L’impact de ChatGPT sur le travail de scénaristes

Difficile d’être passé à côté ces dernières semaines : ChatGPT s’est invitée dans toutes les conversations. Ce robot conversationnel, lancé en novembre dernier, fascine autant qu’il inquiète. A tel point que Sciences Po vient d’en interdire l’usage à ses étudiants, invoquant des risques de fraude et de plagiat. Outre cela, ChatGPT menace en effet d’impacter un grand nombre de métiers.

Longtemps, les métiers artistiques se sont crus protégés des innovations technologiques : qu’en sera-t-il avec cet algorithme de génération d’éléments langagiers ? Ce nouvel outil va-t-il rendre obsolète les métiers de l’écriture ? Les Vince Gilligan, Mike White et Fanny Herrero de demain s’appelleront-ils ChatGPT, Dramatron ou Sudowrite ? À en croire un article publié sur LinkedIn par Pauline Rocafull, Directrice de la Cité Européenne des Scénaristes, des mots clefs et quelques secondes suffiraient à ChatGPT pour écrire un scénario.

Des mots clefs et quelques secondes suffisent à ChatGPT pour écrire un scénario


Une révolution qui rendrait donc caduque le travail de scénariste, particulièrement plébiscité à l’heure du binge-watching. L’heure n’est pourtant plus à la Peak TV, cet âge d’or de la télévision marqué par un grand nombre de productions de grande qualité : en témoignent les annulations de séries en série. Celles-ci sont de plus en plus fragiles face aux contraintes financières des diffuseurs. Dans ce contexte de fort ralentissement de la croissance, chaînes et plateformes devraient réduire leur volume de production pour diminuer les coûts et ainsi contribuer à une meilleure rentabilité. Avec le développement de l’intelligence artificielle, les postes de dépense liés à l’écriture pour la production de contenus pourraient-ils être réduits, grâce à ces outils à même de contourner le travail des auteurs ?

Les séries sont de plus en plus fragiles face aux contraintes financières des diffuseurs


Mais qu’est-ce exactement que ChatGPT ? L’intéressé se présente comme un modèle de langage capable de répondre à tout type de questions, développé par OpenAI, une startup américaine spécialisée dans la recherche en IA. Il s’agit d’un modèle de deep learning, capable de générer des séquences de mots ressemblant à du texte produit par des humains, ayant été entraîné sur un grand corpus de données textuelles – tout l’Internet. Traduction, rédaction de contenu, synthétisation : le champ d’applications est considérable. En d’autres termes, un nouvel outil révolutionnaire qui évoque la disruption dans de nombreux secteurs, dont celui de l’entertainment qui nous intéresse ici.

Ces dernières semaines, les exemples d’histoires conçues par des IA fleurissent sur les réseaux sociaux. Il suffit ainsi de demander à ChatGPT un scénario de film qui pourrait plaire à Télérama, et le chatbot de dévoiler en quelques secondes un scénario fictif, dont on peut s’amuser à penser qu’il prétende en effet aux fameux 4T du magazine. Les résultats fournis par ChatGPT sont aussi édifiants qu’ils prêtent ici à sourire. Le logiciel a depuis été utilisé par des millions de curieux dans le monde, qui l’alimentent de nouvelles données dans le même temps.

Les Vince Gilligan, Mike White et Fanny Herrero de demain s’appelleront-ils ChatGPT, Dramatron ou Sudowrite ?


Les exemples d’utilisation d’IA dans le processus d’écriture cinématographique se multiplient. À l’image du showrunner français Simon Bouisson, créateur de séries acclamées comme Stalk (Francetv). Dans le cadre de la résidence de la Villa Albertine en Californie, qui fait se croiser cinéma et nouvelles technologies, il a rencontré des ingénieurs de la Silicon Valley, qui l’ont conduit à écrire le scénario de son prochain film avec une intelligence artificielle, en l’occurrence ChatGPT. Dans une interview au webmagazine L’ADN, il déclare avoir gardé environ 30% des propositions soumises par ChatGPT, aux différentes étapes de son processus. Concrètement, il sollicitait ChatGPT, qui en retour lui proposait des pistes auxquelles il n’aurait pas forcément pensé : « comme une dérive situationniste, la machine va à chaque fois m’emmener vers quelque chose de complètement inattendu. En fait, c’est comme quand je travaille avec mes coscénaristes. Comme je ne suis pas dans le cerveau de l’autre, il y en a toujours un qui arrive à une suggestion surprenante ». L’équivalent des writer’s rooms, ces salles d’écriture où se réunissent les scénaristes pour écrire les séries. Chez OpenAI, il existe même des paramètres permettant aux auteurs d’influer sur le degré d’inventivité et d’imprévisibilité des suggestions de ChatGPT, dont a bénéficié Simon Bouisson.



C’est donc principalement dans la génération d’idées que sert aujourd’hui ChatGPT, se plaçant davantage comme un outil de complément qu’un substitut aux scénaristes, comme l’affirme Mina Lee, ingénieure PhD à Stanford : « la machine ne va pas écrire à votre place mais elle va vous pousser à le faire ». C’est pourquoi les scientifiques travaillent sur de nombreux modèles de langage basés sur l’IA, attirant l’intérêt des géants du numérique. Par exemple, DeepMind, filiale d’Alphabet, maison-mère de Google, a créé Dramatron, un outil de coécriture capable de générer des descriptions de personnages, intrigues et dialogues. Microsoft, de son côté, s’est récemment engagé à investir 10 milliards de dollars supplémentaires dans OpenAI, d’après Bloomberg.

