’une d’entre elles est de multiplier les collaborations avec un secteur qui ne semble pas connaître la crise : le jeu-vidéo, qui bénéficie d’une croissance annuelle proche de 20% et dont l’écosystème s’est considérablement développé ces dernières années, tant en termes de variété et de qualité des nouveaux produits qu’en termes d’élargissement de sa communauté.

Twitch, meilleure solution de repli pour les festivals annulés ?

Cette effervescence s’accompagne de l’essor de Twitch, plateforme de streaming de jeux-vidéos, dont le taux de fréquentation augmente logiquement d’environ 20% chaque année. C’est vers elle que se sont tournés bon nombre d’organisateurs de festivals afin de créer une édition en ligne de leur événement. C’est l’option qu’a choisi le Rolling Loud Festival, référence de la culture hip-hop, en organisant une série de trois festivals en direct depuis la plateforme. Les premières éditions (mi-septembre puis fin octobre 2020) ont permis à des artistes de renommée mondiale (Trippie Redd, Iann Dior etc) de performer face à un public virtuel fait de retours webcam et d’un livechat défilant sur un écran géant. Le show a été un succès puisqu’il a réuni, au total, près de 5 millions de viewers. De plus, Rolling Loud a d’ores et déjà commencé à diffuser des émissions hebdomadaires sur sa chaîne. A long terme, la firme souhaite investir le milieu du live streaming afin d’étendre son offre et proposer « un contenu qui croise les cultures hip-hop, mode, gastronomie, art et jeu vidéo et […] créer un hub virtuel ». D’autres festivals ont également fait le choix d’une édition numérique, comme le français We Love Green, qui a créé une carte virtuelle sur laquelle l’e-festivalier pouvait se déplacer et interagir avec les différentes scènes. Ce fut aussi le cas pour Tomorrowland qui a mis en place des expériences interactives pour les participants qui étaient invités à recréer leur propre « Dreamville ».

Scène de l’édition en ligne du Rolling Loud Festival

Le développement des concerts virtuels : une immersion croissante

Ces nouveaux formats de festivals en ligne intègrent donc souvent une logique de gamification, devenant une sorte d’hybride entre musique et jeu-vidéo. Ils pourraient bientôt décupler leur potentiel immersif, notamment en se produisant directement à l’intérieur d’un jeu. L’exemple le plus récent d’expérimentation en la matière est certainement le concert du rappeur Travis Scott qui s’est déroulé sur la licence d’Epic Games : Fortnite. En lançant une partie de jeu, les joueurs ont pu apprécier un concert virtuel à la mise en scène créative, au sein duquel ils pouvaient se déplacer librement autour de l’avatar de la star dans une performance réalisée grâce à des techniques de motion capture. Très vite, le développement conjoint des technologies de réalité virtuelle et de 4D pourrait repousser les limites de l’immersion et de l’interaction inhérentes à l’expérience d’un concert virtuel, c’est en tout cas ce sur quoi travaillent des entreprises comme WaveXR, pionnière en la matière. Enfin, la collaboration entre Travis Scott et Fortnite témoigne de la porosité grandissante entre les deux industries et ouvre la voie à un marketing plus créatif et engageant que jamais.

Avatar de Travis Scott lors de son concert virtuel dans Fortnite

Musique et jeu-vidéo : deux industries interconnectées

Ce rapprochement n’est pas récent, il est plutôt le fruit de nombreuses collusions entre les deux secteurs au cours des dernières décennies. On pense par exemple aux bandes sons de jeux qui, par leur qualité mais aussi l’émotion qu’elles peuvent raviver chez les joueurs, deviennent parfois des musiques très populaires, à l’instar de celles des jeux Zelda ou Metal Gear Solid. A l’inverse, des morceaux peu connus sélectionnés pour figurer dans des jeux tels que FIFA ont été propulsés vers un succès commercial. Autre exemple, la playlist du jeu de basket NBA2K, très proche de la culture hip-hop aux Etats-Unis, est chaque année très prisée par les maisons de disques dans la mesure où parvenir à y placer un titre promets des retombées financières certaines. D’autres partenariats ont vu le jour à l’occasion de grands événements Esport, comme lorsque le groupe Imagine Dragons a composé l’hymne officiel des championnats du monde 2014 de League of Legends. Par ailleurs, Riot Games, éditeur du jeu, a déjà mis un pied dans la musique en créant plusieurs groupes virtuels, incarnés par des personnages 3D issus son univers. Aussi, il existe des exemples de streamers devenus des stars internationales de la musique comme le rappeur américain Post Malone, qui a commencé sur Twitch et qui continue encore aujourd’hui à interagir avec sa communauté tout en jouant au jeu de tir PUBG.  Toutefois, il est important de préciser que ces échanges se font principalement entre le jeu-vidéo et un pan de la musique en particulier, à savoir plutôt les mouvances hip-hop et pop, en raison d’une relative proximité générationnelle.

