Est-ce la fin des moteurs de recherche tels que nous les connaissons ?

En septembre dernier, nous fêtions les 25 ans du moteur de recherche Google. 25 ans d’hégémonie, illustrée par l’entrée du verbe “googliser” dans le Larousse en 2014 ou par les 90% de parts de marché mondiales dans le Search (Statcounter, 2023). Et aujourd’hui si quelqu’un nous demande ce qu’est un moteur de recherche, nous lui présentons Google. Mais si la célèbre entreprise règne depuis des années sur ce secteur, des évolutions récentes semblent remettre en question le monopole du moteur de recherche en offrant des alternatives innovantes et adaptées aux comportements émergents des utilisateurs.

Si l’on compare les moteurs de recherche entre eux, nulle doute que Google n’a aucun souci à se faire.
Mais si l’on regarde d’un peu plus loin, d’autres acteurs pourraient remettre en question sa posture dominante.

AMAZON : LE MOTEUR DE RECHERCHE INCONTOURNABLE POUR LES PRODUITS

En se positionnant comme le « Google des produits », Amazon a transformé la manière dont nous découvrons et achetons des produits. En utilisant des données comportementales détaillées, la plateforme offre à ses utilisateurs des recommandations de produits personnalisés. Son algorithme analyse non seulement les recherches précédentes et les achats des utilisateurs mais aussi les produits qu’ils consultent et ceux qu’ils laissent dans leur panier. Cela permet à Amazon de créer une expérience d’achat hautement personnalisée et intuitive, souvent plus attrayante que les résultats génériques proposés par les moteurs de recherche traditionnels.

Mais Amazon ne se contente pas de répondre aux requêtes des utilisateurs, l’entreprise anticipe leurs besoins. 70 % des Français commencent leur recherche de produits, toutes catégories confondues, sur Amazon plutôt que sur Google (Remazing & Appinio, 2022). En présentant aux consommateurs des suggestions ultra-ciblées, Amazon fait de la découverte de produits une expérience fluide et intuitive.

À travers cette expérience d’achat entièrement intégrée, de la recherche initiale à la transaction finale, Amazon élève les attentes des consommateurs et redéfinit les nouveaux standards de la recherche en ligne.

TIKTOK : UN MOTEUR DE RECHERCHE NOUVELLE GÉNÉRATION

TikTok est de plus en plus utilisé comme un moteur de recherche, notamment par la Gen Z.
Plus de 2 Américains sur 5 utilisent TikTok comme un moteur de recherche et 1 “Gen Zer” sur 10 préfèrera TikTok à Google pour réaliser ses recherches (Adobe Express, n.d.).

La plateforme s’écarte du modèle traditionnel des moteurs de recherche pour offrir une expérience utilisateur qui fusionne divertissement et information. Avec ses vidéos courtes et captivantes, TikTok répond aux particularités des nouvelles générations, caractérisées par des durées d’attention courtes, une préférence pour l’apprentissage visuel et une certaine défiance envers les résultats traditionnels de Google, souvent perçus comme saturés de contenus sponsorisés ou moins authentiques​​.

TikTok a également su capitaliser sur ses atouts en introduisant de nouvelles fonctionnalités, comme les suggestions de recherche en dessous des vidéos, qui exploitent l’engagement des utilisateurs pour les orienter vers des contenus connexes, enrichissant ainsi l’expérience de recherche​​. De plus, le contenu généré par les utilisateurs (User-Generated Content ou UGC) renforce l’authenticité perçue de la plateforme et crée un sentiment de confiance et de communauté parmi les utilisateurs.

Cependant, la popularité croissante de TikTok comme moteur de recherche soulève également des questions sur la qualité et la véracité des informations partagées. Contrairement aux moteurs de recherche traditionnels, qui se basent sur des algorithmes complexes pour le classement des résultats, TikTok repose sur des recommandations algorithmiques qui mettent en avant des vidéos virales ou tendances, ce qui peut parfois conduire à la diffusion d’informations non vérifiées ou biaisées.

