Data et programmatique : un couple gagnant ?

Face à une expérience en ligne extrêmement dégradée, la publicité programmatique se révèle être une perspective d’avenir intéressante. L’augmentation constante du taux d’équipement des adblockers en France pousse les annonceurs et les éditeurs à réinventer le modèle publicitaire en ligne. Ces dernières années IAB a avoué privilégier l’optimisation des revenus publicitaires et les outils de retargeting qui permettaient de conserver des CPM et CPC rentables. Cette stratégie a conduit à accroître la pression publicitaire sur les internautes qui sont maintenant plus de 30% à être équipés d’adblockers.

Depuis 2015, IAB fait marche arrière et Scott Cunigham prêche pour un standard publicitaire dit « LEAN », plus léger, moins intrusif qui laisse le choix aux internautes. Aujourd’hui éditeurs et annonceurs tentent de se renouveler en pariant sur des formats innovants, la brand utility et la personnalisation de la publicité. L’association du big data et l’évolution de la publicité programmatique sont les deux éléments essentiels de cette transformation. La France est l’un des pays prescripteurs en termes de ventes d’annonces automatisées, fin 2016, les ventes mobiles représentent 43% des ventes annuelles soit 239 millions et une croissance de plus de 60%. Cette tendance continuera de se renforcer, emarketer estime à 518 millions de dollars les dépenses en programmatique en 2018. Le couple data programmatique est au coeur de cette évolution réussie.

Du marketing de masse au marketing à la performance

Le terme de programmatique désigne, dans le cadre du marketing digital, l’automatisation de l’achat et de la vente d’espaces publicitaires sur n’importe quel device.

La publicité ciblée, une révolution permise par le RTB sur Ad Exchange

La programmation RTB (real time bidding) que l’on pourrait traduire par « offres en temps réel » est comparable à une salle de marché boursier sur laquelle se vendent et s’achètent des espaces publicitaires en ligne. La vraie révolution intervient avec le modèle du Ad exchange : les transactions, qui s’effectuaient sur un Ad Network jusqu’à lors, ne concernent plus des espaces publicitaires mais des audiences. Ainsi, le même espace publicitaire n’est pas commercialisé aux mêmes personnes avec le même message : l’annonceur peut désormais cibler une audience. En effet, grâce à un logiciel de bourse en temps réel, l’annonceur propose des flux d’informations concernant la cible qu’il aimerait toucher et ne va payer que pour des audiences qui correspondent à ses critères. D’un autre côté, les éditeurs proposent des inventaires dont ils ont qualifié l’audience, plus cette dernière est connue et précise, plus elle peut être vendue chère aux annonceurs, il existe donc un véritable enjeu au de la donnée de l’audience.

En pratique, l’annonceur va contacter une agence (sauf s’il dispose d’une équipe marketing compétente en interne) qui utilisera une Demand Side Plateforme afin de fixer les paramètres de la campagne publicitaire (cible, budget etc.). C’est le DSP qui fera le travail en faisant automatiquement et en temps réel des offres d’achat d’impressions. Pour cela, il se connecte à un Ad Exchange, lui-même connecté à différentes Sell Side Plateform. Ces dernières permettent aux éditeurs de vendre leurs inventaires disponibles en automatisant leur gestion selon la stratégie qu’ils ont définie et d’optimiser leurs revenus publicitaires. La suite du processus se déroule de la façon suivante :

La programmatique RTB sur Ad exchange constitue une véritable révolution dans le domaine de la publicité digitale dès lors qu’elle offre l’opportunité à l’annonceur de cibler le bon client final en lui proposant une publicité personnalisée grâce à la data.

L’enrichissement des données, clef de voûte d’un marketing performant

Le véritable enjeu de la programmatique c’est la data. La prise de décision en temps réel de répondre à l’achat ou non d’un espace publicitaire repose toujours sur les données. La data s’avère donc être la clef de voûte du marketing digital : l’annonceur cherche à atteindre la bonne cible, l’éditeur cherche à maximiser la donnée et le prestataire veut faire du profit grâce à la valeur de sa revente dans les ad exchange. Il existe plusieurs formes de collecte de données : celles concernant l’individu lui-même (formulaires, life logging, cloud etc.), celles concernant d’autres individus connectés au premier (liens, commentaires, contacts), les traces (données de navigation implicites ou explicites, cookies, tags, logs) et les collecteurs historiques (CRM, achat de bases de données). Il faut néanmoins souligner que toutes les données des réseaux sociaux sont considérées comme des données personnelles par la loi française et leur utilisation est subordonnée au consentement de la personne (« opt-in »).

