Les formats courts : une nouvelle lubie pour les producteurs de contenus

Les formats courts : une nouvelle lubie pour les producteurs de contenus

 

Investissement dans les formats courts

 

Dans une société dominée par le culte de l’urgence, prendre un moment pour regarder un épisode de 50 minutes est devenu difficile. En effet, si les séries de format 50 minutes comme Game of Throne ou Stranger Things séduisent encore le public, la production de séries de format courts (20-30 minutes maximum) et adaptées aux smartphones/ tablettes, est exploitée et de plus en plus privilégiée.

 

En 2016, le groupe Vivendi annonce la création de Studio +, filiale de Canal + offrant des séries premium de format 10×10’. Parmi les séries phares, T.A.N.K ou encore Crime Time nommées au Luchon festival cette année.

 

 

Lancé un an plus tard par le cofondateur du site de musique en ligne Deezer et par le cofondateur d’Allociné, Blackpills est également un service de vidéo à la demande en streaming qui produit et distribue des contenus de formats courts destinés en priorité aux mobiles.

 

L’émergence de ce nouveau mode de consommation de séries a pour objectif de s’adapter à la génération Z, née avec internet et les réseaux sociaux et donc ultra connectée.

Outre Studio + et Blackpills dont les contenus sont essentiellement de courte durée, de plus grands acteurs commencent à investir dans ce type de format et parmi eux : les redoutables GAFA.

Amazon, le géant du net le plus avancé dans ce secteur avec son offre Amazon Prime Vidéo, cartonne avec deux séries : Transparent et Mozart in the Jungle. Les épisodes de ces séries durent entre 20 et 30 minutes, et le renouvellement de saisons témoigne de l’appétence des abonnés aux formats courts.

 

Apple se lance également dans la production de séries, et coopère actuellement avec Hello Sunshine, la société de production de Reese Witherspoon afin développer une comédie dirigée par Colleen McGuinness (30 Rock et Friend from College), dont les épisodes dureront approximativement une demi-heure.

 

Suivant la tendance, Facebook a annoncé courant 2017 vouloir faire son entrée sur le marché de la Vidéo à la Demande et souhaite privilégier deux types de formats pour sa plateforme « Watch » :

  • Les séries de 10 minutes
  • Les séries de 30 minutes

 

Facebook privilégie la cible des Millennials, à savoir pour les jeunes entre 14 et 35 ans.

Sacred Lies, adaptation d’un conte des frères Grimm est développée par le géant qui travaille en collaboration avec des membre de l’équipe de True Blood (HBO). La série sera composées de 10 épisodes, et chacun aura une durée de 30 minutes.

L’acquisition de Youtube par Google en 2006 témoigne de la volonté de l’entreprise d’investir dans les contenus. Mais plus récemment, Google est allé encore plus loin en annonçant en 2015, le lancement de la plateforme YouTube Red qui a pour objectif d’offrir une meilleure expérience aux internautes qui le souhaitent en fournissant des vidéos sans publicité.

YouTube Red produit aujourd’hui de nombreuses séries originales et qui ont pour particularité de durer au maximum 30 minutes, à l’exception du drame « Step Up : High Water ».

YouTube Red mise donc entièrement sur des contenus à formats courts et vise, à l’instar de Facebook, une cible très jeune située entre 14 et 35 ans. Une dizaine de séries originales de court format sont attendues en 2018.

 

Enfin, considéré comme le « N » de GAFAN, Netflix investit également de plus en plus dans la production de contenus courts. Début 2018, l’entreprise référente en matière de Vidéo à la Demande a lancé deux nouvelles séries avec des épisodes de courte durée, à savoir 25 minutes : The End of a Fucking World et Everything Sucks !

 

L’intérêt pour ce type contenu est également illustré par la restructuration des studios de cinéma témoignant de l’appétence pour ce nouveau format. En effet, les grandes Majors américaines développent des entités au sein de leur structure, entièrement dédiées au digital et a fortiori a des contenus de durée plus courte.

En octobre 2014, la Warner Bros créé Blue Ribbon Content une filiale entièrement consacrée aux contenus digitaux.

Lancée en décembre 2015, Super Deluxe est l’entité digitale de la société Turner Broadcasting system, et produit essentiellement des contenus courts. A l’instar de ces concurrents, la Fox, récemment rachetée par Disney, produit des séries de courts formats avec sa filiale la Fox Digital Studio.

Enfin, notons également que les agences de talent situées à Los Angeles, comme WME ou CAA, incitent leurs talents vers la création de formats courts.

 

Si l’investissement grandissant dans les programmes courts est indéniable, s’agit-il d’une réponse à la demande des spectateurs ou d’un besoin des entreprises ? Probablement un peu des deux.

 

La production de contenus de courte durée est nettement moins cher que la production de séries dont les épisodes durent 50 minutes. Les « mini séries » sont donc perçues comme un moyen de produire des contenus à couts moins importants. Par ailleurs, si les couts de production sont réduits, alors ils peuvent être réinvestis pour produire d’autres contenus et ainsi de suite : la rentabilité est à son maximum. La production devient donc massive, mais reste-t-elle qualitative ? La question reste entière. Les séries de 50 minutes par épisode sont encore celles qui connaissent le plus de succès, probablement car elles permettent une profondeur tant dans les personnages que dans l’histoire qu’une série courte n’offre pas.

 

En outre, la production de contenus n’est pas le cœur de métier des GAFA. Effrayés par l’émergence et l’importance grandissante de Netflix, ceux-ci investissent dans un secteur qui leur est étranger, avec des moyens démesurés (Apple mise environ 1 milliard de dollars sur la production de contenus). S’ils peuvent se permettre de mettre le prix et de s’entourer pour cette nouvelle activité, ils risquent de se retrouver dépasser. Ne s’improvise pas producteur qui veut !

L’appétence pour les formats de courte durée est la conséquence de plusieurs réalités : le culte de l’urgence, une adaptation aux nouveaux supports (smartphones et tablettes), et la rentabilité des programmes courts par rapport aux séries 50 minutes.

 

 

Quand les séries digitales sont adaptées par la télévision

 

Et si la solution n’était pas de mettre ces deux types de format en compétition mais de les rendre complémentaires ?

En effet, en adaptant des séries de court format, ou des Web séries, les chaines ou service de VOD s’assurent d’une base solide de fans, et d’une notoriété préexistante de la série.

C’est la stratégie adoptée notamment par Netflix qui adopte Osmosis, une série française diffusée durant l’été 2015 sur le site d’Arte. Il s’agira de la seconde série française de Netflix. De la même façon, le network américain CBS vient d’annoncer la commande de « I Mom So Hard », un projet basé sur la websérie portant le même nom. La production a été confiée à Rob Thomas (Véronica Mars).

Suivant cette tendance, HBO n’a pas dérogé à cette quasi-règle et a décidé d’adopter Brown Girls, l’histoire d’une amitié entre deux femmes de couleur ayant grandi dans des milieux très différents.

 

De compétition serions-nous en train de passer à collaboration ?

 

Mathilde Potier

 

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