Plateformes de SVOD et stratégies : quels déploiements dans un environnement ultra-concurrentiel ?

Le 4 novembre 2022, les médias annonçaient l’arrêt de la plateforme de streaming Lionsgate + en France ainsi que dans sept autres pays européens. La cause ? Des pertes financières, qui font suite à une réorganisation de la société, et un nombre d’abonnés très restreint face aux grands autres acteurs. La plateforme française Salto connaît également des difficultés, faute de programmation attractive et de coordination entre les maisons-mères. Mais cela va également de pair avec un environnement concurrentiel qui ne cesse de croître sur le marché du streaming SVOD. Après l’arrivée et le déploiement de Netflix dans sa forme actuelle dès 2007, d’autres acteurs sont ensuite déployés sur le marché SVOD en raison de l’attractivité de ce modèle : OCS, Disney +, Prime Video, Apple TV+, Canal + Série…sans oublier HBO Max, encore indisponible en France. En France, pour la seule fin d’année 2022, nous pouvons noter l’arrivée de deux nouveaux acteurs : Paramount + et Universal +. Tous les studios américains veulent aujourd’hui se doter de leur plateforme de streaming afin de devenir acteurs sur ce marché florissant…

Source : Pixabay.fr

Et pourtant, ce qui était auparavant une offre rare, unique et novatrice avec Netflix, est devenu une norme accessible par pléthore de supports dans un environnement ultra-concurrentiel. Le sort de Lionsgate + et Salto le montre bien. Aussi, les utilisateurs ont pour la plupart multiplié les abonnements pour pouvoir accéder à un maximum de contenus à la demande comme au Royaume-Uni où 16,9 millions de foyers sont abonnés à un service de streaming à la demande par abonnement, et pour une moyenne d’abonnement à 2,4 services par foyer en avril 2022, selon l’étude Kantar relayée par Zdnet. Aux USA, 53 % des dépenses mensuelles en SVOD dépassent les 20 $ d’après l’étude Nielsen, pour en moyenne un abonnement à 4 services par foyer. Ou encore, d’après le Baromètre OTT de NPA Conseil/Harris Interactive, la France compte en moyenne l’usage de 1,9 services par utilisateur, pour une dépense moyenne qui atteint 17,5€ par mois en juin 2022. De plus, 53,2 % de Français se déclarent utilisateurs réguliers d’au moins un service fin 2022. Néanmoins, cette accumulation peut devenir difficilement supportable financièrement, et l’inflation y participe grandement. Et pour cause, environ 937000 foyers britanniques ont procédé à des désabonnements entre janvier et septembre 2022. De plus, d’après l’étude de Médiamétrie/Harris Interactive d’octobre 2022, les 15-24 ans français sont de plus en plus nombreux à abandonner les services SVOD, privilégiant les interfaces et réseaux sociaux comme YouTube ou TikTok.

Cela pousse donc les acteurs à déployer des stratégies afin de capter rapidement de nouveaux abonnés.

S’agréger à une base d’abonnés pré-existante

Aujourd’hui, les nouveaux acteurs du streaming se distinguent difficilement, car d’autres plateformes sont déjà bien implantées sur le marché. Le nouvel acteur peut alors s’appuyer sur une base d’abonnés déjà existante pour faciliter son intégration, mobilisant ainsi un partenariat avec un autre service. C’est ce que nous pouvons observer lorsqu’un acteur souhaite s’implanter sur un marché étranger comme la France. Netflix, Disney + ou plus récemment Paramount +, n’ont pas hésité à développer un partenariat avec le Groupe Canal +, qui agrège les plateformes sur son interface MyCanal. Au lieu d’inciter les utilisateurs à souscrire à un énième abonnement, ce qui pourrait les rebuter à devoir créer un nouveau compte sur des plateformes moins attractives et moins intégrées pour certaines, il leur suffit de les inviter à procéder à une seule inscription sous forme de “package” pour un service élargi. Les nouveaux acteurs peuvent ainsi bénéficier d’un panel d’abonnés déjà existants et concentrés sur un service unique.

Interface des chaînes et plateformes disponibles sur MyCanal
Source : MyCanal – Canalplus.com

Warner Bros. Discovery aura tenté une stratégie autre, en se portant candidat au rachat d’Orange Content, qui inclut notamment OCS – diffuseur des séries HBO depuis 2008 en France – avec pour objectif de transiter les 3 millions d’abonnés OCS vers son service HBO Max lors de son lancement dans l’hexagone. Un fort potentiel pour le groupe quand on sait que les abonnés OCS sont des habitués des programmes HBO, qui seraient ensuite disponibles sur la nouvelle plateforme de la Warner. D’autant qu’OCS a perdu son contrat avec HBO à l’issue de l’année 2022. Néanmoins, outre le lancement d’HBO Max mis en suspend en France, la Warner n’a pas pu acquérir OCS, en raison du droit de préemption de Canal + sur cette vente.

Elargir l’offre, le service et les forfaits

Alors que les acteurs historiques comme Netflix ne proposaient jusqu’alors qu’un service de SVOD avec une offre de films et de séries, nous avons pu notamment observer que les plateformes à l’instar de Prime Video se tournent vers des programmes que nous retrouvions initialement sur les services linéaires de télévision. La plateforme d’Amazon s’est en effet dotée de diffusions de programmes sportifs, comme Roland Garros ou la Ligue 1 et la Ligue 2 de Football par l’achat de lots par exemple. Pouvoir apporter des programmes plus diversifiés à l’instar du sport est une autre méthode de développement des abonnements et des profils qui s’opère par la diversification de l’offre. La télé-réalité se retrouve également sur les plateformes SVOD généralistes, avec Netflix ou encore Salto qui propose des programmes issus des chaînes TV de ses maisons-mères.

