#Booktok : un nouveau chapitre pour l’industrie du livre

Nouvelle page, nouvelle vie pour le marché du livre. Aujourd’hui, dès lors que vous vous promènerez dans n’importe quelle librairie, la première chose que vous verrez, avoisinant les nouveaux livres de poche et les recommandations du personnel, est une table couronnée d’une affiche « #BookTok ». Mais quel est donc ce nouvel outil marketing de plus en plus en vogue ? Comment a-t-il permis une toute nouvelle pensée et réflexion sur les recommandations littéraires ? Comment les éditeurs ont-ils adopté cette tendance ?

Source : ActuaLitté, septembre 2022

Le réseau social au service de la littérature malgré lui

BookTok, rencontre du terme du terme « book » (« livre ») avec le terme « TikTok », c’est tout simplement une tendance du média chinois où les amoureux des livres réalisent de courtes et rapides vidéos en utilisant de la musique, des effets sonores et des photos pour donner vie aux œuvres littéraires. Certaines des vidéos les plus populaires sont centrées sur la réponse émotionnelle du lecteur au livre, par opposition au format typique de la critique. Au lieu de se concentrer sur l’intrigue ou l’auteur, les lecteurs parlent du voyage émotionnel qu’offre l’ouvrage. Une vidéo BookTok typique consiste à montrer à la caméra un certain nombre de livres. Certains contenus sont d’abord présentés avec les pages directement coupées, de sorte que l’on ne voit ni le dos ni la couverture, puis les titres sont progressivement révélés. D’autres vidéos montrent une pile de livres, dont les couvertures sont montrées à la caméra une par une. Certaines vidéos présentent des notes sur 10 pour chaque histoire, d’autres présentent le lecteur qui raconte une ou deux phrases maximum sur les livres. Il s’agit du type de contenu le moins complexe, mais il a depuis eu un impact extraordinaire sur les ventes de livres, en raison de sa portée.

Le phénomène a pris son envol avec TikTok pendant la pandémie de 2020, alors que le monde entier était coincé à l’intérieur et a commencé à redécouvrir les joies et l’évasion de la lecture. En parallèle, tout le monde recherchait une connexion humaine et BookTok a ainsi su satisfaire ces besoins. Et, contrairement aux cercles littéraires parfois étouffants, cette plateforme a l’avantage d’être accessible : il s’agit de personnes comme tout le monde, dans leur chambre et leur salon, discutant avec vous de ce qu’ils ont lu et apprécié. C’est la possibilité de se connecter avec des personnes partageant les mêmes idées qui rend #BookTok si populaire. Personne au sommet de la hiérarchie ne dicte quels livres doivent être lus. Les recommandations sont partagées entre les lecteurs, dans une sorte de bouche-à-oreille numérisé.

Suivant les pas de la tendance Bookstagram, aujourd’hui des milliers d’utilisateurs publient des vidéos sur leurs livres préférés sur l’application en utilisant le hashtag #BookTok. Au total, les vidéos portant cet hashtag ont obtenu plus de 100 milliards de vues pour 13 millions de vidéos associées à cette catégorie en janvier 2023.

Source : Capture d’écran de la plateforme TikTok le 31/01/2023

Alors pourquoi est-ce que cette trend marche-t-elle mieux sur TikTok que sur Instagram et les autres réseaux sociaux, vous demandez-vous ? Et bien TikTok peut remercier son algorithme pour cela. La plupart des réseaux sociaux, tels qu’Instagram ou Facebook, s’appuient davantage sur une dimension sociale, le but étant de vous connecter au sein d’un réseau de toutes les personnes avec lesquelles vous avez une relation, de près ou de loin. TikTok, en revanche, base son algorithme sur vos intérêts. Il fonctionne à partir de vos centres d’intérêt et du contenu avec lequel vous interagissez, en capturant vos goûts et vos dégoûts et en vous associant à d’autres groupes d’utilisateurs qui partagent ces intérêts. De cette manière, son reach (la portée d’un contenu) sera plus efficace.

