2023 pourrait être une année décisive pour les services de streaming

Il est clair que les plateformes de streaming sont là pour rester, tandis que les groupes média traditionnels sont en pleine transformation. En 2022, Apple a remporté l’Oscar du meilleur film pour CODA, Amazon a racheté MGM, et Netflix a investi dans les jeux et développé des offres contenant de la publicité pour la première fois. En outre, le nouveau PDG de Disney, Bob Chapek, est en train de restructurer l’entreprise pour qu’elle se concentre davantage sur le streaming.

Une étude réalisée par Morgan Stanley (2022) a démontré que si ces efforts ne parviennent pas à produire des bénéfices significatifs en matière de streaming, les options pour ces entreprises seraient de se retirer ou de se consolider. Par conséquent, 2023 sera une année cruciale pour les nombreux acteurs du streaming.

La pression est de plus en plus forte pour équilibrer les réseaux linéaires en déclin et les services de streaming non rentables

Il est probable que la qualité du contenu souffrira en 2023. Jusqu’à maintenant, les services de streaming payaient des frais de production et de licence exorbitants, et ce n’est tout simplement pas une voie durable vers la rentabilité à long terme. C’est pourquoi, dans un futur proche, nous risquons de voir un mélange de contenus contenant probablement plus de contenus bon marché et renouvelables au détriment des séries et films originaux de qualité (Ubertalli, 2023). Ceci est problématique car c’est souvent la qualité du contenu qui incite les utilisateurs à s’abonner. Les services de streaming doivent trouver le bon calcul économique qui leur permettra de maintenir la qualité tout en augmentant leur rentabilité. Selon le groupe de recherche Ampere, la croissance globale des dépenses en contenus originaux devrait passer de 6% en 2022 à seulement 2% en 2023 (Ampere Analysis, 2023). Si l’on exclut les arrêts de production pendant la pandémie de coronavirus, le taux d’expansion est le plus faible depuis plus de dix ans, période pendant laquelle les dépenses mondiales totales sont passées de 128 milliards à 243 milliards de dollars (ibid.).

Cette nouvelle analyse s’aligne sur un rapport précédent d’Ampere, qui montrait une diminution des commandes de séries scénarisées dans l’ensemble du secteur (Ampere Analysis, 2022). Une façon de réduire les coûts de contenu est de produire des séries non scénarisées, qui sont moins coûteuses par heure de divertissement. Le déclin du streaming à gros budget est déjà en cours, puisque des sociétés comme Warner Bros. Discovery ont déjà procédé à des annulations très médiatisées et arrêté des productions. De même, on s’attend à ce que Disney, sous la direction de Bob Iger, apporte des changements importants à sa stratégie de streaming. Quant à Netflix, le service a déclaré qu’il maintiendrait ses dépenses de contenu à environ 17 milliards de dollars pour 2023, comme il l’a fait en 2021 et 2022, mais qu’il dépenserait cet argent de manière plus efficace (Ubertalli, 2023).

Réduire les dépenses de contenu tout en augmentant le prix des services : une combinaison dangereuse

La plupart des nouveaux services de streaming s’efforcent de générer des revenus plus élevés par utilisateur en 2023. Pendant ce temps, Netflix descend en gamme avec son nouveau niveau de service financé par la publicité. Les deux stratégies visent à maximiser la croissance totale des revenus. Disney a déjà mis en œuvre sa hausse de prix, et de nombreux autres diffuseurs en continu prévoient de le faire également, si ce n’est déjà fait. Warner Bros. Discovery prévoit de fusionner HBO Max et Discovery+, ce qui pourrait s’accompagner d’une hausse des prix (Charp, 2022). Faire payer plus tout en offrant moins est une opération difficile pour les diffuseurs. En 2022, les consommateurs se sont déjà montrés sensibles aux prix, passant d’un service de streaming à un autre. Netflix, en particulier, a eu du mal à faire progresser le nombre de ses abonnés après avoir augmenté ses prix au début de l’année (Bayard, 2022).

