Frankenstein, Wake Up Dead Man… Ces films qui ne sortent plus au cinéma : quelle stratégie ?

Depuis l’annonce du rachat de Warner Bros. par Netflix, l’inquiétude augmente pour les cinéphiles : les salles de cinéma disparaitront elles peu à peu au profit des plateformes de streaming toutes puissantes ? Frankenstein, Wake Up Dead Man, K-pop Demon Hunters… En 2025, les films ayant sauté la case exploitation en salles se sont multipliés, et les résultats sont au rendez-vous : ce dernier devient le film le plus vu de l’histoire de Netflix, avec 236 millions d’heures de visionnages.

©K-pop Demon Hunters, Netflix

Un phénomène récent

Ce phénomène n’est pas apparu soudainement en 2025, mais s’est construit progressivement. Le premier film à être sorti directement et uniquement sur plateforme remonte à 2015 avec Beasts of No Nation de Cary Joji Fukunaga, produit par Netflix. Le film sort simultanément dans un nombre très limité de salles et sur la plateforme, provoquant un boycott massif de la part des exploitants américains. Deux ans plus tard, Netflix récidive avec Okja de Bong Joon-ho. Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes en 2017, le film obtient une forte visibilité critique, mais son modèle de diffusion reste marginal et controversé. À ce stade, cette stratégie demeure l’exception plutôt qu’une norme.

Comme pour beaucoup d’autres phénomènes, le véritable tournant s’opère suite à la pandémie de Covid-19. La fermeture prolongée des salles pousse les studios à revoir leurs stratégies de sortie, notamment Warner Bros. qui annonce en 2021 que l’ensemble de ses films sortiront simultanément en salles et sur sa plateforme HBO Max.

Depuis, cette pratique est devenue de plus en plus courante, et permet à certains films, comme le récent Frankenstein de Guillermo del Toro, de toucher et plaire à la fois au grand public et aux plus cinéphiles, pourtant plus attachés à l’expérience en salle.

Un tel changement remodèle les manières de mesurer le succès. Le box-office n’est plus l’unique indicateur central : Il est progressivement remplacé par le nombre de visionnages, les heures vues et la présence dans les Top 10. Ces mesures deviendront-elles la nouvelle norme ? Fini les millions d’entrées ou les centaines de millions de dollars au box-office, au profit des millions d’heures de visionnages, ou de top 1 mondial pendant x jours consécutifs ?

 

Et la chronologie des médias ?

Minute ! Qu’en est-il de la sainte chronologie des médias ? Ces films bénéficiant tout de même parfois d’une petite sortie salle ne devraient-ils pas patienter entre 6 et 17 mois avant de débuter leur carrière sur plateforme ? 

Et bien non, pas forcément. Cette règle qui a été pensée pour protéger l’exploitation en salles et soutenir le modèle de financement du cinéma français ne s’applique pas à toutes les productions.

Les films produits par Netflix, comme K-Pop Demon Hunters ou Frankenstein, échappent à cette réglementation car ils sont entièrement financés par la plateforme et demeurent sa propriété exclusive. Ils ne dépendent pas des aides du CNC et n’entrent pas dans le circuit classique du cinéma français. Dans le cas de Frankenstein, la sortie en salles a bien existé, mais elle était limitée et stratégique, visant surtout la visibilité médiatique, la reconnaissance critique et l’éligibilité aux prix, et n’a donc pas déclenché la chronologie des médias. C’est ainsi que Netflix peut mettre ses films en ligne quelques semaines seulement après leur projection.

© Frankenstein, Netflix

Pourquoi adopter cette stratégie ?

Une sortie en salles aurait pu générer un fort revenu via le nombre d’entrées, surtout pour des gros films américains qui séduisent souvent le public français. Alors pourquoi ce choix de s’en passer ? Car cette stratégie a bien sûr plusieurs avantages. 

La première est évidemment une réduction de coûts : plus besoin de campagnes publicitaires massives dans les cinémas, fini les divers frais de distribution. Mais les avantages ne s’arrête pas là : une sortie mondiale simultanée devient plus facile à opérer, ce qui maximise l’impact médiatique et limite le piratage. Elle offre également une maîtrise totale du calendrier, sans contrainte des périodes de forte affluence ou des semaines creuses au box-office. Enfin, une telle stratégie permet de toucher une cible difficilement atteignable au cinéma : le public qui se déplace peu. Pourquoi se rendre en salles quand la dernière nouveauté est disponible en un clic chez soi ? Résultat : des nombre de visionnages qui auraient eu du mal à égaler le nombre d’entrées, une stratégie qui répond ainsi à l’évolution des habitudes de consommation.

Quels risques pour l’exploitation française ?

Bien sûr, cette stratégie est plus agréable du côté du producteur et de la plateforme que de celui de l’exploitant, qui perd la possibilité d’enregistrer des entrées sur des films qui auraient pu rassembler un large public.

À plus long terme, le vrai risque réside dans le changement des habitudes de consommation du public. Si les spectateurs s’habituent à regarder les films depuis chez eux, l’incitation à se déplacer en salles diminue, surtout si l’exclusivité en salle n’est plus un argument. Cependant, ce phénomène reste pour l’instant limité. Comme nous l’avons vu avec la chronologie des médias, seuls certains films respectant des conditions précises échappent à la réglementation, ce qui tempère les effets sur l’ensemble de l’exploitation française.

Alors… le rachat de Warner par Netflix : un risque ?

Depuis l’annonce du rachat de Warner Bros. par Netflix, beaucoup de fans et de professionnels s’inquiètent d’une concentration accrue du pouvoir dans l’industrie, craignant que Netflix privilégie désormais les sorties plateformes pour tous les films Warner. Alors, fini les grandes sorties salles ? Il est encore trop tôt pour pouvoir répondre avec certitude, mais, rassurons-nous pour le moment, Ted Sarandos, le patron de Netflix, a affirmé « ne pas vouloir renoncer aux sorties en salles pour les films Warner Bros ». Pour le moment, le modèle hybride semble privilégié et pourrait permettre de concilier salles et streaming.

Oui, vous devriez pouvoir voir le dernier volet de Dune sur grand écran. Pas de panique.

VANDEL Castille

Sources :

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