Les plateformes de streaming à la conquête des droits sportifs en France : où en sommes-nous début 2024 ?

Les plateformes de streaming se sont aujourd’hui imposées en France comme des acteurs majeurs du divertissement. Récemment, elles ont commencé à se tourner vers un nouveau domaine : les droits sportifs. En France, cette tendance prend de l’ampleur. Les géants du streaming cherchent à acquérir les droits de diffusion de divers sports, bouleversant ainsi le paysage traditionnel de la diffusion sportive.

Récemment, la mise en vente des droits de la Ligue 1 (football) par la LFP, par le biais de son président Vincent Labrune, témoigne de l’intérêt croissant des plateformes pour ce marché-là. Actuellement, deux plateformes de streaming pourraient se placer sur ces droits.
La plateforme de streaming britannique DAZN, spécialisée dans le sport en direct, a montré un grand intérêt pour la Ligue.Cependant, ses offres auprès de la LFP ont pour le moment été jugées insuffisantes. Ensuite, Amazon Prime Video, qui diffuse déjà une partie des matchs de Ligue 1 en France, souhaite rester un diffuseur majeur de la compétition et obtenir une partie du lot proposé par la LFP. Mais, les acteurs traditionnels sont encore dans la course : BeinSport pourrait intervenir alors que Canal+ observe pour le moment.

Cet appel d’offre témoigne donc de la place que prennent ces plateformes dans les discussions et chez le consommateur. Dans le football, le tennis et encore le basketball, on sent leur intérêt croissant. Nous allons présenter ici les nouveaux acteurs souhaitant accentuer leur présence dans le paysage sportif en France.

De nouveaux acteurs compétitifs 

Tout d’abord, DAZN est un service OTT lancé en 2016 par Leonard Blavatnik, un milliardaire britanno-américain et actionnaire de Warner Music et Deezer. Cette plateforme, souvent appelée le « Netflix du sport », est maintenant accessible dans plus de 200 pays. À ses débuts, DAZN s’est principalement axée sur la diffusion de la boxe en pay-per-view. Cependant, elle s’est progressivement diversifiée, notamment en acquérant des droits dans le football, cherchant à rivaliser avec les diffuseurs traditionnels européens tels que Movistar (Espagne), Sky Sports (Angleterre et Allemagne) et Canal+ (France). Dans ce sens, DAZN a remporté les droits de diffusion de la Serie A pour la période 2024-2029, proposant 10 matchs par journée, dont trois en exclusivité.

En août 2023, une collaboration a été établie entre Canal+ et DAZN, menant à la création de Canal + Ligue 1, une chaîne numérique OTT. Cette nouvelle offre, intégrée à DAZN, diffuse deux matchs de la Ligue 1 Uber Eats par journée et est disponible via un abonnement combiné DAZN & Canal+ Ligue 1. D’autres nombreuses compétitions, telles que la Ligue des Champions féminine, la D1 Arkema, Jupiler Pro League ou encore  Boxe & le MMA (hors UFC) sont disponibles via cet abonnement. Un autre abonnement disponible est le NFL Game Pass, proposé séparément au tarif de 149€ par an, qui offre la possibilité de regarder tous les matchs de la saison de football américain. Par ailleurs, DAZN a consolidé sa présence en France en établissant des partenariats de distribution avec des opérateurs tels qu’Orange, Bouygues Télécom et SFR.

Ensuite, Prime Video, le service de streaming d’Amazon, a réalisé des investissements stratégiques significatifs dans les droits sportifs en France, marquant un tournant dans son approche du contenu. Parmi les acquisitions les plus notables, on trouve les droits de diffusion d’une partie de la Ligue 1, en chipant notamment l’affiche du dimanche soir à Canal+. Ils ont également acquis les droits de diffusion pour le tournoi de tennis Roland-Garros, un des quatre tournois du Grand Chelem. L’entrée de Prime Video dans le domaine des droits sportifs en France n’est pas seulement une stratégie pour augmenter le nombre d’abonnés, mais aussi un moyen de renforcer la marque Amazon dans le paysage médiatique français.