Alors que les consommateurs sont aux prises avec l’inflation et tentent de réduire les dépenses non essentielles, Apple a servi à ses clients une autre pilule difficile à avaler. La société augmente les prix d’Apple TV+ et d’Apple Music et Apple One, citant une augmentation des coûts de licence et la qualité de ses services comme des raisons justifiant cette décision (Grably, 2022). À compter d’aujourd’hui, chacun des services mentionnés ci-dessus verra son prix mensuel augmenter de 1 à 3 dollars par mois, et les prix des abonnements annuels augmenteront en conséquence.

La décision d’Apple d’augmenter ses prix de streaming intervient quelques mois seulement après que Netflix et Disney, leaders du marché, ont pris des mesures similaires. En janvier, Netflix avait annoncé sa deuxième augmentation de prix en moins de deux ans, portant le prix de son forfait standard à 15,49 dollars par mois. Disney, quant à lui, a fait passer le prix de son abonnement standard Disney+ à 10,99 dollars en décembre dernier. Cette dernière série d’augmentations de prix intervient à un moment désagréable pour les consommateurs, qui doivent désormais faire des choix difficiles en ce qui concerne leur budget divertissement.

Selon les résultats récents de l’enquête mondiale sur la consommation de Statista, deux tiers des adultes américains ont déclaré qu’ils réduiraient leurs abonnements pour économiser de l’argent en période de forte inflation, et les augmentations de prix pourraient contribuer à forcer la main des gens (Statista, 2022). Si l’on exclut Netflix, Morgan Stanley (2022) estime que les services de streaming ont subi des pertes d’exploitation d’environ 10 milliards de dollars en 2022. Les pertes devraient culminer pour certains services en 2023 dans ce que les analystes appellent une « année de basculement », où il sera clair que les coûts atteindront des niveaux insoutenables.

Certains services trouvent déjà d’autres voies pour réaliser des bénéfices

Les plateformes de streaming sont confrontées à un environnement difficile en raison de la concurrence et de la télévision linéaire traditionnelle. Si elles ne parviennent pas à générer suffisamment de bénéfices grâce à leur service de streaming, elles risquent d’avoir du mal à rester à flot. Par conséquent, celles-ci peuvent être amenées à envisager d’autres manières de réaliser des bénéfices.

En 2022, le « free, ad-supported television streaming » (FAST) a continué à s’accélérer. Pluto TV de Paramount, Tubi de Fox, Freevee d’Amazon et Roku Channel ont enregistré des gains qui, dans certains cas, ont dépassé la croissance des services par abonnement (Paoli Lebailly, 2022). Aujourd’hui, d’autres cherchent à se lancer dans cette voie rapide, notamment Warner Bros. Discovery qui a annoncé son intention d’accorder des licences pour certains contenus diffusés sur HBO Max (notamment Westworld) à des partenaires FAST tiers (Hailu, 2022). En outre, David Zaslav, responsable de Warner Bros. Discovery, a déclaré que la société allait « attaquer agressivement » le marché du streaming avec sa propre offre FAST qui sera lancée en 2023 (ibid.).

Néanmoins, des services comme Netflix n’ont pas la possibilité d’accorder des licences sur leur contenu à d’autres plateformes car il est exclusif à leur service. Pour pallier cette situation, Netflix a introduit un niveau de service soutenu par la publicité et prévoit de sévir contre le partage de mots de passe à l’avenir afin de diversifier ses sources de revenus et de conserver ses abonnés existants (Fougères, 2022). Les plateformes venant de lancer des offres avec publicité comme Netflix et Disney+ prévoient que le revenu moyen par compte sera égal ou supérieur à celui de l’abonnement équivalent sans publicité (AFP, 2022). Mais le marché est confronté à un grave ralentissement des dépenses publicitaires, de sorte que cela pourrait ne pas apporter la même augmentation des revenus que celle à laquelle pensaient les équipes de direction lorsqu’elles ont élaboré leurs plans.

Quant à Disney et Warner Bros. Discovery, les deux groupes sont fortement tributaires des bouquets de chaînes câblées, les fameux « bundles » (Bunch, 2022). Sur un marché saturé, Amazon, HBO Max et d’autres fournisseurs de services de streaming explorent également les forfaits à prix réduit et les partenariats avec leurs rivaux. Les principaux acteurs du secteur ont du mal à se développer sur un marché aussi encombré et réalisent qu’ils doivent proposer leurs offres sous de nouvelles formes. Cela signifie moins de « commandes à la carte » et l’apparition d’une nouvelle ère de forfaits.

