L’impact de ChatGPT sur le travail de scénaristes

Difficile d’être passé à côté ces dernières semaines : ChatGPT s’est invitée dans toutes les conversations. Ce robot conversationnel, lancé en novembre dernier, fascine autant qu’il inquiète. A tel point que Sciences Po vient d’en interdire l’usage à ses étudiants, invoquant des risques de fraude et de plagiat. Outre cela, ChatGPT menace en effet d’impacter un grand nombre de métiers.

Longtemps, les métiers artistiques se sont crus protégés des innovations technologiques : qu’en sera-t-il avec cet algorithme de génération d’éléments langagiers ? Ce nouvel outil va-t-il rendre obsolète les métiers de l’écriture ? Les Vince Gilligan, Mike White et Fanny Herrero de demain s’appelleront-ils ChatGPT, Dramatron ou Sudowrite ? À en croire un article publié sur LinkedIn par Pauline Rocafull, Directrice de la Cité Européenne des Scénaristes, des mots clefs et quelques secondes suffiraient à ChatGPT pour écrire un scénario.

Des mots clefs et quelques secondes suffisent à ChatGPT pour écrire un scénario


Une révolution qui rendrait donc caduque le travail de scénariste, particulièrement plébiscité à l’heure du binge-watching. L’heure n’est pourtant plus à la Peak TV, cet âge d’or de la télévision marqué par un grand nombre de productions de grande qualité : en témoignent les annulations de séries en série. Celles-ci sont de plus en plus fragiles face aux contraintes financières des diffuseurs. Dans ce contexte de fort ralentissement de la croissance, chaînes et plateformes devraient réduire leur volume de production pour diminuer les coûts et ainsi contribuer à une meilleure rentabilité. Avec le développement de l’intelligence artificielle, les postes de dépense liés à l’écriture pour la production de contenus pourraient-ils être réduits, grâce à ces outils à même de contourner le travail des auteurs ?

Les séries sont de plus en plus fragiles face aux contraintes financières des diffuseurs


Mais qu’est-ce exactement que ChatGPT ? L’intéressé se présente comme un modèle de langage capable de répondre à tout type de questions, développé par OpenAI, une startup américaine spécialisée dans la recherche en IA. Il s’agit d’un modèle de deep learning, capable de générer des séquences de mots ressemblant à du texte produit par des humains, ayant été entraîné sur un grand corpus de données textuelles – tout l’Internet. Traduction, rédaction de contenu, synthétisation : le champ d’applications est considérable. En d’autres termes, un nouvel outil révolutionnaire qui évoque la disruption dans de nombreux secteurs, dont celui de l’entertainment qui nous intéresse ici.

Ces dernières semaines, les exemples d’histoires conçues par des IA fleurissent sur les réseaux sociaux. Il suffit ainsi de demander à ChatGPT un scénario de film qui pourrait plaire à Télérama, et le chatbot de dévoiler en quelques secondes un scénario fictif, dont on peut s’amuser à penser qu’il prétende en effet aux fameux 4T du magazine. Les résultats fournis par ChatGPT sont aussi édifiants qu’ils prêtent ici à sourire. Le logiciel a depuis été utilisé par des millions de curieux dans le monde, qui l’alimentent de nouvelles données dans le même temps.

Les Vince Gilligan, Mike White et Fanny Herrero de demain s’appelleront-ils ChatGPT, Dramatron ou Sudowrite ?


Les exemples d’utilisation d’IA dans le processus d’écriture cinématographique se multiplient. À l’image du showrunner français Simon Bouisson, créateur de séries acclamées comme Stalk (Francetv). Dans le cadre de la résidence de la Villa Albertine en Californie, qui fait se croiser cinéma et nouvelles technologies, il a rencontré des ingénieurs de la Silicon Valley, qui l’ont conduit à écrire le scénario de son prochain film avec une intelligence artificielle, en l’occurrence ChatGPT. Dans une interview au webmagazine L’ADN, il déclare avoir gardé environ 30% des propositions soumises par ChatGPT, aux différentes étapes de son processus. Concrètement, il sollicitait ChatGPT, qui en retour lui proposait des pistes auxquelles il n’aurait pas forcément pensé : « comme une dérive situationniste, la machine va à chaque fois m’emmener vers quelque chose de complètement inattendu. En fait, c’est comme quand je travaille avec mes coscénaristes. Comme je ne suis pas dans le cerveau de l’autre, il y en a toujours un qui arrive à une suggestion surprenante ». L’équivalent des writer’s rooms, ces salles d’écriture où se réunissent les scénaristes pour écrire les séries. Chez OpenAI, il existe même des paramètres permettant aux auteurs d’influer sur le degré d’inventivité et d’imprévisibilité des suggestions de ChatGPT, dont a bénéficié Simon Bouisson.



