Sur petits et grands écrans, l’animation française à la conquête du monde : les raisons stratégiques d’une success story tricolore

Le point commun entre les films Super Mario Bros, Ninja Turtles : Teenage Years, Miraculous et Migration ? Ce sont des productions Made in France ET de véritables hits à l’international. Depuis plusieurs décennies, la France est parvenue à développer une véritable expertise dans le secteur de l’animation, attirant l’attention de l’industrie cinématographique mondiale, y compris les géants d’Hollywood et du marché de l’animation japonaise. On parle aujourd’hui « d’âge d’or » de l’animation française, appréciée non seulement pour sa créativité et sa qualité technique, mais aussi pour sa capacité à toucher un public très diversifié. De nos jours, les plus grands studios américains et japonais s’arrachent les talents français, tandis que les sociétés d’animation tricolores sont sollicitées sur des licences d’envergure internationale (entre autres, Star Wars, League Of Legends, Super Mario, Les Tortues Ninja…). Focus sur les atouts stratégiques contribuant à la réussite de cette « exception culturelle française. »

UN SOCLE ÉDUCATIF UNIQUE 

La France dispose d’un terreau particulièrement fertile d’écoles renommées spécialisées dans l’animation ; Les Gobelins, l’ESMA, Rubika, ARTFX et MoPA figurent parmi les meilleures formations d’animation au monde d’après le classement établi par l’Animation Career Review. Ces écoles fournissent aux étudiants toutes les compétences nécessaires pour exceller dans le secteur, elles sont notamment réputées pour leur capacité à enseigner toutes les techniques d’animation, 2D comme 3D, là où les écoles américaines ont par exemple fait le choix de pleinement se focaliser sur la 3D au tournant des années 2000, délaissant les techniques d’animation traditionnelles. À l’inverse, le Japon a longtemps manifesté sa réticence à l’égard de la 3D, accusant aujourd’hui un lourd retard technologique et artistique sur ses pays concurrents. La diversité des techniques et des influences artistiques est au coeur des formations françaises. Elles sont en lien étroit avec l’industrie, car ce sont généralement des professionnels en activité qui enseignent dans ces écoles. La France offre ainsi aux jeunes des formations d’une grande qualité, perpétuellement alimentées par les meilleurs professionnels du secteur. 

Contrairement à ses voisins anglo-saxons, ces formations s’étalent sur plusieurs années et sont généralement peu coûteuses. Face à l’explosion de la demande internationale, ces écoles, autrefois peu connues et relativement « niches », font désormais face à une explosion de leurs effectifs. D’après une étude du CNC, le nombre d’étudiants spécialisés en animation devrait doubler d’ici 2030. Ces écoles sont regroupées au sein du RECA, un réseau d’intérêt général qui vise à « favoriser la lisibilité de l’offre en formation dans le secteur de l’animation » et « faciliter le dialogue entre les écoles et avec les professionnels dans le respect d’une déontologie commune » selon ses fondateurs. Les écoles françaises bénéficient ainsi d’une visibilité internationale, convoitées par les jeunes talents du monde entier. 

UN SOUTIEN INSTITUTIONNEL INDÉFECTIBLE

L’animation en France bénéficie du soutien des institutions culturelles et gouvernementales. Le CNC soutient financièrement la production d’œuvres animées françaises : en 2022, les aides du CNC couvraient 18% des devis en animation. Pour la télévision, 50 programmes français ont été aidés en 2022, soit plus de 1600 épisodes. À noter que France Télévisions demeure depuis plus de 10 ans le premier groupe européen commanditaire de programmes d’animation français. Au cinéma, 13 productions animées d’initiative française ont été aidées par le CNC en 2022, c’est un record. 