Outre l’offre éditoriale en développement offerte par les plateformes, nous pouvons également revenir sur l’enjeu financier qui a poussé les anglo-saxons à se désabonner. Nous avons en effet pu noter que les tarifs des offres de plateformes de streaming comme Netflix ou Disney + n’ont cessé d’augmenter depuis leurs lancements, qui se justifient par un modèle déficitaire depuis plusieurs années, avec une croissance atone, et des abonnés qui ne sont pas rentables, comme l’a relevé Alain Le Diberder. Netflix a d’ailleurs procédé au licenciement de 450 employés entre mai et juin 2022 afin de faire des économies en période de crise suite à la perte d’abonnés et une croissance en baisse des revenus. Cette situation économique pousse même la plateforme à durcir ses règles en cas de partage illégal de compte, considéré comme un manque à gagner. 

L’ajout de la publicité devient donc une alternative pour compenser ces difficultés : Disney + et Netflix sont alors précurseurs en la matière, et proposent d’ajouter de la publicité à leurs programmes avec en retour des forfaits moins chers, sans pour autant abandonner l’offre sans publicité. Certains sondages ont montré que certains utilisateurs seraient enclins à s’abonner à des forfaits moins chers, quitte à avoir de la publicité. D’après létude du Baromètre OTT publiée en novembre, 44 % des Français interrogés déclarent vouloir devenir ou demeurer abonnés à Netflix, dont un tiers à l’offre avec publicité. Ce chiffre s’élève à 25 % pour Disney +, dont deux tiers au forfait avec publicité. De la même manière, d’après l’étude relayée par Zdnet, 44 % des Britanniques abonnés à Netflix déclaraient en avril 2022 ne pas être dérangés par la publicité si l’abonnement coûtait moins cher. Cela porterait la pénétration de ces plateformes à la hausse. A cela s’ajouterait une meilleure monétisation des comptes, avec les revenus publicitaires. Une solution qui demande encore à faire ses preuves, mais qui pourrait stimuler le nombre d’abonnés.

Synergie entre les services

Enfin, les acteurs qui peuvent se le permettre vont encore plus loin et créent une synergie entre leurs services. Ce sont ceux qui peuvent détenir des données sur leurs utilisateurs et qui ont suffisamment d’activité pour en accumuler qui peuvent à ce jour développer une telle stratégie. Si Amazon était en mesure de créer une telle synergie dès le départ entre son service de vente en ligne et sa plateforme de streaming avec des forfaits préférentiels pour cumuler l’accès à ses services, Disney a également annoncé récemment vouloir faire de même. Le groupe développe une offre combinant celle de la plateforme Disney + et celle de ses sites de vente de produits dérivés et de parcs à thème. Les abonnés de Disney + bénéficieront d’avantages exclusifs. Cette synergie de services permettrait aux plateformes de proposer une valeur ajoutée aux utilisateurs, ce qui pourrait accroître le nombre de souscripteurs. Par ailleurs, elle permettrait de valoriser la donnée et de proposer des services personnalisés en dressant des profils plus précis des utilisateurs. En effet, les données générées par les seules plateformes de streaming sont faibles et peu exploitables. Enfin, rassembler les données des utilisateurs et faciliter leurs flux entre services offrirait une meilleure qualité de service, valorisant l’activité des plateformes.

Ainsi, nous pouvons observer que les acteurs de la SVOD doivent redoubler d’efforts pour rendre attractive leur offre, quitte à procéder à un développement nouveau de leur activité qui dépasse la seule activité du streaming. Les prochains mois ou prochaines années nous montreront quels sont les acteurs les plus armés pour faire face à ce marché ultra-concurrentiel du contenu numérique. L’acquisition et l’exploitation de la donnée semblent aujourd’hui primordiales pour créer un service personnalisé aux utilisateurs dans cette course à l’attention, tandis que l’arrivée imminente de nouveaux modèles comme la FAST devrait également bouleverser ce marché.

Luc HERVIO

Sources

LA FASHION-WEEK EN LIGNE : UNE NOUVELLE TRANSFORMATION DIGITALE DE L’INDUSTRIE DE LA MODE

La pandémie mondiale et le confinement ont bouleversé l’industrie de la mode. Les marques ont fait face à la fermeture de leurs boutiques (voire de leurs e-shop), au ralentissement des impressions de magazines papiers où ils avaient de la publicité, ou encore à la désertion des rues et transports en commun, principaux vecteurs de campagnes d’affichage. Leurs réseaux sociaux, et particulièrement leurs comptes Instagram, font figure de derniers survivants. En juin dernier, les Fédérations de la Mode du monde entier ont géré la mise en place digitale des défilés. Précurseur européen en matière de numérique, l’Angleterre s’est illustrée en inaugurant une version 100% digitale de la London Fashion-Week (FW) Homme, alors que Paris décidait d’annuler sa semaine de la Haute Couture. 

Une Fashion-Week digitale, oui, mais où ? 

Les sites officiels des marques et des Fédérations de la Mode ont évolué pour devenir des plateformes accueillant défilés digitaux, interviews et showrooms. Pour preuve, la Paris FW s’est associée à l’entreprise technologique Launchmetrics pour construire sa plateforme digitale. La Fédération de la Haute Couture et de la Mode (FHCM), quant à elle, a renouvelé ses partenariats avec les réseaux sociaux YouTube, Google, Instagram et Facebook, et poursuit sa collaboration avec Hylink, principale agence de communication numérique indépendante de Chine, lui permettant de renforcer ses liens avec les principaux réseaux sociaux et de distribution sur le territoire chinois. 

Pré-enregistrés ou en Livestream, les défilés ne sont plus des évènements exclusifs réservés aux détenteurs d’invitations, mais bien ouverts au grand public, derrière des écrans. Pour la New-York FW (NYFW), le Council of Fashion Designers of America s’appuiera sur la plateforme digitale créée pour l’occasion, Runway360 (ouverte aux revendeurs, média et consommateurs), pour héberger les livestream, rediffusions et présentations photos des collections de designers. Les marques peuvent accepter ou non d’être diffusées sur cette plateforme. Néanmoins, le site officiel de la NYFW souhaite rester le hub digital principal, agrégeant les calendriers et les shows. Repensé pour l’occasion, le site offre de nouveaux outils aux designers pour les aider dans cette activation digitale : des possibilités d’achat de la collection de la saison, la diffusion des défilés, des coulisses, de tutoriels et des photoshoots.