#Booktok : le nouveau chouchou des éditeurs

A la tête des genres qui cartonnent sur BookTok : les livres de fantasy, de thrillers et de romance pour jeunes adultes. Parmi les noms qui reviennent le plus souvent et, selon les internautes, l’écrivaine américaine Colleen Hoover maîtrise ce genre à la perfection. Ses romans touchent manifestement une corde sensible chez les jeunes lecteurs : suspense, drame et grandes émotions sont au rendez-vous. Les fans BookTok de Colleen Hoover se filment en train de fondre en larmes en lisant ses livres. C’est le cas pour son roman It Ends with Us, vendu aujourd’hui à plus de 3,4 millions de copies. Chez nos libraires depuis août 2016, sa popularité a bondi en 2021 grâce à l’influence de BookTok et de ses rats de bibliothèque. En janvier 2022, le livre était numéro 1 sur la liste des meilleures ventes du New York Times et la semaine dernière, le casting pour son adaptation au cinéma était annoncé, avec Blake Lively en tête d’affiche.

Aujourd’hui, l’éventail des genres se déploie. La poésie s’immisce sur les écrans des utilisateurs avec le recueil Lait et miel de Rupi Kaur, tout comme le genre policier, avec l’arrivée sur la plateforme en octobre 2022 de l’auteur de La Vérité sur l’Affaire Harry Québert (Prix Goncourt des Lycéens 2012), Joël Dicker. Cette diversification de genres provient notamment d’un partenariat entre TikTok et Editis, groupe d’édition français. Alors pourquoi l’industrie de l’édition s’intéresse-t-elle à Booktok ?

De nombreux éditeurs et librairies essaient maintenant d’adopter la foule de BookTok. En effet, où trouver une audience si ce n’est sur une plateforme accueillant 1,2 milliards d’utilisateurs chaque mois ? De grandes maisons d’édition comme HarperCollins Publishers, Macmillan Publishers et Simon & Schuster sont présentes sur TikTok ; elles sont de plus en plus rejointes par de petites maisons d’édition, tout aussi avides de faire leurs études de marché. La maison d’édition Penguin Random House a d’ailleurs fait un partenariat avec le réseau en y créant une fonctionnalité pour retrouver plus facilement leurs livres  et ainsi leur donner plus de visibilité. Les grandes maisons d’édition envoient aux créateurs populaires des coffrets remplis de livres tout frais sortis de presse et destinés à être examinés. Les éditeurs et les libraires traditionnels ont compris l’influence de BookTok et essaient de trouver des moyens de l’utiliser dans leurs efforts de marketing en y dédiant un stand ou une rubrique internet. En 2022, TikTok a d’ailleurs été choisi pour être partenaire de la Foire du livre de Francfort, l’un des plus grands salons de la littérature. Cependant, certains ont du mal à trouver un moyen de maintenir l’authenticité du style de contenu de BookTok. En raison de la nature complexe de l’algorithme de TikTok, les initiés du secteur affirment qu’il peut être difficile de discerner ce qui ferait décoller la popularité d’un livre.

Les auteurs obtiennent également des contrats de publication grâce à leur exposition sur BookTok. En mars 2021, Alex Aster a posté sur TikTok une vidéo astucieuse sur un livre qu’elle voulait écrire, interpellant les utilisateurs de la manière suivante : « Liriez-vous un livre sur une île maudite qui n’apparaît qu’une fois tous les 100 ans pour accueillir un jeu permettant aux six souverains du royaume de briser leurs malédictions ? ». Il s’agissait en réalité des prémices d’un roman fantastique pour jeunes adultes sur lequel elle travaillait depuis quelques années. Le livre d’Aster avait déjà été rejeté par plus d’une douzaine d’éditeurs. En l’espace de quelques jours, sa vidéo BookTok avait été visionnée plus d’un million de fois. Il y avait des milliers de commentaires de personnes disant que, oui, elles l’achèteraient et le liraient. BookTok a été absolument fou de ce livre. Résultat : une semaine plus tard, Aster avait un contrat pour son livre. Le livre est sorti en août 2022, et avec sa publication, la nouvelle que Universal va en faire un film.