D’autre part, certains services de streaming espèrent ajouter leurs services aux abonnements des grands retailers. Paramount Global a conclu un accord pour que son service de streaming Paramount+ soit proposé dans le cadre du programme d’adhésion Walmart+ à 98 dollars par an (Cagan, 2022). Pour que les acteurs du streaming puissent conclure des partenariats avec les retailers, ils doivent surmonter un certain nombre de difficultés, notamment savoir qui peut accéder aux données des clients et comment répartir les ventes de publicité. Cela explique en partie pourquoi les négociations dans ce secteur ont progressé lentement. De plus, les partenariats peuvent comporter des risques financiers. Si une offre groupée n’est disponible que pour une durée limitée, de nombreux clients risquent de la quitter à son expiration.

Conclusion

En 2023, ce sera au plus fort de se débrouiller. Les services de streaming qui ont le soutien, l’envergure et la diversité financière nécessaires pour jouer le jeu à long terme et fonctionner avec des marges plus faibles, ou des marges d’équilibre, seront les mieux placés pour survivre. La pression est désormais forte pour que ces services soient rentables. L’abondance des options de streaming proposées aux consommateurs aujourd’hui laisse penser que ce seront les choix du public qui définiront de manière significative l’avenir du secteur du streaming.

Capucine CHAPPEY

Bibliographie

AFP, (2022). Comment Netflix et Disney vont chambouler le monde de la publicité télévisée. Challenges [En ligne]. Disponible via : https://www.challenges.fr/economie/comment-netflix-et-disney-vont-chambouler-le-monde-de-la-publicite-televisee_829093 [Ouvert le 22/01/2023].

Ampere Analysis, (2022). Content and platform distribution strategies: US vs Europe. Ampere Analysis [En ligne]. Disponible via : https://www.ampereanalysis.com/report/content-and-platform-distribution-strategies-us-vs-europe [Ouvert le 19/01/2023].

Ampere Analysis, (2023). Growth in content investment will slump in 2023. Ampere Analysis [En ligne]. Disponible via : https://www.ampereanalysis.com/press/release/dl/growth-in-content-investment-will-slump-in-2023 [Ouvert le 19/01/2023].

Bayard, F., (2022). Netflix : pourquoi le nombre d’abonnés pourrait s’effondrer. 01net [En ligne]. Disponible via  : https://www.01net.com/actualites/pourquoi-le-nombre-dabonnes-pourrait-seffondrer.html  [Ouvert le 20/01/2023].

Bunch, S., (2022). The Great Rebundling is coming. It’s a bad idea. The Washington Post [En ligne]. Disponible via  : https://www.washingtonpost.com/opinions/2022/08/10/hbo-max-discovery-rebundling-bad/ [Ouvert le 22/01/2023].

Cagan, A., (2022). Walmart-Paramount : pourquoi la grande distribution chasse sur les terres de Netflix. L’Express [En ligne]. Disponible via  : https://www.lexpress.fr/economie/high-tech/walmart-paramount-pourquoi-la-grande-distribution-chasse-sur-les-terres-de-netflix_2178778.html [Ouvert le 22/01/2023].

Charp, R., (2022). HBO Max et Discovery+ : Warner bros Discovery annonce la fusion des deux plateformes de streaming. Melty [En ligne]. Disponible via : https://www.melty.fr/tele/hbo-max-discovery-warner-bros-discovery-annonce-fusion-deux-plateformes-de-streaming-1027386.html#item=1 [Ouvert le 20/01/2023].

Fougères, P., (2022). Netflix : partager votre mot de passe avec vos proches va bientôt vous coûter cher. Capital [En ligne]. Disponible via : https://www.capital.fr/entreprises-marches/netflix-partager-votre-mot-de-passe-avec-vos-proches-va-bientot-vous-couter-cher-1455637 [Ouvert le 21/01/2023].

Grably, R., (2022). Apple Music, Apple TV+ : Apple augmente le prix de ses principaux services. BFM tech [En ligne]. Disponible via : https://www.bfmtv.com/tech/apple/apple-music-apple-tv-apple-augmente-le-prix-de-ses-principaux-services_AN-202210240659.html [Ouvert le 21/01/2023].