LES IA GÉNÉRATIVES : UN NOUVEAU TERRAIN DE JEU POUR LES MOTEURS DE RECHERCHE

Lorsque les Intelligence Artificielles Génératives (IAG) ont fait leur apparition, elles ont redéfinit la notion même de recherche en ligne. Et avec elles, une course à leur intégration a débuté.

Microsoft a rapidement intégré un chatbot d’IAG dans son moteur de recherche Bing, dans le but de prendre un avantage sur Google. Cela a partiellement fonctionné : on a observé un regain d’utilisation de Bing avec plus de 100 millions d’utilisateurs mensuels, mais la part de marché mondiale du moteur de recherche est restée stable à environ 3,4%. Microsoft a donc pris de l’avance en annonçant Bing Chat début 2023. Cependant, Google a rapidement réagi avec Bard, son propre chat basé sur l’IAG.

Si les deux chatbot sont des outils puissants, Bing Chat, qui utilise le modèle de langage GPT-4 d’OpenAI tandis que Bard utilise le modèle de langage PaLM 2 de Google, semble avoir l’avantage en termes de précision, de flexibilité et de disponibilité sur différentes plateformes. Cela ne signifie pas nécessairement que Bing dépassera Google en tant que leader du search, mais cela témoigne d’une concurrence accrue dans l’intégration de l’IAG au sein des moteurs de recherche.

FINALEMENT, QUEL AVENIR POUR LES MOTEURS DE RECHERCHE ?

Si l’on pourrait penser qu’il s’agit de la fin de l’hégémonie de Google, Bing ayant pris de l’avance sur les IAG et les réseaux sociaux constituant des concurrents de taille face aux nouveaux comportements des consommateurs, Google n’a pas dit son dernier mot.
En mai dernier, lors de sa conférence annuelle, Google a présenté une nouvelle version de son moteur de recherche en introduisant la SGE.

Avec la Search Generative Experience (SGE), Google incorpore les capacités de l’intelligence artificielle directement dans son moteur de recherche en proposant un résumé des meilleurs résultats d’une recherche.
C’est une véritable refonte de l’interaction utilisateur qu’entreprend Google, proposant une nouvelle manière de rechercher l’information. Demander à Google « un vélo pour un trajet quotidien de 5 km » n’est plus une simple requête mais une porte ouverte sur une liste personnalisée, avec des descriptions et des avis. L’immense base de données de produits de Google s’érige en rival direct à Amazon, promettant une intégration plus fine entre la recherche et la transaction. Fini le temps des dizaines (voire centaines..) d’onglets, l’ère est à l’efficacité et à la pertinence, un coup porté directement à la nature éparpillée du contenu social.

Si Google n’est pas prêt de quitter sa première place dans le domaine du Search, l’entreprise s’apprête à lancer un raz-de-marée dans le secteur du référencement naturel (SEO). En réduisant potentiellement le besoin des utilisateurs de visiter d’autres sites Web pour s’informer, Google risque de renforcer un potentiel abus de position dominante. Si “SGE” est désormais disponible dans 7 langues et 120 pays, ce n’est toujours pas le cas en Europe. Affaire à suivre…

Laura MARIANI

BIBLIOGRAPHIE

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Search engine market share worldwide | StatCounter Global Stats. (n.d.). StatCounter Global Stats. https://gs.statcounter.com/search-engine-market-share#monthly-200901-202401

Sc. (2020, June 23). Amazon, premier moteur de recherche produit pour trois quarts des Français – Stratégies. Stratégies. https://www.strategies.fr/actualites/marques/4045644W/amazon-premier-moteur-de-recherche-produit-pour-trois-quarts-des-francais.html

Adobe Express. (n.d.). Using TikTok as a search engine | Adobe Express. https://www.adobe.com/express/learn/blog/using-tiktok-as-a-search-engine

Perez, S. (2022, July 12). Google exec suggests Instagram and TikTok are eating into Google’s core products, Search and Maps. TechCrunch. https://techcrunch.com/2022/07/12/google-exec-suggests-instagram-and-tiktok-are-eating-into-googles-core-products-search-and-maps/?tpcc=tcplustwitter

