Le numérique face à l’authenticité artistique dans le spectacle vivant : philosophie et éthique de la digital performance

En février dernier, à l’aune du sommet du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle qui s’est tenu en France ce mois-ci, le président de la Sacem, Patrick Sigwalt, et la présidente de l’Adami, Anne Bouvier, appelaient les artistes à signer une tribune sur les dangers de l’IA dans le domaine de la musique. L’avènement de l’IA à l’ère du numérique suscite manifestement un grand nombre d’inquiétudes, de défiance et de précaution dans les différentes branches du secteur culturel. Qu’en est-il du spectacle vivant, un domaine historiquement marqué par l’évolution des technologies ? En effet, machinerie, éclairage, son : voilà quelques innovations qui ont transformé l’expérience du spectacle vivant à travers les époques, jusqu’à la possibilité aujourd’hui de figer une performance, pourtant par essence unique, en permettant sa captation et un nombre infini de reproductions. 

Le numérique trouve donc aujourd’hui sa place lors de chacune des étapes de la création et de la diffusion d’un spectacle. Il peut en outre s’intégrer d’une telle façon qu’il vient modifier les repères et les codes habituels des arts de la scène. C’est notamment le cas dans les digital performance, qui sont une forme hybride permettant la cohabitation du vivant et du numérique. Dans l’ouvrage pionnier Digital Performance: A History of New Media in Theater, Dance, Performance Art, and Installation, Steve Dixon et Barry Smith soulignent que « le terme […] comprend toutes les œuvres des arts de la scène où les technologies informatiques jouent un rôle clé en ce qui concerne le contenu, la technique, l’esthétique ou le résultat final ». En 2020, la troupe catalane de théâtre La Fura dels Baus s’inscrit comme actrice de ce mouvement en proposant une représentation de Macbeth en vidéoconférence. Elle explore depuis cette hybridité nouvelle qu’elle définit en ces mots : « Le Théâtre Digital fait référence à un langage binaire qui relie l’organique et le non organique, le matériel et le virtuel, l’acteur en chair et en os et l’avatar, le spectateur présent et l’internaute, la scène physique et le cyberespace ».

Une proposition prometteuse mais qui néanmoins interroge : peut-on toujours parler de spectacle vivant lorsque de tels dispositifs numériques sont utilisés ? Jusqu’où la digital performance peut-elle repousser les frontières du spectacle vivant sans en altérer son essence et son authenticité ?

Une méfiance compréhensible vis-à-vis d’une « numérisation » des arts de la scène

En effet, le spectacle vivant puise ses origines dans l’Antiquité, et a, en plus de 2000 ans d’existence, évolué de multiples façons. Les innovations technologiques ont, de façon naturelle, participé à ces évolutions et intégré la scène. Mais, jusqu’à maintenant, comme l’explique l’historienne du théâtre Clarisse Bardiot, spécialiste des humanités numériques, une inchangée fondamentale dans l’essence du spectacle vivant réside dans la coprésence physique entre l’artiste et le public. C’est cela qui, pour beaucoup, définit l’aspect « vivant » dans le terme « spectacle vivant ».

Les technologies numériques, si elles prenaient la place des artistes sur la scène, participeraient donc à première vue à une dénaturation du spectacle vivant. Les détracteurs de l’utilisation du numérique cherchent à alerter sur ce sujet, et sur leur peur de la disparition progressive des artistes. En effet, depuis les années 2000, quelques dramaturges se sont essayés à introduire des robots sur scène, voire même à des représentations sans acteur. Oriza Hirata propose en 2012 sa pièce Les Trois Sœurs (version androïde) où des robots montent sur scène, en jouant leur propre rôle, face à des comédiens qui jouent les personnages humains. Au contraire, la compagnie new-yorkaise Amorphic Robot Works proposait en 2000 un spectacle joué entièrement par des robots. Plus récemment, le groupe ABBA réalisait une tournée de concerts en hologrammes.

