L’essor du modèle d’abonnement!

Le déclin des recettes publicitaires et la résurgence du modèle d’abonnement.

Les paiements récurrents à intervalles réguliers en échange d’un produit ou d’un service sont une pratique courante dans les entreprises depuis des siècles. L’obtention gratuite d’un produit ou d’un service était inimaginable pour toute entreprise espérant réaliser un bénéfice à la fin de l’année. Mais cela a changé ces derniers temps, surtout en ce qui concerne l’écosystème numérique. La publicité est devenue extrêmement efficace grâce à la capacité de cibler des consommateurs spécifiques par opposition aux audiences, ce qui a été le cas pour les journaux et la télévision. Des sociétés comme Facebook et Google s’est autorisées à exercer une surveillance commerciale sur leurs utilisateurs, leur permettant de traduire ces données acquises en revenus. Une situation gagnante pour toutes les parties concernées ; les consommateurs n’avaient plus à dépenser un centime et les annonceurs avaient la possibilité d’optimiser leurs budgets publicitaires. 

La baisse des recettes publicitaires suite à la COVID-19

La grave récession économique déclenchée par la pandémie de la COVID-19 va sans aucun doute avoir d’immenses conséquences dans tous les types d’industries. Le secteur de la publicité ne fait pas exception à la règle. Selon une étude menée par MAGMA (une ressource centralisée d’IPG Mediabrands), ils éstiment que les revenus publicitaires mondiaux diminuent d’environ 7,2 % en 2020 après avoir connu une croissance de 5,4 % l’année précédente. Il est aussi intéressant de noter que la publicité numérique continue de tenir une place prépondérante dans l’écosystème publicitaire. Pour la toute première fois, les dépenses publicitaires numériques représentent plus de 50 % des dépenses publicitaires mondiales. Selon eMarketer, ce chiffre ne devrait qu’augmenter, puisqu’il devrait atteindre plus de 60% d’ici 2023. En outre, MAGMA prévoit que l’économie mondiale se redressera en 2021 et que les dépenses publicitaires mondiales devraient augmenter, puisque leurs prévisions tablent sur une croissance de 6,1 % l’année suivante. Malgré cela, l’augmentation de 6,1 % ne sera pas suffisante pour compenser les pertes causées par cette pandémie. En fait, le marché restera inférieur de 9 milliards de dollars à ce qu’il était avant la crise. Cela nous amène à poser la question suivante ; La chute de l’industrie de la publicité pourrait-elle être strictement liée à la crise économique ou se pourrait-il que les entreprises aient trouvé des avantages accrus en offrant des abonnements ?

Modèle d’abonnement : une soudaine résurgence?

La résurgence du modèle d’abonnement n’est pas aussi soudaine qu’il n’y paraît. Ce changement peut ne pas être dû uniquement aux effets de la crise sanitaire puisque en 2017, les fournisseurs d’informations tels que le New York Times, le Wall Street Journal et d’autres ont connu une croissance exponentielle des abonnements. Le NYT a acquis 130 000 abonnés en novembre 2017, tandis que le WSJ a augmenté ses abbonements de 300 % au cours de ce même mois. On peut supposer que cette croissance est en partie liée à l’attention accrue portée à l’administration Trump, ou bien à la frustration suscitée par les « fausses » nouvelles qui peuvent circuler librement sur les plateformes de médias sociaux. Une autre hypothèse est que les consommateurs se sentent simplement frustrés par l’assaut de la publicité dont ils font l’objet quotidiennement. De plus, la publicité reçoit une mauvaise réputation, les utilisateurs sont de plus en plus conscients de la manière dont ces publicités sont ciblées et ont le sentiment que leur vie privée est menacée. Ces derniers points peuvent suggérer la volonté accrue de payer pour une expérience alternative. Par ailleurs, cette expérience alternative à travers un modèle d’abonnement pourra aboutir à un produit amélioré ce qui laisse imaginer que les consommateurs auront des attentes renforcées. Pourquoi? Le fait d’exiger qu’un consommateur paie pour votre produit ou service entraîne une pression constante pour satisfaire ce consommateur afin de le fidéliser. Cela peut se traduire par une meilleure expérience du point de vue des consommateurs, ce qui peut entraîner une augmentation des revenus. C’est ce que l’on a pu constater dans l’industrie du jeu par exemple. Un article du Wall Street Journal suggère que la célèbre application Candy Crush a connu une croissance exponentielle de ses revenus en supprimant les publicités et en s’appuyant sur les achats effectués dans l’application. Ce modèle est connu sous le nom de « Freemium ». Ils ont remarqué qu’en se concentrant fortement sur le produit, les utilisateurs seraient finalement prêts à payer en échange de nouvelles améliorations. Mais surtout que l’affichage de publicités avait pour conséquence que les utilisateurs passaient moins de temps sur l’application. En fait, l’année suivant le retrait des publicités de leur application, les achats dans le jeu ont augmenté de 35 %.

