La Chine à l’heure du Big Data

Fin septembre 2016, la chine a présenté une mesure pour le moins surprenante : « Internet Plus ».
Cette dernière, basée sur le Big data et les données des citoyens chinois, viserait à développer un système de « crédit social »  afin de construire une culture de « sincérité » et une « société harmonieuse ».

L’idée étant de collecter, toutes les données disponibles en ligne des entreprises et des citoyens chinois afin de les exploiter pour créer des profils et ainsi, leur assigner une note. Celle-ci évaluera à quel degré de confiance afin de savoir s’il sont dignes ou non. Les non-contrevenants à cette mesure pourraient se voir fortement sanctionnés. En effet, le gouvernement prévoit de mettre en place un système de malus pour des infractions telles que les tentatives de triche aux impôts, le non-respect des règles de signalisation, ou encore la violation de la règle de l’enfant unique.

Cependant, les mesures provisoires pour tester ce nouveau système soulèvent beaucoup de questions quant à sa mise en œuvre et à sa portée. Premièrement, on pourrait se demander quels sont les critères les plus pertinents pour noter un citoyen, quelles institutions effectueront la notation, quel sera l’impact de ces notes sur les activités professionnelles des chinois ainsi que sur leur vie en général et qu’arrivera t-il en cas de piratage.
Un élément clé de ce nouveau dispositif consistera à classer les notes dites «  traditionnelles  » et à ajouter par-dessus d’autres points issus des datas récupérées.
Crédit Sésame, un affilié du géant de l’e-commerce chinois Alibaba, enquête actuellement sur les habitudes de consommation on-line des chinois et, si les utilisateurs le consentent, affiche leur niveau d’études et leur casier judiciaire. Les entreprises et certaines professions telles que les avocats, les comptables, les enseignants et les journalistes recevraient alors un examen plus attentif de leur comportement professionnel.
Les gens se voyant attribuer une note élevée peuvent recevoir des récompenses sous forme de privilèges, tels que l’ accès à une file prioritaire avec des inspections de sécurité plus rapides à l’aéroport de Beijing ou encore la possibilité de louer une voiture ou un vélo sans laisser de dépôts.
Ce système est actuellement en phase de test dans un quartier de Shanghai, où une base de données recueille tout un tas d’informations sur le comportement des habitants.
Un exemple récurant de fraude commerciale en chine est le non-respect des règles sanitaires. Un système de contrôle est actuellement testé grâce à des écrans tactiles situés dans tous les restaurants du quartier de Shanghai mentionné plus haut. L’expérience a mis en lumière quelques-unes des limites de ce système de crédit social : en effet, dans certains restaurants, l’écran tactile a été délibérément masqué – parce que le classement sanitaire du restaurant avait été abaissé à tort, sans que l’erreur ne soit corrigée.
L’expérience a déjà rencontré de vives critiques. Le comté de Suining, dans la province de Jiangsu, teste également ce système en accordant à ses citoyens des points de bonne conduite, mais également des malus pour mauvais comportement comme par exemple le fait de participer à des grèves, conduire en état d’ébriété, payer un pot-de-vin ect…

Les citoyens sont classés selon quatre niveaux allant de A à D. Bien que les classifications A à D ont été abandonnées après que les citoyens s’y soient opposés, les notes sont toujours actives dans une base de données.
Un rapport publié dans le Washington Post a déclaré qu’une note impliquant une perte de points pourrait déterminer « si vous pouvez emprunter de l’argent, inscrire vos enfants dans les meilleures écoles, voyager à l’étranger, louer une chambre dans un hôtel de luxe ou encore un siège dans un restaurant cinq étoile.  Il ajoute qu’un site de rencontres en ligne « encourage les utilisateurs à afficher leurs scores de crédit sésame pour attirer des partenaires potentiels. »

Le Global Times quand à lui qualifie l’expérience de Suining de « feu de paille » qui a rencontré des réactions publiques violentes et qui doit constituer un avertissement fort pour les autorités chinoises. L’inclusion des idées politiques qui n’a rien à voir avec la logique de crédit a conduit à la nécessité d’une révision et suggère que le système doit être « méticuleusement restreint ». Il conclut que la mise en place d’un système de crédit » a besoin de plus de réflexion pour réussir une intégration à faible risques politiques et économiques.  »
Nous n’avons toujours pas vu à quel point la portée de ce système pourrait être large et comment ses procédures peuvent être définies. Sa mise en place a été énoncée dans un document émis par le « Comité central du Parti » et « le Conseil d’Etat ».

Un tel dispositif mobiliserait donc tous les organismes gouvernementaux et la société dans son ensemble. Notons que ce système d’analyse et d’exploitation des données pour classifier les personnes remet totalement en question l’apport d’internet pour les sociétés contemporaines d’aujourd’hui. Si d’aucuns voient dans le big data un moyen d’améliorer l’expérience de marque et le ciblage publicitaire, la réalité nous prouve que des questions de sécurité et de surveillance globale se posent. Pour aller encore plus loin, nous pouvons clairement parler d’ethnique et d’atteinte à la vie privée. Mais quid de la vie privée à l’heure ou ce terme est mis à mal quotidiennement par les données que nous laissons sur le web.

Dans une période où le développement économique chinois a élargi la liberté personnelle pour beaucoup de citoyens, l’État chinois semble paranoïaque à l’idée d’une perte de pouvoir et de contrôle de sa population intérieure. Utiliser le big data pour contrôler la population montre encore une fois que la frontière entre la fiction de george orwell dans son roman 1984 et la réalité s’amenuise d’année en années.

 

Loïc Gentilini

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