Il ne fait donc aucun doute que TikTok a eu un impact sur le monde du livre. Autrefois, la plupart des livres sortaient, avaient leur heure de gloire et disparaissaient ensuite, à moins qu’il ne s’agisse des rares ouvrages qui faisaient ensuite l’objet d’un film ou d’une série télévisée. Mais BookTok ne se soucie pas de savoir quand les livres ont été publiés. Il s’intéresse simplement à ce qui plait. Et en effet, il était grand temps que les livres sortent de l’ombre du succès des produits skincare et chorégraphies en tout genre et se hissent dans les tops des trends. La littérature revient enfin sur le devant de la scène médiatique et apparait désormais au creux de la main des internautes.

Victoria Kubisa

Sources :

Bainier, L. (2022) Les Succès de Librairie s’écrivent Aussi Sur TikTok, www.20minutes.fr. 20minutes. Accessible à : https://www.20minutes.fr/livres/4006724-20221023-phenomene-booktok-litterature-retrouve-influence (Lien visité le 26 janvier 2023).

Fasseur, B. (2022) Booktok : Tiktok ouvre une nouvelle fonctionnalité autour des livres, ActuaLitté.com. Accessible à : https://actualitte.com/article/107954/reseaux-sociaux/booktok-tiktok-ouvre-une-nouvelle-fonctionnalite-autour-des-livres (Lien visité le 25 janvier 2023).

Courrier international (2022) On en parle. Alex Aster, star de la rentrée littéraire grâce à #BookTok, Courrier international. Courrier International. Accessible à : https://www.courrierinternational.com/article/on-en-parle-alex-aster-star-de-la-rentree-litteraire-grace-a-booktok (Lien visité le 24 janvier 2023).

Chojnacki, R. (2022) Young adult fiction books maintain sales momentum in 2022, NPD says, The NPD Group. Accessible à : https://www.npd.com/news/press-releases/2022/young-adult-fiction-books-maintain-sales-momentum-in-2022-npd-says/ (Lien visité le 24 janvier 2023).

Dépeche (2022) #BookTok : Joël Dicker et plusieurs Maisons d’édition s’engagent Sur Tiktok, ActuaLitté.com. Accessible à : https://actualitte.com/article/108364/technologie/booktok-joel-dicker-et-plusieurs-maisons-d-edition-s-engagent-sur-tiktok (Lien visité le 22 janvier 2023).

Humblet, A. (2023) Booktok, CE Nouveau phénomène tiktok qui fait lire les jeunes: « ça m’a poussé à acheter plus d’une dizaine de livres », RTL Info. RTL Info. Accessible à : https://www.rtl.be/actu/belgique/societe/booktok-ce-nouveau-phenomene-tiktok-qui-fait-lire-les-jeunes-ca-ma-pousse/2023-01-13/article/516348 (Lien visité le 26 janvier 2023).

Stewart, S. (2022) PW 2022 notable: Colleen hoover, PublishersWeekly.com. Accessible à : https://www.publishersweekly.com/pw/by-topic/industry-news/people/article/91165-pw-2022-notable-colleen-hoover.html (Lien visité le 25 janvier 2023)

 Seignol de Swarte, M. (2023) Statistiques Tiktok : Les Chiffres Clés pour 2023, Meltwater. Meltwater. Accessible à : https://www.meltwater.com/fr/blog/statistiques-tiktok (Lien visité le 24 janvier 2023).

Rédaction culture (2022) #BookTok : Partenaire de la Foire du livre de Francfort, La plateforme Chinoise TikTok s’intéresse à la littérature, Franceinfo. Accessible à : https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/booktok-partenaire-de-la-foire-du-livre-de-francfort-la-plateforme-chinoise-tiktok-s-interesse-a-la-litterature_5437096.html (Lien visité le 27 janvier 2023).

The NPD Group (2022) The NPD Group — adult fiction sales get a #booktok bump. Accessible à : https://www.npd.com/wp-content/uploads/2022/04/Books-USBookTokSSS.pdf (Lien visité le 24 janvier 2023).

Une marque inspirante sur les réseaux sociaux : GoPro.

Quelle stratégie pour GoPro sur les réseaux sociaux ?