Hailu, S., (2022). Yanked HBO Max Series Like ‘Westworld’ to Land at Third Party Ad-Based Streamers As Warner Bros. Discovery Plans to Launch Its Own. Variety [En ligne]. Disponible via : https://variety.com/2022/tv/news/warner-bros-discovery-hbo-max-fast-1235461623/ [Ouvert le 21/01/2023].

Morgan Stanley, (2022). Will Streaming Overtake Traditional Cable? Morgan Stanley [En ligne]. Disponible via : https://www.morganstanley.com/ideas/thoughts-on-the-market-entertainment [Ouvert le 19/01/2023].

Paoli Lebailly, P.,  (2022). Streaming vidéo gratuit : les FAST channels, le nouveau graal de la télévision connectée ? La Tribune [En ligne]. Disponible via : https://www.latribune.fr/technos-medias/medias/streaming-video-gratuit-les-fast-channels-le-nouveau-graal-de-la-television-connectee-916757.html [Ouvert le 22/01/2023].

Statista, (2022). Where Americans Plan to Cut Back in Face of Inflation. Statista [En ligne]. Disponible via : https://www.statista.com/chart/27971/where-americans-plan-to-cut-back-in-face-of-inflation/ [Ouvert le 21/01/2023].

Ubertalli, O., (2023). Streaming vidéo : la fin de l’âge d’or. Le Point [En ligne]. Disponible via : https://www.lepoint.fr/economie/streaming-video-la-fin-de-l-age-d-or-07-01-2023-2504003_28.php#11 [Ouvert le 19/01/2023].

Plateformes de SVOD et stratégies : quels déploiements dans un environnement ultra-concurrentiel ?

Le 4 novembre 2022, les médias annonçaient l’arrêt de la plateforme de streaming Lionsgate + en France ainsi que dans sept autres pays européens. La cause ? Des pertes financières, qui font suite à une réorganisation de la société, et un nombre d’abonnés très restreint face aux grands autres acteurs. La plateforme française Salto connaît également des difficultés, faute de programmation attractive et de coordination entre les maisons-mères. Mais cela va également de pair avec un environnement concurrentiel qui ne cesse de croître sur le marché du streaming SVOD. Après l’arrivée et le déploiement de Netflix dans sa forme actuelle dès 2007, d’autres acteurs sont ensuite déployés sur le marché SVOD en raison de l’attractivité de ce modèle : OCS, Disney +, Prime Video, Apple TV+, Canal + Série…sans oublier HBO Max, encore indisponible en France. En France, pour la seule fin d’année 2022, nous pouvons noter l’arrivée de deux nouveaux acteurs : Paramount + et Universal +. Tous les studios américains veulent aujourd’hui se doter de leur plateforme de streaming afin de devenir acteurs sur ce marché florissant…

Source : Pixabay.fr

Et pourtant, ce qui était auparavant une offre rare, unique et novatrice avec Netflix, est devenu une norme accessible par pléthore de supports dans un environnement ultra-concurrentiel. Le sort de Lionsgate + et Salto le montre bien. Aussi, les utilisateurs ont pour la plupart multiplié les abonnements pour pouvoir accéder à un maximum de contenus à la demande comme au Royaume-Uni où 16,9 millions de foyers sont abonnés à un service de streaming à la demande par abonnement, et pour une moyenne d’abonnement à 2,4 services par foyer en avril 2022, selon l’étude Kantar relayée par Zdnet. Aux USA, 53 % des dépenses mensuelles en SVOD dépassent les 20 $ d’après l’étude Nielsen, pour en moyenne un abonnement à 4 services par foyer. Ou encore, d’après le Baromètre OTT de NPA Conseil/Harris Interactive, la France compte en moyenne l’usage de 1,9 services par utilisateur, pour une dépense moyenne qui atteint 17,5€ par mois en juin 2022. De plus, 53,2 % de Français se déclarent utilisateurs réguliers d’au moins un service fin 2022. Néanmoins, cette accumulation peut devenir difficilement supportable financièrement, et l’inflation y participe grandement. Et pour cause, environ 937000 foyers britanniques ont procédé à des désabonnements entre janvier et septembre 2022. De plus, d’après l’étude de Médiamétrie/Harris Interactive d’octobre 2022, les 15-24 ans français sont de plus en plus nombreux à abandonner les services SVOD, privilégiant les interfaces et réseaux sociaux comme YouTube ou TikTok.