KDA, groupe de K-pop virtuel créé par Riot Games

Twitch devient un acteur incontournable de l’écosystème des médias digitaux

Autre preuve de l’intérêt grandissant que représente le streaming de jeux-vidéos pour l’industrie musicale : la signature, en septembre dernier, d’un partenariat entre Twitch et la Sacem. Celui-ci aura pour but de rémunérer les membres de la Sacem lorsque leurs productions seront diffusées en live. Ainsi, d’un côté les artistes voient leur rémunération et leur visibilité en ligne augmenter, et de l’autre, les streamers peuvent proposer autre chose que de la musique libre de droit à leur audience, améliorant sensiblement la qualité globale de leur contenu. Twitch est donc en train de devenir un partenaire de choix pour les artistes et les maisons de disques cherchant à se faire une place au sein de l’écosystème digital. A ce titre, un autre rappeur américain de renom, Logic, est devenu le premier artiste sous contrat avec la plateforme d’Amazon, en signant un accord d’exclusivité à 7 chiffres. Il a notamment offert à ses fans une avant-première de son dernier album en live, signal fort de l’évolution du rapport de force entre le streaming et des médias plus traditionnels. A ce sujet, Tariq Cherif, co-fondateur du festival Rolling Loud, explique : « Depuis longtemps nous voulions prendre une place plus importante dans les médias […] Ce partenariat avec Twitch nous permet d’étendre notre business au-delà de la sphère physique. Après le covid, nous allons continuer à nous renforcer dans le digital et cela va se ressentir dans nos prochains concerts grâce aux progrès réalisés pendant la pandémie. » Pour eux, les collaborations avec l’univers du live streaming ne sont pas uniquement une solution de repli liée au coronavirus mais bien une perspective d’avenir, voire une prérogative à un développement optimal.

Le jeu-vidéo : nouveau média social dominant ?

L’industrie musicale, pour des raisons conjoncturelles, économiques et culturelles, tend donc à pénétrer l’univers du gaming et du streaming en direct. Cependant, en se penchant sur l’évolution intrinsèque du jeu-vidéo, une autre vision du phénomène est possible et amène à s’interroger : se pourrait-il que le gaming, du fait de son impressionnant développement technologique, finisse par englober toutes les différentes sphères des industries créatives ? Au-delà d’une nette amélioration en termes d’offre et de qualité, les jeux tendent à devenir de véritables médias sociaux, sur lesquels les utilisateurs ne se connectent plus uniquement pour jouer mais également pour discuter avec leurs amis et avoir des interactions sociales. A ce titre, le jeu « Animal Crossing », développé par Nintendo, fait office de référence en la matière, tout comme Fortnite, que certains considèrent comme un « digital square ». En d’autres termes, un parc virtuel dans lequel les adolescents se rejoignent après les cours pour jouer, certes, mais aussi et peut-être surtout pour se réunir. Les jeux-vidéos sont pour la plupart multi-joueurs et assez largement accessibles sur mobile, ce qui rend leur expansion d’autant plus fulgurante et qui fait d’eux des plateformes de plus en plus attractives pour tous les créateurs, y compris les musiciens. Selon des experts du numérique tels que Matthew Ball, Fortnite est en passe de devenir le « plus sérieux concurrent de Netflix », ce qui a été confirmé peu après par Reed Hasting lui-même, directeur de la plateforme de SVOD. Ces acteurs se mènent une guerre pour l’attention du consommateur, ainsi, celui qui parviendra à la capter au mieux entraînera avec lui une majorité de créateurs, puisqu’il leur offrira de meilleures chances d’exposer leur travail au plus grand nombre.

Interface permettant d’inviter ses amis dans Animal Crossing

Du gaming au métavers : futur proche ou science-fiction ?

Enfin, l’industrie du jeu-vidéo compte dans ses rangs des acteurs financièrement très puissants comme Tencent, actionnaire majoritaire de Riot Games (League of Legends) et second actionnaire d’Epic Games derrière Tim Sweeney, son PDG. Ces grandes sociétés prospèrent et disposent des moyens nécessaires pour continuer d’innover et développer de nouveaux jeux toujours plus sensibles d’attirer un nouveau public. Tim Sweeney lui-même ne cache pas ses ambitions et n’hésite pas à évoquer son rêve : créer un « métavers », un monde virtuel complètement immersif ou « second life », en capitalisant sur les progrès réalisés en matière de réalité virtuelle, de capture de mouvements et de puissance des moteurs de jeux-vidéos. Un tel programme pourrait s’apparenter au monde imaginé par Ernest Cline dans son roman Ready Player One. Bien que nous en soyons toujours loin, l’apparition d’un tel jeu au cours des prochaines décennies est tout sauf improbable, en témoigne cette déclaration de Mark Zuckerberg après le rachat d’Oculus, leader du marché de la VR, par Facebook : « C’est un pari à long terme sur le futur de l’informatique […] L’immersion dans une réalité virtuelle fera un jour partie de la vie quotidienne de la population ». Enfin, en décembre 2019 sur Twitter, voici ce que Tim Sweeney répondait à la question : Fortnite est-il un jeu ou une plateforme ?