« L’Oréal, l’achat programmatique dynamise les ventes »

L’Oréal s’érige en véritable modèle de réussite  dans la transition du marketing de masse au marketing segmenté. En 2012, le groupe se lance dans la programmatique avec l’objectif d’optimiser les taux d’engagement de ses pubs grâce au ciblage des audiences. L’Oréal renonce donc à toucher un public le plus large possible mais tente de segmenter son audience pour mieux connaître les consommateurs et leur délivrer les bons messages au bon moment. La marque de cosmétique a relevé le défi avec  Shu Uemura qui ne parvient pas à atteindre sa cible sur le marché américain. Pour la campagne Shupette, L’Oréal désire développer la notoriété et intensifier les visites du site Shu Uemura.

La première phase de l’opération consistait à identifier l’audience existante grâce à Google Analytics Premium et Double Click Bid Manager. Cette étape cruciale a permis d’acquérir de nouveaux prospects grâce aux annonces ciblées sur les réseaux sociaux et le display.

L’acquisition correspond à la seconde phase, pour ce faire Shu Uemura utilise DoubleClick Bid Manager pour le remarketing de la gamme Shupette.

Grâce à sa data interne et l’achat programmatique, le chiffre d’affaires atteint le double des estimations, aux Etats Unis, le CPA va jusqu’à dépasser les objectifs à hauteur de 73%.

Cette opération montre à quel point data et programmatique sont indissociables pour une évolution vers la personnalisation de la publicité.

L’optimisation du budget marketing

L’automatisation de la vente et de l’achat de médias a conduit à une réduction du gaspillage et permis une plus grande optimisation des coûts et des opérations, selon les conclusions d’une enquête que l’IAB. Avant, l’annonceur devait définir un groupe cible, une série de critères, rencontrer une agence marketing en mesure d’identifier les éditeurs pertinents pour l’affichage et seulement quelques semaines plus tard un contrat était signé. Le processus était lent et inefficace en matière de ciblage. Avec le traitement automatisé de la data au sein d’une DMP et un échange en temps réel sur un Ad exchange, les entreprises font des économies : d’une part parce qu’elles évitent le recours à des acteurs payants et parce qu’elles optimisent leur marketing. En effet, dès lors que les annonceurs achètent une audience qualifiée ils offrent une publicité personnalisée directement au client final avec la possibilité de retargeter, redimensionner. Ils économisent ainsi le budget marketing alloué initialement à la masse dont la plupart est désintéressée du produit.

Une alternative qui séduit :

Selon l’étude de l’IAB susmentionnée, une majorité d’acteurs de l’industrie de la publicité déclare avoir adhéré aux méthodes programmatiques de vente et achat média. 900 acteurs parmi annonceurs, agences et éditeurs, situés dans 29 marchés différents ont été interrogés dans le cadre de cette étude : seuls 8% des éditeurs, 13% des annonceurs et 7% des agences interrogées ont déclaré ne pas avoir recours au programmatique. 90% des professionnels interrogés affirment vouloir augmenter les investissements dans ces méthodes dans les 12 mois prochains.

Selon l’agence IPG MediaBrands, la publicité programmatique devrait représenter près de 33 milliards d’euros en 2019. Elle constitue d’ores et déjà près de 40% du display, qui lui-même représente, rappelons-le, environ un tiers de la publicité digitale (un marché toujours dominée par le search).

 Data et programmatique : un couple inséparable

Il y a encore quelques années l’achat en programmatique avait mauvaise presse parce qu’il servait principalement à écouler les espaces invendus des éditeurs. Le programmatique n’est pas tout à fait débarrassé de cette image « d’achat media low cost » qui pose la question de  brand safety. Pourtant, la rencontre entre data et programmatique permet d’améliorer l’expérience d’achat automatisé pour l’annonceur. Ce dernier a la possibilité d’affiner ses acquisitions, il n’achète plus uniquement des impressions, mais bien des profils de consommateurs sur lesquels il collecte des informations. Selon Béatrice L’hospitallier, directrice data du groupe Les Echos-Le Parisien, cette évolution permet aux annonceurs de sortir du modèle de performance et d’utiliser le programmatique pour des opérations de branding afin de profiter d’audience qualifiée. Mutualiser les données acquises par les annonceurs et les éditeurs ouvrent également le champ des possibles et donne le pouvoir de détecter les jumeaux marketing qui sont similaires aux audiences déjà identifiées et susceptible d’avoir les comportements d’achat identiques.

D’autre part, la data est synonyme de fiabilité pour les annonceurs. Les annonceurs ont longtemps été réticents à investir dans l’achat programmatique pour des raisons de brand safety mais aussi à cause des phénomènes de fraudes aux impressions. Les bots auraient coûtés 6,3 milliards de dollars en 2015 aux annonceurs pour des pubs qui n’ont jamais été visibles par les internautes. Aujourd’hui, Sophie Poncin affirme que les réticences des annonceurs se font moindres et laissent place à une approche très qualitative.

 

  Anouar Lmabrouk

@anouar_smh

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