ANALYSE – Le format TrueView ou le défi des 5 secondes : une limite créative pour la publicité digitale ?

198 millions, c’est le nombre d’internautes qui utilisent aujourd’hui les bloqueurs de publicité sur Internet, selon le rapport PageFair 2015. Un constat alarmant qui témoigne de l’agacement des utilisateurs et d’une saturation massive de l’attention pour une publicité souvent jugée trop intrusive voire polluante. Ces chiffres sonnent aussi la rupture d’un contrat implicite, celui de l’accès gratuit aux contenus par les internautes contre de la publicité et annoncent dès lors la fragilisation de l’écosystème digital. Alors que les usages basculent sur le numérique et face à un internaute de plus en plus exigeant, les éditeurs et les hébergeurs de contenu doivent réfléchir à construire un dispositif réconciliateur entre annonceur et consommateur. En d’autres termes, la créativité publicitaire doit être pensée au service de l’expérience utilisateur et les formats publicitaires, même les plus courts, comme autant de défis créatifs pour les agences de publicité. Deux études de cas, illustreront les possibilités créatives de la publicité digitale autour du format TrueView de YouTube.

Le format TrueView de Youtube

Plus que jamais, regarder la publicité relève d’un choix : dans le cas des vidéos TrueView de YouTube, ce choix se matérialise par le fait de cliquer ou non sur le bouton « Skip Ad ». Les 5 premières secondes sont décisives pour les marques. Passé ce temps là, le choix est donné aux utilisateurs de stopper ou de poursuivre le visionnage de la publicité avant la vidéo souhaitée. Un jugement décisif puisque le coût par visionnage n’est facturé aux annonceurs que si l’internaute visionne 30 secondes de l’annonce (ou son intégralité si elle dure moins de 30 secondes). Outre les algorithmes ou le travail sur la donnée, les agences devront surtout redoubler de créativité pour conserver l’attention de l’internaute jusqu’au bout tandis que les services de streaming vidéo comme YouTube devront tout faire pour satisfaire les annonceurs. La richesse du contenu est donc primordiale pour ces différents acteurs, presque plus que les nouveaux dispositifs de ciblage artificiels.

Le cas Mini : une campagne interactive et ludique pour un espace publicitaire dynamique et profondément engageant

Il existe aujourd’hui des agences qui innovent et créent autour des mécanismes de YouTube. La dernière campagne du constructeur automobile Mini en partenariat avec l’agence Kinetic en est un bon exemple. Quoi de plus fédérateur que le jeu pour réconcilier internautes et annonceurs ? L’idée est de rendre l’attente des 5 secondes sur YouTube moins pénible et ennuyante en détournant le bouton « Skip Ad ». Dans ce mini-jeu, l’internaute devra cliquer au bon moment avant que la Mini John Cooper Works « la plus puissante de la gamme », ne franchisse l’écran. Un bon moyen de détourner les mécanismes de YouTube, tout en vantant les spécificités du modèle et en proposant aux consommateurs une expérience interactive et ludique.

Le cas TWIX : un appel à projet créatif qui prouve la puissance d’une alliance entre diffuseurs, agences, et annonceurs

Si pour les annonceurs l’attention de l’internaute est primordiale, YouTube doit aussi inciter ces derniers à communiquer sur sa plateforme. C’est ainsi qu’il s’est récemment engagé dans une stratégie publicitaire innovante avec un défi lancé aux agences du groupe BBDO Worlwide. Suite à un appel à projet de la marque TWIX, 10 films ont été produits en 48 heures au sein des YouTube Spaces de Londres, Los Angeles, New York et Sao Paolo. Les vidéos ont ensuite été testées sur trois marchés (Etats-Unis, Royaume-Uni et Pays-Bas). Les critères de jugement ? « Leur capacité à générer des vues et à être remémorées, via le modèle TrueView de YouTube ». 5 secondes pour convaincre, et un jugement sans appel puisque conformément à ce type de vidéo, les internautes avaient le choix de passer ou non ces vidéos. Pour mesurer l’impact de chaque publicité, les utilisateurs ont ensuite répondu à un questionnaire. Dans un article, le site L’ADN fait le bilan de l’opération et montre que « 90% du contenu produit figurait parmi le top 50 des publicités YouTube testées depuis le lancement de Brand Lift, l’outil de mesure de Google. Par ailleurs, TWIX semble avoir relevé le défi de dépasser la barrière de la géographie, puisque les performances sont sensiblement les mêmes selon les marchés testés ». Cette expérience montre d’une part que les vidéos TrueView peuvent être un excellent outil pour évaluer la qualité et l’impact d’une vidéo auprès des internautes et prouve d’autre part la puissance créative en un temps limité d’une alliance entre diffuseurs, agences, et annonceurs.

Aujourd’hui, la question de l’attention de l’internaute face à une publicité à laquelle il peut échapper est primordiale. Pour répondre à un rejet massif des spots publicitaires, les agences devront de plus en plus convaincre en un temps limité. Ces deux exemples montrent qu’en intégrant le consommateur en amont du processus de création comme testeur (cf campagne TWIX) ou au sein même du dispositif (cf campagne Mini), c’est-à-dire dans les deux cas en misant sur l’engagement de l’internaute, la marque, tout comme la plateforme vidéo peuvent espérer obtenir des retombées bénéfiques puisque le visionnage sera non plus imposé mais choisi… Si il est peu probable que l’internaute ait un jour à « skipper » des contenus afin d’accéder à des publicités comme l’imagine le groupe Publicis dans ses vœux 2016, ces campagnes incarnent les perspectives d’évolution prometteuses de la publicité digitale, de quoi redynamiser équipes créatives et éditeurs de contenu !

 

Soline Cuilliere

 

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