C’est donc principalement dans la génération d’idées que sert aujourd’hui ChatGPT, se plaçant davantage comme un outil de complément qu’un substitut aux scénaristes, comme l’affirme Mina Lee, ingénieure PhD à Stanford : « la machine ne va pas écrire à votre place mais elle va vous pousser à le faire ». C’est pourquoi les scientifiques travaillent sur de nombreux modèles de langage basés sur l’IA, attirant l’intérêt des géants du numérique. Par exemple, DeepMind, filiale d’Alphabet, maison-mère de Google, a créé Dramatron, un outil de coécriture capable de générer des descriptions de personnages, intrigues et dialogues. Microsoft, de son côté, s’est récemment engagé à investir 10 milliards de dollars supplémentaires dans OpenAI, d’après Bloomberg.

Mais pour comprendre l’impact de cette forme d’IA sur les pratiques d’écriture, il faut décomposer l’art de l’écriture en deux aspects : les compétences en écriture et l’intention communicative. Or si les modèles sont déjà capables de créer leur propre style, il leur manque encore indéniablement l’intention communicative, cruciale chez les humains, surtout pour des tâches créatives comme l’écriture de scénario. Le data scientist Yves Bergquist résume cela : « pour l’heure, le problème de ChatGPT, c’est la régurgitation de mots. Ce sont des mathématiques, de la prédiction. On est bluffé par le résultat, mais c’est l’humain, au fond, qui parle derrière la machine ». Autrement dit, le problème sera toujours le même : la machine ne comprend pas ce qu’elle régurgite. Des propos appuyés par le créateur de Siri, Luc Julia, pour qui le deep learning ne pourra jamais imiter le cerveau : l’humain a une capacité d’improvisation et d’abstraction que la machine n’aura jamais.

Il manque encore aux modèles de langage l’intention communicative, cruciale chez les humains


Mais au fait, qu’en pense le principal intéressé, ChatGPT ? Selon lui, les modèles de langage « peuvent aider les scénaristes à économiser du temps et de l’énergie en générant rapidement des idées, et les aider à explorer des pistes qu’ils n’auraient pas forcément considérées ». Ils peuvent ainsi aider les scénaristes mais ne les remplacent pas, puisque ceux-ci restent les créateurs et que les décisions créatives relèvent toujours de leur responsabilité. ChatGPT ferait-il de la langue de bois ? En creusant un peu, il ajoute : « La création de scénario nécessite une certaine dose de créativité et de compréhension de l’histoire et de la structure narrative. Les modèles de langage continueront probablement à s’améliorer et devenir de plus en plus avancés dans la génération de contenu, mais ils ne peuvent pas encore remplacer la créativité humaine et l’expérience professionnelle des scénaristes ». Ici, un mot interpelle, “encore” : les modèles actuels ne peuvent pas encore remplacer les scénaristes professionnels. Mais alors, quid dans un futur proche ? Peut-on envisager des scénarios entièrement écrits par des intelligences artificielles à terme ? Selon des chercheurs de l’Institut Jean-Nicod dans une tribune du Monde, il est tout à fait possible que ChatGPT dépasse un jour les humains en matière de compétences génératives, puisque ses modèles d’IA utilisent des milliards de textes pour produire des textes similaires au corpus sur lequel ils ont été formés.