Un marché difficile d’accès

En somme, le marché des droits sportifs est très compétitif et onéreux, rendant difficile l’émergence de nouveaux acteurs. Amazon a été la première plateforme généraliste à acquérir un large éventail de droits de diffusion sportifs, en France (Roland Garros, Ligue 1) et à l’étranger (NFL aux États-Unis).  Mais, même si ces plateformes ont une structure solide, diffuser des événements sportifs en direct à grande échelle implique des défis techniques et financiers. Il faut une expertise technique considérable et des seuils de rentabilité élevés. L’échec de Mediapro en 2021, qui a acquis les droits de diffusion du championnat français de football mais n’a pas réussi à rentabiliser son investissement, illustre ces difficultés.

Les plateformes SVOD rencontrent des défis pour se spécialiser dans les événements sportifs en raison de la nécessité d’une expertise de diffusion élevée, de seuils de rentabilité exigeants, et du besoin d’une offre diversifiée. DAZN est une exception notable, avec une valorisation en milliards et des droits de diffusion variables selon les territoires. Les plateformes généralistes hésitent à concurrencer les diffuseurs traditionnels en raison des investissements conséquents et des contraintes contractuelles. Les droits les plus importants sont généralement détenus par des chaînes avec une offre riche, augmentant leur attractivité. Cependant, les acteurs de la SVOD commencent à investir dans les droits sportifs, attirés par le potentiel de séduire un nouveau public et de proposer une stratégie localisée. 

Netflix : le choix d’une stratégie inédite

Netflix, quant à lui, arrive avec une stratégie assez différente. Alors que la plateforme est attendue depuis pas mal d’années comme diffuseur du sport en direct, Netflix garde aujourd’hui sa position pour une consommation différente du sport. Avec son savoir-faire et ses réalisations réussies en production, la société américaine s’oriente plutôt vers la création de contenus exclusifs, se tenant ainsi à l’écart de l’achat traditionnel de droits de diffusion pour les compétitions sportives. Plutôt que de dépenser des fortunes dans les droits sportifs, ce qui mettrait en péril son business model, Netflix préfère créer l’événement lui-même avec un tournoi de golf opposant stars du golf et de la Formule 1 : la Netflix Cup, une compétition sportive décalée lors d’un tournoi de golf aux règles revisitées. Il n’est pas impossible de voir Netflix arriver en France avec cette proposition de contenu.

En combinant le sport et le divertissement, Netflix attire un public friand de contenus sportifs en direct tout en contrôlant les coûts d’organisation. Cette stratégie semble offrir un avantage financier plus important, ou du moins plus immédiat, par rapport à celui qu’Amazon pourrait obtenir en acquérant les droits de diffusion de compétitions sportives existantes.

Jean Pisanté

Bibliographie

Les chaînes gratuites diffuseront-elles encore des évènements sportifs en 2030 ?

La retransmission sportive est devenue de plus en plus prisée des chaînes gratuites et payantes pour réaliser d’importantes audiences, fidéliser les spectateurs et générer de substantielles recettes publicitaires.

Mais ce marché stratégique a aussi suscité l’intérêt des géants technologiques et les GAFA, Amazon et Apple, ont récemment consolidé leur présence sur ce secteur.

Selon une étude de l’ARCOM parue en 2022, l’audience moyenne annuelle des retransmissions sportives, qu’il s’agisse d’événements récurrents ou d’émissions, connaît une légère baisse sur les chaînes TV historiques de la TNT depuis 2014.

Cette tendance concomitante de la montée en puissance des nouveaux arrivants du secteur souligne une évolution du paysage médiatique, marquée par des dynamiques changeantes et des enjeux concurrentiels croissants.

Un marché de la retransmission sportive en mutation 

La multiplication des éditeurs et l’arrivée de plateformes américaines à gros moyens, dont certaines, à l’image d’Amazon Prime Video, sont déjà bien établies sur le marché français de la captation sportive, ne cesse d’ébranler le marché global des droits TV en constante hausse depuis 2012 (+57% entre 2012 et 2019) selon l’ARCOM.

La diffusion des internationaux de tennis français reflète bien les mutations du marché.

Le tournoi, historiquement diffusé uniquement par les chaînes du service publique (France TV) a désormais, depuis 2019, ses sessions de nuit proposées par Amazon sur sa plateforme vidéo. Suite à la renégociation des droits en 2019, la FFT avait ainsi pu se réjouir d’avoir augmenté ses revenus issus des droits TV de « plus de 25% ».