De nouvelles habitudes se forment.

Outre l’idée que nos attentes sont plus élevées, on ne peut ignorer l’évolution des comportements dont nous, consommateurs, avons hérité au fil des ans. Et le COVID-19 n’a fait que renforcer ces nouvelles tendances. Si l’on prend l’industrie des nouvelles et des médias numériques, comme vous pouvez le voir dans le graphique ci-dessous, c’est le deuxième secteur à avoir connu la plus forte croissance (en termes d’abonnés) au cours des derniers mois. En mars, le secteur de l’information et des médias numériques a connu une croissance de 200 % par rapport au niveau du “baseline” (moyenne de février 2019 à février 2020). Et bien qu’elle ait diminué en mai 2020, il est évident que l’appétit pour les sources d’information fiables a augmenté à la lumière de la pandémie mondiale. On estime que cet appétit leur a permis de s’habituer à l’idée de s’abonner en échange de fonctionnalités exclusives et d’un contenu de qualité supérieure. et ces habitudes seront très probablement appliquées dans une multitude d’industries comme c’est déjà le cas sur le marché OTT.

Taux de croissance des abonnements depuis COVID-19

Dans une étude menée par le Leichtman Research Group en 2019, sur un échantillon de 1 990 foyers, ils ont constaté que près de 80 % d’entre eux étaient abonnés à Netflix, Amazon Prime ou Hulu. Une augmentation de 69% en 2018 et de 52% en 2015. En outre, ils ont constaté que les ménages sont de plus en plus enclins à s’abonner à plus d’une plateforme. Et ces chiffres n’ont fait qu’augmenter au milieu des mesures de confinement appliquées à l’échelle mondiale en raison de la COVID-19. De plus, le taux de croissance annuel du marché OTT en 2020 devrait atteindre le chiffre impressionnant de 55 %. Et même si nous pouvons nous attendre à une stabilisation de la croissance, les comportements et les attentes des consommateurs ont certainement évolué. 

les entreprises sont-elles prêtes à s’adapter ?