Cela pousse donc les acteurs à déployer des stratégies afin de capter rapidement de nouveaux abonnés.

S’agréger à une base d’abonnés pré-existante

Aujourd’hui, les nouveaux acteurs du streaming se distinguent difficilement, car d’autres plateformes sont déjà bien implantées sur le marché. Le nouvel acteur peut alors s’appuyer sur une base d’abonnés déjà existante pour faciliter son intégration, mobilisant ainsi un partenariat avec un autre service. C’est ce que nous pouvons observer lorsqu’un acteur souhaite s’implanter sur un marché étranger comme la France. Netflix, Disney + ou plus récemment Paramount +, n’ont pas hésité à développer un partenariat avec le Groupe Canal +, qui agrège les plateformes sur son interface MyCanal. Au lieu d’inciter les utilisateurs à souscrire à un énième abonnement, ce qui pourrait les rebuter à devoir créer un nouveau compte sur des plateformes moins attractives et moins intégrées pour certaines, il leur suffit de les inviter à procéder à une seule inscription sous forme de “package” pour un service élargi. Les nouveaux acteurs peuvent ainsi bénéficier d’un panel d’abonnés déjà existants et concentrés sur un service unique.

Interface des chaînes et plateformes disponibles sur MyCanal
Source : MyCanal – Canalplus.com

Warner Bros. Discovery aura tenté une stratégie autre, en se portant candidat au rachat d’Orange Content, qui inclut notamment OCS – diffuseur des séries HBO depuis 2008 en France – avec pour objectif de transiter les 3 millions d’abonnés OCS vers son service HBO Max lors de son lancement dans l’hexagone. Un fort potentiel pour le groupe quand on sait que les abonnés OCS sont des habitués des programmes HBO, qui seraient ensuite disponibles sur la nouvelle plateforme de la Warner. D’autant qu’OCS a perdu son contrat avec HBO à l’issue de l’année 2022. Néanmoins, outre le lancement d’HBO Max mis en suspend en France, la Warner n’a pas pu acquérir OCS, en raison du droit de préemption de Canal + sur cette vente.

Elargir l’offre, le service et les forfaits

Alors que les acteurs historiques comme Netflix ne proposaient jusqu’alors qu’un service de SVOD avec une offre de films et de séries, nous avons pu notamment observer que les plateformes à l’instar de Prime Video se tournent vers des programmes que nous retrouvions initialement sur les services linéaires de télévision. La plateforme d’Amazon s’est en effet dotée de diffusions de programmes sportifs, comme Roland Garros ou la Ligue 1 et la Ligue 2 de Football par l’achat de lots par exemple. Pouvoir apporter des programmes plus diversifiés à l’instar du sport est une autre méthode de développement des abonnements et des profils qui s’opère par la diversification de l’offre. La télé-réalité se retrouve également sur les plateformes SVOD généralistes, avec Netflix ou encore Salto qui propose des programmes issus des chaînes TV de ses maisons-mères.

Outre l’offre éditoriale en développement offerte par les plateformes, nous pouvons également revenir sur l’enjeu financier qui a poussé les anglo-saxons à se désabonner. Nous avons en effet pu noter que les tarifs des offres de plateformes de streaming comme Netflix ou Disney + n’ont cessé d’augmenter depuis leurs lancements, qui se justifient par un modèle déficitaire depuis plusieurs années, avec une croissance atone, et des abonnés qui ne sont pas rentables, comme l’a relevé Alain Le Diberder. Netflix a d’ailleurs procédé au licenciement de 450 employés entre mai et juin 2022 afin de faire des économies en période de crise suite à la perte d’abonnés et une croissance en baisse des revenus. Cette situation économique pousse même la plateforme à durcir ses règles en cas de partage illégal de compte, considéré comme un manque à gagner. 