Le CNC vise également à instaurer un cadre réglementaire favorable au développement de cette industrie à l’international. Particulièrement depuis plusieurs années, encourager l’animation Made in France est devenu un véritable enjeu pour faire face à la compétitivité accrue des autres pays. Depuis 2016, le crédit d’impôt international (C2I) favorise les collaborations internationales. Les entreprises étrangères sont davantage enclines à travailler avec des studios d’animation français, car en plus de leur précieux savoir-faire, les dispositifs fiscaux mis en place sont très avantageux. En 2022, 52 œuvres d’animation agréées au C2I ont généré près de 190M€ de dépenses en France ; c’est deux fois plus qu’en 2019. Dans le contexte du plan d’investissement national France 2030 et de l’appel à projet La grande fabrique de l’image (sous la supervision du CNC), le soutien envers la filière devrait se consolider. L’objectif est d’abord de soutenir de manière durable les projets portés par des acteurs majeurs comme Illumination MacGuff (Moi Moche et Méchant, les Minions, SuperMario Bros), Xilam (Oggy et les cafards, J’ai perdu mon corps), Blue Spirit (Ma vie de Courgette, Blue Eye Samurai) ou Mikros Images (Bob L’éponge, Pat’Patrouille, Asterix) ; tout en favorisant le développement de studios créatifs en croissance, comme MIAM ! (Edmond et Lucy) et Fortiche (Arcane, Rocket & Groot).  

UNE « FRENCH TOUCH » DÉSIRÉE

La France est reconnue pour son cinéma d’auteur, et cela s’applique également à l’animation. Les créateurs français ont souvent la liberté artistique nécessaire pour développer des projets originaux et innovants, contribuant ainsi à l’émergence de films d’animation uniques. Chez son voisin outre-atlantique, il est d’usage de constituer des pools d’auteurs et de réaliser une multitude d’études de marché afin de déceler le plus précisément possible les attentes du public, dans une logique de rentabilité et de minimisation des risques. En France, le modèle est beaucoup plus léger, la vision de « l’auteur » demeure au coeur des processus de création : d’une certaine façon, chaque œuvre est un prototype. La diversité de techniques utilisées, des influences et des scénarios déployés ont façonné ce style d’animation unique, une « french touch » reconnue mondialement pour son exigence, sa qualité, son design et sa sensibilité. Les oeuvres sont si éclectiques qu’elles parviennent à capter les publics du monde entier : en 2023, nos salles obscures ont accueilli l’ambitieux polar de SF Mars Express, le somptueux conte onirique Sirocco ou encore la comédie haut en couleur Linda veut du poulet ! Ces films, bien que très différents, ont pour facteur commun leur succès, critique comme commercial. 

Leur carrière est boostée par l’international avec souvent la moitié du chiffre d’affaires réalisé à l’étranger, à l’instar du film français Le Petit Prince (2015) qui a enregistré 18 millions d’entrées sur 65 territoires. Pour Marc du Pontavice, PDG des studios Xilam, la réussite de l’exportation française s’explique par la qualité unique de l’animation : « Les Européens et particulièrement les Français ont appris le métier dans un creuset d’influences très variées et ont créé leur propre identité graphique qui du coup s’exporte très bien. Elle est très universelle, moins américano-centrée ou japono-centrée que nos concurrents. » La FRanime s’exporte si bien à l’international que certains auteurs français se retrouvent propulsés aux manettes de superproductions françaises d’initiative étrangères, à l’instar de Benjamin Renner (Ernest et Célestine, Le Grand Méchant Renard), réalisateur sur Migration (Universal, Illumination). 

DES COLLABORATIONS INTERNATIONALES

La France a su établir des collaborations fructueuses avec des studios étrangers, européens, américains et japonais. En 2022, 7 films d’animation sur 10 étaient des coproductions internationales. Les producteurs se tournent vers leurs voisins européens et internationaux pour trouver des fonds et veiller à l’adéquation entre le produit final et les publics internationaux. Selon le CNC, entre 2012 et 2021, le financement international représentait 25% du financement global des films d’animation d’initiative française. Aujourd’hui, le taux approche les 30%. La production d’animation française se veut donc par principe international, avec 80% à 90% de coproductions européennes.

Notons le rôle croissant des plateformes dans la production française. Les quelque 120 studios d’animations français collaborent de plus en plus régulièrement avec les plateformes de streaming : en 2020, Xilam réalisait plus de 50% de son chiffre d’affaires avec Netflix et Disney+.  « Il y a 5 ans, l’essentiel de notre chiffre d’affaires provenait des chaînes françaises et des réseaux de chaînes étrangères » relève Marc du Pontavice. Ces plateformes ont tendance à privilégier l’animation destinée à un public adulte, là où les chaînes de télévision publiques et européennes se focalisent davantage sur l’animation pour enfants. Cependant, l’animation pour adulte progresse partout, chaînes comme plateformes sont conscientes des vastes poches de marché sur ce segment. Les récentes séries Netflix à succès Arcane et Blue Eye Samurai en sont les parfaits exemples. Arcane, produite par le jeune studio français Fortiche, est l’une des séries animées les plus chères de l’histoire, avec un budget avoisinant les 80M$, soit dix fois le budget d’une série d’animation classique. Blue Eye Samurai, produite par Blue Spirit, a été renouvelée par Netflix moins d’une semaine après sa sortie, preuve de son incontestable succès. Ce type de séries, largement saluées par la critique pour la singularité et la beauté de leurs graphismes, a le vent en poupe sur les plateformes.