On ne la nomme plus, elle nous accompagne de partout dans notre quotidien mais surtout en vacances : la Gopro, cette petite caméra que l’on peut emporter de partout et par toutes les conditions, fait l’objet aujourd’hui d’une attention toute particulière. En effet, elle est considérée comme l’une des marques les plus inspirantes sur les réseaux sociaux. Quelle est donc cette fameuse stratégie qui place GoPro comme leader sur les réseaux sociaux ? 

GoPro est une marque de caméra fondée en 2005, originellement créée par Nick Woodman, un surfeur californien souhaitant optimiser ses sessions et prendre en photo sa passion. Il raconte : « À l’époque, les seules options étaient d’utiliser un appareil jetable étanche […]. Mais 9 fois sur 10, soit vous loupiez la photo, ou vous vous blessiez et souvent, vous perdiez l’appareil dans l’eau. J’avais l’impression d’être en train d’inventer la plus importante création du monde du surf ».

Créée par un passionné, pour des passionnés, les amateurs de sensations fortes adoptent peu à peu la petite caméra et la placent au cœur de leurs sessions sportives. Sous l’eau, dans la neige, dans le vide ou encore en parachute, la GoPro permet à ses utilisateurs d’immortaliser leurs meilleurs moments et de partager leur passion à leur communauté sur les réseaux sociaux. 

GoPro, ou les maîtres de l’User Generated Content.

Le premier volet du succès de GoPro sur les réseaux sociaux, et le plus efficace, concerne l’usage de User Generated Content. En effet, la grande majorité du contenu posté sur les réseaux, que ce soit Facebook, Twitter, Instagram ou encore Youtube, est créé directement par les consommateurs de GoPro, aka les passionnés. 

Originellement créée pour les surfeurs, GoPro s’est étendue progressivement vers tous les amateurs de sensations fortes, professionnels ou non, et s’est même inscrite dans le quotidien de personnes lambdas souhaitant immortaliser des instants spéciaux. La cible étant plutôt jeune (16-35 ans), ces personnes sont les acteurs principaux des réseaux sociaux car ce sont des générations qui sont nées et/ou ont grandies avec les réseaux. Ainsi, le partage et la publication de contenus est presque évidente pour ces derniers qui vont ainsi générer beaucoup de UGC.

Cela donne ainsi à GoPro la chance d’avoir accès à une source inépuisable de contenus originaux, pour laquelle les utilisateurs n’attendent presque uniquement que de la reconnaissance en retour : avoir leur photo / vidéo postée sur l’une des pages de GoPro.

L’approche de GoPro par rapport à cet UGC est unique, car le produit en lui-même – la caméra – est rarement montré. Les utilisateurs les plus importants font exactement ce qu’ils sont censés faire avec la caméra : immortaliser leurs instants de vie, leur sport et leur passion. 

Cette manière de promouvoir la marque offre la possibilité d’un fort engagement de la part des utilisateurs sur les réseaux, qui se reconnaissent dans le UGC.

Pour faciliter ce flux continu de User Generated Content, GoPro a anticipé et a même créé un canal de partage directement sur son produit. Grâce à l’application GoPro, les utilisateurs peuvent éditer et partager leurs photos et vidéos directement sur Instagram, Facebook ou encore Youtube. GoPro devient donc un outil central dans le partage des activités sur les réseaux et oriente clairement sa stratégie sur le UGC.

Ces contenus permettent ainsi aux nouveaux utilisateurs d’avoir accès à une multitude de retour d’expérience plus que convaincants : les images sont magnifiques, traduisent des passions communes et des expériences sensationnelles. Tout « fait envie » et pousse les nouveaux utilisateurs de GoPro à participer et à intégrer la communauté.

Capture d’écran du compte Instagram de Gopro @gopro.

Afin de pousser les utilisateurs à créer du UGC, GoPro gamifie son fonctionnement en lançant de nombreux challenges et autres concours. En effet, la marque lance les GoPro Awards qui sont des concours où les utilisateurs sont invités à capturer leurs plus beaux instants et à les soumettre à GoPro. Les gagnants des différents challenges gagnent des lots, de l’argent, mais surtout une couverture médiatique sur les réseaux de GoPro. Divers challenges existent sur différents thèmes, comme « the photo of the day » ou encore « be a hero challenge ». 

