Médiamétrie 2024 : Nouvelle ère de mesure d’audience TV et défis de l’intégration des réseaux sociaux

Dans une ère où le numérique bouscule les traditions, Médiamétrie franchit un pas de géant avec une révision capitale de son système de mesure des audiences télévisuelles. L’entité de référence pour les statistiques médiatiques, Médiamétrie, dévoile une initiative audacieuse qui a commencé à prendre effet le 1er janvier 2024 : l’intégration des interactions sur les réseaux sociaux dans le calcul des audiences.

L’audience totale : au-delà du téléviseur

En décembre 2023, Médiamétrie, fidèle à son image innovante, a annoncé étendre son panel d’audience à 12 000 individus, y compris 500 foyers sans téléviseurs, à partir du 1er janvier 2024. Médiamat, outil emblématique de Médiamétrie, enregistrera désormais une audience « tous lieux (domicile, hors domicile, en mobilité), tous écrans (téléviseur et écrans Internet – ordinateur, smartphone et tablette), toutes temporalités (Live, différé, replay/preview) », pour une représentativité plus complète de l’audimat français. L’entreprise reconnaît ainsi que la télévision a dépassé les frontières du salon pour se diffuser dans chaque recoin de notre vie quotidienne. Pour connaître l’intégralité de la réforme rendez-vous sur le site de Médiamétrie.

Dans cette volonté de couvrir « l’intégralité des comportements de consommation », l’outil comptabilise désormais les clips des émissions diffusés sur des plateformes telles que TikTok, Facebook, Instagram ou encore X. Les statistiques quotidiennes, publiées chaque matin à 9 heures, ne se limitent donc plus à la consommation passive devant le petit écran, mais englobent désormais l’interaction active des téléspectateurs dans l’espace numérique. 

Mais pour bien comprendre ces changements, il est crucial de reconnaître l’influence significative de ces chiffres d’audience révélés tous les matins à 9h. Depuis de nombreuses années, ils dictent les tendances, influencent les décisions des annonceurs et orientent les stratégies des chaines de télévisions. En embrassant le numérique, Médiamétrie ne se contente pas de suivre l’évolution ; elle redéfinit les règles du jeu, posant ainsi les jalons d’une industrie télévisuelle française plus connectée et réactive. 

La conquête du numérique par les chaînes télévisuelles : embrasser le concept de Social TV

Pour s’aligner sur les innovations de Médiamétrie et rester compétitives dans un paysage médiatique en perpétuelle évolution, les chaînes de télévision doivent faire leur place sur les réseaux sociaux. Cela implique l’adoption du concept de Social TV, une stratégie qui utilise les réseaux sociaux pour enrichir l’expérience télévisuelle. Elle permet aux spectateurs de participer activement aux conversations en temps réel, de partager leurs opinions et même d’influencer le contenu à l’antenne. Ce phénomène transforme la télévision d’une activité traditionnellement passive en une expérience communautaire et interactive. Cette approche est utilisée essentiellement pour capter l’attention du spectateur souvent partagée entre l’écran télévisuel et un second écran, généralement celui du téléphone.

Pour saisir l’ampleur de la Social TV, observons l’émission « Touche Pas à Mon Poste » (TPMP), émission qui s’est taillé une place de choix dans le paysage audiovisuel français, ayant même valu à son hôte le surnom de « Parrain du PAF ».

La recette de TPMP se prête parfaitement à l’interactivité des réseaux sociaux. Chaque épisode, riche en débats, en « clash » et en séquences mémorables, déclenche des vagues de réactions en ligne, entraînant une avalanche de tweets, de partages, et de commentaires sans oublier son lot de polémiques.

Pour tirer parti de cette effervescence, la production de TPMP a élaboré une stratégie digitale complète et réfléchie. Elle s’appuie sur des équipes dédiées qui orchestrent la conversation numérique en direct, favorisant ainsi une connexion instantanée entre les téléspectateurs et le plateau. Le live-tweet durant l’émission est encouragé, rendant chaque diffusion un événement en soi, où le public peut influencer le déroulement ou le contenu par ses réactions. Les meilleurs moments de l’émission sont rediffusés quasiment instantanément sur le compte X de l’émission. 

En outre, TPMP tire parti de contenus exclusifs destinés aux plateformes sociales pour maintenir l’intérêt et stimuler l’engagement en dehors des heures de diffusion. Cette stratégie bien rodée crée un écosystème cohérent où contenu télévisuel et numérique se renforcent mutuellement, transformant ainsi TPMP en un véritable phénomène de Social TV.