Elle a toutefois suscité de nombreuses critiques sur la méthode utilisée pour atteindre ces recettes « d’environ 25 millions d’euros » avec les droits de diffusion (lot 2+ Co-diffusion ½ finales et finales) cédés à Amazon. On pense par exemple à la polémique autour du quart de finale opposant Novak Djokovic à Rafael Nadal diffusé uniquement sur Prime Video et privant de nombreux fans de tennis de suivre cette rencontre gratuitement.

On pourrait citer également le groupe TF1 qui a perdu au profit de Canal+ les droits de retransmission de la F1 alors qu’il en était le diffuseur historique jusqu’en 2012.

De même, W9, diffusa de 2010 à 2018 des matchs de la ligue Europa jusqu’à ce que le groupe payant RMC en reprennent les droits.

Sur un marché des droits sportifs aux tendances inflationnistes, les chaînes gratuites se font de plus en plus concurrencer sur la diffusion des compétitions majeures.

L’analyse de l’ARCOM, montre aussi une réelle érosion des heures de retransmissions sportives en télévision gratuite (cf. graphique).

Elle constate également une écrasante domination des chaînes payantes, sur le secteur de la captation sportive, en termes d’heures de diffusion malgré une diminution du nombre de chaînes payantes diffusant des programmes sportifs depuis plusieurs années. Ainsi, sur les 145 335 heures de programmes sportifs diffusés en 2019, 95 % sont proposées par des chaînes payantes (137 553 heures), contre 5 % par des chaînes gratuites (7 024 heures).

L’inflation sur ce marché de la diffusion sportive résulte d’une part de l’arrivée de nouveaux éditeurs (Bein en 2012, SFR en 2019). On peut aussi citer désormais Amazon et bientôt peut-être DAZN (positionné sur la ligue 1) ou même Apple et Netflix. D’autre part, une stratégie systématique de maximisation des droits par les ligues professionnelles sportives et les organisateurs contribue à la hausse des prix. On l’a vu récemment avec la polémique sur les enchères de la LFP concernant les droits de ligue 1 et le retrait des négociations de Canal+ (diffuseur historique de la compétition).

Cependant, les chaînes gratuites restent compétitives sur la diffusion sportive, portée par les chaînes du service public

Car, en dépit de la hausse des droits TV et de l’érosion constante des heures de retransmission sportive depuis 2016, les chaînes gratuites conservent les droits de diffusion des courts extraits d’évènements sportifs et bénéficient d’une liste de diffusion d’évènements sportifs d’importance majeur établie par la loi relative à la liberté de communication.

Par ailleurs, hors de ce cadre juridique, elles détiennent toujours des droits de diffusion stratégiques payants comme certains matchs attractifs de coupe du monde de football pour TF1 ou des matchs d’Europa League pour le groupe M6.

La chaîne thématique L’Équipe reste aussi très attractive pour les « fans » de sport avec de nombreux contenus sportifs (émissions, gala du ballon d’or, reportages, extraits de match et résumés) comme certains matchs de coupe du monde en phase éliminatoire, par exemple, ou l’intégralité de la ligue des nations, d’intérêt plus « secondaire ».

Laurent-Éric Le Lay, l’actuel directeur des sports de France Télévisons soulignait dans un entretien au journal Le Point en 2021 qu’au-delà de la loi précitée : « le sport a besoin d’être vu par le plus grand nombre ».

            Même si la tendance globale à la baisse de la diffusion de contenus sportifs audiovisuels en télévision gratuite s’inscrit dans un mouvement plus global de baisse de consommation de contenus sur ces chaînes, les retransmissions sportives atteignent souvent des niveaux d’audience très élevés en télévision gratuite, notamment en « prime time ».

Les chaînes gratuites ont en effet, pour l’instant, une plus grande capacité à toucher une cible large que les chaînes et les plateformes payantes car elles touchent une audience moins spécialisée qui découvre ainsi de nouvelles disciplines sportives.

« …quand vous êtes diffusés sur une chaîne gratuite, vous avez des audiences incroyablement supérieures. Et parmi cette audience se trouvent des gens qui sont moins fans et qui découvrent de nouveaux sportifs et de nouvelles disciplines » (Le Lay, L-E)

Source : article de Rebucci, J. LePoint.fr

Elles se positionnent généralement sur des compétitions « événementielles » et développent un solide « partenariat avec l’organisateur de la compétition » et « les fédérations », pour toucher le plus grand nombre de spectateurs. La qualité de la relation entre les chaînes historiques et les ligues sportives professionnelles compte également dans cette course aux retransmissions sportives, les ligues cherchant les partenariats et les modèles de diffusions les plus adaptés à leurs sports et à leurs besoins.