Mais pour comprendre l’impact de cette forme d’IA sur les pratiques d’écriture, il faut décomposer l’art de l’écriture en deux aspects : les compétences en écriture et l’intention communicative. Or si les modèles sont déjà capables de créer leur propre style, il leur manque encore indéniablement l’intention communicative, cruciale chez les humains, surtout pour des tâches créatives comme l’écriture de scénario. Le data scientist Yves Bergquist résume cela : « pour l’heure, le problème de ChatGPT, c’est la régurgitation de mots. Ce sont des mathématiques, de la prédiction. On est bluffé par le résultat, mais c’est l’humain, au fond, qui parle derrière la machine ». Autrement dit, le problème sera toujours le même : la machine ne comprend pas ce qu’elle régurgite. Des propos appuyés par le créateur de Siri, Luc Julia, pour qui le deep learning ne pourra jamais imiter le cerveau : l’humain a une capacité d’improvisation et d’abstraction que la machine n’aura jamais.

Il manque encore aux modèles de langage l’intention communicative, cruciale chez les humains


Mais au fait, qu’en pense le principal intéressé, ChatGPT ? Selon lui, les modèles de langage « peuvent aider les scénaristes à économiser du temps et de l’énergie en générant rapidement des idées, et les aider à explorer des pistes qu’ils n’auraient pas forcément considérées ». Ils peuvent ainsi aider les scénaristes mais ne les remplacent pas, puisque ceux-ci restent les créateurs et que les décisions créatives relèvent toujours de leur responsabilité. ChatGPT ferait-il de la langue de bois ? En creusant un peu, il ajoute : « La création de scénario nécessite une certaine dose de créativité et de compréhension de l’histoire et de la structure narrative. Les modèles de langage continueront probablement à s’améliorer et devenir de plus en plus avancés dans la génération de contenu, mais ils ne peuvent pas encore remplacer la créativité humaine et l’expérience professionnelle des scénaristes ». Ici, un mot interpelle, “encore” : les modèles actuels ne peuvent pas encore remplacer les scénaristes professionnels. Mais alors, quid dans un futur proche ? Peut-on envisager des scénarios entièrement écrits par des intelligences artificielles à terme ? Selon des chercheurs de l’Institut Jean-Nicod dans une tribune du Monde, il est tout à fait possible que ChatGPT dépasse un jour les humains en matière de compétences génératives, puisque ses modèles d’IA utilisent des milliards de textes pour produire des textes similaires au corpus sur lequel ils ont été formés.

Il est tout à fait possible que ChatGPT dépasse un jour les humains en matière de compétences génératives


La qualité des scénarios générés dépend de la qualité des données ingurgitées par la machine, qui ne lui permet pas encore de rédiger des scénarios de qualité professionnelle en autonomie. ChatGPT ne s’est encore entraîné que sur des textes libres de droit, donc pas sur l’intégralité des meilleures œuvres cinématographiques. Mais qu’en sera-t-il si tous les studios détenteurs de scripts décident de fournir aux IA leurs propriétés pour les alimenter et les entraîner ? Peut-on envisager un nouveau segment pour les distributeurs de propriété intellectuelle, qui consisterait à ouvrir leur catalogue et vendre leurs scripts aux éditeurs de modèles de langage ? Si tel est le cas, combien faudra-t-il de temps avant que les IA ne produisent des scripts du niveau des meilleures œuvres de l’humanité ? Récemment, c’est le média américain Buzzfeed qui a déclaré vouloir utiliser ChatGPT pour rédiger ses articles : résultat, une hausse de 150% de son action en bourse. Hollywood franchira-t-il un jour le pas ? Affaire à suivre…

Néanmoins, le mantra d’OpenAI est de protéger l’humanité d’une éventuelle IA mettant en danger sa survie et son progrès : pour ce faire, la firme compte bientôt rendre payant ChatGPT, limitant ainsi son usage à des sphères plus avisées. Son évolution devra donc être surveillée pour ne pas précariser le travail des scénaristes, et assurer leur pérennité. Quoi qu’il en soit, plus le temps passera, et plus les scénarios que nous verrons sur écran seront susceptibles d’avoir été conçus par des IA. Et même, comment être sûr que cet article que vous lisez n’a pas lui aussi été écrit par ChatGPT ?

Thomas Corver

Sources :

Chat GPT Proves that AI Could Be a Major Threat to Hollywood Creatives – and Not Just Below the Line, Yahoo Entertainment (décembre 2022)

The ChatGPT bot is causing panic now – but it’ll soon be as mundane a tool as Excel, The Guardian (janvier 2023)

https://www.theguardian.com/commentisfree/2023/jan/07/chatgpt-bot-excel-ai-chatbot-tech

Deep Fake Neighbour Wars: ITV’s comedy shows how AI can transform popular culture, The Conversation (janvier 2023)

https://theconversation.com/deep-fake-neighbour-wars-itvs-comedy-shows-how-ai-can-transform-popular-culture-198569

AI Panned My Screenplay. Can It Crack Hollywood?, Bloomberg (août 2022)

https://www.bloomberg.com/opinion/articles/2022-08-16/will-artificial-intelligence-ever-crack-the-code-for-hollywood-blockbusters

Intelligence artificielle : Sciences Po Paris interdit l’utilisation de ChatGPT à ses étudiants, France Info (janvier 2023)

https://www.francetvinfo.fr/internet/intelligence-artificielle-sciencespo-paris-interdit-l-utilisation-de-chatgpt-a-ses-etudiants_5625743.html

Post LinkedIn Pauline Rocafull (décembre 2022)

Pause séries : la fin de l’âge de la « Peak TV », Le Monde (septembre 2022)

https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/09/16/pause-series-la-fin-de-l-age-de-la-peak-tv_6141927_3246.html

‘Snowpiercer,’ ‘Minx,’ ‘Dangerous Liaisons’ and Other Abrupt Cancellations Signal TV’s Latest ‘Reset Moment’, Variety (janvier 2023)

https://variety.com/2023/tv/news/snowpiercer-minx-cancellations-tv-reset-1235504910/

Growth in content investment will slump in 2023, Ampere Analysis (Janvier 2023)

https://www.ampereanalysis.com/press/release/dl/growth-in-content-investment-will-slump-in-2023

Aux Etats-Unis, la France va créer la Villa Albertine, une nouvelle résidence d’artistes, à l’automne, Le Monde (juillet 2021)