Southern, M. G. (2022, June 17). Could TikTok be a search engine? For many users, it already is. Search Engine Journal. https://www.searchenginejournal.com/could-tiktok-be-a-search-engine-for-many-users-it-already-is/452871/

Comarketing-News. (2019, October 18). Amazon est désormais le premier moteur de recherche des acheteurs. https://comarketing-news.fr/amazon-est-desormais-le-premier-moteur-de-recherche-des-acheteurs/

Remazing. Appinio. (2022). Enquête sur les acheteurs Amazon. https://www.appinio.com/fr/blog/insights/comportements-achats-amazon

Cunningham, A. (2024, January 19). Bing Search shows few, if any, signs of market share increase from AI features. Ars Technica. https://arstechnica.com/ai/2024/01/report-microsofts-ai-infusion-hasnt-helped-bing-take-share-from-google/

Google I/O 2023. (n.d.). https://io.google/2023/intl/fr/

Grattepanche, M. (2023, August 11). Le nouveau moteur de recherche Google utilise l’IA générative. Abondance. https://www.abondance.com/20230511-53215-nouveau-moteur-de-recherche-google-ia-generative.html

Le morcellement des idées politiques dans l’écosystème numérique : l’émergence des plateformes des extrêmes

Janvier 2022, à quelques mois des élections présidentielles françaises : Jean-Luc Mélenchon a trois fois plus de followers que la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen; les ministres du gouvernement actuel se font les conquistadors de Tik Tok; la Primaire populaire a donné rendez-vous à 18h50 un dimanche soir sur ses réseaux sociaux afin d’y annoncer le ou la candidat(e) qu’elle souhaite porter à la présidentielle. En clair, le numérique et les réseaux sociaux sont au centre des préoccupations des politiques et de leurs campagnes respectives.

Cette tendance en entraîne une seconde qui s’illustre par l’émergence de nombreux nouveaux moyens de communication et de propagation d’idées propres à un bord politique, notamment extrême. C’est le cas de Truth Social, un réseau social signé Donald Trump sur lequel l’ancien Président des États-Unis a appelé ses supporters suite à son exclusion de Twitter, Facebook et Youtube. Pour cause : avoir incité les citoyens américains et notamment républicains à la violence lors de la “prise” du Capitole le 6 janvier 2021. C’est aussi le cas du moteur de recherche “Zemmour pour Tous”, par lequel l’équipe de stratégie numérique du candidat d’extrême-droite permet aux votants d’avoir accès à toutes les interventions radiotélévisées de celui-ci à l’aide de mots clés propres à chaque thème. “Les plus recherchés: Immigration, Défense, Écologie”, lit-on sur la page d’accueil.

Page d’accueil du moteur de recherche « Zemmour pour Tous » (capture)

Ces deux cas d’études permettent d’arriver à une conclusion simple : la tendance actuelle est celle de la fragmentation des idées et discours politiques dans l’écosystème numérique. Accaparer les audiences digitales sur un réseau social particulier, accumuler les apparitions médiatiques et numériques, dans l’objectif de fragmenter le discours politique. Cette conclusion est particulièrement contre-intuitive : alors qu’internet et le numérique avaient pour but premier de rendre accessible une mixité d’idées politiques dans la société, on voit aujourd’hui le contraire. Internet, les réseaux sociaux et le numérique servent, ou du moins permettent, davantage à morceler ces idées politiques, à l’image de ce que les médias traditionnels pouvaient déjà faire dans certains cas. Existaient effectivement des journaux royalistes, dreyfusards, anti-dreyfusards, révolutionnaires, socialistes, conservateurs, communistes, républicains, démocrates. Seulement, internet semblait être un moyen raisonnable et innovant pour permettre à ces différentes tendances politiques de se retrouver sous un seul socle, accessible à tous, simultanément. 