Cependant, les réseaux sociaux s’imposent aussi comme canaux de diffusion. Si Instagram reste le favori des marques, certaines voient une opportunité chez TikTok. L’application aux 800 millions d’utilisateurs actifs mensuels va diffuser les défilés de Louis Vuitton, Saint Laurent ou encore Dior, et créé depuis début septembre de l’interaction avec ses hashtag « #TikTokFashionMonth », « #GetTheLook », « #Fashion101 ». Vidéos exclusives, livestreams, et événements rythmeront ce mois de la mode sur l’application, qui s’achèvera le 8 octobre avec un défilé mettant à l’honneur de nombreux créateurs montants, ainsi que des capsules exclusives.

Pinterest collabore avec Launchmetrics pour permettre à ses 350 millions d’utilisateurs de suivre les défilés Printemps/Été 2021. Dès le 28 septembre (date du coup d’envoi de la Paris FW), on retrouvera sur la plateforme des vidéos des défilés, des interviews de créateurs, ainsi qu’un accès virtuel aux backstages. Les utilisateurs pourront également accéder aux différents looks et à des décryptages pour s’en servir comme source d’inspiration.

Pour autant, Burberry a pris le parti de se tourner vers la plateforme Twitch. Elle a ouvert la London FW (LFW) Printemps/Été 2021 avec la diffusion d’un défilé pré-enregistré sur les sites officiels de la marque et de la LFW, mais aussi sur Twitch. Pour la première fois, une marque de luxe partageait son défilé sur cette plateforme de streaming, popularisée pour la diffusion de jeux vidéo. Avec près de 40 000 spectateurs, Burberry pouvait compter sur le soutien d’artistes, dont le top model Bella Hadid (33 millions d’abonnés Instagram), qui commentaient le défilé sur une discussion Twitch. De quoi attiser la curiosité des spectateurs. 

D’ailleurs, comment stimuler le spectateur à travers un écran ?

Tout d’abord, via une communication privilégiée. Si le défilé digital répond aux problématiques des conditions sanitaires, il challenge les marques sur leur habilité à mobiliser leurs communautés. Le contexte pandémique oriente leurs discours vers une communication centrée sur l’identité, les valeurs, et vers une volonté de transparence. Ainsi, le label Off White créait en juillet dernier un compte Instagram sur les coulisses de la marque, partageant les croquis, les conversations Whatsapp entre designer et équipe créative, ainsi que les essayages.

Lors de l’ouverture de la LFW, Burberry présentait une scénographie intimiste qui débutait avec une mannequin filmant sa préparation pour le défilé, avec son iPhone et sans assistant, qui s’achevait sur un plan large au drone, dévoilant l’envers du décor (installations techniques, techniciens). Un point de vue aussi surprenant qu’innovant, qui créé ce lien de confiance avec le spectateur, au cœur des stratégies marketing des marques désormais. 

La FW digitale est aussi rendue possible grâce à la création d’outils. En collaboration avec la FHCM, Instagram expose dans un playbook intitulé « INSTAGRAM FASHION WEEK 2020 PLAYBOOK », des astuces pour bien préparer son évènement et maintenir l’attention de l’audience. En d’autres termes, il accompagne les marques pour créer avec elles le défilé virtuel idéal : de l’invitation au « gift bag », le réseau social a pensé à tout. 

Pour gérer leurs invitations, les marques n’ont qu’à poster une story avec le Stories Countdown Sticker indiquant la date et l’heure du show. L’utilisateur répond en s’inscrivant à l’évènement. Le décompte en temps réel jusqu’au jour-J créé une attente autour de l’expérience. Le petit plus ? La création de nouvelles polices d’écriture pour personnaliser posts et stories, et appuyer leur identité digitale.

Pour le défilé ou showroom digital, les marques disposent des fonctionnalités Live, IGTV et AR effects. Le live permet une expérience partagée en temps réel. Instagram guide les marques à travers des astuces pour réussir leurs lives, mais aussi générer, captiver et interagir avec l’audience. Une fois terminé, les marques peuvent le poster sur leur InstagramTV (IGTV), le rendant accessible à ceux qui souhaitent le visionner. Elles aussi partager les coulisses en dévoilant l’effervescence des préparatifs et en recréant des interviews avec les maquilleurs et coiffeurs. Elles peuvent inviter des personnalités grâce au hashtag @LiveWith, expliquer leurs inspirations en partageant des photos aux spectateurs, et répondre aux questions à l’aide du sticker « Q&A ». Pour divertir leurs abonnés, les marques peuvent aussi créer une série de vidéos IGTV présentant leurs collections. Pour agréger plus d’audience, Instagram propose également l’option « poster une preview ». Ainsi, pour chaque vidéo IGTV postée, sa preview apparaîtra sur le compte Instagram de la marque et dans les feeds des abonnés, captant l’attention des utilisateurs. Enfin, les marques peuvent prolonger leur identité digitale grâce à des effets en réalité augmentée, qu’elles peuvent elles-mêmes créer. Cela construit, lors du live, un univers immersif pour le consommateur.

            Les FW sont aussi synonymes de « street style » (looks photographiés dans la rue) et « front row ». S’il est difficile d’en créer une version digitale à la hauteur, Instagram propose la story et le hashtag pour permettre aux utilisateurs de poster leurs tenues de FW, et de les montrer aux marques en les « taguant ». Pour interagir avec leurs communautés, ces dernières peuvent repartager ces looks.

Enfin, un défilé se termine toujours par des gift bags. Pour ce point, Instagram s’appuie sur l’élan de solidarité qui a émergé depuis le début du confinement et propose aux marques de conclure leurs shows sur un partenariat avec l’association caritative de leur choix. Ainsi, elles peuvent proposer à leurs abonnés de participer à une bonne cause à l’aide de dons, sur lesquels Instagram ne prend aucune commission. Le réseau social conseille de partager régulièrement le montant des dons pour valoriser le niveau d’implication des donateurs.