A l’échelle mondiale donc, le numérique prend une place de plus en plus importante, qui remet en question la définition de spectacle vivant. Qui plus est, dans une situation économique précaire, les évolutions numériques permettent de remplacer certains postes : des chanteurs se produisent seuls sur scène en diffusant la musique à travers des enceintes (comme le fait Eddy de Pretto par exemple), des voix off peuvent également remplacer des personnages pour de courtes répliques, comme c’était le cas dans le seul en scène Ici / Là-Bas de Christine Gandois.

Ainsi, les technologies numériques soulèvent des questions éthiques car elles permettent déjà de remplacer la présence d’artistes sur scène. De plus, l’IA commence également – de façon encore exploratoire – à s’immiscer dans les processus d’écriture de dialogues et d’intrigues, ce qui suscite d’autres questionnements philosophiques, en particulier sur la définition d’une œuvre d’art.

Une création artistique nouvelle, qui intègre ces innovations numériques

Cependant, le développement des technologies numériques a permis l’émergence de nouveaux possibles. Que ce soit en termes de décors (qui peuvent être créés grâce à des jeux de lumière élaborés), de sonorisation, ou encore de mise en scène, les digital performance offrent des propositions artistiques inédites aux spectateurs, souvent interdisciplinaires, où se mêlent théâtre, cinéma et musique.

Au théâtre, l’arrivée des écrans sur scène permet un dédoublement de l’image qui, loin de concurrencer le jeu des comédiens, appuie le propos des metteurs en scène. En 2023, les chercheuses canadiennes Josette Féral et Julie-Michèle Morin consacrent un ouvrage à l’utilisation de la vidéo sur scène. Elles interviewent pour cela 21 metteurs en scène qui utilisent ces technologies de façon centrale, parmi lesquels certains des dramaturges contemporains les plus primés : Roméo Castellucci, Ivo Van Hove, Milo Rau, Christiane Jatahy ou encore Jacques Delcuvellerie. Le théâtre interactif a également été révolutionné par ces technologies, et par les applications mobiles notamment.

Des innovations qui peuvent aussi apparaître comme des solutions dans une situation économique précaire

L’usage du numérique a parallèlement l’ambition d’offrir au spectacle vivant de nouvelles perspectives dans un contexte économique contraint. En effet, la maladie des coûts, théorisée par William Baumol et William Bowen en 1966, frappe de plein fouet ce secteur, où l’évolution des gains de productivité ne permet pas d’augmenter les salaires au même rythme que l’économie extérieure.

Les tentatives de hausse des prix des représentations ont rarement su couvrir les impacts de ce phénomène, puisqu’elles se sont heurtées à une limite ayant conduit à la réduction des marges “wage gap”. Les dons et les subventions publiques sont alors essentiels à la survie du spectacle vivant, mais restent parfois insuffisants dans un secteur dont les coûts sont imprévisibles, et rendent les structures dépendantes à la gestion du budget de l’État. Qui plus est, la demande globale concernant le spectacle vivant reste faible par rapport aux autres secteurs, le public régulier est peu diversifié en termes d’âge et de catégorie socio-professionnelle, et les petites structures concentrent moins de 5% des recettes globales. De plus, on constate un désengagement progressif des jeunes publics (15 à 24 ans) au profit d’autres pratiques culturelles et numériques. Or, l’utilisation des technologies digitales sur scène est susceptible d’attirer un public plus jeune, qui pourrait être sensible à des représentations au caractère plus interactif et immersif, permettant un véritable renouveau d’une pratique parfois considérée comme relativement traditionnelle et réservée à une élite déjà initiée. D’ailleurs, de nombreuses œuvres que l’on peut rapprocher du mouvement des digital performances connaissent un succès critique et commercial, c’est le cas par exemple de Rwanda 94, mise en scène du Groupov, Entre Chiens et Loups de Christiane Jatahy, ou encore Grace, le récent spectacle de danse de Benjamin Millepied.

Enfin, l’avènement d’outils scéniques digitaux pourraient notamment diminuer le coût alloué à la construction, au stockage et au transport des décors, permettant d’augmenter le wage gap et de profiter à l’économie des structures. Cela démontre ainsi une possibilité d’innovation conduisant à générer des gains de productivité.