Près de 30% de hausse des audiences digitales d’Eric Zemmour

Dans le cadre des élections présidentielles, l’Observatoire politique de la plateforme Favikon enquête depuis plusieurs mois sur les personnalités politiques françaises les plus influentes sur les réseaux sociaux1. Le podium est “équitablement” partagé entre l’extrême-droite, le Président de la République, et l’extrême-gauche. Eric Zemmour, en tête, récolte un score de 90 points sur 100 et une hausse de 29,41% de ses audiences digitales sur les réseaux sociaux. Emmanuel Macron, en deuxième place, bien qu’ayant la plus haute part d’audience, ne voit quasiment pas de hausse de celle-ci (0,52%) ce qui lui vaut la tête du podium. Enfin, Jean-Luc Mélenchon témoigne d’une hausse de près de 5% de ses audiences digitales et d’un score de 86 points sur 100. Dans le top dix de ce classement nous retrouvons par ailleurs trois membres du Rassemblement national et un membre de la France insoumise. Au total, six personnalités politiques d’un bord politique extrême occupent les dix premières places des “influenceurs” de la politique française. 

Classement des personnalités politiques sur les réseaux sociaux – Observatoire politique, 2021 © Favikon (Moojito SAS) (capture)

De l’autre côté de l’Atlantique, l’extrême-droite va encore plus loin en se réfugiant, comme mentionné plus haut, dans ses propres réseaux sociaux, et en se présentant à travers ces derniers comme “garants de la liberté d’expression”2. C’est pour eux la seule manière d’échapper à la censure des réseaux classiques, qui ont banni pour des durées diverses Donald Trump depuis plus d’un an. Il a donc été possible d’observer l’apparition de Parler, Gettr et Gab notamment, bien avant l’arrivée de Truth Social prévue pour février-mars 2022. Ce dernier se lance d’ailleurs dans la chasse aux influenceurs afin de préparer son démarrage dans les semaines qui arrivent3. De nombreuses personnalités notoires sur les réseaux sociaux ont donc été invitées à “réserver leur identifiant” pour le lancement du réseau social. De quoi s’assurer une certaine notoriété auprès des populations plus jeunes et de paraître plus attractif aux yeux des utilisateurs de réseaux sociaux. Et si Truth Social se présente comme un nouveau garant de la liberté d’expression (d’extrême-droite), ses conditions d’utilisation rappellent cependant qu’il est interdit pour les utilisateurs d’”ennuyer … les employés ou agents créateurs de contenu du site4. Une liberté d’expression donc bien limitée par des facteurs plus que subjectifs. 

Pré-Commande de l’application Truth Social, dont le lancement est prévu pour le mois de février 2022 © AFP / Chris DELMAS

La politique dans le numérique a par ailleurs un impact économique et financier démesuré : la société Trump Media, fondée par l’ancien Président et qui sera la maison-mère de Truth Social, a levé en décembre 2021 plus d’un milliard de dollars en “private investment in public equity”, un procédé qui passe par l’augmentation de capital en émettant ordinairement des actions à un prix inférieur au prix du marché. Autant de fonds qui seront investis dans le lancement mentionné précédemment du nouveau réseau social républicain dans les semaines qui suivent. Il serait intéressant d’étudier dans le futur le budget de la campagne numérique mise en place par Samuel Lafont, directeur de la stratégie numérique d’Eric Zemmour, et de comparer les sommes présentées avec celles des candidats des partis non-extrêmes. Assurément, la différence sera remarquable.

L’impact du morcellement des discours politiques à tempérer


Alors que l’on remarque que les partisans des extrêmes politiques sont de plus en plus hostiles aux médias traditionnels et se réfugient premièrement dans les réseaux sociaux et le numérique, l’étape suivante de cette hostilité est de renier dans un second temps les réseaux traditionnels (Facebook, Twitter, Instagram) et de trouver refuge dans des plateformes à tendances extrêmes, tels que Truth Social notamment. L’impact du morcellement des idées politiques dans l’écosystème numérique est cependant à tempérer : les médias traditionnels mais aussi les nouveaux médias du numérique ont toujours naturellement attiré ceux qui adhèrent déjà à leurs propos, selon Thierry Vedel5, chercheur au CNRS et au Centre d’études de la vie politique. Cette hypothèse rassure : peut-être que la création de plateformes créées par des penseurs d’extrême-droite ne sera finalement pas aussi nocive à la diffusion des discours politiques dans l’écosystème numérique général que ce que l’on pourrait le croire.