On estime que certaines entreprises qui appliquent le modèle soutenu par la publicité pourra bientôt envisager d’intégrer un modèle d’abonnement. Non seulement les recettes publicitaires diminuent, mais aussi, les consommateurs sont de plus en plus prêts à en payer le prix. Un exemple est Twitter dont la baisse de 23 % des recettes publicitaires au deuxième trimestre 2020 par rapport au même trimestre il y a un an les a amenées à annoncer qu’ils allaient explorer d’autres moyens de gagner de l’argent grâce à ses utilisateurs. Étonnamment, Alphabet Inc. a également subi une perte importante de ses revenus publicitaires. Ses revenus publicitaires ont chuté de 8 % en 2020, son premier déclin en 26 ans. Et ce dernier n’a pas que eu des conséquences à l’entreprise. Si l’on regarde YouTube, la baisse des recettes publicitaires a eu de graves conséquences sur ses créateurs (« Youtuber »). Compte tenu de la croissance de l’industrie OTT notamment en raison de la pandémie, contrairement à la croyance populaire, les Youtuber, tout en connaissant une augmentation de l’audience, perçoivent moins de revenus. Pourquoi? Les annonceurs mènent moins de campagnes, ce qui entraîne une diminution de la concurrence et donc des offres. Afin de surmonter cette situation, ces créateurs de contenu se sont tournés vers d’autres alternatives telles que Patreon, une plateforme d’adhésion qui fournit des outils commerciaux aux créateurs de contenu pour gérer un service d’abonnement. En ce qui concerne YouTube, le fait qu’ils ont déjà adopté un modèle d’abonnement avec YouTube Premium suggère qu’ils cherchent eux aussi des sources de revenus supplémentaires.

En conclusion, après de nombreuses années de forte dépendance à la publicité, les entreprises ainsi que des individus commencent lentement à revenir, ou du moins à explorer le modèle de l’abonnement. Et cela est évident car il est essentiel pour les entreprises et les particuliers de diversifier leurs risques en tenant compte des nouvelles évolutions économiques et des changements tant dans les attentes que dans les comportements des consommateurs. Le modèle de l’abonnement peut être la solution à ces changements, tout en mettant l’accent sur la qualité du produit ou du service, on peut supposer que cela aurait en fin de compte un impact positif du point de vue des consommateurs.

Martin de Ruty

Sources:

Facebook joue avec le cloud

Facebook annonce le lancement de son offre de cloud gaming 

Le 26 octobre 2020, Facebook a annoncé le lancement de son offre de cloud gaming. Le lancement de cette offre fait suite à une phase de test grandeur nature, regroupant près de 200 000 personnes par semaine dans certaines régions. L’offre est accessible sur Android ainsi que directement sur le web. La fonctionnalité n’est pour le moment pas disponible sur iOS, Apple et sa politique de traitement des jeux ralentissant le processus. Les premiers jeux proposés sont : Asphalt 9 : Legends, Mobile Legends Adventure, PGA TOUR Golf Shootout et Soliraire : Arthur’s Tale.

Qu’est-ce que le cloud gaming ?

Avant de poursuivre, il est important de comprendre ce qu’est le cloud gaming, ou jeu à la demande en français. Cette technologie permet de jouer aux jeux vidéo en streaming. Traditionnellement, lorsqu’on lance un jeu sur un PC ou une console, ce jeu est exécuté grâce aux processeurs de la machine. Avec le cloud gaming, le jeu est désormais exécuté sur les serveurs du fournisseur de service et l’image est transmise en temps réel sur l’écran de l’utilisateur.

Les acteurs en puissance 

Facebook n’est certainement pas le premier acteur à se lancer dans ce secteur. De nombreuses entreprises se sont lancés dans le cloud gaming, qu’il s’agisse d’acteurs du jeu vidéo ou de nouveaux entrants dans ce secteur.

L’un des pionniers en la matière est l’entreprise française Shadow. Créée en 2015, cette entreprise est précurseur en matière de cloud gaming. L’offre de cette entreprise est l’accès à un ordinateur haut de gamme et puissant pour 12,99 euros par mois. L’utilisation de Shadow ne se limite cependant pas aux jeux vidéo puisqu’avec l’accès à cet ordinateur, les utilisateurs peuvent également exécuter des logiciels. On note aussi que, contrairement aux offres suivantes, Shadow ne propose pas de jeux et que les utilisateurs doivent être propriétaires des différents jeux et applications qu’ils lancent.