Il est tout à fait possible que ChatGPT dépasse un jour les humains en matière de compétences génératives


La qualité des scénarios générés dépend de la qualité des données ingurgitées par la machine, qui ne lui permet pas encore de rédiger des scénarios de qualité professionnelle en autonomie. ChatGPT ne s’est encore entraîné que sur des textes libres de droit, donc pas sur l’intégralité des meilleures œuvres cinématographiques. Mais qu’en sera-t-il si tous les studios détenteurs de scripts décident de fournir aux IA leurs propriétés pour les alimenter et les entraîner ? Peut-on envisager un nouveau segment pour les distributeurs de propriété intellectuelle, qui consisterait à ouvrir leur catalogue et vendre leurs scripts aux éditeurs de modèles de langage ? Si tel est le cas, combien faudra-t-il de temps avant que les IA ne produisent des scripts du niveau des meilleures œuvres de l’humanité ? Récemment, c’est le média américain Buzzfeed qui a déclaré vouloir utiliser ChatGPT pour rédiger ses articles : résultat, une hausse de 150% de son action en bourse. Hollywood franchira-t-il un jour le pas ? Affaire à suivre…

Néanmoins, le mantra d’OpenAI est de protéger l’humanité d’une éventuelle IA mettant en danger sa survie et son progrès : pour ce faire, la firme compte bientôt rendre payant ChatGPT, limitant ainsi son usage à des sphères plus avisées. Son évolution devra donc être surveillée pour ne pas précariser le travail des scénaristes, et assurer leur pérennité. Quoi qu’il en soit, plus le temps passera, et plus les scénarios que nous verrons sur écran seront susceptibles d’avoir été conçus par des IA. Et même, comment être sûr que cet article que vous lisez n’a pas lui aussi été écrit par ChatGPT ?

Thomas Corver

Sources :

Chat GPT Proves that AI Could Be a Major Threat to Hollywood Creatives – and Not Just Below the Line, Yahoo Entertainment (décembre 2022)

The ChatGPT bot is causing panic now – but it’ll soon be as mundane a tool as Excel, The Guardian (janvier 2023)

https://www.theguardian.com/commentisfree/2023/jan/07/chatgpt-bot-excel-ai-chatbot-tech

Deep Fake Neighbour Wars: ITV’s comedy shows how AI can transform popular culture, The Conversation (janvier 2023)

https://theconversation.com/deep-fake-neighbour-wars-itvs-comedy-shows-how-ai-can-transform-popular-culture-198569

AI Panned My Screenplay. Can It Crack Hollywood?, Bloomberg (août 2022)

https://www.bloomberg.com/opinion/articles/2022-08-16/will-artificial-intelligence-ever-crack-the-code-for-hollywood-blockbusters

Intelligence artificielle : Sciences Po Paris interdit l’utilisation de ChatGPT à ses étudiants, France Info (janvier 2023)

https://www.francetvinfo.fr/internet/intelligence-artificielle-sciencespo-paris-interdit-l-utilisation-de-chatgpt-a-ses-etudiants_5625743.html

Post LinkedIn Pauline Rocafull (décembre 2022)

Pause séries : la fin de l’âge de la « Peak TV », Le Monde (septembre 2022)

https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/09/16/pause-series-la-fin-de-l-age-de-la-peak-tv_6141927_3246.html

‘Snowpiercer,’ ‘Minx,’ ‘Dangerous Liaisons’ and Other Abrupt Cancellations Signal TV’s Latest ‘Reset Moment’, Variety (janvier 2023)

https://variety.com/2023/tv/news/snowpiercer-minx-cancellations-tv-reset-1235504910/

Growth in content investment will slump in 2023, Ampere Analysis (Janvier 2023)

https://www.ampereanalysis.com/press/release/dl/growth-in-content-investment-will-slump-in-2023

Aux Etats-Unis, la France va créer la Villa Albertine, une nouvelle résidence d’artistes, à l’automne, Le Monde (juillet 2021)

Il écrit son prochain scénario avec une I.A. Et le résultat le fascine, L’ADN (juin 2022)

https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/ia-creativite-ecriture-scenario/

Dramatron, une IA signée DeepMind capable de générer un script de film, BeGeek (décembre 2022)

https://www.begeek.fr/dramatron-une-ia-signee-deepmind-capable-de-generer-un-script-de-film-376526

Microsoft Invests $10 Billion in ChatGPT Maker OpenAI, Bloomberg (janvier 2023)

https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-01-23/microsoft-makes-multibillion-dollar-investment-in-openai#xj4y7vzkg