Laurent Éric Le Lay, rappelle dans l’entretien mentionné ci-dessus que la valorisation d’événements « passe … aussi par la capacité des chaînes gratuites à réaliser divers reportages et émissions autour du sport et des athlètes concernés ».

Les chaînes payantes, visent ainsi plus fréquemment des compétitions à dimension « feuilletonnante » (ligue 1, Top 14) et une programmation régulière avec un objectif de fidélisation de leur audience.

Les chaînes gratuites restent compétitives sur la retransmission sportive mais à quel prix et pour combien de temps ?

La compétitivité des chaînes gratuites sur le marché de captation sportive reste cependant très liée à leurs capacités d’investissements et d’acquisitions de droits TV d’évènements sportifs qu’ils soient « secondaires » ou « premium ».

Mais les chaînes gratuites enregistrent des taux de croissance de leurs CA globalement peu dynamiques. Le groupe FTV enregistre une baisse de 9% sur la période 2012-2022, en raison de la baisse des dotations de l’État et des recettes publicitaires. Le taux de croissance des chaînes privées gratuites est en baisse de -2% depuis 2006. Les chaînes historiques TF1 et M6, ont vu leurs CA baisser constamment sur cette période. Cela s’explique, en partie, par une baisse du chiffre d’affaires publicitaire pour la grande majorité des groupes TV. Les chaînes historiques privées TF1 et M6 ont ainsi constatées une baisse de 23% de leurs recettes publicitaires depuis 2006 (-518 M €). Moins impacté, car dépendant à 80% des recettes publiques, le groupe France TV constate tout de même une diminution de 4% de ses recettes liées à la publicité sur la période (-137 M €).

Cette situation, surtout quand on sait que les chaînes privées dépendent à plus de 50% des investissements des annonceurs, (cf. Bilan financier des chaînes gratuites – 2022 – Arcom), si elle devait perdurer ou s’accentuer questionne la capacité future des chaines gratuites à investir encore sur du contenu sportif « premium » et pas seulement « secondaire » et dont la rentabilité n’est pas immédiate lors de sa diffusion.

D’autant que les plateformes GAFA comme Amazon deviennent de plus en plus attractives pour les annonceurs et acquièrent de nouveaux droits TV sportifs au détriment des chaînes gratuites françaises (mais aussi des chaînes à péage).

Valorisés à plusieurs centaines de milliards de dollars, les éditeurs numériques américains s’intéressent de plus en plus aux retransmissions sportives.

On les voit arriver sur ce marché, y compris en France, avec Amazon en tête de peloton.

Plus récemment Apple, un temps évoquée pour l’acquisition des droits de ligue 1 sur la période 2024-2027, a racheté, pour 2,5 milliards de dollars sur 10 ans, les droits de la MLS (Major League soccer) pour en être le diffuseur exclusif dans le monde.

La plateforme Netflix investit massivement dans les séries documentaires sportives et, preuve d’un intérêt croissant sur ce segment de contenus, l’entreprise a récemment annoncé la diffusion de son premier événement sportif en direct : un match amical qui opposera Rafael Nadal à Carlos Alcazar.

Dès lors, l’effet de ciseau crée par la contraction des chiffres d’affaires des chaines gratuites suite notamment à la réduction des revenus publicitaires et la force de frappe économique des plateformes pourrait bien fragiliser à terme les chaines gratuites sur le segment de la captation des événements sportifs.

ANTOINE BARRET

Bibliographie :

La montée en puissance des GAFA sur le marché des droits sportifs

Traditionnellement diffusés par les chaines de télévision, publiques ou privées, les évènements sportifs attirent de plus en plus les géants du numérique.  

Le dernier gros coup en date a été réalisé par Google en décembre dernier, en obtenant la diffusion sur YouTube des matchs du dimanche de la NFL, le championnat de football américain, durant 7 ans. Pour remporter ce prestigieux « Sunday Ticket », la note est élevée puisque le New York Times l’estime à 2,5 milliards de dollars par an.