Par conséquent, si de telles évolutions venaient à se produire, si le jeu-vidéo devenait cette plateforme virtuelle tentaculaire englobant la plupart des sphères de la vie réelle, il est alors évident que l’industrie musicale n’aurait d’autre choix que d’investir massivement dans cette direction, puisque c’est sur ces plateformes que la musique serait en grande partie consommée.

Nils ADAMUS

SOURCES :

Chaîne Twitch de « Rolling Loud » : https://www.twitch.tv/rollingloud

MILLMAN, Ethan. « Rolling Loud will Air Virtual Music Festivals Exclusively on Twitch ». Rolling Stone, 30 août 2020 :

https://www.rollingstone.com/pro/news/twitch-rolling-loud-content-partnership-1052799/

MIMS, Taylor. « Rolling Loud teams with Twitch For Digital Festival Series and Channel ». Billboard, 31 août 2020 : https://www.billboard.com/articles/business/9441863/rolling-loud-twitch-digital-festival-series-channel

BALL, Matthew. « 7 Reasons Why Video Gaming Will Take Over ». 4 janvier 2020 : https://www.matthewball.vc/all/7reasonsgaming

PETERS, Jay. « How to throw a party in Animal Crossing: New Horizons ». The Verge, 8 avril 2020 : https://www.theverge.com/2020/4/8/21212779/animal-crossing-new-horizons-party-island-how-to

BALL, Matthew. « On Fortnite’s Travis Scott Concert ». 26 avril 2020 : https://www.matthewball.vc/all/fortnitetravisscott

BALL, Matthew. « Fortnite is the future, but probably not for the reasons you think ». 5 février 2020 : https://www.matthewball.vc/all/fornite

Site web de « We Love Green » :

SANTO , Flora. « Il pourrait ne pas y avoir de festivals avant 2022 ou 2023 ». Trax, 19 octobre 2020 : https://www.traxmag.com/il-pourrait-ne-pas-y-avoir-de-festivals-avant-2022-ou-2023/

Site web de « WaveXR » :

Home

RIVERO, Nicolas. « How the NBA is using virtual fans to make games feel normal ». Quartz, 14 août 2020 : https://qz.com/1891805/how-the-nba-is-using-virtual-fans-to-make-games-feel-normal/

Quelle stratégie marketing pour les artistes en 2020 ?

Si le Business Model de l’artiste est en pleine mutation au niveau des canaux de distribution (nouvelles plateformes de streaming) et des activités clefs (diversification des expériences), la question de business model est interdépendante de la stratégie marketing de l’artiste via la segmentation et relation client.

1. Définir La proposition de valeur de l’artiste

Quelle est la stratégie marketing qui fera que les personnes écouteront lui et pas un autre. Autrement dit, comment l’artiste arrive-t-il à se différencier ?

Tout d’abord, avant même de parler de réseaux sociaux ou autre outil. L’artiste doit comprendre en amont comment il souhaite présenter son projet, pourquoi le public porterait un intérêt à sa musique et de quels éléments voudriez-vous que le public se souvienne ? On parle de stratégie musicale propre à l’artiste.

Pour répondre à ses questions, l’artiste doit faire une introspection sur ce qu’il fait, pour analyser chaque élément qui pourrait plaire à un certain public ou à un autre et déduire par la suite le type de personne que l’on souhaite toucher. Ensuite, l’artiste doit définir sa spécificité, et reconstituer le plus fidèlement son univers autour d’une image de marque.

Une fois cette stratégie musicale bien définie, l’artiste peu enfin définir sa réelle stratégie marketing.

Selon le type d’artiste et ses objectifs, l’artiste doit en général se créer un site web, un profil sur les réseaux sociaux, et une chaîne sur les plateforme vidéo. Il doit ensuite en fonction de sa stratégie musicale choisir sur quels canaux de promotion et de distribution il souhaite retrouver sa musique, et avec quels partenaires il souhaiterait travailler (partenaires numériques ou physiques nécessaires à la construction de la chaîne de valeur de l’artiste).

2. Segmentation client

Une fois la stratégie musicale et marketing définie, l’artiste doit segmenter son public en plusieurs groupes distincts afin de se construire une base fan solide.Pour cela, il va s’appuyer sur le data mining pour l’aider à trouver au mieux la cible qui matchera au mieux avec sa musique.

