Facebook: un business model en crise ?

Facebook, une marque affaiblie par des scandales à répétition

L’an dernier, Mark Zuckerberg, qui semble passer son temps à se confondre en excuses publiques rocambolesques, annonçait vouloir « réparer Facebook ».

Cette déclaration fait suite à plusieurs scandales qui ont émaillés l’actualité du réseau social ces derniers temps: l’emblématique fondateur de Facebook a dû comparaître face au Sénat Américain pour des questions de confidentialité de données, l’affaire des fake news a décrédibilisé les contenus du réseau social, le scandale de Cambridge Analytica a achevé de miner la confiance des utilisateurs… Autant de scandales qui ont affaibli l’image du réseau social.

La symptomatique chute du cours de l’action de Facebook (une perte de près de 110 milliards de dollars en moins de 24 heures) en juillet dernier a inquiété les investisseurs et fait fuir les annonceurs. En 2018, la cote de Facebook est décidément au plus bas. Seuls d’importants changements de fond permettraient au réseau social de se relever et de redorer son image.

Une des conséquences directes de ces scandales a été l’annonce par Facebook de démarches radicales destinées à promouvoir plus de transparence. Ce revirement a ainsi donné lieu à l’instauration de mesures telles que la mise à jour des paramètres de confidentialité et l’abandon de l’utilisation de données de tiers.

Remise en cause du modèle économique et rééquilibrage des sources de revenus

En parallèle de ces crises à répétition, on observe un changement de mentalités chez les internautes. Ceux-ci sont de plus en plus prêt à payer pour des services premium qui leur garantissent l’accès à un contenu de qualité tout en les débarrassant de la publicité.
La progression fulgurante et soutenue du nombre d’utilisateurs de plateformes comme Netflix, Spotify ou Mediapart montre que les business models reposant sur une forme d’abonnement ont encore de beaux jours devant eux. D’autres plateformes, d’abord gratuites, sont en train de développer une offre payante afin conserver leur compétitivité et faire le poids face aux nouveaux géants du numérique. C’est notamment le cas de Twitter ou encore de Linkedin dont les offres premium ne cessent de se perfectionner.

Cependant, et malgré une volonté affichée de se désengager de la publicité pour en réduire le poids dans ses revenus, il est difficile d’imaginer Facebook soudainement repenser la manière dont ses revenus sont organisés. Facebook est un réseau social dont la gratuité est l’un des principaux arguments face aux utilisateurs et pour qui la publicité représente 98% des revenus. Tout départ de ce postulat initial de gratuité serait mal perçu par la communauté d’utilisateurs.

Dans un premier temps, ce désengagement de la publicité se fera inévitablement de manière timide et progressive. Si la publicité dominera toujours les sources de revenus de Facebook, les projets visant à en rendre réseau social moins dépendant se multiplient.

Qu’adviendra-t-il alors de la publicité sur le réseau social ? Elle va être amenée à se transformer pour répondre à deux problèmes qui tourmentent Facebook: le problème de visibilité des annonces publicitaires ainsi que la désastreuse expérience utilisateur. D’une part les annonceurs n’ont plus confiance en des plateformes qui ne valorisent pas la « brand safety ». De l’autre, les utilisateurs sont fatigués d’être la cible de publicité digitales intempestives, redondantes et intrusives qui utilisent leur données les plus personnelles.

Repenser la publicité

Les utilisateurs entretiennent une relation ambivalente à la personnalisation publicitaires. Bien que la personnalisation à l’extrême semble les gêner, ceux-ci sont plus enclins à tolérer des formes justifiées de personnalisation si cela peut leur éviter de se retrouver ciblés par un plus grand nombre de publicités hasardeuses.

Désormais, comme la majorité du trafic web se fait sur des dispositifs mobiles, les formats publicitaires adaptés aux mobiles vont prendre une ampleur considérable. En adoptant la story sur Instagram et Messenger et en promouvant Messenger Ads (deux formats qui vont jouer un rôle critique dans l’avenir de la publicité de Facebook), les têtes pensantes de Facebook montrent bien qu’elles ont compris le potentiel dont elles disposent.

46% des utilisateurs de smartphone utilisent l’application Messenger et la plupart des jeunes utilisateurs, les millenials, ont grandi avec cette application et s’en servent quasiment quotidiennement. Les marques pourront donc sponsoriser du contenu sur une audience de plus de 300 millions d’utilisateurs quotidiens répartis entre Facebook et Messenger.

Laurent Solly, le vice-président de Facebook Europe du Sud, parle du déploiement de la publicité pour le format story en ces termes: « La façon dont les stories se sont installées dans les usages témoigne du fait qu’il s’agit d’un format qui séduit les utilisateurs […] Mais cette extension de notre offre publicitaire ne se fera pas au détriment des utilisateurs : notre objectif n°1 reste de garantir à tous la meilleure expérience possible ».

Si le business model de Facebook commence à être éprouvé, le réseau social de Mark Zuckerberg semble emprunter un chemin pavé de bonnes intentions (transparence et respect des utilisateurs) pour se reconstruire et rester compétitif. En parallèle de cette transformation, le véritable changement de fond annoncé va-t-il s’opérer ou n’est-ce qu’un écran de fumée ? Affaire à suivre.

Gabriel Sfeir

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