Photo de Luis Santoyo sur Unsplash

Les rencontres seront une option en plus sur YouTube TV, un service qui donne accès à de nombreuses chaînes de télévision aux Etats-Unis. Les Américains pourront également y avoir accès « à la carte », grâce aux YouTube Primetime Channels. Avec la NFL, YouTube espère augmenter son nombre d’abonnés qui, en juillet dernier, atteignait déjà 5 millions. Certes c’est une plateforme de streaming, mais puisque c’est également un distributeur, cela pourrait être bénéfique aux chaînes linéaires présentes dans le bouquet de YouTube TV.

Jusqu’à présent, YouTube ne touchait pas au direct et s’arrêtait au contenu en lien avec le sport. La plateforme disposait d’ailleurs déjà d’un partenariat avec la NFL, et diffusait des vidéos des coulisses de la compétition, ou des talk-shows. Google fait donc à son tour officiellement son entrée dans la retransmission du sport en direct.

D’autres géants ont passé le cap avant lui.

Où en sont les autres ?

Cet accord à 2,5 milliards de dollars montre à quel point les GAFA ont une importance croissante sur le marché des droits sportifs mondiaux. Depuis plusieurs années, certaines entreprises, notamment des plateformes SVOD, tentent de se diversifier et d’investir dans la diffusion du sport, un domaine à fort potentiel. C’est d’autant plus attractif pour des acteurs qui basent leur business model sur la publicité (comme Facebook) car les audiences sont généralement très fortes. Un acteur comme Amazon y voit également l’opportunité d’attirer de nouveaux clients vers son abonnement Prime, qui inclut à la fois des livraisons gratuites et une plateforme vidéo, et ainsi vers son site marchand.

À part Google et la NFL, quels deals ont été conclus ?

En 2022, Apple a annoncé avoir acheté les droits de l’intégralité des rencontres de la Major League Soccer (MLS), le championnat de football nord-américain. 250 millions de dollars au minimum par saison jusqu’en 2032, c’est ce qu’aurait accepté de payer l’entreprise. Pour regarder ces matchs, les utilisateurs pourront se rendre sur Apple TV, la plateforme de streaming d’Apple, et devront payer un abonnement supplémentaire. Avant cela, un partenariat avait été conclu entre Apple et la Ligue majeure de baseball (MLB), avec une diffusion de deux matchs en direct le vendredi, ainsi que des émissions comme le Friday Night Baseball. Cette retransmission n’est pas encore disponible en France mais elle l’est dans de nombreux autres pays, y compris des pays européens comme le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie.

De son côté, Disney a déboursé 3 milliards de dollars pour conserver les droits télévisés traditionnels du cricket en Inde, une discipline qui attire des millions de téléspectateurs. Cependant, le groupe a perdu les droits de diffusion de la compétition en streaming qui sont extrêmement précieux, avec une consommation de contenus sportifs sur portable qui explose. C’est un gros coup dur pour Disney qui pourrait perdre jusqu’à 20 millions d’abonnés sur Disney+. A travers les chaînes ABC et ESPN, qu’il détient à 80%, le groupe Disney a mis la main sur d’autres droits sportifs, notamment ceux de la NBA. Ces derniers prendront fin en 2025, mais Disney veut les renouveler.

Amazon, vrai leader

Dans la conquête des droits sportifs, Amazon reste l’acteur le plus avancé. On se souvient de son entrée fracassante dans la diffusion du football français lorsque le géant a obtenu les droits de 80% des matchs de Ligue 1 et de l’intégralité de ceux de Ligue 2 pour la modique somme de 250 millions d’euros par an. Il est désormais possible de contempler les dribbles endiablés de Neymar Jr en passant par la plateforme Prime Video, à condition d’avoir payé l’abonnement supplémentaire (le « Pass Ligue 1 »).

Le Pass Ligue 1 sur Prime Video
Source : Primevideo.com

Avant cela, Amazon avait déjà acheté les droits exclusifs de certaines rencontres de Roland Garros. Cet accord a fait grand bruit, certains estimant que les sports comme le tennis ou le cyclisme n’ont rien à faire sur des plateformes SVOD. En effet, les fans pouvaient jadis regarder tout Roland Garros gratuitement sur les différentes chaînes de France Télévisions. Ils doivent désormais s’abonner et débourser de l’argent.