Des images sensationnelles promues par des célébrités portant les valeurs du sport de haut niveau. 

La stratégie de GoPro repose également sur un contenu digital sensationnel. L’expérience GoPro fait rêver, et pour cela la marque a très bien compris quels moyens utiliser. 

Tout d’abord, le UGC créé et repartagé par GoPro ne montre que des photos et vidéos fabuleuses. Entre paysages, hautes sensations ou encore vues du ciel, le contenu fait rêver et associe l’expérience sensationnelle directement à l’utilisation de GoPro. En voyant cela, le consommateur se projette (car les photos et vidéos viennent d’un utilisateur comme lui) et se dit qu’en utilisant la GoPro il aura accès aux mêmes expériences. 

Pour accentuer cette expérience, GoPro s’inscrit dans une stratégie de marketing d’influence en promouvant sa marque par des stars et autres sportifs de haut niveau connus et réputés dans leur domaine. 

Par exemple, GoPro a publié une vidéo sur la skieuse alpine Lindsay Vonn qui bat un record du monde sous l’objectif attentif de la GoPro. GoPro a aussi par exemple décidé de suivre la fin de carrière du pilote de vitesse moto Valentino Rossi, attirant tous ses fans pour une dernière vidéo phénoménale en son honneur. 

La marque possède 10,6 millions d’abonnés sur Youtube et attire ainsi beaucoup d’audience grâce à ce genre de vidéos.

Ces célébrités du sport qui utilisent la GoPro dans des conditions extrêmes et professionnelles jouent donc quelque part le rôle de Key Opinion Leader car leur opinion compte : leur professionnalisme leur confère de la crédibilité, et montre que la GoPro peut s’utiliser même par les plus grands. 

Ici, les logiques du celebrity endorsement sont rencontrées de bout en bout : les sportifs de haut niveau sont crédibles car professionnels ; ils sont beaux et jeunes et renvoient une image saine et ambitieuse ; leurs caractéristiques collent entièrement avec les caractéristiques de GoPro qui promeut les sensations fortes et les images spectaculaires ; enfin, les sportifs de haut niveau représentent des valeurs importantes dont la communauté va s’imprégner, véhiculées par la simple phrase qui est maintenant leur slogan : « Be a hero ». D’ailleurs, chaque modèle de caméra porte ce nom : Hero.

Pour renforcer cette image de héro, GoPro est maintenant en partenariat avec la boisson énergisante Redbull qui promeut les mêmes valeurs et ambitions. En effet, Redbull organise de nombreux événements dédiés aux sports à sensations fortes de haut niveau (cliff diving, porsche race, formula one). GoPro couvre ainsi la totalité des événements Redbull. Redbull associe son image à la création de tels événements et GoPro associe son expertise audiovisuelle et ses images spectaculaires. Combinées, les deux marques comptent près de 40 millions d’abonnés rien que sur Instagram, ce qui promet un partenariat ambitieux et procréateur. 

Adobo magazine

« L’envergure et les capacités d’exécutions mondiales de Redbull sont impressionnantes, ce qui rend ce partenariat très stratégique pour GoPro. Nous partageons la même ambition d’être une source d’inspiration dans le monde entier, afin d’inciter le public à vivre intensément. » Nicholas Woodman, CEO de GoPro.

Une communauté très forte.

GoPro repose sur un fort esprit de communauté.

D’une part, GoPro organise sa propre communauté grâce au site community.gopro.com sur lequel on y retrouve des forums de discussion où les utilisateurs expérimentés peuvent aider les nouveaux dans la prise en main de leur appareil. Des ingénieurs et autres professionnels de GoPro sont également présents sur les forums pour promouvoir des messages important et aussi aider les utilisateurs.

Depuis peu, un nouvel espace de la communauté existe, appelé les GoPro Labs, où les ingénieurs proposent de nouvelles fonctionnalités à tester par les utilisateurs expérimentés. Ces derniers laissent leurs avis et permettent aux équipes de développement de savoir si cette nouvelle fonctionnalité en question vaut le coup ou non. 