Il écrit son prochain scénario avec une I.A. Et le résultat le fascine, L’ADN (juin 2022)

https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/ia-creativite-ecriture-scenario/

Dramatron, une IA signée DeepMind capable de générer un script de film, BeGeek (décembre 2022)

https://www.begeek.fr/dramatron-une-ia-signee-deepmind-capable-de-generer-un-script-de-film-376526

Microsoft Invests $10 Billion in ChatGPT Maker OpenAI, Bloomberg (janvier 2023)

https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-01-23/microsoft-makes-multibillion-dollar-investment-in-openai#xj4y7vzkg

« Nous proposons l’appellation “quasi-texte” pour les séquences de mots produites par ChatGPT », Le Monde (janvier 2023)

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/30/nous-proposons-l-appellation-quasi-texte-pour-les-sequences-de-mots-produites-par-chatgpt_6159806_3232.html

How Artificial Intelligence Might Change the Way Hollywood Tells Stories, The Wrap (octobre 2018)

BuzzFeed just announced it’s going to use A.I. to start creating content—and the stock market loves it, Fortune (janvier 2023)

https://fortune.com/2023/01/26/buzzfeed-openai-artifcial-intelligence-stock-spac-facebook-meta-instagram/

La start-up OpenAI prévoit une version payante de son robot conversationnel ChatGPT, Le Figaro (janvier 2023)

https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/la-start-up-openai-prevoit-une-version-payante-de-son-robot-conversationnel-chatgpt-20230111

L’avènement de l’Intelligence Artificielle dans les médias est-il une véritable avancée ?

Si l’Intelligence Artificielle est une technologie ancrée dans le débat public depuis maintenant quelques années, il semble désormais que l’avancée faite en la matière dessine un bouleversement des usages de plus en plus important dans de nombreuses industries, y compris les médias. ChatGPT, de l’entreprise Open AI, change en effet la donne sur les suspicions que pouvaient générer les chatbots d’IA du fait de nombreuses démonstrations réalisées, notamment dans les médias. En témoigne l’interview de ChatGPT lui-même dans la matinale de France Inter. Cet outil conversationnel défraye en effet la chronique, plaçant ainsi 2023 sous les auspices de l’IA. D’autant que dans le contexte actuel de crise que traversent les médias, les professionnels du secteur savent qu’il leur est impossible d’ignorer le potentiel innovant des outils d’IA dans la création de contenus. 

L’IA comme moyen de créativité et de renouvellement

Appliquées aux médias, ces nouvelles générations d’IA peuvent apporter de nombreux avantages dans un secteur où l’innovation constitue un levier clé. 

L’IA générative permet aux ordinateurs de créer des phrases mais aussi des images, des vidéos et même des mondes virtuels à partir de quelques mots de texte. Ces processus sont d’ores et déjà utilisés par plusieurs entreprises. C’est notamment le cas d’une start-up américaine, Semafor, qui a créé plusieurs vidéos de témoignages provenant d’Ukraine illustrées par les IA, faute de vraies séquences.

En France, les principaux acteurs de la presse écrite comme Le Monde ou L’Express y ont déjà recours. En effet, dans un contexte de guerre de l’attention, ces derniers investissent de plus en plus le terrain de l’audio et, pour ce faire, utilisent l’IA comme principale alliée. Cette technique, nommée « text-to-speech », propose une lecture automatisée des articles par le biais d’une IA qui transforme automatiquement le texte en audio. Grâce aux progrès effectués en la matière, les voix robotiques laissent de plus en plus la place à des voix de plus en plus performantes allant même parfois jusqu’au clonage de la voix d’un journaliste. 

Parallèlement, l’utilisation de « robots journalistes », permettant d’écrire des articles de qualité et répondant aux codes fondamentaux de l’écriture journalistique, est de plus en plus courante dans les rédactions. A noter que, pour l’heure, cela concerne principalement des sujets répétitifs comme la publication de rapports financiers ou de résultats sportifs. 

Source : Pexels.com

Par ailleurs, outre les grands organismes de presse nationaux et internationaux, les médias locaux commencent également à s’y intéresser de près. Deux principales raisons peuvent pousser les rédactions locales à progressivement adopter l’IA. D’une part, cela leur permettrait d’augmenter le nombre de sujets traités et par extension, le nombre de leurs lecteurs. D’autre part, l’IA pourrait donner la possibilité aux journalistes, peu nombreux dans ces rédactions, d’augmenter leur capacité de production d’articles et d’améliorer la qualité rédactionnelle de ces derniers.

La lutte contre les fake news, qui tendent à proliférer dans les multiples médias, constitue également l’une des capacités de l’IA. De nombreux systèmes d’analyse au service des journalistes et basés sur l’IA comme Neutral News ont vu le jour. Cette plateforme en ligne permet de mesurer la fiabilité d’une information grâce à un algorithme entraîné pour cela.

Un outil marketing puissant 

L’IA au service des médias ne se limite pas à la production de contenus, elle peut également être mise au profit du marketing, domaine important pour la promotion, la distribution mais aussi la fidélisation. En effet, de nouveaux outils d’IA générative promettent de le rendre plus efficace et efficient en produisant des produits marketing de qualité à travers la production de texte, d’images, d’audio ou encore des méthodes d’analyse. Parmi eux, nous retrouvons ChatGPT que le célèbre magazine The New York Times a utilisé pour analyser sa page d’abonnement dans le but de l’optimiser. L’expérience s’est déroulée comme suit. 

Il a suffi de demander à ChatGPT de se mettre dans la peau d’un spécialiste du marketing, de lui imposer un sujet et une langue spécifiques. La question d’ouverture lui a permis de définir son périmètre d’action. Ainsi, en l’analysant, il a alors pointé chaque élément de la page en traduisant l’impact que cela peut avoir sur le lecteur. En cas de nécessité, l’outil répond en émettant des recommandations afin d’améliorer quelques points du texte afin d’inciter à l’abonnement. En outre, ChatGPT a également démontré sa capacité à améliorer la qualité journalistique du texte à partir du texte donné et de consignes très succinctes. Le texte pouvant être modifié par l’IA jusqu’à ce qu’il convienne à l’initiateur de la demande.

