Les millenials, cible définitivement perdue par les médias télévisuels français?

Alors que les 15-34 ans désertent de plus en plus la télévision, la consommant désormais moins de 2 heures par jour en 2018 (vs. 2h26 en 2017), les médias français ont été obligés de revoir leur stratégie marketing pour s’adapter aux nouveaux modes de consommation des millenials. En ligne de mire: le réseau social chinois Tik Tok. Présent dans 155 pays, avec 625 millions d’utilisateurs mensuels actifs dont 41% de moins de 25 ans, il revendique également 4 millions d’utilisateurs en France qui ont uploadés pas moins de 270 millions de vidéos sur l’année 2018-2019. 

Des débuts difficiles sur le réseau pour les médias traditionnels 

Différent de Snapchat ou Instagram qui sont aussi prisés par les jeunes, le but de Tik Tok est de publier de courtes vidéos (comme Vine l’a fait quelques années auparavant), de playbacks de chansons ou d’extraits de films, avec un montage dynamique. Il est possible de rajouter des effets et des filtres. Le succès de cette application a d’abord commencé en Asie où elle est née, grâce aux reprises des chorégraphies de K-pop. 

Au vu du succès de cette application qui a racheté son concurrent Musical.y en 2017, les grands groupes français ont tenté d’investir Tik Tok pour créer du contenu sur la plateforme. L’enjeu pour ces médias est de reprendre les codes de l’ADN de Tik Tok: un contenu énergique, propice au partage et au buzz sur fond musical. Les chaînes anglo-saxonnes ont été les premières à  utiliser l’application pour faire la promotion de leurs programmes via des challenges. A ce titre, NBC a lancé un challenge de danse pour promouvoir son programme Wolrd of Dance, et a cumulé 110 millions de vues en 24H. En revanche en France, si les médias digitaux comme Konbini ont compris l’éditorialisation des vidéos, les débuts des médias télévisuels français sont timides.

Seul le groupe NRJ en France a repris cette idée en adaptant ses campagnes marketing. Il a par exemple proposé aux utilisateurs de reproduire une chorégraphie du groupe Aome en tagguant NRJ afin de gagner un voyage. A contrario, des chaînes comme TF1 ou M6 ne font pas de contenu original et teasent leurs programmes (The Voice, Koh-lanta, Qui veut être mon associé…) via des vidéos que l’on retrouve sur les autres réseaux. Néanmoins en postant régulièrement, ces médias ont vu leur communauté grimper en un peu plus de 6 mois: +98% our TF1, +98% pour NRJ et + 2052% pour TFX grâce à ses programmes de télé-réalité, regardés majoritairement par les 15-25 ans. 

Des formats publicitaires spéciaux pour faire grandir son audience

Au delà de la création de contenu encore marginale pour les médias français, Tik Tok propose des formats publicitaires qui pourraient attirer ces derniers afin d’agrandir leur communauté et la portée de leurs publications. On trouve le « hashtag challenge », utilisé par NRJ qui est promu pendant 6 jours et permet de créer un effet boule de neige et atteindre des influenceurs avec de nombreux followers, mais également d’autres formats:

Le « in feed », qui va au sein du fil utilisateur, va l’inciter à télécharger une application (par exemple My TF1) ou bien diriger celui-ci vers un profil.  Cela serait alors un « fanbase booster » pour les chaînes, dont la notoriété pourrait être accrue plus facilement. De même, le « splash page », est une vidéo qui peut être lancée au moment de l’ouverture de l’application. Investir dans cers formats pourrait être bénéfique, puisque Tik Tok a annoncé vouloir massifier les campagnes et monétiser les audiences des influenceurs. A noter qu’au dernier trimestre de 2019, le réseau a enregistré 50 millions de dollars de revenus (soit +310% entre 2018 et 2019). 

Arrivée de la plateforme Quibi: opportunité ou menace? 

Un nouvel acteur pourrait donner du fil à retordre aux groupes français : Quibi. Cette plateforme de streaming dédiée au millenials va proposer des contenus originaux de flux et de fictions courts (10 minutes), uniquement sur mobile à partir d’avril 2020 pour un abonnement fixé à 5$ avec publicité. Si elle sera d’abord lancée outre-Atlantique, l’application devrait arriver en France quelques mois après. Avec 1 milliard de dollars levés, les créateurs ont déjà pu compter  entre autres sur Steven Spielberg pour écrire une nouvelle série d’horreur. Aux USA, Quibi a séduit les networks américains comme NBC qui produira du contenu d’information pour la plateforme. En France, l’arrivée de Quibi est à double tranchant: si le succès est au rendez vous, la plateforme pourra contribuer à l’abandon de la télévision linéaire par les jeunes. En revanche, elle peut être une opportunité pour les médias télévisuels d’investir sur un nouveau support en créant un contenu original adapté à l’audience de Quibi. Néanmoins, les groupes TF1, France TV et M6 vont se heurter aux investissements qu’ils ont fait pour Salto… 

En conclusion, les médias télévisuels français semblent ne pas saisir les opportunités qui s’offrent à eux pour capter l’audience des moins de 25 ans. Alors que Tik Tok pourrait être un support de promotion de leurs programmes grâce aux millions d’utilisateurs, la plupart des groupes se contentent de reprendre des vidéos éditées sur leurs autres réseaux sociaux comme Snapchat ou Instagram, ce qui limite l’originalité et le potentiel de partage. L’arrivée de nouveaux acteurs comme Quibi montrent que les investisseurs sont prêts à miser gros pour toucher la cible jeune, mais les médias télévisuels semblent dépassés par les effets de tendances et les nouveaux usages des millenials. 

Emma Dauvin

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