Parmi les autres concurrents en lice, on note deux éditeurs de jeux et fabricants de consoles : Sony et Microsoft. L’offre Playsation Now de Sony permet un accès à un catalogue de jeux sortis sur les différentes générations de consoles de l’entreprise. Ainsi, pour un abonnement mensuel de 9,99 euros, les joueurs peuvent avoir accès, depuis une PS4 ou un PC, à plus de 600 jeux en streaming. Sortie en septembre 2020, l’offre de cloud de Microsoft, nommé Xbox Game Pass, est fondée sur le même modèle que l’offre de Sony. Pour 12,99 euros par mois, les joueurs ont accès un catalogue de jeux comprenant les licences phares de Microsoft, telles que Halo et Gears of Wars, mais aussi des jeux de studios tiers ou encore de studios indépendants. L’offre est accessible depuis un ordinateur, un IPhone ou un IPad.

Autre acteur du jeu vidéo, Nvidia a lancé son service GeForce Now en février 2020. Leader sur les cartes graphiques, l’entreprise propose dans son offre une sélection de jeux compatibles issus de distributeurs de jeux tels que Steam, Uplay ou encore Battle.net. 2 abonnements sont possibles : un gratuit qui permet des sessions de 1 heure maximum, et un abonnement à 5,49 euros par mois qui permet un accès prioritaire et une durée de session étendue. L’affichage est pour le moment limité à 1080p et 60 images par seconde.

Le cloud gaming marque aussi l’incursion de deux entreprises majeures dans le monde du jeu vidéo : Google et Amazon. Avec Google Stadia,  Google met le pied dans l’industrie du jeu vidéo. Ce service de cloud gaming permet, via un abonnement de 9,99 euros par mois, un accès à un large catalogue de jeux et propose un également une qualité d’affiche en 4K. De son côté, Amazon a lancé en Early Access aux Etats-Unis son service Amazon Luna. L’abonnement est fixé pour le moment à 5,99 dollars par mois et permet également de jouer à tout un catalogue de jeux.

D’autres concurrents sont encore à venir. On note notamment la volonté de l’éditeur de jeux vidéo Electronic Arts de se lancer dans le cloud gaming. Depuis l’annonce lors de l’E3 2018, très peu d’informations circulent sur le sujet cependant. 

La stratégie de Facebook

Les offres concurrentes de cloud gaming reposent, à quelques détails près, sur le même modèle : en contrepartie d’un abonnement, les utilisateurs ont accès un catalogue de jeux. La concurrence cherche également à se démarquer sur des questions de performance (affiche 4K, 60 FPS, etc …) et d’accessibilité.

Facebook base son offre sur un modèle totalement différent. Ici, l’offre est gratuite et les jeux proposés aux joueurs sont plutôt modestes en termes techniques et sont également disponibles gratuitement.

Pourquoi une telle différence dans l’approche de Facebook, tant en termes de modèle économique que de performance technologique ? Les ambitions ne sont pas les mêmes. Contrairement à ses concurrents, Facebook cherche, non pas à vendre un abonnement ou encore des jeux, mais à garder l’utilisateur sur le réseau social.

Pourtant, il est bien possible que Facebook change sa stratégie avec le temps. En effet, depuis le rachat de la start-up espagnole PlayGiga fin 2019 , Facebook a montré son ambition de se diversifier et d’offrir un service de cloud gaming à ses utilisateurs. Bien que pour le moment, elle ne propose pas de jeux payants utilisant toutes les possibilités techniques du cloud gaming, elle reste ouverte à cette possibilité. Comme l’a exprimé Jason Rubin, VP du pôle Gaming de Facebook, l’offre d’un jeu « premium » fera sens un jour, mais le lancement de ce service était surtout l’occasion de mettre un pied dans ce secteur, quitte à monter en gamme plus tard.

Le cloud gaming, futur du jeu vidéo ?

Le cloud gaming démarre à peine et pourtant, la concurrence est déjà rude. Le jeu à la demande est-il le futur de l’industrie du jeu vidéo ? Il n’est, pour le moment, pas possible de répondre catégoriquement à cette question. Le jeu à la demande est trop dépendant des connexions internet des utilisateurs et une connexion puissante n’empêche pas les temps de latence. Cette technologie prometteuse est encore à développer et il y a donc fort à parier que les machines de jeux ont encore quelques beaux jours devant elle.