PERSPECTIVES DE MARCHÉ

Ainsi, la haute qualité d’animation demeure l’avantage concurrentiel principal de la FRanime, c’est un atout stratégique puissant mais fragile, challengé par de multiples enjeux. Pensons notamment aux avancées technologiques majeures que connait ce secteur actuellement, particulièrement sur le terrain de l’intelligence artificielle : Jeffrey Katzenberg, le co-fondateur de DreamWorks, estime que 90 % des artistes pourraient être remplacés par l’IA dans les années à venir. Les besoins en main d’oeuvre pourraient structurellement diminuer, créant davantage de compétition entre les animateurs…

Benjamin Attia

SOURCES

Sébastien Denis, « De Toy Story à J’ai perdu mon corps : III. L’animation industrielle et ses alternatives, NECTART, 17, 84-93

« Le marché de l’animation en 2022 », CNC, 13/06/2023

Jérôme Lachasse, « Pourquoi le cinéma d’animation français est le plus envié au monde », BFM, 16/06/2023

« Cinéma d’animation : les écoles françaises s’imposent à l’international », CNC, 01/09/2022

« Le cinéma d’animation français brille dans les salles obscures du monde entier », Gouvernement, 16/01/2024

Maxime Delcourt, « Le cinéma d’animation, grand fleuron de la France à l’étranger », Slate FR, 21/08/2023

Jérôme Lachasse, « Pourquoi l’animation pour adultes est si difficile à produire », BFM, 17/06/2023

Miotisoa Randrianarisoa & J. Paiano, « 90 % des artistes des studios de films d’animation risqueraient d’être remplacés par l’IA », 11/01/2024. 

Alain Chabat : Un Maître de l’Adaptation dans l’Écosystème Audiovisuel Français

Photo Credit : Pascal Le Segretain/Getty Images Entertainment

Au sein de l’écosystème audiovisuel français, un nom se détache par son talent polyvalent et sa capacité à évoluer avec les tendances médiatiques : Alain Chabat. Né en Algérie et élevé en France métropolitaine, sa passion précoce pour les bandes dessinées, le cinéma et la comédie a pavé la voie d’une carrière remarquable. À l’âge de 22 ans, il fait ses débuts sur les ondes de RMC, une rencontre qui marquera un tournant décisif avec Pierre Lescure. Ensemble, ils tracent le chemin vers Canal+, où Chabat façonne les hilarants sketches des Nuls, en compagnie de Chantal Lauby, Bruno Carette et Dominique Farrugia.

La Cité de la Peur : Une Marque Indélébile

Les Nuls conquièrent le petit écran et se lancent dans l’écriture de leur première œuvre cinématographique : La Cité de la Peur. Cette comédie, devenue une référence incontournable de l’humour français, séduit par son ton décalé, son casting de talent et ses nombreuses références culturelles. Tant et si bien qu’à l’occasion du 25e anniversaire du film, une pétition signée par 37 000 personnes appelle Alain Chabat et Gérard Darmon à réenchanter la scène culte de la Carioca », lors du Festival de Cannes.

La Magie de la Réalisation…

La transition vers la réalisation marque un nouveau sommet dans la carrière d’Alain Chabat. Didier, où il brille dans le rôle-titre, lui vaut un César de la meilleure première œuvre, confirmant son génie comique. Puis, il signe le mémorable Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, élevant la comédie à un niveau inédit, inscrivant le film dans l’histoire cinématographique pour plusieurs générations. Récemment ressorti au cinéma, il cumule aujourd’hui près de 25 millions d’entrées à travers le monde. Chabat y dévoile son aptitude à diriger une production d’envergure, s’affirmant brillamment derrière la caméra.