Ainsi, la digital performance pourrait permettre aux structures de contourner la maladie des coûts et de diversifier et élargir leur public en apportant un renouveau technique et artistique, mais soulève encore de nombreuses questions éthiques. On pourrait craindre une disparition progressive du lien entre public et artiste, pourtant caractéristique du spectacle vivant, ainsi qu’une précarisation des artistes et techniciens qui peinent déjà à bénéficier d’une stabilité professionnelle et économique. Le risque d’agrandir le fossé économique entre les petites et grandes structures, qui auraient davantage de facilité à investir dans des outils numériques, pose également question.  L’objectif d’hybridation et non de substitution pourrait être une piste privilégiée, mais est-il réellement possible de contrôler cet équilibre à long-terme si la standardisation du numérique devient prépondérante ?

GONNOT Anna, KORCHANE Angéla et ROUET Héloïse.

L’IA, la nouvelle arme pour capturer notre attention

Dans le monde tumultueux du numérique, une vérité demeure inchangée : notre attention est une ressource précieuse, convoitée par les géants de la technologie. 

Aujourd’hui, nous nous interrogeons sur le rôle croissant de l’intelligence artificielle (IA) et de l’analyse prédictive dans l’économie de l’attention, un concept dont l’importance a été cyniquement résumée par Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1, lorsqu’il déclarait en 2004 que la chaîne vendait du « temps de cerveau humain disponible » à des annonceurs comme Coca-Cola. Cette remarque, qui a suscité une polémique en France, résonne avec une pertinence accrue à l’ère du numérique.

Qu’est-ce que l’économie de l’attention ? 

L’économie de l’attention, concept qui a émergé dans les années 90, décrit un monde où l’abondance d’informations dépasse notre capacité à les absorber. Dans cet univers saturé, capter l’attention devient un enjeu majeur. Les entreprises, en exploitant nos tendances à la distraction, s’efforcent de nous maintenir collés à nos écrans pour maximiser l’exposition publicitaire. 

Chaque jour, nous sommes submergés par 720 000 heures de nouvelles vidéos sur YouTube5 milliards de snaps, et 500 millions de stories. Cela se traduit par une capacité réduite à se concentrer, avec une attention moyenne tombant à peine à 9 secondes par sujet. Les entreprises doivent donc se battre pour gagner un peu plus d’attention de chacun.

Quel lien avec l’analyse prédictive et l’IA ? 

L’analyse prédictive, utilisant des techniques comme l’apprentissage automatique, la modélisation statistique, et l’exploration de données, anticipe nos comportements futurs. Elle est employée massivement dans le marketing, notamment à travers le scoring pour prioriser les clients, les modèles d’identification pour acquérir de nouveaux prospects, et la segmentation automatisée pour personnaliser les campagnes publicitaires.

L’IA, en particulier le Machine Learning, est au cœur de cette révolution. Elle permet de créer des modèles sophistiqués capables d’identifier des schémas complexes dans de vastes ensembles de données. Ces modèles, qu’ils soient supervisés ou non supervisés, sont utilisés pour anticiper les tendances et les comportements, offrant aux entreprises un avantage compétitif notable.

À l’ère du numérique, nous assistons donc à une redéfinition de l’économie de l’attention, propulsée par l’IA et l’analyse prédictive. Les entreprises ne se contentent plus de vendre des produits ; elles vendent notre attention, en exploitant nos interactions sur le web. Mais à quel prix pour notre liberté et notre capacité à choisir ?

Comment l’IA et l’analyse prédictive transforment-elles l’économie de l’attention, et quelles sont les implications éthiques, sociales et personnelles de cette nouvelle ère de l’hyper-attention ?

L’Impact de l’IA et de l’Analyse Prédictive sur l’Économie de l’Attention

Une recherche montre que, dans le monde actuel saturé de contenus, les marques réalisent 90% de leurs interactions avec leurs parties prenantes à partir de seulement 5% de leurs contenus. Cela suggère que la majorité des contenus produits suscitent peu ou pas d’engagement. Avec la montée de l’IA générative, les organisations ont le choix entre produire une quantité croissante de contenus de faible qualité ou opter pour une stratégie axée sur la production de contenus de haute qualité. Cette seconde stratégie, qui inclut le ciblage des publics, la pertinence et la créativité des contenus, et l’interactivité, semble être la plus viable. 