« Nous proposons l’appellation “quasi-texte” pour les séquences de mots produites par ChatGPT », Le Monde (janvier 2023)

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/30/nous-proposons-l-appellation-quasi-texte-pour-les-sequences-de-mots-produites-par-chatgpt_6159806_3232.html

How Artificial Intelligence Might Change the Way Hollywood Tells Stories, The Wrap (octobre 2018)

BuzzFeed just announced it’s going to use A.I. to start creating content—and the stock market loves it, Fortune (janvier 2023)

https://fortune.com/2023/01/26/buzzfeed-openai-artifcial-intelligence-stock-spac-facebook-meta-instagram/

La start-up OpenAI prévoit une version payante de son robot conversationnel ChatGPT, Le Figaro (janvier 2023)

https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/la-start-up-openai-prevoit-une-version-payante-de-son-robot-conversationnel-chatgpt-20230111

L’avènement de l’Intelligence Artificielle dans les médias est-il une véritable avancée ?

Si l’Intelligence Artificielle est une technologie ancrée dans le débat public depuis maintenant quelques années, il semble désormais que l’avancée faite en la matière dessine un bouleversement des usages de plus en plus important dans de nombreuses industries, y compris les médias. ChatGPT, de l’entreprise Open AI, change en effet la donne sur les suspicions que pouvaient générer les chatbots d’IA du fait de nombreuses démonstrations réalisées, notamment dans les médias. En témoigne l’interview de ChatGPT lui-même dans la matinale de France Inter. Cet outil conversationnel défraye en effet la chronique, plaçant ainsi 2023 sous les auspices de l’IA. D’autant que dans le contexte actuel de crise que traversent les médias, les professionnels du secteur savent qu’il leur est impossible d’ignorer le potentiel innovant des outils d’IA dans la création de contenus. 

L’IA comme moyen de créativité et de renouvellement

Appliquées aux médias, ces nouvelles générations d’IA peuvent apporter de nombreux avantages dans un secteur où l’innovation constitue un levier clé. 

L’IA générative permet aux ordinateurs de créer des phrases mais aussi des images, des vidéos et même des mondes virtuels à partir de quelques mots de texte. Ces processus sont d’ores et déjà utilisés par plusieurs entreprises. C’est notamment le cas d’une start-up américaine, Semafor, qui a créé plusieurs vidéos de témoignages provenant d’Ukraine illustrées par les IA, faute de vraies séquences.

En France, les principaux acteurs de la presse écrite comme Le Monde ou L’Express y ont déjà recours. En effet, dans un contexte de guerre de l’attention, ces derniers investissent de plus en plus le terrain de l’audio et, pour ce faire, utilisent l’IA comme principale alliée. Cette technique, nommée « text-to-speech », propose une lecture automatisée des articles par le biais d’une IA qui transforme automatiquement le texte en audio. Grâce aux progrès effectués en la matière, les voix robotiques laissent de plus en plus la place à des voix de plus en plus performantes allant même parfois jusqu’au clonage de la voix d’un journaliste. 

Parallèlement, l’utilisation de « robots journalistes », permettant d’écrire des articles de qualité et répondant aux codes fondamentaux de l’écriture journalistique, est de plus en plus courante dans les rédactions. A noter que, pour l’heure, cela concerne principalement des sujets répétitifs comme la publication de rapports financiers ou de résultats sportifs. 

Source : Pexels.com

Par ailleurs, outre les grands organismes de presse nationaux et internationaux, les médias locaux commencent également à s’y intéresser de près. Deux principales raisons peuvent pousser les rédactions locales à progressivement adopter l’IA. D’une part, cela leur permettrait d’augmenter le nombre de sujets traités et par extension, le nombre de leurs lecteurs. D’autre part, l’IA pourrait donner la possibilité aux journalistes, peu nombreux dans ces rédactions, d’augmenter leur capacité de production d’articles et d’améliorer la qualité rédactionnelle de ces derniers.

La lutte contre les fake news, qui tendent à proliférer dans les multiples médias, constitue également l’une des capacités de l’IA. De nombreux systèmes d’analyse au service des journalistes et basés sur l’IA comme Neutral News ont vu le jour. Cette plateforme en ligne permet de mesurer la fiabilité d’une information grâce à un algorithme entraîné pour cela.

