La responsabilité juridique de Google dans la gestion des campagnes adwords : éditeur ou hébergeur ?

La question du statut juridique de moteurs de recherche tels que Google a créé beaucoup de polémiques. Google est-il un simple hébergeur ? Google est-il un éditeur ?

En qualifiant juridiquement le moteur de recherche, la responsabilité de Google change radicalement.

En tant qu’hébergeur, la responsabilité de Google est allégée : le moteur de recherche n’est pas responsable des contenus mis en ligne. Cependant en tant qu’éditeur, le moteur de recherche serait responsable des contenus puisqu’il exerce un contrôle sur la mise en ligne.

D’après la loi sur la confiance dans l’économie numérique, le statut d’hébergeur permet d’engager la responsabilité simplement si l’hébergeur a connaissance du caractère illicite des données stockées ou bien si le caractère illicite des données stockées a été porté à sa connaissance. [1]

Cette interrogation sur la responsabilité juridique d’un moteur de recherche a délié les langues, la doctrine s’est déchainée sur cette question. La Cour de Justice de l’Union Européenne a tranché le 23 mars 2010 en disant que le moteur de recherche Google était bien un hébergeur. [2]

De ce régime d’hébergeur dont bénéficie Google découle un nombre important de conséquences notamment sur la question de la gestion des campagnes adwords.

  • La responsabilité de Google dans la gestion des campagnes adwords.

Google bénéficie du régime juridique d’hébergeur, mais qu’en est-il pour la gestion des campagnes awdords ?   Google a-t-il un rôle actif ou passif dans la gestion des campagnes adwords ?

La Cour de justice de l’Union européenne le 23 mars 2010 a précisé certains points quant à au régime éditeur/ hébergeur. Elle énonce en effet qu’un prestataire de service comme Google a une activité qui revêt un aspect « purement technique, automatique et passif »[3] et donc doit bénéficier du régime d’hébergeur. La Jurisprudence s’est inspirée de cette solution dégagée par la Cour de justice de l’Union européenne.

La jurisprudence française va devoir se poser la question suivante : Google joue-il un rôle passif ou outrepasse-il ses simples fonctions techniques de « stockage » d’information publicitaire?

Le système de gestion adwords est un mécanisme automatique, le moteur de recherche n’exerce aucun contrôle dessus, c’est la décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 11 décembre 2013. La Cour a en effet analysé les conditions de vente et la politique adwords, elle en conclut que Google n’était pas intervenu dans la sélection des mots clés et n’avait pas rédigé l’annonce.[4]

La Cour d’appel le 9 avril 2014 précise que Google  « n’intervient, par son offre AdWords, que comme un prestataire intermédiaire dont l’activité est purement technique, automatique et passive, impliquant l’absence de connaissance ou de contrôle des données qu’il stocke ».[5]

Google est donc un hébergeur dans la gestion des campagnes adwords. Si Google avait la main sur la gestion des campagnes adwords la décision aurait été différente et le régime juridique retenu aurait été celui de l’éditeur.

  • La gestion des campagnes adwords et l’usage de la marque d’autrui

Malgré cette affirmation par de nombreuses décisions de justice sur la responsabilité de Google dans la gestion des adwords, une autre question est soulevée fréquemment et pose problème : Google est-il responsable de la gestion des adwords quant à l’usage de la marque d’autrui ? Concrètement, une société peut-elle utiliser comme mot clé pour se référencer la marque d’un concurrent ?

La jurisprudence a du trancher si oui ou non Google était complice d’actes de contrefaçon et de publicité trompeuse en autorisant un tel référencement. Finalement cette problématique repose toujours sur l’éternelle question du régime hébergeur/éditeur.

Le 13 juillet 2010, la chambre commerciale a rendu trois arrêts dans le même sens. La responsabilité d’éditeur avait été écartée à chaque fois. [6]

Un arrêt de la chambre commerciale du 29 janvier 2013 s’inscrit dans la lignée des décisions rendues auparavant. En l’espèce, une société spécialisée dans le matériel Hi fi dénommée Cobrason a intenté une action en justice contre une société qui utilisait le mot Cobrason comme mot clé pour se référencer dans les liens commerciaux de Google. La question posée était donc de savoir si Google était responsable pour avoir autorisé un tel référencement. La chambre commerciale a énoncé que la gestion des campagnes adwords était un mécanisme automatique et que Google en tant qu’hébergeur n’était pas responsable.

En revanche, du côté de l’annonceur les solutions ne sont pas forcément toutes les mêmes. En effet, dans l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne rendu le 23 mars 2010, celle-ci a déclaré que les juridictions nationales devaient au cas par cas estimer si il y a bien contrefaçon, concurrence déloyale ou même publicité trompeuse. Les juges du fond se sont saisis de cette opportunité et à plusieurs reprises ont cherché à voir si les annonceurs avaient bien commis une contrefaçon ou étaient coupables de publicité trompeuse.

A titre d’exemple, le TGI de Nanterre a rendu une décision le 6 septembre 2012 et a donné des indices pour estimer si les annonceurs étaient coupables de contrefaçon ou de publicité trompeuse : les juridictions nationales doivent examiner si l’internaute moyennement attentif peut établir un lien entre le site de l’annonceur et le titulaire de la marque en question.

Ces différences de régime entre annonceurs et moteurs de recherche s’expliquent par le caractère passif/actif que chacun d’entre eux exerce. L’annonceur a l’intention en associant les mots clés, il a un rôle actif. Le moteur de recherche tel que Google n’a pas de rôle actif dans le référencement. 

  • Une problématique semblable : Google suggest.

Dans le même esprit, une autre problématique tenant au caractère passif ou actif de Google avait secoué la doctrine. C’était le cas du fameux Google suggest. Le moteur de recherche a intégré à sa barre de recherche des propositions de recherches qui s’affichent en fonction de la recherche de l’internaute.

En 2010, la société Lyonnaise de garantie intente une action contre Google car elle constate que lorsqu’est tapé sur la barre de recherche « lyonnaise de g » des propositions déplaisantes s’affichent pour la société telles que« Lyonnaise de garantie escroc ».

Le 14 décembre 2011, la Cour d’appel de Paris condamne le moteur de recherche puisqu’il dirigeait la publication. Google saisit la Cour de cassation qui penche du côte du géant de l’internet et prononce une décision qui va dans le même sens que celles rendues à propos de la gestion des campagnes adwords : «  la fonctionnalité aboutissant au rapprochement critiqué est le fruit d’un processus purement automatique dans son fonctionnement et aléatoire dans ses résultats ». [7] 

Pour le moment l’avenir du moteur de recherche semble assuré mais la doctrine étant fluctuante, Google n’est pas à l’abri d’un revirement de jurisprudence.

 

                                                                                                              Angélique de La Tullaye

[1] http://www.lettredesreseaux.com/P-748-454-A1-la-responsabilite-de-google-dans-la-gestion-de-son-service-adwords-soumise-a-examen-ca-paris,-9-avril-2014,-rg-n-13-05025.html

[2](CJUE, 23 mars 2010 affaire C-236/08).

[3] (CJUE, 23 mars 2010 affaire C-236/08).

[4] http://www.haas-avocats.com/actualite-juridique/le-statut-dhebergeur-reaffirme-pour-google-adwords/

[5] http://www.lexplicite.fr/feuilleton-google-qualite-dhebergeur-confirmee-cour-dappel-paris/

[6] https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_commerciale_574/arrets_rendus_17008.html

[7] https://www.legalis.net/actualite/cassation-google-nest-pas-responsable-des-suggestions-litigieuses/

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