Dans ce sens, l’IA peut également être une aide pour accroître l’engagement en personnalisant et en recommandant des contenus à son audience. En témoigne l’algorithme de Netflix qui, grâce à la collecte massive de données sur le comportement des utilisateurs, permet de leur recommander les programmes susceptibles de l’intéresser. 

L’utilisation de ces nouvelles technologies s’inscrit ainsi dans une stratégie d’amélioration de l’expérience utilisateur d’autant que la personnalisation est désormais devenue une attente standard du consommateur. 

Une réduction du temps de production et des coûts considérables

En rendant possible l’automatisation de tâches fastidieuses et chronophages comme la veille, la transcription d’interviews et vidéos ou encore la détection de fake news, l’IA se positionne pour les journalistes comme un outil d’optimisation du temps. En effet, en les déchargeant de ces tâches, les créateurs de contenus peuvent alors davantage se consacrer à la qualité et à la créativité du contenu éditorial tout en développant et en maintenant son audience.  

L’IA devient également un enjeu stratégique majeur du point de vue économique. Que ce soit dans la presse écrite, la télévision ou dans le secteur de l’audio, l’utilisation de l’IA promet de réduire considérablement les coûts engendrés par ces activités. C’est notamment la proposition d’Apple à travers le déploiement de son offre de livres audio. En utilisant une voix de synthèse produite par l’IA au détriment d’acteurs humains, cela permet à l’entreprise à la pomme de, non seulement produire davantage et à un rythme très soutenu, mais aussi de diviser le coût engendré par l’embauche d’acteurs humains. Dans l’univers de la télévision, des chaînes asiatiques grand public comme MBN mettent d’ores et déjà à l’antenne des jumeaux numériques de présentateurs afin de renforcer leur présence à l’antenne tout en réduisant leurs coûts. 

Source : Francebleu.fr – Capture écran MBN

Les dérives à ces pratiques….

Les avantages de ces IA sont donc susceptibles de mener à une multiplication de contenus automatisés ou semi-automatisés. Il s’agit alors de ne pas perdre de vue les nombreuses limites de l’utilisation de ces technologies. 

Tout d’abord, l’IA propose une solution pour détecter les deep fake mais en est également à l’origine. Ces photos ou vidéos truquées, générées par des machines, sont virales sur les réseaux sociaux. Pour preuve, une vidéo montrant Barack Obama prononcer un discours qu’il n’avait jamais tenu avait proliféré sur Internet. Cela peut ainsi contribuer à la création de fake news circulant dans les divers moyens d’information, renforçant le sentiment de défiance vis-à-vis des médias, déjà très présent.

Par ailleurs, le gain de temps engendré par ces technologies menant à cette multiplication d’articles automatisés augmente alors la probabilité de production de fausses informations. 

En outre, le contenu produit par ces intelligences artificielles peut être erroné, voire complètement infondé et dénué de nuances contrairement à un contenu écrit par un journaliste. De réels risques de perte de qualité existent alors au vu de l’évolution du marché, le lecteur ne sachant pas à partir de quoi un article est construit. Il s’agit ainsi pour l’humain et la législation d’être présents en amont et en aval afin de cadrer les applications de l’IA d’autant qu’une crainte d’être remplacés par ces outils émane de plus en plus de la part des journalistes. 

Pouvant néanmoins faire l’objet d’une régulation

L’utilisation de l’intelligence artificielle étant amenée à se multiplier dans les années à venir et au vu des limites énoncées plus haut, sa réglementation devient un enjeu majeur. 

Pour l’heure, les législateurs européens travaillent à l’élaboration d’une réglementation pour les modèles d’IA générative tels que ChatGPT pouvant conduire à davantage de responsabilité et d’éthique de la part des entreprises les fabriquant. En outre, l’Union Européenne prévoit la mise à jour de son règlement, l’AI Act, en intégrant l’obligation pour les entreprises d’expliciter le fonctionnement interne de leurs modèles d’IA. En cas de non-conformité à cette obligation, les entreprises se verront affublées d’une amende pouvant aller jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires annuel total mondial. 

Par ailleurs, cette réglementation peut également émaner des salles de rédaction elles-mêmes en imposant une certaine éthique dans un objectif de transparence et de respect du droit d’auteur.

Source : Unsplash.com

Maria Luciani

Sources :

Nic Newman, “Journalism, media, and technology trends and predictions 2023”, 10 janvier 2023 

https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/journalism-media-and-technology-trends-and-predictions-2023

Marcela Kunova and Jacob Granger, “Predictions for journalism in 2023: AI and tech”, 16 décembre 2022 

https://www.journalism.co.uk/news/predictions-for-journalism-in-2023-ai-and-tech/s2/a991916/

“ChatGPT : le Holy Sh!t Moment”, 15 janvier 2023 

https://www.meta-media.fr/2023/01/15/chatgpt-le-holy-sht-moment.html

“En 2023, les médias expérimenteront davantage l’IA”, Marine Slavitch, 10 janvier 2023 / Mis à jour le 22 janvier 2023

https://larevuedesmedias.ina.fr/predictions-tendances-medias-2023-institut-reuters-intelligence-artificielle-abonnement-inflation-information-podcast-newsletter-climat

“Sept applications concrètes de l’IA dans les médias”, Nicolas Rauline, Elsa Conesa, 19 janvier 2019  

https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/sept-applications-concretes-de-lia-dans-les-medias-712708

“IA et création de contenus : Quand l’intelligence artificielle fait la Une des médias”, 09 novembre 2022

https://labodeledition.parisandco.paris/a-la-une/actualites/ia-et-creation-de-contenus-quand-l-intelligence-artificielle-fait-la-une-des-medias

“L’IA dans les médias, où en sommes-nous aujourd’hui ?”, Claudia Correia Martins, 20 avril 2022

https://explorers.mc2i.fr/articles/lia-dans-les-medias-ou-en-sommes-nous-aujourdhui