Léo Aksas


Sources :

Denn, A. L. (2019, 19 décembre). Facebook rachète la start-up espagnole PlayGiga, spécialiste du cloud gaming. usine-digitale.fr.

https://www.usine-digitale.fr/article/facebook-rachete-la-start-up-espagnole-playgiga-specialiste-du-cloud-gaming.N914664

Gianoli, J. (2020, 2 décembre). Carte graphique, la part de marché d’AMD s’effondre de 16% en une année. GinjFo.

https://www.ginjfo.com/actualites/politique-et-economie/carte-graphique-la-part-de-marche-damd-seffondre-de-16-en-une-annee-20201202

Huvelin, G. (2020, 27 octobre). Facebook part à l’assaut du cloud gaming avec une offre totalement gratuite. Frandroid.

https://www.frandroid.com/marques/facebook/790913_facebook-part-a-lassaut-du-cloud-gaming-avec-une-offre-totalement-gratuite

Ketfi, C. (2020, 24 décembre). Stadia, Shadow, Xbox Game Pass, GeForce Now, Luna… quelle est la meilleure offre de cloud gaming ? Frandroid.

https://www.frandroid.com/produits-android/console/575680_cloud-gaming-tout-savoir-sur-le-futur-du-jeu-video-et-les-differents-services-disponibles

Shadow – Le PC gamer basé sur la technologie du Cloud Gaming. (2020). Shadow.tech.

https://shadow.tech/fr

Webster, A. (2020, 26 octobre). Facebook takes its first small steps into the world of cloud gaming. The Verge.

https://www.theverge.com/2020/10/26/21528438/facebook-cloud-gaming-beta-android-web-jason-rubin-interview

Wikipedia contributors. (2020a, novembre 19). Blade (entreprise). Wikipédia.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Blade_(entreprise)

Wikipedia contributors. (2020, 21 décembre). Jeu à la demande. Wikipédia.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_%C3%A0_la_demande

Disney : futur concurrent de Netflix ?

Le marché de la SVOD

Apparues il y a une dizaine d’années, les plateformes de SVOD ont révolutionné les usages de consommation de contenus. En France, c’est véritablement à partir de 2014 avec l’arrivée de Netflix que cette pratique est devenue incontournable. A ce moment l’offre était encore restreinte mais allait permettre la percée d’un véritable marché.  

Dans une étude du CNC de 2017, ¼ des internautes utiliseraient un service de SVOD (plus de 40% d’entre eux de manière quotidienne). Parmi ces utilisateurs, ce sont les jeunes qui en sont les plus friands. Les utilisateurs sont à la recherche d’une offre de qualité, abordable, riche et personnalisée.

Sur ce marché, c’est bien sûr Netflix qui sort du lot, avec plus de 130 millions d’utilisateurs dans le monde (plus de 2 millions en France). La plateforme américaine est suivie en France par les offres de Canalplay, SFR Play ou encore Amazon Prime Video.

Le fonctionnement et la réussite de ces services nécessitent des investissements conséquents en acquisition et production de contenus originaux. Aujourd’hui les sommes investies par les acteurs du marché sont parfois même largement supérieures à celles investies par les chaines de télévision classiques. Par exemple, en 2017 Netflix et Amazon Prime Video auraient investi 6 et 4,5 milliards de dollars, contre 2 milliards pour HBO.

Au milieu de tous ces grands noms du divertissement, un acteur incontournable semble pourtant ne pas encore avoir pris part à la fête. En effet, le géant Disney, qui est devenu au cours du temps l’un des studios les plus importants au monde, fait pour l’instant peu parler de lui sur le marché de la SVOD.