La pandémie a également remis en cause un fondamental de la mode : le calendrier de présentation des collections. Jugé trop demandant, certains designers comme Oscar de la Renta, ont décidé de décaler la présentation de leurs collections Printemps/Été 2021 pour se concentrer sur la collection de la saison en cours. C’est la stratégie « see-now-buy-now ». Pour ces marques, Instagram propose des shopping tags. Ils permettent à l’utilisateur d’acheter l’article directement à partir du post ou de la story comportant le tag, et ce, avant ou après l’évènement (défilé, showroom). C’est la décision de Rebecca Minkoff qui a choisi d’activer Instagram pour la présentation de sa collection Automne/Hiver 2020, le 15 septembre 2020. Un Livestream durant lequel la designer elle-même guide les spectateurs pour une expérience shopping intimiste, en lien avec la saisonnalité, et avec des pièces disponibles immédiatement à l’achat. 

Vers la dématérialisation totale du défilé ? 

Les contraintes sanitaires ont donc poussé les sites officiels et plateformes à muter pour devenir les diffuseurs de la FW, et les marques à adopter des stratégies de diffusion et de communication adaptées pour gagner en visibilité, à l’aide d’une identité digitale propre. Les réseaux sociaux ont saisi cette opportunité, et créé de nouveaux outils pour satisfaire les besoins des marques et donner accès à un évènement très fermé à des millions d’abonnés. Bien que les défilés se tiennent actuellement en version « phygital », certains créateurs imaginent les défilés du futur. C’est le cas du label GCDS qui a travaillé avec le géant de la réalité virtuelle Emblematic group sur son défilé digital du 24 septembre 2020. Sa collection Printemps/Été 2021 a été présentée sur une plateforme dédiée, comportant plusieurs salles de showroom où les mannequins sont remplacés par des avatars en réalité virtuelle, ainsi qu’une salle de jeux d’arcade des années 1990 qui reprenait les motifs et graphiques de la collection. Tout cela grâce à la technologie REACH.love, développée par Emblematic group, qui permet de créer de la réalité virtuelle volumétrique. La vision ? Permettre à l’audience de voir, du point de vue du « front row », le director’s cut du défilé lors duquel les spectateurs pourront se déplacer librement, de salle en salle, en passant par les backstages, faisant connaissance avec les maquilleurs et les coiffeurs. Un défilé 100% virtualisé et interactif, ouvert à tous. 

Fiona Arena

SOURCES : 

Fédération de la Haute Couture et de la Mode – Communiqué de presse du 6 mai 2020

“Digital Schedule”. LFW, 17 septembre 2020. Disponible sur https://londonfashionweek.co.uk/schedule/174/digital-schedule

CHEN, Eva. “Instagram Fashion Week 2020 Playbook”FHCM, 9 juin 2020. Disponible sur https://fhcm.paris/fr/2020/06/09/playbook-instagram/

CARRERA, Martino. “EXCLUSIVE: GCDS Spring 2021 Show to Feature VR, Gaming and More”. WDD, 8 septembre 2020. Disponible sur https://wwd.com/fashion-news/designer-luxury/gcds-spring-2021-show-vr-gaming-1234575564/

LOCKWOOD, Lisa. “A New York Fashion Week Like None Other”. WDD, 2 septembre 2020. Disponible sur

DIDERICH, Joelle. “Chanel Plans to Stage Métiers d’Art Show at French Chateau”. WDD, 15 septembre 2020. Disponible sur

AFP. « A Londres, Burberry ouvre une Fashion Week réinventée ». FashionNetwork, 17 septembre 2020. Disponible sur https://fr.fashionnetwork.com/news/A-londres-burberry-ouvre-une-fashion-week-reinventee,1244325.html

AFP-Relaxnews. « TikTok rend les défilés de la Fashion Week acessibles au public ». FashionNetwork, 15 septembre 2020. Disponible sur https://fr.fashionnetwork.com/news/Tiktok-rend-les-defiles-de-la-fashion-week-accessibles-au-public,1243168.html

AFP-Relaxnews. « Pinterest rend la Fashion Week accessible a ses 400 millions d’utilisateurs ». FashionNetwork 25 septembre 2020. Disponible sur https://fr.fashionnetwork.com/news/Pinterest-rend-la-fashion-week-accessible-a-ses-400-millions-d-utilisateurs,1246105.html

ETANCELIN, Valentin. « La Fashion Week de Londres va se tenir entièrement en ligne, une première ». HuffingtonPost, 21 avril 2020. Disponible sur https://www.huffingtonpost.fr/entry/londres-fashion-week-en-ligne_fr_5e9eb3c3c5b6b2e5b837a2a2?utm_hp_ref=fr-homepage

CAMARA, Shanon. « Virgil Abloh dévoile les coulisses de Off-White sur un compte Instagram ». FashionUnited, 3 août 2020. Disponible sur https://fashionunited.fr/actualite/mode/virgil-abloh-devoile-les-coulisses-de-off-white-sur-un-compte-instagram/2020080324436

MAURIN, Chloé. « La Fashion Week de Londres sera 100% digitale et publique ». Grazia, 22 avril 2020. Disponible sur https://www.grazia.fr/mode/news-mode/la-fashion-week-de-londres-sera-100-digitale-et-publique-956184

LANGÉ, Clémence. « Coronavirus : comment les marques de mode utilisent-elles Instagram pour surmonter la crise ? ». Grazia, 6 avril 2020. Disponible sur https://www.grazia.fr/mode/news-mode/coronavirus-comment-les-marques-de-mode-utilisent-elles-instagram-pour-surmonter-955123

BERTIN, Magali. « Paris Fashion Week : la Haute Couture sera elle aussi digitale ». Grazia, 7 mai 2020. Disponible sur https://www.grazia.fr/mode/news-mode/la-prochaine-fashion-week-de-paris-se-deroulera-en-ligne-957646

La plateforme collaborative: le nouveau média de la fabrique de la loi

Lors des dernières élections présidentielles françaises, le candidat Emmanuel Macron a insisté sur la nécessité d’un « renouvellement des visages » dans le paysage politique et une intégration de la « société civile » dans le gouvernement et plus globalement dans la vie politique française.