Amazon avance également ses pions hors de France. Aux Etats-Unis, Prime Video retransmet les matchs du jeudi soir de la NFL ainsi que certains matchs de baseball des Yankees. La plateforme diffuse également plusieurs rencontres de la Premier League anglaise. Le groupe a même réussi à mettre la main sur les droits de la Ligue des Champions dans plusieurs pays comme l’Allemagne et l’Italie. A l’approche de la fin du mariage NBA-ESPN/TNT, les chaînes de Disney et Warner Bros, Amazon apparaît de plus en plus comme un sérieux concurrent qui pourrait rejoindre la prochaine bataille des droits du basketball. Le combat risque d’être intense, et le prix de la compétition devrait atteindre des records.

Face à la croissance exponentielle de son offre de contenus sportifs, Amazon pourrait innover. Selon certains médias, une application entièrement dédiée au sport serait en développement. Cette dernière permettrait à la fois d’alléger la plateforme Prime Video, mais aussi de mettre davantage en valeur son catalogue sportif. L’idée peut être intéressante, mais ce serait néanmoins un challenge pour Amazon qui se verrait obligé d’investir encore plus dans ce domaine. L’entreprise pourrait être tentée de mettre en place un coût supplémentaire pour avoir accès à ces contenus sportifs sur l’application. Peu d’informations ont filtré et il est tout à fait possible qu’elle ne voie jamais le jour. Cependant, ce projet montre à quel point Amazon ne compte pas s’arrêter là, et souhaite s’imposer comme un véritable leader dans la diffusion du sport en direct. C’est ce que viennent confirmer les propos du PDG de l’entreprise, Andy Jassy, qui a déclaré “I think you’ll continue to see us investing in sports. Sports is such a unique asset. If you look every year at the most watched programs, sports often occupies 75% of those spots. They drive live engagement and they drive Prime subscriptions”

Quid de Netflix ?

Amazon, Google, Apple, Disney…presque tous les géants du numérique se mettent à investir dans le sport en direct. Mais où en est Netflix ?

Comme ses nombreux concurrents, Netflix tente de se diversifier. A la fin de l’année 2022, les spéculations grandissaient sur son entrée ou non sur le marché des droits sportifs. En effet, un premier pas a été fait dans ce domaine,  avec des séries en lien avec le sport. On peut citer Formula 1 qui a eu un succès retentissant. Avec ce triomphe, Netflix pourrait avoir l’envie de se mettre à diffuser du sport en direct. La plateforme aurait en outre essayé d’obtenir les droits de diffusion en direct de la Formule 1 (aux Etats-Unis), mais aurait échoué face à Disney. Les droits de diffusion trop onéreux l’auraient également fait renoncer à retransmette des matchs de tennis de l’ATP Tour dans certains pays européens.

La série Netflix Formula 1 Pilotes de leur destin
Source : Netflix.com

Des rumeurs ont suggéré que Netflix serait en train de discuter avec certaines ligues, dans le but de diffuser des sports moins connus tel que le surf. Cependant, en décembre 2022, le co-PDG de l’entreprise a déclaré qu’elle ne pouvait pas se permettre d’investir dans les droits sportifs. Ce n’est pas faute d’intérêt, il ne ferme pas la porte, mais il indique que pour le moment, ils ne voient pas comment rendre cet investissement rentable.

GAFA et chaînes de télévision, une compétition peu équilibrée

En se mettant à diffuser du sport en direct, les GAFA viennent concurrencer les chaînes de télévision. Mais peut-on vraiment parler d’une concurrence ? En tout cas, elle semble assez déséquilibrée. Pour obtenir les droits des compétitions qu’ils souhaitent, les géants du numérique dépensent des sommes astronomiques face auxquelles les chaînes ne peuvent tout simplement pas rivaliser. Les montants de ces droits atteignent des sommets qui auraient paru inenvisageables il y a quelques années. D’autant plus que le retour sur investissement est dur à évaluer. Un acteur comme Amazon peut se permettre de perdre de l’argent. Sa stratégie vise plus à gagner en visibilité qu’à s’enrichir directement.

Actuellement, les GAFA semblent assez intouchables, et on a du mal à imaginer un futur où ils ne contrôleraient pas dans son intégralité la diffusion des sports en direct. Pour survivre, les chaînes de télévision devront se réinventer et innover. Cependant, l’argent ne fait pas tout et les échecs sont possibles, comme celui de Médiapro avec Téléfoot. Les GAFA doivent réussir à mobiliser les audiences, à recruter des abonnés, à une époque où le piratage explose.

Jeanne Lapeyre

Sources

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