“La presse écrite systématise les versions audio de ses articles”, Stéphane Loignon, 09 janvier 2023

https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/la-presse-ecrite-systematise-les-versions-audio-de-ses-articles-1895324

“Here’s what happens when ChatGPT analyses the New York Times’ landing page”, Greg Piechota, 09 janvier 2023

https://www.inma.org/blogs/reader-revenue/post.cfm/here-s-what-happens-when-chatgpt-analyses-the-new-york-times-landing-page

“Calmos avec ChatGPT, il n’est pas si intelligent que ça !”, Marine Protais, 13 décembre 2022

https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/chatgpt-sommes-nous-en-pleine-hallucination-collective/

“The EU wants to regulate your favorite AI tools”, Melissa Heikkilä, 10 janvier 2023

https://www.technologyreview.com/2023/01/10/1066538/the-eu-wants-to-regulate-your-favorite-ai-tools/

Comment l’IA va révolutionner le visionnage TV ?

Youtube, Facebook Watch, Stories d’Instagram, Snapchat… le format vidéo ne cesse d’envahir nos dispositifs numériques, défiant toujours plus le vieux médium télévisuel sur ses contenus.
Mais la convergence et l’évolution des technologies pourraient sauver la télévision en changeant le mode de consommation de celle-ci.

La multiplication des plate-formes de visionnage OTT (Netflix, Quibi, Hulu et bientôt Apple..) changent profondément notre manière de consommer du contenu et remet en question le modèle plus traditionnel et linéaire de la télévision.
La « Catch-up TV », comme réponse à cette nouvelle menace des géants du streaming ne suffit plus à garder les téléspectateurs fidèles à une grille de programmes toujours plus archaïque des chaines de télévision.

C’est notamment grâce à l’intelligence artificielle qu’il sera peut-être possible de changer les pratiques de visionnage du dispositif télévisuel.
En effet, c’est en laissant le choix au téléspectateur du contenu à visionner, que la télévision pourra se frayer un chemin dans cette compétition avec les acteurs du marché des contenus dé-linéarisés.

L’intelligence artificielle est déjà utilisée pour personnaliser le panel de choix des contenus à regarder pour chaque spectateur. Une technologie de recommendation qu’utilise Netflix pour être toujours plus proche du consommateur et coller à ses goûts.

Mais de quelles façons la télévision peut-elle introduire ces technologies d’intelligences artificielles pour mieux cibler ses téléspectateurs ?

Le secteur de l’audiovisuel bénéficiera prochainement plus largement de cette nouvelle technologie, toutefois, l’enjeu des données est très important dans le déploiement de l’IA pour les médias. En effet, les données alimentent l’IA qui prend connaissance de la Data laissée par l’utilisateur pour lui permettre d’agréger un contenu qui lui correspond. C’est déjà le cas pour a publicité digitale et la méthode de programmatique, qui utilise le Real Time Bidding pour cibler davantage les clients potentiels en fonction de leurs usages d’internet.

Un des enjeux de l’IA dans la consommation télévisuelle réside tout d’abord dans le choix :
Le basculement de la télévision linéaire au format plus numérique a donné lieu à une consommation hyper-personnalisée des contenus, sans contrainte de temps ni de dispositif.
En témoigne une étude datant de 2017 du CNC sur l’économie de la télévision de rattrapage : 6,9 milliards de vidéos ont été vues en replay.

La surabondance des contenus disponibles sur des plateformes multiples obligent les éditeurs de contenus à adopter des stratégies pour mieux cibler leur audience, de plus en plus volatile.
L’IA peut donc aider à personnaliser les choix, via des recommandations toujours plus fidèles aux goûts des spectateurs.

L’IA au service de la programmatique TV :
Un autre enjeu plus connexe à celui de la consommation télévisuelle concerne la publicité. À la manière de ce qui existe déjà sur le marché de la publicité en ligne, la programmatique TV permettrait , encore une fois de cibler plus finement l’audience en lui adressant des publicités plus cohérentes en fonction de ses habitudes et de son statut socio-professionnel.
Ce qu’on appelle la « TV adressée » ou encore « segmentée » pourrait bousculer la manière dont les annonceurs organisent leurs campagnes publicitaires et changerait profondément les logiques de programmation et de diffusion de contenus.
Programmes télévisuels et publicité ayant longtemps été corrélés dans un souci d’efficacité, en fonction des logiques d’audiences et de temporalité, avec l’IA et la programmatique, on pourrait non pas parler, comme c’est le cas sur internet de Real time bidding, mais de « near time bidding » c’est à dire une diffusion publicitaire quasi-instantanée qui permettrait un ciblage de l’audience plus efficace.
La programmatique TV permettrait enfin une redéfinition de la monétisation de la publicité en fonction du contenu diffusé et de l’audience touchée.

Le dispositif télévisuel toujours plus influencé par l’IA
Récemment, Samsung a annoncé la création de sa TV QLED 8K dotée d’une intelligence artificielle. Ce nouveau dispositif, déjà commercialisé depuis octobre pour un prix oscillant entre 5000 et 7000 euros, est dotée d’une nouvelle technologie : la 8K AI Upscaling, une intelligence artificielle capable de s’adapter au format du contenu avec une qualité 8K. Une mise à jour et une évolution qui propose un visionnage de qualité, et qui permet à ce type de télévision de se différencier des autres plateformes de visionnagee par sa qualité d’image et sa haute définition.

La marque LG s’y est aussi mise en dévoilant récemment une nouvelle gamme de téléviseurs appelée ThinQ. Ces télévisions devraient être dotées de l’IA d’Amazon, Alexa, et notamment d’un micro pour les commandes vocales.