L’une des solutions proposées face à ces enjeux est d’associer directement le citoyen aux décisions publiques. Dans ce contexte de défiance vis-à-vis de la sphère politique, la recherche de nouveaux instruments pour stimuler la vie politique est un défi continu. La démocratisation du numérique représente donc une opportunité pour réussir à rétablir la confiance entre gouvernants et gouvernés.

De tels espoirs sur le potentiel démocratique d’une nouvelle technologie ne sont pas nouveaux et ont accompagné antérieurement le développement d’autres moyens de communication, comme la radio, la télévision, les réseaux câblés ou même le téléphone. Les potentiels d’internet sont en effet multiples et laissent espérer des développements dans notre fonctionnement démocratique. Ainsi, le Conseil national numérique a plaidé en faveur de tels changements : « le numérique doit être mis au service d’une prise de pouvoir partagée, d’un renouvellement profond des formes d’action citoyenne (…). Le numérique permet et exige cette transformation des formes d’action citoyenne. »

Grâce à ces nouveaux moyens, le citoyen à la possibilité de se mettre au niveau des lobbies, des experts en accédant aux informations puis en formulant des avis et des propositions. Les différences de moyens, financiers ou autres semblent être en partie gommées. Cet optimisme émerge dans la population, d’autant que de nouveaux outils sont développés : les Civic Tech.

Le procédé numérique qui est aujourd’hui le plus utilisé en démocratie participative est celui de la consultation. Il a récemment été mis en avant lors de la « Loi pour une république numérique ». Cet exemple révèle les espoirs et les limites de l’outil numérique. La participation à cette consultation a été massive. Au total 21 330 internautes sont intervenus. Le risque est que ces participations deviennent un « bac à sable citoyen ». Se pose dès lors la question de l’effectivité des consultations citoyennes, c’est-à-dire de la production d’effets réels et tangibles, de la réalité incontestable de la consultation citoyenne.

Les plateformes numériques représentent une triple opportunité pour les consultations citoyennes.

Ils procurent d’abord une légitimité accrue aux décisions publiques faisant l’objet d’une consultation citoyenne. À cela s’ajoute l’expertise plus large que permet le numérique, qu’on peut ainsi espérer qualitativement meilleure. Surtout, l’usage des outils numériques lors des participations citoyennes offre une plus grande adéquation aux principes démocratiques français. Leur utilisation permet de renforcer la participation des citoyens dans la vie démocratique française, revitaliser la démocratie, en ne s’arrêtant pas à des élections ponctuelles.

Les outils traditionnels utilisés en matière de participation citoyenne offrent la possibilité aux individus, citoyens ou non, de participer à la vie politique en pouvant exposer leurs opinions. La participation peut être utilisée comme un simple avis, mais peut également participer à la prise de décision. En cela, ces plateformes créées par le politique deviennent de véritables médias relayant directement la parole politique citoyenne.

En facilitant l’accès aux informations et aux outils de consultation, le numérique peut renforcer la participation des citoyens en ce qu’il permet de diffuser largement les outils de participation et d’informations. En effet, nombreux sont les Français disposant d’un équipement numérique. Une enquête de novembre 2016 recense 87% d’utilisateurs d’internet au sein des 12 ans et plus. Il est de plus à noter que l’équipement des ménages continue à croître à un rythme soutenu. Une étude belge souligne d’ailleurs que « la massification des usages d’internet, induite en grande partie par l’arrivée des outils interactifs et collaboratifs du Web 2.0, a largement permis de démocratiser l’expression publique.

On assiste à un glissement, ou un élargissement, de l’inclusion du numérique dans l’action de l’État et dans la vie politique. La France est ainsi passée d’une démarche informative et administrative à une démarche participative avec la volonté de moderniser les processus de participation citoyenne via l’utilisation de plateformes numériques. L’État inclut de manière croissante les outils numériques et crée en quelques sortes son réseau social citoyen, lieu d’expression dont l’impact est politique.

L’Union européenne n’est pas en reste de cette médiatisation numérique de la parole citoyenne et politique. Pour répondre aux critiques relevant son manque de fonctionnement démocratique, dès 2007, l’Union européenne a commencé à travailler sur la thématique de l’inclusion du numérique dans les consultations citoyennes : « au niveau local en particulier, les citoyens sont de plus en plus en mesure d’avoir leur mot à dire grâce à la consultation en ligne. L’Internet peut fournir la force motrice en s’éloignant de trop lourde la bureaucratie à une approche véritablement citoyenne. (…) Internet est un puissant moyen de permettre aux citoyens et aux groupes intéressés de diffuser des informations et des points de vue, de sensibiliser, d’organiser des actions et de faire pression sur les décideurs ».

La Commission européenne a ainsi ouvert un site internet qui répertorie l’ensemble des consultations, numériques, auquel les citoyens peuvent répondre. Pour élargir le sujet, l’Union européenne laisse une grande place au numérique pour les participations citoyennes, particulièrement pour l’initiative citoyenne. Grâce à cette mesure, un million de citoyens européens résidant dans au moins un quart des États membres de l’Union peuvent inviter la Commission à présenter une proposition d’acte législatif qu’ils jugent nécessaire pour mettre en œuvre les traités de l’Union.

Alors que la technologie citoyenne crée les conditions nécessaires à l’immixtion du citoyen dans la gestion des affaires publiques, son utilisation croissante permet d’apprécier le Civic Tech comme une potentialité à intégrer au processus législatif. La Civic Tech peut être définie comme un ensemble hétérogène d’initiatives numériques visant la participation citoyenne.