Acteur, réalisateur… et producteur

En parallèle de ses succès en tant qu’acteur et réalisateur, Alain Chabat se lance dans la production, quelques mois après le triomphe de La Cité de la Peur. La création de sa propre société, Chez Wam, marque un virage majeur dans sa trajectoire professionnelle. En tant que producteur, Chabat soutient les jeunes talents et les projets novateurs, offrant une vitrine aux voix créatives encore méconnues du grand public. Chez Wam se distingue par la diversité des projets et la pluralité des genres, témoignant de l’éclectisme artistique d’Alain Chabat. Parmi la quinzaine de films produits se trouvent aussi bien Prête-moi ta Main, une comédie légère, que Un Monde à Nous, un film plus audacieux et engagé, et même un documentaire et des programmes pour la télévision.

Pas toujours si magique…

Alors que tout ne fut pas toujours une réussite, Chabat a su rebondir après des revers. Le film RRRrrrr!!!!, bien que critiqué par certains médias, a attiré pas moins de 1,7 million de spectateurs, un chiffre qui ferait bien envie aujourd’hui…

Une tentative à l’international

Toujours en quête de nouvelles aventures, Alain Chabat a exploré le marché américain en partageant l’affiche avec Ben Stiller et Amy Adams dans La Nuit au Musée 2, sorti en 2009. Cette incursion internationale souligne sa volonté d’élargir les horizons artistiques et d’enrichir sa palette d’expériences.

Vers de Nouveaux Horizons : L’Animation et Bien Plus Encore

Mais Alain Chabat ne s’arrête pas là. Il prête sa voix à l’emblématique Shrek, ajoutant sa touche d’humour et de profondeur à ce personnage chéri du grand écran. Plus récemment, il incarne René Goscinny dans le film d’animation Le Petit Nicolas : Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?

Toujours présent sur le petit écran, il anime et produit le jeu télévisé comique Burger Quizz, vingt ans après son lancement initial. Toujours en quête de défis, il a initié l’année précédente son propre late-show sur TF1, démontrant ainsi sa parfaite compréhension des médias contemporains.

En s’engageant également sur la plateforme Twitch pour l’événement caritatif Z Event, avec l’émission Questions pour un streamer, Alain Chabat témoigne de sa volonté de se renouveler et de toucher un public toujours plus vaste. 

Dernière actualité : la réalisation de la première série animée Netflix basée sur la célèbre bande dessinée « Astérix ».

À travers cette épopée médiatique, de la radio au streaming, Alain Chabat éclipse par sa capacité à s’adapter dans un univers en constante mutation. Toujours prêt à se réinventer, il a su conquérir de nouveaux publics, faisant de lui un maître incontesté de l’adaptation dans le monde des médias français.

Jeanne Bouvard

Anne-Lise Magnien

Mélina Magne


Sources 

Ferrari P. (2022) ZEvent 2022 : Alain Chabat, mix technos, dessins sur Paint… Retour sur une édition bienveillante, www.20minutes.fr/. 20 Minutes. Disponible sur : https://www.20minutes.fr/arts-stars/web/3348791-20220912-alain-chabat-mix-technos-dessins-paint-retour-z-event-2022-tout-bienveillance-edition-loin-flop-craignaient-certains (Dernier accès : 1 octobre 22023)

Lecoutere A. (2022) Le Late avec Alain Chabat : votre nouveau rendez-vous sur TF1, https://tf1-et-vous.tf1.fr/. TF1 et Vous. Disponible sur : https://tf1-et-vous.tf1.fr/tf1-vous-donne-rendez-vous-avec-le-late-avec-alain-chabat (Dernier accès : 1 octobre 22023)

Rezo A. (2010) Alain Chabat – Interview, www.artistikrezo.com. Artistik Rezo. Disponible sur  : https://www.artistikrezo.com/cinema/alain-chabat-interview.html (Dernier accès : 30 septembre 2023)

Tuil J. (2021) Alain Chabat renoue avec l’emblématique Astérix dans une série animée Netflix totalement inédite, https://about.netflix.com/fr/newsroom. About Netflix. Disponible sur :  https://about.netflix.com/fr/news/asterix-the-gaul-to-star-in-netflix-animated-series (Dernier accès : 1 octobre 22023)

(2023) Alain Chabat, https://www.wikiwand.com/. Wikiwand. Disponible sur : https://www.wikiwand.com/fr/Burger_Quiz (Dernier accès : 30 septembre 2023)

(2023) Alain Chabat, https://fr.wikipedia.org. Wikipedia. Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Chabat (Dernier accès : 1 octobre 22023)

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