L’intelligence artificielle (IA) et l’analyse prédictive transforment radicalement l’économie de l’attention, en particulier dans le domaine du marketing. Ces technologies permettent une approche plus qualitative et personnalisée du contenu, ce qui est crucial dans un monde où une grande partie du contenu produit suscite peu ou pas d’engagement. 

Génération de contenu et analyse de données : L’IA est utilisée pour créer du contenu personnalisé et analyser des données complexes, transformant ces informations en rapports faciles à comprendre et en visualisations captivantes. Selon l’étude de HubSpot, 48 % des entreprises utilisent l’IA générative dans divers aspects de leur stratégie marketing, améliorant ainsi la prise de décision et la création de rapports de performance.

Prédiction du comportement des clients : Grâce à ses immenses bases de données, l’IA identifie des modèles dans les interactions et préférences des consommateurs pour prédire leur comportement. Des outils comme Predict AI by Neuronsutilisent des données de suivi oculaire et de réponse cérébrale pour comprendre comment les clients réagissent aux publicités et à la marque.

Amélioration du processus créatif : L’IA aide les équipes marketing à analyser de grandes quantités de données pour guider le processus créatif. Par exemple, Persado a analysé trois ans de données d’un client de détail pour identifier les concepts et messages les plus puissants, influençant ainsi l’ensemble du processus créatif.

Les Questions Éthiques : Vie Privée et Manipulation

L’utilisation de l’IA et de l’analyse prédictive dans le marketing soulève des inquiétudes éthiques, notamment autour de la vie privée et de la manipulation des comportements. 

L’article de Forbes souligne que le marketing nécessite un équilibre délicat entre l’engagement de technologies prédictives intelligentes, comme l’IA, et le respect des normes éthiques qui construisent la confiance entre les marques et les clients.

Dans cette perspective, la technologie prédictive peut avoir des implications éthiques profondes, en particulier lorsqu’elle est utilisée pour découvrir des vérités non volontaires sur les individus à partir de données existantes. Un article de la Harvard Business Review intitulé « Quand la technologie prédictive devient-elle contraire à l’éthique ? » par Eric Siegel, soulève des questions importantes sur les implications éthiques de la technologie prédictive. Il se concentre sur le dilemme éthique qui se pose lorsque les algorithmes peuvent prédire des informations sensibles sur vous (comme votre orientation sexuelle ou si vous souhaitez quitter votre emploi). Ces prédictions ne sont pas basées sur la manipulation, la fuite ou le vol de données. Au contraire, elles sont générées à partir de nouvelles données – la découverte indirecte de vérités non volontaires sur les individus. L’article soulève la question de savoir s’il y a un inconvénient lorsque les modèles prédictifs fonctionnent trop bien. Nous savons qu’il y a un coût lorsque les modèles prédisent de manière incorrecte, mais y a-t-il aussi un coût lorsqu’ils prédisent correctement ? Il est important de rester vigilant lorsque l’apprentissage automatique sert à renforcer une pratique contraire à l’éthique existante, et également lorsqu’il génère des données qui doivent être manipulées avec soin.

De plus, un article de Forbes, de août 2023, explore comment l’IA transforme la façon dont les entreprises interagissent avec leurs clients, influençant les décisions d’achat et le comportement des consommateurs.

Il souligne que la montée de l’IA et la demande d’hyper-personnalisation des services est une épée à double tranchant. L’IA permet aux entreprises de créer des liens plus forts avec leurs clients grâce à des expériences sur mesure qui répondent aux besoins et aux préférences individuelles, des suggestions de produits personnalisées au service client individualisé. Pourtant, alors que ces services « pratiques » permis par l’IA deviennent la norme, les entreprises devraient-elles toujours chercher à dépasser les attentes des clients ?

Conclusion 

Pour clore, un petit conseil de Sabine Duflo : adoptons la méthode des « 4 pas » pour échapper à l’aspirateur de l’attention que sont nos écrans. Tout simplement : pas d’écrans le matin, ni aux repas, avant de dormir ou dans la chambre. C’est comme un régime, mais pour nos yeux !