Avec un chiffre d’affaires de près de 60 milliards de dollars en 2017 réparti entre différentes activités (médias, parcs d’attraction, studio de cinéma, produits dérivés), c’est un empire qui n’a cessé de se renouveler et qui s’intéresse aujourd’hui sérieusement au potentiel du marché de la SVOD. L’arrivée de cet acteur historique pourrait alors clairement rebattre les cartes en 2019. 

La stratégie de Disney : Hulu, ESPN+, Disney+

Plusieurs choses s’organisent aujourd’hui chez Disney pour une arrivée en grâce sur le marché de la SVOD.

En 2018, l’entreprise américaine annonce ainsi le futur lancement d’une nouvelle plateforme de SVOD, Disney+, qui devrait sortir à la fin de l’année aux US.

En 2018, Disney a aussi mis la main sur la 21st Century Fox pour plus de 70 milliards de dollars. Cette acquisition est un premier pas majeur sur le marché de la SVOD puisque Disney se retrouve ainsi actionnaire majoritaire de la plateforme Hulu, lancée en 2008 par un ensemble de chaines américaines. Aujourd’hui Hulu compte 25 millions d’abonnés, et est devenu le 3ème acteur majeur aux US derrière Netflix et Amazon Prime Video (100 millions d’abonnés).

Hulu qui jouit déjà de succès importants tels que « The Handmaid’s Tale », va ainsi pouvoir bénéficier de moyens considérables pour continuer son expansion. La plateforme s’est déjà fait remarquer avec un gain de 8 millions d’abonnés entre 2017 et 2018. Ce développement s’explique bien sûr par la qualité des contenus proposés mais repose également sur un modèle économique différent de celui de Netflix. En effet, la plateforme propose une offre freemium, avec un service qui comprend de la publicité à 7,99$/mois et une offre sans publicité à 11,99$ ; tandis que le tarif de Netflix est de 9,99$. Ce modèle permet donc à l’entreprise de percevoir des revenus publicitaires additionnels non négligeables (près de 2 milliards de dollars en 2018).

En plus de la nouvelle acquisition d’Hulu, Disney est aussi propriétaire du service ESPN+, spécialisé dans l’offre de contenus sportifs. Lancé en avril 2018, à un prix attractif de 4,99$, le service dépasse aujourd’hui le million d’utilisateurs.

La stratégie de Disney avec la création de la nouvelle plateforme Disney+ n’est pas d’absorber ces différentes offres mais bien de conserver et faire coexister ces services en proposant ainsi 3 offres distinctes sur le marché de la SVOD : Disney+, Hulu et ESPN+. Chacune de ces plateformes entend offrir un service et des contenus spécifiques. Disney+ proposant davantage une offre familiale, Hulu se positionnant avec offre plus adulte et bénéficiant d’un catalogue enrichi des programmes de la Fox non destinés aux enfants, et ESPN+ avec une offre sportive.

C’est un véritable choix stratégique pour Bob Iger, PDG de Disney, de créer des services qui doivent attirer « des segments de marché différents aux goûts différents », et non d’avoir un immense ensemble de contenus.     

L’entreprise prévoit cependant la possibilité de proposer des offres promotionnelles package aux utilisateurs qui voudraient s’abonner à plusieurs des 3 plateformes. Disney entend ainsi assurer une flexibilité dans les options d’abonnement et répondre au mieux aux attentes des utilisateurs.

Si l’on connaît donc déjà les deux plateformes de SVOD existantes chez Disney et la stratégie du groupe, l’entreprise est très attendue sur la naissance de Disney+, qui va constituer un réel défi pour se faire une place sur le marché. 

Aujourd’hui les informations arrivent progressivement concernant ce futur service qui devrait voir le jour à la fin de l’année (pas avant 2020 en Europe). L’objectif de la plateforme serait d’atteindre les fans de Disney mais l’offre est destinée à la famille de façon plus globale. Le prix devrait être nettement inférieur au tarif de Netflix, cela pouvant s’expliquer par moins de contenus au départ.