Un outil marketing puissant 

L’IA au service des médias ne se limite pas à la production de contenus, elle peut également être mise au profit du marketing, domaine important pour la promotion, la distribution mais aussi la fidélisation. En effet, de nouveaux outils d’IA générative promettent de le rendre plus efficace et efficient en produisant des produits marketing de qualité à travers la production de texte, d’images, d’audio ou encore des méthodes d’analyse. Parmi eux, nous retrouvons ChatGPT que le célèbre magazine The New York Times a utilisé pour analyser sa page d’abonnement dans le but de l’optimiser. L’expérience s’est déroulée comme suit. 

Il a suffi de demander à ChatGPT de se mettre dans la peau d’un spécialiste du marketing, de lui imposer un sujet et une langue spécifiques. La question d’ouverture lui a permis de définir son périmètre d’action. Ainsi, en l’analysant, il a alors pointé chaque élément de la page en traduisant l’impact que cela peut avoir sur le lecteur. En cas de nécessité, l’outil répond en émettant des recommandations afin d’améliorer quelques points du texte afin d’inciter à l’abonnement. En outre, ChatGPT a également démontré sa capacité à améliorer la qualité journalistique du texte à partir du texte donné et de consignes très succinctes. Le texte pouvant être modifié par l’IA jusqu’à ce qu’il convienne à l’initiateur de la demande.

Dans ce sens, l’IA peut également être une aide pour accroître l’engagement en personnalisant et en recommandant des contenus à son audience. En témoigne l’algorithme de Netflix qui, grâce à la collecte massive de données sur le comportement des utilisateurs, permet de leur recommander les programmes susceptibles de l’intéresser. 

L’utilisation de ces nouvelles technologies s’inscrit ainsi dans une stratégie d’amélioration de l’expérience utilisateur d’autant que la personnalisation est désormais devenue une attente standard du consommateur. 

Une réduction du temps de production et des coûts considérables

En rendant possible l’automatisation de tâches fastidieuses et chronophages comme la veille, la transcription d’interviews et vidéos ou encore la détection de fake news, l’IA se positionne pour les journalistes comme un outil d’optimisation du temps. En effet, en les déchargeant de ces tâches, les créateurs de contenus peuvent alors davantage se consacrer à la qualité et à la créativité du contenu éditorial tout en développant et en maintenant son audience.  

L’IA devient également un enjeu stratégique majeur du point de vue économique. Que ce soit dans la presse écrite, la télévision ou dans le secteur de l’audio, l’utilisation de l’IA promet de réduire considérablement les coûts engendrés par ces activités. C’est notamment la proposition d’Apple à travers le déploiement de son offre de livres audio. En utilisant une voix de synthèse produite par l’IA au détriment d’acteurs humains, cela permet à l’entreprise à la pomme de, non seulement produire davantage et à un rythme très soutenu, mais aussi de diviser le coût engendré par l’embauche d’acteurs humains. Dans l’univers de la télévision, des chaînes asiatiques grand public comme MBN mettent d’ores et déjà à l’antenne des jumeaux numériques de présentateurs afin de renforcer leur présence à l’antenne tout en réduisant leurs coûts. 

Source : Francebleu.fr – Capture écran MBN

Les dérives à ces pratiques….

Les avantages de ces IA sont donc susceptibles de mener à une multiplication de contenus automatisés ou semi-automatisés. Il s’agit alors de ne pas perdre de vue les nombreuses limites de l’utilisation de ces technologies. 

Tout d’abord, l’IA propose une solution pour détecter les deep fake mais en est également à l’origine. Ces photos ou vidéos truquées, générées par des machines, sont virales sur les réseaux sociaux. Pour preuve, une vidéo montrant Barack Obama prononcer un discours qu’il n’avait jamais tenu avait proliféré sur Internet. Cela peut ainsi contribuer à la création de fake news circulant dans les divers moyens d’information, renforçant le sentiment de défiance vis-à-vis des médias, déjà très présent.