Certains proposent également une classification qui dépend de la nature de l’initiateur: institution, société civile, militants ou marché. Par exemple, l’objectif est institutions est, la plupart du temps, de « favoriser un moment du processus démocratique ». Alors, la première étape est d’abord le partage de l’information, notamment par le biais des portails open data, et l’étape d’après consiste en la consultation – allant de la boîte à idées aux systèmes de notation perfectionnés qui permettent l’émergence des préférences collectives, ou encore les panels citoyens. L’initiative des institutions permet de favoriser le débat, à l’instar du système de pétitionnement électronique des assemblées parlementaires allemandes, et de pouvoir aller jusqu’à la codécision – entre autres, les budgets participatifs (notamment ceux de la Ville de Paris). À son opposé, l’analyse de l’initiative dite « individuelle » est davantage caractérisée par l’interpellation des élus. L’application « FixMyStreet» donne la possibilité aux habitants de signaler des problèmes locaux à l’autorité responsable via une carte interactive. La transparence fait aussi partie des objectifs. Le site « Mon-depute.fr » aide à contrôler la présence et l’orientation des votes de son élu. Une autre plateforme, « openspending.org », de voir la gestion des dépenses publiques. Enfin, il s’agit surtout de peser sur l’agenda politique. La loi initiée par l’ancienne Ministre du Travail Myriam El Khomri a ainsi recueilli près de 1,3 million de signatures à son encontre via la plateforme « Change.org ».

D’autres, une typologie par « logiques ». Sera qualifiée « d’accompagnement » la logique qui consiste à contribuer à la rédaction de propositions de lois de parlementaires, comme la plateforme « Parlement & Citoyens » détaillée plus loin. La logique de « contrepouvoir » s’incarne ensuite avec des plateformes comme celle du collectif « Regards Citoyens », proposant de rendre accessible l’information publique sur le fonctionnement des institutions. Enfin, une logique de « hacking » avec « #MaVoix », qui a pour objectif de faire élire à l’Assemblée nationale des citoyens tirés au sort qui, une fois députés, conformeront leurs votes aux décisions majoritaires recueillies sur la plateforme. L’une des erreurs les plus communément admise consiste à se focaliser sur la seule fracture numérique pour expliquer les freins à la participation sur les plateformes en ligne. La fracture est d’abord sociale, et est liée à des problèmes de compréhension, de langue, d’accessibilité. Il ne suffit pas de disposer d’un appareil connecté pour contribuer, encore faut-il être en mesure de comprendre la proposition et se sentir légitime pour donner son avis, voire voter. Internet a timidement fait son entrée dans le domaine politique au début des années 1990 jusqu’à être considéré aujourd’hui comme un outil indispensable en communication politique : « un obligatoire de campagne ». Grâce à son architecture orientée vers l’interaction et l’exposition de soi, Internet aurait crée les conditions favorables pour le dialogue. Pour les plus optimistes, sa structure réticulaire permettrait de faire tomber certaines barrières qui traditionnellement freinent l’engagement politique (notamment spatiales et temporelles), permettant à un public élargi de s’exprimer et, in fine, permettre d’atteindre le Graal : devenir un média étatique favorisant l’engagement politique de tous les citoyens.

Burak Ozyilmaz

« Quelles solutions les chaines de Télévision doivent-elles mettre en place pour s’adapter au mieux à la transformation digitale ? »

La télévision un mass média en difficulté ?

Après la transformation digitale des médias traditionnels comme la musique, la presse et le livre, c’est au tour de la télévision de connaître cette évolution.La télévision est un mass média qui bénéficie de la couverture la plus importante parmi les médias traditionnels et digitaux. Pour exemple, TF1, M6 et France 2 touchent chacun plus de 50 millions des français de 4 ans et +, alors que les médias digitaux tels que Facebook et Google ne touchent qu’environ 40 millions de français. La télévision est un Mass média, qui reste donc le média le plus efficace pour atteindre commercialement le public.

 

Cependant, cette audience se raréfie et vieillit. L’âge moyen de l’audience pour la télévision est en moyenne de 51 ans (pour certaine chaîne Arte et France 3 par exemple la moyenne d’âge atteint les 61 ans). En l’espace de 10 ans la moyenne d’âge du public qui regarde la télévision a vieilli d’environ 5 ans. Derrière ce vieillissement de l’audience ce sont les cibles publicitaires qui posent problème car les annonceurs visent principalement la mère de famille CSP+ qui est le décideur au niveau des achats du foyer se raréfie de plus en plus dans l’audience télé.

 

Le vieillissement de l’audience entraine une chute des investissements publicitaires sur la télévision.  Le marché publicitaire représente environ 31 milliards d’euros en 2016 et les annonceurs investissent de moins en moins dans les médias traditionnels au profit des médias digitaux. L’investissement publicitaire dans la presse a connu une baisse de 6,4 % tout comme la radio et l’affichage qui baissent en 2016.

 

Le marché de la publicité digitale a atteint en 2016, 3,5 milliards d’euros.  Ce résultat est en croissance soutenue depuis 2003. Au contraire la télévision est en stagnation et même en légère baisse. Les investissements publicitaires dans la télévision en 2016 sont en recul et ne représentent plus que 28%. La publicité digitale qui représente 30% des investissements publicitaires est donc maintenant le média le plus utilisé par les annonceurs[1].

 

Ainsi la baisse de cet investissement publicitaire pour la télévision fait perdre une source importante de revenu pour les chaines de télévision en France. Cette perte d’argent a directement des conséquences notamment dans les investissements que chaines de télévision doivent faire dans le cinéma.

Les chaines de télévision constituent une part importante des financements du cinéma en France. Le pourcentage d’investissement des chaines dans le cinéma passe ainsi de 35,5% en 2015 à 25,4% en 2016 ce qui est le taux le plus bas depuis 1994[2].

 

Cette baisse de revenu pour les chaines de télévision s’explique par la diminution des revenus publicitaire comme expliqué ci-dessus mais également en raison de l’apparition de nouveaux acteurs digitaux concurrents très puissant.  Ces derniers, qui n’ont pas d’obligations règlementaires d’investissement, ni de contraintes fiscales, ont ainsi une position avantageuse face aux chaines de télévision.