“GoPro Labs is an initiative to deliver new, experimental features to our GoPro community. Many of these features originated from internal hackatons […]. We don’t promise any of these will make it to a production camera, but they’re cool enough and cooked to give you a taste. Why hold back anymore?”

Capture d’écran de la page GoPro Labs

GoPro va plus loin en proposant également la plateforme Open GoPro où l’utilisateur peut développer lui-même des fonctionnalités personnalisées à intégrer à sa caméra. Par le biais de la communauté, l’utilisateur peut atteindre un degré de personnalisation précis.

Par la multitude de UGC, on se rend donc compte que c’est la communauté de GoPro qui promeut l’objectif principal : être un héros. De nombreux groupes informels sont créés sur les différents réseaux (groupes Facebook, pages Instagram etc…), gérés par des utilisateurs expérimentés qui souhaitent uniquement partager la passion GoPro.

Chaque membre de la communauté est un ambassadeur pour GoPro.

Mathilde Comte

Gopro.com. GoPro Awards | Défis vidéo et photo. [online] Available at: <https://gopro.com/fr/fr/awards>

Instagram – GoPro. [online] Available at: <https://www.instagram.com/gopro/>

Sport Stratégies. Red Bull donne des ailes à GoPro. [online] Available at: <https://www.sportstrategies.com/red-bull-donne-des-ailes-a-gopro/>

DigiSchool commerce. GoPro : Etudes, Analyses Marketing et Communication de GoPro. [online] Available at: <https://www.marketing-etudiant.fr/marques/gopro-marketing.html>

Comment GoPro stimule la fidélité à la marque avec l’UGC |. [online] Available at: <https://clarksbarandrestaurant.com/social-spotlight-how-gopro-fuels-brand-loyalty-with-ugc>

Dans la boite noire de TikTok

Qui aurait cru après l’échec de l’application Vine qu’une application de doublage musical puis de montage et de partage de courtes vidéos d’origine Chinoise dépasse les mastodontes Facebook et Instagram sur le marché de plus en plus en concurrentiel de l’attention (1) ?

C’est pourtant ce qui est arrivé en 2020, en effet selon les chiffres d’Airnow data qui analysent le nombre de téléchargements de l’application dans le monde en 2020 de mars à août c’est bien TikTok qui arrive loin devant Facebook ou Instagram (presque 80 millions de téléchargements en mars pour TikTok contre un peu moins de 40 millions pour Instagram). TikTok a même depuis 2021 surpassés le nombre de visites Google (2)… Comment expliquer cet engouement frisant l’addiction planétaire ?

Retour sur une ascension fulgurante

Pour comprendre comment une telle croissance est possible, il faut tout d’abord revenir en 2016, à la création de Douyin par l’entreprise ByteDance. Douyin est la « grande sœur de TikTok », les deux ont exactement le même fonctionnement c’est-à-dire une plateforme de distribution et de production de vidéos allant de 3 à 180 secondes, mais la première est hébergée sur un serveur Chinois et s’adresse à un public domestique tandis que la seconde est créée pour le marché international (3).

Les deux applications rencontrent très rapidement un fort succès et le rachat en 2018 par ByteDance (4) de l’application concurrente Musica.ly ne fait que renforcer la popularité de l’application. Si la musique est une donnée du succès à part entière de l’application prisée par les générations les plus jeunes (5) La réponse au secret de cette popularité se trouve également dans le business model, la raison d’être même de Bytedance : l’utilisation de l’intelligence artificielle et toutes ses déclinaisons pour distribuer et créer de l’interaction avec de l’information et du contenu (6). Mais qu’est-ce qui fait la spécificité de TikTok par rapport à ses concurrents ? La réponse se trouve en grande partie dans le taux d’engagement que suscite l’application, si l’on se trouve dans un tournant très favorable à l’user generated content (Jensen,2007) (7) ces derniers sont impressionnants pour une plateforme aussi jeune.

TikTok domine non seulement en matière d’utilisateur actif, mais également en rétention de ceux-ci avec une moyenne de longueur de visites de 52 minutes par jour et par utilisateur. Si TikTok arrive à maintenir un taux d’engagement aussi c’est grâce à sa capacité de recommandation et de curation de contenu personnalisé. C’est ce fonctionnement qui a mis au cœur des différents succès ou controverses de l’application la question de son algorithme et des interrogations qu’il soulève, puisque c’est ce dernier qui est l’architecte de ce nouvel écosystème.