L’IA de plus en plus compétitive chez les FAI
L’enjeu futur des modes de consommation de la télévision réside également dans l’accès aux contenus proposés.
Récemment, Free a dévoilé la Freebox Delta, une box améliorée qui a abandonnée le lecteur DVD bluray pour d’autres fonctionnalités comme un système de pilotage et de commande par voix humaine, un accès gratuit au catalogue de Netflix, un débit dix fois plus rapide que l’ADSL, et une diffusion de programmes numériques.
La convergence de la TV linéaire avec les usages d’internet, tout cela, grâce à l’intelligence artificielle, n’a pas fini de changer notre mode de consommation de la télévision.

Toutefois, il reste un enjeu indéniable qui concerne moins la façon dont nous consommons la télévision mais plus particulièrement ce que nous regardons…
En effet, les programmes diffusés par les chaines TV traditionnelles doivent s’adapter aux nouveaux formats déjà présents sur le web. Des formats plus courts et plus dynamiques et un renouvellement du catalogue et des grilles TV permettraient d’engranger une audience plus grande. La multiplication des contenus et des canaux de diffusion pose encore un enjeux de taille pour les chaines : la fidélisation du téléspectateur. Mais à l’heure où les contenus sont disponibles « Any Time Anywhere, Any device » comment concurrencer un nouveau marché insaisissable qui disrupte complètement celui qui auparavant, régnait en maître sur nos usages ?

Un constat reste indéniable : le consommateur est au centre des préoccupations des éditeurs de contenus. Il influence le marché audiovisuel par sa demande de plus en plus spécifique et abondante en terme de contenus à visionner.

La télévision et le mode de consommation de cette dernière n’est peut-être pas vouée à disparaitre mais de profonds changements son à prévoir dans le fond comme dans la forme pour pallier à une chute d’audience toujours plus grandissante et à une concurrence toujours plus accrue des contenus OTT.

Léa Bernabeo

Reconnaissance faciale et divertissement : l’exemple de Reminiz

Source : http://www.reminiz.com

La reconnaissance faciale

La reconnaissance faciale est une technologie relativement récente, bien que les premiers essais datent des années 1960. A l’époque, les méthodes étaient essentiellement basées sur des suppositions, et selon des conditions bien établies : visage de face, lumière idéale… Les années 90 ont vu se développer la recherche, grâce notamment à l’accroissement de la puissance de calcul des ordinateurs, permettant l’usage de méthodes statistiques et un traitement de données plus important. En 2001, l’approche de Viola et Jones, repérant des visages en temps réel, permet une grande avancée, et s’inscrit comme méthode standard dans le domaine. Les chercheurs vont ensuite s’en servir pour améliorer les technologies de reconnaissance facile.

La reconnaissance facile consiste à reconnaitre une personne sur une image ou une vidéo. Elle se déroule en trois temps : la détection de visage afin de repérer le visage, l’analyse du visage qui donne un résultat numérique, et enfin la reconnaissance qui compare ce résultat avec la base de données. Elle nécessite donc une base de données de visages enregistrés.

D’abord utilisée comme outil de surveillance et de sécurité, elle a vu, ces dernières années, ses usages se développer dans la sphère publique comme privée. Ainsi son utilisation est de plus en plus fréquente et dans de nombreux domaines. Elle est employée en robotique, en biométrie, pour la sécurité grâce aux vidéos de surveillances, sur les réseaux sociaux (comme avec le projet DeepFace de Facebook), afin de déverrouiller des objets électroniques ou même des domiciles, effectuer des paiements, trier des photos, ou encore retrouver des membres de sa famille à l’aide d’une simple photo. Il y a d’autres usages moins communs, comme l’aide aux aveugles et aux personnes souffrant de prosopagnosie (trouble de l’identification ou de la mémorisation des visages humains), ou encore la détection des interdits de jeux dans les casinos. 

Il existe donc tout un éventail d’utilisations actuelles de la reconnaissance faciale, à des fins sociales ou économiques. Nous allons cependant nous intéresser à une application peu commune de la reconnaissance faciale, dans le divertissement, avec la strat-up Reminiz.


Reminiz, start-up mêlant technologie, contenus et marketing

L’entreprise française a développé une solution de reconnaissance faciale à destination de l’entertainment permettant de reconnaître les personnalités présentes à l’écran. Mais ce n’est pas tout, la reconnaissance des marques à l’image, l’apport d’informations contextuelles, les recommandations et les publicités contextuelles sont d’autres atouts complétant ses divers services adressés aux spectateurs et aux annonceurs.  

Mais revenons sur son histoire.
En 2013, Reminiz remporte la 1ère place du challenge « La meilleure start-up 4G » organisé par Bouygues Telecom, et les 40 000€ du prix.  Elle se présente à la base sous forme d’application. Elle permet de reconnaître n’importe quelle personnalité d’intérêt public sur un écran télévisé. Ainsi, elle utilise la technologie de reconnaissance faciale afin d’identifier une figure publique, que ce soit un acteur dans un film, une célébrité invitée sur un plateau télévisé, un comédien lors du replay d’un spectacle, un chanteur dans une vidéo…

Souvent surnommé le « Shazam des visages », le logiciel peut reconnaitre plus de 100 000 personnalités, avec un taux de réussite de 96 %. Le système permet d’identifier n’importe quel type de célébrité, n’importe où, malgré des scènes d’obscurité ou d’action, et en présence de maquillage ou de grimage. Une fois l’identification faite, il fournit différentes informations sur la personnalité : biographie, filmographie, actualités, autres vidéos, liens de téléchargement…


La start-up a ainsi voulu commercialiser sa solution en créant une application, qui n’est pas encore disponible, mais aussi en approchant les univers du cinéma et de la télévision : producteurs de programmes (studios), diffuseurs (chaînes de télévision et opérateurs), et services spécialisés dans la vidéo à la demande. Elle a donc, par la suite, développé une offre spécialisée pour le petit écran. Le service est disponible pour la télé en direct, la diffusion en replay ou VoD, avec les opérateurs partenaires. Reminiz maximise la valeur des contenus vidéo en proposant une expérience utilisateur inédite. Elle est au service aussi bien des consommateurs que des professionnels du divertissement.