Ces nouveaux acteurs comme Netflix, Amazon Prime Video ou encore Hulu présentent de réels risques à la fois pour la télévision mais également pour le cinéma en France car le sort de ces deux médias sont liés. Si les investissements publicitaires pour la télévision s’essoufflent, ce seront les investissements pour le cinéma Français qui diminueront.

 

Quelles seraient alors les solutions pour les chaines de Télévision ?

 

Les chaines de TV pour éviter cette fuite des investissements publicitaires au profit d’internet pourraient développer ce qui fait office de nouvelle arme : le programmatique pour la télévision linéaire. Le programmatique permettrait ainsi d’adresser sur chaque téléviseur en temps réel des publicités ciblées et en adéquations avec les personnes visées dans chaque foyer et en fonction des données récupérées sur ces derniers. Cela permettra donc à la télévision qui reste le mass média par excellence d’avoir une publicité ciblée pour chacun de ses auditeurs et non plus une publicité en adéquation supposée avec le programme visionné.

 

De plus, les chaines de télévision peuvent également développer davantage leur transition vers le numérique et le tout digital. Il faudrait qu’elles intensifient et continuent de développer leur stratégie et leur positionnement sur internet. Les chaines devraient donc amplifier la qualité et la quantité des programmes disponibles sur leur plateforme (6play, MyTF1, France.TV). La transition des chaines historiques vers l’internet se fait également dans les autres pays du monde et notamment aux USA. Les networks américains ont développé notamment de nouveaux canaux OTT comme CBS All Access et SHOWTIME par CBS national, HBO GO par HBO et Univision Now par Univision.

On comprend donc que les chaines de télévision elles aussi s’adaptent et favorisent de plus en plus leur contenu à travers le WEB. Les chaines de TV favorisent également les programmes disponibles en VOD (bien que la publicité non-linéaire se monétise trois moins cher qu’en linaire). Leur transition passe peut-être aussi par le lancement de plateforme SVOD (projet notamment soutenu par Delphine Ernotte) regroupant plusieurs chaines françaises entre elles mais également intra-européennes. L’objectif serait d’avoir une puissance d’investissement et de production suffisamment importante pour exister face aux plateformes venues des Etats-Unis telles que Netflix ou encore Amazon prime vidéo.

 

On remarque également que les chaines de télévision développent de plus en plus d’initiatives sur You tube ou sur les réseaux sociaux comme par exemple Golden Moustache avec M6. Les chaines de télévision ont bien compris qu’il était maintenant indispensable d’être présent sur les réseaux sociaux (Arte gère assez bien leur présence notamment sur Facebook et Instagram).

 

Pour lutter également contre le vieillissement de son audience et de la fuite du jeune public vers les acteurs du numérique, les chaines de télévision proposent de plus en plus de contenus en faveur des jeunes comme par exemple la téléréalité comme le fait le groupe TF1. Le groupe France télévision a décidé lui, de faire de France 4 une chaine à destination des jeunes et jeunes adultes. Il faudrait à mon sens, pour lutter contre la fuite de l’audience, miser davantage sur les programmes jeunesses/animations qui sont très consommés et notamment en TVR[3] (télévision de rattrapage) mais également miser sur les programmes de fictions courtes comme les séries et particulièrement les séries feuilleton français[4].

 

Enfin, un autre moyen qui est intéressant pour les chaines de TV est le « shazam for tv ». Cette mise à jour de l’application ne permet pas seulement d’identifier la musique utilisée pendant une émission, mais permet surtout d’avoir du contenu enrichi sur ce programme. Comme par exemple, des anecdotes, des statistiques, le casting, des vidéos inédites ou encore des bons de réductions pour acheter les produits d’une publicité.

On pourrait étendre ce raisonnement également à la publicité en imaginant un système qui permettrait, grâce à l’application shazam, de « shazamer » directement un produit qui passerait à la télévision, permettant ainsi de l’acheter rapidement.

 Quels sont les enjeux futurs pour la télévision ?

Pour terminer, selon une étude Médiamétrie sur l’année TV en 2017[5], les français regardent toujours autant la télévision mais les moyens de consommation de cette dernière changent. Il y aurait ainsi environ 26 millions de français qui regarderaient un programme de télévision sur un autre écran (tablette, smartphone et ordinateur). Selon Médiamétrie, cela représenterait ainsi une augmentation de 3 millions de téléspectateurs supplémentaires. Par conséquent, l’enjeu pour la télévision est de s’adapter aux nouveaux modes de consommation des français.  Mais également de trouver de nouveaux moyens de monnayer cette audience et ainsi réussir à inverser les prévisions pessimistes que les professionnels du secteur lui réservent.

 

Arthur Landault

 

[1] 18ème édition de l’Observatoire de l’e-pub du SRI, réalisé par PwC, en partenariat avec l’UDECAM

[2] Bilan 2016 du CNC

[3]  Le marché de l’animation en 2016 du CNC

[4] Bilan 2016 du CNC

[5] http://www.mediametrie.fr/television/communiques/l-annee-tv-2017.php?id=1819

 

Plateformisation des médias : nouveaux défis pour les éditeurs

Une page se tourne dans l’histoire mouvementée des médias à l’ère numérique. Les médias traversent actuellement une période de changement drastique, symptomatique de la révolution du mobile. En moins de cinq ans, la migration des audiences sur le mobile a renversé le rapport de force entre les éditeurs et les plateformes sociales qui distribuent leurs contenus. Désigné par le terme anglais « distributed content », l’expression française est encore plus parlante : la transformation des médias trouve sa suite dans la « plateformisation » des contenus, phénomène selon lequel le succès d’une marque média dépend de sa capacité à distribuer habilement ses contenus hors de son site, sur une multiplicité de plateformes. Les plateformes dont il est question sont bien connues : il s’agit principalement de réseaux sociaux comme Facebook, Snapchat, Instagram, Twitter ou Periscope, d’applications de curation de contenu comme Apple News ou Flipboard, d’applications de messagerie (Viber ou Wechat par exemple) ou de solutions d’intégration de vidéos. Des médias tels que MinuteBuzz en France ou NowThis aux États-Unis capitalisent sur les nouveaux usages en distribuant 100% de leurs contenus via une trentaine de plateformes fédératrices d’une audience mondiale, sur lesquelles nous passons une partie considérable de notre temps. Chacun de ces nouveaux canaux de distribution met en place des technologies pour conserver cette large audience dans son environnement applicatif, au détriment des sites web des éditeurs de contenus. Un tour de passe-passe qui plonge les médias dans une ère où le site web n’est désormais plus le centre de gravité d’une marque média. Quel impact sur l’industrie de contenus ?