Mathématiques d’un succès

Que se cache-t-il derrière cet algorithme vu par certains comme une poule aux œufs d’or et par d’autres comme un dangereux outil ?

Il est difficile de répondre à cette question que beaucoup se sont posés, et d’autres facteurs comme le design de l’application rendant l’user expérience agréable peuvent être avancés (8). Une autre explication peut être le format et la durée des vidéos, TikTok privilégie les vidéos de quelques secondes, cela permet de naviguer facilement entre des centaines voire des milliers de vidéos de quelques secondes dans un contexte où l’attention moyenne de l’être humain a chuté pour se stabiliser autour de quelques secondes (9). Dans cet environnement de forte augmentation d’absorption de l’information et de saturation de l’attention, une application basée sur de petits formats courts et percutants utilisant le système de récompense aléatoire (10) semble être une formule gagnante.

Néanmoins, c’est bien cet algorithme de recommandation, et l’idée d’un contenu unique personnalisé pour l’utilisateur et retranscrit dans la page d’accueil « For you page » qui dope l’audience de l’application. En effet, TikTok prends l’idée de la recommandation à rebours, là où « l’explore page » est secondaire sur Instagram, la « For you page » qui mêle abonnements, mais surtout contenu poussé par l’analyse des habitudes de visionnage (likes, temps de visionnage, interactions avec hashtags…) est au cœur de l’application. Ici la recommandation est au cœur de l’application, elle en est son essence même. Beaucoup d’hypothèses ont été faites sur les spécificités de l’algorithme, c’est pourquoi en septembre 2020 l’application a précisé quelques informations sur le fonctionnement de l’algorithme afin de dissiper certaines rumeurs.

En effet, c’est à cette période que l’entreprise lance son premier « transparency center » à Los Angeles en pleine tourmente et questionnement sur l’ingérence de la Chine aux États-Unis (obligation de se faire racheter par une entreprise américaine, ce qui est toujours en suspens) (11), mais aussi des inquiétudes quant aux traitements des données recueillies par l’application (12). On apprend donc de cette ouverture de TikTok à la presse américaine que :

  • L’algorithme utilise l’apprentissage automatique pour déterminer le contenu susceptible de plaire à l’utilisateur en proposant de nouvelles vidéos basées sur l’engagement de personnes aux profils similaires.
  • Il utilise également les informations de la vidéo (sons, tags, légendes) ainsi que celles de l’appareil qu’il utilise.

Grâce à toutes ces données, l’application peut « cartographier » les thèmes assignés à l’utilisateur et les agréger en clusters. Ainsi il va recommander des vidéos en fonctions de ces clusters, mais aussi de l’affilier à des groupes d’utilisateurs similaires tout en évitant d’envoyer un contenu redondant, on ne tombe quasiment jamais deux fois sur la même vidéo. Mais cette capacité à cerner les intérêts des utilisateurs est comme l’avaient craint certains critiques, problématique. En effet, l’entreprise elle-même admet qu’un effet de « bulle de filtrage » peut arriver en poussant les utilisateurs dans des biais ou des limitations de contenus, ce qui soulève des problèmes à l’aune de la multiplication des fake news. L’entreprise pour se défendre de ces dérives a fait appel à des censeurs, mais également en données et sécurités. Mais il semble que cet « effet secondaire », pendant de sa recette miracle, ait encore de beaux jours devant lui.

En effet, une enquête menée par le Wall Street Journal et publiée en juillet 2021 analysant les données produites par 100 bots lancés sur l’application avec des centres d’intérêt différents a montré comment l’algorithme par son système de recommandation multifactoriel puissant avait tendance à renforcer ou créer de biais cognitifs de façon extrêmement rapide, ce qui soulève autant de problèmes de santé publique et de protection de l’enfance que d’ingérence dans la sphère politique et démocratique. L’algorithme peut détecter rapidement à quel contenu on est sensible, celui qui va nous faire interagir sans signifier que c’est un contenu que l’on apprécie, c’est celui qui va faire rester l’utilisateur sur la plateforme. Il est donc difficile de changer ses préférences quand l’outil de recommandation a catégorisé l’utilisateur. Il n’est plus seulement question d’utilisateur qui entraine l’algorithme à reconnaître ses gouts, il est aussi question d’un algorithme qui pousse un certain contenu vers l’utilisateur (13).