L’ajout de la publicité devient donc une alternative pour compenser ces difficultés : Disney + et Netflix sont alors précurseurs en la matière, et proposent d’ajouter de la publicité à leurs programmes avec en retour des forfaits moins chers, sans pour autant abandonner l’offre sans publicité. Certains sondages ont montré que certains utilisateurs seraient enclins à s’abonner à des forfaits moins chers, quitte à avoir de la publicité. D’après létude du Baromètre OTT publiée en novembre, 44 % des Français interrogés déclarent vouloir devenir ou demeurer abonnés à Netflix, dont un tiers à l’offre avec publicité. Ce chiffre s’élève à 25 % pour Disney +, dont deux tiers au forfait avec publicité. De la même manière, d’après l’étude relayée par Zdnet, 44 % des Britanniques abonnés à Netflix déclaraient en avril 2022 ne pas être dérangés par la publicité si l’abonnement coûtait moins cher. Cela porterait la pénétration de ces plateformes à la hausse. A cela s’ajouterait une meilleure monétisation des comptes, avec les revenus publicitaires. Une solution qui demande encore à faire ses preuves, mais qui pourrait stimuler le nombre d’abonnés.

Synergie entre les services

Enfin, les acteurs qui peuvent se le permettre vont encore plus loin et créent une synergie entre leurs services. Ce sont ceux qui peuvent détenir des données sur leurs utilisateurs et qui ont suffisamment d’activité pour en accumuler qui peuvent à ce jour développer une telle stratégie. Si Amazon était en mesure de créer une telle synergie dès le départ entre son service de vente en ligne et sa plateforme de streaming avec des forfaits préférentiels pour cumuler l’accès à ses services, Disney a également annoncé récemment vouloir faire de même. Le groupe développe une offre combinant celle de la plateforme Disney + et celle de ses sites de vente de produits dérivés et de parcs à thème. Les abonnés de Disney + bénéficieront d’avantages exclusifs. Cette synergie de services permettrait aux plateformes de proposer une valeur ajoutée aux utilisateurs, ce qui pourrait accroître le nombre de souscripteurs. Par ailleurs, elle permettrait de valoriser la donnée et de proposer des services personnalisés en dressant des profils plus précis des utilisateurs. En effet, les données générées par les seules plateformes de streaming sont faibles et peu exploitables. Enfin, rassembler les données des utilisateurs et faciliter leurs flux entre services offrirait une meilleure qualité de service, valorisant l’activité des plateformes.

Ainsi, nous pouvons observer que les acteurs de la SVOD doivent redoubler d’efforts pour rendre attractive leur offre, quitte à procéder à un développement nouveau de leur activité qui dépasse la seule activité du streaming. Les prochains mois ou prochaines années nous montreront quels sont les acteurs les plus armés pour faire face à ce marché ultra-concurrentiel du contenu numérique. L’acquisition et l’exploitation de la donnée semblent aujourd’hui primordiales pour créer un service personnalisé aux utilisateurs dans cette course à l’attention, tandis que l’arrivée imminente de nouveaux modèles comme la FAST devrait également bouleverser ce marché.

Luc HERVIO

Sources

Stratégie de communication politique sur les réseaux sociaux.

Jean-Luc Mélenchon : entre homme politique et influenceur.

– écrit par Alexandra levigne

Nous ne présentons plus Jean-Luc Mélenchon (JLM), candidat et fondateur de La France Insoumise (LFI), qui est arrivé troisième à 421 420 voix, derrière Marine LePen, lors du premier tour des élections présidentielles françaises. Sensible aux nouvelles technologies, il capitalise sur la multiplicité des supports numériques dans sa stratégie de communication afin de toucher le plus grand nombre d’électeurs. « Notre but, c’est de parler à tout le monde » s’exprime ainsi Antoine Léaument, responsable de la communication numérique du candidat ainsi que de LFI. Ils semblent cependant avoir été entendus en majorité par les moins de 34 ans et la communication portée par le candidat de l’Union Populaire sur les réseaux sociaux tout au long de la campagne a ainsi nécessairement joué dans les résultats. C’est la raison qui nous pousse aujourd’hui à étudier le comportement de Jean-Luc Mélenchon sur les réseaux sociaux. 