Valérie Titzin

Sources

La responsabilité juridique de Google dans la gestion des campagnes adwords : éditeur ou hébergeur ?

La question du statut juridique de moteurs de recherche tels que Google a créé beaucoup de polémiques. Google est-il un simple hébergeur ? Google est-il un éditeur ?

En qualifiant juridiquement le moteur de recherche, la responsabilité de Google change radicalement.

En tant qu’hébergeur, la responsabilité de Google est allégée : le moteur de recherche n’est pas responsable des contenus mis en ligne. Cependant en tant qu’éditeur, le moteur de recherche serait responsable des contenus puisqu’il exerce un contrôle sur la mise en ligne.

D’après la loi sur la confiance dans l’économie numérique, le statut d’hébergeur permet d’engager la responsabilité simplement si l’hébergeur a connaissance du caractère illicite des données stockées ou bien si le caractère illicite des données stockées a été porté à sa connaissance. [1]

Cette interrogation sur la responsabilité juridique d’un moteur de recherche a délié les langues, la doctrine s’est déchainée sur cette question. La Cour de Justice de l’Union Européenne a tranché le 23 mars 2010 en disant que le moteur de recherche Google était bien un hébergeur. [2]

De ce régime d’hébergeur dont bénéficie Google découle un nombre important de conséquences notamment sur la question de la gestion des campagnes adwords.

  • La responsabilité de Google dans la gestion des campagnes adwords.

Google bénéficie du régime juridique d’hébergeur, mais qu’en est-il pour la gestion des campagnes awdords ?   Google a-t-il un rôle actif ou passif dans la gestion des campagnes adwords ?

La Cour de justice de l’Union européenne le 23 mars 2010 a précisé certains points quant à au régime éditeur/ hébergeur. Elle énonce en effet qu’un prestataire de service comme Google a une activité qui revêt un aspect « purement technique, automatique et passif »[3] et donc doit bénéficier du régime d’hébergeur. La Jurisprudence s’est inspirée de cette solution dégagée par la Cour de justice de l’Union européenne.

La jurisprudence française va devoir se poser la question suivante : Google joue-il un rôle passif ou outrepasse-il ses simples fonctions techniques de « stockage » d’information publicitaire?

Le système de gestion adwords est un mécanisme automatique, le moteur de recherche n’exerce aucun contrôle dessus, c’est la décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 11 décembre 2013. La Cour a en effet analysé les conditions de vente et la politique adwords, elle en conclut que Google n’était pas intervenu dans la sélection des mots clés et n’avait pas rédigé l’annonce.[4]

La Cour d’appel le 9 avril 2014 précise que Google  « n’intervient, par son offre AdWords, que comme un prestataire intermédiaire dont l’activité est purement technique, automatique et passive, impliquant l’absence de connaissance ou de contrôle des données qu’il stocke ».[5]

Google est donc un hébergeur dans la gestion des campagnes adwords. Si Google avait la main sur la gestion des campagnes adwords la décision aurait été différente et le régime juridique retenu aurait été celui de l’éditeur.

  • La gestion des campagnes adwords et l’usage de la marque d’autrui

Malgré cette affirmation par de nombreuses décisions de justice sur la responsabilité de Google dans la gestion des adwords, une autre question est soulevée fréquemment et pose problème : Google est-il responsable de la gestion des adwords quant à l’usage de la marque d’autrui ? Concrètement, une société peut-elle utiliser comme mot clé pour se référencer la marque d’un concurrent ?

La jurisprudence a du trancher si oui ou non Google était complice d’actes de contrefaçon et de publicité trompeuse en autorisant un tel référencement. Finalement cette problématique repose toujours sur l’éternelle question du régime hébergeur/éditeur.