L’intégration de l’IA et de l’analyse prédictive dans l’économie de l’attention suggère un futur où la qualité du contenu prime sur la quantité. Néanmoins, cette évolution nécessite une réflexion éthique approfondie, centrée sur la protection de la vie privée et la prévention de la manipulation des consommateurs.

Enfin, un petit mot de Rémi Godeau sur le livre de Bruno Patino, Submersion (2023) : « Désormais, nous explique Bruno Patino, la submersion paralyse et le choix peut devenir une suffocation : « Une concurrence inattendue se présente : l’économie du choix. » ».

Jeanne BOUVARD


Sources 

Anizon, E. Milot, O. et Zarachowicz, W. (2020). “On me transforme en marchand de cerveaux” : quand Patrick Le Lay tentait de se défendre. Télérama. (https://www.telerama.fr/television/nous-vendons-du-temps-de-cerveau-humain-disponible-quand-patrick-le-lay-tentait-de-se-defendre,n6618251.php)

Bouissiere, Y. (2024). YouTube™ : statistiques complètes & chiffres clés 2024. Proinfluent.com (https://www.proinfluent.com/youtube-chiffres-cles/)

Dubourg, B. (2022). L’économie de l’attention. Rédaction financière. (https://www.redactionfinanciere.com/l/leconomie-de-lattention/)

Godeau, R. (2024). Economie du choix, intelligence artificielle et médias : le grand carambolage. LinkedIn. (https://www.linkedin.com/pulse/economie-du-choix-intelligence-artificielle-et-médias-rémi-godeau-rv5ge/?originalSubdomain=fr)

Hironde, J-B. (2023). AI’s Impact On The Future Of Consumer Behavior And Expectations. Forbes. (https://www.forbes.com/sites/forbestechcouncil/2023/08/31/ais-impact-on-the-future-of-consumer-behavior-and-expectations/?sh=fee61e47f6db)

Hutchinson, E. (2022). The Role Of Ethics In The Evolving World Of Marketing AI. Forbes. (https://www.forbes.com/sites/forbescommunicationscouncil/2022/08/17/the-role-of-ethics-in-the-evolving-world-of-marketing-ai/?sh=4bc830fc2e97)

Leuenberger, M. (2023). Statistiques Instagram : 10 chiffres pour améliorer sa stratégie social media en 2024. Shopify. (https://www.shopify.com/fr/blog/statistiques-instagram)

Sansonetti, J. (2024). Chiffres Snapchat 2023 : Statistiques, utilisateurs du réseau social et prévisions. WiziShop. (https://www.wizishop.fr/blog/chiffres-snapchat)

Shahid, K. (2023). 11 Artificial Intelligence Examples from Real Brands in 2023. Hubspot Blog. (https://blog.hubspot.com/marketing/11-artificial-intelligence-examples-from-real-brands-in-2024)

Siegel, E. (2020). When Does Predictive Technology Become Unethical?. Harvard Business Review. (https://hbr.org/2020/10/when-does-predictive-technology-become-unethical)

(2023). Comment l’IA transforme le marketing en entreprise. Archimag. (https://www.archimag.com/demat-cloud/2023/10/30/hubspot-enquete-intelligence-artificielle-ia-marketing-entreprises)

Marketing truth or marketing hype? Beckon digs into the latest buzzwords and trends to reveal what’s working and what’s not. Beckon. (https://s39940.pcdn.co/wp-content/uploads/2018/12/Marketing-Truth-or-Marketing-Hype-Beckon-Report.pdf)

Le modèle FAST : nouvel essor de la télévision linéaire ?

The Roku Channel, un des principaux service proposant un accès à des chaînes FAST

Une overdose d’abonnements pour des consommateurs en perfusion de contenus audiovisuels

Depuis une petite dizaine d’années, les plateformes de vidéo à la demande ont su imposer certaines de leurs productions comme des faits culturels et d’actualité de premier plan. En effet, plusieurs fois par mois, une série ou un film soutenu par un important battage publicitaire se hisse au rang de phénomène de société. Par exemple, rares sont ceux qui ont pu éviter The Mandalorian et son baby Yoda (Disney), Squid Game ou Don’t Look Up (Netflix) et en 2021. Pour visionner ces contenus, il est nécessaire de souscrire à un abonnement auprès du service de streaming sur lequel ils sont disponibles en exclusivité.