Avant toute chose, il est important de revenir sur le positionnement idéologique du parti qui va évidemment influencer le discours politique tenu par le candidat sur les réseaux. Depuis la disparition de la fédération des forces de gauches alternatives, le mouvement centré autour de la personne de Jean-luc Mélenchon opte depuis 2013 pour une stratégie dite « populiste ». Le mouvement se place en opposition aux « élites » du pays justifiant ainsi le contournement du système journalistique classique au profit de la liberté conférée par les réseaux sociaux. C’est pour cela que Jean-Luc Mélenchon emploie un ton direct et personnel tant, lorsqu’il s’adresse au « peuple », que, comme nous allons le constater, sur ses réseaux.

Pour commencer notre étude, nous allons nous focaliser sur la chaîne YouTube de Jean-Luc Mélenchon, créée le 1er janvier 2012. Il s’investit pleinement sur YouTube à l’approche des élections de 2017 et fait grimper en quelques mois de 20 000 à 100 000 son nombre d’abonnés. 

Cette hausse est attribuée aux nouveaux formats de vidéos proposés par JLM, nous retrouvons ainsi :
– « Pas vu à la télé » : interventions de personnalités peu médiatisées s’exprimant sur des sujets d’actualité. La volonté de rompre avec la couverture médiatique de la télévision est affirmée.
– « Revue de la semaine » : émission toujours phare de la chaîne, celle-ci met en scène JLM ressassant les événements de la semaine qui l’ont intéressé. Cette série, inspirée par différents contenus publiés sur la plateforme, s’ancre parfaitement dans les codes de YouTube. Le candidat s’adresse à la caméra avec un ton direct et personnel. 

Aujourd’hui, sur la chaîne se sont ajouté les formats :

Comme il est fréquent d’en voir YouTube, ce type de contenus permet d’augmenter l’engagement et l’interaction avec l’audience

Rediffusions d’apparition à l’Assemblée nationale (redirection en cliquant en sur le bouton), sur les plateaux télé, ou lors de diverses instances (commissions de travail, discours et meetings…)

En 2022, il s’agit de « Nos pas ouvrent le chemin » faisant en moyenne plus de 50 000 vues sur des sujets diverses, d’actualité politique (la guerre en Ukraine, l’envol d’Ariane 5…) ou couvrant des événements de la campagne (débats, meetings politiques…)

Jean-Luc Mélenchon explique en 2016 que c’est en regardant des vidéos YouTube qu’il a compris ce que c’était d’être YouTubeur et devient ainsi le premier « YouTubeur politicien » à se fondre parfaitement dans le type de contenu visionné sur la plateforme. L’intérêt de cet investissement est d’un côté, l’audience captée par ses contenus et de l’autre, la liberté totale sur les sujets abordés, le style de vidéo et tout simplement la maîtrise de son image. En effet, la narrative employée rend le candidat plus sympathique mais surtout proche de son public. Le pari, gagné, de ses équipes a été de créer une belle image de marque autour de JLM. 

C’est dans cette même optique que le compte TikTok de JLM voit le jour. Ce nouveau réseau au format vidéo vertical qui gagne en popularité auprès des jeunes est une case incontournable de sa campagne. Ayant dépassé les deux millions d’abonnés le 28 avril 2022, le compte reprend également les codes de la plateforme. Sur un ton léger et auto dérisoire, il partage de courtes vidéos humoristiques dans un objectif de viralité, des extraits sous-titrés de ses passages à la télévision ainsi que des vidéos derrière les coulisses afin d’inviter ses abonnés au sein de son intimité. Ces différents formats suscitent de la sympathie envers JLM. C’est ici un personal branding réussit puisqu’il s’agit bien d’une personnalité et non pas d’un programme politique qui est mis en avant.

JLM possède bien évidemment un compte Twitter, réseau social populaire dans le milieu de la politique pour la liberté d’expression qu’il permet. L’enjeu pour le candidat sur cette plateforme est avant tout, d’être présent et visible. C’est ce que nous observons par la forte fréquence de publications, du newsjacking intelligent, les live tweets lors de débats avec la mise en avant d’hashtag pour encourager la discussion et les réactions, et finalement l’usage fréquent du format vidéo (pour rediffuser les interventions médiatiques du candidat) qui est mise en avant par l’algorithme de la plateforme.