Le 13 juillet 2010, la chambre commerciale a rendu trois arrêts dans le même sens. La responsabilité d’éditeur avait été écartée à chaque fois. [6]

Un arrêt de la chambre commerciale du 29 janvier 2013 s’inscrit dans la lignée des décisions rendues auparavant. En l’espèce, une société spécialisée dans le matériel Hi fi dénommée Cobrason a intenté une action en justice contre une société qui utilisait le mot Cobrason comme mot clé pour se référencer dans les liens commerciaux de Google. La question posée était donc de savoir si Google était responsable pour avoir autorisé un tel référencement. La chambre commerciale a énoncé que la gestion des campagnes adwords était un mécanisme automatique et que Google en tant qu’hébergeur n’était pas responsable.

En revanche, du côté de l’annonceur les solutions ne sont pas forcément toutes les mêmes. En effet, dans l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne rendu le 23 mars 2010, celle-ci a déclaré que les juridictions nationales devaient au cas par cas estimer si il y a bien contrefaçon, concurrence déloyale ou même publicité trompeuse. Les juges du fond se sont saisis de cette opportunité et à plusieurs reprises ont cherché à voir si les annonceurs avaient bien commis une contrefaçon ou étaient coupables de publicité trompeuse.

A titre d’exemple, le TGI de Nanterre a rendu une décision le 6 septembre 2012 et a donné des indices pour estimer si les annonceurs étaient coupables de contrefaçon ou de publicité trompeuse : les juridictions nationales doivent examiner si l’internaute moyennement attentif peut établir un lien entre le site de l’annonceur et le titulaire de la marque en question.

Ces différences de régime entre annonceurs et moteurs de recherche s’expliquent par le caractère passif/actif que chacun d’entre eux exerce. L’annonceur a l’intention en associant les mots clés, il a un rôle actif. Le moteur de recherche tel que Google n’a pas de rôle actif dans le référencement. 

  • Une problématique semblable : Google suggest.

Dans le même esprit, une autre problématique tenant au caractère passif ou actif de Google avait secoué la doctrine. C’était le cas du fameux Google suggest. Le moteur de recherche a intégré à sa barre de recherche des propositions de recherches qui s’affichent en fonction de la recherche de l’internaute.

En 2010, la société Lyonnaise de garantie intente une action contre Google car elle constate que lorsqu’est tapé sur la barre de recherche « lyonnaise de g » des propositions déplaisantes s’affichent pour la société telles que« Lyonnaise de garantie escroc ».

Le 14 décembre 2011, la Cour d’appel de Paris condamne le moteur de recherche puisqu’il dirigeait la publication. Google saisit la Cour de cassation qui penche du côte du géant de l’internet et prononce une décision qui va dans le même sens que celles rendues à propos de la gestion des campagnes adwords : «  la fonctionnalité aboutissant au rapprochement critiqué est le fruit d’un processus purement automatique dans son fonctionnement et aléatoire dans ses résultats ». [7] 

Pour le moment l’avenir du moteur de recherche semble assuré mais la doctrine étant fluctuante, Google n’est pas à l’abri d’un revirement de jurisprudence.

 

                                                                                                              Angélique de La Tullaye

[1] http://www.lettredesreseaux.com/P-748-454-A1-la-responsabilite-de-google-dans-la-gestion-de-son-service-adwords-soumise-a-examen-ca-paris,-9-avril-2014,-rg-n-13-05025.html

[2](CJUE, 23 mars 2010 affaire C-236/08).

[3] (CJUE, 23 mars 2010 affaire C-236/08).

[4] http://www.haas-avocats.com/actualite-juridique/le-statut-dhebergeur-reaffirme-pour-google-adwords/

[5] http://www.lexplicite.fr/feuilleton-google-qualite-dhebergeur-confirmee-cour-dappel-paris/

[6] https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_commerciale_574/arrets_rendus_17008.html

[7] https://www.legalis.net/actualite/cassation-google-nest-pas-responsable-des-suggestions-litigieuses/

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