Un spectateur souhaitant suivre les contenus au cœur de l’actualité doit donc souscrire à une multitude de services de vidéo à la demande. À ces dépenses mensuelles s’ajoutent le prix d’abonnements mensuels à d’autres services de contenus (services de musique en streaming, presse, contenus sportifs, jeux en ligne…), mais également ceux des services d’accès à internet, de stockage de données, d’accès aux fonctionnalités premium de certains services, etc. Le cabinet de conseil West Monroe Partners a mené une étude auprès de 2500 personnes en 2021, afin d’étudier le rapport des américains aux services par abonnement. En moyenne, la population interrogée estimait dépenser 62$ par mois, alors que la dépense moyenne s’élevait à 273$ par mois, soit presque 4,5 fois ce montant. Outre le fait que les consommateurs sont donc de manière générale très peu conscients de l’ampleur de leurs dépenses dans des services par abonnement mensuel, l’étude nous apprend également que les consommateurs sont plus ou moins conscients des postes de dépense selon le domaine qu’ils concernent. En particulier, les dépenses pour des abonnements à des services de contenus audiovisuels (20$ par mois en moyenne) sont ceux dont les consommateurs sont le plus conscients. La souscription un un service par abonnement mensuel présente l’avantage d’être facile et rapide, de représenter individuellement des montants relativement faibles pour le consommateur, tout en donnant accès à des catalogues colossaux.

Pour ces raisons, les abonnements à des services ont tendance à s’accumuler discrètement chez les consommateurs, jusqu’à représenter des sommes colossales sur le long terme. Aussi, et alors que la concurrence entre les service de vidéo à la demande est féroce et que les plateformes sont forcées à rehausser leurs tarifs (Netflix annonce une hausse de ses tarifs aux États-Unis et au Canada et prévoit de le faire prochainement dans d’autres régions du monde), il apparait complexe pour les plus petits acteurs proposant des contenus audiovisuels de se frayer un chemin jusqu’au portefeuille des consommateurs. Le modèle des FAST (pour Free ad-supported streaming TV) pourrait représenter une alternative viable pour les distributeurs de contenus.

Les FAST, une alternative aux services de vidéo à la demande par abonnement

FAST désigne un service de télévision en direct, financé par la publicité. Les chaînes FAST sont le plus souvent diffusées via l’OTT. Ces nouvelles formes de télévision linéaire sont souvent constituées à partir d’importants catalogues thématiques, qu’il s’agira d’organiser sous forme le listes de lectures. Ainsi, sur les principaux services proposant un accès à des chaînes FAST dont les plus populaires sont Plex TV, Samsung TV Plus, The Roku Channel, Peacock ou Pluto TV, il est possible de trouver des chaînes exclusivement consacrées au jazz, à South Park, aux cours de peinture du peintre Bob Ross, ou encore à la National Football League. En septembre 2021, Variety intelligence platform analysis répertoriait 1037 chaînes FAST disponibles sur l’ensemble des services disponibles. Ce nombre important peut s’expliquer par les coûts relativement faibles nécessaire à la programmation de contenus sur une chaîne FAST.

La grande variété de contenus ainsi proposée gratuitement au consommateur ont rapidement permis aux services proposant un accès aux FAST de connaître des audiences cumulées très importantes et par la même, un très grand nombre d’impressions publicitaires. Les chaînes FAST fonctionnent généralement sur le modèle suivant : des coupures publicitaires régulières de 2/3 minutes (parfois jusqu’à 4 ou 5 fois par heure) ; avec l’avantage pour les annonceurs de proposer des contenus publicitaires personnalisables, avec la possibilité de suivre et d’analyser leur effet, tout en permettant à l’avenir d’apporter de l’interaction et de lier ces publicités à des contenus hébergés sur internet.