Elle a par exemple récemment travaillé avec Orange en vue d’améliorer les performances de son catalogue de catch-up. Le but était de créer un écosystème de contenus pour relier les programmes les uns aux autres. Mais également, pour le groupe, d’augmenter le taux de conversion du catalogue, et la fidélité des téléspectateurs. Pour cela, elle a indexé le catalogue à la demande, et installé son service de reconnaissance faciale en temps réel pour tous les programmes, tout en accompagnant Orange dans la mise en place du service pour tous ses clients. Au final, ce ne sont pas moins de 4 000 films indexés, et 10 millions de décodeurs équipés du service de reconnaissance faciale Reminiz, avec 3 millions de clients Orange utilisant le service sur un second écran.


Mais la start-up ne souhaite pas s’arrêter en si bon chemin. Ainsi, les créateurs veulent enrichir leur proposition de valeur en développant des services additionnels, aussi bien pour les entreprises que les utilisateurs. Ils ont la volonté de proposer de la publicité liée à la célébrité détectée, ou encore des paris sportifs, leur recommander d’autres vidéos associée à la personnalité, indiquer aux annonceurs avec quelle star faire de ‘‘l’endorsement’’ en fonction de l’interaction des téléspectateurs, ou encore proposer de réserver depuis l’application le prochain spectacle du comédien reconnu à l’écran. L’utilité des consommateurs va ainsi croître, et leur expérience sera enrichie par la recommandation de contenus. « On va pouvoir offrir une TV plus pertinente, plus personnalisée. On pourra offrir du contenu ciblé », explique Alexis Kenda, un des co-fondateurs de la start-up.

Reminiz veut donc également s’adresser aux annonceurs et professionnels du marketing, en les aidant à mieux contextualiser leurs efforts de promotion. Selon la société, les promotions de vente sur la télévision représentent un marché de 260 milliards de dollars, et 82% des téléspectateurs veulent acheter des produits liés à leurs célébrités préférées[2]. Ils proposeront donc de connecter les téléspectateurs à des produits pertinents. Une opportunité pour les marques, qui pourraient obtenir une analyse détaillée des données, et ainsi adapter leur stratégie de contenus.


Reminiz peut déjà compter sur de nombreux partenaires, que ce soit des fournisseurs, des incubateurs pour se développer, des salons pour sa propre promotion, ou des diffuseurs et service de VoD : Microsoft, SFR, OCS, La French Tech, NVIDIA, Bouygues, CTIA…

Aujourd’hui, Reminiz a pour ambition de devenir un leader mondial sur le marché de l’enrichissement et de la recommandation de contenus, face à des entreprises comme Google et Amazon travaillant sur un concept similaire.   

Pauline Varnusson


[1] http://www.lyonne.fr/auxerre/economie/television-medias/2016/03/01/innovation-un-auxerrois-associe-de-reminiz-le-shazam-des-visages_11803459.html

[2] http://www.reminiz.com/

Télévision et VR : un mariage heureux ?


Dans cette ère de transformation digitale, la télévision cherche sa place. Ses recettes publicitaires stagnent alors que les diffuseurs se multiplient et la génération Y s’en désintéresse. Si la télévision reste encore le média de masse par excellence, que son expertise en matière de production de contenus lui garantit encore sa valeur, la question est : pour combien de temps encore ?

Internet a fait émerger une concurrence protéiforme et donne le sentiment aux jeunes générations que le poste de télévision est devenu un format poussiéreux. Comment rivaliser avec Youtube qui prône les UGC (users generated content) ? Comment donner du sens à la linéarisation des programmes quand le public s’habitue à l’ATAWAD (AnyTime, AnyWhere, AnyDevice), fortement aidée par les OTT ? Comment convaincre le téléspectateur de continuer à regarder un écran au milieu du salon dans un univers multi-devices ? Certains l’affirment haut et fort : la télévision est morte. Je ne le crois pas.

Le secteur télévisuel doit changer, c’est certain. C’est souvent la conséquence de l’apparition d’un nouveau média sur les anciens pour que ces derniers ne disparaissent pas. C’est d’ailleurs ce qu’elle fait. Les grands groupes audiovisuels français développent leur stratégie numérique : catch up TV, transmédia, départements « nouvelles écritures », etc. Or, pour les raisons citées plus haut, l’incursion dans le numérique est difficile et une monétisation de ses contenus encore peu satisfaisante. Pourtant, il y a des motifs d’espoir. Le premier est qu’Internet aura confirmé l’intérêt phénoménal des utilisateurs pour les contenus : la vidéo est partout. Cela tombe bien, c’est le cœur de métier de la télévision. L’autre bonne nouvelle est le développement des technologies et les nouveaux modes de diffusion. Le dernier MIPTV l’aura bien compris et, parmi d’autres choses, la VR a tenu une place importante.

On définit communément la réalité virtuelle comme étant une technologie capable de projeter un individu dans un monde conçu numériquement. Les gamers en ont déjà fait l’expérience et elle semble convaincre. Mais la réalité virtuelle ne sera pas réservée qu’aux jeux vidéo, toutes les industries ont à y gagner, en premier lieu les diffuseurs. Alors, Télévision et VR : mariage heureux à venir ? Si les perspectives sautent aux yeux des parties prenantes, encore faudra-t-il réussir à lever les obstacles d’une technologie… vieille de plus de 20 ans déjà.

 

D’intéressantes perspectives pour les diffuseurs et annonceurs…

L’Internet c’est la transformation des usages. Le public est passé de la passivité à l’interactivité, de la masse à l’individualisation. Aujourd’hui, l’individu a pris une place centrale, pour les marques, pour le marketing. Pourquoi la VR semble-t-elle si intéressante ? Je vais citer Eric Scherer, directeur de la prospective chez France Télévisions, qui résume ainsi les choses : la VR est « un média qui coche toutes les cases de l’époque : interactivité, personnalisation, mobilité, immersion ».