RSE ou coup de communication ?

Cette problématique de renforcement négatif a été confirmée par la fuite d’un document interne début décembre 2021 portant sur l’algorithme et analysé par des journalistes du New York Times. Les critiques de l’application ont trouvé raison à leurs inquiétudes dans ce document qui montre bien que la rétention sur l’application et le temps de visionnages étaient les deux métriques principalement optimisées, pouvant favoriser « l’addiction » de l’utilisateur et non pas juste ses préférences. L’équation simplifiée suivante : « Plike X Vlike + Pcomment X Vcomment + Eplaytime X Vplaytime + Pplay X Vplay » permet également d’attribuer un score à une vidéo qui déterminera sa mise en avant. Le document explique également comment il essaye de déjouer les vidéos « like bait » et l’ennui que pourrait ressentir l’utilisateur si l’algorithme poussait trop de vidéo similaire en son sens tout en favorisant le contenu monétisé.

Ce problème a poussé TikTok à déclarer un ajustement en décembre 2021 de son algorithme pour ne pas encourager des mécanismes de « renforcement négatif » et protéger la santé mentale de ces utilisateurs ainsi que des plus jeunes par rapport à certains sujets nocifs (15). Difficile de savoir dans quelle mesure cette modification de trajectoire est possible sans brider ce fonctionnement qui fait le succès de l’application.

Mais paradoxalement, le document interne de TikTok montre la « banalité » de l’algorithme. Si le document ne rentre pas dans les détails techniques, les techniques qu’ils semblent employer ne semblent pas plus éthiquement discutables que celles déjà utilisées par des plateformes comme Facebook, il en va de même pour les inquiétudes considérant la privacy et l’utilisation des données. Ce qui semble alors poser problème relève peut-être alors plus de la souveraineté numérique que l’on ne peut le croire. En effet ce qui inquiète, c’est aussi le lien très fort avec ByteDance et Douyin qu’entretien avec TikTok et par extension le gouvernement Chinois.

Elise Kravets

Sources

  1. https://fr-statista-com-s.proxy.bu.dauphine.fr/infographie/22897/telechargements-mensuels-application-tiktok-dans-le-monde/
  2. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1849557/tiktok-populaire-site-web-google-palmares-2021-cloudflare
  3. https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/10/05/comprendre-tik-tok-l-application-preferee-des-ados-fans-de-play-back_5365205_4408996.html
  4. https://www.reuters.com/article/us-bytedance-musically/chinas-bytedance-scrubs-musically-brand-in-favor-of-tiktok-idUSKBN1KN0BW
  5. https://numerique-investigation.org/les-adolescents-sur-tiktok-a-la-recherche-de-la-couronne/2771/
  6. http://tcci.ccf.org.cn/summit/2017/dlinfo/02.pdf
  7. http://imx.acm.org/2007/tutorials/user-generated-content2.pdf
  8. https://www.nyucommclub.com/content/2020/12/14/why-tiktok-is-addicting-its-not-the-reason-you-might-think
  9.  https://journals.physiology.org/doi/pdf/10.1152/advan.00109.2016
  10. https://numerique-investigation.org/les-adolescents-sur-tiktok-a-la-recherche-de-la-couronne/2771/
  11. https://www.axios.com/tiktok-los-angeles-china-6b4be5e0-a7ac-4a5c-a929-8538382d4bd3.html
  12. https://siecledigital.fr/2021/02/12/tiktok-oracle-suspens/
  13. https://www.wsj.com/articles/tiktok-algorithm-video-investigation-11626877477
  14.  https://www.nytimes.com/2021/12/05/business/media/tiktok-algorithm.html
  15. https://www.wsj.com/articles/tiktok-to-adjust-its-algorithm-to-avoid-negative-reinforcement-11639661801
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