 Les artistes ont de plus en plus d’outils technologiques pour analyser ces données notamment sur les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, Instagram qui génèrent des milliards de données chaque jour. L’intérêt pour les artistes de ces différentes métriques est qu’il peut ensuite adapter sa cible, et la peaufiner sur les réseaux sociaux via une campagne promotionnelle digital.

Mais ces réseaux sociaux ne sont pas les seules mines d’or à données potentielles pour les artistes indépendants. D’autres plateformes telles que les plateformes streaming hébergent un certain nombre de données relatives aux comportements du public.

 On trouve notamment Spotify qui collabore avec The Next Big Sound et lui fournit l’ensemble de ses données. En échange, cette dernière récolte et traite, agrège en temps réelles tout un panel de données relatives aux auditeurs avec notamment un classement des titres les plus populaires selon l’âge, la localisation ou le genre. Ces données ensuite corrélées et enrichies par les données relatives aux réseaux sociaux. The Next Big Sound propose ainsi d’optimiser la campagne marketing de l’artiste via un Dashboard qui sera indispensable dans sa prise de décision.

3. Relation client

Après avoir analyser les données et segmenter son public, il peut cibler le ou les segments sur lesquels il souhaite se concentrer. Cette étape va lui permettre d’acquérir de nouveaux fans et de se construire une base fan.Mais ces fans ne sont encore que des prospects. L’enjeux de la relation client va donc être de transformer le prospect en client réel.

Avant tout, l’artiste doit évaluer la valeur de ses fans pour les classer en 3 catégories distinctes énoncé par Kevin Kelly dans 1000 True Fans :

  • Causual fans : Ce sont la partie des fans les moins engagés dans la relation avec l’artiste. Ils vont « liker » la page Facebook sans pour autant porter un très grand intérêt à l’artiste. Ils ne connaissent souvent pas très bien l’artiste, en ont déjà entendu parler, ou connaissent un ou deux titres de l’artiste.
  • Regular fan : Ils représentent une grande partie de la fan base de l’artiste. Ils suivent l’artiste assez régulièrement sur les différents canaux.
  • Super fan : Ils constituent la partie centrale, essentielle pour l’artiste. Ce sont les fans les plus engagés, dévoués pour l’artiste qui cette fois-ci porte véritablement bien l’expression de « fan ».

On comprend ainsi que tout l’enjeux de la relation client pour l’artiste va donc être de maximiser le nombre de super fan et de facto de minimiser le nombre de causual fan.

Pour cela, il faut d’abord que l’artiste engage sa base fan. Il faut que l’artiste inspire le public, lui donne envie d’interagir avec lui, et l’amène à une conversation avec lui. Il est important que le public se sente reconnu dans les actions menées par l’artistes.Pour engager sa base fan, l’artiste a à sa disposition un certain nombre d’outil pour communiquer sans trop de moyens avec notamment le owned ou par la création de contenu (vidéo, clip, post, photo …).

Ensuite, il faut développer la base fan et la fidéliser pour convaincre la cible d’acheter un album, une place de concert ou un merchandising. L’idée ici est de jouer sur les différentes catégories de fan en augmentant la valeur fan en fonction de chacune de ces catégories dans le but de faire passer le fan de prospect à client réel.

Pour les Causual fans, leur disposition à acheter la musique de l’artiste est faible. Ils ont donc encore peu de chance d’acheter la musique de l’artiste. Dans ce cas, l’artiste doit favoriser avec eux l’échange gratuit de contenu, continuer à engager la conversation pour que ces derniers deviennent des regular fan.

En ce qui concerne les Regular fans, l’artiste devra varier son marketing entre la création de contenu (owned media), campagne du publicité payante (paid media) et profiter de la publicité gratuite par les fans eux même (earned media). Dès lors, il faut réfléchir à des tactiques inédites pour fidéliser et monétiser l’activité de l’artiste. Autrement dit, l’artiste doit développer un marketing innovant pour convaincre les regular fans de consommer un produit de l’artiste dans l’espoir qu’ils deviennent à terme des super fan.

Les Super fans sont les fans les plus rentable pour l’artiste car il n’y a plus besoin d’aller vers eux et de payer pour communiquer, ce sont eux qui viennent vers l’artiste. On parle en anglais d’advocacies, ambassadeurs de la marque de l’artiste, qui vont générer un certain nombre de contenus gratuitement pour l’artiste. La fidélisation passe par des récompenses (possibilité de rencontrer l’artiste, avoir des exclusivités sur des musiques, places VIP …) de ces super fans pour leur donner une reconnaissance dans ce qu’ils ont accompli en échange de ce travail gratuit.

Finalement, l’arrivée des réseaux sociaux et du Big Data ont donc considérablement améliorer « le targeting » pour les artistes qui peuvent désormais offrir une relation particulière avec chacun des segments auditeurs.

Elio Stopnicki

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