C’est avant tout la promesse de nouveaux contenus : nouvelles formes, nouvelles expériences. La plupart des genres télévisuels semblent adaptés à emprunter ces nouveaux codes. Du côté des programmes de stock (information, divertissements, etc.), une forte interaction devient désormais possible. Les jeux, par exemple, restent une valeur sûre pour les chaînes et ont, de tout temps, cherché à impliquer l’audience dans ceux-ci (appels, votes, questions, etc.). La VR rendrait alors possible une participation en bonne du forme du téléspectateur de chez lui, et non plus restreint à groupe de candidats. Peut-on imaginer un jeu d’envergure national, voir international, avec un nombre de participants conséquents ?

Du côté du stock, on pense en premier lieu à la fiction. La VR aura, tel un jeu vidéo, la capacité de projeter l’individu dans l’histoire, de lui donner un rôle. Certains broadcasters, à l’image de Showcase avec la websérie Halcyon, emprunte déjà ce chemin. Autrement dit, ce serait l’apparition d’une narration innovante qui garantirait un engagement total de la part du « VRspectateur » . En outre, le documentaire est un genre particulièrement friand des expérimentations, avec l’exemple de Arte qui s’est émancipé du petit écran avec le projet The Enemy, au budget conséquent (1,6 millions d’euros), exclusivement conçu pour la réalité virtuelle. Couplé à son expertise en matière de production, la VR est bel et bien une voie crédible pour la télévision et l’exploitation de nouveaux formats éditorialisés.

Aussi La VR n’exclut pas la convivialité. Bien au contraire, le social prendrait là encore une nouvelle dimension : on pourrait partager – vivre – un contenu en temps réel, une histoire en commun, ou même tout simplement regarder un format dans un univers virtuel à plusieurs. Une télévision plus sociable est une aubaine pour les annonceurs. Souvent une « purge d’audience », la coupure publicitaire pourrait trouver ici un nouvel élan et interagir avec l’audience. Là aussi, fin à la passivité, une publicité par exemple « gamifiée » mais surtout personnalisée pourra continuer d’éveiller l’intérêt de l’individu en l’immergeant dans l’univers de la marque.

 

mais de nombreux défis restent à relever

Les perspectives offertes par la VR semblent révolutionnaires. Par ailleurs, selon certains analystes financiers, le marché de la réalité virtuelle est promis à un avenir radieux : il devrait dépasser celui de la télévision d’ici 2025. Cependant, en ce qui concerne le secteur audiovisuel, s’il n’est pas à douter de la plus-value apportée en matière de consommation de contenus, certaines barrières actuelles seront nécessairement à dépasser si la télévision veut voir en la VR un avenir, cela à plusieurs niveaux.

On peut considérer dans un premier temps un facteur psychologique. Souvenez-vous, en 2010, la révolution 3D qui accompagnait les salles de cinéma était aussi promise à nos téléviseurs. Les grands constructeurs, à l’image de Samsung ou bien encore LG, se sont empressés de proposer un gamme de télévision 3D. Une fois l’effet de curiosité passé, cette technologie a vite décliné. Peu y ont adhéré, les diffuseurs en premier lieu. Mais surtout, les téléspectateurs ont tout simplement rechigné à devoir porter un dispositif. C’est contraignant. Or, la VR suppose nécessairement un dispositif pour pouvoir en profiter. Si les hardcore gamers semblent apprécier la VR pour jouer, en sera-t-il de même pour le téléspectateur lambda ? Aujourd’hui les casques sont massifs, encombrants et isolent physiquement. De plus, une immersion intégrale, plus tactile, va imposer davantage d’accessoires qu’un simple casque… L’objectif pour la VR sera de se rendre la moins invasive possible pour ne pas freiner les utilisateurs.

Au niveau marketing aussi : comment réussir à « montrer » cette technologie ? C’est un véritable défi auquel les constructeurs devront répondre. En effet, comment inciter à consommer une technologie que seule son utilisation permettra d’évaluer ? L’immersion offerte par la VR ne peut être retranscrite dans une publicité, aussi bien offline ou online, elle sera donc difficile à vendre.

La conception des contenus est l’autre aspect crucial. Dans l’histoire des médias, une même logique s’est à chaque fois répétée : quand un nouveau médium apparaît, il a tendance à exploiter les contenus des anciens médias dans un premier temps. Par exemple, lorsque la télévision est apparue, elle diffusait au départ des bulletins radiophoniques. Il est donc vital que les formats prévus pour la VR soient pensés pour celle-ci et ne pas se contenter  d’y « pousser » la télévision traditionnelle. De même, le défi narratif est énorme : comment raconter une histoire si l’on ignore par avance le comportement de l’individu (que regardera-t-il ? Ou s’orientera-t-il ? ) : comment le guider dans un environnement 360° ? Si la VR est une opportunité pour tous conteurs (la promesse d’une véritable immersion), encore frauda-t-il en assurer une certaine cohérence.

Enfin, ce sont aussi les conditions de production qui s’en trouveront impactées. Réaliser un programme TV, qu’il soit de flux ou de stock, reviendra de plus en plus à le penser comme un jeu vidéo. De nouveaux métiers seront à considérer pour tourner une fiction ou un divertissement : des développeurs, des ingénieurs, etc. En voit-on aujourd’hui dans les devis des producteurs ? Non bien sûr. Il va falloir s’attendre à une explosion des coûts de production, un investissement qui dépendra du taux d’adoption de cette technologie.

 

Conclusion

La VR est une technologie prometteuse, au cœur de nombreux intérêts aujourd’hui. Si elle semble dépasser le simple effet de mode, son adoption concrète par l’industrie audiovisuelle est loin d’être acquise. Mais les chaînes affichent une volonté certaine de creuser la question, ce qui est déjà un bon signe.

En creux, cela signifie surtout que la télévision, en l’état actuel, a un besoin urgent de se renouveler pour reconquérir un jeune public. La VR est-elle l’ultime solution ? Difficile à affirmer mais les nouvelles technologies doivent être au cœur de la réflexion des chaînes.

 

Benjamin Mollié

 

 

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