Le modèle FAST : une mine d’or éphémère ou un modèle durable pour les distributeurs de contenus ?

Sans surprise, de nombreux acteurs traditionnels de la télévision linéaire américaine tels que les chaînes d’informations locales ou nationales se sont engouffrés parmi les chaînes FAST, cherchant à profiter à leur tour d’une partie des revenus générés par la publicité.

Selon le site spécialisé dans l’économie numérique, Google intègrera prochainement son propre service d’accès à des chaînes FAST à la Chromecast et potentiellement à d’autres appareils Android, ce qui drainera assurément de nouveaux utilisateurs vers ce nouveau modèle de consommation de contenus audiovisuels.

D’après une étude du Variety intelligence platform analysis, la compétition entre les plateformes proposant un accès aux chaînes FAST profitera aux quelques plateformes parvenant à agréger les contenus les plus populaires ; alors que les plus petites plateformes déclineront jusqu’à disparaître. Nous pourrons alors observer une compétition similaire à celles observable sur entre les plateformes de vidéo à la demande par abonnement, où les contenus en premier lieu et plus marginalement l’expérience utilisateur, sont eu cœur d’une compétition féroce, qui devrait faire la part belle aux catalogues de contenus, en dépoussiérant et nous faisant redécouvrir certains d’entre eux.

Sources :

Bridge, G. (2021, 27 septembre). Page not found. Variety. https://variety.com/vip/what-the-boom-in-fast-channels-and-services-means-1235071546/

CNC. (2021, 17 décembre). Observatoire de la vidéo à la demande | CNC. https://www.cnc.fr/documents/36995/1389917/Observatoire+de+la+vidéo+à+la+demande+2021.pdf/c5e1c2e3-00e8-4d0c-30ee-29838bc87254?t=1639731844494. https://www.cnc.fr/professionnels/etudes-et-rapports/etudes-prospectives/observatoire-de-la-video-a-la-demande_1594544

Glum, J. (2020, 12 février). Is paying for disney+ worth it just to see baby yoda ? Here’s what finance experts say about subscription overload. Money. https://money.com/monthly-subscription-costs-tips/

Harrison, B. (2021, 17 novembre). The Evolution of Free Ad-Supported TV (FAST). Streaming Media Magazine. https://www.streamingmedia.com/Articles/ReadArticle.aspx?ArticleID=150126

Kline, D. B. (2020, 20 février). Subscription Overload : Are You Paying for Too Many Streaming Services? The Motley Fool. https://www.fool.com/investing/2020/02/20/subscription-overload-paying-too-many-streaming.aspx

Peterson, T. (2021, 4 juin). Subscription-based streamers outstrip ad-supported services’ share of watch time. Digiday. https://digiday.com/future-of-tv/subscription-based-streamers-outstrip-ad-supported-services-share-of-watch-time/

Roettgers, J. (2021, 17 septembre). Google’s latest plans for Chromecast are all about free TV. Protocol €” The People, Power and Politics of Tech. https://www.protocol.com/chromecast-google-tv-fast-channels

West Monroe. (2021). The State of Subscription Services Spending. https://www.westmonroe.com/perspectives/report/the-state-of-subscription-services-spending

Zilko, C. (2022, 14 janvier). Your Netflix subscription price in north America is about to go up. IndieWire. https://www.indiewire.com/2022/01/netflix-price-raised-us-canada-1234690736/

La menace de l’économie digitale : comprendre et appréhender la fraude publicitaire

Dans le nouvel univers digital qui se dessine au sein de nos smartphone, ordinateurs et autres tablettes, une place importante est consacrée à la publicité. En effet, face à cet horizon infini d’espace libre et à la quantité vertigineuse d’aficionados du web, les annonceurs ont vite compris qu’ils pourraient tirer leur épingle du jeu. Mais ils ne sont pas les seuls déterminés à profiter de cette ruée vers l’or. Explication.

Le marché numérique de la publicité permet aux annonceurs et aux éditeurs d’échanger des espaces publicitaires et de l’audience Les acheteurs de médias négocient et achètent des espaces dont l’audience est ciblée, afin de véhiculer leur message marketing auprès de potentiels clients.