En plus de ses moyens d’investissement conséquents, l’autre force de Disney sera bien sûr de pouvoir se reposer sur les productions de Pixar, Marvel, Lucas Films, NatGeo, Fox, ce qui constitue un avantage considérable vis à vis de ses concurrents. Disney entend aussi proposer ses propres contenus originaux. Plusieurs films seraient ainsi en confection avec un budget alloué de plusieurs milliards de dollars.

Grâce à ces différents éléments qui constituent un véritable avantage pour Disney, certains voient déjà tout le potentiel de la future plateforme. Selon une étude menée par UBS en 2018, Disney+ pourrait bénéficier d’une croissance fulgurante, et atteindre le cap des 50 millions d’abonnés en 5 ans (et 5 millions d’abonnés dès la fin de la première année !). Pour UBS, Disney serait « la seule entreprise média traditionnelle » jouissant d’une telle puissance de marque et des licences indispensables pour se placer aux côtés de Netflix et Amazon sur le marché de la SVOD.

Quel impact pour Netflix ?

Netflix, le premier concerné par ces annonces pourrait donc avoir du souci à se faire.

En effet la création de Disney+ va se traduire pour Netflix par le retrait progressif dès la fin de l’année des licences Disney de son catalogue, qui représentent une source importante de trafic (30 millions de spectateurs pour la série Daredevil par exemple).

Le leader actuel va donc devoir faire des investissements importants pour contrebalancer ces retraits et miser sur ses contenus originaux. Fin 2018 l’entreprise a ainsi levé 2 milliards de dollars pour le développement de son contenu.

Netflix paraît donc se préparer à l’arrivée imminente d’une concurrence notable en multipliant les dépenses en contenus originaux, ce qui commence à se faire sentir sur la rentabilité. La plateforme a d’ailleurs signalé en début d’année une augmentation de ses tarifs aux US (l’offre classique passant de 7,99$ à 8,99$, et l’offre enrichie de 13,99$ à 15,99$).

Toutefois, Ted Sarandos, responsable du contenu, ne semble pas si inquiet actuellement et estime que le marché de la SVOD est suffisamment grand pour que de nouvelles offres se développent sans que cela n’ait de conséquences négatives sur Netflix. Il sera tout de même pertinent de s’intéresser aux abonnements de la plateforme après quelques retraits de son catalogue.

L’entreprise déclare également se sentir davantage menacée et préoccupée par le développement des plateformes de jeux vidéo en streaming et notamment Fortnite (plus de 200 millions de joueurs dans le monde), qui représenterait un véritable pouvoir de captation de l’attention de ses abonnés ; et que « l’attention n’est pas vraiment portée sur Disney+ » …

Les enjeux pour Disney

Plusieurs éléments seront donc à prendre en compte pour que les services proposés par Disney rencontrent leur public. Tout d’abord, le fait de faire coexister 3 offres de SVOD aux US. Afin d’éviter une cannibalisation des abonnés, les cibles devront être clairement identifiées avec une communication adaptée à chaque offre. Ce dispositif devrait néanmoins permettre à Disney de constater rapidement ce qui marche ou non.  

L’un des principaux enjeux pour Disney pour se faire une place sur le marché reposera aussi et surtout sur sa capacité d’exporter ses services à l’international pour développer une véritable audience et s’aligner sur les chiffres de Netflix. Une implantation mondiale compliquée face aux différentes régulations à prendre en compte, telle que l’obligation minimum de 30% d’œuvres européennes fixée en Europe par exemple.

Enfin, face à la domination actuelle de Netflix, qui représente aujourd’hui le standard de performance, Disney devra proposer une offre de qualité, nécessitant des moyens techniques considérables, et proposer une expérience à part entière.

Faustine LEFRANÇOIS

Quitter la version mobile