Ainsi, la décision de Médiamétrie d’englober les interactions sur les réseaux sociaux dans ses mesures d’audience est un vent favorable pour des émissions comme « Touche Pas à Mon Poste » (TPMP). En reconnaissant l’impact des plateformes digitales, Médiamétrie valorise l’engagement qui est au cœur de la stratégie de TPMP. 

Toutefois, cette évolution ne favorise pas uniformément toutes les émissions. « Quotidien », le principal rival de TPMP, se trouve dans une position délicate depuis son retrait de Twitter en 2023. L’émission est contrainte de déployer des stratégies transverses pour amplifier sa visibilité et compenser l’absence d’une plateforme autrefois cruciale pour l’engagement des téléspectateurs.

https://twitter.com/Qofficiel/status/1737929527446122990

Pour contrebalancer cette absence, « Quotidien » mise sur la popularité de ses chroniqueurs pour générer du buzz et augmenter ses chiffres d’audience. Par exemple, la présence sur les réseaux sociaux de Jean-Michel Apathie, connu pour ses interventions tranchées et sa notoriété, est un levier puissant. L’approche de « Quotidien » s’appuie sur le rayonnement individuel des figures de l’émission pour attirer et fidéliser les audiences, tout en cherchant à créer un contenu partageable qui puisse virer à la tendance et notamment sur X. En exploitant intelligemment la résonance de ses chroniqueurs et en diversifiant ses points de contact avec le public, « Quotidien » s’efforce de rester compétitif dans le nouveau paysage audiovisuel redéfini par Médiamétrie.

Mais quels défis face à cette transformation de la mesure de l’audience ?  

La quête d’audience et le péril du sensationnalisme

Le premier est la tendance inquiétante à privilégier les contenus provocateurs ou sensationnels afin de stimuler les réactions sur les réseaux sociaux. Cette course effrénée au « clash » risque de marginaliser les programmes de qualité, ceux qui privilégient l’information pertinente ou le divertissement constructif. Les chaînes pourraient être tentées de renforcer des dynamiques qui favorisent les controverses et les débats clivants, plutôt que d’encourager une programmation diversifiée. En somme, cette nouvelle méthode de mesure d’audience pourrait involontairement dévaloriser les programmes du PAF qui ne génèrent pas un buzz immédiat sur les réseaux sociaux, redessinant le paysage télévisuel non pas sur la base de la qualité, mais de la capacité à provoquer une réaction instantanée.

Le Risque d’Enfermement dans une Bulle de Filtre

Un autre risque majeur de cette nouvelle mesure est le phénomène de la « bulle de filtre ». Ce concept décrit une situation où les algorithmes des réseaux sociaux filtrent et présentent aux utilisateurs du contenu basé sur leurs interactions précédentes, leurs préférences et leurs comportements en ligne. Ce processus crée un écho personnalisé où l’individu est principalement exposé à des idées, des opinions et des contenus qui lui « correspondent ». Le danger est que l’on croit choisir activement le contenu auquel on est exposé, alors qu’en réalité, notre environnement informationnel est orchestré par des algorithmes qui visent à maximiser notre engagement.

Dans le contexte de la Social TV, cela signifie que les programmes qui deviennent viraux ou qui sont personnalisés pour nous sur les réseaux sociaux peuvent obtenir une visibilité disproportionnée. Cette situation contraste avec la sélection intentionnelle d’un programme à regarder en direct ou en replay, où le choix et l’attention sont exercés de manière plus consciente et délibérée. Les téléspectateurs risquent de perdre une part de leur autonomie, étant de plus en plus influencés par ce que les algorithmes déterminent être le plus susceptible de retenir leur attention, plutôt que par leurs propres choix.

Finalement, une interrogation subsiste quant à l’avenir du PAF. Alors que Médiamétrie redéfinit ce qui fait ou défait les succès télévisuels, restera-t-il assez de place pour la qualité quand le sensationnel semble régner en maître ?

Solène Gautier

Sources

  1. « Nouveau calcul des audiences : pourquoi vous n’en avez pas fini avec le buzz à la télé », Le Parisien, 14-04-2024,
  2. « La mesure d’audience de la télévision, c’est quoi? », Médiamétrie
  3. « Social TV : un vivier d’opportunités pour les annonceurs », Ruche & Pollen
  4. « Que sont les bulles de filtre? », 50A

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