Une audience mouvante rendue captive par les plateformes sociales

L’argument principal des réseaux sociaux tient en deux mots : « user first ». Une expérience de lecture optimisée pour le mobile, un temps de chargement significativement réduit, des formats publicitaires maîtrisés et parfaitement intégrés, telle est la logique invoquée par les plateformes sociales pour justifier la mise en place de leurs outils à destination des éditeurs de contenus. De plus, ce mode de consommation est assez naturel, étant donné que les utilisateurs passent déjà une grande partie de leurs temps sur ces plateformes. L’intégration directe des contenus ne fait qu’uniformiser l’expérience. Aux articles, on préfère désormais des formats vidéo courts, basés sur l’émotion, propices à la consommation sur les réseaux sociaux. Les formats live et les productions originales se multiplient également. Ces formats intégrés au sein même des plateformes pourraient devenir une norme pour les médias : Facebook a mis au point les Instant Articles pour permettre aux éditeurs d’héberger leurs contenus directement sur le réseau social, et leur promettant de distribuer leurs contenus là où l’audience se trouve. Snapchat avec Discover, touchant la cible si convoitée des 15-34 ans, distribue les contenus des médias

sélectionnés au sein de sa plateforme, sous des formats repensés pour le réseau social. Google est également dans la course, en développant AMP (Accelerated Mobile Pages), un format allégé, qui à défaut d’être une plateforme sociale, devient un standard à adopter par les éditeurs pour figurer en bonne position sur les résultats de recherche via Google. On pourrait citer encore beaucoup d’autres exemples illustrant ce phénomène de désintermédiation entre marques médias et utilisateurs. En s’appuyant sur leurs audiences colossales pour convaincre les éditeurs, et en proposant aux mobinautes de consulter des contenus dans les meilleures conditions possibles sans être redirigés sur les sites des médias, les plateformes sociales réussissent progressivement à s’accaparer une partie de l’activité de distribution des contenus, et à rendre captive une audience réputée pour sa volatilité et son insubordination.

La question de la monétisation : vers la dépendance économique des médias ?

Le phénomène de plateformisation a ses conséquences : les éditeurs, privés d’une part importante du trafic sur leur sites web, deviennent rapidement le « maillon faible » dans la chaîne de valeur des médias numériques. En effet, qui dit perte de trafic dit perte de valeur aux yeux des annonceurs, entraînant la fragilisation de leur modèle économique reposant pour la grande majorité sur la publicité.

Et les régies des médias dans tout cela ? Elles sont peu à peu supplantées par celles des réseaux sociaux, qui sans les contraindre, les incitent fortement à passer par elles pour une optimisation et une intégration des formats synonymes de meilleures performances. Cela signifie néanmoins, de leur céder un pourcentage variable des recettes publicitaires. Les médias perdent donc progressivement la main sur leur audience, et sur la valeur économique qui leur est associée. Rappelons que Google et Facebook captent plus de 54% des recettes publicitaires mondiales selon les dernières estimations. La conquête de nouveaux lecteurs passe-t-elle donc nécessairement par la dépendance économique envers ces titans du digital ? Souffrant déjà du phénomène des adblockers, l’industrie des contenus en ligne peut aujourd’hui difficilement se passer de l’exposition que leur offre ces gigantesques canaux de distribution.

L’enjeu de la mesure

Une des difficultés majeures à l’ère de la plateformisation des médias est de récolter, traiter et analyser une quantité de mesures différentes provenant de plateformes différentes aux audiences différentes. Passée la première étape de récupération des données via les API des canaux de distribution, comment les analyser sans mesure commune ? Cette dispersion de la data sur des plateformes ayant souvent des définitions différentes d’un même indicateur implique de considérer la mesure de la performance autrement : moins se concentrer sur un total de vues quand on sait qu’une vue peut être comptabilisée à 3 secondes chez les uns et à 1 seconde chez les autres, et se focaliser davantage sur la couverture totale, l’interaction et le fait de toucher à chaque fois de nouveaux utilisateurs. À cela s’ajoute des rapports de mesure d’audience fournis moins régulièrement que par des instances tierces comme Médiamétrie. MinuteBuzz, le premier média européen à avoir opéré sa transformation en média 100% plateformes sociales et 100% vidéo, a suspendu son abonnement chez Médiamétrie et fonctionne désormais sans leur rapport quotidien. Le média ne raisonne donc plus en visites uniques mais en nombre de vidéos vues et en taux de complétion. Néanmoins, ce manque de standard de mesure sur toutes les plateformes complexifie les modèles d’attribution, et a donc un impact sur la monétisation.

La plateformisation des contenus, un phénomène ne pouvant plus être ignoré

Certes, l’adaptation à cette perte de contrôle sera douloureuse pour les entreprises qui ne repenseront pas rapidement leur business model dans le sens d’une distribution multi- plateformes. Mais comme lors de toute transformation de l’industrie, un temps de latence est nécessaire pour définir clairement les règles du jeu, notamment en termes de mesure, d’attribution et de monétisation. Enfin, toute transition de l’industrie offre des opportunités à saisir. Les médias pourront miser sur les options de ciblage toujours plus fines offertes par leurs hébergeurs pour augmenter leur notoriété, repenser une stratégie de contenu adaptée à chacune des plateformes, et redéfinir le rôle de leur site web, avant d’obtenir des réponses aux nombreuses questions qui se posent. D’ici là, l’Internet ne cessera pas de changer de visage.

 

Mariana Durandard
@Mariana_Drd

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