Le compte Instagram de JLM, du haut de ses 317 000 abonnés utilise toutes les fonctionnalités de la plateforme. Nous y retrouvons des stories (ainsi que stories a la une), des carrousels, des vidéos (extraits de ses apparitions télévisées sous titrées) et même de la création de filtres. En effet, le « mini-hologramme de poche », filtre en réalité augmentée (disponible également sur Snapchat) permet de retrouver le candidat dans son salon, de sorte à se démarquer des autres candidats, mais également de marquer les esprits avec du earned media. Le candidat fait également de la publicité pour ses autres réseaux : en premier lieu Twitter, proposant des photos de ses tweets sur son profil et en second lieu TikTok, re-postant ses publications en réels. 
Sa page Facebook adopte un format de contenu similaire avec l’usage du même texte pour les descriptions des photos (nous observons cependant plus d’émoticônes sur Facebook, probablement pour attirer l’attention.) Finalement, sur LinkedIn nous avons une stratégie axée sur la curiosité des utilisateurs. Les publications journalières reprennent les actualités « Insoumises » avec des visuels explicatifs et un lien vers un article pour une lecture approfondie du sujet. 

Ainsi dit, Jean-Luc Mélenchon bénéficie aujourd’hui d’une belle notoriété en ligne, propre à sa personne. Cela est dû au fait qu’il est présent sur tous les réseaux, il possède également une chaîne Twitch sur laquelle il interagit fréquemment avec son audience et un serveur Discord pour les partisans du mouvement (il existe aussi un grand nombre de pages privées pour la communauté des Insoumis). En s’appropriant de manière intelligente les codes des réseaux sociaux, il a réussi à s’imposer sur des canaux jusque-là difficiles d’accès pour les hommes politiques. Là où ses concurrents s’en remettent à leurs conseillers qui adaptent le message, Monsieur Mélenchon et son équipe semblent reconnaitre les segments d’utilisateurs, leurs intérêts et leurs appétences pour les réseaux qu’ils consomment. De ce fait, la force de sa communication réside dans la manière dont il est capable d’adapter non pas uniquement son message mais bien sa personne au réseau en question. Comme Arnaud Mercier, journaliste pour France Culture le souligne, il devient sur YouTube « Youtubeur Politique » et sur TikTok « TikTokeur Politique » expliquant ainsi son gain en popularité auprès des audiences majoritairement jeunes de ses réseaux. Il bénéficie également d’un grand soutien de la part de sa communauté d’insoumis qui prennent des initiatives, le soutiennent sur les réseaux et fédèrent ses partisans autour de leur projet commun.

Sources :

  • Les comptes officiels de Jean-Luc Mélenchon sur différents réseaux. Les liens sont mis en description d’images.
  • Bristielle Antoine, « YouTube comme média politique : les différences de contenu entre interviews politiques classiques et émissions en ligne de trois représentants de La France insoumise »

https://www.cairn.info/revue-mots-2020-2-page-103.htm

  • Theviot Anaïs, « Faire campagne sur Youtube : une nouvelle « grammaire » pour contrôler sa communication et influer sur le cadrage médiatique ? »

https://www.cairn.info/revue-politiques-de-communication-2019-2-page-67.htm

  • Klara Durand, « La campagne présidentielle sur les réseaux sociaux : qui remporte le match ? »

https://www.publicsenat.fr/article/politique/la-campagne-presidentielle-sur-les-reseaux-sociaux-qui-remporte-le-match-201682

  • Arnaud Mercier, « 2017-2022 : comment leur communication a évolué d’une présidentielle à l’autre »

https://www.franceculture.fr/politique/2017-2022-comment-leur-communication-a-evolue-dune-presidentielle-a-lautre

  • Pauline Graulle, « Présidentielle : la stratégie gagnante de Mélenchon dans les villes et les quartiers populaires »

https://www.mediapart.fr/journal/france/130422/presidentielle-la-strategie-gagnante-de-melenchon-dans-les-villes-et-les-quartiers-populaires

  • Scores délivrés par l’observatoire politique de Favikon sur la présence médiatique des candidats.

https://www.favikon.com/analyses/bilan-avant-les-presidentielles-2022

  • Ohiab Allal-Cherif, « Comment le numérique a propulsé la campagne de Jean-Luc Mélenchon »

https://www.forbes.fr/business/comment-le-numerique-a-propulse-la-campagne-de-jean-luc-melenchon

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