L’une des multiples technologies sur laquelle s’appuie la publicité en ligne est l’achat programmatique d’espace publicitaire, une vente aux enchères en ligne et en temps réel. Le terme programmatique recouvre un large éventail de mécanismes qui automatisent l’achat, le placement et l’optimisation de la publicité afin d’augmenter la rentabilité des campagnes publicitaires. L’achat programmatique d’espace est censé garantir à l’acheteur que les impressions de ses campagnes publicitaires seront vues par le bon utilisateur, qui pourra alors potentiellement acheter le produit par la suite.

Pourtant, sur ce marché intrinsèquement global, la fraude publicitaire inquiète de plus en plus les annonceurs, et éditeurs. Qui est-elle, et comment s’infiltre-t-elle dans le système ?
Depuis cette année, la fraude publicitaire est la deuxième activité illégale la plus lucrative au monde après la vente de stupéfiants. Une activité publicitaire frauduleuse consiste à tromper les annonceurs en leur vendant différents types de « faux lots » d’espaces, qui s’avéreront etre complètement inutiles au bon développement de leur campagne marketing.  Les annonceurs sont tenus de payer pour une exposition qui n’a jamais eu lieu ou, si elle l’a fait, elle n’a pas réussi à atteindre le public visé : dans les faits, les annonceurs perdent de l’argent en payant pour des publicités fantômes. De nombreux et différents types de fraude sont recensés à ce jour, trois sont identifiées comme étant les plus répandues.

La fraude d’impression est la pratique frauduleuse par laquelle une campagne publicitaire est artificiellement générée, sans avoir la moindre chance d’etre vue par un humain, et pourtant comptabilisée et indument facturée à l’annonceur.

La fraude par clic survient lorsqu’une personne non-humaine, un script automatisé ou un programme informatique, imite le comportement d’un utilisateur, en cliquant sur des annonces de manière systématique, sans avoir de réel interets donc pour la marque payant la campagne.

La fraude de conversion n’est qu’une variante de la fraude par clic, plus difficile à déceler cependant car le volume de clic ne dépasse jamais la normale. Ainsi, les fraudeurs attirent moins l’attention sur le trafic qu’ils génèrent, ils gagnent donc du temps sur leurs victimes.

A l’origine de ces arnaques, plusieurs facteurs continuent de contribuer à la persistance de ce problème: d’abord, la nature ouverte du marché publicitaire programmatique permet à n’import quel annonceur ou éditeur d’acheter ou de vendre. La barrière à l’entrée de ce marché est faible, ce qui rend le concept certes démocratique mais donc facilement pollué, utilisé à mauvais escient par les fraudeurs. De plus,  les montant des investissements ne cessant d’augmenter, la complexité des moyens de paiement rend difficile le suivi des sommes investies. En outre, les chaînes d’intermédiation s’étendent un peu plus tous les jours car les fournisseurs de services techniques se multiplient. Ainsi, la distance entre les éditeurs et les fournisseurs de contenu ne cesse de croître. Alors, à cause de la taille du marché, de la complexité des structures, des obsessions de résultat de la part des annonceurs et de l’absence de frontières: la fraude publicitaire est devenue une fraude globale à grande échelle.

De toute évidence, la fraude publicitaire menace le monde de la publicité numérique dans son ensemble. Elle se produit à l’échelle mondiale, mêlant différents types d’espace publicitaires à différentes audiences,  différents fraudeurs à différents types de régulateurs opérant dans différents pays.  Elle existe sur un large éventail de sites web, de Facebook à Pornhub. C’est un vrai défi d’estimer le montant des pertes et de retracer la route de ces millions de dollars perdus. Cependant, il est essentiel que nous soyons conscients de cette fraude digitale. Plus nous le serons, plus les vraies annonces seront lucratives pour leur annonceurs légitimes, et moins fort sera l’impact de la fraude publicitaire sur l’économie.
Cette réflexion nous invite à nous demander comment lutter efficacement contre la fraude publicitaire. Les « ad blocking » nous seront-ils profitables ?

 

Noémie Bécache.

 

 

 

 

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