Par ailleurs, le gain de temps engendré par ces technologies menant à cette multiplication d’articles automatisés augmente alors la probabilité de production de fausses informations. 

En outre, le contenu produit par ces intelligences artificielles peut être erroné, voire complètement infondé et dénué de nuances contrairement à un contenu écrit par un journaliste. De réels risques de perte de qualité existent alors au vu de l’évolution du marché, le lecteur ne sachant pas à partir de quoi un article est construit. Il s’agit ainsi pour l’humain et la législation d’être présents en amont et en aval afin de cadrer les applications de l’IA d’autant qu’une crainte d’être remplacés par ces outils émane de plus en plus de la part des journalistes. 

Pouvant néanmoins faire l’objet d’une régulation

L’utilisation de l’intelligence artificielle étant amenée à se multiplier dans les années à venir et au vu des limites énoncées plus haut, sa réglementation devient un enjeu majeur. 

Pour l’heure, les législateurs européens travaillent à l’élaboration d’une réglementation pour les modèles d’IA générative tels que ChatGPT pouvant conduire à davantage de responsabilité et d’éthique de la part des entreprises les fabriquant. En outre, l’Union Européenne prévoit la mise à jour de son règlement, l’AI Act, en intégrant l’obligation pour les entreprises d’expliciter le fonctionnement interne de leurs modèles d’IA. En cas de non-conformité à cette obligation, les entreprises se verront affublées d’une amende pouvant aller jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires annuel total mondial. 

Par ailleurs, cette réglementation peut également émaner des salles de rédaction elles-mêmes en imposant une certaine éthique dans un objectif de transparence et de respect du droit d’auteur.

Source : Unsplash.com

Maria Luciani

Sources :

Nic Newman, “Journalism, media, and technology trends and predictions 2023”, 10 janvier 2023 

https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/journalism-media-and-technology-trends-and-predictions-2023

Marcela Kunova and Jacob Granger, “Predictions for journalism in 2023: AI and tech”, 16 décembre 2022 

https://www.journalism.co.uk/news/predictions-for-journalism-in-2023-ai-and-tech/s2/a991916/

“ChatGPT : le Holy Sh!t Moment”, 15 janvier 2023 

https://www.meta-media.fr/2023/01/15/chatgpt-le-holy-sht-moment.html

“En 2023, les médias expérimenteront davantage l’IA”, Marine Slavitch, 10 janvier 2023 / Mis à jour le 22 janvier 2023

https://larevuedesmedias.ina.fr/predictions-tendances-medias-2023-institut-reuters-intelligence-artificielle-abonnement-inflation-information-podcast-newsletter-climat

“Sept applications concrètes de l’IA dans les médias”, Nicolas Rauline, Elsa Conesa, 19 janvier 2019  

https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/sept-applications-concretes-de-lia-dans-les-medias-712708

“IA et création de contenus : Quand l’intelligence artificielle fait la Une des médias”, 09 novembre 2022

https://labodeledition.parisandco.paris/a-la-une/actualites/ia-et-creation-de-contenus-quand-l-intelligence-artificielle-fait-la-une-des-medias

“L’IA dans les médias, où en sommes-nous aujourd’hui ?”, Claudia Correia Martins, 20 avril 2022

https://explorers.mc2i.fr/articles/lia-dans-les-medias-ou-en-sommes-nous-aujourdhui

“La presse écrite systématise les versions audio de ses articles”, Stéphane Loignon, 09 janvier 2023

https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/la-presse-ecrite-systematise-les-versions-audio-de-ses-articles-1895324

“Here’s what happens when ChatGPT analyses the New York Times’ landing page”, Greg Piechota, 09 janvier 2023

https://www.inma.org/blogs/reader-revenue/post.cfm/here-s-what-happens-when-chatgpt-analyses-the-new-york-times-landing-page

“Calmos avec ChatGPT, il n’est pas si intelligent que ça !”, Marine Protais, 13 décembre 2022

https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/chatgpt-sommes-nous-en-pleine-hallucination-collective/

“The EU wants to regulate your favorite AI tools”, Melissa Heikkilä, 10 janvier 2023

https://www.technologyreview.com/2023/01/10/1066538/the-eu-wants-to-regulate-your-favorite-ai-tools/

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